(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1413) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
La séance est ouverte.
Il est procédé au tirage au sort des sections du mois de mai.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Pomier, capitaine pensionné, demande que les officiers qui sont entrés au service à un âge avancé soient pensionnés dans les limites établies par la loi. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Chimy, ancien militaire, demande une gratification. »
- Même disposition.
« Le sieur Guillaume Snelleman. commissionnaire en tabac à Anvers, né à Rotterdam (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des habitants de Lombeek-Sainte-Catherine demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »
- Renvoi à la commission des pétitions pour le mois de mars.
« Des électeurs à Braives demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »
- Même renvoi.
« Le sieur Verbruggen demande que son fils Jean-Baptiste, qui n'a point tiré au sort pour la milice, puisse obtenir le certificat d'exemption qu'il doit produire à l'état civil. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Soignies prie la chambre d'accorder à la société Houdin la concession d'un chemin de fer destiné à réunir la ville de Gand au pays de Charleroi. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Léopold Stein, antiquaire, à Bruxelles, né à Schwebheim (Bavière), demande la naturalisation ordinaire.»
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Il est fait hommage à la chambre par MM. Houdin, Lambert et compagnie, de 108 exemplaires d'un mémoire sur un chemin de fer à établir entre Marchiennes et Ninove, avec embranchement sur Lobbes et formant la jonction des Flandres et du Hainaut. »
- Distribution aux membres de la chambre.
M. Jacques. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi contenant prorogation de la loi du 24 mai 1848 sur l'entrée des machines, mécaniques, etc., en Belgique.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la chambre le met à la suite de l'ordre du jour.
M. Julliot. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un bulletin contenant deux projets de loi de naturalisation ordinaire.
- Ces.projets de loi seront imprimés et distribués. La chambre les met à la suite de l'ordre du jour.
M. Vander Donckt. - Messieurs, aux nombreuses demandes qui vous sont parvenues dans le courant de votre session actuelle pour obtenir la révision de la loi sur le notariat, est venue se joindre celle des notaires de troisième classe de l'arrondissement de Gand. Ils disent que depuis que le système de centralisation s'est développé d'une manière si désavantageuse pour les localités du plat pays, la distinction des notaires en trois classes devrait disparaître ; que, par cette distinction, les notaires des première et deuxième classes sont énormément privilégiés au détriment de leurs confrères de la troisième classe ; que c'est en général dans les grands centres de population que se traitent les affaires importantes et les grandes successions ; que c'est là qu'habitent les propriétaires et que résident les notaires des deux premières classes ; que sur vingt successions ouvertes à la campagne il n'en est pas une immobilière.
Que depuis que la loi du 25 ventôse an XI a distingué les notaires es trois classes, les circonstances ont totalement changé, surtout dans les Flandres.
Car, à cette époque les propriétés étaient très divisées et possédées en partie notable par les habitants des campagnes qui les exploitaient tandis que la règle générale d'autrefois est devenue la rare exception. Aujourd'hui que les dix-neuf vingtièmes des biens immeubles appartiennent aux habitants des villes, cette distinction des notaires en trois classes, disent-ils, n'est ni juste, ni équitable ; elle laisse subsister un privilège qui n’est plus dans nos mœurs et que rien ne justifie.
Ils estiment que, dans l'intérêt général, il ne faudrait admettre dans la loi qu'une seule classe de notaires d'arrondissements judiciaires, en d'autres termes maintenir la deuxième classe et supprimer les deux autres classes.
En terminant, ils expriment le vœu que la chambre daigne aborder ce projet de loi dans sa session actuelle.
Votre commission, messieurs, en présence des paroles bienveillantes prononcées par M. le ministre de la justice à propos de demandes semblables et de la promesse formelle de présenter un projet de loi sur cette matière qui est aujourd'hui à l'étude, a cru devoir se borner à vous proposer le renvoi de la présente requête à M. le ministre da la justice.
M. Lelièvre. - A l'occasion de la pétition en discussion, j'appellerai l'attention du ministre de la justice sur la nécessité de réviser les lois du notariat relativement au tarif des honoraires des notaires. L'arrêté ministériel de décembre 1851, allouant aux notaires trois francs pour certains actes, y compris le salaire de l'expédition, introduit une ordre de choses contraire à toute justice. Il est essentiel que les notaires ne perçoivent pas des honoraires exorbitants ; mais d'un autre côté il est impossible de laisser subsister une disposition en vertu de laquelle des notaires qui sont forcés de se déplacer ne reçoivent qu'une rémunération dérisoire.
J'appelle donc sur cet objet l'attention du gouvernement qui s'occupera sans doute, dans le plus bref délai, des lois concernant le notariat.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. de Ruddere, rapporteur. - « Messieurs, par pétition sans date, les sieurs Jacobs, Missel et autres membres de la commission provisoire de l'association générale des carabiniers belges, prient la chambre d'autoiiser le gouvernement à donner à cette association un subside qui la mette à même de pouvoir organiser convenablement ses concours ; ils exposent que le but de cette société est de former un nombre considérable de tireurs habiles qui pourraient, en cas d'attaque, concourir efficacement à la défense du territoire ; ce serait à l'instar des anciennes chartes de nos sociétés d'archers, d'arbalétriers, d'arquebusiers de la Belgique ; les anciens sergents s'obligeaient en cas de guerre à fournir au souverain un certain nombre d'hommes experts dans ces divers exercices ; d'après leur règlement qui est joint à la requête, ils se placent sous le patronage du Roi, et l'association générale des carabiniers belges se compose :
« 1° Des membres des différentes sociétés de tir ;
« 2° Des membres des compagnies des chasseurs-éclaireurs de la garde civique ;
« 3° Des amateurs qui consentiraient à payer la cotisation déterminée à l'article 2 qui est fixée à cinq francs par an.
« Ils exposent que l'association a pour but de réunir les sociétés et les amateurs de tir à la carabine du royaume à un grand tir national qui aurait lieu annuellement et successivement dans chaque chef-lieu de province, de resserrer par ce moyen les liens de confraternité qui doivent unir tous les Belges et de former un nombre considérable de tireurs habiles ; à cet effet, ils sollicitent un subside du gouvernement pour pouvoir organiser convenablement ces concours. »
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - M. le ministre des affaires étrangires se rallie-t-il aux amendements proposés par la section centrale ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Oui, M. le président ; je me suis mis d'accord avec M. le rapporteur.
M. le président. - En conséquence, la discussion s'établit sur le projet de la section centrale.
La discussion générale est ouverte. La parole à M. de Muelenaere.
M. de Muelenaere. - Messieurs, depuis un quart de siècie l'industrie belge a fait d'immenses progrès. Mais le commerce d'exportation, bien qu'il ne soit pas demeuré stationnaire, est loin d'avoir suivi la même impulsion. Ce qui lui manque, c'est l'esprit d’entreprise. Notre production manufacturière excéde de neaucoup les besoins de la consommation, et les débouches extérieurs lui font souvent défaut.
il est du devoir du gouvernement d'essayer, dans la sphère de ses (page 1414) attributions, les efforts les plus soutenus et les plus intelligents, pour communiquer un peu plus d'essor et d'initiative au commerce maritime.
N'existe t-il pas, dans diverses contrées du globe, des marchés qui offriraient à nos produits manufacturés des avantages plus ou moins considérables, si nos intérêts commerciaux, dans ces parages, étaient convenablement représentés et protégés ?
Mon intention n'est pas de vous parler de l'établissement d'une société d'exportation. Le moment serait peu opportun pour discuter une conception de cette nature.
Je me bornerai à vous présenter quelques mesures d'un ordre secondaire, dont la réalisation peut avoir lieu immédiatement et n'imposerait au trésor aucun surcroît notable de dépenses.
Le commerce de la Belgique avec l'Afrique septentrionale est aujourd'hui presque nul. Cependant l'Angleterre, la France et l'Allemagne écoulent dans cette partie du continent africain une grande quantité de leurs produits manufacturés, en échange desquels les importateurs reçoivent des produits naturels de l'Afrique. Or, ces marchandises sont similaires des nôtres ; nous les fabriquons aussi bien que les autres nations et nous pouvons, je crois, les livrer au même prix. Ce sont des armes, de la coutellerie, des clous, des verres à vitre, des papiers, des tissus de laine, de coton et de lin.
L'empire du Maroc prend annuellement en Europe des marchandises pour une valeur de 7 à 8 millions de francs, et ces marchandises lui sont fournies presque exclusivement par l'Angleterre et la France. Pourquoi nos fabriques ne pourraient-elles pas obtenir une part assez large à l'approvisionnement d'un marché où nous sommes à peine connus et que d'autres peuples savent si bien mettre à profit ?
La régence de Tunis fait aussi avec l'Europe un commerce qui n'est guère moindre que celui de l'empire du Maroc. Nos relations commerciales avec cette régenre sont également insignifiantes. C'est encore une fois l'Angleterre et la France qui exploitent cette contrée, où l'Autriche, en ce moment, tente de leur faire la concurrence. Je pense que la Belgique ferait sagement, à l'exemple de l'Autriche, de chercher une place convenable sur le marché tunisien.
Enfin, la régence de Tripoli entretient avec l’Europe un commerce dont la valeur, pour les importations et les exportations réunies, ne représente pas moins qu’une somme de 8 à 10 millions par an.
Pour les marchandises que je viens de citer, ce n'est pas l'intelligence qui manque à nos fabricants et à nos industriels. Il est plusieurs de ces produits dans lesquels leur supériorité est incontestable. On m'assure même que la différence relative du prix de revient est en leur faveur et la législation intérieure ne nous oppose là aucun obstacle sérieux.
Quelle est donc la cause réelle pour laquelle nous restons pour ainsi dire exclus des marchés des Etats barbaresques ?
N'est-ce pas l'absence d'agents nationaux et rétribués, l'absence d'agents actifs et intelligents possédant surtout la connaissance pratique de la langue du pays où il sont accrédités, d'agents qui, ne pouvant se livrer à des opérations pour leur propre compte, n'ont d'autre intérêt ni d'autre ambition que de protéger le commerce belge et de favoriser son développement sur une vaste échelle ?
Par des considérations qu'il est superflu de déduire ici, la régence de Tripoli semble appelée, comme dans les siècles passés, à redevenir bientôt, dans la Méditerranée, l'entrepôt des marchandises destinées au Soudan. Sa position rapprochée de la Nigritie lui assure une prépondérance incontestable sur Tunis, l'Algérie et le Maroc. Ces considérations n'ont pas échappé à l'attention d'autres gouvernements européens qui salarient à Tripoli et sur divers points de cette régence, des consuls nationaux. L'Angletere en compte jusqu'à quatre, parmi lesquels un consul général, dans la seule régence de Tripoli.
Quant à nos relations commerciales avec l'Egypte, le Moniteur belge nous a appris, il y a deux mois à peine, combien elles sont peu avantageuses, comparativement à celles des autres nations de l'Europe, combien elles sont loin d'avoir sur ce marché l'importance qui devrait leur appartenir par la perfection de nos produits manufacturés, perfection qui permet, en général, à nos fabricants d'entrer hardiment en lutte avec tous leurs rivaux.
Sur des expéditions sorties dans le cours de 1852 des ports d'Europe pour l'Egypte, consistant seulement en vêtements et autres articles confectionnes en laine et en soie, d'une valeur de plus de huit millions de francs, le contingent de la Belgique n'a pss excédé la modique somme de 110,000 fr., tandis que la France, est intervenue dans cette livraison au commerce d'Alexandrie, pour quatre millions, l'Angleterre pour trois millions et l'Autriche pour un million.
Le Moniteur nous dit encore que dans la même année (1852) l'Egypte avait demandé à l'Europe des papiers pour une somme de 350,000 fr. Or, savez-vous quelle a été la part de la Belgique dans cet approvisionnement ? De 4,500 fr.
N'est-il pas regrettable que nos fabriques de papiers, qui n'ont pas, que je sache, trop de débouchés, ne puissent pas se faire une place sur un marché qui paraît s'agrandir chaque jour ?
Le commerce général de l'Europe avec l'Egypte s'élève annuellement à une somme d'environ 90 millions de francs. L'établissement, qui semble prochain, d'un chemin de fer, destiné à relier la mer Rouge à la Méditerranée par la vallée du Nil, ne peut qu'imprimer une nouvelle et puissante impulsion à un mouvement d'échange déjà si actif et si considérable.
Là aussi la présence d'un consul national et rétribué me semblerait très utile, dans le but de donner à nos transactions commerciales avec l'Egypte tout le développement dont elles sont susceptibles, toute l'extension qu'elles pouvaient acquérir.
Il existe encore à l’extrémité de la Méditerrannée, non loin de l’Egypte, un autre marché qui ne me semble pas moins digne de fixer la sérieuse attention du gouvernement et de nos fabricants ; je veux parler de la Syrie. Par le port de Beyrouth, qui est aussi le port naturel de la populeuse et commerçante cité de Damas, la Syrie fait avec l’Europe des échanges dont l’ensemble n’est pas au-dessus d’une valeur de 15 à 20 millions de francs. C’est un aveu déplorable à faire, nous n’apportons rien sur les marché de la Syrie.
J'ai dit. en parlant de Tunis, que l'Autriche s'efforçait courageusement d'étendre ses relations commerciales en Afrique, par cette régence. Mais c'est particulièrement en Syrie que cette puissance déploie une remarquable activité pour faire arriver ses fabricats sur ce marché, que la Suisse exploite si habilement depuis quelques années. A l'instar de la France et de l'Angleterre, l'Autriche veut, à son tour, agrandir et développer son commerce en Orient et en Afrique. Elle comprend la grande importance de ces transactions et l'avenir qui leur est réservé.
Ncus avons lu très récemment, dons les journaux, que M. le baron de Bruck, fondateur du Lloyd autrichien, avait reçu la mission, en qualité d'internonce, de se rendre à Constantinople et de nouer avec le divan des négociations, ayant notamment pour objet la navigation du bas Danube, afin de faciliter ainsi aux produits de l'Autriche et des Etats confédérés, le transit par les possessions de la Sublime Porte.
L'industrie belge manque d'air et d'espace. Elle ne saurait s'alimenter par la seule consommation intérieure. Elle a besoin d'expansion, de s'étendre au-dehors, d'écouler son trop-plein. Au premier symptôme de la moindre crise politique ou commerciale, elle éprouve les plus cruelles perturbations.
Il est vrai que nous avons, autour de nous, à toutes nos frontières, de grands centres de consommation. Longtemps encore, ces marchés seront les plus précieux pour nous, et j'aime à croire que le gouvernement ne négligera rien pour les conserver ou les reconquérir. Les provinces les plus populeuses du royaume attendent avec une bien légitime impatience le résultat des négociations pendantes entre la Belgique et une grande puissance voisine et amie. Puisse ce résultat répondre à leurs vœux !
Mais cela ne doit pas empêcher la Belgique de porter ses vues plus loin. A l'exemple des autres nations, nos rivales en industrie, nous devons nous assurer à tout prix de nouveaux débouchés au-delà des mers. L'époque est essentiellement propice pour tenter de pareils essais, et un échec partiel ne doit pas nous décourager. C'est surtout en matière d'industrie et de commerce, que la persévérance est non seulement une vertu, mais une nécessité.
Les observations très succinctes que j'ai eu l'honneur de vous présenter, me paraissent démontrer, à la dernière évidence, qu'avec les échelles du Levant, les ports des Etats barbaresques et l'Egypte, nos relations ne sont ni ce qu'elles devraient, ni ce qu'elles pourraient être. Notre affligeante infériorité commerciale sur ces nombreux marchés ne tient peut-être qu'à notre apathie et à des causes auxquelles on peut aisément remédier. Pour ma part, je pense que des consulats, convenablement répartis et dont la gestion serait confiée à des nationaux actifs, capables et dévoués à la prospérité du pays, nous rendraient des services signalés. Les membres du corps diplomatique proprement dit sont impuissants pour s'acquitter d'une telle mission. Il nous faut des hommes qui, par leur position, puissent, sans aucun intermédiaire, entrer en relation directe avec le commerce de ces contrées lointaines.
C'est pour cela que, de l'aveu de tous ceux qui ont exploré ces parages, il semble d'une haute importance que nos agents, autant que possible, comprennent et parlent la langue fu pays, ou soient, par leurs études antérieures, en mesure de pouvoir, en peu de temps, acquérir la connaissance pratique de ces idiomes étrangers.
Si l'on a des doutes sur l'utilité, même directe, des consulats dans les Etats de l'Afrique, qu'on lise une brochure pleine de détails intéressante sur le commerce dans les Etats barbaresques et dans l'Afrique centrale, publiée à Bruxelles l'année dernière. Cette brochure nous apprend que chaque fois que les gouvernements sont obligés de faire des commandes d'armes, de draps, de machines, etc., c'est aux consuls européens qu'ils s'adressent.
C'est ainsi qu'un consul anglais a procuré aux armuriers de son pays une fourniture pour toute l'armée régulière de Tunis, forte de 25,000 hommes.
Le consul prussien en Egypte a obtenu du vice-roi, à l'occasion de l'établissement du chemin de fer d'Alexandrie au Caire, une fourniture de près de quatre millions de francs.
J'ose recommander ces considérations et ces faits à la sollicitude éclairée du gouvernement.
M. Osy. - Messieurs, il y a peu de mois, nous nous sommes occupés du budget des affaires étrangères pour l'exercice 1853 ; aussi, je ne compte pas m'étendre en ce moment sur nos relations diplomatiques et consulaires. Je ne parlerai pas non plus de nos affaires commerciales, parce que le gouvernement est en train de faire des traités de commerce avec deux puissances voisines. J'attendrai avec confiance et patience la conclusion de ces traités : je suis persuadé que nous obtiendrons un résultat favorable par la sollicitude du gouvernement.
Je dois dire cependant que le traite de commerce que la Prusse a conclu avec l'Autriche et la reconstitution du Zollverein pour douze ans, (page 1415) doivent amener, d'après moi, un grand mouvement d'affaires de la Belgique avec l'Allemagne. Je crois que le gouvernement ferait parfaitement bien de tâcher d'attirer le plus possible les affaires de l'Allemagne par la Belgique tant dans l'intérêt commercial que dans l'intérêt de nos chemins de fer.
Pour atteindre ce but, il me semble qu'il est plus que temps que le gouvernement songe à créer des relations très suivies, très productive avec les Etats-Unis. Il y a dix ans, nous avons voulu établir un service de bateaux à vapeur avec ce pays ; je ne dirai pas de quelle manière ce service a manqué, mais à cette époque nous étions tous d'accord que la Belgique devait faire un grand sacrifice pour obtenir des relations suivies avec les Etats-Unis ; nous avons accordé au gouvernement une somme de 400,000 fr. pendant quatorze ans pour tâcher d'obtenir un service à vapeur avec les Etats-Unis. Depuis dix ans, toutes les puissances ont fait des efforts inouïs pour étendre leurs affaires commerciales ; vous voyez ce que depuis deux ans on a fait en France.
Je crois qu'il est impossible pour la Belgique de rester inactive. Je ne sais s'il y a des propositions, mais je suis sûr que si le gouvernement voulait encourager l'industrie privée et faire comprendre qu'il ne serait pas éloigné de faire des sacrifices comme il y a dix ans, il lui arriverait des propositions avantageuses pour le pays. Pour moi je ne veux pas que le gouvernement organise une exploitation pour son compte.
J'ai dit là-dessus déjà mon opinion à propos d'un autre service qui est fait par le département des affaires étrangères ; je ne veux pas d'exploitation par l'Etat, je veux bien seulement consentir à ce qu'on accorde des subsides, parce que de cette manière nous savons jusqu'à quel point nous engageons le trésor, et nous ne sommes pas exposés à des pertes dont nous ne pouvons pas prévoir l'importance.
J'engage le gouvernement à examiner cette question, à la mûrir le plus tôt possible, car il y a là un moyen d'étendre considérablement nos relations avec l'Allemagne.
L'émigration de l'Allemagne vers les Etats-Unis est de plus en plus considérable ; plus nous faciliterons les expéditions par notre port, plus nous rendrons régulières les relations de notre pays avec les Etats-Unis, plus nous attirerons vers Anvers des masses d'affaires de l'Allemagne qui aujourd'hui se dirigent sur Hambourg ; car il n'y a pas de port mieux situé pour ces affaires que le port d'Anvers.
Or, le seul transport des émigrants est une affaire très considérable pour la Belgique ; non seulement il alimente le chemin de fer, mais il n'est pas un seul émigrant qui s'embarque sans faire des achats assez considérables dans notre pays. Il est temps que nous nous occupions sérieusement de cet objet ; j'espère que M. le ministre, avec l'activité que nous lui connaissons, mènera cette affaire à bien.
J'attirerai également l'attention de M. le ministre sur les nombreuses pétitions du conseil provincial et des communes riveraines de l'Escaut qui demandent qu'un service régulier soit établi pour les rives de l'Escaut.
Le conseil provincial engage beaucoup le gouvernement à faire construire un troisième bateau à vapeur pour le service des rives de l'Escaut.
Il n'y a maintenant que deux bateaux à vapeur pour ce service ; ils ne peuvent guère aller au-delà de la Tête de Flandre et le service de Tamise que nous avons voulu établir chôme le plus souvent, parce qu'il y a presque toujours un bateau en réparation et que l'autre doit faire le service de la Tête de Flandre ; de sorte que le service de Tamise est très irrégulier.
Le gouvernement devrait tâcher de livrer à l'industrie privée le service du passage de l'Escaut à la Tête de Flandre ainsi que tous le service des rives du fleuve.
On éviterait les pertes plus ou moins grandes que vous faites aujourd'hui, car le service de la marine de l'Etat coûte beaucoup plus cher que l'industrie privée. Si le gouvernement ne trouvait pas moyen de mettre en adjudication ce passage et la navigation de l'Escaut, je me rallierais à la proposition de quelques représentants des Flandres,de mettre 50 mille francs à la disposition du gouvernement pour la construction d'un troisième navire. Si cette proposition était adoptée, je voudrais que le gouvernement, avant de s'occuper de la construction de ce troisième navire, fît des démarches pour voir s'il ne trouverait pas à faire faire le service de l'Escaut par l'industrie privée.
C'est la manière, d'après moi, la plus économique. Je recommande ces objets à l'attention de M. le ministre des affaires étrangères.
M. Lelièvre. - Je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'exécution de la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats. L'article 13 de cette loi attribue aux consuls belges le droit de poser certains actes. L'article 15 est plus général, il autorise les consuls à dresser tous actes autorisés par les lois, usages et conventions diplomatiques.
Il me semble que des instructions émanées du gouvernement devraient spécifier clairement en quoi consistent les attributions des consuls d'après les usages dont il s'agit. Cela est d'autant plus important, que quelques personnes estiment que la loi doit êlre entendue dans un sens restreint que ne comportent pas les intérêts belges à l'étranger.
J'appelle donc sur ce point l'attention de M. le ministre, qui voudra bien s'attacher à faire disparaître tout doute sur l'exécution que doit recevoir la loi dont il s'agit. Il est essentiel, en effet, de définir nettement les attibutions des consuls, en ce qui concerne les usages auquels se réfère l'acte législatif dont j'ai parlé. Il est important qu'il ne puisse s'élever aucune difficulté sur la nature des actes que peuvent recevoir les consuls belges.
Je me proposais aussi d'appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité d'assurer aux Belges, par des traités internationaux, les mêmes avantages que ceux accordés aux étrangers par des lois récentes, notamment par la loi du 16 décembre 1851, sur le régime hypothécaire. Non seulement nous avons permis de frapper d'hypothèque les biens situés en Belgique, par actes passés à l'étranger, mais nous avons décrété que la femme étrangère, mariée en pays étranger, aurait hypothèque légale sur les biens du mari situés en Belgique, et qu'il en serait de même du mineur étranger, sur les biens de son tuteur, quand même la tutelle aurait été déférée en pays étranger. Il est évident qu'il est important d'assurer aux Belges les avantages en question qui leur sont contestés par la jurisprudence reçue dans les pays voisins.
Déjà, l'année dernière, j'ai fait observer qu'il était indispensable de régler le sort des actes et jugements intervenus en Belgique et dans les pays limitrophes, nécessité qui est devenue urgente depuis l'abrogation de l'article 2123 du Code civil, par suite de la loi hypothécaire.
M. le ministre des affaires étrangères m'ayant déclaré, il y a un instant, que ces points d» législation étaient l'objet d'un examen spécial de sa part, je me bornerai à les recommander de nouveau à sa sollicitude. J'espère que la législation actuelle, relative aux droits civils des étrangers et à la position des Belges dans les pays voisins, ne tardera pas à être révisée, par des traités internationaux, d'une manière conforme aux nécessités de l'époque et aux institutions modernes.
M. Vermeire. - Je saisirai l'occasion de la discussion du budget des affaires étrangères pour ms livrer à quelques considérations sur le système commercial et sur la nécessité qu'il y aurait, d'après moi, de réunir dans un seul département ministériel toutes les affaires qui concernent l'agriculture, le commerce et l'industrie.
Notre système commercial n'en est pas un. Avec ces allures de libre-échange qu'il aime à revêtir, il ne constitue en réalité qu'une contradiction flagrante, continuelle, inexplicable ; il protège et il entrave en même temps ; il protège certains industries outre mesure par des droits de douane injustifiables ; il entrave, parce qu'il impose les matières premières, éléments nécessaires indispensables à toutes les industries. Bien souvent encore, les droits sont si faibles qu'ils ne constituent qu'un embarras pour celui qui doit les payer et une perte de temps improductive pour le gouvernement chargé de les percevoir.
En 1844, on a tâché de faire une législation d'ensemble, conséquente avec elle-même ; si cette législation a été poussée, pour ainsi dire, à l'extrême, nous devons cependant reconnaître qu'à peine elle avait commencé à fonctionner, que déjà l'on a voulu la modifier dans ses principales dispositions. C'est ainsi que l'édifice a été sapé dans sa base, et qu'il ne reste plus debout que quelques débris de murailles qui menacent de tomber en ruine.
Dans cette législation, le commerce des armements maritimes et des constructions navales devait trouver des moyens de développements. Mais à peine la construction navale avait-elle pris quelque essor, que le gouvernement n'a plus voulu représenter les lois qui encourageaient cette industrie. Non seulement il ne les a pas représentées, mais il a dit formellement qu'il ne les représenterait plus.
Il est vrai qu'il y a peu de mois nous avons discuté le budget des affaires étrangères, Mais je crois que la section centrale a commis une petite erreur, lorsqu'elle dit que le budget des affaires étrangères a fait l'objet, au sein du parlement, d'une discussion approfondie.
C'est, messieurs, après quelques heures de discussion, à la suite du vote de deux projets de loi, dans la séance du 23 décembre et après une courte discussion dans la séance du 24 décembre, quand la chambre était très pressée pour aller en vacance, que ce budget a été voté. A cette occasion j'avais présenté quelques observations sur un moyen qui, d'après moi, pouvait être utile aux constructions navales dans le pays. M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre des finances m'ont interrompu alors en me disant que je me livrais à une dissertation inutile, parce qu'à la rentrée on saisirait la chambre d'un projet de loi qui aurait pour but de venir en aide à cette importante industrie.
Quel a été, messieurs, le résultat de cette promesse ? Jusqu'ici la chambre n'a été saisie d'aucun projet de loi.
Il est vrai qu'une commission s'est réunie au ministère des finances sous la présidence de M. le ministre. Mais dans cette commission on a pu très difficilement se mettre d'accord, parce que les uns voulaient que les constructions navales se fissent en entrepôt, comme on confectionnerait une pièce de toile ; les autres, qu'on remboursât aux constructeurs de navires l'équivalent des droits perçus sur les matières premières nécessaires à la construction des navires.
Dans le premier cas, la surveillance, d'après moi, aurait coûté des sommes trop fortes pour que ce moyen pût être mis en pratique ; dans le second cas, la restitution des droits perçus sur les matières premières employées à la construction des navires, n'est qu'une prime déguisée. J'attendrai done à cet égard les explications du gouvernement.
Je ferai seulement observer que la position de la marine marchande (page 1416) belge, dont personne aujourd'hui ne conteste plus l'utilité, a décliné beaucoup depuis le 1er janvier 1851, comparativement à ce qu'elle est aujourd'hui : que sur nos chantiers la construction des navires est nulle et que, si mes renseignements sont exacts, depuis qu'on n'a pas renouvelé la loi des primes pour la construction des navires, on n'a mis sur le chantier que deux seuls navires pour lesquels encore on semble réclamer la faveur de la prime.
Messieurs, le fait de la cessation du travail dans nos chantiers est bien regrettable. Elle porte encore la ruine dans une industrie qui s'exerce principalement dans les provinces où l'élément flamand domine. Je ne veux accuser ici en aucune manière le gouvernement, il ne peut y avoir la moindre intention de sa part. Mais cette coïncidence est, selon moi, très fâcheuse, puisque beaucoup d'ouvriers sont jetés par là dans la plus profonde misère.
Je viens appuyer, messieurs, toutes les considérations qui ont été présentées par l'honorable baron Osy en ce qui regarde l'établissement de lignes de navigation directes entre Anvers et les pays transatlantiques, et surtout vers le nord de l'Amérique. Ainsi que l'honorable baron Osy vous l'a très bien démontré, l'Angleterre, la France, l'Amérique, les villes libres de Brème et de Hambourg font des sacrifices énormes pour soutenir de semblables lignes de navigation. Les subsides accordés par ces Etats et surtout par l'Angleterre sont une preuve nouvelle qu'ils attachent le plus grand intérêt à cette navigation.
Je crois, messieurs, que si le gouvernement pouvait se mettre d'accord avec une société (et ici je voudrais que la société fût exclusivement composée de maisons notables ayant leur siége en Belgique), que si le gouvernement pouvait se mettre d'accord avec une pareille société, cela aurait le meilleur effet pour nos exportations.
M. le comte de Muelenaere nous a dit tantôt, messieurs, combien sont insuffisantes nos exportations vers différents pays. Ce n'est pas que nous ne fabriquions pas bien, mais c'est souvent parce que les moyens d'exportation nous font défaut que nous ne pouvons pas nous livrer à ce commerce.
Je recommande donc l'établissement de ce service au gouvernement, et j'espère que d'ici à la session prochaine, si pas plus tôt, il pourra se mettre d'accord avec une compagnie qui présente toutes garanties désirables de parfaite exécution.
Messieurs, il est un fait assez fâcheux, c'est que souvent dans nos débats, nous voyons s'élever un antagonisme entre les trois principales branches de la prospérité publique. C'est ainsi que l'agriculture récrimine contre l'industrie parce qu'elle croit que celle-ci est trop protégée.
Je voudrais que le commerce, l'industrie et l'agriculture ressortissent à un même département et qu'il y eût tous les ans une réunion d'hommes pratiques qui auraient pour mission de se prononcer sur les questions qui leur seraient soumises par le gouvernement. Je crois que de ces débats résulteraient de vives lumières, et que nous trouverions là des éléments précieux pour l'élaboration des lois qui concernent nos intérêts matériels.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, l'honorable comte de Muelenaere a ouvert la discussion par des observations fort sages sur l'état de notre commerce et de notre industrie : mais il me permettra de lui dire que ces observations vont moins à l'adresse du gouvernement lui-même qu'à celle de nos industriels et de nos négociants.
Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable orateur, pour reconnaître que ce n'est ni l'intelligence ni l'activité qui manque à nos commerçants et à nos industriels. Je suis d'accord avec lui sur un autre point, c'est que nos fabricants en général ne le cèdent pas aux fabricants étrangers.
Mais ce qui manque un peu chez nous... (interruption), ce qui manque beaucoup chez nous, me dit un honorable membre, c'est l'esprit d'entreprise. Nous sommes, en général, trop craintifs, trop circonspects, et je n'hésitie pas à dire que quand nous trouvons chez nos négociants l'esprit d'entreprise développé jusqu'à un certain point, le gouvernement ne néglige aucun moyen pour l'encourager.
L'honorable membre a parlé de l'établissement de consulats dans différents ports qu'il a cités ; eh bien, messieurs, parmi ces ports se trouvaient Tunis, Alexandrie, Smyrne et Beyrout, si je ne me trompe. Nous avons eu des consuls généraux successivement à Tunis, à Alexandrie et à Smyrne, et le gouvernement les a retirés. (Interruption.)
Un honorable voisin m'interrompt pour me dire que nous avons encore un consul général à Alexandrie ; je me permettrai de lui répondre que ce n'est qu'un titre honorifique ; notre consul général à Alexandrie est un négociant et il n'est pas rétribué.
En ce qui concerne Beyrout, mon attention a été spécialement appelée sur cette localité dans la discussion du budget précédent. Eh bien, je me suis entouré de renseignements auxquels je puis me fier ; je citerai, entre autres, la chambre de commerce d'Anvers ; cette chambre m'a déclaré de la manière la plus positive que l’établissement d'un consul général à Beyrout est complètement inutile.
Je m'empresse d'ajouter qu'un consul sera dans peu de temps établi à Beyrout, mais non pas avec le titre de consul général et sans qu'il reçoive un salaire fixe de la part du gouvernement.
On aurait tort cependant de tirer de ce qui a été dit la conséquence que notre commerce et notre industrie n'auraient pas progressé pendant ces dernières années. J'ai sous les yeux un relève du commerce depuis 1834 jusqu'en 1851, année par année ; en voici le résultat.
Le commerce général de la Belgique (et la chambre sait qu'on entend par commerce général tout ce qui entre et tout ce qui sort), le commerce général de la Belgique a presque triplé depuis 1834 ; il a doublé depuis 1840 ; et cette augmentation a suivi une progression non-interrompue sauf en 1848, sous la pression des événements politiques, et quelque peu en 1846, sous l'influence de la crise alimentaire.
Le commerce spécial, c'est-à-dire le commerce des marchandises belges ou de celles qui ont été nationalisées par le payement des droits d'entrée, importations et exportations réunies, a augmenté des 2/3 comparativement à 1834, et de 53 p. c. comparativement à 1840, et l'exportation du commerce spécial, c'est-à-dire celle des produits belges, a plus que doublé depuis 1834. Voila les résultats obtenus jusqu'en 1851.
Quant à ce qui concerne le relevé pour l'année 1852, il n'est pas encore publié, mais je puis déclarer sans la moindre hésitation que la même progression sera reconnue pour l'année 1852 que pour les années antérieures.
Un autre honorable orateur vous a entretenus de l'établissement d'une correspondance régulière par bateaux à vapeur avec les Etats-Unis ; il a recommandé cet objet à mon attention spéciale ; je n'hésite pas à déclarer que je tiendrais à grand honneur que l’établissement d'une ligne régulière de navigation entre Anvers et l'Amérique du Nord pût avoir lieu sous mon administration, et si j'y parviens, je croirai avoir rendu un service signalé au pays. Mais voici où en sont les choses :
Depuis peu de temps, j'ai reçu diverses propositions qui toutes, vous le pensez bien, aboutissent à obtenir, de la part du gouvernement, des secours assez considérables, secours qui se résument, soit en subsides annuels, soit en un minimum d'intérêt sur le capital à employer par la société qui entreprendrait ce service.
Jusqu'ici, je le déclare franchement, l'affaire n'est pas mûre ; il est impossible que le gouvernement prenne en ce moment une décision ; mais j'ai lieu d'espérer que dans peu elle aboutira, et il ne tiendra pas à moi qu'elle n'obtienne un très prompt résultat.
On vous a entretenus encore, messieurs, du passage de l'Escaut et du service vers le haut Escaut ; on vous a représenté qu'il y aurait convenance à faire construire uu troisième bateau pour rendre ce service plus régulier.
Mon désir, messieurs, serait de pouvoir m'entendre avec l'industrie privée pour l'exploitation de ce service, et déjà j'ai donné des ordres, afin qu'on fasse des démarches dans ce but.
Si je n'y parviens pas, je verrai ce que le budget me permettra de faire pour améliorer le service.
Je n'ai pas voulu faire figurer au budget la demande d'une somme de 50,000 fr. pour la création d'un troisième bateau à vapeur, précisément parce que j'ai quelque espoir d'arriver à un arrangement. Si la chambre trouve convenable, dans l'incertitude où je suis, de porter les 50,000 fr. au budget, je déclare que, dans aucun cas, il n'en sera fait emploi avant que j'aie épuisé tous les moyens pour que le gouvernement puisse se débarrasser de ce service.
Je dois ajouter cependant que si ce troisième bateau était établi, il en résulterait une véritable économie dans les dépenses annuelles, parce qu'il serait construit dans des proportions telles que la consommation du charbon en serait beaucoup moindre.
Messieurs, l'honorable M. Vermeire vous a présenté quelques observations générales ; il s'est plaint que, dans l'état actuel de notre législation commerciale, certaines branches du commerce sont trop protégées et que d'autres ne le sont pas assez.
Il est très vrai que nous n'avons pas en Belgique un système absolu, et je crois que le moment n'est pas arrivé d'établir un système absolu.
Certains de nos voisins ont un système beaucoup plus protecteur que nous ; certains autres, un système beaucoup plus libéral ; eh bien, je n'hésite pas à dire que les tendances du gouvernement le portent plutôt à rendre le système commercial plus libéral qu'il ne l'est qu'à y apporter de nouvelles restrictions. Quoi qu'il en soit, nous ne marcherons dans cette voie qu'avec prudence, sagesse et modération.
J'annonce, du reste, de la manière la plus positive pour l'ouverture de la session prochaine, un nouveau projet de loi sur les droits d'entrée, particulièrement en ce qui concerne les matières premières ; c'est dans ce projet que nous ferons entrer les dispositions qui doivent favoriser la construction des bâtiments de mer.
Messieurs, je crois inutile de répondre à ce qui a été dit sur la réunion dans un même département de l'agriculture, de l'industrie et du commerce. Nous avons discuté sur ce point l'année dernière ; j'ai déclaré de la manière la plus formelle que dans mon opinion l'organisation actuelle était bonne, qu'elle ne laissait rien à désirer ; aussi longtemps que le contraire ne me sera pas démontré par des plaintes et des griefs fondés, rien ne sera changé.
Quant aux observations de l'honorable M. Lelièvre, j'en ai pris bonne note et j'en ferai l'objet d'uu examen sérieux.
M. Sinave. - Je ne saurais accepter le reproche que M. le ministre des affaires étrangères vient d'adresser au commerce du pays ; on dit qu'il manque de courage ; je crois que c'est le contraire qui est vrai. Nous avons prouvé avant 1830 que nuus avions eu l'esprit de la spéculation et même que nous l'avions poussé jusqu'à l'imprudence : c'est là un fait avère. Nous savons à quoi tient l’espèce d'apathie qu'on remarque (page 1417) aujourd'hui ; c'est à la position politique du pays ; je ne m’étendrai pas sur cette question, parce qu'elle est trop délicate.
Mais, croyez-le bien, c'est là le seul motif. Il y a à peine trois mois que nous avons discuté le budget des affaires étrangères ; à cette époque j'ai soumis à la chambre plusieurs considérations en vue d'obtenir des économies ; c'était un long discours, je ne veux pas répéter tout ce que j'ai dit à cette époque, je ne citerai qu'un fait, j'ai indiqué l'économie qu'en pouvait faire sur les bateaux à vapeur ; elle pourrait être de 400 à 500 mille francs annuellement.
J'ai dit à cette occasion qu'il ne s'expédiait pas une seule lettre de Belgique pour l'Angleterre qui ne coûtât 4 francs ; si mes nouveaux renseignements sont exacts, je me suis trompé alors, c'est 5 francs que j'aurais dû dire. Je sais qu'on me dit que le bateau à vapeur est une annexe du chemin de fer. C'est la une erreur, car ce que le chemin de fer perdrait par l'abandon des bateaux à vapeur à l'industrie privée, on le regagnerait d'un autre côté. Le service de Bruxelles vers Calais, vers Douvres prend une grande extension ; ce qu'on perd sur Ostende, on le gagne sur Mons ou sur Gand et Courtrai vers la France.
Je n'ai pas une donnée exacte de la recette des bateaux à vapeur ; tout à l'heure je ferai une proposition pour obtenir ce renseignement.
J'avais en outre critiqué fortement l'administration du sauvetage ; mes prévisions se sont complètement réalisées ; un accident est arrivé ; il y a quelques années, l'administration du sauvetage d'Ostende avait laissé périr en plein jour l'équipage d'un navire ; le fait vient de se répéter il y a trois semaines ; en plein jour un bateau a péri à l'entrée du port, sans qu'aucun effort ait été fait par l'administration du sauvetage pour lui porter secours ; le bateau de sauvetage est resté sous le hangar ; toute la ville a vu périr ce bateau. Je demanderai au ministre s'il a ordonné une enquête pour connaître les faits. Je ferai une proposition à cet égard.
Je m'étais attendu à ce que, 24 heures après ce sinistre, toute l'administration fût suspendue ; car c'est une infamie que des gens salariés par l'Etat pour le service du sauvetage laissent périr un navire à la vue de 15 mille personnes, sans faire aucun effort pour lui porter secours.
Lors de la discussion du budget des affaires étrangères, il y a trois mois, j'ai proposé un moyen d'avoir un meilleur service ; je ne sais si on y a eu égard, le fait que je viens de signaler le rappellera au souvenir de M. le ministre.
Il y a au budget des affaires étrangères une allocation de 92 mille francs pour primes d'encouragement à la pêche nationale. La chambre ne sait pas comment se fait la répartition de cette somme entre les diverses localités. Je ferai une proposition pour avoir ce document. Je demanderai au ministre de déposer ces pièces pour demain, afin de pouvoir discuter, en connaissance de cause, les articles du budget.
Je demande :
1° Le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du budget des affaires étrangères, d'un relevé officiel des recettes totales des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres, des trois dernières années 1850, 1851 et 1852 ;
2° Le dépôt sur le bureau de l'enquête à charge de l'administration du sauvetage, et à défaut la correspondance concernant le sinistre maritime arrivé dernièrement à l'entrée du port d'Ostende d'un bateau de pêche et de son équipage ;
3° La répartition entre les diverses localités de la prime portée au budget accordée pour l'encouragement de l'industrie de la pêche nationale.
Je demande à M. le ministre de l'intérieur s'il consent à déposer pour demain ces divers renseignements. Je verrai alors les observations que j'aurai à présenter.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je regrette que l'honorable M. Sinave ne se soit pas donné la peine de me demander ces renseignements quelques heures plus lot, ils seraient déjà entre ses mains. Je n'ai jamais refusé de renseignements, soit à la chambre, soit à une section, soit à un membre de la chambre. Une motion officielle était inutile. Un seul mot de sa part, et il aurait ces renseignements dans son portefeuille : je les fournirai à la chambre.
M. le président. - M. le ministre vient d'annoncer que les renseignements seront déposés demain sur le bureau. Il est ainsi fait droit à la demande de M. Sinave.
M. Loos. - Plusieurs des honorables membres qui m'ont précédé dans cette discussion, ont parlé de l'utilité d'établir des ligues de bateaux à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis. Ces honorables membres ont démontré déjà l'influence heureuse que l'établissement de ces communications rapides et régulières exercerait sur notre commerce et sur notre industrie. Je viens appuyer cette proposition. Il est évident que l’établissement de cette ligne de navigation serait le plus fort encouragement que vous puissiez accorder au développement de nos relations commerciales.
On se plaignait tout à l'heure du peu de développement de l'esprit d'entreprise dans notre pays. Le moyen le plus certain de l'encourager serait de favoriser l'établissement de lignes de navigation à vapeur vers les pays transatlantiques, forçant ainsi en quelque sorte les relations à se former d'une manière plus intime. Si l'esprit d'entreprise dans notre pays n'est pas développé au même degré qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, il faut l'attribuer un peu, beaucoup même, au peu d'encouragement qu'il reçoit dans notre pays ; car il ne suffit pas d'avoir beaucoup de sympathie pour le développement du commerce et de l'industrie ; il faut encore prouver cette sympathie par des actes positifs.
Qoe voyons-nous en Angleterre et aux Etats-Unis, les deux pays où l'esprit d'entreprise se manifeste à un si haut degré ? Nous voyons le gouvernement, ayant dans ses attributions les communications avec les divers pays pour le transport des correspondances, faire des sacrifices considérables pour l’établissement, dans ce but, de lignes de navigation à vapeur et de tous autres moyens de communication régulière.
Je pense que c'est le moyen le plus efficace d’augmenter les relations avec les divers pays étrangers, avec les marchés de consommation.
Jusqu'à ce jour, nous ne voyons rien de semblable dans notre pays, st ce n'est la ligne de communication à vapeur entre la Belgique et l'Angleterre. Depuis dix ans, il ne s'est pas passé de session où l'on ne soit venu témoigner le désir que l'on avait de voir s'établir des lignes de bateaux à vapeur transatlantiques.
Les honorables ministres qui quittent le pouvoir reprochent au bout de peu de temps à leurs prédécesseurs de ne rien faire pour arriver à ce résultat, en faveur duquel on fait des vœux ardents. J'espère que nous ferons en définitive quelque chose de plus.
Une occasion qui ne s'est jamais présentée va s'offrir sous peu : il est à ma connaissance que les maisons les plus honorables et les plus importantes d'Anvers s'occupent en ce moment de faire des propositions au gouvernement et des propositions tellement avantageuses que je crois qu'il y aurait de la part du gouvernement une grande faute, une lésion grave des intérêts du pays, si la combinaison venait à manquer par son fait. Mais j'ai confiance dans les paroles de M. le ministre des affaires étrangères, qui, ainsi qu'il l'a déclare, désire autant que personne, que les négociations arrivent à bonne fin.
Seulement je regretterais qu'elles n'aboutissent pas avant la fin de la session.
Si mes renseignements sont exacts, il s'agirait d'une ligne de navigation à vapeur, avec un départ de quinzaine en quinzaine des deux parts tant d'Anvers que des Etats-Unis, et l'on ne demanderait au gouvernement qu'un subside très restreint. En un mot, si je suis bien informé, on ne demanderait qu'un subside d'un million, non pas annuel, mais une fois payé.
Il faudrait pour ce service 5 bateaux à vapeur. On demanderait, je crois, au gouvernement, une somme de 200,000 francs par bateau.
Je me permettrai de donner à cette occasion à la chambre un renseignement que je lui ai deja communiqué.
L'Angleterre dépense annuellement pour les ligues de navigation :
De Londres à Hambourg, fr. 333,300
De Liverpool aux Etats-Unis, fr. 2,167,500
Les Etats-Unis donnent un subside annuel de plus de deux millions à la ligne de New-York à Liverpool.
La ligne des Indes occidentales coûte à l'Angleterre plus de six millions.
Je me borne à citer ces chiffres. Je pourrais multiplier mes citations pour vous faire voir quel immense intérêt l’Angleterre et les Etats-Unis attachent au développement des relations vers ces divers pays.
Nous avons un double motif de désirer l'établissement d'une ligne de bateaux à vapeur. Le gouvernement a l'exploitation du chemin de fer dans ses attributions. Ailleurs ce sont en général des compagnies particulières qui exploitent les chemins de fer. Ces compagnies particulières, pour amener à leurs lignes des affluents utiles, font des dépenses bien plus considérables que celles qu'on serait dans le cas de demander au gouvernement, Aussi ai-je été surpris d'entendre l'honorable M. Sinave critiquer l'établissement de la ligne de navigation à vapeur d'Ostende à Douvres.
Ignore-t-il donc que la compagnie du chemin de fer de Paris à Calais entretient à ses frais un service à vapeur de Calais à Douvres ? Et à notre gouvernement exploitant général des chemins de fer, l'on reprocherait de faire les frais d'un affluent aussi utile que l'est celui d'Ostende ! Ce serait assurément une très mauvaise économie.
J'ai cherche à me rendre compte de ce que produirait à notre chemin de fer l'affluent d'une ligne de bateaux à vapeur venant des Etats-Unis tous les quinze jours ; j'ai fait un aperçu, et j'ai la conviction intime d'avoir apprécié cet affluent à 50 p. c. de sa valeur en fixant à 300,000 fr. par an le chiffre de l'augmentation qui en résulterait annuellement pour le produit de nos chemins de fer. Si je suis bien informé, le subside d'un million serait demandé au gouvernement pour maintenir en activité pendant dix ans cette ligne de navigation.
Pendant ces dix ans le chemin de fer aurait donc fait une recette de plus de 3 millions, tandis que l'Etat n'aurait donné qu'un million de subside, donc bénéfice pour l’Etat de deux millions. Si, en réalité, la compagnie faisait des offres semblables, je serais pour ma part très au regret que la chambre, parce qu'elle serait à la veille de se séparer, ou parce qu'elle se serait séparée, n'aurait pas statuer sur les propositions qu'aurait à lui faire le gouvernement.
Messieurs, j'ai la conviction que tous les éléments favorables qui concourent aujourd'hui à la formation de la société qui se constitue n'existeront plus peut-être dans trois mois. Si donc le gouvernement reçoit des propositions dans le courant de cette semaine, je crois qu'il y va des grands intérêts du pays que ces propositions puissent encore être soumises à la chambre. Sinon elles devraient être ajournées au mois de novembre, et je le dis tout de suite, j'ai la conviction que les éléments qui concourent à la formation de cette société n'existeront plus au mois de novembre.
J’adjure donc le gouvernement, si réellement d'ici a peu de jours, (page 1418) d'ici à la fin de la semaine, des propositions sérieuses lui sont faites, de vouloir bien les soumettre à la chambre dans les premiers jours de la semaine prochaine. L'intérêt est trop grave pour que la chambre ne se décide pas, s'il le faut, à rester réunie quelques jours de plus pour résoudre cette question.
M. de Perceval. - A la veille de la clôture de la session, il importe que la législature, que le pays soient renseignés sur l'état des négociations commerciales avec la France.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s'il voit quelque inconvénient à nous dire dans quel état se trouvent ces négociations ? Aboutiront-elles bientôt ?...
Une prompte solution devient nécessaire, car nous n'avons pas perdu de vue que la convention du 9 décembre a remis en vigueur le traité onéreux, je dirai plus, le traité désastreux de 1845, et que cette convention n'a été acceptée par les chambres qu'à titre provisoire. J'attendrai la réponse de M. le ministre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je ne puis répondre à l'interpellation de l'honorable membre qu'une seule chose : c'est que nos négociations commerciales avec la France se poursuivent.
Messieurs, l'honorable M. Sinave vous a entretenus tout à l'heure d'un sinistre qui aurait eu lieu à Ostende et il m'a demandé si le gouvernement avait fait une enquête à la suite de ce sinistre.
Cette enquête a eu lieu, et, si la chambre le veut, je lui donnerai lecture du rapport qui résume les faits. Il n'est pas long.
Ce rapport est du 4 mai. Il est signé par le chef supérieur du service maritime à Ostende. (M. le ministre donne lecture de ce rapport).
Voilà, messieurs, comment les faits se sont passés, et je vous laisse à juger si l'on est tombé dans des exagérations en vous représentant le service du sauvetage comme coupable de tant de négligence et de tant d'inertie.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui autorise le gouvernement :
1° A maintenir dans la dette constituée et à négocier le capital de 11,904,000 francs représentant le montant des remboursements effectués ou à effectuer en exécution de la loi du 1er décembre 1852 ;
2° A affecter à l'extinction de la dette flottante la somme de 5,983,770 fr. 27 c. montant de la réserve des deux emprunts à 5 p. c. de 1840 et de 1842.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué.
M. Osy. - Messieurs, le projet de loi que vient de présenter l'honorable ministre des finances est la suite de la conversion de la rente ; je propose de le renvoyer à la commission qui s'est occupée de cet objet.
- Cette proposition est adoptée.
M. Sinave. - Messieurs, la communication que vient de faire l'honorable ministre des affaires étrangères constate évidemment que l'administration du sauvetage n'a pas rendu les services qu'elle devait rendre. Je sais très bien que lorsqu'il y a un naufrage il est dangereux d'aller au secours de ceux qui périssent ; mais le sauvetage n'est pas institué pour faire des promenades sur une mer tranquille dans les beaux jours de soleil.
Mais, messieurs, la citation que M. le ministre vient de faire ne s'applique pas au sinistre dont j'ai paril. Le bâtiment français dont il est question dans le rapport lu par M. le ministre, a échoué en pleine mer, et cinq minutes après il n'y avait plus de danger ; en pareil cas, il n'y a jamais de danger : il n'y en a que quand le naufrage a lieu près de la côte. J'ai parlé d'un bateau de pêche de Nieuport qui a échoué contre l'estacade ; plusieurs hommes ont péri, et d'autres sont encore à l'hôpital ; eh bien, dans cette circonstance, l'honorable M. Van Iseghem, qui est d'Ostende, peut le dire comme moi, le sauvetage n'a rien fait. Je le répète, il y avait d'immenses dangers à courir, mais tout au moins on aurait dû faire des tentatives.
Dans l'autre affaire dont M. le ministre vous a entretenus, il n'y avait aucun danger, et cependant ce n'est pas l'administration du sauvetage qui est intervenue ; ce sont des particuliers.
Je l'ai dit, messieurs, dans la discussion du budget de 1853, le sauvetage, tel qu'il est organisé, ne peut rendre aucun service ; il vaudrait mieux laisser faire les particuliers ; aujourd'hui personne ne fait rien parce qu'on se repose sur le gouvernement.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque l'honorable député d'Anvers nous a parlé d'une société qui demande un million à la condition d'avoir 5 bateaux à vapeur pour nos relations commerciales avec les Etats-Unis d'Amérique. Je suis aussi partisan que qui que ce soit dans cette enceinte, de tout ce qui peut augmenter nos exportations ; je désire que cette augmentation soit le plus considérable possible.
Je sais parfaitement que la Belgique produit infiniment plus qu'elle ne sait exporter et que c'est là une cause puissante du malaise de nos classes ouvrières.
M. le ministre des affaires étrangères a dit avec beaucoup de raison qu'il tient à honneur de pouvoir traiter avec une société, dans l'intérêt de nos exportations ; mais je demanderai si nos rapports actuels avec les Etats-Unis d'Améiique nous permettraient de faire un sacrifice d'un million. Ensuite, la société qui ferait cette proposition, pendant combien d'années conserverait-elle les cinq bateaux à vapeur dont il s'agit ? A quelles conditions établirait-elle ce service ? Ce sont là des choses que nous devrions savoir. Déjà, messieurs, il a été fait une tentative malheureuse ; elle était également dictée par le désir patriotique d'étendre nos relations commerciales et je suis un de ceux qui ont appuyé la proposition ; il n'en est pas moins vrai que cette affaire de la British-Queen a été très malheureuse, car chaque voyage nous a coûté plus de 100,000 francs.
Je dis donc qu'avant d'accorder un million, il faudrait s'assurer non seulement que la société établira cinq bateaux à vapeur, mais qu'elle les conservera pendant un nombre d'années suffisant pour que le pays soit indemnisé du sacrifice qu'on lui demande.
Rappelez-vous encore, messieurs, qu'on avait accordé des primes pour l'exportation de nos cotons, et nous en avons exporté immensément.
On avait également accordé une prime de 10 p. c. à l'industrie linière et les exportations ont augmenté dans une proportion considérable. Il n'y avait qu'une voix dans la chambre. On a dit ? Nous ne voulons plus entrer dans le système des primes ; c'est un système faux, un système nuisible à la généralité de la nation. Quant à moi, messieurs, j'aime assez qu'on fasse des essais, mais je pense qu'on doit y songer à deux fois avant de conclure un arrangement comme celui dont il s'agit. Du reste, le ministère ne peut pas statuer seul à cet égard ; il ne pourrait faire qu'un traité provisoire ; en définitive ce sont les chambres qui tiennent les cordons de la bourse.
Je citerai encore un exemple, messieurs, qui doit nous rendre extrêmement circonspects, c'est l'exploitation des bateaux à vapeur entre l'Angleterre et la Belgique ; il paraît que cette exploitation nous coûte 400,000 francs par an et que la port d'une lettre s'élève jusqu'à 5 fr. ; évidemment les avantages que nous retirons de ce service ne sont pas proportionnés aux sacrifices qu'il nous impose.
En définitive ce sont là aussi des primes, et 400,000 fr. par an pendant le nombre d'années que cale dure voilà encore une somme énorme, et tout doit être payé par les contribuables ; j'ai foi dans la prudence de M. le ministre des affaires étrangères : avant de conclure, il devra avoir la presque certitude que cela sera avantageux au pays.
M. Manilius. - Messieurs, j'ai demandé la parole au moment où un honorable député d'Anvers engageait vivement le gouvernement à examiner sans délai les propositions faites par différentes compagnies, pour l'établissement d'une navigation à vapeur ou à voiles entre la Belgique et les pays transatlantiqoes et autres régions.
Pour le cas où M. le ministre des affaires étrangères serait disposé à traiter avec ces compagnies, j'appelle son attention toute particulière sur la nécessité de stipuler tous les moyens possibles d'exportation de nos produits nationaux.
Messieurs, je ne veux pas alarmer ; mais il faut bien ne pas laisser se perpétuer ici l'idée que tout marche au mieux en Belgique ; il n'est pas exact de dire que l'industrie est prospère au premier degré ; il y a beaucoup de branches qui souffrent, et c'est à ce point de vue que je fais une recommandation très sérieuse à M. le ministre des affaires étrangères, qui a le commerce dans ses attributions ; il y a plus que jamais lieu d'examiner la situation ; et si, comme l'assure l'honorable député d'Anvers, plusieurs compagnies se forment pour desservir des lignes de navigation, il est indubitable qu'elles se prêteront aux moyens d'exportation : seul remède propre à guérir la plaie qui ronge aujourd'hui certaines branches d'industrie.
Je crois que la recommandation sera entendue du gouvernement et qu'il avisera aux saines mesures à prendre.
M. Van Iseghem, rapporteur. - Messieurs, je n'étais pas à Ostende, lorsque le bateau de pêche de Nieuport, dont a parlé l'honorable M. Sinave, a fait naufrage ; mais d'après les renseignements que j'ai obtenus, il paraîtrait que le bateau de sauvetage n'a fait aucun effort pour se rendre sur les lieux du sinistre. Ce n'est pas la première fois que de telles négligences sont arrivées.
Je ne veux pas me poser ici comme accusateur public de mes concitoyens, ce serait un rôle pénible, mais je crois que le service de sauvetage, sur la côte, laisse, sous tous les rapports, beaucoup à désirer. Vous venez d'entendre lecture d'une lettre d'un officier de marine adressée au ministre des affaires étrangères, qui exprime aussi l'opinion qu'il y a des changements à faire à l'organisation actuelle ; je me hâte d'ajouter que ce service se trouve sous les ordres d'une autre personne.
J'engage donc beaucoup M. le ministre des affaires étrangères à soumettre tout ce qui concerne le sauvetage et en outre le pilotage à l’examen d'une commission composée d'hommes capables et éclairés ; de cette commission pourraient faire partie des officiers de marine qui résident à Ostende, des armateurs, des membres de la chambre de commerce et des marins expérimentés.
J'appelle donc sur ce point toute l'attention de M. le ministre des affaires étrangères.
M. David. - Messieurs, vous vous rappelez l'émotion qui ai été produite dans le pays par la convention provisoire avec la France, (page 1419) convention qui n'était que le renouvellement temporaire du traité de commerce de 1845. Vous vous rappelez aussi les critiques que les partisans de ce dernier traité ont fait entendre dans cette enceinte.
J'ai été de ceux qui ont démontré les conséquences funestes du traité de 1845 avec la France. Plusieurs industries en sont lésées. Celle en vue de laquelle le traité a été fait, n'en est pas satisfaite. Le trésor public, d'un autre côté, y perd 1,800,000 fr. par an. C'est une situation qui doit cesser.
La réponse de M. le ministre des affaires étrangères à l'interpellation de mon honorable ami M. de Perceval, est loin d'être satisfaisante et complète ; M. le ministre se borne à dire : « On négocie. » Mais, dans cette chambre, lors de la discussion de la convention provisoire, une assez forte minorité avait demandé qu'on fixât un délai aux négociations ou à cette convention provisoire.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si, pour le cas où l'on négocie, il a au moins l'espoir que les négociations aboutiront à une issue favorable.
A en croire certains journaux que nous avons reçus aujourd'hui, les négociations seraient rompues ; d'autres journaux disent que nous obtiendrons moins que nous n'avons obtenu par le traité de 1845.
Si c'est pour obtenir moins, je supplierai M. le ministre des affaires étrangères de rompre les négociations.
M. Osy. -Messieurs, après la discussion qui a eu lieu tout à l'heure, je crois qu'il vaudrait mieux supprimer le service du sauvetage. D'après les développements du budget, ce service nous coûte une somme annuelle de 14,300 fr., et 60 personnes participent à la distribution de cette somme. Je désire qu'on institue la commission dont a parlé l'honorable rapporteur, et qu'on donne des primes à ceux qui auront véritablement sauvé. Par ce moyen vous ferez beaucoup plus pour l'humanité que par les traitements que le gouvernement a payés depuis nombre d'années. Aujourd'hui on ne sauve pas et on paye beaucoup ; par le moyen que j'indique, on payera moins et on sauvera plus.
M. Rodenbach. - Messieurs, contrairement à l'opinion exprimée par l'honorable M. David, je pense qu'il faut conserver les relations commerciales avec la France, qu'il ne faut pas les rompre brusquement, comme le demande l'honorable membre. Lorsque nous avons discuté la convention provisoire, portant renouvellement temporaire du traité de 1845, nous n'avons pas préconisé cette convention d'une manière absolue ; nous avons dit, et M. le ministre des affaires étrangères a tenu le même langage, qu'elle était un acheminement à un autre arrangement avec la France, arrangement qui serait avantageux aux deux pays.
Il ne s'agit donc pas de rompre brusquement ; je crois, au contraire, que le gouvernement doit être très circonspect, et tâcher d'arriver avec prudence au résultat désiré ; nous nous contenterons provisoirement du traité du 9 décembre.
L'honorable M. David prétend que ce traité impose au trésor public lelge un sacrifice annuel de 1,800,000 francs ; ce chiffre est erroné, il est menteur…
M. David. - Il est officiel.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je demande la parole.
M. Rodenbach. - Sans vouloir dire du bien du traité provisoire, je vous engage, messieurs, à jeter un coup d'oeil sur nos exportations, et vous verrez que nos exportations en France ont un peu augmenté. Ce n'est pas sans doute une faveur considérable que nous a faite la France ; loin de là ; mais je dis que si certains membres attaquent vivement le traité provisoire, d'autres doivent avoir le courage de proclamer que ce traité n'est pas aussi mauvais qu'on l'a prétendu dans cette enceinte.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je ne pense pas qu'il entre dans les intentions de la chambre de discuter ici le traité du 9 décembre ; je ne prétends pas m'en établir le défenseur : ce rôle ne me conviendrait pas aujourd'hui ; je déclare seulement que je tiens à grand honneur de l'avoir signé.
Je n'admets pas les critiques de l'honorable M. David, et je n'admets pas ses chiffres ; tout ce qu'il a dit est entaché de la plus grande exagération.
Quant à l'état des négociations qui, je l'avoue, sont loin d'avoir abouti, je demande à la chambre si elle entend insister pour que je vienne lui en rendre compte ? (Non ! non !) Evidemment la chambre, à l'unanimité, moins deux ou trois membres, me répond non.
Je déclare de la manière la plus formelle que les journaux qui ont avancé que les négociations étaient rompues, sont complètement dans l'erreur.
Je m'engage bien volontiers à m'occuper incessamment de la question du sauvetage, et je verrai s'il y a des améliorations à apporter à ce service. Je crois même pouvoir dire que la chose n'est pas impossible.
M. David. - M. le ministre des affaires étrangères conteste le chiffre de 17 à 18 cent mille francs que j'ai indiqué ; qu'il me permette de lui dire que je l'ai reçu comme officiel, comme ayant été présenté à Paris lors des négociations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je nie le chiffre officiel.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Ceux qui présentent ce chiffre de 17 à 18 cent mille francs se fondent sur ce raisonnement : si le traité n'existait pas, nous pourrions, en doublant le droit sur les articles qui y sont compris, en retirer une somme considérable. C'est en se plaçant dans cette hypothèse, en supposant que si la Belgique n'avait pas les mains liées par ce traité, elle augmenterait beaucoup les droits existants, qu'un évalue le sacrifice à 17ou 18 cent mille fr. Mais ce qu'il faut voir, c'est le sacrifice qu'on fait au moment où le traité est conclu et non les éventualités de recette qu'on pourrait faire s'il n'existait pas.
- La discussion générale est close.
La séance est levée à 4 1/2 heures.