Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 mai 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1243) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Chênée demande qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande d'habitants de Guesmes. »

« Même demande d'habitants de Fléron. »

« Même demande d'habitants de Saint-Etienne. »

a Même demande d'habitants de Londerzeel. »

« Même demande d'habitants de Freeren. »

« Même demande d'habitants d'Heure-le-Tiexhe. »

« Même demande d'habitants à Paifve. »

« Même demande d'habitants à Lantin.»

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des électeurs à Londerzeel demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu de canton ou par fraction de canton. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal et des électeurs à Machelen-Sainte-Gertrude demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et que chaque agglomération de 40,000 âmes nomme un représentant. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mathieu, percepteur des postes à la Roche, présente des observations sur le projet de loi relatif au recrutement de l'armée. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur J.-A. Werder, né à Bois-le-Duc (Pays Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Piéton prient la chambre d'accorder au sieur Rasquin la concession d'un chemin de fer de Beaume à la Sambre et à la ligne ferrée de Sambre-et-Meuse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des électeurs à Villers-le-Temple demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

« Même demande du bourgmestre et d'autres électeurs à Soheit-Tinlot. »

« Même demande d'un échevin et de conseillers communaux à Yernée-Fraineux. »

« Même demande du bourgmestre et d'autres électeurs à Saint-Séverin. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Par dépêche du 30 avril, M. le ministre de la justice transmet à la chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Peltzer (Guillaume-Frédéric-Jean-Constantin). »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Il est fait hommage à la chambre, par M. l'abbé Meynders, curé retraité, de 110 exemplaires de trois ouvrages qu'il vient de publier et qui ont pour titre : « Hommage à S. A. R. Mgr le prince héréditaire, duc de Brabant, etc. ; 2° Monument historique et littéraire à la pieuse mémoire de l'auguste Reine des Belges ; 3° Geschiedkundig praetschrift ter zaliger nagedachtenis van Hare Majesteit de Koningin der Belgen. »

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.


« M. David, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de deux jours. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Thiéfry, au nom de la section centrale du projet de loi sur l'organisation de l'armée, qui a examiné, comme commission, le projet de loi de crédit provisoire de quatre millions de francs au département de la guerre, dépose le rapport sur ce dernier projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met la discussion de ce projet de loi à la suite de l'ordre du jour.

Rapport sur les pétitions relatives à la réforme de la loi électorale

M. Jacques, au nom de la commission des pétitions, dépose le rapport sur les pétitions relatives à la loi électorale.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et décide que le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.

Proposition de loi sur la garde civique

Second vote des articles

Article 3

MpVilainXIIII. - La discussion est ouverte sur les trois amendements introduits dans l'article 3.

Le premier consistant à dire : « Elle (la garde civique) peut être active » au lieu de « est active » ;

Le deuxième consistant à ajouter le mot « agglomérée » après les mots « dans les communes ayant au moins une population » ;

Le troisième consistant à substituer le chiffre de 10,000 âmes à celui de 6,000 âmes.

M. Moncheur. - Je ne viens pas rouvrir, en quelque sorte, la discussion générale sur la réforme de la loi sur la garde civique. Tout a été dit sur cette matière importante dans la grave discussion à laquelle s'est livrée la chambre avant le premier vote. J'espère que les décisions prises par la chambre seront maintenues par elle.

Les caractères et la signification évidente de ces décisions sont ceux-ci : maintien de la garde civique dans des limites justes et raisonnables ; respect à cette institution constitutionnelle dont le Congrès a voulu doter la Belgique, dans l'intérêt de la nationalité et de l'ordre public, mais respect aussi au repos des citoyens, lorsque le sacrifice de ce repos n'est pas impérieusement exigé par l'intérêt général, respect enfin à la liberté que l'homme doit avoir de disposer entièrement de son temps et de sa personne surtout lorsqu'il est arrivé à un âge où la tranquillité devient un besoin, et alors qu'il a déjà payé, pendant dix-neuf années, le tribut à la garde civique.

J'espère, messieurs, et je ne doute pas que vous ne mainteniez votre système sur ce point.

J'abandonne donc ce terrain, et j'aborde de suite une question que j'appellerai transitoire, et sur laquelle je veux appeler l'attention de la chambre et du gouvernement ; la voici :

Il est un point sur lequel les débats ont laissé quelques doutes, et il faut que ces doutes disparaissent, parce qu'il serait contraire à la dignité de la chambre et du gouvernement, qu'une équivoque quelconque existât sur un vote de la législature.

Nous avons décidé que dorénavant la garde civique pourrait être mise en activité dans les communes d'une population excédant 10,000 âmes. D'un autre côté, le dernier paragraphe de l'article 3 donne au gouvernement la faculté d'organiser la garde civique active dans toutes les communes, quel que soit le chiffre de leur population ; et, pour le dire en passant, cette disposition donne tout apaisement aux défenseurs même outrés de la loi actuelle sur la garde civique, car, d'après cet article, il n'est pas une seule commune dans le royaume où le gouvernement ne puisse, pour des motifs graves et tout spéciaux, appeler la garde civique à l'activité ; mais, messieurs, voici la question à laquelle je demande une réponse catégorique : Que deviendront, le lendemain de la publication de la loi nouvelle, les corps de la garde civique mis en activité dans les communes dont la population est inférieure à 10 mille âmes, mais supérieure à 3 mille âmes ?

Plusieurs membres se sont expliqués à cet égard ; l'honorable M. Vander Donckt a dit ceci : « Il n'importe le chiffre de population que vous allez fixer comme limite, il me suffit de voir stipuler dans la loi que la garde civique ne sera pas mise en activité là où elle est sédentaire et qu'elle ne sera pas supprimée dans les communes où elle est aujourd'hui en activité, »

L'honorable M. Rogier a dit aussi : « Mon observation s'applique également à l'amendement qui tendrait à rendre de droit la garde civique inactive dans les communes d'une population inférieure à 10 mille âmes ; vous frapperiez également des communes où la garde civique est parfaitement organisée et où l'on n'a pas réclamé, Voudrait-on aussi supprimer cette organisation ? Je ne le pense pas. »

Eh bien, messieurs, je suis d'un avis diamétralement opposé à celui de ces honorables membres, et il me semble évident que l'effet immédiat de la loi telle qu'elle a été adoptée au premier vote, sera de supprimer de droit la garde civique active dans toutes les localités dont la population est inférieure à 10,000 âmes, sauf au gouvernement à la rétablir en activité, mais par un arrêté nouveau, arrêté qui, cette fois, ne sera pris par le gouvernement qu'après que celui-ci aura porté son examen sur la nécessité de cette mesure, par suite de circonstances toutes spéciales.

J'ai cru, messieurs, qu'il était important qu'il fût bien entendu que telle devait être la portée de la loi nouvelle.

Il y a telle commune que je pourrais citer, dont la population totale est de 5,000 âmes au plus, et l'agglomération de 2,000 âmes seulement, et qui, sous la pression des événements de 1848, par un entraînement généreux et patriotique, avait demandé l'organisation d'une légion active de la garde civique. Eh bien, messieurs, évidemment, dans cette localité-là la garde civique ne sera pas, dans des circonstances telles, qu'elle pourrait être rappelée à l'activité par le gouvernement. Ainsi, se trouvant supprimée de droit par le fait seul de la promulgation (page 1244) de la loi, la garde civique dans cette localité restera supprimée de fait.

Ainsi, messieurs, sous ce rapport comme sous tous les autres, voici ma pensée : allégement considérable du service de la garde civique ; et je crois que les vrais amis de la garde civique sont ceux qui veulent, comme moi, la constituer viable et à l'abri, désormais, de tout reproche fondés de vexations comme celles qui ont amené les délibérations auxquelles nous nous sommes livrés depuis quelque temps et qui aboutiront, je l'espère, à l'adoption définitive du projet de loi tel qu'il a été admis au premier vote.

M. de Renesse. - Messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer, conjointement avec plusieurs autres de nos honorables collègues, au paragrapge 2 de l'article 3, tendait, d'après les développements que nous avions donnés au premier vote, à affranchir les communes d'une population agglomérée au-dessous de dix mille âmes, de l'obligation d'avoir une garde civique active. Comme il y a eu un certain doute sur la portée de cet amendement et que d'honorables collègues qui l'avaient voté ont semblé croire que dans ces communes, malgré l'adoption de l'amendement, le gouvernement aurait néanmoins la faculté de pouvoir y appeler les gardes à l'activité de service, je crois devoir présenter à la chambre quelques observations pour que la disposition que nous avons eu l'honneur de proposer soit bien définie, et qu'elle puisse cadrer avec le dernier paragraphe de l'article 3.

Lorsque j'ai développé l'amendement, le paragraphe 2 de l'article 3 était rédigé en termes impératifs ; en suite de la discussion, il a été convenu de rendre facultatif l'établissement d'une garde active dans les communes d'une certaine population ; pour mettre mon amendement en concordance avec l'article 3 ainsi modifié et afin qu'il puisse néanmoins avoir une valeur réelle pour les communes d'une population agglomérée de moins de dix mille âmes, il faut nécessairement admettre qu'en règle générale, dans les temps ordinaires de tranquiliilé publique, la garde doit y rester non active ; ce ne serait qu'en cas d'événements extraordinaires, soit sur la demande de l'autorité communale, ou lorsque le gouvernement aurait lui-même reconnu la nécessité de devoir rendre la garde active, que l'activité pourrait être décrétée par arrêté royal conformément à la dernière disposition du paragraphe 3 de l'article 3.

Il y aurait peut-être alors lieu de changer la dernière disposition de l’article 3 et de remplacer les mots « du gouvernement », par celui de « royal », pour qu'il soit bien entendu que l'activité ne pourrait être prononcée que par un arrêté royal et non par un simple arrêté ministériel.

Si donc tel est le sens que l'on veut donner à l'amendement adopté au premier vote, je crois devoir déclarer que pour mon compte je ne trouve aucun inconvénient à lui donner la signification ci-dessus indiquée ; tout en maintenant que la garde civique dans les communes d'une population agglomérée au-dessous de dix mille âmes, doii y rester ordinairement en non-aetivilé, l'activité ne serait que l'exception momentanée.

M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour adhérer à l'interprétation que vient de donner l'honorable préopinant. J'ai signé, conjointement avec lui, l'amendement tendant à ce que la garde civique ne soit pas en activité dans les communes dont la population agglomérée est de moins de dix mille âmes. L'interprétation que vient de donner l'honorable M. de Renesse à cet amendement me paraît très rationnel et j'y adhère très volontiers.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les deux honorables membres qui ont pris les premiers la parole désirent qu'il n'y ait aucune équivoque dans l'application de l'article 3. L'honorable M. Moncheur a demandé notamment si, à la faveur de la disposition finale de cet article, la garde civique serait active ou pourrait être active dans les communes dont la population n'excède pas 10,000 âmes. L'honorable M. de Renesse a appuyé les observations de l’honorable M. Moncheur et ces deux honorables membres désirent que l'on s'explique nettement sur le sens à donner à cette disposition de la loi.

Messieurs, si quelque chose m'étonne après la discussion à laquelle la chambre s'est livrée, c'est qu'il puisse y avoir un doute ou matière à interprétation sur le sens de cette disposition. Il a été dit, dès que la question a été soulevée, que le gouvernement entendait la loi en ce sens, que partout où la population n'atteindrait pas le chiffre de 10,000 âmes, et où, en principe, la garde civique ne doit pas être active, le gouvernement restait néanmoins maître de l'appeler à l'activité, qu'il était seul juge, seul appréciateur de l'utilité de l'organisation active.

Or, en admettant ce principe que je crois devoir maintenir dans l'intérêt de l'institution, il ne peut pas y avoir de doute sur l'application la loi à l'une et à l'autre situation qui viennent d'être indiquées. La première de ces situations a rapport au cas où la garde civique est active, quoique la population n'atteigne pas le chiffre de 10,000 âmes. Eh bien, j'ai l'honneur de faire observer que pour ces communes si le gouvernement pense que, nonobstant l'infériorité du chiffre de la population, la garde civique y rend des services essentiels, qu'elle y est nécessaire, il la maintiendra par un arrêté particulier.

Le gouvernement décidera si, en raison des circonstances dans lesquelles ces communes se trouvent, et en raison des précédents de la garde civique dans ces communes, il y a utilité de la maintenir.

La seconde partie de l'observation se rapporte aux communes dans lesquelles, quoique la population s'élève à 10,000 âmes, il n'y a pas de garde civique.

Eh bien, le gouvernement agira à l'égard de ces communes comme à l'égard des premières. Y a-t-il utilité quelconque, et le gouvernement doit seul en être juge, à ce que la garde civique soit appelée à l'activité, il l'appellera.

L'honorable M. de Renesse a demandé s'il n'était pas nécessaire, pour donner plus de garantie qu'on ne fera pas abus de la garde civique, dans les communes dont la population n'atteint pas le chiffre de 10,000 âmes, d'exiger que l'arrêté qui appellera à l'activité ou qui maintiendra en activité la garde civique dans ces communes, soit un arrêté royal.

Selon moi, quand la loi dit qu'il faut un arrêté du gouvernement, il ne peut s'agir que d'un arrêté royal. Un ministre seul ne compose pas le gouvernement.

Voilà ce que je crois devoir répondre aux observations qui ont été présentées.

M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, l'interprétation que l'honorable ministre de l'intérieur vient de donner au troisième paragraphe de l'article 3, est la seule bonne ; c'est celle que j'ai indiquée dès le premier jour, contrairement aux assertions de plusieurs honorables collègues qui se sont plaints de ce que la chambre venait de supprimer la garde civique dans toutes les localités d'une population inférieure à 10,000 âmes. J'espère que ces honorables membres reconnaîtront leur erreur, et que la chambre n'a pas supprimé, comme le disait l'autre, jour l'honorable M. Rogier, la garde civique dans les communes suburbaines de la capitale.

Il est donc certain, ainsi que le dit M. le ministre de l'intérieur, que le gouvernement maintiendra la garde civique dans les localités où il le jugera convenable, où elle lui paraîtra nécessaire, et ce, en vertu d'un arrêté royal.

Il entre, sans doute, dans les intentions de M. le ministre de l'intérieur d'exécuter la loi conformément à l'esprit que le législateur lui a imprimé.

Or, nous devons reconnaître tous que l'intention formelle de la chambre est de supprimer la garde civique armée dans les communes au-dessous de 10 mille âmes, où cette institution n'est pas nécessaire, j'ajouterai en quelque sorte indispensable

Il y aura donc lieu, ce me semble, de laisser la garde civique inactive dans un certain nombre de localités où elle existe aujourd'hui, mais où on ne la jugera pas nécessaire.

Il doit en être forcément ainsi, les anciens ministres devront eux-mêmes le reconnaître. Sous l'empire de la loi du 8 mai 1848, il y avait obligation de mettre la garde civique en activité dans toutes les communes de 3,000 âmes. Cette obligation n'a été que très incomplètement remplie. Cependant plusieurs communes ont été dotées d'une garde civique qui y est devenue aujourd'hui superflue, et qui ne fut pas même nécessaire en 1848, lors de l'organisation du service. Je citerai, entre autres, la commune d'Andenne, dont l'aggloméré n'est que de 2,000 âmes, et qui a une légion tout entière.

Je pense que M. le ministre de l'intérieur reconnaîtra que dans cette commune et dans quelques autres, il n'y aura pas lieu de maintenir en activité la garde civique. Tel me semble être le vœu très marqué de la chambre. Je puis dire que la section centrale a été unanime à le reconnaître.

Quant aux observations qu'a faites M. le ministre de l'intérieur sur l'inutilité d'accepter l'amendement proposé par l'honorable M. de Renesse, je m'y rallie volontiers : « arrêté du gouvernement » est évidemment synonyme d' « arrêté royal ».

M. Rogier. - Messieurs, d'après la manière dont on interprète la modification introduite au premier vote, rien au fond ne serait changé à la loi, rien ne serait changé aux faits existants ; si, en effet, on ne veut pas que l'effet de la modification soit la suppression de ce qui existe, je dis que rien n'est changé ni en fait, ni en principe. Je vais le démontrer. Si le dernier paragraphe de l'article 3 subsiste, le gouvernement sera juge de l'opportunité de mettre en activité la garde civique dans les localités d'une population même inférieure à trois mille âmes ; vous aurez eu beau mettre dans la loi que la garde peut être active dans les localités d'une population d'au-delà de dix mille âmes, si par arrêté royal le gouvernement est autorisé à décréter la mise en activité de la garde dans les communes inférieures à trois mille âmes, évidemment vous n'avez rien fait.

Pour être logique il faudrait interdire au gouvernement de mettre la garde civique en activité dans les localités d'une population inférieure à 10 mille âmes. Si vous lui laissez la faculté de le faire, vous n'avez rien fait ; vous avez changé un chiffre, mais les pouvoirs du gouvernement restent les mêmes ; c'est clair comme le jour. Ce qu'il fallait faire pour rentrer dans la légalité, pour faire disparaître cette inexécution partielle de la loi à laquelle le gouvernement avait cru pouvoir s'arrêter, c'était de dire : « La garde civique se divise en garde active et en garde inactive ; elle peut être active dans les localités d'une population de 5 mille âmes. »

Le gouvernement se trouverait couvert par cette nouvelle disposition qui est l'interprétation de l'article 3 dans le sens que lui-même lui avait donné.

Si le dernier paragraphe de l'article 3 subsiste, il est de fait que le gouvernement pourra mettre la garde en activité dans les localités d'une population inférieure à 10 et même à 3 mille âmes. (Interruption.)

(page 1245) Il ne s'agit pas de circonstances extraordinaires. Il y est dit, il est vrai, lorsque l'autorité communale le juge nécessaire. Mais cette phrase s'applique aux patrouilles. L'autorité communale ne décidera pas la nécessité, l'opportunité de la mise en activité de la garde, c'est le gouvernement seul qui décidera.

Le gouvernement reste libre de mettre la garde civique en activité dans toutes les communes ; sous ce rapport, rien n'est changé en principe.

La chambre ne peut vouloir que le gouvernement retire les arrêtés qui ont organisé la garde dans les localités d'une population inférieure à 10 mille âmes. Vous ne pouvez pas prétendre qu'on supprime la garde là où elle existe.

Dans les communes où la garde est organisée, armée, équipée, où elle fonctionne très bien, vous ne conseillerez pas au gouvernement de la supprimer.

Elle sera donc maintenue dans les communes d'une population inférieure à 10,000 âmes, où elle est armée et équipée. D'après le tableau qui vous est soumis, il y en a douze dans ce cas. Vous ne pouvez vouloir qu'on la supprime dans ces communes.

M. Coomans, rapporteur. - Vous avez dit le contraire l'autre jour.

M. le président. - Je demande que l'on n'interrompe pas r'u tout.

M. Rogier. - Ceux qui ont voté l'amendement ne sont pas d'accord entre eux. Il faut quelque chose de net et de franc. Il ne faut pas qu'il reste de doute sur les intentions de la chambre. Puisqu'un certain nombre de membres veut introduire une modification dans l'état actuel des choses, qu'on s'en explique. Votre article, tel qu'il est, ne signifie absolument rien.

Je ne pense pas que M. le ministre de l'intérieur puisse prendre l'engagement de supprimer la garde civique là où elle est bien organisée.

Rappelons encore comment les choses se sont passées. Le gouvernement aurait pu à la rigueur organiser la garde civique dans toutes les communes d'une population supérieure à 5,000 âmes. Il le pouvait.

M. Coomans. - Il le devait.

M. Rogier. - Il le devait, soit. Il ne l'a fait que partiellement. Nous avons dit pourquoi dans les séances précédentes. Il peut en outre (ceci est une faculté) mettre la garde civique en activité dans les communes d'une population inférieure à 5,000 âmes. Là il ne l'a pas fait du tout. Le gouvernement a donc agi avec unu très grande réserve. Lorsque sur 260 communes où il pouvait organiser la garde, il ne l'a organisée que dans 40 communes, il l'a fait par de bonnes raisons. Il a fallu du temps pour arriver à l'état organisation auquel on est parvenu dans ces dernières communes. Je ne pense pas que de ces communes il soit arrivé des pétitions contre la garde civique. Au contraire.

Je crois qu'il importe de maintenir la garde civique, telle qu'elle est aujourd'hui organisée, et de ne pas forcer le gouvernement à la supprimer là où elle existe. C'est ce que disait le rapporteur de la section centrale dans la première discussion. C'est en ce sens que j'acceptais la modification qui était proposée. Mais l'honorable M. de Renesse, auteur de l'amendement, entend que dans les communes d'une population inférieure à 10,000 âmes la garde civique soit supprimée.

M. de Renesse. - A moins que le gouvernement ne l'autorise dans des circonstances extraordinaires.

M. Rogier. - Cela ne veut rien dire.

Je ne pense pas, je le répète, que le gouvernement doive supprimer la garde civique dans les 12 communes d'une population inférieure à 10,000 âmes où elle est organisée. Il y a parmi ces 12 communes deux chefs-lieux de province (Hasselt et Arlon) et plusieurs communes de la banlieue de Bruxelles.

Je désirerais donc qu'il fût bien entendu que le gouvernement est autorisé à maintenir la garde civique là où elle existe, et à la mettre en activité dans toutes les communes d'une population supérieure à trois mille âmes.

C'est l'état de choses actuel.

M. Moncheur. - J'ai posé au gouvernement les questions suivantes :

Quel sera, d'après la nouvelle loi, le sort de la garde civique dans les localités d'une population inférieure à 10,000 âmes et supérieure à 3,000 âmes, là où elle a été mise en activité, en vertu de la loi de 1848 ?

La garde civique, dans ces localités, sera-t-elle supprimée de droit ?

Enfin, sera-t-il nécessaire qu'un arrêté spécial et nouveau du gouvernement intervienne pour que, dans ces localités, la garde civique soit, pour des motifs graves, rappelée à l'activité ?

Voilà les questions que j'ai posées.

Le gouvernement, par l'organe de M. le ministre de l'intérieur, a résolu ces questions, comme je les entends, et comme je crois que toute la chambre doit les entendre, c'est-à-dire que, par l'effet de la publication de la loi nouvelle, la garde civique active dans les communes de 3 à 10 mille âmes sera supprimée de droit, et qu'il faudra un nouvel arrêté du gouvernement pour la rappeler à l'activité.

Voilà ce qui a été déclaré par le gouvernement.

Cependant l'honorable M. Rogier dit qu'en établissant cet ordre de choses, nous n'avons rien fait. Mais, messieurs, si nous n'avons rien fait, pourquoi donc l'honorable M. Rogier s'est-il tant opposé à l'article 3, tel que nous l'avons rédigé ? L'honorable membre comprendra au contraire lui-même que nous avons fait une chose extrêmement grave et sérieuse. En effet, d'après le nouvel article 3, il faudra, pour toutes les communes d'une population inférieure à 10 mille âmes, un arrêté royal pris en connaissance de cause pour des motifs graves et exceptionnels pour appeler la garde civique à l'activité.

A défaut de cet arrêté, la garde restera inactive dans ces localités. Or, cela constitue une immense différence avec ce qui existe aujourd'hui.

En effet, la loi de 1848 disait positivement que la garde civique était active dans les communes ayant au moins une population de 3,000 âmes. Elle était donc, en vertu de la loi même, active dans ces communes ; et lors que le gouvernement sanctionnait cette activité, il ne jugeait rien, il ne décidait rien, il ne posait qu'un acte purement exécutif de la loi.

D'après la nouvelle loi, au contraire, il faudra que des circonstances spéciales, extraordinaires, exceptionnelles existent, pour que le gouvernement mette, en vertu d'un arrêté spécial, la garde civique en activité dans les localités non point de 3,000 âmes, mais de 10,000 âmes. Voilà, messieurs, la grande distance qui existe entre la nouvelle loi et l'ancienne.

Vous comprenez tous, messieurs, que le gouvernement engage sa responsabilité en mettant la garde civique en activité dans telle ou telle localité de moins de dix mille âmes ; et la législature est juge de ces actes posés par le gouvernement dans la limite de ses attributions ; tandis qu'en vertu de l'ancienne loi, la responsabilité du gouvernement n'était nullement engagée ; et nous n'avions rien à approuver ni à improuver dans un acte du gouvernement qui sanctionnait la position d'activité de la garde civique dans les localités de trois mille âmes.

A présent, au point de vue de la question transitoire, l'honorable M. Rogier dit qu'il lui semble que le gouvernement ne pourrait pas prendre l'engagement de supprimer une seule des gardes civiques qui sont actuellement en activité dans le pays.

Je ne sais quels engagements le gouvernement serait disposé à prendre ou à ne pas prendre à cet égard ; mais le fait est que sur ce point le ministre a pleins pouvoirs. La loi nouvelle lui fait table rase, pour toutes les communes en dessous de 10,000 âmes. Il examinera quelles sont les localités où la garde civique devra être remise en activité ; quelles sont celles où elle devra rester supprimée, je ne dis pas être supprimée, mais rester supprimée, parce qu'elle le sera en vertu de la loi elle-même.

Notez, messieurs, que le nombre des localités où la garde civique est mise en activité est très restreint ; c'est même là aujourd'hui l'exception. Le gouvernement doit donc, à cet égard, prendre en considération qu'il ne faut pas frapper à perpétuité les localités qui se sont exécutées le plus patriotiquement, dans le moment où le danger existait ; qu'il ne doit pas y maintenir éternellement la garde civique active, par cela seul qu'elle y a été mise une fois en activité. Ces communes doivent donc être mises dens le nouveau droit commun.

En résumé, messieurs, j'ai dit et j'ai prouvé, je pense, que l'article 3 nouveau apporte une modification réelle et très grave à l'ordre de choses actuel et qu'en l'admettant nous faisons d'un côté la part des nécessités du gouvernement, au point de vue de l'ordre et de la sécurité publics, puisque nous lui laissons la faculté de prendre des arrêtés de mise en activité de la garde civique, lorsque cela est nécessaire, et que de l'autre côté, nous satisfaisons, ainsi que je l'ai dit, aux intérêts du repos et de la tranquillité des citoyens qui ne doivent pas rester soumis inutilement pendant un trop long temps de leur vie à un service militaire ou semi-militaire.

M. le président. - Voici un amendement que M. de Renesse vient de transmettre au bureau :

« Ajouter au paragraphe 3 de l'article 3, après les mots : Dans ces dernières communes, ceux-ci : En cas de circonstances extraordinaires. »

Nous verrons tantôt si cet amendement n'est pas au fond le même que celui de M. de T'Serclaes, qui a été repoussé au premier vote ; dans ce cas, il ne pourrait pas être mis en discussion.

M. Lelièvre. - Pour moi, messieurs, il m'est impossible de me rallier à la rédaction du paragraphe en question qui certainement est on ne peut plus vicieuse. En effet le paragraphe énonce que la garde civique peut être active dans les communes d'une population agglomérée d'au moins 10,000 âmes. Quiconque est au courant du style législatif conclura nécessairement de cette disposition que dans les communes d'une population inférieure à ce chiffre, elle ne peut pas être active, et cependant il n'en est pas ainsi, puisqu'on admet que dans ces dernières communes le gouvernement peut aussi rendre la garde civique active.

D'un autre côté, remarquez qu'on veut remplacer le paragraphe 2 de l'article 3 de la loi du 8 mai 1848 par la disposition en discussion. On laisse donc subsister la disposition initiale de l'article 3, ainsi conçue :

(page 1246) « La garde civique se divise en garde active et en garde non active. »

Or, les expressions de l'article en discussion « peut être active » ne concordent pas avec le principe de la disposition initiale qui divise la garde civique en garde active et en garde non active.

Le système de la loi de 1848 est tout à fait logique. Il y a une garde active et une garde non active. Ce n'est que par exception que cette garde non active peut être appelée à l'activité. Eh bien, la rédaction de la disposition en discussion détruit ce système logique, puisque jamais il n'y a activité de plein droit et que l'activité est dans tous les cas une simple faculté.

Les partisans de la disposition que nous discutons doivent demander qu'elle soit rédigée en ces termes :

« La garde civique est active dans les communes ayant au moins une population agglomérée de 10,000 âmes. »

Sans cela, l'on détruit toute l'économie logique de l'article 3 de la loi du 8 mai 1848, et l'on introduit une disposition dont la rédaction est vicieuse et illogique. En effet puisque même dans les communes d'une population nférieure à 10,000 âmes, la garde civique peut être rendre active, je ne conçois vraiment pas comment on peut justifier la rédaction de notre disposition.

M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Lelièvre suppose que notre intention a été de rendre la garde civique forcément active dans toutes les communes ayant dix mille âmes de population. Dans cette hypothèse, l'argumentation de l'honorable M. Lelièvre est bonne, est irréfutable.

Mais telle n'a pas été la pensée des auteurs de l'amendement ; telle n'a pas été la mienne quand je m'y suis rallié.

Voici le système de la loi. La garde civique peut être, de par la loi, active dans les communes de dix mille âmes ; mais elle ne l'est pas forcément.

Il peut se présenter des cas où des villes de plus de dix mille âmes n’aient pas besoin d'une garde civique, et nous laissons au gouvernement l'appréciation des circonstances, tandis que si vous adoptez le changement de rédaction proposé par l'honorable M. Lelièvre, vous ferez au gouvernement une obligation d'organiser et d'armer la garde civique dans toutes les villes ayant dix mille âmes de population.

Vous voyez qu'il y a une différence essentielle entre la pensée de l'honorable M. Lelièvre et la nôtre. Je maintiens donc la rédaction de ce paragraphe 2, àmoins que l'on ne nous présente une autre rédaction qui ait exactement le même sens.

Messieurs, voulez-vous la preuve que cette pensée est modérée et rationnelle, qu'elle s'écarte peu de la loi du 8 mai ? C'est que, même sous l'empire de la loi du 8 mai, alors qu'il y avait obligation d'organiser et d'armer la garde civique dans toutes les communes comptant 3,000 âmes, il s'est trouvé des communes de 10,000, de 15,000 âmes, où la loi n'a pas été appliquée, où le même ministre, qui combat si vivement aujourd'hui nos propositions, n'a pas osé aller au-delà.

Ne nous effrayons donc pas de la faculté que nous laissons au gouvernement d'organiser la garde civique ou de la laisser inactive dans les communes de plus de 10 mille âmes de population, ce que nous proposons sous ce rapport est conforme aux faits accomplis.

L'honorable M. Rogier, qui s'était mépris deux fois dans des séances précédentes sur la signification du troisième paragraphe de l'article 3, commence aujourd'hui à la comprendre ; mais il ne le comprend pas encore entièrement, attendu que l'honorable membre prétend que nous n'avons rien fait en votant la restriction relative aux 10 mille âmes.

D'abord je pourrais lui demander avec l'honorable M. Moncheur, pourquoi il a si fortement attaqué la disposition qu'il réduit à néant aujourd'hui, pourquoi il en nie l'importance après y avoir vu le bouleversement de toute la loi et la destruction de la garde civique. Mais j'aime mieux lui montrer encore le but et la portée de cette rédaction.

Sous la loi du 8 mai, je le répète, il y avait obligation d'armer la garde civique dans toutes les communes ayant trois mille âmes de population. Cette obligation n'a pas été remplie ; la loi a été complètement méconnue pour des raisons qu'il est inutile de discuter aujourd'hui.

Nous avons donc voulu faire cesser une illégalité, une illégalité choquante. Nous avons voulu légaliser un état de choses entièrement arbitraire ; et nous avons dit : Le gouvernement pourra organiser la garde, sans arrêté royal, dans toutes les communes de dix mille âmes.

Il pourra l'organiser également d'après les circonstances, en cas de nécessité bien reconnue, dans les communes de moins de dix mille âmes, mais en prenant un arrêté royal. Dans les grandes communes l'organisation sera la règle ; dans les petites elle sera l'exception.

Voilà le système de la loi. Il va de soi que le lendemain de la promulgation de la loi, la garde civique cesse de plein droit d'être active dans les localités de moins de dix mille âmes. Mais il va de soi aussi, et je suis parfaitement d'accord sur ce point avec M. le ministre de l'intérieur, que le gouvernement peut maintenir la garde civique en armes dans ces localités par un arrêté royal, pourvu que l'utilité de ce sacrifice imposé à la population civile lui paraisse évidente.

Je vous demande pardon, messieurs, d'insister sur ces détails qui me semblaient superflus, tant la rédaction de l'article 3 est claire. Mais comme on a affirmé ici et au-dehors qu'en modifiant cet article nous avions supprimé net la garde civique dans une foule de communes (dans 20 sur 42, d'après M. Rogier), et qu'on a même essayé de provoquer des manifestations publiques basées sur cette erreur, j'ai cru devoir rétablir la vérité telle qu'elle ressort clairement des décisions de la chambre. Je ne fais d'ailleurs que répéter les déclarations que j'ai formulées dans des séances antérieures. Mes honorables contradicteurs n'avaient pas compris, peut-être même n'avaient-ils pas lu les derniers paragraphes de l'article 3.

Voilà le système de la loi rétabli comme il doit l'être.

Quant à la prétention de l'honorable M. Rogier, de maintenir même sans arrêté royal, la garde civique dans toutes les communes où elle est armée aujourd'hui, même dans celles qui ne comptent pas dix mille âmes, c'est une prétention que nous ne pouvons pas admettre, n'eussions-nous que cette seule raison-ci, qui est suffisante, c'est que c'est une prétention complètement illégale. (Interruption.) Certes, messieurs, le gouvernement pourra organiser la garde civique dans toutes les localités quelconques où elle est inactive aujourd'hui n'eussent-elles que cinq cents âmes, mais seulement en vertu d'un arrêté royal. (Interruption.)

L'honcrable M. Rogier me dit : « Mais alors vous n'avez rien fait. » Si, messieurs, nous aurons fait quelque chose, parce que nous resterons juges de l'emploi fait par le gouvernement de la faculté que nous lui laissons, et s'il abuse de cette faculté nous la lui retirerons.

Vous voyez donc, messieurs, que la loi est tout autre chose que ce que pense l'honorable M. Rogier et aussi tout autre chose que ce que veut l'honorable M. Lelièvre.

Il se présentera des circonstances où la mise en activité de la garde civique, même dans des communes de 10 mille âmes, ne sera pas nécessaire ; eh bien, le gouvernement ne l'y armera pas ; nous l'y autorisons ; nous faisons disparaître l'illégalité qui existe aujourd'hui sous ce rapport.

Il est si vrai que l'organisation de la garde civique n'est pas indispensable dans toutes les communes de plus de 10 mille âmes, que le gouvernement, sons l'empire de la loi du 8 mai, ne l'a pas organisée dans plusieurs de ces communes.

Ne nous reprochez pas de faire moins pour la garde civique que vous n'avez fait vous-mêmes.Vous-mêmes n'avez pas organisé la garde civique dans beaucoup de communes de plus de 10,000 âmes ; en cela vous avez violé la loi ; à part ce tort, vous aviez raison peut-être ; nous légalisons ce que vous avez fait arbitrairement ; nous venons confirmer et rectifier vos propres actes ; votre approbation nous est due, et cependant vous repoussez l'indispensable réforme que nous avons provoquée, et que vous auriez dû être les premiers à demander, vous qui n'avez ni osé ni su appliquer la loi du 8 mai, tant louée et tant violée par ses auteurs.

M. de Renesse. - Je retirerai mon amendement, mais je proposerai de dire au premier paragraphe : « elle est active » au lieu de : « elle peut être active. »

M. de Theux. - Messieurs, mes honorables collègues, MM. Moncheur et Coomans, ont expliqué la loi d'une manière tellement claire qu'elle ne peut soulever le moindre doute. Il faut se rappeler ce qui s'est passé au premier vote : il y a eu deux amendements ; l'un présenté par l'honorable M. Rogier porte que l'organisation de la garde civique est facultative dans les communes dont la population est supérieure à 10 mille âmes, en ce sens que dans ces communes, elle est de droit active, mais que néanmoins le gouvernement peut dispenser quelques communes de cette catégorie d'organiser la garde civique ; mais alors il faut un arrêté du gouvernement qui accorde cette dispense.

Maintenant, dans les communes d'une population inférieure à dix mille âmes, la garde civique est de droit non active, et si le gouvernement veut la rendre active, il faut un arrêté du gouvernement qui la déclare active.

L'honorable M. Lelièvre a critiqué la rédaction de l'amendement. Je crois qu'il est très facile de faire droit aux critiques de l'honorable M. Lelièvre ; voici comment :

On maintient le premier paragraphe de l'article 3, ainsi conçu :

« La garde civique se divise en garde civique active et en garde civique non active.

Maintenant, au deuxième paragraphe, au lieu de dire : « Elle est active dans les communes ayant au moins une population agglomérée de 10 mille âmes, et dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse, » au lieu de cela, nous disons (c'est ce qui a été voté) : « La garde peut être active dans les communes, etc. »

Enfin un autre amendement adopté par la chambre doit également s'adapter à ce qui précède ; il est ainsi conçu :

« Elle est non active dans les autres communes ; elle y est néanmoins organisée jusqu'à l'élection inclusivement, et chargée du service des patrouilles, lorsque l'autorité communale le juge nécessaire. Dans ces dernières communes, la garde civique peut aussi être appelée à l'activité lorsque la nécessité s'en fait sentir, et en vertu d'un arrêté royal qui constate cette nécessité, la députation permanente du conseil provincial entendue. »

De cette manière la rédaction est parfaite et elle offre une clarté à laquelle il est impossible de résister.

Maintenant, messieurs, encore un mot à l'appui des amendements adoptés par la chambre au premier vote.

Le gouvernement lui-même dans les circonslances critiques de 1848 a jugé que dans diverses communes dont la population est supérieure à 10,000 âmes, il n'était pas nécessaire de rendre la garde civique obligatoire ; eh bien, si cela n'était pas nécessaire en 1848, malgré les termes impératifs de la loi, c'est bien moins nécessaire aujourd'hui et nous ne faisons simplement que sanctionner ce que le gouvernement a mis en pratique.

(page 1247) Quant aux communes inférieures à 10,000 âmes il est bien évident que, dans des circonstances normales comme celles où nous nous trouvons aujourd'hui, il est inutile que la garde civique y soit active ; mais en cas de circonstances particulières, là où il y aura des motifs extraodinaires, le gouvernement déclarera la garde civique active.

Je crois, messieurs, que, de cette manière, on concilie véritablement tous les besoins de la sûreté intérieure, les égards que nous devons avoir pour la liberté individuelle et notre désir d'épargner des charges inutiles aux habitants.

M. Van Overloop. - Messieurs, si l'on se tient à la lettre, l'article 3, tel qu'il a été adopté au premier vote, l'interprétation qu'y donne l'honorable M. Rogier, est parfaitement exacte ; mais si, au contraire, on se rapporte aux discussions qui ont eu lieu, et notamment à celle qui a porté sur l'amendement de mon honorable ami, M. de T'Serclaes et de moi, alors l'interprétation de l'honorable M. Rogier n'est plus exacte.

L'article 3 est ainsi conçu :

« La garde civique se divise en garde civique et en garde civique non active.

« Elle est active dans les communes ayant au moins une population agglomérée de 10,000 âmes, etc. »

Qu'a-t-on voulu ? L'honorable M. de Muelenaere a proposé un amendement aux termes duquel la garde civique ne devait plus être obligatoirement active, mais pouvait être rendue active par un arrêté du gouvernement. L'honorable M. de T'Serclazs et moi, qui avions eu la même idée, nous avions présenté un amendement dans le même sens que l'honorable comte de Muelenaere. Mais comprenant qu'il y avait une espèce de contradiction entre cette modification au paragraphe 2 de l'article 3 et la partie finale du même article, nous avions ajouté ce qui suit à notre amendement :

« Dans ces dernières communes, elle peut être mise en activité en cas de nécessité, et en vertu d'un arrêté royal constatant cette nécessité. »

La chambre a rejeté notre amendement. Mais pourquoi ? Nous avions communiqué l'amendement à M. le ministre de l'intérieur ; M. le ministre de l'intérieur a trouvé que la seconde partie de l'amendement était parfaitement inutile, parce que telles étaient les intentions du gouvernement. C'est par suite de cette observation de M. le ministre de l'intérieur que cette partie de notre amendement a été rejetée.

Ainsi le texte de la loi, tel qu'il est aujourd'hui conçu, me paraît contraire à la volonté qu'a manifestée la chambre (interruption) ; du moins ce texte n'est pas clair en présence des discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte.

Pour qu'il n'y eût pas de doute sur la volonté, bien formelle, d'après moi, de la chambre, il faudrait, si la chose était encore possible, terminer la dernière partie du paragraphe 3 de l'article 3 par ces mots :

« Dans ces dernières communes, elle peut être appelée à l'activité en cas de nécessité, en vertu d'un arrêté du gouvernement constatant cette nécessité. »

M. le président. - Cette disposition a été rejetée au premier vote ; elle ne peut pas être reproduite.

M. Van Overloop. - En ce cas, il doit être bien entendu que telle a été la volonté de la chambre et que telle doit être l'exécution à donner à la disposition.

Je réfléchirai, au surplus, au moyen de concilier, par un nouvel amendement, le texte de l'article 3 avec les intentions qu'a manifestées la chambre.

M. le président. - M. Ch. Rousselle a dépesé l'amendement suivant :

« La garde civique se divise en garde active et en garde non active.

« Un arrêté royal détermine les communes où la garde est active.

« Dans les communes où la garde est non active, elle y est néanmoins organisée jusqu'à l'élection inclusivement et chargée du service des patrouilles lorsque l'autorité communale le juge nécessaire. »

M. Ch. de Brouckere. - etieurs, nous n'avons pas à juger du mérite de la pensée de tel ou tel orateur, nous devons apprécier un texte de loi. On aura beau dire : « La volonté de la chambre ne se trouve pas exprimée dans le texte de la loi. » Cette volonté sera impuissante, lorsque le texte est clair et positif.

Or, le texte est-il logique ? L'honorable M. Lelièvre vient d'établir le contraire : cela me paraît aussi clair que le jour. Vous dites deux fois la même chose dans deux paragraphes distincts.

« § 2. Elle peut être active dans les communes ayant une population agglomérée d'au moins 10 mille âmes. »

Comment y sera-t-elle active ? Par un arrêté royal ? (Non ! non !)

Comment ! non ! non ! Voilà une nouvelle manière d'exécuter les lois.

La garde peut être active ou inactive : à qui la faculté de disposer ? Au gouvernement nécessairement. Le gouvernement devra juger si la garde civique sera active ou inactive ; donc, il faudra un arrêté royal pour déclarer que la garde civique sera active dans les communes de dix mille âmes au moins.

Que dites-vous ensuite dans le troisième paragraphe ?

« Dans ces dernières communes, elle ne sera appelée à l'activité que par un arrêté du gouvernement. »

Ainsi, dans les communes de 10,000 âmes au moins, la garde civique sera rendue active par un arrêté du gouvernement ; et dans toutes les autres communes du royaume, la garde civique sera active en vertu d'un arrêté exactement semblable.

Est-ce là une rédaction digue d'un législateur ? Non ; vous avez une pensée, ce n'est pas la mienne. Traduisez votre pensée en quelque chose de logique.

M. de La Coste. - Messieurs, je pensais que le mot « agglomérée » pouvait donner lieu à quelques difficultés. Mais j'ai trouvé qu'il était déjà défini dans notre législation ; il est en effet défini dans les termes ci-après, par l'article 7 du décret du 22 décembre 1808, restant l'exécution de l'article 18 de la loi du 25 novembre 1808 précédent ; il s'agissait, dans cette loi, de villes ou bourgs d'une population de deux mille habitants. Voici maintenant comment s'exprime le décret :

« Dans les lieux dont la population agglomérée sera de deux mille âmes au moins, non compris celle éparse dans les hameaux ou villages dépendants de la commune. »

Ainsi donc les mots « population agglomérée » excluent les hameaux et villages dépendant de la commune. Je tenais à ce que cela fût constaté dans la discussion ; il en résultera que la règle admise au premier vote s'appliquera à d'autres communes que celles que l'honorable M. Rogier a nommées.

Quant à la question qui vient de s'agiter, j'avoue que je ne vois pas l’obscurité que l’honorable M. de Brouckere croit apercevoir dans la rédaction.

On a adopté l'amendement qui semble à quelques membres jeter une certaine incertitude sur la portée de l'article, c'est-à-dire les mots : « peut être activeé, non pas pour affaiblir la restriction, mais au contraire pour que le gouvernement ne fût pas obligé de mettre en activité la garde civique dans toutes les communes de 10,000 âmes ; cela n'empêche pas que ce ne soit que par exception qu'on pourra la mettre ou la maintenir en activité dans les communes qui ont moins de 10,000 habitants. La rédaction me semble exprimer très clairement cette idée.

M. Dumortier. - Messieurs, pour bien comprendre la portée de l'article, il faut se reporter aux faits qui y ont donné naissance. La loi de 1848 avait ordonné la mise en activité de la garde civique dans toutes les communes de plus de trois mille âmes ; eh bien, dans plus de deux cents de ces communes la garde civique n'a pas été mise en activité. Voilà la position dans laquelle nous nous trouvions, lorsque nous avons commencé ces débats.

Or, si en 1848 et en 1849, le gouvernement n'a pas cru convenable d'organiser la garde civique dans les quatre cinquièmes à peu près des localités dont la population est de plus de 3 mille habitants, il est évident qu'on ne peut pas songer en 1853 à en commencer l'organisation. Il y avait cependant là quelque chose de choquant : c’était la non-exécution de la loi.

Ce quelque chose est choquant, la loi est impérative ; elle commande : son exécution devait avoir lieu. Vola dans quelle situation cette discussion a commencé. Qu'a-t-on voulu ? Faire cesser cet état de choses. On a voulu que le chiffre fût tel, qu'il n'y eût plus de non-exécution de la loi ; c'est pour arriver là qu'on a rendu la disposition facultative d'obligatoire qu'elle était dans la loi de 1848.

Tout le monde était unanime pour reconnaître qu'une modification devait être introduite dans la loi.

Quand dans deux cents communes sur 250, quand dans les 4/5 des communes la loi n'avait pas reçu d'exécution, il fallait éviter une rédaction qui avait amené pour les 4/5 la non-exécution de la loi. Ce but est-il atteint ? Je le pense.

En effet, je vous avoue que je ne comprends pas les discussions qui ont lieu en ce moment.

Quant au premier point, l'expérience avait démontré que les villes où le gouvernement avait cru devoir organiser la garde avaient une population de plus de dix mille âmes ou étaient dominées par une forteresse. C'était à peu près cela.

On a donc mis dans la loi ce chiffre de 10 mille âmes. Mais, veuillez-le remarquer, on n'en a pas fait une obligation.

Je n'en vois pas. Je vois une disposition dans chaque paragraphe. Ans termes du deuxième paragraphe l'activité est la règle ; au troisième, est l'exception.

Ainsi dans les communes de plus de 10 mille âmess la règle sera l'activité ; et cependant lorsqu'il n'y aura pas nécessité le gouvernement pourra s'abstenir d'organiser, il ne sera pas tenu de le faire, lorsque l'administration communale ne croira pas devoir imposer cette charge à ses habitants ; au contraire, dans les communes de moins de 10 mille âmes il n'y aura de garde active qu'autant que le gouvernement l'ordonnera ; ce sera l'exception.

On a cité de petites villes, Hasselt, Arlon où il y a des gardes civiques. Je ne vois pas la grande importance d'une garde à Hasselt ou Arlon ; la garde civique a pour but de pourvoir au maintien de l'ordre, et là où l'ordre ne peut pas être menacé et où, s'il l'était, quatre gendarmes suffiraient pour le rétablir, je ne vois pas la nécessité d'imposer la charge de la garde civique, car beaucoup de personnes regardent la garde civique comme une charge. Ce que nous avons à faire, c'est de tenir un peu de compte de la volonté de nos commettants, de la manière dont ils apprécient une institution, de la répugnance qu'ils éprouvent, pour ne pas les appeler quand il n'y a pas nécessité.

(page 1248) Dans les villes dominées pnr une forteresse, dans les centres manufacturiers, dans la capitale, la garde civique est une institution précieuse, mais à Arlon. à Hasselt, à Ever c'est d'une utililé très secondaire ; si vous voulez conserver l'institution, c'est mon vœu le plus ardent, rendez-la supportable ; sans cela vous la viciez, vous la tuez radicalement. L'amendement admis au premier vote peut être définitivement adopté ; si on propose une rédaction qui fasse cesser les scrupules de quelques honorables membres, je m'y rallierai. Le premier vote a consacré un système plein de sagesse qui fait cesser la violation de la loi dans deux cents communes.

M. le président. - MM. Ch. de Brouckere et Van Overloop ont déposé un amendement ainsi conçu :

« Elle est active, à moins d'une disposition contraire du gouvernement, dans les communes ayant au moins une population agglomérée de dix mille âmes et dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse. »

M. Rousselle. - L'amendement de MM. Ch. de Brouckere et Van Overloop remplissant mon intention, je retire mon amendement.

M. Coomans, rapporteur. - Je me rallie à la rédaction proposée par M. de Brouckere.

M. Rogier. - La rédaction proposée me satisfait. L'honorable M. Van Oveiloop et M. de Brouckere ont interprété la disposition comme moi, je me réfugie derrière ces collègues pour répondre au reproche q'inintelligence qui m'a été adressé par le rapporteur de la section centrale. Nous voilà d'accord. Le gouvernement dispensera du service certaines communes de dix à quinze mille âmes ; c’est ce qu'il a fait ; l'amendement consacre l'état de choses actuel. C'est ce que je voulais.

M. Coomans. - Pour n'avoir pas deux fois le mot « moins », je propose de dire :

« Ayant une population agglomérée de plus de 10,000 âmes. »

- L'amendement aussi sous-amendé est mis aux voix et adopté.

M. de Theux. - Je retire le changement de rédaction que j'avais proposé.

- L'ensemble de l'article 3 est adopté tel qu'il a été amendé.

Article 8

M. le président. - Au premier voie, sur la proposilion de M. de Perceval, l'âge de 40 ans a été substitué à celui de 50 dans les paragraphes 1 et 3 de l'article 8.

M. Moxhon. - Messieurs, en donnant mon assentiment à l'amendement de l'honorable M. de Perceval, je voulais que la garde civique, quoique diminuée des deux cinquièmes, devînt un corps homogène et compact, propre à rendre encore quelques services.

Je cédais en cela au désir de diminuer, pour un grand nombre de citoyens, les abus de l'exécution de la loi.

Depuis lors, je me suis convaincu, par les informations que j'ai prises dans les contrôles de la garde civique, que cet amendement, s'il était définitivement adopté, aurait des conséquences funestes, en éliminant surtout l'élément conservateur le plus influent, les hommes de plus de 40 ans.

D'ailleurs les nombreux changements qui ont eu lieu préviendront en grande partie les abus contre lesquels on s'est récrié, et le gouvernement, éclairé par cette discussion, saura prévenir les excès de zèle.

Il résulte, messieurs, du contrôle de la garde civique de Bruxelles, qu'elle se compose de 8,072 hommes, dont 2,245 sont âgés de plus de 40 ans.

Si vous les exemptez elle se réduit à 2,827 gardes pour la capitale.

L'état-major se compose de 12 officiers, dont 7 ont au-delà de 40 ans.

Sur 11 capitaines de compagnie, 45 ont plus de 40 ans.

Les capitaines et quartiers-maîtres, 8 officiers, dont 7 ont plus de 40 ans.

Ainsi, sur 95 officiers, 78 ont plus de 40 ans.

A Nt mur, la garde civique se compose seulement de 477 hommes, dont 182 ont plus de 40 ans ; si vous exemptez ces gardes, Namur n'aura plus qu'une garde civique composée de 295 hommes.

Sur 34 officiers, 21 y ont plus de 40 ans.

Messieurs, en présence de ces chiffres officiels, si vous éliminez les hommes de 40 ans vous dénaturez l'institution de la garde civique. Dans la plupart des communes elle ne sera que l'ombre d'elle-même.

Quant à moi qui veux conserver l'esprit aussi bien que la lettre de notre belle Constitution, je voterai pour la conservation dans les cadres des hommes de 40 ans ; mais je voterai aussi l'amendement de la section centrale qui n'astreint qu'à un jour d'exercice par an les hommes de plus de 35 ans. Cette charge ne sera pas bien lourde, et la garde civique restera à même de rendre un jour à la patrie les services que la patrie est en droit d'en attendre.

Messieurs, dans les temps agités où nous vivons, on ne doit pas compter sur l'avenir. Craignons, en éloignant de la garde civique les hommes de 40 ans, d'y introduire l'influence de l'élément jeune dont on doit toujours redouter l'entraînement.

M. Roussel. - Messieurs, je demanderai à la chamlre la permission de plaider encore, pendant quelques minutes, la cause de mes contemporains, âgés de 40 à 50 ans, afin qu'ils puissent conserver dans la garde civique un service compatible avec leur âge, et avec la position qu'ils occupent dans le monde.

Je ferai remarquer d'abord, qu'à l'appui du système qui a prévalu au premier vote (l'exclusion des hommes de 40 à 50 ans), l'on ne peut invoquer aucunement l'expérience.

En effet, lorsque, en vertu de l'article de la Constitution qui a proclamé l'existence nécessaire, constitutionnelle d'une garde civique, le Congrès national fit la première loi organique de cette institution, il eut soin de déterminer l'âge où devait commencer le service et l'âge où il devait finir. C'est sous ce régime que nous avons vécu jusqu'à ce jour ; c'est sous ce régime que nous avons traversé des temps assez difficiles, avec deux exercices par an rendant une certaine période, et durant une autre, avec des manœuvres plus nombreuses qui n'ont fait grand tort ni à la force matérielle ni même à la force morale de la garde civique.

Il s'agit maintenant d'un système complètement nouveau. Est-il bien prudent d'innover ainsi, lorsque beaucoup d'homrms d'expérience, qui ont fait partie depuis longtemps de notre garde citoyenne, prétendent que, dans les moments de trouble, les gardes qu'on veut exclure, ayant le plus d'influence sur l'opinion, sont les moyens les plus propres à faire servir l'institution au rétablissement de l'ordre, s'il était troublé ?

Je dirai plus : serait-il bien patriotique d'innover quand ces innovations doivent nous faire tomber dans un mal auquel nous nous sommes efforcés d'échapper par d'autres dispositions ? En repoussant l'organisation de la garde civique en deux bans, que vouliez-vous ? Vous entendiez échapper à une réorganisation complète et inévitable, de nature à compromettre l'institution elle-même. Eh bien, en faisant sortir des rangs de la garde ce nombre considérable d'hommes de 40 à 50 ans, tous vos efforts pour maintenir les cadres et par conséquent pour conserver à l'institution la force que le temps lui a donnée, tous ces efforts resteront complètement stériles. C'est une institution toute neuve et toute jeune que nous allons créer ; elle sera composée d'éléments dont l'influence est inconnue parce que désormais ils seront isolés, tandis que jusqu'à présent ils se trouvaient réunis à d'autres éléments qui offraient des garanties sérieuses, importantes pour l'Etat et pour l'institution elle-même.

A part les raisons de convenances personnelles, je demande ce qui pourrait nous déterminer à sortir de la voie dans laquelle nous sommes, et qu'on a suivie jusqu'à ce jour. Personne, en effet, n'est venu dire que la présence des gardes de 40 à 50 ans ait été nuisible, soit à l'institution, soit à la société. Bien au contraire, on vous assure que lorsqu'on aura besoin du service des citoyens de cet âge, ils ne feront pas défaut et qu'on les appellera. Mais vous avez ces hommes dans les cadres de la garde ; pourquoi ne pas les y conserver ?

Conservez-les dans les rangs de la garde ; vous pouvez le faire sans aucun inconvénient, puisque le service qu'on veut leur imposer est insignifiant, et qu'on ne les astreint à aucune obligation désagréable. Vous avez parfaitement concilié les besoins de l'âge et les nécessités de position avec les exigences du service, avec les besoins de la garde elle-même.

Quelle raison allègue-t-on pour introduire dans la loi un principe nouveau que des personnes expérimentées considèrent comme dangereux, si ce n'est le désir qu'ont, dit-on, les hommes de 40 à 50 ans de jouir du repos auquel ils ont droit ?

N'y avaient-ils donc pas droit aussi bien en 1830 et en 1848 ? Vous reconnaissez vous-mêmes si bien qu'iis n'ont pas droit au repos, que vous affirmez que si les circonstances l'exigeaient ou les verrait se précipiter au service de l'ordre public et montrer aux jeunes gens le chemin du patriotisme et du dévouement. Pourquoi refusez-vous d'écrire dans la loi ce qui se trouve écrit dans les cœurs de ceux que vous excluez, ce que vous proclamez vous-mêmes comme le résultat de leurs sentiments personnels ?

Ce besoin de repos n'est donc pas si absolu chez les hommes de 40 à 50 ans que vous ne puissiez leur imposer deux revues et un exercice, à l'effet de les tenir au courant du maniement de l'arme et de les empêcher de se trouver déplacés dans les rangs de la garde, lorsqu'elle est passée en revue par le chef de la nation belge ou par quelque monarque étranger auquel la Belgique rend les honneurs de l'hospitalité, ou bien lorsqu'elle se réunit à l'occasion de l'ouverture solennelle des chambres, le second mardi de novembre ? [Interruption.)

Il est si vrai que les hommes de 40 à 50 ans sont parfaitement aptes au service, qu'outre les raisons alléguées tout à l'heure par l'honorable M. Moxhon, la plupart des compagnies seront désorganisées par l'exclusion des hommes qui ont dépassé 40 ans.

En effet, à Bruxelles et dans tout le pays, les sept huitièmes des officiers sont des citoyens âgés de 40 à 50 ans. La raison en est simple : Ils ont plus d'expérience que les autres ; on trouve chez eux les capacités indispensables pour bien commander une légion, un bataillon ou une compagnie ; ils inspirent de la confiance aux gardes qui leur donnent leurs voix dans les élections.

Il résulte, me semble-t-il, de ce fait que ces hommes forment un appoint utile, indispensable à l'institution, que les gardes mêmes âgés de 21 à 35 ans le reconnaissent puisque, en tant qu'il dépend d'eux, ils donnent à ces mêmes hommes un mandat de confiance. Je ne parle pas seulement des grades supérieurs, mais des positions subalternes. Quand une compagnie a besoin d'un simple lieutenant, elle le prend parmi les hommes de 40 à 50 ans plutôt que parmi les hommes de 21 à 33 ans. Je vous demande si ce n'est pas là l'expression de la volonté et de la raison publiques. Voulez-vous mieux ? Examinez les statistiques, vous y (page 1249) verrez que la plupart des sous-officiers, ces chevilles ouvrières des compagnies, sont des hommes de 40 à 50 ans.

Ainsi descendez tous les degrés de l'échelle jusqu'au bas dans la hiérarchie et vous y trouverez toujours les mêmes hommes qu'on voudrait proclamer incapables.

Messieurs, il y a vraiment erreur chez ceux qui réclament l'exemption complète des hommes de 40 à 50 ans, s'ils croient que cette exemption est demandée par les citoyens qu'elle devrait comprendre. Bien loin qu'ils aient voulu s'affranchir du service, vous les voyez figurer dans les rangs comme officiers, c'eit-à-dire avec les obligations les plus graves et les plus nombreuses. Il est impossible que des hommes qui se dévouent de cette manière, en acceptant des charges d'officier ou de sous-officier, ne soient plus aptes à remplir leur service.

Je conclus à ce qu'il plaise à la chambre de ne pas ratifier son premier vote et de déclarer que les hommes de 40 à 50 ans sont parfaitement capables de prendre place au milieu de leurs concitoyens dans les bataillons de la garde civique.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, de toutes les réformes que vous avrz introduites jusqu'à présent dans la garde civique, la plus dangereuse, selon moi, est celle qui met à la réforme définitive les hommes de 40à 50 ans, et j'espère que, si vous voulez bien me préter un instant d'attention, vous ne serez pas éloignés de partager cet avis.

D'abord toute cette discussion a révélé pour moi une chose : c'est que la chambre voulait enlever, autant que possible, à l'institution de la garde civique un caractère par trop militaire ; qu'elle voulait lui donner pour base de son existence une mission conservatrice par excellence. Or, si c'est la pensée qui vous a animés dans toute cette discussion, il faut au moins être conséquents avec ce que vous avez fait, et il me semble que partant de ce point de vue, il ne faut pas que vous enleviez à la garde civique son élément conservateur. Or, où est cet élément ? C'est évidemment dans les hommes chez lesquels l'âge a mûri la raison, chez les hommes de 40 à 50 ans.

C'est à ces hommes que vous devez faire appel pour conserver à la garde civique son cachet principal, celui que vous voulez faire dominer.

Messieurs, permettez que je vous rende attentifs aux conséquences que votre première décision doit avoir, d'abord sur l'effectif de la garde civique, et en second lieu sur la composition des cadres.

J'ai mis le temps à profit pour vous éclairer par des faits sur le résultat de votre premier vote.

A Bruxelles, la garde civique devrait perdre, par le résultat de l'exemption des hommes de 40 à 50 ans, 2,232 hommes sur 5,074. Ce sont des chiffres officiels.

A Gand, elle perdrait 1,159 hommes sur un effectif de 3,489 hommes.

A Mons, sur 998 hommes, la garde en perdrait 309.

A Namur, sur 377, elle en perdrait 182.

A Malines, sur 649 elle en perdrait 249 ; et ainsi de suite.

Voilà à quel résultat vous arrivez, si vous continuez à éliminer les hommes de 40 à 50 ans.

J'ai eu occasion, messieurs, de m'exprimer, dans la première partie de la discussion, sur le résultat funeste qu'une pareille réduction aurait pour la conservation de l'ordre dans nos principales cités.

Je sais bien qu'on pourra contester, comme on l'a fait une première fois, les résultats de cette statistique, qn'on pourra se livrer à l'incrédulité, et dire que la statistique administrative est en opposition formelle avec d'aulres éléments bien plus certains, notamment avec les tables de mortalité.

Messieurs, il y a statistique et statistique. Il y a d'abord la statistique qui résulte des tables de mortalité. Celle-là, je le reconnais, a quelque chose de précis et de mathématique, si je puis m'exprimer ainsi. Mais il y a la statistique qui résulte des contrôles administratifs qui ont servi de base à la formation de la garde ; et ici il ne faut pas seulement faire appel aux tables de mortalité pour s'expliquer, par exemple, ce singulier phénomène que dans la première partie de l'âge dans lequel le service de la garde civique est obligatoire, dans l'âge de 21 à 35 ans, il y a moins de gardes que dans la seconde partie de l'âge, de 35 à 50 ans.

On a contesté ce fait ; on a même dit que c'était absurde. Or, ce n'est ni absurde, ni romantique, comme on l'a dit ailleurs ; cela est très positif, au contraire, et voici quelques-unes des causes auxquelles, sans grand effort d'imagination, on peut s'arrêter pour expliquer ce phénomène.

Il y a des causes diverses, notamment celle qui tient à l'âge. Ainsi, quoique, en général, on meure moins dans cette première période de la vie que dans la seconde, il y a une mobilité beaucoup plus grande dans les individus de 21 à 35 ans que dans les hommes qui ont 35 ans et au-delà.

Ainsi, par exemple, dans cette première catégorie vous rencontrez d'abord les étudiants qui sont un élément considérable de la garde et qui changent souvent de résidence. Ces hommes ne comptent pas dans la ville à laquelle ils appartiennenl pour foimer les contrôles de la garde.

Il y a ensuite un grand nombre de personnes qui voyagent pour affaires ou pour leur agrément, et qui ne font pas non plus partie des contrôles actifs de la garde civique.

L'industrie, l'agriculture et les arts enlèvent aussi un grand nombre d'individus à la garde.

Enfin la statistique administrative nous apprend qu'il y a beaucoup d’hommes qui, appartenant aux classes inférieures de la société et vivant de leur salaire journalier, finissent par se fixer, parce qu'ils s'élèvent avec le produit de leur travail, se créent une position et deviennent des chefs d'atelier, des industriels honorables.

Eh bien ! tous ces éléments qui, dans l'âge de 21 à 35 ans vous échappent, vous reviennent ensuite. Ce sont des éléments utiles que vous inscrivez, quand ils ont l'âge de 35 ans.

Voi'à comment, sans se livrer à des efforts d'imagination, on peut concevoir qu'il y a autre chose à consulter que les tables de mortalité, et comment, j'ai besoin de le dire pour l'honneur de l'administration, il se fait que la statistique qui vous a été présentée repose sur des éléments certains et positifs.

Voilà comment vous arriverez à affaiblir l'effectif da la garde civique, si vous lui enlevez cet élément conservateur da 40 à 50 ans, qui augmente sa force, non seulement par l'âge et la raison, mais aussi par le nombre.

Maintenant, voulez-vous savoir ce qui arriverait de vos cadres ? Je me suis appuyé sur cette considération dans la première discussion. J'ai eu l'honneur de vous faire apercevoir que vous détruirez les cadres si vous enlevez à la garde les hommes d'expérience, les hommes de 40 à 50 ans. Cette destruction des cadres, messieurs, est le résultat, non pas de calculs problématiques, mais de faits qui passent sous nos yeux depuis qu'il y a une garde civique.

Dans les élections, les gardes font appel non pas aux hommes les plus jeunes, mais aux hommes qui ont au moins 35 à 40 ans et souvent plus. Et voulez-vous savoir dans quelle proportion ? Un fait vous a déjà été cité par l'honorable M. Moxbon ; permettez-moi d'en ajouter d'autres.

A Bruxelles, dont j'ai plus particulièrement les éléments sous la main, sur 20 officiers supérieurs, savez-vous combien il y en a qui sont d'un âge inférieur à 40 ans ? Il y en a deux. Tous les autres ont plus de 40 ans.

Sur 60 capitaines, 53 ont dépassé l'âge da 40 ans.

Pour les grades inférieurs plus de la moitié des élus ont dépassé l'âge de 40 ans.

Et ce que je dis de Bruxelles se vérifie dans toutes les localités. Je n'ai pas aujourd'hui les éléments officiels ; mais les mêmes règles de raison qui conduisent les gardes dans les élections à apprécier les hommes qui sont dignes de leur confiance, ces mêmes règles existent partout.

Eh bien, messieurs, voilà les résultats. Voilà à quoi vous arriverez si vous ne voulez plus qu'une garde civique composée d'hommes de moins de 40 ans. Vous aurez détruit l'élément conservateur. Cela mérite une attention sérieuse. En second lieu, vous aurez affaibli l'effectif à ce point que la garde civique ne représentera plus qu'une force incompatible avec les obligations qui lui sont imposées. En troisième lieu vous aurez affaibli les cadres au point que la garde civique ne sera plus que l'ombre d'elle-même.

Je vous en conjure, messieurs, arrêtez-vous dans cette voie, et si vous voulez une institution conservatrice, ne lui enlevez pas son élément le plus conservateur.

M. Visart. - Messieurs, beaucoup d'honorables membres de cette chambre, qui font partie de la majorité, ont déclaré qu'ils ne sont pas hostiles à l'institution de la garde civique ; j'ai foi dans leurs affirmations et dans les motifs qui les ont déterminés. Cependant, il me reste un doute sur les résultats heureux des modifications importantes qui ont été admises au premier vote ; cela m'importune et rappelle comme forcément à mon esprit cet apologue d'un ours, ami de son maître, qui, pour le délivrer des importunités d'une mouche, le frappa au front avec une pierre.

Quand la nation confia à la garde civique le maintien de l'ordre ou la défense du pays, on peut dire qu'elle lui délègue sa force et son droit ; mais cet important pouvoir, comment doit-il être compris et exercé ? En ayant, messieurs, pour boussole une extrême prudence, avec un discernement appelant à lui toutes les ressources de l'expérience. Eh bien, cette prudence, cette expérience surtout, de qui sont-elle l'apanage ? Ne réside-t-elle pas actuellement, pour la plus grande part, chez les citoyens qui ont atteint l’âge da 40 à 50 ans, lesquels, avec les modifications que va subir la loi, sont plus dispos qu'il n'est nécessaire pour accomplir des devoirs devenus moins fatigants, moins importants que jamais ?

Je maintiendrai donc mon premier vote et je serai favorable à la conservation sous les armes de la fraction que l'on a appelée à l'instant la vieille garde, laquelle m'inspire (et j'ai dit pourquoi) plus de confiance encore que l'élément plus jeune.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je ne vois devant moi que des orateurs qui combattent l'amendement, j'ajouterai cependant quelques mots à leurs observations.

L'adoption de l'amendement c'est la désorganisation de la garde civique. L'amendement a pour effet de dénaturer l'institution. S'il s'agissait d'appeler sous les armes des forces physiques, je comprendrais qu’on fît pour la garde civique ce qu'on fait pour l'armée, qu'on prît des jeunes gens dans toute la force de l'âge ; mais ici il s'agit d'instituer une force uniquement morale dans les temps d'agitation ; en temps de trouble la force d'une garde civique n'est pas autre chose qu'une force morale et vous ne pouvez avoir de force morale et de force conservatrice qu'avec l'élément conservateur.

Si l'on venait m'objecter qu'un service de 20 ans est déjà assez long, eh bien, je dirais que s'il fallait absolument éliminer une partie (page 1250) quelconque de la garde civique, je préférerais éliminer les jeunes gens de 21 à 25 ans plutôt que des hommes de 40 à 50 ans.

Messieurs, reportez vos souvenirs sur vos jeunes années ; il est probable que les neuf dixièmes d'entre vous sont sortis du collège, républicains : lorsque, pendant sept ans, on a entendu exalter exclusivement les républiques de Rome et de la Grèce, il est impossible de ne pas être imbu d'idées républicaines.

Eh bien, ces idées se calment quand on a un peu l'espôrience du monde. Voulez-vous maintenant que cet élément jeune, bouillant, fasse l'élément principal de la garde civique, destinée à maintenir la tranquillité, l'ordre public ? Croyez vous qu'en temps d'agitation, ce soit là un élément de conservation ?

Non sans doute. Mais laissez tous les éléments réunis ; que la jeunesse en contact avec les hommes mûrs, apprennent à se tempérer, et l'amalgame, sous ce rapport-là, est un grand avantage pour les jeunes gens. Mais, je le répète encore une fois, l'élément conservateur, l'élément de puissance de la garde civique, ce sont les pères de famille, ce sont les hommes qui ont pignon sur rue, qui ont une propriété à sauvegarder.

Il faut qu'il y ait dans l'homme cet esprit de conservation, d'égoïsme, si vous voulez me permettre l'expression, pour que, dans les moments de trouble et d'agitation, il puisse vous être utile.

M. le ministre de l'intérieur vient, messieurs, d'expliquer cette statistique qu'on a attaquée si fort et qui est cependant réelle. C'est à Bruxelles surtout qu'il y a dans la garde civique comparativement plus d'hommes de 40 à 50 ans que de jeunes gens, que les hommes de 40 à 50 ans forment plus des deux cinquièmes de la force totale.

Cela s'explique bien naturellement : M. le ministre vous l'a dit, il y a une masse de jeunes gens qui commencent comme simples ouvriers et qui s'élèvent. Tous les jours, je puis le dire, nous avons des hommes de 25 à 30 ans qui commencent un établissement et que nous laissons dans la réserve, parce nous voulons voir ce qu'ils deviendront, parce que nous ne voulons pas, le lendemain de leur mariage, leur imposer des obligations qui pourraient les détourner de leurs occupations, les priver de leur gagne-pain ; et lorsque ces hommes, au bout de 7 ou 8 ans, ont prospéré, ils viennent figurer sur le contrôle de la garde civique active.

Il y a à l'université de Bruxelles 400 étudiants ; mais tous les étudiants qui ne sont pas domiciliés chez leurs parents à Bruxelles, nous les exemptons ; nous ne voulons pas pour deux ou trois ans qu'ils séjournent parmi nous, leur faire faire les frais d'un uniforme, leur faire consacrer leur temps aux exercices ; ils appartiennent souvent à des communes rurales, ils vont exercer la médecine dans un village où la garde civique n'est pas organisée.

M. le ministre a parlé des voyageurs. Beaucoup de commerçants commencent par être commis voyageurs ; c'est la filière ordinaire. On est commis voyageur lorsqu'on a terminé son apprentissage dans une maison de commerce. On le reste jusqu'à 50 ans. Eh bien, un commis voyageur n'a aucun domicile réel ; il ne vient dans sa commune que pour rendre ses comptes : on ne peut pas soumettre, en quelque sorte, à l'immobilité un homme dont la profession est toute mobile.

Ce sont là, messieurs, diffèrentes catégories de personnes que nous exemptons du service de la garde civique, et voilà comment s'explique cette statistique de Bruxelles qui a été si vivement attaquée.

J'ai entendu dire autour de moi : « mais on a la faculté de rester sur les contrôles. » Messieurs, en vous l'a dit, la plupart des officiers de la garde civique de Bruxelles, jusqu'au grade de capitaine, sont âgés de 40 à 50 ans, ce qui prouve que la garde civique a confiance dans l'âge. On dit : Ces hommes pourront encore être officiers.

Eh bien, c'est impossible, car avant d'être officier, il faut être garde : les élections vont se faire au mois de juin, et les cadres doivent être choisis parmi les gardes inscrits ; maintenant quel est l'homme qui, après avoir été capitaine, ira volontairement se mettre sur les contrôles dans l'incertitude de savoir s'il sera renommé ou s'il ne sera pas renommé et s'il ne devra pas faire le service comme simple garde ?

Vous allez donc désorganiser la garde civique, et je puis vous garantir qu'il en sera ainsi à Bruxelles.

Or, je pense que depuis vingt-deux ans, la garde civique de Bruxelles a prouvé qu'elle est un élément d'ordre dans le pays ; je pense qu'elle a rendu des services assez signalés pour que vous ne prononciez pas aujourd'hui sa désorganisation.

M. de Theux. - Messieurs, je ne crains pas de dire que le vote de la chambre qui a réduit l'âge de la garde civique à 40 ans a été extrêmement bien accueilli parmi les hommes de 40 à 50 ans. Pourquoi ? Parce qu'il répugne à des hommes à la tête de leurs affaires, à la tète de leur famille, ayant acquis une grande maturité d'âge, d'être encore incorporés dans le service, après l'avoir déjà fait de 21 à 40 ans.

Certes, messieurs, si la réduction de l'âge de la garde civique devait être une cause de perturbation, je n'hésiterais pas un instant aàrétracter le vote que j'ai émis lors de la première discussion. Mais je ne pense pas qu'il en soit ainsi.

On a cru que le Congrès national avait fixé l'âge de 50 ans, parce que, dans sa pensée, c'etaii un élément nécessaire d'ordre. Je crois qu'on se trompe sur la pensée du Congrès national. Qu'on se reporte à la loi du 31 décembre 1830, et on verra que le Congrès a divisé la garde civique en deux bans.

Le premier ban était destiné à combattre avec l'armée ; le second était destiné à faire la police des villes. Dans cet ordre d'idées, ii était nécessaire que la garde civique fût très nombreuse. Mais l'expérience a prouvé en 1831 que quels que fussent la bonne volonté et le dévouement du premier ban mobilisé de la garde civique, il ne pouvait pas rendre des services militaires qu'on pouvait attendre de l'armée. Aussi qu'est-il arrivé dans ces derniers temps ?

La chambre a désiré une enquête sur notre établissement militaire ; eh bien, la commission d'enquête nommée par le gouvernement, conformément au vœu de la chambre, a été unanimement d'avis que la garde civique ne devait pas entrer comme élément dans la force militaire du pays, sauf les corps spéciaux dans quelques villes fortifiées qui peuvent aider à la défense des forteresses.

Mais en présence des armées qui sont formées aujourd'hui par de longs exercices, dont les officiers sont formés par de longues études, il est impossible d'admettre que le premier ban mobilisé puisse encore être d'un grand secours. L'adjoindre à l'armée, ce serait peut-être l'affaiblir au lieu de la fortifier.

Pour moi, je suis d'avis d'admettre les propositions du gouvernement, en ce qui concerne l'organisation de l'armée ; je suis d'avis, par contre, et par forme de compensation, de m'éloigner de la pensée du Congrès, de l'organisation de la garde civique en deux bans, organisation qui a encore été rejetée au premier vote. Je pense dès lors qu'une garde civique de 21 à 40 ans est bien suffisante quant au nombre.

Je ne nie pas la valeur des considérations qu'on a présentées sur l'utilité des hommes de 40 à 50 ans, au point de vue pacifique. Mais, d'un autre côté, on ne doit pas perdre de vue que plus une garde civique est nombreuse, moins elle offre de garantie à la tranquillité intérieure.

Il y a des inconvénients dans un trop grand rassemblement d'une force qui, après tout, n'est que faiblement exercée et dont quelquefois, dans les circonstances difficiles, les armes passent en grande partie aux mains des partisans des troubles, ainsi que nous l'avons vu à Paris et dans d'autres localités. A Paris, n'a-t-on pas écrit sur les portes des maisons : « Armes remises » ?

Maintenant, si la force militaire doit être employée dans une ville à côté de la garde civique, il importe que la garde civique ne soit pas trop nombreuse pour que la force militaire ne soit pas paralysée.

Mais les hommes de 40 à 50 ans n'ont-ils donc rien à faire dans les circonstances difficiles ? n'ont-ils qu'à dormir mollement ? Nullement ; ils ont de grands et d'importants devoirs à remplir. Les hommes de 40 à 50 ans qui sont à la tête d'établissements industriels ou autres, n'aiment pas à être distraits de leurs affaires par des patrouilles, des revues et d'autres services de la garde civique ; mais ils peuvent employer tout leur temps à exercer une influence salutaire sur tous leurs subordonnés, à maintenir leurs ouvriers au travail dans les moments de trouble, à leur prêcher l'esprit d'ordre.

On a craint que la garde civique de Bruxelles, par exemple, ne soit désorganisée par la mesure. Je ne le pense pas. N'oubliez pas, d'ailleurs, que la réunion des faubourgs à la capitale est imminente ; certes, la garde civique de Bruxelles recevra par là un accroissement d'hommes de 21 à 40 ans qui compensera la perte qu'elle fera des hommes de 40 à 50 ans.

Ajoutez à cela une police locale très bien organisée, qui pourrait être renforcée, dans les circonstances spéciales, par l'adjonction de quelques agents de plus.

Ce serait plus efficace pour le maintien de l'ordre, et la dépense totale pour la ville serait inférieure à celle qui résulterait du maintien sous les armes des hommes de 40 à 50 ans.

D'ailleurs, il est à observer que les hommes de 21 à 40 ans sont loin d'être ausi inexpérimentés qu'on le dit. La vie civile est très avancée aujourd'hui. L'honorable M. de Brouckere disait tout à l'heure que, dans son opinion, mieux aurait valu éliminer alors les hommes de 21 à 25 ans pour conserver les hommes de 25 à 45 ans. Cette proposition n'est pas faite ; nous n'avons donc pas à nous prononcer sur cette combinaison.

J'en reviens à ceci : qu'il est inutile d'avoir une garde civiqne par trop nombreuse ; que dans une foule de circonstances elle devient une source d'embarras, et que les armes d'une garde civique trop nombreuse sont souvent employées par d'autres que par les titulaires.

- Plus de 10 membres demandent la clôture.

M. de Perceval (contre la clôture). - Je m'oppose à la clôture. La question est assez grave pour mériter les honneurs d'une discussion approfondie. Je désire soumettre à la chambre quelques nouvelles considérations en faveur de ma proposition et répondre à quelques orateurs qui l'ont combattue.

M. Lelièvre. - Je désire dire quelques mots dans la discussion pour proposer un amendement qui me semble de nature à concilier les opinions. En conséquence je demande que la chambre veuille bien m'entendre ; je n'abuserai pas de ses moments.

- La clôture est prononcée.

Il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

90 membres répondent à l'appel.

39 répondent oui.

50 répondent non.

1 membre (M. Lelièvre) s'est abstenu.

En conséquence la chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui : (page 1251) MM. de Perceval, de Pitteurs, de Portement, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Jacques, Janssens, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Maertens, Magherman, Malou, Moncheur, Osy, Rodenbach, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Brixhe, Clep, Coomans, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, da Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere et de Naeyer.

Ont répondu non : MM. Dequesne, de Royer, de Steenhault, Devaux, d'Hoffschmidt, Faignart, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Manilius, Matthieu, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Ad. Roussel, Ch. Rousselle, Tesch, Thiéfry. A. Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Cans, Closset, Hyacinthe de Baillet, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert, de Brouckere, de Chimay, Deliége, Félix de Mérode et Delfosse.

M. le président. - M. Lelièvre est invilé à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Lelièvre. - Je me suis abstenu parce qu'ignorant le sort de l'amendement tendant à restreindre le service des hommes âgés de plus de 40 ans à deux revues seulement sans exercice, j'ai dû nécessairement m'abstenir, ne voulant pas, du reste, imposer de plus grandes obligations aux gardes de la catégorie de ceux en question.

Article 9

M. le président. - La section centrale avait proposé un paragraphe additionnel à l'article 9, ainsi conçu :

« La liste des gardes âgés de 35 ou de 40 ans, et ayant ainsi droit à une exemption partielle ou totale du service, est formée à la même époque. »

Cette proposition a été rejetée.

Personne n'en demandant le maintien, elle est définitivement rejetée.

Article 65

M. le président. - Au premier paragraphe de l’article 65, la section centrale avait proposé la modification suivante :

« Le chef de la garde est tenu de passer ou de faire passer par les chefs de légion, ou par les chefs de bataillon, ou par les commandants de compagnie, une fois par aunée, l'inspeclion des armes et de l'équipement. »

Cette disposition a été rejetée au premier vote ; la chambre a maintenu les deux inspections.

- Cette disposition est définitivement rejetée.

Article 83

M. le président. - A l'article 83, on a fixé le nombre des exercices à 6 au lieu de 12.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je demande le maintien des douze exercices par an. Quand on a prétendu que c'était trop, le gouvernement a répondu qu'il pensait qu'on ne pouvait pas obtenir l'instruction des gardes sans les astreindre à 12 exercices par an ; que même si on ne pouvait pas compter sur le zèle des citoyens composant la garde, ce serait une disposition illusoire que d'établir un maximum de 12 exercices. Si donc je me suis rallié au chiffre maximum de 12 exercices, c'est que j'ai compté sur la bonne volonté à s'instruire que les gardes ont montrée jusqu'à présent.

J'estime donc que le dernier vote qui limite à 6 le nombre des exercices est destructif de toute bonne organisation. Vous ne pouvez pas le maintenir sans prononcer la déchéance de la garde civique, car pour qu'elle puisse remplir son rôle, il faut qu'elle puisse manœuvrer et qu'elle sache se servir de ses armes, non seulement contre les fauteurs de désordre, mais sans danger pour ceux qui sont dans les rangs.

C'est donc dans ce double intérêt que je demande à la chambre de revenir sur son premier vote et d'en revenir à la proposition sage que l'honorable rapporteur avait fait valoir au nom de la section centrale.

M. Coomans, rapporteur. - En maintenant dans les rangs de la garde les hommes de 40 à 50 ans, nous avons détruit en partie notre œuvre. C'est-à-dire que nous avons réduit à très peu de chose les concessions que nous étions disposés à faire à la garde civique. En effet, le nombre de 6 exercices peut être dépassé lorsque le collège des bourgmestre et échevins le juge convenable ; celui-ci peut alors en élever le nombre jusqu'à 12 ou 15. De ce côlé-là, il n'y a qu'une faible garantie pour la garde contre des corvées qui la fatiguent en temps ordinaire.

A vrai dire, dans le système adopté par la chambre, nous n'astreignons plus les gardes qui ont atteint l'âge de 35 ans qu'à un seul exercice. Je vous ferai remarquer, toutefois, que c'est là renchérir, sous un certain rapport, sur l'application de la loi du 8 mai ; car, avant nos propositions, les gardes jugés suffisamment instruits étaient dispensés de cet exercice-là.

Ainsi, je ne vois pas ce qui, dans la rédaction définitive, restera des dispositions adoptées par la chambre, au premier vote, pour peu que nous revenions encore sur nos pas.

Loin de renchérir encore sur l'application de la loi du 8 mai, je voudrais l'adoucir un peu à la suite du vote que vous venez d'émettre, et j'ai l'honneur de reprendre la rédaction primitive de la section centrale.

M. le président. - Vous demandez le rejet de l'amendement de M. Lesoinne ?

M. Coomans, rapporteur. - Oui. M. le président, et je reprends la rédaction primitive de la section centrale d'après laquelle les gardes suffisamment instruits et les gardes âgés de 35 ans sont dispensés de tout exercice.

M. le président. - Il n'est pas nécessaire de présenter cette rédaction comme amendement. Eile sera mise aux voix, si l'amendement de M. Lesoinne est rejeté.

M. Coomans, rapporteur. - J'insiste sur ce point que nous n'aurons presque rien fait pour les hommes âgés de 35 ans, si nous n'adoptons pas la rédaction primitive de la section centrale.

M. Rogier. - Ce n'est pas à moi à apprécier la portée de la réforme qui résulte jusqu'ici du vote de la chambre. C'est aux auteurs du projet de réforme à l'apprécier. Mais il me semble impossible que la chambre revienne sur la disposition proposée par M. Lesoinne, et qu'elle a adoptée, au premier vote, à la presque unanimité des voix.

M. Coomans, rapporteur. - C'était après le vote de l'amendement qui dispensait du service les gardes de 40 à 50 ans, amendement qui est maintenant écarté.

M. Vilain XIIII. - Et cela change lout.

M. Rogier. - Si cela change tout, recommençons la discussion.

Je ne vois cependant pas l'influence que peut exercer sur les hommes de 35 ans, la disposition qui exemptait du service les hommes de 40 à 50 ans. Parce que vous avez maintenu ces derniers dans les rangs de la garde, est-ce une raison pour ne pas astreindre à deux revues et à un exercice les hommes suffisamment instruits et les hommes de 35 ans ?

Je crois qu'il a été démontré surabondamment, dans la première discussion, quels seraient les effets fâcheux pour l'institution même de l'adoption de la proposition de la section centrale. Il est reconnu qu'il est impossible de maintenir un bon service général, sans cette disposition, qui elle-même, on doit le reconnaître, n'a absolument rien de vexatoire puisqu'elle consiste à convoquer une seule fois par an à une manœuvre générale les hommes de 35 ans et les gardes suffisamment instruits.

Aujourd'hui il reste un doute sur le point de savoir si les gardes suffisamment instruits peuvent être astreints à un exercice. C’est parce que la disposition lève ce doute qu'elle me paraît bonne. D'autre part ces gardes et les hommes de 35 ans ont la garantie qu'ils ne seront astreints qu'à un exercice. Mais il est indispensable pour préparer les gardes aux manœuvres d'une revue générale.

Cela se fait toujours, et d'ordinaire une quinzaine de jours avant la revue. C'est indispensable pour que les gardes figurent d'une manière convenable à ces revues, qui ne sont pas passées, comme on le disait tout à l'heure, en l'honneur de souverains étrangers. Il est impossible d'exiger moins.

Je pense donc que la chambre maintiendra le premier vote qu'elle a émis à une très grande majorité.

M. le président. - M. Lelièvre vient de déposer une disposition additionnelle ainsi conçue : « Les gardes qui ont atteint l'âge de 40 ans sont dispensés de tout exercice. »

Voici l'amendement de l'honorable M. de Brouckere.

« Ajouter à la fia du troisième paragraphe : « à moins qu'il ne fasse partie d'un corps spécial.

M. Lelièvre. - Je pense, messieurs, que la proposition par moi déposée est de nature à être accueillie par la chambre. Elle tend à n'astreindre les hommes de 40 à 50 ans à aucun exercice, mais uniquement aux deux revues prescrites par la loi. Je ferai observer que c'est là rentrer daus l'esprit du décret du Congrès du 31 décembre 1830 qui bornait à deux revues le service des hommes du second ban.

D'un autre côté, la loi renfermerait un système logique. Jusqu'à 35 ans, les gardes seraient soumis à six exercices. A partir de 35 ans, ils seraient astreints à un seul exercice. Enfin à partir de 40 ans, les gardes ne seraient plus soumis qu'à deux revues. Ce système me paraît de nature à être accueilli, et la position des gardes âgés de plus de 40 ans n'aurait plus rien d'onéreux. Cet amendemeut est, ce me semble, propre à concilier les opinions qui nous divisent sur la loi en question. Il est, du reste, éminemment équitable.

Je dois dire un mot de l'amendement de l'honorable M. de Brouckere Il tend à imposer des obligations plus onéreuses à ceux qui font partie d'un corps spécial qu'aux autres gardes. Il doit être bien entendu que la disposition dont il s'agit, si elle était votée, n'aura pas d'effet rétroactif et qu'en conséquence les gardes qui font actuellement partie des corps spéciaux auront la faculté de se retirer de ces corps pour rentrer dans la catégorie des simples gardes. Il est évident, en effet, qu'il doit être libre aux membres des corps spéciaux de prendre la position la moins onéreuse. Cela est très évident, en présence de la loi nouvelle, qui changera l'état actuel des choses, et dès lors une condition onéreuse ne peut être faite à des individus contre leur volonté.

M. Orts. - Messieurs, j'approuve complétement l'idée qui a présidé à l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. Je crois que le principe de cet amendement est indispensable aussi longtemps qu'on maintiendra des corps spéciaux dans la garde civique.

Mais en présence des explicitions qui viennent de se produire, je crois devoir dire à la chambre que l'amendement de l'honorable M. de Brouckere est aujourd'hui la règle et que sa seule utilité sera de lever toute espèce de doute. Pour qu'il n'y ait plus de doute, mais pour ce motif seulement, je le voterai. Voici ce qui se passe aujourd'hui dans les corps (page 1252) spéciaux. Je puis en parler en connaissance de cause, puisque je fais partie d'un corps spécial, du corps d'artillerie de la garde civique de Bruxelles.

Les corps spéciaux sont soumis, non seulement à la loi générale sur la garde civique, mais aussi à des règlements particuliers qui ont une sanction particulière. Ils ont même des conseils de discipline spéciaux qui appliquent ces pénalités comminées par les règlements intérieurs, et ces règlements sont obligatoires, lorsqu'ils ont été approuvés par l'autorité.

Or, tous ces règlements imposent, et avec raison, des exercices supplémentaires. Si le garde qui se trouve dans un corps spécial se refuse à l'exécution du règlement, le chef de la garde a le droit de le retirer du corps spécial et de le replacer dans l'infanterie. Ce droit du chef de la garde a été reconnu par des arrêts de la cour de cassation.

Il est indispensable que cet état de choses soit maintenu. Il n'y a pas de compagnies de cavalerie et d'artillerie possibles à d'autres conditions, sous peine de compromettre, non seulement le caractère et la bonté de l'institution, mais la vie et la sûreté des personnes. Il n'est pas indifférent de voir manier un instrument aussi dangereux que le canon pour celui qui n'y connaît rien. Il y a là danger non seulement pour le maladroit ou l'ignorant qui manie le canon, mais plus encore pour ses voisins.

Il en est de même de la garde civique à cheval, où il faut exercer non seulement les hommes, mais les chevaux, toujours dans un but de sécurité pour les personnes.

L'amendement de l'honorable M. de Brouckere doit être voté. Le vote enlèvera toute espèce de doute et consacrera pour l'avenir un état de choses qui est l'état de choses légal et nécessaire.

M. Coomans, rapporteur. - Les observations de l'honorable M. de Brouckere et de l'honorable M. Orts me paraissent justes, j'en tient compte et je propose de rédiger ainsi l'article de la section centrale : « Les gardes jugés suffisamment instruits et ceux qui ont accompli leur 35ème année sont dispensés d'y assister (aux exercices), à moins qu'ils n'appartiennent à un corps spécial. »

Dans ces termes je voterai volontiers l'amendement de l'honorable M. de Brouckere.

M. Roussel. - J'ai demandé la parole pour faire remarquer que le dernier paragraphe de l'article 83 a été voté à une forte majorité, parce que la plupart des membres de cette assemblée avaient compris qu'il est impossible de maintenir dans les cadres de la garde civique un certain nombre d'hommes uniquement pour paraître aux revues sans que l'on puisse s'assurer une fois au moins par an de leurs capacités.

Messieurs, si certain nombre de gardes devraient se trouver dans le cas prévu par l'honorable M. Lelièvre, si ces personnes n'étaient plus obligées d'assister à aucun exercice, que pourrait-il advenir. Que ces gardes, ayant oublié complètement la marche ou le maniement de l'arme, feraient le plus mauvais effet dans les revues et pourraient même y porter le désordre.

Ce raisonnement est pleinement applicable à l'amendement de l'honorable M. Lelièvre. Si l'on pouvait n'établir qu'une seule catégorie dans la garde citoyenne, on devrait le faire assurément. La force des choses vous convie donc à n'établir qu'une espèce de gardes ; si vous en créez deux, c'est par exception et pour soulager les citoyens âgés. Eh bien, que fait l'honorable M. Lelièvre ? Au lieu d'une ou de deux catégories, il en crée trois.

Il fonde une catégorie de gardes de 35 à 40 ans, qui seront astreints à un exercice, et une troisième catégorie de 40 à 50 ans, qui ne seront plus appelés qu'aux revues ; c'est-à-dire que, d'après les chiffres qui nous ont été fournis, la moitié de la garde civique de Bruxelles viendra peut-être contribuer à jeter le désarroi au milieu des revues à passer par la garde citoyenne.

Dans une autre séance, je me suis appliqué à faire ressortir l'importance de ces revues. Elles conservent à la garde civique son influence morale. Elles montrent la garde civique dans des occasions pacifiques, il est vrai, mais avec le prestige qu'elle réclame, et vous voulez que précisément dans ces solennités l'on convoque trois espèces différentes de gardes : ceux qui sont astreints à six exercices, d'autres qui font un seul exercice et d'autres enfin qui ne sont tenus à rien et qui formeront la moitié de la garde. En vérité, c'est un mélange fort peu rationnel.

Evidemment si vous voulez avoir quelque ensemble dans les manœuvres, vous devez tout au plus reconnaître deux catégories.

Et remarquez, messieurs, combien peu dans le système nouveau, la division en deux est logique ! C'est au milieu de la carrière du garde que finit la première période ; elle comprend le temps qui s'écoule de 21 à 35 ans, et durant lequel on doit être astreint à 12 exercices par an ; la seconde période comprend les années de 35 à 50, durant lesquelles il n'y a plus lieu qu'à un exercice, deux revues et à l'inspection d'armes, qui est un service insignifiant.

Je pense, messieurs, que si vous ne pouvez refuser la création de certaines catégories, vous ne pouvez en faire que deux, et que dans toutes il faut quelque exercice. Les manœuvres préalables sont indispensables aux revues que vous avez acceptées à l'unanimité, celui qui admet les revues, doit reconnaître la nécessité d'un exercice au moins, qui précède la revue. Comme ces revues sont facultatives, il est possible que souvent il n'y en ait qu'une par année. Eh bien, cette revue solennelle, qci devra montrer la garde civique rassemblée, qui aura pour effet de lui conserver le prestige dont elle a besoin, cette revue, dis-je, sera précédée d'un exercice général, commun à tous.

On pourra s'assurer des capacités et du placement des individus, coordonner tout, dans chaque compagnie, en raison des connaissances acquises ou conservées par les gardes.

Il me semble, messieurs, que le système que vous avez adopté jusqu'à présent est le véritable moyen de réforme applicable à la garde civique si véritablement on veut en conserver une.

Toutefois je demanderai à dire encore quelques mots pour démontrer que cette réforme n'est pas aussi insignifiante que l'honorable rapporteur l'a prétendu tout à l'heure.

Jusqu'à présent, messieurs, nous avons une première réforme, qui consiste à exempter de nombreux exercices tous les gardes de 35 à 50 ans. Nous avons, en outre, une réforme sur laquelle la chambre doit encore se prononcer, c'est la suppression de la cotisation...

- Des membres. - C'est définitif.

M. Roussel. - Eh bien, c'est là une réforme considérable. M. le ministre de l'intérieur a constaté que cet impôt soulevait beaucoup d'antipathies contre la garde civique.

Nous décrétons en outre deux espèces de dispenses, pour les hommes qui passent d'une commune dans une autre et pour ceux qui, lors de la première organisation de la garde civique, ont atteint l'âge de 35 ans.

Je ne parle pas de la réduction du nombre d'exercices de 12 à 6.

Est-il possible, messieurs, d'opérer des réformes plus radicales sans compromettre l'institution ? Et remarquez bien que cette réforme, nous l'opérons pour tous les temps, non seulement pour te temps de paix, mais pour le temps de guerre, non seulement pour les temps de calme intérieur, mais aussi pour les moments de troubles.

Je pense donc, messieurs, qu'il faut conserver le système qui résulte des dernières dispositions que vous avez votées, et qu'on ne peut admettre l'amendement de l'honorable M. Lelièvre qui renverse tout le système nouveau.

- La discussion est close.

L'amendement qui consiste à substituer, dans le premier paragraphe, 6 exercices à 12, est mis aux voix et définitivement adopté.

M. le président. - Dans le deuxième paragraphe on a supprimé les mots : « ont lieu le dimanche. »

M. Rogier. - Il est dit aussi que les exercices ne peuvent durer plus de 2 heures.

M. le président. - Cette disposition a été proposée par la section centrale. Ce n'est pas un amendement. Elle n'est pas soumise à un second vote.

M. Rogier. - Je ne crois pas à la nécessité de maintenir, comme jour obligatoire, le dimanche ; je ne propose donc pas le rétablissement des mots qui ont été supprimés, mais c'est à la condition d'une explication.

M. le président. - La discussion est close. Je ne puis vous accorder la parole que sur la position de la question.

- La suppression des mots : « ont lieu le dimanche » est mise aux voix et maintenue.

M. le président. - Nous arrivons au troisième paragraphe : « Les gardes suffisamment instruits et ceux qui ont atteint l'âge de 35 ans ne peuvent être astreints à plus d'un exercice par an. »

M. Lelièvre propose une disposition additionnelle ainsi conçue :

« Les gardes qui ont atteint l'âge de 40 ans sont dispensés de tout exercice. »

M. de Brouckere propose d'ajouter : « A moins qu'ils ne fassent partie d'un corps spécial. »

Ce sous-amendement peut s'appliquer à la disposition adoptée au premier vote et à l'amendement de M. Lelièvre, je le mettrai aux voix le premier.

- Le sous-amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement de M. Lelièvre.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal.

- L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix par appel nominal.

93 membres sont présents.

52 adoptent.

41 rejettent.

En conséquence, l'amendement est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Perceval, de Piteurs, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Jouret, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Rodenbach, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Brixhe, Clep, Coomans, de Baillet (H.), de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere et de Naeyer.

Ont voté le rejet : MM. Dequesne, de Steenhault, Devaux, d'Hoffschmidt, Julliot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Orts, Peers, Pierre, (page 1253) Pirmez, Prévinaire, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Teseh, Thiéfry, Tremouroux, Vandenpeereboom (A.), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Cans, Closset, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaerl, de Brouckere, Deliége, de Mérode (F.) et Delfosse.

M. le président.- « Les gardes jugés suffisamment instruits et ceux qui ont atteint leur trente-cinquième année ne peuvent être astreints à plus d'un exercice par an. » (Amendement de M. Lesoinne, adopté au premier vote.)

- La chambre adopte définitivement cet amendement.

Article 87

M. le président. - Un paragraphe additionnel à l'article 87 a été rejeté au premier vote ; il était conçu en ces termes :

« Le chef qui aura donné un ordre illégal pourra être puni conformément à l'article 93. »

M. Lelièvre. - Je ne viens pas demander le rétablissement de la disposition qui a été supprimée, mais il est bien entendu que, conformément à ce qui a été dit dans la discussion, l'article 93 de la loi du 8 mai 1848 est applicable aux ordres illégaux que pourraient donner les chefs de la garde de tout grade. En effet, des ordres illégaux constituent la contravention à la loi sur la garde civique.

Il serait du règle inouï que tandis qu'un garde serait condamné pour n'avoir pas obéi provisoirement à un chef agissant illégalement, le chef serait lui-même exempt de peine pour avoir donné des ordres illégaux. Impossible de sanctionner semblable système.

Du reste, non seulement l'article 93 conserve sa force en droit, ma's il faut aussi qu'il ne reste pas lettre morte et qu'en conséquence, le cas échéant, il soit dirigé des poursuites contre les chefs qui commettraient des abus de pouvoir. L'article 93 doit recevoir son exécution et il faut qu'en cette occurrence comme en tous les autres la loi soit exécutée.

M. Coomans, rapporteur. - Je renonce à la parole ; je l'avais demandée pour faire les mêmes observations.

- Le paragraphe est définitivement rejeté.

Article 103

M. le président. - « Les dispositions suivantes remplacent l'article 103 :

« Sont dispensés du service les citoyens âgés de plus de 35 ans, qui, n'ayant jamais fait partie de la garde civique ni de l'armée, passent, en changeant de domicile, dans la commune où la garde est organisée.

« Seront également dispensés du service dans les communes où il n'est pas organisé, les citoyens qui, à la première organisation de la garde civique, auront atteint l'âge de 55 ans. »

M. Orts. - Comme cela a été entendu lors du premier vote, je demande que l'on substitue dans le premier paragrapge le moi « récidence » au mot « domicile ».

- Les deux dispositions dont il s'agit, avec le changement proposé par M. Orts, sont mises aux voix et définitivement adoptées.

La chambre est arrivée à la fin des amendements.

Article 73

M. Verhaegen. - Messieurs, je n'ai pas voulu interrompre la discussion quant aux différents points qui étaient signalés comme pouvant être soumis à un second vote. Dans mon opinion, il est un autre point qui doit être soumis à un second vote : je viens en faire la proposition formelle à la chambre ; c'est la suppression de l'article 73 de la loi du 8 mai 1848.

- MM. Malou et Coomans demandent la parole.

M. Verhaegen. - Il s'agit des rétributions à payer par les familles aisées. Cette disposition qui fait l'objet de l'article 73 a été supprimée par suite d'une proposition de la section centrale que je considère comme un amendement à la proposition de loi de M. Landeloos et consorts. (Interruption.)

Il y a une proposiiion de loi bien simple en elle-même, soumise à la chambre par M. Landeloos et quelques-uns de nos autres collègues ; telle proposition a été examinée par la section centrale, et la section centrale, si ma mémoire est fidèle, dans son premier rapport, après avoir examiné la proposition de loi elle-même, a jugé à propos d’en soumettre une autre à la chambre, à savoir la suppression de l'article 73.

C'était là une proposition bien grave, car elle devait avoir pour conséquence, d'un côté, d'astreindre les citoyens au service de la garde civique, d'autre part, de les soumettre à une rétribution, s'il s'agit d'un impôt communal ordinaire.

Qu'a fait le gouvernement ? S'est-il formellement rallié à la proposition de la section centrale ? Je ne le pense pas : le fouvernement est resté dans le doute :

« Le gouvernement avait cru d'un côté que.....d'autre part il croit que.... » mais en définitive, le gouvernement n'a pris aucun parti. Lorsque j'ai combattu la proposition de la section centrale, je dois le dire franchement, j'ai vu avec beaucoup de regret que le gouvernement n'ait pas pris une position bien dessinée sur cette question.

Je ne veux pas le cacher, je me disais que nous combattions la proposition avec plus de chaleur que ne le faisait le gouvernement. Cependant il n'est pas exact de dire que le gouvernement se soit rallié à la proposition ; cela est si vrai, qu'on me fait l'observation que M. Vau Hoorebeke a voté contre. Nous allons voir les explications ultérieures qui vont surgir. Quant à l'adhésion formelle du gouvernement, elle n'a pas eu lieu. Si le gouvernement ne s'est pas rallié, il n'y a qu'un amendement, et s'il en est ainsi, il doit être soumis à un second vote.

M. le président. - Avant de donner la parole, je crois devoir rendre compte des faits tels qu'ils se sont passés. Lorsque le premier rapport de la section centrale a été soumis à la chambre, M. Landeloos et les autres auteurs de la proposition ont déclaré qu'il ne se ralliaient pas aux propositions de la section centrale. Cette fois j'ai ouvert la discussion sur la proposition primitive et j'ai dit que les propositions de la section centrale seraient considérées comme amendements ; mais la chambre a renvoyé tous les amendements à la section centrale pour avoir un deuxième rapport. Lorsque le deuxième rapport a été fait, j'ai demandé aux auteurs de la proposition s'ils la maintenaient ; ils ont déclaré qu'ils la retiraient. Alors j'ai dit : (erratum, page 1257) Puisque la proposition primitive est retirée, la discussion s'ouvre sur les propositions de la section centrale, et les modifications qu'on y fera seront considérées comme amendements. Les propositions de la section centrale constituaient donc le projet de loi soumis à la discussion, et les articles de ce projet adoptés au premier vote ne peuvent pas être remis en question. Il est vrai, comme l'a dit M. Verhaegen, qu'en séance publique le ministre ne s'est pas rallié d'une manière formelle à la suppression de l'article 73, mais il s'y était rallié en section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Après y avoir bien réfléchi, le gouvernement s'est trouvé désintéressé dans la question ; il a pensé qu'il était indifférent que la dépense pour la garde civique fût couverte au moyen d'un impôt spécial où figurât cornon charge ordinaire au budget de la commune ; j'ajouterai que personnellement je trouverais plus d’inconvénient à maintenir l'impôt spécial qu'à porter une allocation au budget, parce que j'ai vu les grands inconvénients que présente l'impôt spécial dans la pratique. D'un autre côté j'ai eu occasion de voir qu'une grande partie des réclamations avaient été provoquées par l'existence de cette taxe.

Le danger qu'on signale de voir les communes laisser tomber leur garde pour se soustraire à cette charge n'est pas sérieux, car si quelques communes manquaient à cette obligation, le gouvernement ne manquerait pas à ses devoirs et porterait d'office les frais de la garde au budget de ces communes.

M. Malou. - La proposition de M. Verhaegen ne tend pas à moins qu'à mettre le règlement en question. On ne doit soumettre à un second vote que les amendements adoptés ou les articles rejetés, mais non les articles adoptés. De deux choses l'une : ou l'honorable membre prétend qu'il n'y a pas eu de projet mis en discussion, ou l'article est devenu définitif par le premier vote. Or, il y a eu un projet. S'il y a eu un projet, c'est un article de ce projet qui a été adopté ; le règlement interdit de le remettre en question.

Il est indifférent d'examiner si le gouvernement s'est rallié à cet article en termes explicites ou douteux ; le règlement ne distingue pas entre les articles adoptés avec l'assentiment ou malgré l'opposition du gouvernement. Tout à l'heure, quand M. Rogier a voulu revenir sur une autre disposition adoptée au premier vote, M. le président, avec l'assentiment de la chambre, a déclaré que cette disposition ne pouvait être remise en question.

Si l'opinion de M. Verhaegen était fondée, il aurait fallu remettre en discussion toutes les dispositions adoptées au premier vote. Dans tout le cours de la discussion, le règlement a été appliqué comme nous le demandons ; il n'y a pas deux manières de l'entendre.

M. Coomans, rapporteur. - Il est clair que souscrire à la prétention de M. Verhaegen c’est renverser le règlement, c'est donner un démenti à la séance entière. Notre honorable président n'a pis remis aux voix un seul des articles adoptés au premier vote.

M. Delehaye. - Mon intention n'est pas de prendre la parole sur la question de règlement ; j'ai demandé seulement à être inscrit pour le cas où la question serait remise en discussion.

M. Verhaegen. - De la manière dont s'est expliqué M. le ministre de l'intérieur, ma proposition manque de base ; je ne puis pas être sur cette question plus ministériel que le ministre ; par conséquent, je retire ma proposition.

M. Ch. de Brouckere. - L'article 73 est retiré de la loi. Sera-t-il défendu aux communes d'établir une taxe spéciale pour les frais de la garde civique, d'une manière absolue, ou pourront-elles établir cette taxe-là comme d'autres avec l'assentiment du gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est une question de budget. Le budget est ou n'est pas suffisant pour pourvoir aux besoins généraux dans lesquels sont compris les frais de la garde civique. S'il n'est pas suffisant, la commune peut établir telle taxe générale qu'elle croit utile, sauf au gouvernement à approuver.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel notniual sur l'ensemble de la loi.

En voici le résultat :

94 membres sont présents.

1 (M. Dumortier) s'abstient.

93 prennent part au vote.

59 votent pour l'adoption.

34 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. de Portement, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Faignart, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle (Charles), Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), (page 1254) Vandenpeereboom (Ernest), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Brixhe, Clep, Coomans, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere et de Naeyer.

Ont voté contre : MM. de Perceval, Dequesne, de Steenhault, Devaux, d'Hoffschmidt, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Manilius, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Prévinaire, Rogier, Roussel (Adolphe), Tesch, Thiéfry, Van Remoortere, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Cans, Closset, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert, de Brouckere, Deliége et Delfosse.

M. le président invite M. Dumortier à motiver son abstention.

M. Dumortier. - Dans la loi que vous venez de voter il y a des dispositions que j'approuve en ce sens qu'elles auront pour résultat d'améliorer la situation de la garde civique et de diminuer le nombre des exercices qui étaient trop onéreux pour les gardes. Sous ce rapport, j'y aurais donné mon vote. Mais il y a d'autres dispositions qui compromettent l'institution même et auxquelles je ne pouvais donner mon vote. J'ai donc dû me conformer à ce précepte du sage : Dans le doute, abstiens-toi !

Projet de loi prorogeant la loi sur le tarif du transport des marchandises par le chemin de fer

Rapport de la section centrale

M. de Brouwer de Hogendorp, au nom de la commission qui a examiné le projet de loi tendant à proroger la loi qui autorise le gouvernement à régler le tarif du transport des marchandises par le chemin de fer, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression est la distribution de ce rapport.

Projet de loi, amendé par le sénat, prorogeant la loi sur les concessions de péages

Motion d'ordre

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) (pour une motion d’ordre) - Je demanderai à la chambre de s'occuper maintenant d'un projet de loi qui figure à la fin de l'ordre du jour, et qui présente un caractère d'urgence. C'est la loi relative aux concessions de péages.

M. le président. - Un amendement assez important a été introduit par la chambre dans ce projet de loi. Il a été rejeté par le sénat.

M. Pierre. - Quoique le projet de loi dont il s'agit ne soit pas de nature à donner lieu à une bien longue discussion, son objet est cependant très important et mérite un sérieux examen. Si la chambre ne trouve pas à propos d'en aborder à l'instant la discussion, je la prierai du moins, attendu l'urgence, de mettre ce projet en têle de l'ordre du jour de demain.

M. le président. - Nous avons en tête de l'ordre du jour de demain la discussion sur le projet de loi relatif à l'organisation de l'armée.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'insiste cependant pour que la chambre veuille bien examiner ce projet de loi. La question qu'il soulève est extrêmement simple : il s'agit de savoir si l'on insérera dans ce projet de loi ce qui se trouve déjà dans la loi de 1832, si l'on obligera le gouvernement à soumettre à une enquête les projets en instruction. Je dois dire que si cette disposition était adoptée ce serait ajourner à un an l'exécution de toutes les concessions qui font maintenant l'objet d'une instruction ?

M. Orban. - Serait-ce un si grand malheur ?

- La chambre, consultée, décide que la discussion aura lieu immédiatement.

Discussion générale

(page 1256) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je vais exposer sommairement les faits, et je pense que la chambre, lorsqu'elle aura bien voulu me prêter un peu d'attention, sera d'accord avec moi que l'amendement qui lui est proposé est tout au moins inutile.

Le gouvernement avait demandé le renouvellement d'une loi qui avait été prorogée pendant plusieurs années. La section centrale proposa d'ajouter, par voie d'amendement, une disposition ainsi conçue :

« Toute demande en concession d'une ligne de chemin de fer sera soumise à une enquête sur l'utilité des travaux, la hauteur du péage et sa durée. »

Au premier vote je combattis cet amendement. Je le combattis, non parce que je repousse en principe l'obligation de soumettre à l'enquête toute demande en concession, mais parce que je considérais cette disposition comme parfaitement inutile, et comme dangereuse même dans certains cas.

(page 1257) Je disais : La loi de 1832 qui est la loi principe en cette matière, exige que toutes les demandes en concession soient soumises, avant d'être présentées devant la chambre, à une enquête. Cette loi de 1832 a été fortifiée et confirmée par un arrêté en date de 1846, porté par un de mes honorables prédécesseurs, M. de Bavay, qui exige également que toute demande en concession de chemin de fer ou de canal, d'une longueur de plus de 10 kilomètres, soit précédée d'une enquête. Mais j'ajoutais que, dans l'application, on s'était écarté des dispositions rigoureuses de la loi de 1832 et qu'on avait négligé également les dispositions de l'arrêté de 1846.

Je me suis demandé depuis, quelle pouvait être l'utilité en fait du renvoi à l'enquête des demandes en concession dont le gouvernement est saisi en ce moment ? Quels avantages procurerait-il ? Et en fait aussi quels sont les inconvénients qui résultent de l'état de choses actuel ?

Je disais que depuis 1845 on s'était écarté de l'application rigoureuse de la loi de 1832 et de l'arrêté royal de 1846. Quels sont les inconvénients de cette déviation de la loi de 1832 ? Ils sont nuls. Depuis 1845, la chambre a voté une série de concessions de chemins de fer ; aucune des demandes en concession de ces chemins n'a été précédée d'une enquête et toutes ont été suivies de l'exécution des engagements souscrits. Dans le cas conltaire, les demandes qui ont été envoyées à l'enquête sont précisément celles qui n'ont pas abouti.

Voici l'énumération des projets que la chambre a votés et à l'égard desquels il n'y a pas eu enquête. Le chemin de l'Entre-Sambre-et-Meuse, le chemin de fer de Jurbise à Tournai et celui de St-Trond à Hasselt ; le chemin de fer de la Flandre occidentale ; le chemin de fer de Liège à Namur et celui de Manage à Mons ; le chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes ; le chemin de fer de Luxembourg ; le chemin de fer de Charleroi à Louvain ; le chemin de fer de Manage à Wavre ; le chemin de fer d'Anvers à la frontière des Pays-Bas ; le chemin de fer de Pepinster à Spa ; le chemin de fer de Dendre et Waes.

Toutes ces concessions ont été présentées à la chambre. Elle a examiné en sections et en section centrale quels étaient les avantages des propositions du gouvernement.

Les demandeurs en concession ont appuyé leurs demandes de mémoires.

Les localités intéressées à l'exécution de ces travaux ont également fait connaître leurs vœux et leurs besoins devant la chambre. De manière que pour toutes ces concessions il n'y a pas eu enquête.

Or, quel serait le résultat, quelle serait la conséquence de l'adoption de l'amendement qui a été rejeté par le sénat et adopté par la chambre ?

Ce résultat, ce serait, comme j'ai eu l'honneur de l'indiquer tout à l'heure, de frapper d'un ajournement d'une année peut-être les demandes en concession qui sont aujourd'hui à l'état d'instruction et qui pourront peut-être être soumises aux chambres d'ici à fort peu de temps.

Je pense que ces considérations qui sont puisées dans un sentiment d'équité et de justice distributive, sentiment auquel la chambre doit être extrêmement sensible, devraient la déterminer à adopter le projet purement et simplement dans les termes où il a été présenté.

Quels peuvent être les inconvénients de cette adoption ? Si le gouvernement soumet aux chambres un projet de loi qui n'est pas suffisamment étudié, si la chambre pense que ce projet devrait être soumis à une enquête, que cette enquête peut lui apprendre quelque chose, la chambre déclarera que le projet que le gouvernement lui soumet n'est pas suffisamment élaboré, qu'il peut compromettre des intérêts légitimes, qu'il est nécessaire, en un mot, de le renvoyer à l'enquête ; et alors la chambre en décidera ainsi souverainement.

Messieurs, pour donner seulement à la chambre la mesure des retards qui pourraient être la conséquence et qui seraient la conséquence inévitable de l’adoption de l'amendement, je lui rappellerai quelles sont les conditions auxquelles est soumise l'inspection des affaires de concession.

Aux termes de l'arrêté de 1837, le demandeur en concession doit accompagner sa demande d'abord des plans et profils du tracé, des plans des principaux ouvrages d'art, du détail estimatif du coût d'exécution, d'un mémoire à l'appui de cette demande, d'une estimation des revenus probables et des dépenses.

Quand le demandeur en concession a fourni toutes ces pièces, le comité permanent des ponts et chaussées se prononce sur une question de principe, sur la question de savoir si le travail est possible.

Lorsque le comité permanent des ponts et chaussées s'est prononcé sur cette question de principe, il renvoie tout ce travail à la députation permanente de la province ou des provinces qui sont intéressées à l'exécution de ce travail. Le dossier reste soumis à l'inspection du public pendant un mois, deux mois, en même temps qne l'on institue une commission d'enquête. Cette commission d'enquête émet son avis. Les avis sont le plus souvent partagés, parce que l'exécution d'un chemin de fer dans telle ou telle direction engage des intérêts divergents.

Toutes les pièces, au bout de trois à quatre mois d'études, de recherches, d'examen, sont renvoyées au comité permanent des ponts et chaussées.

Ce comité se réunit et dresse un cahier des charges. Ce cahier des charges est soumis au demandeur en concession. Celui-ci présente ses observations. Ces observations sont discutées contradictoirement avec lui au sein du comité permanent des ponts et chaussées. Ainsi, en toute hypothèse, il y a au moins cinq ou six mois d'examen.

Or, je demande si en présence du principe nouveau que la chambre a introduit en matière de travaux publics, principe qui consistée préférer le système de soumissions directes au système de l'adjudication publique, il ne serait pas contraire à l'exécution prompte de ces travaux, d'adopter l'amendement qui vous est présenté ; si des soumissionnaircs sérieux, qui seraient en mesure d’offrir au gouvernement toutes les garanties désirables d'exécution, voudraient maintenir leurs propositions en présence de la nécessité d'une enquête qui les rejetterait peut être à l'année prochaine.

Messieurs, je ne crois pas que la chambre voudrait amener un pareil résultat ; c'est donc dans l'intérêt des concessions en voie d'examen et uniquement dans cet intérêt, que je demande à la chambre de vouloir rejeter l'amendement qui lui est proposé par la section centrale. Si je ne consultais ici que mon intérêt personnel, ma sécurité personnelle en quelque sorte, j'appuierais de tous mes efforts le renvoi à une commission d'enquête. Car il aurait pour résultat de faciliter à l'administration et au gouvernement l'accomplissement de la tâche qui leur incombe de ce chef.

(page 1254) M. Pierre. - En la séance du 18 mars dernier, la chambre a voté, messieurs, la prorogation de la loi du 19 juillet 1832 sur les concessions de péages. La commission spéciale, à laquelle le projet de loi avait été renvoyé, y introduisit une disposition additionnelle. Elle a pour objet de soumettre toute demande en concession d'une ligne de chemin de fer à une enquête sur l'utilité des travaux, ainsi que sur la hauteur et la durée du péage.

L'amendement fut adopté sans discussion ; on ne pourrait donner ce nom aux quelques paroles qui furent alors prononcées. C'est ce que l'honorable comte de Theux a constaté fort à propos, en motivant son abstention : La discussion, a-t-il dit, n'a été qu'effleurée.

En effet, il y a eu absence d'examen suffisant et précipitation tout à la fois. Il ne fut possible de faire sur la portée de la mesure aucune réflexion entre les deux votes ; leur émission eut lieu sans désemparer et instantanément. La proposition, revêtant une apparence anodine, fut accueillie comme une amélioration. Il était naturel qu'en ne la voyant que superficiellement chacun y applaudit. En règle absolue, on considérera toujours comme chose très louable le désir de s'entourer de plus de lumière possible, surtout quand il s'agit d'affaire d'un haut intérêt général.

C'était le beau côté de la médaille, on se dispensa de regarder le revers. Il est incontestable que les conséquences de la résolution prise par la chambre ont échappé à l'appréciation de la presque unanimité des membres de l'assemblée. Heureusement, le sénat a mis à jour la question. Il ne nous est plus permis de méconnaître la portée réelle d'une disposition admise trop inconsidérément, il faut bien l'avouer. La commission du sénat nous a démontré, à ladernière évidence, les graves conséquences qui en résulteraient.

La législation de 1832 en cette matière serait remise en vigueur. Ce n'était cependant pas sans raison qu'elle était frappée d'une abrogation de fait, en ce qui concerne les chemins de fer d'une étendue supérieure à celle de 10 kilomètres. Depuis 1845, le système nouveau fonctionne et ne présente aucun inconvénient. A partir de cette époque, il a été appliqué à la plupart des demandes en concession, aussi bien à celles qui sont passées à l'état de loi, qu'à celles aujourd'hui en instruction ou en négociation.

Pourquoi changer brusquement et d'une manière incidentelle tout un système dont les résultats sont reconnus avantageux ? S'il pouvait, messieurs, rester à cet égard le moindre doute dans vos esprits, ne me suffirait-il pas de citer un seul fait pour le dissiper ! N'est-ce point sous l'empire de ce système que nous avons voté en 1851 la loi de grands travaux publics, la plus importante qui soit peut-être jamais enregistrée dans les annales parlementaires de la Belgique ? Exiger dorénavant l'enquête publique serait porter préjudice aux demandeurs de concessions non encore obtenues ; ce serait même leur enlever un véritable droit acquis.

Nous compromettrions en outre le sort des entreprises faisant l'objet de leurs demandes, et dont M. le ministre des travaux publics vient de nous donner la désignation. On sait combien de fluctuations, combien de chances variées, de toute nature, contribuent tantôt à l'affluence, tantôt à la pénurie des capitaux.

Telle entreprise qui réunirait en ce moment, pourrait échouer totalement dans six mois, et, messieurs, si en thèse générale ces considérations sont toujours vraies, elles le sont beaucoup plus encore de nos jours ; la confiance financière est maintenant aussi mobile, aussi variable pour ainsi dire que le thermomètre. La modification dont il s'agit, offre d'autant plus de danger, les lenteurs démesurées, inhérentes à l'enquête éloigneraient évidemment les capitaux ; nous devons, au contraire les appeler à nous, le faire affluer le plus possible vers le développement des sources de la richesse publique ; dans quel but irions-nous nous lier en quelque sorte les mains et nous condamner à l'impuissance ?

Nous pourrions ultérieurement reconnaître qu'il y a lieu d'accorder, d'urgence, sans aucun retard, une concession quelconque et il nous serait devenu impossible de le faire ; l'enquête adminislrative offre des avantages équivalents au moins à ceux de l'autre forme d'enquête, sans en avoir les inconvénients.

C'est un point essentiel ; il mérite toute votre attention. Le pétitionnement dont usent largement les localités intéressées, complète encore les données émanant de l'administration. La section centrale estime qu'il importe de ne point admettre des projets peu sérieux ou destinés à demeurer irréalisés.

Je suis en cela parfaitement d'accord avec elle ; mais, en supposant que le gouvernement saisisse la chambre de semblables projets, celle-ci les renverrait soit à une enquête, comme l'exigerait elle-même la disposition nouvelle, soit à des études supplémentaires ou les rejetterait purement et simplement.

La meilleure garantie contre les craintes d'inexécution éventuelle, c'est sans contredit de faire déposer un cautionnement assez considérable, proportionnellement à l'importance de l'entreprise demandée en concession. Vous penserez, j'aime à le croire, messieurs, qu'il ne faut pas adopter une modification, présentant les plus fâcheux, les plus graves inconvénients, dont le moindre assurément serait sa compléte inutilité.

M. de Renesse. - Messieurs, en m'opposant à la proposition de la section centrale qui tend à rétablir dans le projet de loi prorogeant la loi du 19 juillet 1832, sur les concessions de péages, l'article 2 primitivement adopté par la chambre, ainsi conçu :

« Toule demande en concession d'une ligne de chemin de fer sera soumise à une enquêle sur l'utilité des travaux, la hauteur du péage et sa durée. »

Je viens présenter quelques considérations pour appuyer la suppression de cet article dont le peu d'utilité pratique paraît avoir été démontré dans une autre enceinte.

La législation de 1832 sur les concessions des péages, a été abrogée en partie depuis 1845, en ce sens que la législature a voulu se conserver à elle-même la faculté d'accorder les concessions par la loi, lorsqu'elles seraient relatives à des canaux ou chemins de fer destinés au transport des voyageurs et des marchandises de plus de dix kilomètres de longueur.

Par cette intervention législative dans les actes de concession de péages d'une certaine importance, il me paraît que l'on doit avoir, pour la moins autant de garantie, si pas plus, que dans une instruction administrative, précédée d'une enquête, parfois longue, laquelle pourrait, d'ailleurs, avoir pour but d'écarter les capitaux étrangers ; en effet, les lenteurs adhérentes aux enquêtes publiques, les conflits qu'elles provquent peuvent faire naître des retards, occasionnant des préjudices aux capitalistes qui voudraient s'associer à l'exécution de grands travaux publics ; en leur suscitant des difficultés, de longues attentes, pour les projets dont ils demandent la concession, ils appliqueront plutôt leurs capitaux dans d'autres pays, où ils recevront un accueil plus favorable.

(page 1255) Si, notamment, depuis 1845, 1846 et 1851, pour la concession des chemins de fer, l'on a suivi un système établi sans inconvénient aucun, l'on ne peut actuellement demander à déroger à ce mode qui constitue une espèce de droit acquis pour les concessions maintenant en instruction ; ce serait avoir deux poids et deux mesures si l'on voulait soumettre les concessions, dont le gouvernement est saisi, à une enquête administrative, et sous ce rapport nos honorables collègues qui, après avoir obtenu pour leurs arrondissements, en 1845, 1846 et 1851, sans enquêtes préalables, de nombreux travaux publics voudraient soumettre les concessions en instruction à ces formalités, que la pratique, notamment pour les voies ferrées, n'a plus admis, depuis plusieurs années, seraient peu équitables s'ils persistaient de vouloir reproduire dans la loi des concessions de péages, une disposition qui pourrait entraver et retarder l'exécution des concessions demandées pour des localités jusqu'ici privées de grands travaux publics.

Je concevrais la demande d'une enquête, lorsqu'il s'agirait de concéder un chemin de fer ou des canaux avec une garantie de l'Etat d'un minimum d'intérêt ; alors il importe de sauvegarder les intérêts du trésor. Mais si les sociétés concessionnaires doivent exécuter leurs concessions par leurs propres ressources, il me semble qu'il n'est pas indispensable qu'il y ait au préalable une enquête ; d'ailleurs, actuellement l'enquête a lieu administrativement, et le gouvernement, avant de consentir à une concession, a soin de s'entourer de tous les renseignements désirables, sur son utilité, sur les moyens de son exécution ; les chambres, en outre, peuvent ordonner une nouvelle instruction, si des réclamations fondées leur sont adressées ; c'est devant elles qu'a lieu une véritable enquête où toutes les oppositions peuvent se faire jour ; elle doit nous offrir toutes les garanties indispensables pour pouvoir voter en connaissance de cause. Par ces motifs, je voterai contre la proposition de la section centrale.

M. de Theux. - Je dois faire observer à la chambre que la situation est complètement changée depuis 1842 en ce qui concerne les chemins de fer ; par la loi de 1842 le gouvernement obtenait les pouvoirs les plus illimités pour la concession de toute espèce de chemins de fer et de péages, à tel point qu'il aurait pu, sans consulter la chambre, concéder la première ligne du pays, c'est-à-dire elle d'Anvers vers l'Allemagne. Dans cet état de choses, il était naturel de prescrire qu'aucun chemin de fer ne pourrait être concédé par le gouvernement sans une enquête préalable.

Mais depuis lors, messieurs, par diverses lois, les pouvoirs du gouvernement, en ce qui concerne la concessioa de chemins de fer, ont été considérablement réduits, à tel point que le gouvernement ne peut plus concéder qu'en vertu d'une loi, une ligne quelconque de chemin de fer, si ce n'est de petits chemins de fer qu'on pourrait appeler pour ainsi dire vicinaux. À la place de l'enquête prescrite par la loi de 1842 pour les concessions que le gouvernement avait le pouvoir d'accorder seul, vous avez maintenant les discussions parlementaires et le vote des deux chambres. Dès lors, messieurs, il n'y a plus les mêmes motifs qu'en 1842 pour exiger une enquête.

Pour moi, messieurs, il est évident que le gouvernement, avant de soumettre un projet de loi aux chambres pour la concession d'un chemin de fer, s'est entouré de toutes les lumières nécessaires. En outre, à la suite de la présentation du projet les intérêts divers peuvent se faire entendre. Ils sont d'ailleurs représentés dans les deux chambres, qui sont composées de députés de toutes les localités du pays et qui, par la nature de leur mandat et de leurs attributions, sont beaucoup plus à même d'apprécier ces affaires de concessions de chemins de fer, qu'une commission d'enquête, nommée pour moitié par la députation permanente d'une province et pour moitié par le gouvernement.

Enfin, messieurs, quel est le but de l'enquête ? C'est d'arriver à la meilleure direction, c'est de connaître la hauteur des péages, c'est d'apprécier les produits probables. Là se borne la mission de la commission d'enquête. Or, messieurs, l'expérience a prouvé qu'en matière de chemins de fer on n'obtient sur tous ces points, pour ainsi dire, aucune espèce de lumière.

Eh bien, messieurs, cette disposition qui exigerait une enquête, n'est pas une chose indifférente ; si vous l'adoptiez, vous perdriez très souvent l'occasion de faire exécuter, sans aucuns frais pour l'Etat, des travaux d'une très grande utilité.

Ou sait parfaitement bien que d'époque en époque les capitaux abondent ou se retirent. Eh bien, messieurs, si au moment de l'abondance des capitaux le gouvernement et les chambres ne sont pas à même de statuer sur une demande en concession, qu'il survienne une crise financière, et les projets sont avortés.

Il peut arriver, dira-t-on, que le gouvernement et les chambres accordent la concession d'un chemin de fer qui, après, ne serait pas exécuté, et pour l'achèvement duquel le gouvernement serait forcé de faire des sacrifices. Messieurs, l'expérience a suffisamment éclairé aujourd'hui le gouvernement ; il prend maintenant des garanties d'exécution plus fortes qu'il n'en prenait dans le principe, et ce que nous avons vu se produire à défaut d'expérience, ne se produira plus à l'avenir.

Je crois donc, messieurs, que nous pouvons, sans le moindre inconvénient, supprimer l'obligation de l'enquête qui a été adoptée au premier vote, et nous réserver le droit de statuer sur les propositions du gouvernement sans subordonner notre décision à l'avis d'une commission d'enquête.

- La clôture est demandée.

M. Orban (sur la clôture). - Messieurs, il se passe vraiment quelque chose d'étrange dans cette discussion : on vient vous demander de réformer la décision que vous avez prise à une immense majorité et cela parce que vous avez voté sans discussion ; et aujourd'hui que vous propose-t-on ?

Après avoir mis subitement à l'ordre du jour un objet qui ne devait être discuté qu'après le vote de deux budgets, on veut que nous statuions immédiatement sur cet objet, alors que personne n'a pu se préparer à la discussion. Quant à moi je déclare que je ne suis pas à même de parler aujourd'hui sur la question dont il s'agit.

Mais, messieurs, ce n'est pas tout : plusieurs discours ont été prononcés dans le sens du rejet de la proposition et quand un honorable membre de la section centrale, l'honorable M. Veydt demande la parole pour défendre notre première décision, on crie de tous côtés : « Aux voix ! »

Je dis, messieurs, que c'est injustifiable.

M. Veydt. (contre la clôture). - Messieurs, je n'ajoute rien aux considérations que l'honorable M. Orban a fait valoir pour que la chambre ne prononce pas la clôture dans ce moment-ci.

M. Dumortier (contre la clôture). - Messieurs, on demande à la chambre de se déjuger. Il est possible que la chambre ait raison de se déjuger. Mais il me semble qu'il est de la dignité de l'assemblée d'entendre au moins les auteurs de la proposition, pour savoir s'il y a des motifs pour que nous nous déjugions.

M. Devaux. - Evidemment on ne peut pas clore en ce moment.

M. le président. - Insiste-t-on pour la clôture ?

- De toutes parts. - Non ! non !

M. le président. - La discussion continue ; la parole est à M. Loos.

M. Loos. - Messieurs, je ne m'attendais pas non plus à ce que cet objet viendrait à l'ordre du jour d'aujourd'hui ; je n'étais donc pas préparé ; mais j'ai demandé la parole, pour ne pas voir clore la discussion, sans qu'une voix favorable au maintien de la disposition adoptée par la chambre, se fît entendre.

M. le ministre des travaux publics a dit que la chambre elle-même faisant les enquêtes, c'est-à-dire que les projets de loi, accordant les concessions des chemins de fer, étant discutés dans cette chambre, une enquête ordinaire devenait inutile.

Cependant dans l’énumération, faite par M. le ministre des travaux publics, des formalités prescrites par la loi de 1832, il a cité, entre autres, une enquête administrative de la part du conseil des ponts et chaussées, c'est-à-dire que ce conseil était chargé de vérifier les plans et les devis présentés par le conseil des ponts et chaussées, et que c'était seulement après l'accomplissement de cette formalité que le gouvernement était autorisé à accorder la concession.

Eh bien, que voyons-nous aujourd'hui ? Dans une discussion récente, on prétendait d'une part que le capital sur lequel le gouvernement aurait à garantir un minimum d'intérêt n'était que la moitié de celui qu'on présentait ; on disait d'autre part que le chiffre du capital était bien réellement celui du devis.

J'ai alors demandé à M. le ministre des travaux publics ce qu'en pensait le conseil des ponts et chaussées.

J'ai prétendu que le conseil n'avait émis aucun avis, et je sais convaincu que j'étais dans le vrai ; M. le ministre s'est borné à me répondre que l'ingénieur en chef de la province d'Anvers lui avait adressé un rapport. Eh bien, je crois qu'il faut quelques garanties. Le gouvernement doit nous éclairer par une enquête du conseil des ponts et chaussées ; nous ne pouvons pas nous contenter de l'appréciation seule du chef du département qui la plupart du temps n'est pas un ingénieur.

M. ie ministre des travaux publics a cherché à vous effrayer un peu sur les lenteurs qu'entraînerait une enquête. Je sais que quand on le désire, on peut faire durer une enquête très longtemps ; mais je sais aussi que, quand le gouvernement a un désir contraire, il peut faire marcher les enquêtes très rapidement.

Comment ! vous ne jugeriez pas convenable d'exiger une enquête, alors qu'on demande l'établissement d'un chemin de fer, tandis que nos lois prescrivent des enquêtes dans des circonstances moins importantes (routes ordinaires, chemins vicinaux, percement de rues, etc.) ! Vous vous refuseriez à une enquête pour un chemin de fer qui bien souvent vient jeter la perturbation dans de très grands intérêts !

Une commune prospérait ; on établit un chemin de fer ; la commune qui s'en trouve éloignée se trouve réduite à des conditions extrêmement fâcheuses.

Il serait de l'intérêt général que le chemin de fer eût suivi telle ou telle direction ; l'intérêt des concessionnaires peut être autre ; comment voulez-vous avoir la certitude que c'est en définitive l'intérêt général qui domine ?

N’étant pas suffisamment préparé, je bornerai là mes observations.

M. Veydt. - Messieurs, je n'ai que quelques minutes devant moi pour vous entretenir d'une disposition qui mérite toute l'attention de la chambre.

M. le ministre des travaux publics désire évidemment que nous votions, séance tenante, parce que, selon lui, il y aurait urgence ; mais à mon avis, il n'y a pas urgence ; ce projet de loi amendé par le sénat aurait pu venir sans inconvénient après la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée.

(page 1256) Si un cas particulier de concession de péage s'était présenté, M. le ministre des travaux publics pouvait saisir la chambre d'un projet de loi spécial pour y statuer.

Messieurs, la section centrale, dans son rapport, s'est principalement attachée à faire une analyse complète, impartiale, de ce qui avait été dit dans une autre assemblée contre l'amendement adopté au sein de celle-ci. Je me regarde pour cet amendement, dont je pris l'initiative, comme n'étant plus en cause ; la chambre l'a adopté à une telle majorité que l'amendement est devenu son œuvre ; que c'est à elle à le défendre, si elle le juge convenable et utile.

Messieurs, ce qui préoccupe beaucoup d'entre vous, c'est évidemment l'existence de plusieurs demandes arrivées au département des travaux publics. En ce qui me concerne, je serais fâché, moi, qui ai eu l'honneur d'être le rapporteur de la grande loi des travaux publics de 1851, qui ne regrette en aucune façon d'avoir voté en faveur de cette loi dont j'attends de très bons résultats pour mon pays ; je ferais fâché, dis-je, que l'obligation d'instruire plus régulièrement les demandes en concession de chemin de fer portât préjudice à celles qui sont arrivées au terme de l'instruction, telle qu'elle se pratique à présent.

Mais c'est là peut-être un cas spécial, qui pourrait, messieurs, appeler votre attention sur les mesures exceptionnelles à prendre, pour le cas où il ne serait pas possible, dans l'intervalle des deux sessions, de remplir les formalités de l'enquête à l'égard de ces demandes ; car, ne nous faisons pas illusion, d'ici à la fin de la session, il n'y aura peut-être plus une seule demande en concession en état d'être votée. La section centrale n'est saisie que d'un seul projet de loi, et j'ignore, en ce moment, si son examen sera achevé en temps opportun.

L'enquête devant la législature est radicalement impossible. Se borner à cette marche, c'csl vouloir se passer d'enquête. Les députés qui ne connaissent pas les localités dont il s'agit, sont obligés de s'en rapporter à leurs collègues mieux instruits qu'eux, mais, il faut le dire, peut-être moins impartiaux, engagés déjà par des idées préconçues et invités à se placer à un seul point de vue qui sera celui des concessionnaires en instance.

Au contraire, avec une investigation faite conformément aux prescriptions si sages de l'arrêté royal de 1836, vous avez chances de recueillir toutes les lumières possibles.

En effet, il faut que l'enquête soit dirigée et conduite de telle manière que tous les intérêts puissent se faire jour ; que les chambres de commerce, les grands établissements industriels soient entendus et émettent leur avis motivé. Après, viennent les députations permanentes.

Que M. le ministre des travaux publics ne vienne pas nous dire qu'il faut une année pour cela. J'avais, ce matin même, pour me préparer à cette discussion, qui est venue trop vite, le texte de l'arrêté de 1836 sous les yeux ; consultez-le, messieurs, vous y verrez que l'enquête n'exige pas une année ; le délai le plus long est prescrit pour le dépôt des pièces et des plans, etc ; ce délai est de un à trois mois ; il dépend, par conséquent, du ministre de n'accorder qu'un mois, chacune des autres formalités doit être accomplie dans le même espace de temps, et l'enquête peut donc être terminée dans quatre à cinq mois au plus.

Il y a quelquefois dans les bureaux des administrations centrales des affaires qui y dorment plus longtemps, avant d'avoir fait un pas décisif.

Messieurs, rendons-nous bien compte de ce qui existe maintenant. M. le ministre des travaux publics avait pris au sénat une autre position ; il y disait que, suivant lui, l’amendement était sans objet ; qu'il était pourvu à ce que ses auteurs avaient eu en vue par la loi de 1832 et par l'arrêté royal de 1836 corroboré par un autre arrêté du 28 mai 1846. Voici ce que porte un des considérants de ce dernier arrêté :

« Les demandes en concession de chemins de fer, à l'égard desquels il est réservé à la législature de statuer, rentrent néanmoins dans les attributions du gouvernement sous le rapport de l'instruction et de l'enquête, etc. »

Ainsi, dans l'opinion du gouvernement, après le vote de la loi de mai 1845, qui a réservé à la législature les concessions de canaux et de chemins de fer de plus de dix kilomètres, il demeurait entendu que les demandes relatives à ces concessions resteraient soumises aux formalités de l'enquête.

Désormais, le langage tenu par l'honorable ministre actuel fait assez comprendre que ces mesures d'investigation régulière continueront d'être négligées.

C'est comme si la loi de 1832 dans une de ses dispositions essentielles et les deux arrêtés royaux, rendus en conformité de cette loi, n'existaient plus.

Nous sommes donc avertis ; la marche mise en pratique dans des circonstances exceptionnelles si on veut, devient la règle ; le gouvernement fera une instruction, comme bon lui semblera et si les chambres n'y puisent pas assez de lumière, il leur sera loisible de réclamer une enquête. Avant ce dernier votre assentiment à ce mode de procéder, veuillez-y réfléchir mûrement, messieurs ; je conçois qu'on se préoccupe des demandes existantes ; qu'on avise à des mesures, à des facilités spéciales pour elles ; je le comprendrais ; mais pour le principe de l'enquête, ne l'abandonnez pas légèrement. L'arrêté de 1836, contre-signé par l'honorable M. de Theux, a parfaitement prévu ce qu'il convient de faire pour vous mettre à même de vous prononcer en connaissance de cause et avec maturité sur des questions souvent très compliquées. Si l'on s'en écarte sous la pression des intérêts engagés, je suis convaincu qu'on y reviendra. Bien d'autres considérations peuvent être exposées encore en faveur de l'opinion qui a prévalu au sein de la section centrale ; mais je me suis imposé d'être court afin que la chambre puisse voter, séance tenante, si elle le veut absolument.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - A entendre les honorables préopinants, il semblerait, en vérité, que les diverses demandes de concession qui ont été votées depuis 1845, à une immense majorité, sans protestation de la part des localités intéressées, ont engendré de nombreux abus et créé une situation qu'il importe de faire cesser au plus tôt. Il n'en est rien pourtant. Ces concessions sont aujourd'hui, pour la plupart au moins, en voie d'exécution. Elles ont fait, au sein de cette chambre, l'objet de nombreux rapports. Elles ont servi de texte à un nombre considérable de mémoires, de pétitions de tout genre ; elles ont provoqué et sollicité, au plus haut degré, l'attention du pays, des chambres de commerce, des communes intéressées. De quoi donc se plaint-on ? Quels abus signale-t-on ? D'après M. Loos, il aurait suffi pour la concession de Lierre à Turnhout de consulter le conseil des ponts et chaussées.

Mais s'il en est ainsi, il peut l'être après comme avant le vote de la chambre. Le gouvernement s'est réservé de déterminer sur quel capital devrait porter la garantie d'intérêt, la fixation du coût du chemin est ainsi laissée à l'appréciation du gouvernement.

Je n'ai pas prétendu que la formalité de l'enquête fût inutile pour toutes les demandes en concession, je n'ai pas soutenu qu'elle doit être toujours écartée, j'ai dit et je répète que la chambre reste toujours juge de cette question, que lorsque le gouvernement présente un projet de concession qui soulève des difficultés, qui mécontente des localités et provoque un doute légitime, la chambre peut toujours ordonner que ce projet sera envoyé à l'enquête.

Quand le gouvernement présente une demande en concession, les intérêts qui peuvent être compromis trouvent moyen de se faire jour, de se faire entendre au sein de cette chambre. Est-ce que la chambre n'est pas saisie chaque jour par voie de pétilion des besoins vrais ou factices des localités ? Peut-on dire que les villes, les communes, les chambres de commerce, les industries que peut léser l'adoption ou le rejet d'une demande en concession ne se font pas entendre ?

Je le répète, les enquêtes que ces projets subissent au sein de cette chambre présentent autant de garantie que les enquêtes administratives ; j'en ai la preuve : des projets de chemins de fer ont été soumis à l'enquête ; que sont-ils devenus ? Quels sont les chemins envoyés à l'enquête qui ont pu aboutir ? Je connais un certain nombre de demandes en concession qui sont à l'enquête depuis 1830, et qui n'ont pas pu aboutir, par suite de l'antagonisme des intérêts. Si la chambre n'avait pas su se mettre au-dessus de ces intérêts, baucoup de demandes seraient restées sans effet.

M. Vermeire (pour une motion d’ordre). - Je ne conteste pas qu'une divergence d'opinion entre le sénat et la chambre n'ait une certaine gravité ; mais, ainsi que l'ont fait observer MM. Veydt et Orban, peu de membres sont prêts à aborder la discussion ; et comme le projet de loi n'a pas d'urgence, je propose le renvoi de la discussion jusqu'après la discussion des budgets qui sont à l'ordre du jour.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne voudrais pas que la chambre, dans une question où je suis aussi désintéressé, put croire que je voudrais emporter son vote sans lui laisser le temps de se livrer à une mûre discussion ; je ne m'oppose pas à la demande d'ajournement.

- L'ajournement est adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.