Séance du 18 mars 1853
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 925) M. Dumon procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. Maertens lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Le sieur Hooghe déclare protester contre l'assertion émise dans le rapport sur le projet de loi relatif au chemin de fer de Turnhout, que M. le ministre des travaux publics et la section centrale n'ont pu se procurer des renseignements suffisants sur la demande de concession qu'il a faite. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Lierre à Turnhout.
« Le conseil communal d'Ath prie la chambre d'accorder au sieur Bouquié-Lefebvre la concession d'un chemin de fer de Hal à Ath avec embranchement de Tournai à la frontière française dans la direction de Lille. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs de Nazareth, Deurle et Laethem Saint-Martin prient la chambre de voter le crédit demandé par plusieurs représentants pour l'achèvement du canal de Schipdonck. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant un crédit de 4,880,000 fr. pour la département des travaux publics.
« Les membres du conseil communal de Grammont demandent que le chemin de fer projeté de Tubize aux Acren, par Enghien, fasse à Grammont sa jonction avec le chemin de fer de Dendre-et-Waes. »
M. de Portemont. - La requête du conseil communal de Grammont appelle l'attention de la chambre sur un point de la plus haute importance pour le chemin de fer auquel elle se rapporte.
Il s'agit, messieurs, du point de raccordement. Cette voie de communication est destinée à relier les chemins de fer du Midi et de Dendre-et-Waes, et à procurer aux produits d'une partie du Hainaut un écoulement facile vers la Flandre. Je pense donc que le point de jonction est naturellement indiqué à Grammont et non aux Acren. Je demande le renvoi de la pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
- Cette proposition est adoptée ; en conséquence la chambre renvoie la pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au chemin de fer de Tubize aux Acren, par Enghien.
« Des habitants d'Horrues demandent que le point de départ du chemin de fer projeté vers les Acren soit établi à Haine-Saint-Paul. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Bruxelles demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »
« Même demande d'autres habitants de Bruxelles. »
« Troisième demande semblable d'habitants de Bruxelles. »
« Même demande d'habitants de Molenbeek-Saint-Jean. »
« Même demande d'habitants de Jemmapes. »
« Même demande d'habitants de Mons. »
« Même demande d'habitants d'Horrues. »
- Renvoi à la commission des pétitions pour le mois de mars.
« Des électeurs d'Anthée demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, que le cens électoral différentiel soit rétabli, et que chaque circonscription de 40,000 âmes nomme un représentant. »
- Même renvoi.
« Plusieurs électeurs de Roulers demandent la révision de la loi électorale. »
- Même renvoi.
« Des habitants de St-Pierre-Cappelle demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Welden demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, que le cens électoral pour les villes soit augmenté et qu'une loi règle les frais d'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Dadizeele demandent que les élections aux chambres se fassent dans la commune, et qu'une partie de la contribution foncière payée par le fermier lui compte pour former le cens électoral. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Estinnes-au-Val demandent que les élections aux chambres se fassent dans la commune ou du moins au chef-lieu de canton, et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Schaffen demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »
« Même demande d'électeurs à Diest. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestre, échevins et membres du conseil communal de Gammerages prient la chambre d'augmenter le subside destiné à l'amélioration des chemins vicinaux. »
« Même demande des bourgmestre, échevins et membres du conseil communal d'Etterbeek. »
« Même demande des bourgmestre, échevins et membres du conseil communal de Lennick-Saint-Quentin. »
« Même demande des bourgmestre, échevins et membres du conseil communal d'Oetinghen. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
« Message du sénat faisant connaître l'adoption par cette chambre des projets de loi relatifs 1° à la dotation de l'héritier présomptif du trône ; 2° à la prorogation du terme fixé pour la révision des tarifs en matière criminelle. »
- Pris pour notification.
Il est procédé à la composition, par la voie du sort, des sections de mars.
M. le président. - Suivant l'usage, les sections se réuniront demain un quart d'heure avant la séance, pour se constituer.
M. Van Renynghe, rapporteur. - Messieurs, vous avez conclu au renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, d'une pétition, datée de Thielt, le 24 février 1853. C'est pour satisfaire à cette décision que votre commission m'a chargé de vous présenter le rapport sur cette pétition par laquelle les membres du bureau de bienfaisance de ladite ville demandent des modifications aux lois sur l'admission et l'entretien des indigents dans les établissements de charité.
Les membres de cette administration allèguent que l'entretien des indigents de leur ville dans les hospices d'autres villes du royaume, leur occasionne une charge lourde et injuste, et que pour cet entretien, pendant l'année dernière, ils ont été obligés de faire une dépense d'environ 900 fr.
Deux causes y contribuent, disent-ils, particulièrement ; d'abord la facilité avec laquelle on admet les indigents dans différents hospices et puis le prix exorbitant d'entretien qu'on y exige.
Ils ajoutent que l'expérience leur a appris qu'il y a quelques institutions charitables, où l'on n'a qu'à se présenter pour être admis, et qu'il arrive bien souvent que des indigents de mauvaise volonté s'y rendent dans l'intention de susciter des difficultés et d'occasionner des dépenses au bureau de bienfaisance, et que parfois des personnes dont l'indigence n'est pas constatée, profitent de la facilité de leur admission aux hospices, pour se faire soigner aux dépens dudit bureau.
Ils disent qu'il est vrai que la loi leur permet de réclamer ces indigents, et que l'article 14 de la loi du 18 avril 1845 oblige les administrations des hospices d'informer les communes intéressées de l'admission de leurs indigents, endéans les quinze jours ; mais que la conséquence de cette disposition est que bien souvent ils ne sont informés de l'admission de ces indigents dans des hospices que dix ou quinze jours après qu'ils y ont résidé et qu'ils y ont occasionné de fortes dépenses à charge du bureau de bienfaisance.
Ils observent que la facilité d'admission, jointe au retard que l'on met, dans différentes localités, à faire parvenir aux communes intéressées les informations prescrites, ferait, pour ainsi dire, supposer que ce devoir en faveur d'indigents est non seulement un acte d'humanité, mais en même temps une spéculation, ou bien un moyen pour empêcher qu'ils n'acquièrent un nouveau domicile de secours.
Ils se plaignent des frais d'entretien considérables que les hospices, surtout ceux des grandes villes, exigent. Ces frais, disent-ils, s'élevant de fr. 1 25 à 1 50 par jour et par personne, sans distinction d'âge ni de sexe, sont exorbitants, vu que ordinairement la moitié ou le tiers de ces dépenses seraient suffisants pour payer les frais d'entretien dans leur hôpital. Ils allèguent comme preuve de ce qu'ils avancent que l'année dernière l'administration des hospices d'une grande ville a porté en compte à charge du bureau de bienfaisance de Thielt une somme de fr. 22 10, pour 17 jours d'entretien d'un enfant âgé de 4 ans, tandis qu'à l'hospice des orphelins, dirigé par le curé-doyen de cette ville, les enfants de cet âge ne payent que huit centimes par jour et par tête.
D'après eux, les frais d'entretien ne sont pas seulement exorbitants, mais aussi leur disproportion leur paraît injuste, attendu que la journée d'entretien pour les hospices des grandes villes est au moins de fr. 1-50, tandis que pour les hospices de Thielt, elle n'est que de 75 centimes.
(page 926) Ils ne connaissent pas de raison qui puisse légitimer une pareille différence.
Pour faire comprendre combien il est injuste de permettre aux hospices d'exiger des frais d'entretien aussi élevés, ces administrations font observer que ces frais d'entretien sont payés habituellement par des communes pauvres à des hospices richement dotés ; que, plus pauvre est une commune, plus elle a à payer de ce chef, vu que plus pauvre est une commune plus grand est le nombre de ses habitants qui, en qualité d'ouvriers, de domestiques, etc., vont se fixer de préférence dans les grandes villes.
Pour ces motifs, les exposants nous prient, messieurs, de vouloir apporter des modifications aux lois relatives à l'admission et à l'entretien d'indigents dans les institutions de bienfaisance.
Ils pensent que les dispositions suivantes pourraient être consacrées par une loi :
1" Aucun indigent étranger à la commune ne peut être admis dans les établissements charitables, sans l'autorisation du gouvernement, de la province, ou des communes intéressées.
2° Les bureaux de bienfaisance intéressés seront informés des admissions, endéans les trois jours.
Et 3° les frais d'entretien pour majeurs, sont fixés à 50 centimes par jour et par personne.
Ils espèrent, messieurs, que vous accueillerez favorablement leurs justes réclamations.
Une autre requête des membres du bureau de bienfaisance d'Ingelmunster, en date du 13 mars 1853, conçue, à peu près, dans les mêmes termes que ceux de la pétition dont je viens de faire l'analyse, a été aussi renvoyée à votre commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
Comme, dans une séance précédente, M. le ministre de la justice a pris l'engagement de s'occuper de cette importante question, soulevée dans diverses pétitions de même nature qui lui ont été renvoyées, votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de ces requêtes à ce haut fonctionnaire qui, nous en avons la conviction, appréciera les observations pratiques qu'elles renferment.
M. Rodenbach. - Ce sont encore une fois des pétitions qui nous sont adressées par les habitants et les administrations communales des arrondissements de Thielt et de Roulers. Ce sont toujours les mêmes plaintes depuis deux ou trois ans. Elles portent sur le prix excessif que l'on fait payer aux communes tant pour leurs indigents volontairement admis dans les dépôts de mendicité que pour leurs indigents malades admis dans les hospices ou hôpitaux où ils coûtent quatre fois plus que dans leurs communes. L'unanimité de ces plaintes prouve combien elles sont fondées. La loi doit évidemment être revisée. J'appuie donc le rapport que vient de faire l'honorable député de Poperinghe.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - M. le président, j'ai examiné la question qui est soulevée par le rapport de l'honorable M. Vermeire, à l'occasion du projet de loi relatif à la prorogation de la loi sur les péages. Comme je présume qu'une simple explication de ma part lève toute espèce de doute, je propose à la chambre de commencer (comme on l'a demandé hier) par le vote de ce projet, qui est très urgent.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. La loi du 19 juillet 1832, sur les concessions de péages (Bulletin officiel, n°519, LIII), est prorogée au 1er avril 1855.
« Néanmoins, aucun canal, aucune ligne de chemin de fer, destinés au transport des voyageurs et des marchandises, de plus de dix kilomètres de longueur, ne pourront être concédés qu'en vertu d'une loi. »
La section centrale propose un article 2 ainsi conçu :
« Toute demande en concession d'une ligne de chemin de fer sera soumise à une enquête sur l'utilité des travaux, la hauteur des péages et sa durée. »
M. le ministre des travaux publics déclare qu'il ne se rallie pas à cet amendement.
En conséquence, la discussion s'établit sur le projet du gouvernement.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, comme vient de le faire observer notre honorable président, la section centrale propose d'ajouter au projet, par voie d'amendement, qu'aucune concession d'une ligne de chemin de fer ne peut avoir lieu qu'après une enquête sur l'utilité du travail, sur la hauteur des péages et sa durée.
Il s'agit de la prorogation de la loi du 19 juillet 1832 sur les concessions de péages. Or, l'article 4 de la loi du 19 juillet 1832, qu'il s'agit de proroger, porte qu'aucune concession ne pent avoir lieu que par voie d'adjudication publique et qu'après une enquête sur l'utilité des travaux, la hauteur des péages et sa durée.
Dans le système de la loi du 19 juillet 1832, le gouvernement avait le droit d'autoriser des concessions alors même qu'il s'agissait de chemins de fer ou de canaux dont l'étendue aurait été de plus de dix kilomètres. Ce n'est que par des lois de prorogatif postérieures, par la loi de 1845, que la législature s'est réservé la concession de toute ligne de canal ou de chemin de fer de plus de dix kilomètres.
Il est évident, messieurs, qus la loi de 1832 se trouve modifiée par la loi de 1845, en ce qui concerne l'adjudication publique. Le gouvernement, en soumettant aux chambres un projet de concession spéciale pour tout projet de canal ou de chemin de fer d'une étendue de plus de 10 kilomètres, présente une soumission directe qui est exclusive de l'adjudication publique. La question est donc de savoir si pour ces concessions d'une étendue de plus de 10 kilomètres, l'enquête constitue un acte préalable nécessaire, essentiel.
Dans la pratique on s'est écarté de la rigueur du principe. Les chambres ont voté, depuis 1845, un grand nombre de concessions qui n'avaient pas été précédées d'une enquête. Il y a même des cas dans lesquels les formalités tracées pour l'institution da l'enquête constitueraient un véritable danger, en devenant un motif d'ajournement indéfini pour le travail utile dont il pourrait s'agir. Ainsi lorsqu'il s'est agi de la concession du chemin de fer d'Anvers à Bréda, on n'a pas eu recours à l'enquête ; on ne le pouvait pas ; une commission internationale avait arrêté la direction de ce chemin de fer, et la chambre n'a pas demandé, lorsque la concession lui a été soumise par le gouvernement, qu'il y eût une enquête préalable.
C'est le droit des chambres, chaque fois qu'une concession de canal ou de chemin de fer est soumise à la législature, de décider qu'il y aura lieu à enquête. Mais l'enquête, dans certains cas, je le répète, pourra éloigner des soumissionnaires sérieux. La disposition additionnelle proposée par la section centrale est donc parfaitement inutile. S'il s'agit de concessions de moins de 10 kilomètres, l'enquête est une nécessité. S'il s'agit d'une concession de plus de 10 kilomètres, le gouvernement est obligé de présenter aux chambres un projet de loi spécial, et les chambres seront juges alors de la question de savoir si le gouvernement a bien ou mal fait de ne pas avoir recours à l'enquête. Dans ces circonstances je crois que le mieux est de ne rien changer à ce qui existe.
M. Veydt. - Messieurs, je ne m'attendais pas à avoir à traiter cette question dans la séance d'aujourd'hui et à y défendre l'amendement dont j'ai pris l'initiative en section centrale.
|Il m'a été inspiré par la lecture de la loi du 19 juillet 1832 qu'il s'agit de proroger. En la lisant peu d'instants avant nos délibérations, j'y ai trouvé que les péages sur une route vicinale ou sur un pont ne sont autorisés qu'après une information dans les communes environnantes et que la publicité par affiches est exigée pour une route provinciale dans les communes qu'elle traverse, avant de pouvoir établir des péages sur cette route.
A plus forte raison, ne devrait-il pas en être toujours ainsi, quand il s'agit de la concession d'un chemin de fer ? Cette question se présente tout naturellement. Elle m'a d'autant plus vivement frappé que je venais d'assister à plusieurs séances d'une section centrale, où l'insuffisance de l'étude et des investigations au sujet d'un chemin de fer nous avait occasionné beaucoup d'embarras et une grande incertitude sur le parti à prendre.
Mes collègues de la section centrale partagèrent mon avis et l'amendement tendant à prescrire expressément qu'aucune concession de chemin de fer, quelle que fût son étendue, ne pourrait désormais avoir lieu qu'après enquête sur l'utilité des travaux, la hauteur du péage et sa durée, fut adopté et ratifié par tous les membres de la section, sauf qu'un seul, tout en approuvant la mesure en elle-même, préférait qu'elle fût signalée d'abord à l'attention du gouvernement, au lieu de l'ajouter au projet de loi comme un article nouveau.
En examinant ensuite la question de plus près, j'ai trouvé, messieurs, que l'amendement est entièrement dans l'esprit de la loi du 19 juillet 1832.
Il existe un arête royal du 29 novembre 1836, contresigné par l'honorable comte de Theux, qui détermine les formalités à remplir au sujet des demandes ayant pour but l'exécution, par voie de concession de péages, de travaux d'utilité publique, tels que routes, canaux, ponts, chemins de fer, canalisation de fleuves ou rivières.
Au nombre de ces formalités il y a la vérification par le ministère des travaux publics des données des projets, tant par des opérations sur le terrain, que, de toute autre manière, et ce aux frais des demandeurs en concession ; le dépôt des plans et des pièces ; la formation d'une commission d'enquête, etc.
Au mois de mai 1845 (arrêté du 21 mai) l'honorable M. Dechamps, alors ministre des travaux publics, crut utile de rappeler les prescriptions de l'arrêté royal du mois de novembre 1836, spécialement pour les demandes en concession de chemins de fer et d'exiger des enquêtes, disant qu'il ne serait fait de convention provisoire pour les demandes à soumettre à la législature qu'après une instruction complète.
De pareilles mesures sont fort sages. Si elles avaient été suivies pour le chemin de fer, dont la discussion occupe la chambre depuis deux jours, un grand nombre d'entre nous auraient pu y puiser d'utiles renseignements et nous ne nous trouverions probablement plus en présence des incertitudes et des difficultés qui nous arrêtent.
Comment ces mesures préalables d'investigation sont-elles tombées en désuétude ? Car il est de fait qu'on s'en est affranchi et que la législature a statué, comme vient de le dire l'honorable ministre des travaux publics, sur des concessions de chemin de fer sans s'enquérir si elles avaient été l'objet d'enquêtes préalables.
(page 927) Faut-il continuer cette marche ? Faut-il laisser l'enquête comme facultative seulement ou la rendre obligatoire psr une disposition précise de la loi ? La section centrale, convaincue comme elle l'est, que l'examen dans les sections et la discussion en séance publique ne peuvent suppléer aux investigations d'une commission d'enquête, vous a proposé, messieurs, l'amendement sur lequel le gouvernement s'est expliqué.
S'il n'obtient pas votre assentiment, j'engagerai toutefois M. le ministre à vouloir bien examiner avec sollicitude s'il n'y a pas quelques mesures à prendre pour mettre les chambres à même de se prononcer en plus parfaite connaissance de cause sur des questions aussi importantes que des demandes en concession de chemin de fer.
Si rien ne se fait, il ne faudra au moins plus s'étonner que des propositions de plus ample informé, de contrôle et d'investigation plus complète partent de divers côtés de cette chambre, et j'espère qu'elles seront le plus souvent favorablement accueillies.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je reconnais très volontiers avec la section centrale que, dan» un très grand nombre de cas, il peut être extrêmement utile d'avoir recours à l'enquête. Mais je repousse cet amendement, parce que je trouve dans la législation existante des dispositions assez formelles pour donner au gouvernement, dans certains cas, le droit de recourir à l'enquête ; et, dans tous les cas, il y a la chambre qui est juge souverain.
Ainsi la loi de 1832, qu'il s'agit de proroger, impose l'obligation de l'enquête ; il en est de même de l'arrêté de 1845 et de l'arrêté du 28 mai 1846. Mais je dis que, dans la pratique, on s'est écarté de cette disposition ; on s'en est écarté, en ce qui concerne le chemin de fer d'Anvers à Bréda, en ce qui concerne le chemin de fer de Pepinster à Spa, en ce qui concerne toutes les demandes en concession consacrées par la loi de 1851 et qui n'avaient pas été préalablement étudiées. Alors des difficultés ne se sont pas présentées, et la chambre n'a pas cru devoir évoquer une commission d'enquête.
Maintenant, si le gouvernement présente des projets de loi qui ne sont pas suffisamment étudiés, on peut obliger le gouvernement à l'enquête. Dans tous les cas, je prends bonne note des observations de l'honorable M. Veydt. Je consens volontiers, pour ce qui est des chemins de fer, à user de l'arme de l'enquête qui constitue souvent pour le gouvernement un moyen beaucoup plus facile d'en finir.
M. Orban. - Messieurs, je regretterais, pour mon compte, que l'honorable rapporteur renonçât à la proposition qu'il a faite. A mon avis, il n'y a pas de mesure dont la nécessité se fasse plus vivement sentir dans le moment actuel que celle dont la section centrale a pris l'initiative.
En présence des projets de chemin de fer qui surgissent tous les jours, qui viennent aboutir directement à la chambre, et sur lesquels on demande une délibération immédiate, il est évident que si la législation actuelle permet au gouvernement de faire les enquêtes nécessaires, au moins cette législation ne l'y oblige pas, et il ne fait pas de la législation l'usage qu'il devrait en faire pour donner à la chambre les apaisements dont elle a besoin.
L'enquête, dit-on, peut être faite par la chambre. Mais quelle est l'utilité d'une enquête ? L'utilité d'une enquête consiste dans sa durée ; elle consiste à provoquer l'attention du pays tout entier sur un projet de chemin de fer, à faire surgir des demandes parallèles, des projets nouveaux qui peuvent se présenter avec plus d'avantages, soit pour les contrées que ces projets concernent, soit pour le trésor qu'ils peuvent grever.
Or, je demande si une enquête faite par la chambre obtiendrait ce résultat : la chambre n'est pas plus tôt saisie d'un projet qu'elle est appelée immédiatement à le discuter et à le voter ; que voulez-vous que deviennent des demandes concurrentes dans un espace de temps aussi court ?
M. le ministre des travaux publics a fait une objection ; les enquêtes, dit-il, auront pour effet d'éloigner les concessionnaires sérieux ; eh bien, je répondrai à M. le ministre des travaux publics que je ne considère comme concessionnaires sérieux que ceux qui ne craignent pas les enquêtes.
- La discussion générale est close.
L'article premier est mis aux voix et adopté.
L'article 2, formant l'amendement proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Il y a un amendement auquel le gouvernement ne s'est pas rallié.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je m'y rallie maintenant.
M. le président. - S'oppose-t-on à ce qu'il soit procédé immédiatement au vote definif du projet de loi ? (Silence.)
- L'urgence est déclarée.
L'article 2, qui forme amendement, est définitivement adopté.
Il est procédé au vole par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
En voici le résultat :
80 membres répondent à l'appel.
75 répondent oui.
1 membre, M. Van Iseghem, a répondu non.
4 membres se sont abstenus.
En conséquence, la chambre adopte le projet de loi. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rousselle (Ch.), Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Overloop, Van Remoortere, Vcrmeire, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Boulez, Cans, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Bronckaert, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Altenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Loos et Delfosse.
Se sont abstenus : MM. Roussel (A.), Vilain XIIII, de Renesse et de Theux.
M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.
M. Roussel. - Trouvant en général extrêmement utile le principe d'une enquête préalable aux concessions de chemins de fer, je ne pouvais voter contre le projet de loi. Mais ne voulant pas, d'un autre côté, me lier les mains, ni paraître tomber en contradiction, si jamais je votais un chemin de fer qui n'eût pas été précédé d'une enquête, je n'ai pu voter pour le projet.
M. Vilain XIIII. - Je ne pouvais voter contre le projet de loi que le gouvernement a présenté et qui lui accorde une faculté absolument nécessaire. Mais je n'ai pas voulu voter l'amendement de la section centrale, dont le résultat va être d'ajourner au moins à une année tous les chemins de fer projetés, et dont plusieurs, que le pays attend avec impatience, sont déposés au département des travaux publics.
M. de Renesse. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Vilain XIIII.
M. de Theux. - L'amendement est assez important. Cependant à peine avait-on voté l'amendement de la section centrale qu'on a procédé au second vote, sans laisser entre les deux votes l'intervalle d'usage. La discussion n'a été qu'effleurée, quoiqu'il y ait d'excellentes raisons à faire valoir à l'appui de l'opinion de M. le ministre des travaux publics, à savoir que, dans certaines circonstances, les chambres peuvent très bien se passer d'une enquête, qui, dans une foule de circonstances, n'apporte aucunes lumières à la discussion, et qui pourrait, avoir pour conséquence de faire évanouir des compagnies très sérieuses, et présentant des projets de travaux d'une haute utilité.
Du reste, je pense que, si une compagnie se présentait avec un projet d'une haute utilité qui n'exigeât pas une enquête, M. le ministre ne reculerait pas devant la présentation d'un projet de loi, attendu que les chambres qui votent le présent projet de loi peuvent toujours y déroger d'accord avec le gouvernement.
M. le président. - Je tiens à constater que personne ne s'est opposé ni à ce que la priorité fût donnée à la discussion du projet de loi qui vient d'être adopté, ni à ce qu'il fût procédé immédiatement au second vote. (Adhésion.)
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau une disposition nouvelle qui formerait l'article 2 du projet de loi.
Cette disposition serait ainsi conçue :
« La garantie d'intérêt promise aux concessionnaires par l'article 2 de la convention prémentionnée ne pourra porter que sur le capital que le ministre des travaux publics, à qui en appartiendra l'appréciation, aura reconnu nécessaire à l'exécution de l'entreprise et qui ue pourra dans aucun cas dépasser le chiffre de 5 millions de francs. »
En suivant la discussion actuelle dans les développements qu'elle a reçus, je demeure convaincu plus que jamais que chaque fois qu'il s'agira, dans cette enceinte, de l'exécution isolée d'un travail utile quelconque, qui doit comporter, dans une certaine mesure, soit directement, soit indirectement l'intervention du trésor, il y aura une opposition sérieuse, il y aura de nombreuses objections. Je suis convaincu que si le chemin de fer, dont la concession est présentée aujourd'hui à la chambre s'était produit en dehors de toute garantie d'intérêt, cette concession aurait passé inaperçue, elle n'aurait pas soulevé la moindre objection.
Maintenant, je vous demande quelle objection sérieuse peut-elle présenter ? Est-il juste de la repousser, parce qu'elle se produit isolément ? Pour résoudre cette question, je m'en suis posé trois autres, et la chambre admettra avec moi, je pense, que si chacune des questions que je vais examiner rapidement pouvait recevoir une solution affirmative, un vote favorable devrait être acquis au projet de loi.
La première question, je la formule en ces termes :
Le chemin de fer dont la concession est proposée a-t-il un caractère d'utilité assez grave, est-il appelé à desservir des intérêts assez nombreux, et son influence sur le revenu public et sur les recettes du réseau national, est-elle assez marquée pour autoriser le gouvernement à faire ce qu'il a fait à l'égard de beaucoup d'autres lignes, à accorder à la concession le bénéfice d'une garantie d'intérêt ?
Deuxième point : Quelle peut-être, dans l'avenir, la somme des sacrifices qui en résultera peur le gouvernement ?
Troisième question (la plus importante selon moi) : En votant la (page 928) concession actuelle, la chambre nuirait-elle, en quoi que ce soit, à d'autres concessions, à d'autres demandes qui se formuleraient, et qui auraient pour objet soit l'exécution de nouvelles lignes, soit l'achèvement de la canalisation de la Gampine ? En d'autres termes, est-il nécessaire d'ajourner la discussion actuelle ?
En ce qui concerne le premier point, l'utilité de la concession, l'utilité de la ligne proposée, je crois que cette utilité est à l'abri de toute contestation, qu'en isolant même ce chemin de fer des éventualités qui pourraient se présenter au point de vue des relations internationales, de son prolongement ou de ses extensions futures, on pourrait considérer cette utilité comme incontestable
Cette utilité est tout au moins aussi incontestable que celle des chemins de fer de Manage à Wavre, d'Audenarde à Deynze et de Louvain à Wavre, en faveur desquels la chambre a émis un vote favorable. Cette utilité, en ce qui concerne la ligne de Lierre à Turnhout, est aussi incontestable que celle de certaines lignes décrétées par la loi de 1851.
Mais la chambre elle-même a reconnu l'utilité de la ligne dont il s'agit, lorsque en sections et en section centrale du chemin de fer d'Anvers à Bréda, elle a convié le gouvernement à s'occuper de ce projet, et lorsque des interpellations m'ont été adressées au sujet de cette ligne, il ne s'est trouvé personne dans cette enceinte, pour contester l'utilité de ce projet.
Des objections cependant ont été faites : les unes par l'honorable M. de La Coste, qui conteste moins l'utilité de la ligne projetée que son insuffisance au point de vue des intérêts campinois, et les autres par un honorable député d'Anvers, par l'honorable M. Loos.
Qu'a dit l'honorable M. de La Coste pour affaiblir, ou tout au moins pour appuyer très faiblement, je pense, le projet de loi ? L'honorable M. de La Coste ne fait au projet qu'un grief, c'est de n'être pas assez complet.
Il reproche au gouvernement de n'avoir pas donné la préférence à un autre projet, au projet Dandelin.
Pourquoi, dit l'honorable M. de La Coste, ne proposez-vous pas un projet plus complet, un projet qui touche plusieurs points de la Campine, négligés dans le projet en discussion, un projet qui rattache Louvain à Herenthals par Aerschot et Louvain à Diest et à Hasselt par une autre direction ? C'est la ligne que propose M. Dandelin en dernière analyse. Car il a proposé plusieurs choses distinctes de cette dernière ligne.
Eh bien, pourquoi le gouvernement ne donne-t-il pas la préférence au projet Dandelin ? Les raisons en sont nombreuses.
D'abord parce que le projet Dandelin comportait, moyennant la garantie d'intérêt, l'exécution d'une ligne qui est demandée sans garantis d'intérêt. Le projet Dandelin comprend la ligne de Louvain à Hasselt par Aerschot et Diest. Or, le gouvernement se trouve en présence d'une demande de concession pure et simple. Le gouvernement se trouve en présence d'une demande beaucoup plus considérable. Car la ligne projetée ne s'arrête pas à Hasselt ; elle pénètre dans la Limbourg hollandais ; elle va joindre le chemin allemand.
Pourquoi le gouvernement n'adopte-t-il pas le projet Dandelin ? Parce que, par ce projet, la garantie d'intérêt porte sur un capital beaucoup plus considérable ; parce que le projet Dandelin comporte un sacrifice éventuel de 360,000 fr.
Pourquoi le gouvernement n'adopte-t-il pas le projet Dandelin ? Parce qu'il est convaincu que la société avec laquelle il a traité offre des conditions plus sérieuses d'exécution. M. Dandelin a bien, il est vrai, fourni un cautionnement de 100,000 fr. ; mais ce cautionnement suffit-il pour constater l'existence d'une compagnie sérieuse ? Ne peut-on pas toujours admettre qu'alors même que la préférence serait attribuée à ce projet, de nouvelles négociations deviendraient nécessaires pour lesquelles l'accord entre parties n'est pas suffisamment garanti ?
Je dis qu'à le considérer de près, l'engagement n'est pas tellement sérieux qu'on ne puisse admettre l'éventualité d'une société non constituée.
Mais il y a un autre point, c'est que le projet Dandelin est incomplet. Dans la portée finale que son auteur lui a donnée, je ne pourrais adopter ce projet, parce qu'il laisse de côté une partie très importante de la Campine, Gheel et Beverloo, et parce qu'au point de vue défensif du pays, il est extrêmement important d'examiner jusqu'à quel point il convient, de rattacher Louvain à Diest, et Diest au camp de Beverloo ; et s'il ne serait pas préférable de rattacher Herenthals au camp de Beverloo.
L'honorable M. Loos a accumulé contre le projet en discussion des objections plus détaillées et plus spécieuses. Mais je demanderai à l'honorable membre lui-même qu'il veuille recueiliir ses souvenirs, qu'il veuille récapituler l'une après l'autre toutes les objections qu'il a formulées contre le projet en discussion et me dire s'il en est une seule qui atteigne le projet au fond, c'est-à-dire qui ait pour effet ou pour résultat de démontrer que la voie de communication qu'il s'agit d'exécuter n'est pas éminemment utile. L'honorable M. Loos l'admet si peu, que même dans la ligne d'Anvers à Düsseldorf, il croit devoir comprendre deux tronçons, l'un vers Lierre, l'autre vers Herenthals. Il admet si peu l'inutilité de la communication projetée au point de vue des intérêts qu'il s'agit de desservir, qu'il s'associe à ceux qui demandent l'ajournement.
Je comprenais, messieurs, au moment de la présentation du projet certaines objections. Il y en avait deux qui avaient une portée réellement sérieuse et qui auraient suffi, si des explications n'avaient été fourmes par le gouvernement, pour ébranler beaucoup de convictions.
La première, c'est celle qui concerne le canal de Saint-Job. Sans doute, si le gouvernement avait maintenu la déclaration qui se trouvait dans l'exposé des motifs, s'il avait été démontré pour la chambre qu'on achetait le chemin de fer au prix du sacrifiée du canal, j'aurais compris que l'objection eût été très sérieuse.
Je comprends encore que si le gouvernement ne s'était pas expliqué formellement en section centrale, si ces explications n'avaient pas été renouvelées en séance publique, si elles n'étaient pas appuyées du témoignage certifié des demandeurs en concession eux-mêmes que le capital de 5 millions sur lequel doit porter la garantie est un maximum qu'il ne s'agit plus même de débattre contradictoirement avec le gouvernement, mais dont la fixation appartiendra en définitive à l'administration ; si tout cela n'était pas formellement entendu, ne ressortait pas de la loi, je comprendrais encore des doutes, de l'hésitation dans certains esprits.
Mais ces deux points résolus, il ne me paraît pas qu'il puisse y avoir une objection, une seule qui tendrait au rejet du projet en discussion.
Quand dans la loi sur les travaux publics on a voté des minimums d'intérêt pour l'embranchement de Dinant, pour l'embranchement d'Audenarde à Deynze, pour l'embranchement de Manage à Wavre, s'est-on demandé si ces chemins de fer avaient une utilité nationale ? Non, on n'a considéré que l'intérêt local, et c'est sous ce point de vue que la loi de 1851 a été profondément modifiée par les résolutions législatives.
Le projet consacrait, en ce qui concerne la garantie d'un minimum d'intérêt, un principe qui a été complètement altéré par les résolutions de la chambre.
Le gouvernement n'avait proposé la garantie d'un minimum d'intérêt que pour les concessions qui avaient été accordées en 1845 et qui se trouvaient abandonnées. Le gouvernement avait proposé la garantie d'un minimum d'intérêt en faveur de la compagnie du Luxembourg, et il y avait un intérêt public, un intérêt international qui justifiait l'exception en faveur de cette compagnie. Il avait proposé cette garantie en faveur de la société d'Entre-Sambre-et-Meuse et en faveur de la société de la Flandre occidentale, parce que ces compagnies devaient exécuter des réseaux qui aidaient à compléter en quelque sorte le réseau national et constituaient des affluents très productifs pour le chemin de fer de l'Etat.
Le gouvernement avait donc été mû par une double pensée : la pensée de l'intérêt public d'une part, une pensée d'assistance purement morale d'autre part. Dans l'opinion du gouvernement, la garantie qu'il accordait devait être amoindrie de toutes les sommes de recettes indirectes que l'exécution des lignes projetées devait amener au réseau national.
Qu'a fait la chambre ? Par le projet du gouvernement la garantie d'un minimum d'intérêt était accordée sur un capital de 45,200,000 francs. Par les votes de la chambre, la garantie a été accordée sur un capital de 67,200,000 francs. On a compris dans ce projet une foule de lignes de chemins de fer qui ne présentaient qu'une importance locale.
Je dis donc que c'est un sentiment de justice qui doit décider la chambre à consacrer, par le projet en discussion, le principe qu'elle a admis dans la loi des travaux publics.
Mais, dit l'honorable M. Loos, quand vous avez décrété la concession de la ligne directe de Bruxelles à Gand, quand vous avez décrété la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Gand par Saint-Nicolas, vous avez eu en vue d'épargner à ces grandes villes, à ces nombreuses populations, un détour de 5 lieues pour Gand, de 3 à 4 lieues pour Anvers et Saint-Nicolas.
Pourquoi iriez-vous compromettre l'exécution éventuelle d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, par une concession qui obligerait Anvers à faire un détour de deux ou trois lieues, qui fera qu'Anvers ne sera plus le point de départ de la grande ligne internationale vers Düsseldorf ? Messieurs, quand il s'est agi de la concession de la ligne directe de Bruxelles à Gand, il ne s'agissait pas seulement d'éviter à ces localités un détour de trois à quatre lieues. Ce n'est pas exclusivement dans un intérêt gantois ou dans un intérêt bruxellois que cette ligne directe a été décrétée, c'est surtout pour rattacher au chemin de fer de grandes et nombreuses populations, les plus riches peut-être du pays, celles de la vallée de la Dendre, Alost, Ninove, Grammont, Lessines et la pays de Waes non moins riche et non moins important, et il a été formellement entendu alors que toutes les recettes aujourd'hui acquises aux stations de Gand et de Bruxelles seraient conservées à l'Etat.
Je dirai la même chose de la ligne d'Anvers à Gand par St-Nicolas ; il s'agissait encore là de desservir de nombreux intérêts. ! Mais, messieurs, si l'on décrète la ligne d'Anvers à Düsseldorf non par Herenthals mais entre Herenthals et Turnhout, à travers les bruyères, où sera le bénéfice pour les concessionnaires ? Il ne s'agit pas de dire : Voici un magnifique tracé ; il part d'Anvers, laisse Herenthals à droite, Turnhout à gauche, et nous abrégeons la route d'une ou de deux heures ; il s'agit de voir le tracé qui avait été adopté en 1845.
La concession d'Anvers à Düsseldorf n'est pas une affaire nouvelle ; elle a fait l'objet d'une convention entre parties, en 1845 ; la question a été parfaitement étudiée à cette époque ; eh bien, messieurs, quel était alors le tracé ? Le tracé est indiqué dans une convention dont je vais avoir l'honneur de donner connaissance à la chambre. L'article premier de cette convention, qui est imprimée, porte :
« Les seconds soussignés s'engagent personnellement et solidairement :
(page 829) « 1° à exécuter à leurs frais, risques et périls, aux clauses et conditions du présent cahier des charges ci-annexé, un chemin de fer d'Anvers à la frontière néerlandaise vers Neeritter, avec embranchements d'Herenthals à Lierre, d'Herenthals à Turnhout, d'Herenthals à Westerloo, Aerschot et Diest. »
L'article premier du cahier des charges indiquait la direction générale du tracé, et là encore on signale Herenthals. C'est donc Herenthals qui, dans les termes de cette concession, devait former un point de jonction obligé ; et je ne vois pas, en vérité, pourquoi l'on écarterait un tracé connu, étudié, pour argumenter sur un autre qui ne l'est pas.
Maintenant, messieurs, je dirai avec l'honorable M.Osy : Les chambres, en décrétant l'embranchement de Contich à Lierre, n'ont-elles pas eu en vue le prolongement ultérieur de cette ligne ?
Et si le gouvernement, à la suite d'une entente avec la Hollande, trouvait le moyen d'obtenir le prolongement jusqu'à Düsseldorf, pourquoi supposer que l'on stériliserait une ligne déjà existante, la ligne de Contich à Lierre et la ligne future de Lierre à Herenthals, pour abandonner l'avantage des transports à des demandeurs en concession ?
Mais on fait ici une objection et l'honorable M. de La Coste l'a renouvelée hier : il y aura, dit-il, une masse de difficultés ; il faudra traverser le chemin d’une compagnie étrangère. Mais, messieurs, cette difficulté n'en est pas une ; le cahier des charges la prévoit en termes exprès ; et puis l'article 46 du cahier des charges porte :
« Art. 46. Dans le cas où le gouvernement ordonnerait ou autoriserait la construction de routes, canaux ou chemins de fer, qui traverseraient le chemin de fer concédé ou ses embranchements, les concessionnaires ne pourront y mettre obstacle, ni réclamer de ce chef d'autre indemnité que le remboursement de l'augmentation éventuelle des dépenses d'entretien, le gouvernement s'engageant à faire exécuter, sans frais pour les concessionnaires, tous les ouvrages définitifs on provisoires qui seraient nécessaires pour éviter que l'exploitation du chemin de fer puisse être entravée ou interrompue. »
Je dis donc, messieurs, qu'au point de vue d'un chemin de fer international, il n'y a aucune difficulté à voter la convention proposée.
Messieurs, j'aborde le deuxième point que j'ai indiqué au commencement et qui est celui-ci : Quel peut être dans l'avenir le montant des sacrifices auxquels serait exposé le trésor ?
D'abord, messieurs, il serait assez difficile, dans l'incertitude où nous sommes aujourd'hui sur le montant du capital sur lequel doit porter la garantie, de rien dire de précis quant au chiffre de ces sacrifices. Supposons un instant que la somme à garantir soit de 3 millions ; ce serait donc un sacrifice éventuel de 200,000 fr. que le gouvernement serait obligé de faire, dans la supposition très gratuite que les produits du chemin de fer ne couvrissent pas les frais d'exploitation. Je connais des chemins de fer qui produisent fort peu, j'en connais plusieurs qui ne rapportent guère plus de 1, 2 ou 3 p. c, mais je n'en connais pas encore qui soient en perte. Cette considération, messieurs, lorsqu'on a discuté la loi sur les travaux publics, n'a pas effrayé la majorité de la chambre : on a voté des minimums d'intérêt à la compagnie de Louvain à Charleroi jusqu'à concurrence de 8,500,000 fr., à la compagnie de Charleroi à Erquelinnes, 4,800,000 fr., à la compagnie de Manage à Wavre, 5 millions ; pour la ligne vers Furnes, 5 millions ; Ans à Tongres 1 million, Audenarde à Deynze, 1,800,000 fr. : embranchement de Dinant, 1,800,000 fr., etc. ; plusieurs de ces conventions provisoires n'ont pas été suivies de conventions définitives.
Ainsi, en ce qui concerne la ligne vers Thulin, l'embranchement de Bossut, l'embranchement de Marche, l'embranchement d'Audenarde à Deynze, l'embranchement sur Dinant, etc., le gouvernement n'a pas conclu jusqu'à présent de convention définitive.
Quant à moi, je puis me tromper, mais je ne suis pas fort effrayé des conséquences financières que le vote de ces lois, en ce qui concerne le minimum d'intérêt, doit produire pour le trésor.
Je dirai d'abord qu'en ce qui regarde le chemin de fer du Luxembourg, quoique la garantie soit très considérable, je suis tellement convaincu de la haute utilité internationale de cette voie de communication que si, contre mes prévisions, ce chemin de fer ne devait pas se faire par voie de concession, les chambres, dans un avenir plus ou moins éloigné, seraient amenées peut-être à en décréter l'exécution pour compte de l'Etat.
En ce qui concerne le chemin de fer de Louvain à Charleroi, je crois que les concessions complémentaires, que le réseau industriel qui ont été accordés à ce chemin de fer, feront que la garantie d'intérêt ne constituera, à proprement parler, qu'une garantie purement nominale.
Quant aux chemins de fer de la Flandre occidentale, et au chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, je puis, par quelques chiffres, faire connaître a la chambre quelle est l'influence des affluents sur les recettes du railway national ; or, le chemin de fer de Lierre à Turnhout peut être considéré comme un affluent du chemin de fer de l'Etat.
Tout le monde sait dans quelles conditions défavorables se trouvait le chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse ; il n'était achevé que jusqu'à Walcourt, les embranchemeuts les plus productifs restaient à faire ; eh bien, voulez-vous savoir ce que ce chemin de fer, malgré ces conditions défavorables, ce que ce chemin de fer a donné en recettes au réseau national en 1849 ? J'en ai ici sous les yeux le chiffre exact.
Les départs des stations de ce chemin de fer vers les lignes de l’Etat ont procuré, en 1849, au trésor public les recettes suivantes du chef du transport des marchandises : fr. 46,134.
On peut évaluer la recette pour voyageurs, à fr. 13,865.
Soit ensemble, fr. 60,000.
Et ce n'est certainement pas exagérer que de porter ces recettes, pour 1852, à 80,000 fr.
Ce ne sont là que les recettes au départ des stations concédées ; les retours des stations de l'Etat vers les lignes concédées auront donné au moins, 20,000 fr.
Soit, fr. 100,000 »
Je n'ai pas besoin d'ajouter que depuis 1849 ces recettes se sont considérablement augmentées ; ce n'est pas une exagération de soutenir aujourd'hui que le chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse, dans l’état d'achèvement où il est, procure au chemin de fer de l'Etat une recette de cent mille francs. Quand les embranchements seront faits, ce sera une somme nouvelle de cent mille francs qui vieudra s'ajouter à la première.
Eh bien, supposons que l'Etat soit amené à couvrir les 200,000 francs garantis par la convention, il en résulterait seulement que d'une main on reprendrait ce qu'on a donné de l'autre.
Quant au chemin de fer de Lierre à Turnhout, je concevrais jusqu'à un certain point que s'il devait rester éternellement le chemin de fer de Lierre à Turnhout, il y eût danger du côté de lt garantie ; j'admets que lorsque ce chemin de fer sera fait, il sera dans une situation assez précaire ; mais je ne le considère que comme le commencement d'un réseau de chemins de fer ; il sera prolongé ou vers la Hollande ou vers Gheel et le camp de Beverloo. S'il est prolongé vers la Hollande, de ce côté-là ses recettes s'augmenteront considérablement.
On dit qu’Anvers doit être le point de départ d'une ligne d'Anvers vers Dusseldorf ; cela est parfaitement vrai pour les communications d'Anvers avec cette partie de l'Allemagne ; mais il y a aussi des relations de tous les jours avec le Brabant septentrional ; il y en a encore et surtout avec le midi, avec Charleroi, pour les fontes, les clous et les charbons.
Eh bien, pour la ligne de l'Etat, n'y a-t-il pas quelque avantage à ce que le point de départ soit Lierre ? De ce côté donc, il y a avantage à consacrer le prolongement de la ligne de Lierre à Herenthals par Turnhout.
En supposant bien gratuitement que le capital puisse être de 5 millions, je ne suis pas alarmé des conséquences désastreuses qui peuvent en résulter pour le trésor.
Il y a le troisième point qui est le plus important : c'est celui de savoir si, en votant la concession actuelle, la chambre ne court pas risque de compromettre, soit l'exécution éventuelle du canal de la Campine, soit des concessions futures qui doivent donner satisfaction aux nombreux intérêts campinois.
En ce qui concerne le canal de la Campine, je pense qu'il ne peut plus rester le moindre doute dans l'esprit de personne. J'ai déclaré à la chambre que je maintenais les choses dans l'état où je les avait trouvés. Je ferai encore remarquer que c'est seulement depuis 1848 qu'on a créé pour l'arrondissement d'Anvers et poar celui de Turnhout la promesse du prolongement du canal jusqu'à Sïnt-Job in 't Goor, mais seulement jusqu'à Saint-Job in 't Goor. Avant 1848, dans les déclarations faites par le gouvernement à l'occasion des interpellations de M. Dubus aîné qui représentait alors l'arrondissement de Turnhout, le gouvernement ne s'était pas engagé à prolonger le canal jusqu'à Saint-Job in 't Goor.
Du reste, je professe, comme l'honorable M. Loos, une profonde sympathie pour l'exécution de ce canal. J'ai sous les yeux le tableau de ce que la Campine aura coûté à l'Etat, en y comprenant les crédits de 1851 ; la somme s'élève à 13,004,000 fr.
Je ferai observer à cet égard que lorsqu'il s'est agi pour la première fois du canal de la Campine, le gouvernement s'est trouvé en présence de quatre projets qui n'étaient pas encore suffisamment étudiés, quand à l'occasion de la loi de 1842 la section centrale a proposé le premier crédit de 1,600,000 fr..
Les quatre projets auxquels je viens de faire allusion évaluaient la dépense : le premier à 7,400,000 fr. ; le deuxième, à 7 millions ; le troisième, à 4,400,000 fr., et le quatrième, à 3,200,000 fr. ; dans l'opinion du conseil des ponts et chaussées, c'était à ce dernier projet qu'un devait donner la préférence.
Plus tard, on a donné avec rapport au canal de la Campine des proportions plus grandes ; on a cherché à concilier l’intérêt agricole et l’intérêt de la navigation ; on a donné au canal de la Campine des dimensions plus grandes, et, pour mon compte, j'en suis extrêmement heureux.
Le canal de la Campine, tel qu'il a été décrété en dernier lieu, comprenait quatre sections. C'est le projet de M. Kummer qui a été adopte par le gouvernement. Mais la quatrième section comprenait celle de la Pierre-Bleue à Anvers par Turnhout. Ce n'est que plus tard, en 1840, que sur les instances réitéiées du commerce et du conseil provincial d'Anvers, on a substitué une section par Herenthals sur Anvers. Le conseil provincial d'Anvers, en 1840, adoptait une motion ainsi conçue :
« Le conseil charge la députation de faire les démarches nécessaires auprès du gouvernement du Roi pour accélérer la canalisation de la Campine aux frais de l'Etat et surtout la jonction de l'Ecaut à la Meuse (page 930) au moyen de canaux à ouvrir dans la Campine, en utilisant la section de Lierre à Herenthals. »
A cette époque même les communes qui demandent le prolongement de Turnhout vers St-Job in 't Goor protestaient contre cette proposition parce qu'elles la considéraient comme devant leur ravir la quatrième section sur laquelle elles croyaient avoir des droits. Qu’a fait le gouvernement ? Il adopta cette direction par Herenthals vers Anvers ; il en augmenta même la dépense, le devis fut porté de 3,200,000 fr. à 4,500,000 fr. et l'on proposa da construire une grande écluse de mer d'une portée de 22 mètres.
Avant 1847 quand il s'est agi du prolongement de la section vers St-Job in 't Goor, le gouvernement s'est montré extrêmement prudent. Voici ce que je lis dans le compte rendu de la discussion qui eut lieu le 14 avril 1847 à propos ce la canalisation de la Campine.
M..Mast de Vries avançait :
« M. Mast de Vries ayant avancé que des habitants d'Anvers étaient contraires au canal de la Campine, M. Dubus (Albéric) lui répondit :
« Il est certain que le canal d'Herenlhals à Anvers n’est pas seulement un canal agricole, mais encore un canal commercial. Quant au canal de Turnhout à Saint-Job, il est essentiellement agricole.
M. le ministre des travaux publics prenant ensuite la parole disait :
« M. le ministre des travaux publics. L'honorable M. Dubus a présenté différentes observations sur les canaux de la Campine, sur la nécessité de prolonger le canal de Turnhout jusque vers Saint-Job ; il a demandé si ce prolongement serait fait cette année. Le bruit qui a été répandu à cet égard manque de fondement, les ressources actuelles ne ne permettent pas de songer à ce travail. »
En 1848, dans le projet d'ensemble des travaux publics le gouvernement porta un crédit de 1,260 mille francs pour le prolongement du canal de Turnhout à St-Job in 't Goor.
Voici comment s'est exprimé le gouvernement dans l'exposé des motifs :
(M. le ministre donne lecture du passage de l'exposé qui se rapporte à cet objet.)
Une partie de cet embranchement a été exécutée, elle a coûté un million 40 mille francs. De manière qu'il ne peut toujours s'agir ici que du prolongement de Turnhout vers Saiut-Job in 't Goor pour lequel on demandait en 1848, 1,260 mille francs. Je sais que les riverains devaient contribués pour une somme de 756,000 fr. Mais la chambre sait que cette partie de la loi de 1843 n'a jamais reçu d'exécution.
Je reconnais, au surplus, que l'exécution de cette partie de la loi de 1843 soulève de graves objections au point de vue de la justice distributive. Si le gouvernement devait faire contribuer les riverains dans les frais de canalisation de la Campine, les mêmes raisons ne pourraient être être présentées pour d'autres travaux qui ont donne une plus-value considérable aux propriétés qui les avoisinent ?
J'ai dit qu'il n'était porté aucun préjudice par la loi actuelle au projet de chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf ; il n'y a aucune contradiction, aucune contrariété apportée à ce projet par celui que nous discutons.
Maintenant je dirai avec l'honorable M. Dechamps que toutes les demandes en concession dont le gouvernement est saisi en ce qui concerne cette partie du pays se divisent en deux groupes. Le premier groupe comprend les lignes qui ont une importance internationale, celle de Bruxelles à Düsseldorf, cette de Louvain à Düsseldorf et d'autres que je ne me rappelle pas en ce moment.
En ce qui concerne la ligne de Bruxelles à Düsseldorf et celle de Louvain à Dusseldorf, la chambre admettra qu'il n'y pas le moindre rapport entre l'examen de ces concessions et la loi en discussion, elle ne peut en aucune manière faire obstacle à la concession de ces lignes, si elle doit avoir lieu. Les demandes du deuxième groupe ont une importance locale.
Je demande si l'on peut me citer une seule demande de concession qui serait entravée, empêchée par le vote de la loi aujourd'hui en discussion. Mais, dit-on, vous accordez nne garantie de 4 p. c. sur un capital de 5 millions, alors qu'il n'est pas prouvé qu'il faut 5 millions pour exécuter la ligne projetée. C'est la question qui est réservée par la loi.
L'amendement que j'ai déposé a pour objet de faire droit à la dernière objection que M. Loos a faite hier.
Je lui avais communiqué une lellre de laquelle il résultait que les demandeurs acceptaient le chiffre de 5 millions comme le maximum d'une évaluation à débattre avec le ministre. Hier, M. Loos est revenu sur cette question, il nous a dit : Cette lettre ne me satisfait pas. Qui dit que, quand le projet de loi sera voté, les concessionnaires viendront accepter les évaluations du ministre et ne voudront pas s'adresser aux tribunaux, recourir à la voie judiciaire et engager un procès daus lequel les intérêts du trésor peuvent être gravement engages ? J'ai interrompu l'honorable M. Loos quand il disait : « Mais si le ministre ne tombe pas d'accord avec les concessionnaires sur le chiffre réel, il y aura lieu à quoi ? à arbitrage. » Je l'ai interrompu par ces mots : « A rien. »
C'est cette dernière objection qui pouvait encore ébranler certains esprits, qui se trouve levée par !e vote de la disposition consacrée par le paragraphe nouveau. Il est formellement stipulé que les évaluations constituent une affaire exclusivement du ressort du pouvoir administratif. En effet, c'est complètement conforme à tous les précédents. Il s’agit d'une question administrative ; que sont les concessionnaires ? Ce sont des entrepreneurs de travaux publics.
Ce n'est pas à eux à décider dans quelles conditions doit être fait le chemin de fer, quelle en sera la dépense, quelle sera la largeur de la voie. Les conditions qui se rattachent à l'exécution du travail sont exclusivement du ressort du pouvoir administratif.
Par conséquent lorsque ces conditions seront remplies, lorsqu'il me sera démontré, par une étude approfondie, quels sont les ouvrages qui doivent être exécutés, quels sont les bâtiments qui conviennent à une bonne exploitation, et ce qui doit être fait pour la sûreté de l'exploitation, je le notifierai aux demandeurs en concession. S'ils ne veulent pas s'y soumettre, ils se retireront, et il n'en résultera aucune espèce de dommage pour le gouvernement.
Mais, si le principe est consacré par la loi que la garantie peut porter sur cinq millions, et que je reconnaisse la possibilité d'admettre certaines extensions, certains prolongements je ne serai pas éloigné d'en accorder.
Pour moi, la preuve serait acquise que la chambre, d'accord avec le gouvernement, a consenti à un sacrifice maximum da 200,000 fr. De telle sorte que tout serait sauvegardé.
Je dis donc que l'objection de l'honorable M. Loos, qui avait présenté un caractère assez sérieux, et qui me préoccupait assez vivement, vient à tomber par l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter.
Dernière question : pourquoi ajournerait-on la décision ? Pour recueillir de nouvelles lumières ? Il ne faut pas se le dissimuler, ajourner la projet de loi, c'est ajourner l'exécution du chemin de fer ; c'est amener la dissolution de la société avec laquelle le gouvernement a traité. Que propose-t on ? D'ajourner seulement le vote ? Mais c'est impossible. Car quand le gouvernement aura consulté toutes les localités, aura fait faire une enquête dont le résultat est parfaitement connu à l'avance, est-ce que la chambre admettrait que l'on pût se borner à voter ? Non ! Evidemment on rouvrirait la discussion. Ce serait revenir sur un vote de la chambre. Je dis donc qu'on doit repousser l'ajournement, non seulement au point de vue de l'intérêt du pays, mais parce que l'admettre serait contraire à un vote forme de la chambre, qui a repoussé à deux reprises la motion d’ajournement de la discussion.
M. Orban. - Messieurs, l'honorable M. Veydt a bien voulu me céder son tour de parole. Je tâcherai de ne rien dire qui ne concorde avec les vues que cet honorable membre a exposées, aux grands applaudissements de la chambre, sur la nécessité de ne pas compromettre les intérêts du trésor public, la situation financière par l'entraînement inconsidéré vers les dépenses de travaux publics.
Messieurs, je viens appuyer la demande d'ajournement présentée par l'honorable M. Ernest Vandenpeereboom, et combattre le projet en discussion.
La proposition d'ajournement a fait un grand pas depuis le commencement de la séance, et depuis la éesolution prise par la chambre, da ne plus admettre aucun projet de chemin de fer qui n'ait été soumis préalablement à une enquête. Si une enquête préalable est nécessaire pour tous les chemins de fer, pour ceux qui sont entrepris sans le concours de l'Etat, à mon avis, elle est surtout indispensable et même rigoureusement nécessaire, quand il s'agit d'un chemin de fer pour lequel on demande un minimum d'intérêt.
Est-ce que la première de toutes les conditions, quand on vous présente une demande semblable, quand on vous demande un minimum d'interêt pour l'exécution d'un chemin de fer, n'est pas de connaître exactement, rigoureusement, quelle est la dépense qu'exigera son exécution ? Est-ce l'homme qui s'adresse à M. le ministre des travaux publics pour obtenir la concession qui fixera le chiffre de la dépense, lui qui est la partie intéressée, qui a intérêt à obtenir un minimum le plus élevé possible ?
Le seul moyen pour le gouvernement de connaître la vérité, c'est uns étude contradictoire, c'est un contre-projet fait par les agents du gouvernement. Là est pour lui, pour nous, la seule garantie possible d'exactitude dans les données et les évaluations présentées.
Je dis que non seulement nous sommes dans l'incertitude de savoir quel est le montant de la dépense qui sera réellement faite, mais j'ajoute dès maintenant nous avons la certitude que la dépense a été exagérée, et nous en avons la preuve dans l'exposé des motifs même, fait par l'honorable M. Coomans. Ainsi, le premier motif qu'il met en avant pour l'exécution d'un chemin de fer de la Campinc, c'est la modicité de la dépense que doit entraîner l'exécution de ce chemin de fer, eu égard au peu de valeur des terrains et au nivellement du sol qui rend presque inutiles les travaux d'art.
El l'on vous présente un devis qui porte les dépenses à un taux plus élevé que celles qu'a entraînées le chemin de fer d'Anvers à Gand, traversant un des pays les plus riches de la Belgique.
Voilà dans le rapport de M. Coomans un premier argument pour prouver que la dépense est manifestement exagérée.
Voulez-vous une deuxième raison que j'emprunte encore à l'honorable M. Coomans pour prouver cette vérité ? Rappelez-vous la proposition qu'il vous fit lors de la discussion de la loi des travaux publics, en 1851. Alors il a proposé un minimum d'intérêt ; sur quelle somme ? Sur une somme inférieure d'un million à celle qu'on vous demande aujourd'hui.
(page 931) On vient nous dire à la vérité, sans contester l'exagération probable, admettant même l'exagération de ce chiffre, on vient vous dire : Dans tous les cas, les intérêts de l'Etat seront saufs ; le gouvernement n'accordera un minimum que sur la quotité de la dépense qui devra réellement être faite. Quoi ! C'est lorsque tous les jours, et surtout de ce côté de cette chambre (désignant les bancs où il siège), j'entends accuser le ministre des travaux publics d'impuissance à vaquer aux soins multipliés qui lui incombent, lorsque j'entends déclarer qu'il est incapable d'exploiter les chemins de fer et proclamer son insuffisance pour exécuter économiquement les travaux, pour éviter les tromperies dont il est l'objet, c'est alors, dis-je, que l'on vient proclamer que le gouvernement est à même de surveiller des travaux fait par une société étrangère.
C'est lorsque dernièrement encore on venait vous signaler avec quelle mollesse le gouvernement surveille les sociétés, les abus qui résultent de l'insuffisance de cette surveillance, que l’on vient vous présenter comme une garantie suffisante cette même surveillance, exercée par le gouvernement, sur les travaux faits par une société pour en connaître la dépense ! Cela n'est pas sérieux.
Messieurs, un second motif d'ajournement, pour moi, résulte précisément des observations auxquelles a donné lieu la comparaison entre les travaux du chemin de fer de Dendre et Waes, et le devis des travaux de la section vers Turnhout.
Lorsqu'on a fait remarquer qu'on portait à une somme plus élevée le prix des travaux du chemin de fer de la Campine que celui des travaux d'un chemin de fer traversant l'une des parties les plus riches de la Belgique, on vous a objecté que le chemin de fer de Dendre et Waes était fait dans des conditions plus modestes ; que la dépense, par conséquent, n'avait pas dû être aussi grande.
Messieurs, je vous le demande, si l'on a fait un chemin de fer dans des conditions modestes et cependant satisfaisantes pour une partie riche et populeuse du pays, lorsqu'on vient vous demander un chemin de fer pour la Campine, un chemin de fer pour lequel la garantie d'un minimum d'intérêt est jugée indispensable, n'est-ce point alors qu'il devient indispensable d'adopter les conditions les plus modestes, afin de réduire autant que possible la charge que l'on impose au trésor public.
C'est là un point de vue de la question tout nouveau et qui doit être examiné. Si un sacrifice doit être imposé au pays pour procurer ce chemin de fer à la Campine, je dis que tout le monde doit être d'accord pour demander que ce chemin de fer soit fait dans les conditions les plus modestes et les moins onéreuses pour le trésor public.
Messieurs, un troisième motif d'ajournement est celui-ci ; c'est la phase nouvelle qu'a prise l'incident relatif au canal au canal de St-Job. Dans son exposé des motifs, M. le ministre vous a déclaré que la garantie du minimum d'intérêt pour le chemin de fer de Turnhout n'était accordée qu'à une condition : c'est que l'on renoncerait à l'exécution da canal de Saint-Job in ‘t Goor qui aurait pu entraîner elle-même une dépense considérable ; et, messieurs, je ne crois pas être indiscret en vous disant que le cabinet dont fait partie l'honorable ministre des travaux publics, ne partageant pas l'enthousiasme de cet honorable ministre pour le chemin de fer dont nous nous occupons, a fait de l'abandon du canal une conditioa sine qua non de son adhésion au chemin de fer de Turnhout.
Messieurs, de deux choses l'une : ou l'on veut renoncer à l'exécution de ce canal de St-Job ou on veut la maintenir. Si l'on veut la maintenir, il est évident qu'alors on vous présente ce projet dans des conditions toutes différentes que celles au moyen desquelles on a obtenu l'adhésion du cabinet.
Veut-on au contraire y renoncer ? Je dis qu'encore une fois l'on ne se trouve plus dans les conditions où l'on était, car lorsque le cabinet a admis l'exécution du chemin de fer moyennant la renonciation au canal de St-Job, c'est qu'il a cru que tels étaient les vœux, tel était l'intérêt des habitants de la Campine. Or, depuis lors des manifestations contraires nous sont parvenues de toutes parts. Les localités intéressées ont réclamé en faveur de l'exécution du canal de St-Job ; les autorités compétentes ont toutes protesté contre une semblable substitution ; de manière qu'ici encore je déclare que la question n'est plus la même que lorsque le projet a été présenté, et qu'il y a lieu à un nouvel examen.
Messieurs, un quatrième motif existe pour l'ajournement. C'est la possibilité, la probabilité de l'exécution d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf. M. le ministre vient de vous dire, pour écarter la motion d'ajournement, qu'il était constant que ce projet n'impliquait aucune contradiction avec le projet de Lierre à Turnhout. Mais que M. le ministre des travaux publics me permette de le dire, il n'a compris en aucune manière la valeur de cette objection. Lorsqu'on a pensé que l'exécution éventuelle du chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf pouvait être un motif pour ajourner ou même pour faire rejeter le projet de Lierre à Turnhout ; c'est parce que le seul motif qui milite maintenant en faveur de la concession d'un chemin de fer pour la Campine, c'est l'absence de tout chemin de fer dans cette partie du pays. Or, si par une autre voie, par une autre société, la Campine était dotée d'un chemin de fer, si elle était dotée d'un chemin de fer qui la traverserait dans une étendue infiniment plus considérable, évidemment la question ne serait plus la même ; évidemment la chambre ne serait plus disposée à faire un sacrifice annuel de 200,000 fr. pour accorder a la Campine le chemin de fer de Lierre à Turnhout.
Voilà, me semble-t-il, messieurs, des motifs d'ajournement tout-puissants et irréfutables.
Je regrette vraiment, messieurs, de me trouver dans cette question en contradiction avec d'honorables amis qui siègent sur ces bancs. Mais quand il s'agit de l'intérêt du trésor, les considérations personnelles doivent disparaître. La dispensalion des ressources publiques est une tâche qui impose des devoirs, et ces devoirs, je ne veux pas les méconnaître ; je veux les accomplir tout entiers.
Je dirai même plus : je trouve dans le talent, dans la considération personnelle, dans la juste influence des membres de cette chambre qui patronent le projet, un motif de plus pour ne pas lui accorder un vote négatif silencieux et pour le combattre de tous mes efforts.
Au surplus je n'entends pas revendiquer le monopole de ces principes et de cette manière d'agir. Mes amis savent parfaitement, à l'occasion, en agir de même. Il y a peu de jours qu'on discutait dans cette enceinte un projet de crédit qui intéressait ma province, que j'ai défendu avec énergie et avec conviction.
Ce projet, messieurs, a été repoussé par presque tous les membres qui siègent sur ces bancs. Je n'en blâme pas mes honorables amis, je les en félicite au contraire, ils ont fait en cette circonstance leur devoir comme je fais aujourd'hui le mien.
Seulement, messieurs, on s'étonnera peut-être lorsqu'on comparera ce chiffre si minime d'un côté, destiné à venir en aide d'une manière directe, incontestable à l'agriculture, d'un subside qui devait être partagé entre trois provinces, lorsqu'on comparera, dis-je, ce chiffre avec la charge permanente de 200,000 fr., à porter à votre budget pendant un espace de 80 ans peut-être, et cela dans un but agricole extrêmement contestable, et en faveur d'un seul de nos arrondissements, on sera peut être étonné, dis-je, de trouver tant de rigueur d'un côté et tant de zèle complaisant de l'autre, tant de sollicitude pour les intérêts du trésor d'un côté et de l'autre une telle insouciance, au moins apparente, de ces mêmes intérêts, que, dans un iun magnifique discours que nous a fait entendre hier une voix trop longtemps absente, on s'est occupé de tout, excepté de la dépense que devait occasionner la concession, comparée aux avantages qui devaient en résulter pour le pays.
Quant à moi, messieurs, je crois mieux servir les intérêts du pays, je crois même mieux servir les intérêts de mon parti si à côté de l'intérêt général on peut parler de l'intérêt d'un parti, je crois mieux servir ces intérêts en combattant qu'en appuyant des projets de cette espèce.
Croit-on, par exemple, que la dérivation de la Meuse, obtenue per fas et nefas, ait été bien utile à l'opinion qui soutenait l'ancien cabinet ? Quant à moi, je n'hésite pas à dire que la dérivation de la Meuse a été l'arme la plus puissante dont on s'est servi dans les dernières élections, comme elle était pour moi un des griefs les plus grands que j'aie eus contre le précédent ministère. Et le canal latéral à la Meuse, le canal de Liège à Maestricht, avec sa dépense exorbitante, avec son revenu insignifiant, le canal latéral de la Meuse, objet incessant de récriminations, n'est-il point là pour prouver combien il est dangereux de s'abandonner, comme on l'a fait hier encore, au lyrisme des travaux publics. Le lyrisme des travaux publics consiste à s'élever si haut dans la discussion de ces questions, que l'on perd complètement de vue leur côté positif et la dépense qu'elles doivent entraîner.
Je ne puis m'empêcher non plus, messieurs, de me souvenir que c'est de ce côté de la chambre que j'ai entendu signaler avec le plus de force et de vérité les dangers de l'application du minimum d'intérêt et les principes que l'on doit suivre à cet égard. Jusqu'à présent il avait été admis que la garantie d'un minimum d'intérêt ne devait être invoquée que d'une manière nominale en quelque sorte, qu'elle devait servir à exciter la confiance en faveur des entreprises qui la méritent, et nullement de suppléer au mérite de ces entreprises en mettant en jeu le trésor public.
Or, messieurs, il est évident que l'entreprise dont il s'agit ici doit toute sa valeur, tout son mérite, à la garantie, ou plutôt à l'exagération de la garantie d'un minimum d'intérêt, à telles enseignes que si on la faisait disparaître ou si on la réduisait dans de justes bornes, vous verriez la compagnie se dissoudre, et l'entreprise s'évanouir.
Mais, messieurs, il y a plus : il suffirait, on vous l'a dit, de l'ajournement de notre vote pour faire crouler l'édifice factice de son crédit.
Ai-je besoin, messieurs, d'insister sur les dangers que présente l'application du minimum d'intérêt ? C'est la séduction, l'entraînement des travaux publics avec l'ajournement et l'incertitude de la dépense. C'est le danger des travaux publics inconsidérés, à sa plus haute puissance. Vous n'avez, en effet, à vous occuper, messieurs, ni des projets ni des moyens de les réaliser. Les projets, ils vous arrivent tout seuls avec le cortège de leurs séductions et de leurs obsessions et, quant à la dépense, vous n'avez à vous occuper ni des emprunts ni des impôts, ni même des bons du trésor nécessaires pour la réaliser. Vous n'avez, dans le moment actuel, que des heureux à faire, et vous n'avez point à vous préoccuper des dangers que réserve l'avenir à nos finances, ou plutôt à nos institutions, car, à mon avis, le plus grand danger que puissent courir nos institutions vient précisément de nos finances, de l'exagération de nos dépenses.
M. le ministre des travaux publics a trouvé le moyen de se fermer les yeux sur ces dangers et ces conséquences : encore une garantie d'intérêt, dit-il dans son exposé des motifs, mais c'est la dernière. Et pourquoi cela, M. le ministre ? De quel droit tenez-vous ce langage ? Je ne connais, moi, en administration qu une seule chose que l'on puisse enoncer avec (page 932) cette assurance positive, ce sont des principes équitables,des règles qui soient les mêmes pour tous ; nais du moment qu'il s'agit d'exceptions, de privilèges, alors vous n'avez point le droit de dire : Celle-ci est la dernière, personne n'en accordera après moi. Je dis plus, vous serez forcément obligé d'accorder cette concession d'un minimum d'intérêt à toutes les entreprises qui se présenteront dans les mêmes conditions et, soyez-en sûr, elles ne vous manqueront point.
Mais, messieurs, si des exceptions devaient être faites, il y aurait une question extrêmement grave à poser : ce serait celle de savoir en faveur de quel genre d'entreprises ces exceptions doivent être faites, si c'est en faveur des bonnes ou en faveur des mauvaises, si c'est en faveur des meilleures ou en faveur des plus mauvaises, en d'autres termes, si la garantie doit être accordée en raison directe ou en raison inverse de l'intérêt que présentent ces entreprises.
Il paraît que M. le ministre des travaux publics est d'avis qu'il faut accorder la garantie d'intérêt aux entreprises qui présentent le moins de chances, le moins de mérite par elles-mêmes. Qiant à moi, messieurs, je ne saurais partager cette manière de voir ; je pense que les chemins de fer sont assujettis à des règles que l'on ne peut point impunément enfreindre ; je pense, par exemple, qu'avant de créer un chemin de fer, il faut créer des routes et des chemins vicinaux, sans quoi vous vous exposez à entretenir, pendant de nombreuses années, une exploitation coûteuse, sans résultat aucun. On a parlé de l'intérêt de l'agriculture, mais sont-ce bien des chemins de fer qu'il faut à une agriculture peu avancée ? Sont-ce bien des chemins de fer qui vont tirer l'agriculture de la Campine de l'enfance où elle se trouve ?
Non, messieurs, pour l'agriculture il faut des communications aussi nombreuses, aussi variées que les besoins de l'agriculture elle-même ; il faut des communications entre tous les villages, puisque tous les villages ont un intérêt agricole à desservir, et il est évident qu'un moyen de transport dispendieux qui traverse un pays en ligne directe, n'est par ce qu'il lui faut, ou au moins ce qu'il y a de plus urgent pour elles.
Je vous le demande, messieurs, dans le cas où vous seriez disposés à faire, pour le district de Turnhout, une dépense annuelle de 200,000 fr. et cela pendant 50 ans, n'auriez-vous pas un meilleur emploi à faire de cette rente ?
Ne serait-il pas plus profitable de l'employer aux chemins vicinaux, qui lui font partout défaut aujourd'hui.
Messieurs, on viendra sans doute comparer cette question à celle du chemin de fer du Luxembourg, et c'est par là que je termine ; pour ne pas abuser des moments de la chambre, je répondrai d'avance à cette objection, et je déclare que cette assimilation est de tout point inadmissible.
L'assimilation serait possible si Turnhout était éloigné de 60 lieues, comme l'est Arlon, de la métropole commerciale de la Belgique, du marché de nos denrées alimentaires.
L'assimilation serait possible si la capitale du Luxembourg se trouvait à 5 lieues du réseau de nos chemins de fer comme Turnhout se trouve à 5 lieues de ce même réseau.
L'assimilation serait complète, si la province d'Anvers, dont la ville de Turnhout fait partie, était encore privée aujourd'hui de chemin de fer, comme le Luxembourg tout entier en est privé.
L'assimilation serait possible si, dans la supposition que le chemin de fer du Luxembourg fût exécuté, nous venions vous demander une garantie d'intérêt d'un capital de 5 millions pour relier le district de Bastogne au chemin de fer du Luxembourg.
L'assimilation serait encore possible, si on avait dépensé dans le Luxembourg la somme qu'on a dépensée pour les canaux de la Campine.
Du reste, en attendant que l'assimilation soit possible, l'honorable M. Dumortier fera bien de maintenir d'une manière absolue l'exception qu'il posait hier en faveur de la province de Luxembourg à laquelle il était disposé à garantir un minimum d'intérêt, et à retrancher l'exception qu'ii a cru devoir faire en ce qui concerne le chemin de fer de Turnhout à Lierre.
J'ai dit.
M. Malou. - Messieurs, je viens appuyer le projet de loi présenté par la section centrale, et réfuter les moyens d'ajournement autant qu'il est en mon pouvoir.
Je considère ce projet comme étant le complément logique, équitable, de la grande loi des travaux publics.
En effet, messieurs, rappelons-nous ce qui s'est passé à cette époque. Le principe de la garantie d'intérêt a été admis pour un grand nombre d'entreprises, pour celles qui étaient les moins bonnes.
Tout en admettant le principe qu'invoquait l'honorable M. Orban, je suis en droit de dire que dans la loi de 1851, on s'en est notablement écarté. Pour le chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse, on a garanti les parties les moins productives ; pour le Luxembourg, on a garanti un intérêt de 4 p. c. sur un capital de 22 millions ; on a affecté cette garantie à la ligne de Namur à Arlon et aux embranchements de Bastogne et de Marche. Si ce chemin de fer s'exécute, d'ici à bien des années, les embranchements ne pourront donner de produits utiles ; ce sera une rente de plus de 800,000 fr. pour le Luxembourg. Voilà une des applications du principe de la garantie d'intérêt qui a été consacré par la loi de 1851.
Loin qu'on puisse considérer l'adoption du projet de loi comme un privilège, une exception, ainsi qu'on vient de le dire, ce serait, au contraire, le rejet du projet qui constituerait une exception au préjudice de la Campine ; ce serait un privilège, si je puis employer ce mot, de placer en dehors du droit commun une seule partie du pays.
Dans la discussion de la loi des travaux publics, mon honorable ami,. M. Coomans, avait présenté un amendement, tendant à accorder la garantie d'intérêt pour un chemin de fer direct d'Anvers à Turnhout, et c'est pour ce motif qu'il avait indiqué alors le chiffre de 4 millions dont l'honorable M. Orban vient de parler.
Par quels motifs cette demande a-t-elle été combattue ? Le gouvernement en invoquait deux ; il s'agissait, disait-on, d'un chemin de fer international ; la Belgique, avant qu'il y ait un accord avec les gouvernements voisins, ne peut pas prématurément, seule, décréter cette ligne. Comme second motif, M. le ministre des finances ajoutait : « Il s'agit de savoir s'il n'y a pas lieu à construire ce chemin de fer aux frais de l'Etat. »
Ainsi, l'on ne repoussait ni l'application du principe de la garantie d'intérêt, ni l'exécution de l'embranchement de Turnhout, mais on se bornait à dire que la proposition, dans l'état où elle se présentait, était prématurée ; MM. les ministres disaient en même temps, à l'exemple de l'honorable M. Loos, qu'en toute circonstance, ils consacreraient tous leurs efforts à ce que la ville de Turnhout et cette partie de la Campine fussent reliées au reste du pays par un chemin de fer.
J'ai sous les yeux la discussion de 1851 ; pour ne pas abuser des moments de la chambre, je ne lirai pas le discours très concluant que l'honorable M. Loos a consacré à la défense des intérêts de la ville de Turnhout et du chemin de fer qui est aujourd'hui en discussion.
M. Loos. - Je n'ai rien à rétracter sous ce rapport.
M. Malou. - L'honorable M. Coomans a retiré son amendement sur la foi des promesses qui lui ont été faites ; on lui a déclaré alors qu'après la solution des deux difficultés dont je viens de parler, la ville et l'arrondissement de Turnhout seraient reliés au chemin de fer de l'Etat.
Et, aujourd'hui, que fait-on sous forme d'une motion d'ajournement qui, en réalité, est un rejet, moins la franchise ? On veut faire décider que le chemin de fer ne se fera ni par l'Etat, ni avec la garantie d'un minimum d'intérêt ; dès lors, que ce chemin de fer ne s'exécutera pas.
D'après ce précédent, lorsque la loi des travaux publics a été votée à une très grande majorité, il y a eu de la part de cette majorité un engagement moral de voter la loi qui nous est soumise aujourd'hui, dès que les deux objections qu'où avait signalées auraient disparu.
Or, ces objections ont disparu, puisque, d'une part, il y a un arrangement pour la ligne internationale d'Anvers à Rotterdam, et que, d'autre part, personne, dans cette enceinte, ni ministre, ni députés, ne propose l'éxecution de ce chemin de fer par l'Etat. Il reste donc une seule alternative : c'est l'exécution moyennant la garantie d'un minimun d'intérêt.
Sans doute le principe de garantir toutes les entreprises, appliqué à l'aventure, est dangereux pour nos finances ; j'ai vivement combattu certaines applications lors de la discussion de la loi de 1851 ; mais quand on l'a admis dans des circonstances beaucoup moins favorables, il serait illogique, injuste, de ne pas l'admettre aujourd'hui dans les termes mesurés de la proposition faite en faveur de la Campine.
On a appliqué le principe d'une manière excessivement large. Prenons dex ou trois exemples.
La garantie a été donnée à beaucoup de lignes dont la dépense d'exécution était évaluée à un taux égal et même à un taux beaucoup plus élevé que celui qui est indiqué pour le chemin de fer de la Campine. Ainsi pour la province de Luxembourg, on a admis 660,000 fr. de dépenses d'exécution par lieue.
Pour le chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, 830 mille francs ; pour la Flandre occidenale, 710 mille francs ; pour le chemin de Manage à Wavre, 550 mille francs ; pour celui de Charleroi à Louvain 600 mille francs ; on admettait ces chiffres comme représentant le coût présumé de ces lignes au point de vue de la garantie de l'Etat. Pour le chemin de Louvain à Charleroi on a abandonné aux concessionnaires les travaux exécutés par l'ancienne compagnie, c'est-à-dire une valeur nette de plus de deux millions.
Il est résulté de là que par application de la loi de 1851, la garantie de 4 p. c. sur des capitaux fixes divisés par sections a permis aux sociétés de donner aux actionnaires un intérêt de plus de 4 p. c. et d'amortir même une partie du capital. Et lorsque ces précédents ont été posés, on vient demander si la déclaration du ministre que le chiffre sera arrêté à la somme reconnue nécessaire par lui, est valable et suffisante.
Une enquête est nécessaire, dit-on, pour fixer le chiffre de la dépense. Je croyais que quand des enquêtes avaient lieu, c'était pour consulter les intérêts locaux ; mais qu'on ne s'adressait pas aux populations pour savoir si la dépense devait être de 500 ou de 600 mille francs par lieue.
On demande aux populations si elles ont plus d'intérêt à ce que le chemin passe par là ou ailleurs. Mais on ne leur demande pas si la construction et le matériel doivent coûter plus ou moins, c'est uue question dans laquelle les ingénieurs sont seuls compétents, quelque opinion qu'on ait sur la manière dont sont construites et marchent les lignes appartenant à l'Etat.
Dans cntre pays on a construit tant de chemins que les dépenses sont parfaitement connues et peuvent être appréciées d'après la manière (page 933) dont le cahier des charges est fait. On peut dire, à très peu de chose près, le coût probable d'un chemin de fer.
Nous avons un petit chemin de fer dans le pays de Waes. Je conçois qu'en voulant faire construire chemin semblable dans la Campine, on vienne dire que 2 1/2 à 3 millions suffiront. Avec cette somme on peut construire un chemin à petite section. Mais je ne comprends pas qu'on insiste pour construire cette ligne à petite section dans les conditions du chemin de fer du pays de Waes.
M. Loos. - Il s'agit de le construire de la même largeur que celui de l'Etat.
M. Malou. - C'est à cela que je réponds. Je crois que l'honorable membre n'est pas bien au courant de la construction des chemins de fer ; il pense qu'on peut construire de grandes sections dans les conditions du chemin de fer du pays de Waes. Il en est de cela comme des diligences où les roues doivent être en proportion avec les essieux et les caisses et réciproquement. Quand il y a de petits rails il faut un petit matériel, et toutes les dépenses sont proportionnelles.
C'est une comparaison que je me permets de présenter à l'honorable membre avec une chose qui lui est familière, pour lui faire bien comprendre l'impossibilité d'exécuter le système qu'il avance. Au point de vue national, il est impossible de faire de petits chemins de fer dans la Campine.
Il existe dans le pays, à ma connaissance, deux chemins de fer de petite dimension, deux miniatures en quelque sorte : le chemin du Flénu et le chemin du pays de Waes. Celui-ci, je le comprends, peut fonctionner dans les conditions où il est ; il aboutit à une impasse à Anvers ; il ne pouvait pas, dans l'origine, se relier à Gand au chemin de fer de l'Etat, c'est une espéranee qu'on n'a pas encore réalisée aujourd'hui.
Mais, chose remarquable, dès qu'il est mis en communication avec une voie nouvelle, on éprouve le regret de ne l'avoir pas construit dans les mêmes conditions que le chemin de fer de l'Etat.
Il faut ou complètement changer la voie, ou ajouter un troisième rail, c'est-à-dire que, par suite de cette faute commise, on devra s'imposer une dépense nouvelle.
Le chemin de fer du Flénu est aussi construit sur une largeur de 1 mètre 20. Le gouvernement, dans le courant de l'année, quoique ce ne soit là qu'un chemin industriel destiné à porter de la fosse au rivage des charbons, le gouvernement, dis-je, a autorisé la création d'une voie nouvelle à 1 mètre 50 c. Voilà les deux exemples.
Rien de plus rétrograde que de construire des chemins qui se touchent sans se communiquer. On aura à faire une expédition sur Turnhout, on devra décharger à Lierre pour arriver sur le chemin de l'Etat. Les voyageurs devront descendre de voiture, le matériel ne pouvant pas circuler.
Dans un avenir prochain, ce chemin doit aller rejoindre les lignes qui se construisent en Hollande, et conduiront à Tilbourg et au-delà ; il doit donc être construit de manière à être utilement mis en relation avec les lignes de l'étranger et celles de l'intérieur.
Messieurs, je remarque quelquefois que les discussions de cette nature offrent devant la chambre cette circonstance qu'on repousse les propositions en invoquant un mieux. On voit dans l'avenir de magnifiques choses qu'on oppose au bien réalisable dans le moment. Ici on parle d'un grand chemin de fer qui relierait Anvers à Dusseldorf. Je désire qu'on démontre la possibilité d'exécuter cette ligne sans rendre stérile le capital consacré à la ligne vers Cologne.
Mais en fait, la prospérité des chemins de fer dépend du mouvement à petite distance. Quand vous analysez les transports des voyageurs et des marchandises vous reconnaissez que le produit des petites distances est la base de la recette. La moyenne du parcours en Belgique est de dix lieues une fraction, quand vous comptez le nombre total des personnes qui transitent par la Belgique pour l'Allemagne. Vous voyez quelle minime partie cela forme dans le mouvement général. La ligne de Cologne a été construite pour avoir le transit de l'Allemagne. L'Etat a fait de grands sacrifices pour le conserver.
Et l'on croit aujourd'hui, quand tout le transit se dirige par les voies fluviales de la Hollande, qu'on pourrait enlever le transit de la Hollande vers Düsseldorf, par un chemin de fer.
L'Etat, je le conçois, peut faire un pareil sacrifice, par des raisons d'utililé publique. Mais je ne comprendrais pas qu'une compagnie fît un chemin de fer pour lutter contre les voies fluviales de la Hollande et leur enlever le transit.
Je fais cette observation, non pour combattre le chemin de Düsseldorf, qui n'est pas en discussion, mais pour démontrer comment à propos d'un projet d'une réalisation facile, on présente parfois comme un mirage des projets pour ainsi dire impossibles à réaliser.
Nous devons réaliser le bien qui peut se faire, d'autant plus (ce point est acquis à la discussion) que l'honorable ministre des travaux publics vous a plusieurs fois déclaré que rien n'était préjugé, rien n'était compromis par l'adoption du projet actuel. (Inlerruplion.)
J'entends dire : « C'est précisément pour cela que nous ne pouvons pas l'adopter. »
Je me place un moment au point de vue de mes honorables amis les députés de Louvain, et je demande s'il n'est pas de leur intérêt bien entendu que ce chemin s'exécute ? Quel en sera le résultat ? Charleroi, le centre, le Hainaut qui produisent la houille, les fers et d'autres objets pondéreux, vont être reliés à Louvain. Louvain qu'est-il aujourd'hui ? Le principal entrepôt de la Campine. Le mouvement se fera d'autant mieux que le chemin de fer se rapprochera de Louvain ; il n'y aura plus qu'une petite lacune, qui par la force des choses sera bientôt comblée.
Si ce point de vue est exact, le chemin de fer actuel appellera en quelque sorte l'exécution d'un embranchement de Lierre à Herenthals, et dès lors ce chemin de fer ne préjuge rien contre les intérêts qui la combattent, il donne au contraire à ces localités un espoir prochain de voir se réaliser leurs vœux, si le projet est adopté.
L'ajournement, c'est-à-dire le rejet du projet sous une autre forme, éloignerait bien plus le prolongement du chemin de fer de Charleroi à Louvain, vers la Campine.
Il me reste à dire un mot des frais matériels de l'exécution du chemin de fer. Comme d'honorables préopinants, je pense que la somme de 5 millions n'est pas nécessaire. J'avais l'intention de proposer la réduction de cette somme ; mais depuis la proposition faite par l'honorable ministre des travaux publics, un amendement nouveau me paraît complètement inutile. Le gouvernement débattra, d'après les précédents et les faits qui lui sont connus, la somme à laquelle il trouvera applicable la garantie d'intérêt ; la principale des objections présentées par l'honorable M. Orban me paraît donc avoir été résolue d'avance.
Je me demande quel peut être le but, quel peut être le résultat d'un ajournement.
D'abord l'ajournement au 3 mai ; est-ce que d'ici là, la ligne de Düsseldorf, les dix ou douze lignes qui se disputent la Campine sur le papier (car c'est la seule chose qui se passe) auront fusionné leurs intérêts, trouvé des capitaux, pour réaliser des idées dont plusieurs ne soutiendraient pas dix minutes de discussion dans cette chambre ? Pour la ligne de Düsseldorf, les difficultés diplomatiques seraient aplanies d'ici au 3 mai !
Si l'on vous propose un ajournement, il faut avoir en vue un résultat quelconque. Eh bien, l'ajournement n'aurait aucun résultat positif ; je me trompe, il en aurait un : ce serait de faire recommencer la discussion à laquelle nous venons de nous livrer. Il n'y en aurait pas d'autre.
M. de Perceval. - Serons-nous ici au 3 mai ?
M. Malou. - Je l'ignore ; mais je raisonne dans cette hypothèse. Sans cela, ce serait un rejet bien plus direct et beaucoup moins déguisé.
Il y a une dernière considération : ce qui est possible aujourd'hui le sera-t-il encore au 3 mai ? J'appelle l'attention de la chambre sur ce point.
Les circonstances sont tout en matière de chemin de fer. Nous avons vu des concessions longtemps stériles de faire dans un moment opportun. Les difficultés pour l'exécution des chemins de fer deviennent plus grandes de jour en jour. Ainsi la hausse considérable du prix des fers et d'autres objets nécessaires aux chemins de fer crée une difficulté. Vous pourriez très bien, en croyant de bonne foi ajourner à quelques semaines, rendre impossible une entreprise qu'un grand nombre d'entre vous désire voir s'exécuter dans l'intérêt du pays.
Je résume en peu de mots ma pensée : il y a justice, après avoir posé le principe, de ne pas exclure la Campine seule de l'application de ce principe. Je crois que si dans la première année il y a une légère différence à payer, lorsque l'on aura construit l'embranchement de Louvain à Herenthals et le prolongement vers Tilbourg ce chemin de fer sera dans les conditions que désire l'honorable M. Orban d'une garantie morale purement nominale, indépendamment du bien qui en résultera pour le pays.
Ce sera un utile affluent au chemin de fer de l'Etat. Il en est plus d'un exemple. Pour en citer un : le chemin de fer de Mon à Manage a procuré en certains moments au chemin de fer de l'Etat la sixième du mouvement des grosses marchandises de tout le royaume. Voilà les résultats produits par l'un des affluents qui ont été créés.
Je demande donc que la chambre, conformément à sa décision de 1851, ne refuse pas à la Campine ce que toutes les parties du paysont obtenu.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Loos (pour un fait personnel). - Vous avez entendu les allusions qu'a faites l'honorable M. Malou et qui m'étaient personnelles.
Je n'y répondrai pas, et je déclare que je ne m'en trouve pas offensé. Mais il y a, dans ce qu'a dit l'honorable M. Malou, une inexactitude que je dois rectifier. Je comprends, comme lui, la différence qu'il y a entre une voie étroite et une voie large. Je sais très bien que la première coûte moins que la deuxième. Mais quand j'ai parlé du chiffre de 59,000 fr., j'ai voulu parler d'une voie large avec rails de 25 à 27 kilogrammes.
M. Malou. - IL n'y a rien eu de personnel dans ce que j'ai dit. Je n'ai nullement eu l'intention de blesser l'honorable membre ; j'ai fait uue simple comparaison.
M. Rogier (sur la clôture). - Messieurs, jusqu'à présent je n'ai pas pris part à cette discussion. Si l'on veut la clore, je demande au moins à pouvoir, avant le vote, adresser une question à M. le ministre des travaux publics.
M. Coomans (sur la clôture). - Je renoncerai volontiers à la réponse que je me proposais de faire. Mais je tiens à faire une déclaration qui me semble essentielle, c'est que...
M. le président. - Un instant ! M.Rogier désire adresser une interpellation ; vous désirez faire une déclaration. La chambre décidera si elle veut vous entendre en se prononçant sur la demande de clôture.
M. Pierre (contre la clôture). - Mon intention est de voter l'ajournement proposé par notre honorable collègue M. Vandenpeereboom. Comme j'aurais voulu que mon vote pour l'ajournement ne fût pas considéré comme un acte hostile au chemin de fer de la Campine, je me proposais d'en donner les motifs. Je regrette donc que la chambre veuille clore la discussion.
M. Landeloos. - Je me proposais également de prendre la parole pour appuyer la proposition d'ajournement présentée par l'honorable M. Vandenpeenboom.
Je voulais faire valoir pour cela différents motifs. Mais je crois qu'en présence du vœu manifesté par la majorité de la chambre, il sera inutile de continuer le debat.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. Rogier. - J'ai demandé à faire une interpellation au gouvernement.
M. le président. - La chambre consent-relle à entendre M. Rogier ? (Oui ! oui !)
S'il n'y a pas d'opposition, la parole est à M. Rogier.
M. Rogier. - Messieurs, le projet de loi en discussion a ému des intérêts de diverses sortes dans la province d'Anvers. En principe, tout le monde est d'accord jour reconnaître qu'il y a utilité à prolonger le chemin de fer de Lierre jusqu'à Turnhout et au-delà, si c'est possible. Mais lorsque M. le ministre des travaux publics a présenté le projet de loi, l'exposé de motifs contenait une phrase qui a alarmé beaucoup d'intérêts dans une partie importante de la Campine, que nous représentons plus particulièrement. L'honorable ministre déclarait que la concession de ce chemin de fer n'était accordée qu'au prix du sacrifice du canal, promis à la province d'Anvers, de Turnhout à Saint-Job in 't Goor. Cette déclaration, je le répète, a alarmé beaucoup d'intérêts.
Ces intérêts se sont agités ; ils se sont adressés particulièrement aux représentants de l'arrondissement d'Anvers ; ils se sont adressés à M. le ministre.
Depuis lors, M. le ministre a retiré sa déclaration, de manière que s'il restait encore certaine inquiétude, on s'était un peu calmé ; on ne croyait plus que le canal eût été sacrifié au chemin de fer. Ou acceptait donc la nouvelle déclaration de M. le ministre.
Mais tout à l'heure un honorable représentant a dit quelques paroles qui étaient de nature à réveiller les inquiétudes L'honorable M. Orban a dit qu'il savait de bonne part que la garantie de la rente de 200,000 fr. n'avait été consentie par le cabinet qu'à la condition bien formelle qu'il ne serait plus question de l'exécution du canal de Turnhout à Saint-Job-in 't Goor. Je demande une explication sur ce point. Car si nous avions, nous représentants de la province d'Anvers, à choisir entre le chemin de fer de Lierre à Tumhout, et le canal de Turnhout à Saint-Job in 't Goor, nous aurions à en délibérer. Les avis se trouvent partagés. La députation de la province (et on ne pourra suspecter, je crois, sa complaisance pour personne), la députalion permanente semble donner la préférence du canal.
M. le président. - M. Rogier, bornez-vous à faire votre interpellation.
M. Rogier. - M. le président, je dois motiver mon interpellation.
Je demande donc que M. le ministre veuille bien me donner une réponse catégorique sur ce point. Si elle n'est pas entièrement satisfaisante, je me prononce pour l'ajournement : que si le canal doit s'exécuter, je prie M. le ministre des travaux publics de bien vouloir nous déclarer que la dépense nécessaire à la construction de ce canal sera comprise dans le projei de loi le plus prochain qui sera présenté pour l'exécution de canaux dans d'autres parties du pays. (Interruption.)
Messieurs, vous attachez une grande importance à l'exécution des canaux dans les districts que vous représentez. Vous nous permettrez d'attacher aussi de l'importance à l'exécution de canaux dans les districts dont nous sommes les représentants.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je croyais m'être expliqué très clairement sur la question qui fait l'objet de l'interpellation de l'honorable M. Rogier.
Il est certain que dans les commencements, lorsque l'affaire a été présentée au conseil, l'uu des motifs que j'avais invoqués, c'était précisément celui qui se trouvait dans l'exposé. Mais celle condition n'a pas été la condition sine qua non de l'adhésion du conseil au projet de loi ; do manière qu'aujourd'hui je suis entièrement dans la vérité des faits et dans les intentions du gouvernement en déclarant que la question du prolongement du canal de Turnhout vers Saint-Job in 't Goor est ce qu'elle était avant la présentation du projet de loi. Elle n'est pas abandonnée ; elle est dans la même situation.
Quant à prendre l'engagement de comprendre ce prolongement dans la première demande de crédit qui sera faite à la chambre, je prie l'honorable M. Rogier de remarquer que je dois être entièrement libre. Je ne puis prendre d'engagement sur ce point.
M. Coomans. - Je voudrais dire un mot essentiel.
M. le président. - La discussion a été close. Je ne puis vous donner la parole qu'avec l'autorisation de la chambre.
Y a-t-il opposition à ce que M. Coomans ait la parole ? (Non ! non !)
Vous avez la parole ; mais ne discutons plus.
M. Coomans. - Messieurs, il semblait résulter du discours prononcé hier par l'honorable M. Loos, que M. de Cock, auteur du projet de chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf, considérait le projet de loi dont nous nous occupons, comme une difficulté ; or, M. de Cock m'écrit, au contraire, que, loin d'être hostile au projet de loi, il en désire l'adoption.
M. Loos. - Il est de toute évidence que si le chemin de fer actuel est décrété, la ligne de M. de Cock devient impossible, telle qu'elle est projetée....
M. Coomans. - M. de Cock dit le contraire.
M. Loos. - M. de Cock a écrit à M. Coomans, il y a six jours ; il m'a écrit, il y a deux jours. (Interruption.) M. de Cock peut avoir dit qu'il lui est indifférent de voir la ligne s'établir, pourvu qu'il put aussi établir la sienne. Or je dis que si M. de Cock établit sa ligne, telle qu'elle est tracée, celle de Lierre à Turnhout devient impossible.
M. le président. - Ceci s'écarte de l'incident ; c'est la discussion du fond.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition d'ajournement faite par M. E. Vandenpeereboom. Elle est ainsi conçue :
« J'ai l'honneur de proposer à la chaaibre de suspendre le vote sur le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Turnhout jurqu'au 3 mai prochain. »
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
Il est procédé au vote par appel nominal sur la proposition d'ajournement.
81 membres sont présents.
39 adoptent.
41 rejettent.
1 membre (M. F. de Merode) s'abstient.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Manilius, Mascart, Moreau, Moxbon, Orban, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Veydt, Visart, Allard, Anspach, Clep, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Bronckaert, de La Coste, Deliége, de Man d'Attenrode, de Naeyer, Dequesne, de Royer, de Steenhault, Devaux, Dumon, Jacques, Landeloos, Lange, Lebeau, Lejeune, Loos et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. Maertens, Malou, Matthieu, Osy, Peers, Rodenbach, Roussel (A.), Thibaut, T'Kint de Naeyer, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Vilain XIIII, Boulez, Brixhe, Coomans, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Janssens, Julliot, Le Hon et Lesoinne.
M. de Mérode. - J'apprends avec peine par les journaux et par des lettres particulières l'extrême pénurie qui règne dans un grand nombre de communes des Flandres, où trop d'habitants n'ont à manger que des aliments inférieurs aux moindres céréales et aux pommes de terre même. Je vois aussi que les chemins de fer déjà fort multipliés en Belgique n'ont point porté remède à cette situation si déplorable, jadis inconnue, sauf dans les temps de disette complète, et comme je voudrais, qu'on eût recours, contre ces misères, à de plus efficaces mesures que les créations sans limites de voies ferrées ; que, d'autre part, il s'agit ici d'une distribution plus ou moins égale des munificences de l'Etat, je m'abstiens sur la question et sur ses incidents.
M. Orban. - Messieurs, la discussion a porté uniquement sur l'ensemble du projet et sur la proposition d'ajournement ; mais le projet se compose de nombreuses clauses sur lesquelles j'aurais des observations à présenter : je demande à la chambre s'il sera permis d'en fâire.
M. le président. - Le projet de loi se composait d'un article unique, mais M. le ministre des travaux publics y a fait ajouter un article 2.
- Un membre. - C'est un paragraphe additionnel.
M. le président. - La chambre entend-elle rouvrir une discussion, comme le propose M. Orban ?
- Des membres. - Non ! Non !
M. Orban. - Il n'y a eu qu'une discussion générale ; cette discussion générale vient d'être close. Maintenant il doit y avoir une discussion d'articles, et à ce sujet on doit être admis à présenter des observations.
M. le président. - Lorsqu'un projet de loi se compose d'un article unique, la discussion générale se confond avec celle de l'article ; mais, dans le cas actuel, M. le ministre des travaux publics a présenté une disposition additionnelle.
M. Malou. - Je ferai remarquer que la chambre n'a jamais discuté des cahiers des charges et des conventions. Les membres de l'assemblée qui ont voulu faire des observations sur les conditions, les ont faites ; l'honorable M. Orban en a fait, il a même discuté la convention.
Maintenant la chambre a rejeté deux motions d'ajournement ; c'en est à présent une troisième, et la chambre est sur le point de se séparer. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je suis entièrement de l'avis de l'honorable M. Malou. Je pense aussi qu'il est (page 935) d'autant plus inutile de rouvrir une discussion sur les clauses de la convention et du cahier des charges, que je proposerai de supprimer dans l'article, les derniers mots « annexé à la présente loi » afin qu'il soit bien entendu que la convention ne fait pas corps avec la loi.
- La proposition de M. Orban n'est pas adoptée.
En conséquence, la chambre décide que la discussion reste close.
M. le président. - L'amendement de M. le ministre des travaux publics et qui formera le paragraphe de l'article, est ainsi conçu :
« La garantie d'intérêt promise aux concessionnaires, par l'article 2 de la convention prémentionnée, ne pourra porter que sur le capital que le ministre des travaux publics, à qui en appartiendra l'appréciation, aura reconnu nécessaire à l'exécution de l'entreprise et qui ne pourra, dans aucun cas, dépasser le chiffre de 5 millions de francs. »
M. le président. - Je mets cet amendement aux voix.
M. Orban. - Ne le discute-t-on pas ?
M. le président. - La chambre vient de se prononcer ; la discussion est close sur l'article et sur l'amendement.
- L'amendement de M. le ministre des travaux publics est mis aux vois et adopté.
M. le président. - Il reste maintenant à voter sur le projet de loi.
Second vote de l’article et vote sur l’ensemble du projet
M. Jacques. - Le vote ne peut pas avoir lieu aujourd'hui, puisqu'il y a un amendement, et que le chiffre qui y est indiqué n'a pas été discuté. Le vote définitif doit être renvoyé à 24 heures.
M. Vilain XIIII. - M. le ministre des travaux publics a proposé d'effacer de la loi les mots « annexés à la présente loi. » Cette suppression est extrêmement désirable, car ce sont ces mots-là qui ont fait naître les difficultés relatives aux chemins de fer de Jurbise à Tournai et de Landen à Hasselt.
- La suppression des mots « annexes à la présente loi, » est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il reste maintenant à voter sur le projet de loi.
M. Jacques demande que ce vote soit remis à demain.
- Des membres. - Nous demandons l'urgence.
M. Orban. - Toute la question est de savoir si le règlement exige ce que demande l'honorable M. Jacques, car vous n'avez pas le droit de mettre le règlement aux voix ; du moment qu'il y a réclamation, le vote doit être renvoyé à 24 heures. Je demande à M. le président de vouloir bien nous dire dans quel sens s'exprime le règlement.
M. le président. - Aux termes de l'article 45 du règlement, lorsqu'un amendement a été adopté, il doit y avoir un intervalle d'un jour entre le premier vote et le vote définitif ; il résulte de cette disposition que, si la chambre ne déclare pas l'urgence, elle ne pourra pas se séparer demain.
M. Dumortier. - Je ferai remarquer qu'à toutes les époques, lorsqu'elle était à la veille de se séparer, la chambre a déclaré l'urgence au sujet de projets de loi qu'elle avait amendés ; pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui ?
M. Delehaye. - Le caractère d'urgence résulte surtout de cette circonstance, que le sénat devant se séparer demain, ne pourrait pas voter cette loi avant sa séparation.
M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, il me semble qu'après les deux motions qui ont été repoussées, il est de bonne foi et régulier d'aller aux voix. D'ailleurs, nous avons déjà obtenu une promesse d'économie, et j'espère que M. le ministre la réalisera par la concession définitive. La chambre a le droit d'y compter.
- La chambre, consultée, déclare l'urgence.
Le paragraphe 2 de l'article unique du projet de loi est définitivement adopté.
La suppression des mots « annexés à la présente loi » est confirmée.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi.
En voici le résultat :
82 membres ont répondu à l'appel ;
56 ont répondu oui ;
16 ont répondu non ;
10 se sont abstenus.
En conséquence la chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au sénat.
Ont répondu non : '
MM. Moreau, Orban, Pirmez, Thienpont, Visart, Allard, Clep, David, de Baillet (H.), de Bronckaert, Deliége, Dequesne, Devaux, Lebeau, Lejeune et Loos.
Ont répondu oui : MM. Maertens. Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Moxhon Osy, Peers, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (Ad.), Rousselle (C), Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke. Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Boulez, Brixhe, Cans, Coomans, Dautrebande, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Portemont, de Royer, de Rudder, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Janssens, le Hon, Lesoinne et Delfosse.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. de La Coste. - Si dans la discussion j'avais obtenu l'assurance que l'intention formelle, le premier soin du gouvernement serait de diriger l'extension ultérieure du chemin de fer de la Campine dans le sens qui me paraît le seul propre, non seulement à sauvegarder les intérêts locaux dont j'ai pris la défense, mais à donner à ce chemin de fer toute son importance, touie son utilité et à rendre la garantie d'intérêt que l'Etat lui accorde purement nominale, j'aurais donné mon vote à la loi ; mais rien de semblable n'ayant eu lieu, il ne me restait plus qu'à m'abstenir.
M. de Man d'Attenrode. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. de La Coste.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai fait valoir à propos du vote sur la question d'ajournement.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que je désire beaucoup que la Campine soit dotée aussi d'un chemin de fer, mais je n'ai pas donné un vote approbatif parce qu'il m'est impossible d'engager les finances de l'Etat, dans l'exécution de nouveaux travaux publics, aussi longtemps que les moyens d'exécuter ceux décrétés par la loi du 20 décembre 1851 na sont pas assurés.
M. de Renesse. - Je n'ai pas voté pour le projet parce que je suis opposé au système d'intervention de l'Etat au moyen d'une garantie d'intérêt ; je n'ai pas voté contre parce que la Campine a mes sympathies.
M. Dumon. - J'ai voté contre toutes les lois qui avaient pour objet de garantir à des compagnies un minimum d'intérêt ; si j'avais pu faire une exception à cette règle, c'eût été en faveur d'un projet intéressant la Campine ; mais comme le gouvernement, dans celui qu'il nous a fournis, ne s'est préoccupé que de la Campine anversoise, et n'a rien fait pour la Campine luxembourgeoise, j'ai dû m'abstenir.
M. Jacques. - Je me suis abstenu sur la loi de 1851, quoiqu'elle contînt une disposition favorable aux intérêts du Luxembourg. Je m’abstiens aujourd'hui par des motifs analogues, et, de plus, parce que, d'une part, je désire que la ville de Turnhout obtienne son chemin de fer, et que, d'autre part, le chiffre de cinq millions, sur lequel porte la garantie du minimum d'intérêt, me paraît trop exagéré.
M. Landeloos. - Les motifs posés par M. de La Coste sont ceux qui m'ont déterminé dans mon abstention,
M. Vanden Branden de Reeth. - L'utilité d'un chemin de fer dans la Campine est chose incontestable ; je n'ai pas voulu voter contre le projet destiné à doter cette partie du pays d'une voie ferrée ; mais les divers projets présentés au gouvernement n'ayant pas été soumis à un examen spécial de manière à pouvoir apprécier lequel pouvait être le plus utile, j'ai dû m'abstenir.
M. Delfosse. - Je me suis abstenu parce que la chambre a rejeté la motion d'ajournement.
- La séance de demain est fixée à 1 heure.
-M. Vilain XIIII remplace M. Delfosse au fauteuil.
M. Dumortier (pour une interpellation)
M. Dumortier. - Messieurs, j'ai attendu que la loi fût votée pour entretenir la chambre d'un fait grave. Je n'ai pas voulu interrompre une discussion importante, mais il m'est impossible de remettre à demain mon interpellation.
Hier, lorsque M. Loos prit la parole il m'adressa des expressions extrêmement peu bienveillantes. Je répondis. Aujourd'hui, jetant les yeux sur les Annales parlementaires, je crus y voir des expressions excessivement offensantes que je n'avais pas entendues à la séance d'hier.
J'ai voulu m'assurer du fait, si ces paroles avaient été, oui ou non, prononcées, et, fort de l'article 8 du règlement de la chambre, qui dit que le directeur du Moniteur devra conserver pendant cinq jours la copie du compte rendu de chaque séance et la représenter aux membres qui eu feront la demande, j'ai voulu me rendre au Moniteur pour voir si ma mémoire était fidèle, et j'ai eu la douleur de voir que les paroles inconvenantes et très déplacées, à l'adresse d'un membre de la législature, qui n'avaient pas été prononcées dans cette chambre, avaient été intercalées dans le compte rendu par l'honorable M. Loos.
Voici ce qu'avait dit l'honorable M. Loos à la séance : « Je repousserais avec énergie l'accusation de servilisme que M. Dumortier a dirigée contre moi (je n'avais pas parlé de servilisme ; je n'avais rien dit qui pût me faire supposer cette pensée), si j'attachais le moindre prix à ses paroles (c'est une manière de parler qui n'est pas la mienne et que je ne trouve pas très convenable, cependant il n'y a rien là de très déplacé, j'ai répondu en raison de ces paroles). Je laisse donc la chambre juge de ma conduite, et je récuse formellement M. Dumortier. » Voilà ce qu'avait dit l'honorable M. Loos, les Annales parlementaires portent « Je récuse formellement, en matière de loyauté et d'indépendance, l'opinion de l'honorable préopinant ». Ces paroles n'ont pas été prononcées.
Or, elles portent une atteinte et une atteinte très vive à un membre de cette chambre.
Chacun a-t il donc le droit de falsifier ainsi le compte rendu du Moniteur et cela en vue de flétrir toute une carrière d'honneur par des paroles que l'on n'a pas eu le courage de prononcer dans cette enceinte ? Je puis demander à M. Loos de quel droit il en agit ainsi, où il a trouvé que ma loyauté fût en défaut.
Après une carrière politique de 25 ans, je puis, sans crainte, en mettre toutes les phases sous les yeux de mes concitoyens. Je puis mettre tout le monde au défi d'y trouver un seul moment où j'aie manqué de loyauté ou d'indépendance.
(page 936) Que M. Loos dise donc dans quelle circonstance ma loyauté a été mise en question. Je le défie de le faire. Il ne répondra pas à ce défi. Ainsi il sera établi qu'il a ajouté au compte rendu des paroles qu'il ne peut justifier et qu'il n'a pas eu le courage de prononcer. Cette vengeance me suffira.
M. Loos. - Quant j'ai été au Moniteur, j'ai trouvé, en effet, la sténographie, telle que vient de la lire M. Dumortier. Les paroles que j'ai ajoutées étaient tellement dans mon esprit que je crois les avoir prononcées ; et je le crois encore. (Interruption.)
M. Rodenbach. - C'est une erreur !
M. le président. - Silence ! La parole appartient à M. Loos, je défends qu'on l'interrompe.
M. Loos. - Messieurs, vous avez entendu M. Dumortier, qui est des vôtres. Veuillez m'entendres mon tour. J'avais tellement dans l'esprit que j'avais dit : « Je récuse formellement l'opinion de M. Dumortier, en matière de loyauté et d'indépendance » que je n'ai pas hésité à ajouter ces derniers mots et je les maintiens.
M. Dumortier. - Mais pourquoi m'adressez-vous ce reproche ?
M. Loos. - Quand on se permettra dans cette enceinte de suspecter mon indépendance, n'importe de qui viennent ces attaques, et surtout si elles viennent de l'honorable M. Dumortier, je repousserai de tous mes moyens une semblable accusation. Personne n'a le droit de suspecter ma loyauté, mon indépendance.
J'avais certainement le droit de m'adresser comme je l'ai fait à M. Dumortier, qui n'a jamais eu pour moi que des paroles malveillantes depuis que je siège dans cette enceinte.
M. Dumortier. - Il ne s'agit pas des paroles bienveillantes ou malveillantes que j'ai pu vous adresser. Si vous avez un mot à dire qui puisse mettre ma loyauté en doute, je vous somme de le faire. Mais vous ne le ferez point ; et l'opinion publique jugera entre vous et moi. Lorsque l'on n'a rien à dire contre la loyauté d'un homme, il n'est pas permis de venir honteusement l'attaquer, par une intercalation dans le compte rendu du Moniteur....
M. le président. - M. Loos a déclaré que les mots ajoutés par lui au compte rendu de la séance étaient tellement dans son esprit qu'il croyait les avoir prononcés.
M. Visart. - Ils ne l'ont pas été.
M. le président. - Cette déclaration doit suffire pour donner satisfaction à l'honorable susceptibilité de M. Dumortier.
M. Visart. - Je demande que ces paroles soient retranchées du Moniteur.
M. le président. - Personne ne peut effacer ces paroles au Moniteur. C'est matériellement impossible. Mais les explications que viennent de donner MM. Dumortier et Loos seront dans le Moniteur de demain.
Il me semble donc que tout le monde doit être satisfait, M. Dumortier et la chambre.
M. Rogier. - Je ferai observer que cet incident très regrettable n'aurait pas pris naissance si M. Dumortier ne s'était pas permis vis-à-vis de mon honorable ami M. Loos, de mettre en doute son indépendance, en l'accusant de servilisme.
M. Dumortier. - Cela n'est pas exact.
M. Rogier. - Comment !...
M. le président. - Permettez ! ceci devient une question avec le président. Je crois, M. Rogier, que vous exagérez beaucoup la portée des paroles de M. Dumortier. Si ces paroles avaient été prononcées, le président les aurait entendues et les aurait assurément censurées.
M. Loos. - On en a dit l'équivalent.
M. le président. - Pardon, je ne les ai pas appréciées de cette façon.
Je déclare l'incident terminé, la séance est levée.
- La chambre se sépare à cinq heures.