(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 569) M. A. Dumon procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Dumon fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Des boulangers de Gand se plaignent de la concurrence ruineuse que des sociétés anonymes font à leur industrie, et demandent que la chambre avise au moyen de modifier la législation sur la matière, »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Alexandre Goupy de Quabeck réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef des emprises faites sur ses propriétés et des pertes qu'il a subies par suite des travaux que le gouvernement a fait exécuter, en 1817, dans la vallée du Demer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Waltwilder déclarent adhérer à la pétition du comice agricole du Limbourg relative à la construction d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht par Bilsen, avec embranchement sur Tongres et Ans. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Des électeurs à Deux-Acren demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton. »
« Même demande des électeurs à Puers. »
M. Faignart. - Un grand nombre de pétitions relatives à cet objet ayant déjà été adressées à la chambre, je prierai la commission des pétitions de vouloir faire un rapport assez prompt sur ces requêtes, afin que l'on sache à quoi s'en tenir.
M. le président. - La chambre a décidé, il y a quelques jours, qu'on laisserait à la commission des pétitions le soin d'examiner mûrement ces requêtes.
M. Rodenbach. - Je voulais faire l'observation qui vient d'être présentée par M. le président. J'avais fait, il y a quelque temps, la même demande que l'honorable M. Faignart, et la chambre a décide que, comme il arrive journellement des pétitions de cette nature, ou attendrait que le nombre en fût plus considérable.
M. Faignart. - Je me rallie bien volontiers à cette décision.
- La requête est renvoyée à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Lanquesaint prie la chambre d'allouer au département des travaux publics les fonds nécessaires à l'amélioration du cours de la Dendre. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Les distillateurs agricoles de l'arrondissement de Charleroi proposent des modifications au projet de loi sur les distilleries. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
« Des membres de la garde civique de Gand déclarent adhérer à la pétition tendant au maintien de l'organisation actuelle de la garde. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique. »
« Des électeurs à Saffelaere demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton, et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »
« Même demande des électeurs à Wannegem-Lede. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le président. - J'ai une triste communication à faire à la chambre. Son doyen d'âge, le respectable M. Destriveaux est mort ce matin. C'est une perte qui, je n'en doute pas, sera vivement ressentie par la chambre et par tous ceux qui ont pu apprécier les qualités de notre excellent collègue. Voici la lettre que je viens de recevoir de M. Del Marmot son gendre.
« M. le président,
« J'ai la douleur de vous annoncer que mon beau-père M. Destriveaux, vient de rendre le dernier soupir ; veuillez, je vous prie, faire part de cette cruelle nouvelle à la chambre, et agréer l'expression de ma parfaite considération et de mes sentiments affectueux.
« (Signé) Jules Del Marmol. »
J'ai appris, messieurs, qu'on attend, pour régler tout ce qui est relatif aux funérailles, l'arrivée d'une personne de la famille. Aussitôt que j'aurai reçu une communication à ce sujet, j'en informerai la chambre.
Je vous propose, messieurs, de charger dès aujourd’hui le bureau, d'adresser, au nom de la chambre, une lettre da condoléance à la famille.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Avis du décès sera donné à M. le ministre de l'intérieur.
M. Van Iseghem dépose le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'allouer un crédit pour l'armement du brick le « Duc de Brabant ».
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met le projet à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
M. Jacques, rapporteur. - La chamhre a demandé un prompt rapport sur quelques pétitions du Limbourg relatives à des projets de chemins de fer.
Ces pétitions émanent de sept conseils communaux (Bilsen, Beverst, Gellick, Hoelbeek, Roosmeer, Sutendael et Veldwezelt) et des comices agricoles de Bilsen et de Mechelen. Toutes ces pétitons appuient le projet de M. l'ingénieur Delaveleye pour un chemin de fer de Hasselt à Maestrict par Bilsen, avec embranchement de Bilsen à Ans par Tongres.
D'après les explications consignées dans quelques-unes de ces pétitions, la ligne de Hasselt à Maestricht ne serait qu'une section d'une ligne beaucoup plus importante, celle de Wespelaer à Aix-la-Chapelle par Aerschot, Diest, Hasselt, Bilsen, Lanacken et la vallée de la Geule.
La commission des pétitions n'ayant pas été saisie du projet de chemin de fer dont il s'agit, et n'étant pas d'ailleurs appelée à examiner jusqu'à quel point la ligne projetée peut se concilier avec les intérêts légitimes des chemins de fer de l'Etat, nous vous proposons, sans rien préjuger, de renvoyer toutes ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.
M. de Renesse. - Messieurs, en appelant l'attention de la chambre et du gouvernement sur les pétitions émanées de plusieurs comices agricoles et communes de la province de Limbourg, qui réclament l'exécution du chemin de fer dont la concession a été demandée par M. l'ingénieur Delaveleye, je crois devoir présenter quelques considérations en faveur des intérêts d'une grande parue du Limbourg, restée, depuis 1830, en dehors de tous les grands travaux exécutés, soit par le gouvernement, soit par des sociétés concessionnaires.
Par suite de la reprise en faveur de la construction des voies ferrées, par des sociétés particulières, il y aurait actuellement moyen de doter cette province d'un railway qui la relierait plus directement avec la plupart des provinces du royaume. Deux demandes en concession ont été adressées au gouvernement ; l'un de ces chemins de fer, d'un intérêt général pour plusieurs provinces, présenté par M. l'ingénieur Delaveleye, partirait de Wespelaer, se dirigerait par Aerschot, Diest et Hasselt, par Bilsen, vers la ville de Maestricht, avec embranchement de Bilsen par Tongres à la station d'Ans, près de la ville de Liége ; par ce projet, une grande partie du Limbourg obtiendrait surtout une communication facile avec les provinces de Brabant, d'Anvers, les deux Flandres et le Hainaut, serait, en outre, reliée à la ville de Maestricht et aux provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg, par l'embranchement vers Ans.
Cette demande en concession était faite sans une garantie d'intérêt par l'Etat, mérite sous ce rapport d'obtenir un accueil favorable ; je suis même autorisé à déclarer que les fonds pour l'exécution de ce railway sont faits et que, sous peu, M. le ministre des travaux publics en sera officiellement informé. L'autre projet, présenté par M. Benard, partant de la station d'Ans près de Liège, se dirigerait par Glons vers Tongres et Hasselt avec un embranchement de Glons à Maestricht, en traversant tout le riche et industrieux vallon du Geer ; cette voie ferrée, aussi d'un grand intérêt pour le Limbourg et la province de Liège, est demandée en concession, avec une garantie d'intérêt de 4 p. c, que probablement l'on aurait pu réduire à 3 p. c. Le gouvernement avait donc le choix de doter la province de Limbourg d'une manière ou de l'autre, d'un chemin réellement utile à presque tous ses intérêts et de faire exécuter en même temps les stipulations de la loi du 20 décembre 1851, qui avait décrété que la ville de Tongres et son arrondissement seraient reliés au railway de l'Etat, soit à Fexhe, soit à Ans. Il paraît qu'une espèce de fatalité pesé sur l'arrondissement judiciaire de Tongres ; jusqu'ici cette partie du Limbourg, malgré les nombreuses démarches faites depuis 1837, ensuite en 1844 ,1845,1851 et actuellement, est néanmoins restée en dehors de tous les grands travaux d'utilité publique, et n'a pu se faire relier au railway de l'Etat par l'une ou l'autre voie ferrée. L'on objecte contre le chemin de fer proposé par M. l'ingénieur Delaveleye, qu'il ferait une rude concurrence au chemin de l'Etat vers Cologne et, sous ce (page 570) rapport, il semble que le gouvernement ne pourrait lui accorder son approbation. Contre cette objection je crois cependant devoir faire remarquer à la chambre que lorsqu'il s'est agi de la construction d'autres voies ferrées, le gouvernement n'a pas eu cette susceptibilité pour les intérêts financiers du chemin de fer de l'Etat ; c'est ainsi que l'on a accordé dans le temps le chemin de fer d'Anvers par Saint-Nicolas à Gand ; ensuite, le chemin de fer de Liège à Namur qui, pour le transport des voyageurs et des marchandises venant de l'Allemagne, se dirigeant vers la France, doit nécessairement porter préjudice aux intérêts du railway de l'Etat ; le chemin de fer du Luxembourg, pour son parcours direct de Bruxelles à Namur, doit aussi avoir une influence fâcheuse sur les services du chemin de fer de Bruxelles à Namur par Charleroi ; l'on peut aussi affirmer que le chemin de fer direct de Gand à Bruxelles, qui se prolongera, probablement, vers Louvain, portera aussi un préjudice à la voie ferrée de Gand par Termonde à Bruxelles ; si donc, en faveur d'autres provinces, l'on a été moins soigneux pour les intérêts financiers du chemin de fer de l'Etat, l'on ne peut s'opposer, avec un certain fondement, à ce que la concession demandée par M. Delaveleye, reçoive aussi son exécution.
Quant à la garantie d'intérêt demandée par M. Benard, pour l'exécution du chemin de fer d'Ans, par Glons, à Tongres et Hasselt avec un embranchement de Glons à Maestricht, par le vallon du Geer. quoiquc en 1845 et en 1851, j'aie cru devoir combattre le principe de l'intervention de l'Etat, par la garantie d'un intérêt, il me semble cependant que je puis actuellement présenter quelques observations en faveur d'une garantie d'intérêt, la grande majorité des chambres législatives et le gouvernement ayant admis ce principe en 1851, pour des travaux publics à exécuter dans la plupart de nos provinces ; je crois donc être en droit de réclamer pour la province de Liuibourg, qu'elle soit traitée aussi favorablemenl que les autres localités du pays, lorsqu'il s'agit de décréter des travaux publics à exécuter avec la garantie d'un certain intérêt ; il ne faut pas avoir deux poids et deux mesures, surtout lorsqu'il s'agit d'une province qui a fait de nombreux sacrifices à l'intérêt général de la Belgique ; et pour cette province, il ne faudrait pas la placer dans une position tout exceptionnelle lorsque toutes les autres provinces sont largement dotées de chemins de fer de l'Etat ou concédés avec une garantie d'intérêt.
Si donc, pour le moment, le gouvernement ne pouvait admettre ni l'un ni l'autre chemin de fer dont la concession est demandée en partie en faveur du Limbourg, si des raisons d'un intérêt général s'opposaient à leur exécution, le gouvernement devrait pour le moins tâcher d'employer ses bons offices pour obtenir le plus tôt possible l'exécution de la voie ferrée décrétée par la loi du 20 janvier 1851 et relier ainsi l'arrondissement judiciaire de Tongres à la voie ferrée de l'Etat à Ans, sauf à rechercher par après l'une ou l'autre combinaison, pour étendre cette voie ferrée plus avant dans l'intérieur de cette partie du Limbourg ; car cette contrée du royaume ayant supporté sa large part dans les charges extraordinaires pour les grands travaux exécutés depuis 1830 dans les autres provinces, peut réclamer avec un certain droit d'obtenir à son tour les moyens de communication faciles et accélères qui doivent surtout avoir une heureuse influence sur l'amélioration de tous ses intérêts.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
Nomination d’un membre de la cour des comptes
Nombre des votants, 91.
Majorité absolue, 46.
M. Charles Heyvaert, greffier de la cour des comptes, a obtenu 53 suffrages.
M. d'Anethan, receveur des contributions à Bruxelles, 30
E. Ista, commissaire du gouvernement près de la Société Générale, 8.
En conséquence, M. Charles Heyvaert, ayant obtenu la majorité absolue, est proclamé conseiller à la cour des comptes.
M. le président. - M. Van den Branden de Reeth vient de déposer un amendement ainsi conçu :
« J'ai l'honneur de proposer à la chambre de comprendre la grande Nethe parmi les rivières mentionnées au chapitre II, section III, et d'allouer au budget un crédit de 10,000 francs destiné aux dépenses d'administration pour 1853. »
M. Vanden Branden de Reeth aura la parole pour le développer quand nous serons arrivés au chapitre Il, section 3.
- Cet amendement sera imprimé et distribué.
M. Delehaye. - Messieurs, dans une de nos précédentes séances M. le ministre des travaux publics, interpellé au sujet d’une pétition réclamant l'achèvement du canal de Zelzaete, répondit qu'un premier crédit seulement serait porté au budget de 1854 pour l'exécution de la moitié de la dernière section de ce canal. Cette déclaration, je ne dois pas le cacher, a produit une impression pénible dans les Flandres.
On s'est demandé comment il se faisait que des travaux décrétés depuis plusieurs années, car le canal de Zelzaete date de 1842 et celui de Schipdonck de 1846, il fallût encore plusieurs exercices pour opérer leur achèvement, alors que d'autres travaux, d'une moindre importance et d'une origine moins légitime, se trouvaient sur le point d'être complètement achevés. Il est inutile de vous rappeler les causes qui ont nécessité la construction du canal de Zelzaete.
Chacun de vous sait qu'après la révolution de 1830 les Flandres avaient perdu leurs voies d'écoulement par le territoire hollandais. Chacun sait, en effet, que cet écoulement, rendu impossible par la révolution, réclamait des travaux que l'assèchement de nos terres exigeait impérieusement. De là nécessité, pour nous, d'aviser à de nouveaux travaux : le Brackman situé sur le territoire hollandais constituait pour nous une voie favorable, permettant à 120,000 hectares d'écouler leurs eaux. C'est à cette voie perdue pour nous, que le canal a été décrété. C'est pour conserver à la culture des 120 mille hectares de terres fertiles que l'urgence de cette construction a été reconnue.
Aussi, à plusieurs reprises la chambre a-t-elle exprimé le vif désir de voir imprimer à ce travail la plus grande célérité. Vous rappellerai-je les titres de nos provinces à un acte qui n'était pas une faveur, mais un acte de souveraine justice ?
En effet, les Flandres ont longtemps payé, à titre de contribution foncière, des charges dépassant de beaucoup ce qu'elles devaient en comparaison des autres provinces, elles ne s'en plaignirent pas, leur prospérité agricole leur permettait de supporter ces charges. Et, malgré une première réduction, elles sont encore surchargées ; car dans ces provinces il n'est pas de commune dont quelques parcelles ne soient évaluées cadastralement à un taux supérieur au revenu réel. C'est seulement chez, nous que ce fait se présente. (Interruption.)
Les dénégations sont inutiles ; nous sommes en mesure de prouver, au moyen de pièces officielles authentiques, les faits que nous avançons. Je dis que les Flandres payent plus que d'autres provinces, nous ne nous en plaignons pas, nous avons été à une époque dans une prospérité qui nous permettait de supporter ces sacrifices, les Flandres par leur richesse faisaient la force du pays. Après leur avoir fait verser une partie de leur richesse dans les caisses de l'Etat, on laisse écouler onze années sans exécuter des travaux décrétés pour empêcher leur ruine.
Je dois le dire, on fait dans les Flandres de douloureuses comparaisons. On se demande comment il se fait que dans d'autres provinces qu'il est inutile ds citer, des travaux décrétés depuis un an sont achevés ou sur le point de l'être, tandis qu'on ne fait rien pour nous. Je vois M. le ministre des travaux publics faire un signe négatif. Je suis l'écho de mes commettants quand je dis qu'on fait dans nos provinces une comparaison déplorable.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si l'honorable M. Delehaye m'avait fait l'honneur de passer dans mon cabinet, je lui aurais fait connaître les raisons pour lesquelles les travaux ont pu être adjugés à Liège et n'ont pas pu l'être à Gand.
M. Delehaye. - Je ne dois pas remercier M. le ministre de son observation, je ne sais pas jusqu'à quel point un représentant doit aller dans le cabinet du ministre pour savoir ce qui se passe ; il n'en est pas moins vrai que le canal de Zelzaete est décrété depuis onze ans et que les fonds ne sont pas faits, tandis que depuis un an seulement la dérivation de la Meuse est décrétée et les fonds sont faits. Comme je le disais tantôt, d'immenses calamités sout la conséquence de la lenteur dont nous nous plaignons.
Depuis un an, nous avons eu cinq inondations. Et savez-vous ce qui en résulte ? Indépendamment des pertes réelles qui vous ont été signalées par mon honorable ami, M. Maertens, il n'est pas une seule commune qui ne présente des terres considérables non ensemencées ; il est constant qu'il n'est pas une seule commune dans les deux Flandres où ce cas ne se présente. Voilà la conséquence des dégâts qui résultent de la lenteur imprimée à ces travaux.
Cette fâcheuse comparaison, je pense qu'on la ferait cesser au plus tôt si on appréciait comme moi le patriotisme des Flandres, si on connaissait les sacrifices qu'on leur a imposés et en retour desquels on ne leur a jamais donné, dans les subsides accordés par le trésor, une part proportionnée à l'importance de leur population et à l'étendue de leur territoire ; souvent elles n'ont obtenu que la moitié de ce qu'on accordait à d'autres provinces moins inportantes qu'elles.Tous ces faits constituent les termes d'une comparaison déplorable.
Un honorable collègue, M. de Naeyer, à l'indépendance et au patriotisme duquel nous avons souvent rendu nommage, vous a fait connaître dans le temps combien sont grands les sacrifices que nous nous sommes imposés pour la voirie sans que jamais ces sacrifices nous aient valu, dans les sommes votées au département des travaux publics, la part qui nous revenait.
Je désire, je le répète, que bientôt on fasse cesser les causes de déplorables comparaisons. Ce que je dis du canal de Zelzaete, je puis le dire avec la même raison du canal de Scbipdonck. C'est seulement quand ce canal sera achevé que les Flandres et le Hainaut se verront à l'abri des inondations qui désolent ces provinces.
Je sais que quelques membres contestent mon allégation, mais j'ai pour moi l'opinion de tous les hommes qui s'adonnent à l'étude de ces faits, tous sont unanimes à reconnaître que c'est le seul moyen d'obvier aux débordements de l'Escaut et de la Lys. Ce canal est décrété depuis 1846 ; on s'est arrêté au canal de Bruges, en cet état il ne peut être d'aucune utilité pour les provinces.
Le canal de Zelzaete, dont je parlais en premier lieu, n'impose pas na sacrifice réel à l'Etat. Les propriétaires auraient dû contribuer à la dépense si le canal achevé en temps utile, leur avait épargné les pertes considérables que tant de lenteur leur a fait éprouver.
(page 571) Certes, messieurs, aucune branche de la richesse nationale n'est aussi digne de vos sympathies que l'agriculure. Aussi presque tous les jours nous sommes saisis de projets de loi en faveur de l'industrie agricole, et aujourd'hui encore les sections ont examiné un crédit de 75,000 fr. pour des défrichements de terres incultes. Eh bien, vous possédez les plus belles terres du monde, et dans aucun pays l'agriculture n'est aussi avancée que dans les Flandres ; comment donc se fait-il que lorsque, d'un côté, on reconnaît l'importance de l'agriculture et que, d'un autre côté, on vient tous les jours demander des fonds pour cette branche de la richesse publique, comment se fait-il qu'on laisse dépérir complètement nos champs et qu'on nous met dans l'impossibilité de recueillir le fruit de nos labeurs ?
C'est sur ce point que j'appelle spécialement l'attention de M. le ministre des travaux publics. Il lui appartient de mettre un terme aux angoisses que l'on éprouve chez nous ; à lui de faire cesser ce doute qui fait désespérer nos populations. Elles croient que leurs réclamations sont complètement frappées de stérilité. Eh bien, en remplissant un pénible devoir, nous aurons fourni à M. le ministre l'occasion de repousser les reproches qu'on lui adresse ; qu'il explique comment il se fait que nos travaux ne sont pas achevés, et qu'on n'imprime point à leur achèvement cette célérité avec laquelle on pousse à l'exécution des améliorations dans d'autres provinces.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Aux reproches que vient de m'adresser l'honorable préopinant, je vais répondre par des faits.
Je prise, de mon côté, très haut la sollicitude que l'honorable membre porte aux intérêts des Flandres, mais je le prie d'être bien persuadé que je porte la même sollicitude à ces intérêts, et je crois l'avoir démontré dans la discussion de la loi des travaux publics. Dans cette loi il a été alloué pour le canal de Deynze à Schipdonck un premier crédit de 2,500,000 fr., et il a été entendu que ce n'était là que la moitié d'une allocation globale destinée à prolonger le canal jusqu'à la mer du Nord. Il a été entendu égilement que le crédit de un million n'était qu'une somme à valoir sur le montant de la dépense nécessaire à l'approfondissement du canal de Gand à Bruges.
L'honorable membre me demande : « Pourquoi le canal de Deynze à Schipdonck ne fonctionne-t-il pas ? Pourquoi n'est-il pas ouvert ? A quoi tiennent ces lenteurs ? Pourquoi les travaux du prolongement du canal de Deynze à Schipdonck ne sont-ils pas commencés ? Pourquoi le canal de Zelzaete n'obtient-il pas le crédit nécessaire pour la construction de la quatrième section ? » Je réponds à la première question : Pourquoi le canal de Deynze à Schipdonck n'est-il pas ouvert ? Pourquoi ne reçoit-il pas les eaux de la Lys ?
Les travaux d'art du canal de Deynze à Schipdonck ont été adjugés en 1849.
D'après l'article 72 du cahier des charges, le barrage de Deynze devait être achevé au mois d'octobre 1850, et celui de Nevele, à la même époque, en 1852.
Ce dernier barrage aurait donc dû être en état de fonctionner dès l'automne dernier, mais il n'en a pas été ainsi ; voici par quels motifs.
Le sieur ***, entrepreneur des ouvrages dont il s'agit, n'ayant pas apporté à leur exécution l'activité nécessaire, il intervint, au mois d'avril 1851, entre lui et le sieur l'une de ses cautions, une convention en vertu de laquelle ce dernier fut substitué à l'entrepreneur. A partir de ce moment, les travaux, conduits avec intelligence et énergie, marchèrent avec rapidité et, à l'heure qu'il est, tous sont achevés, à l'exception de la partie supérieure du barrage de Nevele. Mais, ainsi qu'on l'a dit ci-dessus, cet ouvrage n'est pas encore en état de fonctionner. Il a donc fallu, par mesure de prudence, conserver les batardeaux établis en amont et en aval du barrage de Deynze afin d'empêcher l'introduction des eaux de la Lys dans le nouveau canal, avant que les deux barrages destinés à en arrêter la marche, en cas d'accident, fussent complètement achevés.
C'est donc au mois d'octobre 1852 que le barrage de Nevele devait être achevé. Il ne l'a pas été, j'en ai donné les raisons et je viens de dire à la chambre ce qui a empêché l'administration supérieure de permettre l'introduction des eaux de la Lys. Voilà donc l'administration complètement justifiée du reproche qu'on lui adressait de ne pas laisser entrer les eaux de la Lys dans le canal de Deynze à Schipdonck. Du reste, je puis assurer l'honorable membre que c'est là une situation toute temporaire et qui cessera au premier jour.
M. Delehaye. - Les eaux de la Lys ne viennent pas dans le canal de Schipdonck.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je viens de donner les raisons qui ont empêché l'administration supérieure de permettre que les eaux de la Lys fussent introduites dans le canal de Schipdonck. Elles arrivent aujourd'hui à Gand, où elles trouveront désormais un triple écoulement ; elles en ont un par le bas Escaut, un autre par le canal de Terneuzen, et le troisième écoulement qu'on veut leur ménager sera obtenu par la dérivation de Deynze à Schipdonck.
Avant qu'elles puissent être introduites dans ce canal, il est évident que les barrages construits à Nevele et à Deynze doivent présenter un degré de consolidation suffisant pour mettre le gouvernement à l'abri des repétitions ou des actions en dommages-iutérêts qui pourraient éventuellement lui être intentés.
Ainsi, messieurs, les reproches qu'on a adressés au gouvernement, sous ce rapport, sont complètement sans objet.
J'arrive au deuxième point.
On peut se demander : Comment se fait-il que, la loi des travaux publics étant votée depuis 18 mois, on n'ait pas encore pu mettre la main à l'œuvre, quant aux travaux de prolongeaient du canal de Deynze à Schipdonck ?
D'abord, messieurs, je tiens à rappeler les faits.
La loi sur les travaux publics a été votée le 20 décembre 1851. Immédiatement après le vote de cette loi, l'administration des ponts et chaussées a fait distribuer entre toutes les provinces le travail ressortissant aux ingénieurs placés à la tête de ces provinces. Le 12 février 1852, l'ingénieur en chef de la Flandre Orientale a été chargé de faire l'étude du projet. Permettez-moi, messieurs, de faire à cette occasion une observation qui est importante. Pour les travaux à exécuter à Liège les études étaient complètes ; les cahiers des charges même étaient avancés ; depuis plusieurs années on s'occupait de ces travaux ; l'avant-projet avait été arrêté par le conseil des ponts et chaussées. On a donc pu mettre, sans retard, les travaux en adjudication.
Les honorables membres de la députation de Gand connaissent comme moi l'activité et l'intelligence du fonctionnaire des ponts et chaussées qui est placé à la tête du service de la Flandre orientale ; ils savent aussi avec quelle sollicitude il s'attache à l'exécution de ce travail, qui est son œuvre et qui fait fait honneur à ses capacités.
M. Van Grootven. - Ce n'est pas M. Wolters que l'on peut accuser : il est parfaitement à l'abri de tout reproche.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je veux seulement constater que le 12 février 1852, c'est-à-dire quelques semaines après le vote de la loi, j'ai chargé M. Wolters de faire l'étude du projet.
Le 23 août, ce fonctionnaire m'a adressé l'avant-projet. Dans cet avant-projet, il indiquait, je pense, les deux directions d'après lesquelles le travail pouvait être exécuté ; il y avait la direction vers Blankenberghe et la direction vers Heyst. Il avait demandé l'autorisation d'envoyer un ingénieur en Hollande pour étudier les divers systèmes de construction d'écluses ; j'ai accordé cette autorisation. Cela explique peut-être le délai qui s'est écoulé depuis le 12 février jusqu'au 23 août, époque où ce fonctionnaire m'a envoyé l'avant-projet.
- Un membre. - Il n'a pas perdu beaucoup de temps.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Le 8 septembre, le comité permanent des travaux publics a fait son rapport au chef du département et le 11, six jours après, j'ai transmis à l'ingénieur en chef les observations du comité, l'autonsant à m'adresser un projet définitif.
Le 21 septembre, l'ingénieur en chef me soumet certains points sur lesquels il demande une décision. Le 7 octobre, quelques jours après, nouveau rapport du comité.
Le 15 octobre, lettre que j'adresse à l'ingénieur en chef, et le 23 décembre, lettre de l'ingénieur en chef, transmettant les plans de l'écluse de mer et de l'écluse de garde, destinés à être soumis au comité permanent.
Le 8 janvier 1853, rapport du comité et le 12 janvier lettre que j'adresse à l'ingénieur en chef pour l'autoriser à rédiger les pièces nécessaires à la mise en adjudication des travaux de l'écluse de mer et de l'écluse de garde.
Je le chargeais, en même temps, par cette lettre de procéder à des sondages à l'effet de reconnaître la consistance des terrains.
Je dis donc, messieurs, que si les travaux ne sont pas adjugés, ce n'est pas la faute de l'administration supérieure, ce n'est pas la faute de l'ingénieur qui se trouve à la tête du service dans la Flandre orientale, ce n'est la faute de personne, et pour en être convaincu je ne demande à l'honorable préopinant que de vouloir se rappeler les faits dans l'ordre dans lequel je viens de les indiquer.
J'arrive, messieurs, à un troisième point. Et ici je suis tout disposé à reconnaître que si le gouvernement avait à sa disposition un crédit de 800,000 à 900,000 fr. pour exécuter la quatrième section du canal de Zelzaete, cette situation serait meilleure que celle qui m'est faite, mais, je suis autorisé à le déclarer, mon honorable collègue le ministre des finances sait les efforts que j'ai faits pour obtenir que cette marche fût suivie...
M. Delehaye. - On trouve bien des fonds pour d'autres travaux, on en a trouvé pour la Meuse, c'est toujours pour les Flandres qu il n'y a pas de fonds.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai répondu dans une autre séance, et les honorables membres qui m'avaient adressé des interpellations ont bien voulu se déclarer satisfaits de ma réponse, j'ai répondu qu'il serait porté au budget de 1851 une première moitié du crédit nécessaire pour la quatrième section du canal de Zelzaete. Pour savoir jusqu'à quel point le retard apporté à l'exécution de cette quatrième section compromettra les intérêts actuellement existants, il faut encore une fois voir les choses sous leur véritable jour et avec impartialité.
Le canal de Zelzaete a été décrété par la loi du 26 juin 1842, et l'honorable député de Gand a rappelé qu'aux termes de cette loi, la province et les riverains devaient intervenir dans la dépense. Mais ce qu’il auraiy pu ajouter, c'est que, jusqu'à ce jour, ce concours n'a pas été réalisé.
Il avait été formellement stipulé par l'article 6 de la loi, et il n'était nullement subordonné à l'exécution complète du canal. L'aricle. 6 prévoit le cas où la section de Damme à la mer serait exécutée, et, pour ce cas, il stipule expressément l'intervention des propriétés intéressées. Il porte, en effet :
« Aussi longtemps que le canal ne sera ouvert qu entre Damme et la (page 572) mer, l'annuité à charge des propriétés intéressées pour l'écoulement de leurs eaux, sera de 14,043 fr. et l'Etat supportera les deux tiers des frais d'administration et d'entretien. »
Cette partie de la loi est encore sans exécution aujourd'hui.
Le canal de Zelzaete a donc été décrété par la loi du 20 juin 1852, qui s mis à la disposition du gouvernement un premier crédit de 550 mille francs.
Voici la série des crédits qui ont été successivement alloués pour l'exécution de ce canal d'écoulement :
Par la loi du 20 février 1844, 700,000 francs.
Par celle du 18 juillet 1840, 330,000 francs
Par celle du 18 mars 1847, 650,000 francs.
Par celle du 28 mars 1847, 720,000 francs.
Par celle du 17 avril 1848. 535,000 francs.
Par celle du 17 juillet 1849, 400,000 francs.
Par celle du 4 juin 1850, 130,000 francs.
Ensemble, 4,015,000 francs.
Les travaux commencés le 7 mars 1845, ont été terminés le 30 novembre 1850. Les trois sections à cette époque étaient achevées.
Restait une quatrième section dont je reconnais ici l'ndispensable nécessité, parce qu'elle doit servir à l'évacuation des eaux du Brackman, tandis que les premières sections ne devaient servir qu'à l'écoulement du Zwyn. Lors de la discussion du projet de loi sur le canal de Zelzaete, l'honorable M. d'Hoffschmidt avait préserté un amendement, tendant à substituer le mot « Damme » au mot « Zelzaete », la chambre, en rejetant cet amendement, a virtuellement reconnu la nécessité de prolonger le canal jusqu'à Zelzaete. A cet égard je donne l'assurance aux honorables membres que tous mes efforts seront dirigés vers l'exécution, aussi prompte que possible, du canal de Zelzaete, depuis Saint-Laurent jusqu'à Zelzaete, le canal doit s'étendre jusque-là pour réaliser tout l'effet utile qu'on en attend.
Je disais que les trois sections ont été terminées à la fin de 1850 ; aussi, en 1851, un des premiers actes que j'ai posés, en ce qui concerne cet objet, ç'a été d'autoriser l'ingénieur en chef, M. Wolters, à s'occuper immédiatement des opérations geodésiques nécessaires à la rédaction du projet d'établissement de la quatrième section du canal, destiné à supplér le Capitalen-Dam.
Le tracé peut être arrêté dès à présent ; mais tous les plans terriers ne sont pas encore parvenus au département des travaux publics ; il faudrait au moins 4 à 5 mois pour préparer toutes les pièces nécessaires à la mise en adjudication des travaux ; eh bien, si les travaux, par suite de ces opérations préliminaires, ne pouvaient commencer que dans la campagne prochaine, la situation serait à peu près ai même que celle qui est faite à cette partie de la Flandre par la proposition que j'ai déjà insérée dans le budget de 1854 et qui pourrait à la rigueur être votée avant 1854 ; dans ces cas les travaux de la première partie du canal de Zelzaete pourraient être mis en adjudication pour la campagne prochaine.
Je dis, en me résumant sur ces trois points que, quant au premier, on n'est pas fondé à dire que si le canal de Deynze à Schipdonck n'est pas ouvert, on puisse en faire un reproche à l'administration. En ce qui concerne le prolongeaient de ce canal, j'ai exposé des faits qui démontrent que l'adjudication des premiers travaux est très prochaine ; pour ce qui est du canal de Zelzaete, j'ai suivi la marche qui m'a été tracée, en portant au budget de 1854 une première somme da 425,000 fr.
M. le président. - M. de Sécus, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.
- Accordé.
M. le président. - La chambre reprend la discussion générale du budget des travaux publics. La parole est à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, l'honorable M. Delehaye a eu tort de mettre en doute la sympathie de M. le ministre des travaux publics pour le canal de Zelzaete. Mon honorable collègue, il n'y a pas six semaines, a soumis au conseil une demande de crédit de 800,000 francs pour l'exécution de la quatrième section de ce canal, et c'est le ministre des finances qui l'a engagé, malgré tout l'intérêt qu'il porte à ce travail d'utilité publique, à échelonner ce crédit sur deux exercices par moitiés égales.
Messieurs, pour en agir ainsi, j'ai eu deux motifs principaux. Le premier, c'est que le découvert du trésor, sans être alarmaul, est assez étendu, pour que, de mon propre mouvement, je ne fasse rien pour l'augmenter ; je ne voudrais, à aucun prix, être cause qu'un emprunt devînt nécessaire dans le courant de cette année.
Si un emprunt doit se faire pour consolider tout ou partie de notre découvert, que ce soit à la fin de l'exercice prochain, si c'est possible, mais qu'en aucun cas cette éventualité ne se présente pas cette année. Vous savez tous dans quelles circonstances défavorables on aurait à contracter un emprunt, s'il devait s'effectuer dans un délai plus rapproché.
Le second motif qui m'a engagé à ne pas faire de loi spéciale de ce nouveau crédit destiné à l'achèvement du canal de Zelzaete, c'est que je désire que l'article de la Constitution, relatif au budget de l'Etat, soit une vérité.
Cet article veut que toutes les dépenses figurent au budget en même temps que les voies et moyens. Les raisons qui ont guidé le législateur constituant sous sensibles ; on a voulu que la législateure eût sous les yeux, d'une part, toutes les recettes, d'autre part toutes les dépenses, afin qu'elle pût se faire une idée exacte de la situation des finances de l'Etat.
Or, qu'arrive-t-il si on suit une autre marche que celle que j'indique ? C'est que le législateur, s'imaginant qu'il y a équilibre entre les recettes et les dépenses de l'Etat, vote les dépenses avec confiance, et va même quelquefois au-delà de ce que demande le gouvernement lui-même ; et on est tout étonné que, deux ans après, un exercice qu'on croyait se solder en boni se présente avec un déficit.
Je désire de tout mon cœur que nous sortions de cette ornière. Je regrette que le canal de Zelzaete, décrété il y a onze ans, ne soit pas encore achevé ; mais puisque onze ans se sont déjà écoulés, ce ne sera pas une année de plus qui fera le malheur de la province à laquelle j'appartiens.
Ainsi, pour me résumer, je dis qu'il sera porté au budget des travaux publics, pour l'exercice prochain, une somme de 400,000 fr. destinée au canal de Selzaete, je suis convaincu que la situation du trésor permettra à la législature d'allouer cette somme ; le crédit nécessaire restant sera porté au budget de 1855, et de cette manière, on entrera dans la régularité.
- Des membres. - Très bien !
M. Osy. - Pour ne pas prolonger la discussion générale, je ne parlerai que de deux objets, de l'administration du chemin de fer et de la loi de 1851 sur les grands travaux publics.
C'est avec raison que la section centrale et la chambre se plaignent de l'exploitation de nos chemins de fer. Nous étions persuadés, il y a deux ans, qu'il était impossible, avec le matériel que nous avions, de pourvoir aux besoins du service, et que, pour cet objet, ainsi que pour l'achèvement des stations et l'établissement de la deuxième voie, le gouvernement serait obligé de demander des crédits pour ne pas laisser incomplète notre grande œuvre de 1854.
A l'occasion des travaux décrétés en 1851, l'honorable M. Loos et moi nous avons fait tous nos efforts pour qu'on y comprît les sommes nécessaires pour l'achèvement de notre railway. Vous savez que dans le sein de la section centrale un ancien ministre des travaux publics en a fait la proposition formelle en démontrant l'urgence des travaux dont il demandait l'exécution ? Ses efforts furent inutiles, tout dut fléchir devant les exigences d'une province, on eut beau faire observer que la sagesse commandait d'achever les travaux commencés avant d'en entreprendre de nouveaux, rien n'a pu réussir.
Aujourd'hui le gouvernement présente un projet de loi par lequel il demande 4 millions 800 mille francs pour travaux publics. Je ne veux pas discuter aujourd'hui ce projet, mais comme cela se rattache à l'exploitation des chemins de fer, je suis obligé d'en parler. Or, 18 mois après avoir vu écarter nos propositions, je vois le ministre apporter en leur faveur des arguments plus forts que ceux produits par M. Rolin et par moi.
C'est à tel point que si vous lisez avec attention l'exposé des motifs, vous verrez que si nous avions eu un hiver rigoureux, le chemin de fer n'aurait pas pu fonctionner, on aurait dû suspendre le transport des marchandises ; si l'hiver eût été rigoureux, les marchandises transportées par canaux et rivières eussent reflué vers le chemin de fer, et il se fût trouvé dans l'impossibilité de les transporter. Voilà un aveu qui prouve que M. Rolin avait une connaissance parfaite de la situation, quand il insista si fort en 1851 pour avoir l'argent nécessaire pour mettre l'exploitation en état de satisfaire à tous les besoins.
Je trouve que, dans cette circonstance, M. Van Hoorebeke s'est laissé distancer par ses honorables collègues de l'intérieur et des finances, et qu'il n'a pas soutenu suffisamment ce qu'exigeait une bonne administration. Aujourd'hui ce que nous lisons dans l'exposé des motifs est un aveu du ministre. Quand le rapport sera fait, nous le discuterons en détail, mais nous avons maintenant la satisfaction de voir que nous avions eu raison dans nos propositions.
Ce n'est là qu'un faible dédommagement. Car le ministre avoue qu'il restera beaucoup de choses à faire, il ne demande pas d'argent pour établir la double voie dans les Flandres et la province de Namur, où il y a beaucoup de sections qui n'ont qu'une seule voie.
M. de Mérode. - Pour cela, on peut attendre.
M. Osy. - Alors, il ne faut pas se plaindre de la mauvaise exploitation. Une bonne exploitation est impossible avec une seule voie. Si vous voulez avoir un chemin de fer, il faut bien l'exploiter.
On ne demande rien non plus pour les stations ; cependant le gouvernement a trouvé convenable de consacrer beaucoup d'argent à des dépenses de luxe aux stations de Bruxelles et Gand.
Si on s'était borné àa faire dans ces villes des stations convenables, avec l'argent dépensé inutilement à Bruxelles et à Gand, vous auriez pu achever celles de Liège et d'Anvers.
Vous connaissez l'état de la station de Malines, de la station centrale du pays. Comme je suis obligé d'y passer souvent, j'entends de la part des voyageurs des plaintes qui ne font pas honneur à la Belgique. Les voyageurs ne peuvent pas s’abriter en attendant le départ des convois. A Anvers c'est la même chose ; mais là je crois qu'il y a une affaire beaucoup plus grave et sur laquelle je demanderai une explication. On a fait un hangar pour abriter les marchandises ; M. le ministre a le projet d'en faire fabriquer d'autres pour abriter le matériel.
J'ai la conviction qu'on ne fera rien à la station principale à celle des voyageurs ; là le matériel est en plein air, il doit se détériorer. Si le (page 573) gouvernement trouve qu'il faut abriter le matériel de la grande station d'Anvers, je demande s'il s'est entendu avec son collègue le ministre de la guerre pour savoir si la station peut rester où elle est ; si vous me dites qu'il est certain qne M. le ministre de la guerre n'en viendra pas demander le déplacement, nons saurons que nous ne courons pas le risque de consacrer de l'argent à des constructions que plus tard il faudrait démolir.
Je demanderai donc sous ce rapport une explication positive.
Depuis bien des années, des plaintes se renouvellent sur la mauvaise exploitation de notre chemin de fer, aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises. Je suis convaincu que si cette exploitation était dans les mains d'une société particulière, non seulement vous auriez une recette plus forte, mais une économie de 15 cent mille francs à deux millions sur la dépense.
Le chemin de fer pourrait vous rapporter net 2 à 3 millions. Le gouvernement, avec ses rouages et ses nombreux fonctionnaires, se trouve dans l'impossibilité de le bien faire marcher. Il faut qu'il reçoive la direction d'une main ferme au lieu d'être tiraillé en tout sens comme il l'est aujourd'hui.
Je ne parle pas de vendre notre chemin de fer à une compagnie, mais je suis persuadé que si la proposition était faite de l'adjuger à une compagnie vous auriez un revenu plus considérable ; mais je crois que le gouvernement ne s'y décidera pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Personne ne se présente.
M. Osy. - Mais on n'a rien fait pour trouver quelqu'un. M. le ministre a cité ce que font les compagnies du Havre, d'Orléans, de Strasbourg, ces compagnies n'ont pas mis en adjudication l'exploitation de leurs chemins de fer ; mais elles ont trouvé un moyen que je trouve parfait : c'est d'adjuger la traction et l'entretien du matériel.
M. le ministre des travaux publics nous a donné hier quelques calculs, et nous a dit que la dépense était beaucoup plus considérable pour le chemin de fer de Strasbourg que pour le nôtre. Mais il y a une très grande considération à laquelle le ministre n'a pas fait attention. Vous concevez que, de Paris à Strasbourg, la houille coûte plus cher que de Liège à Mons ; car nos waggons qui reviennent dans le Nord pourraient nous rapporter le coke.
Ainsi avec un entrepreneur, à. qui seraient adjugés la traction et l'entretien du matériel, je suis persuadé que vous auriez une très grande économie.
On dit : « Personne ne s'est présenté. » Mais il faut dire aussi que vous n'avez pas fait d'appel.
On nous dit que les frais de traction sont de 1 fr. 18 c. sur le chemin de fer de Paris à Strasbourg et de 68 centimes sur le nôtre. Mais cela ni suffit pas.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai offert de donner des détails.
M. Osy. - Je le sais ; mais je n'en demande pas plus que vous n'en avez donné hier. Ce que je demande, c'est qu'une commission soit nommée par les deux chambres et par le gouvernement pour examiner les détails dont a parlé hier M. le ministre des travaux publics. Sous ce rapport, j'appuie ce que nous dit la section ceutrale, qui, sans faire de proposition, indique que telle serait son opinion. Je crois que, sans cela, nous n'en sortirons jamais. Tous les ans, nous continuerons à faire nos plaintes, et nous n'aurons pas de résultat. Un jour on réalisera une économie sur les fonctionnaires ; et elle sera compensée par une augmentation de dépenses sur les salaires. Quand il y a économie d'un côté, il y a augmentation de l'autre.
Pour l'exploitation du chemin de fer, ce qui importe au voyageur, ce n'est pas de payer par exemple 3 fr. 50 c. au lieu de 5 fr. pour aller de Bruxelles à Anvers ; ce qui lui importe, c'est le temps qui est de l'argent. Tant qu'on ne le considérere pas ainsi, on ne fera jamais rien de bien.
Les pays voisins qui marchent d'une manière régulière et beaucoup plus vite que nous vous ont déjà enlevé beaucoup de voyageurs, et vous en enlèveront par la suite beaucoup plus encore. N'avons-nous pas maintenant la concurrence du chemin de fer de Strasbourg qui nous enlèvera un grand nombre de voyageurs de l'Allemagne ?
Ce n'est qu'avec une régularité qui ne laisse rien à désirer que nous pourrons lutter avec l'étranger. Nous sommes bien loin de là aujourd'hui. Aussi allez à Londres par Calais, il n'y a pas de jour que le convoi n'arrive trop tard et ne manque le départ du bateau à vapeur. A chaque instant les voyageurs sont obligés, par ce motif, de passer à Calais 12 heures ou 24 heures. Cela nous fait perdre un nombre considérable de voyageurs.
Si l'exploitation du chemin de fer de Strasbourg continue de se faire comme elle se fait depuis six mois, soyez sûrs que tous les voyageurs de France en Allemagne et réciproquement iront par Strasbourg et descendront le Rhin plutôt que de passer chez nous.
Si l'on ne veut pas nommer une commission qui examine ce qui se fait ici, nous resterons bien des années en arrière, et après avoir été les premiers, sur le continent, à avoir un chemin de fer, nous serons les derniers pour la bonne organisation du service. Je le dis avec conviction.
Vous vous rappelez, lorsque nous avons arrêté le tarif des voyageurs, en 1851, les efforts que nous avons dû faire contre le ministère pour augmenter le tarif des voyageurs de 6 malheureux pour cent. Je ne dis pas que M. le ministre des travaux publics a fait beaucoup d'efforts pour nous combattre. Je crois qu'il n'a pas été fâché de ce qui s'est passé. Mais vous vous rappelez les honorables collègues qui pesaient non seulement sur la chambre, mais sur le ministère, les efforts des honorables MM. Rogier et Frère pour combattre notre proposition.
Je suis étonné que M. le ministre des travaux publics, qui aux termes de la loi du 12 avril 1851 sur le tarif des voyageurs était obligé à l'expiration de la première année qui a pris cours le 1er juin 1851, et a fini le 1er juin 1852, de rendre compte aux chambres de l'exécution de ma proposition, ne l'ait pas encore fait ; en remplissant cette obligation que la loi lui impose, il nous eût mis à même de voir si le tarif que nous avons adopté était avantageux, et s'il ne convenait pas de l'augmenter encore.
Car en vous proposant le tarif que vous avez bien voulu adopter, j'ai pensé qu'il ne fallait pas commencer par des chiffres trop élevés. Mais j'ai voulu aller graduellement. Je n'ai pas voulu innover brusquement.
Un point sur lequel on a attiré notre attention m'a empêché de me rallier à la proposition de l'honorable M. Vermeire. C'est que je ne voulais pas amener un déclassement de voyageurs. On a dit que si l'augmentation avait été trop considérable, les voyageurs de la première classe seraient passés à la deuxième et les voyageurs de la deuxième dans la troisième. C'est pourquoi je me suis borné à une augmentation de 6 p.c. dont j'avais évalué le produit annuel à 5 à 600,000 fr. Autant que j'ai pu faire le calcul sur ce qui a été publié des recettes de 1852 (car l'exposition de Londres a influé sur le chiffre des recettes de 1851), je crois que l'augmentation a été de 500,000 francs.
Le compte rendu que M. le ministre devait fournira la chambre nous aurait appris s'il y a eu déclassement de voyageurs. Et peut être aurions-nous pu proposer une augmentation ; car le tarif est assez bas pour que nous puissions y songer.
Eh bien, messieurs, non seulement nous pouvions augmenter les péages, mais certainement on pourrait les augmenter encore pour les convois de grande vitesse. Malheureusement ce qu'on appelle en Belgique grande vitesse n'est qu'un nom. Ainsi nous avons le matin un convoi de grande vitesse partant d'Anvers pour Bruxelles à 9 h. 50 m., eh bien ' vous obligez les voyageurs à descendre à Malines et souvent à attendre pendant un quart d'heure le convoi venant de Gand. Je voyageais encore samedi passé avec des Anglais et ils me demandaient : Est-ce un convoi de grande vitesse ? Je leur réponds affirmativement, et arrivés à Malines, nous devons attendre pendant 20 minutes. C'est ce qu'on appelle des convois de grande vitesse !
Si vous aviez réellement des convois de grande vitesse, et si vous établissiez pour ces convois des prix un peu plus élevés, ce ne serait réellement qu'une contribution facultative. Car ceux qui ne voudraient pas payer plus cher, pourraient prendre un convoi une heure plus tard. Mais je voudrais que les convois de grande vitesse allassent directement à leur destination et qu'on ne fît pas descendre les voyageurs à moitié chemin sous prétexte qu'il faut des voitures pour retourner à Anvers. Messieurs, j'insiste positivement pour qne M. le ministre nous remette le plus tôt possible le tableau qu'il doit déposer en vertu de la loi de 1851.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est plus qu'un tableau, c'est un rapport.
M. Osy. - Oui, mais ce rapport sera accompagné d'un tableau par lequel nous verrons si effectivement, comme le disait le ministère, il y a eu déclassement. S'il n'y a pas eu déclassement, je crois que nous ne devons pas nous arrêter aux chiffres que nous avons votés en 1851.
M. le ministre nous disait hier que, dans la discussion générale, il ne convenait pas de parler du tarif des marchandises. Effectivement, un projet sur ce point est en section centrale. Mais M. le ministre des travaux publics nous a fait la même objection pour les voyageurs ; comme c'est lui qui est en défaut, en ne nous remettant pas le tableau qu'indiquait la loi, j'ai dû faire ces observations. J'insiste de nouveau pour avoir ce tableau ; lorsque nous en serons saisis, nous pourrons, je crois, démontrer que nous avons bien fait d'adopter le système de 1851, maigre l'opposition du ministère.
Du reste, messieurs, au moment où en 1851 M. le ministre des finances et M. le ministre de l'intérieur me combattaient, je recevais des lettres du personnel des travaux publics pour m'engager à soutenir mon système, pour me dire qu'il était excellent, que tout le monde le trouvait excellent au département des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). Ce n'est pas moi qui vous ai écrit.
M. Osy. - Vous n'avez combattu notre proposition que très faiblement. Je ne dis pas que c'est vous qui m'avez écrit, mais je répète que je recevais, de la part du corps des travaux publics, beaucoup d'encouragements pour soutenir mon système.
Messieurs, la section centrale, sans se prononcer positivement, émet l'opinion qu'il serait utile de nommer une commission pour examiner les questions qui se rattachent à l'exploitation du chemin de fer. Si le gouvernement veut nommer une commission, je le veux bien. Si la chambre trouve convenable d'ordonner une enquête, j'y consens encore. Mais il faut au moins que le gouvernement nomme une commission pour examiner tous les renseignements que nous a donnés hier M. le ministre. M. le ministre a prononcé hier un discours très éloquent ; il nous a pendant deux heures donné des explications que j'ai écoutées avec une grande attention, que j'ai relues encore ce matin. Mais je vous le demande, est-il possible, dans une chambre, de discuter toutes ces (page 574) questions ? Je ne le crois pas. Il faut qu'une commission soit nommée par le gouvernement ou par les chambres pour examiner tous les faits.
Si vous ne le faites pas, messieurs, vous n'en sortirez jamais ; tous les ans nous serons obligés de faire entendre les mêmes plaintes et nous n'obtiendrons jamais rien.
Si vous ne voulez pas, messieurs, mettre l'exploitation du chemin de fer en adjudication, essayez au moins de mettre en adjudication la traction et l'entretien. Votre arsenal de Malines coûte immensément ; si dès demain vous le donniez à un entrepreneur et que vous payiez l'entretien du matériel par kilomètre, vous obtiendriez une économie considérable. Si le gouvernement nomme une commission, j'engage beaucoup la commission à examiner ce système.
M. le ministre nous a parlé de Strasbourg ; mais, messieurs, l'un des plus anciens chemins de fer et celui qui est le mieux exploité, c'est bien certainement celui d'Orléans ; eh bien, je suis très lié avec plusieurs membres de l'administration de ce chemin de fer, je connais parfaitement la manière dont il est exploité, et je puis vous assurer, messieurs, que le système qui y est suivi est aussi parfait que le nôtre est défectueux.
Je dois, messieurs, présenter quelques observations sur l'exécution de la loi du 20 décembre 1851, relative aux travaux publics.
Les honorables députés des Flandres se plaignent avec raison que les travaux commencés en 1852 ne s'achèvent pas.
Si ces honorables membres avaient fait comme moi, s'ils avaient dit en 1851 : Achevez ce qui est commence avant d'entreprendre autre chose, nous n'aurions pas eu aujourd'hui le discours plein de sens qui a été prononcé par l'honorable ministre des finances. M. le ministre nous l'a dit avec beaucoup de raison, il est impossible d'aller plus loin en ce moment ; on demande des millions pour la défense du pays, il y a une augmentation de 5 millions pour la guerre, vous dépensez énormément d'argent et vous arrivez à un déficit qui était de 13 millions à l'ouverture de la session et qui s'élèvera bientôt à 32 millions.
Mais, messieurs, si la raison nous arrête aujourd'hui et nous empêche de faire même des travaux urgents, je demanderai où sont les coupables ? Les coupables sont ceux qui ont fait voter la loi de 1851. Comment ! vous avez commencé en 1842 des travaux indispensables, reconnus nécessaires par tous les ministères qui se sont succédé aux affaires, et il faut encore des années avant que ces travaux puissent être achevés ! Sous ce rapport on ne fait rien ; mais quant à la dérivation de la Meuse, là on procède avec la plus grande célérité !
Eh bien, messieurs, je dois faire à cet égard une observation très importante. La loi de décembre 1851 dit formellement que l'adjudication des travaux de la Meusz ne pourra se faire qu'à forfait, à raison da 9,300,000 francs. « La somme à dépenser pour l'exécution de ces travaux ne dépassera pas le chiffre de 9,300,000 fr. » Voilà ce que porte la loi, et l'honorable M. Veydt, à la demande unanime de la section centrale, avait inséré dans son rapport ce qui suit :
« Les travaux ne peuvent en aucun cas dépasser le chiffre maximum de 9,300,000 fr. et il ne sera procédé à leur exécution qu'autant qu'il y ait engagement à forfait. »
Vous voyez donc, messieurs, que, d'après la décision de la chambre, on ne pouvait faire les travaux de la dérivation de la Meuse que s'il y avait un engagement à forfait ne dépassant pas le chiffre de 9,300,000 francs, y compris les achats de terrains.
Or, qu'a fait le gouvernement ? Le gouvernement n'étant pas prêt à faire exécuter tous les travaux dans le pays entier, a jugé à propos de faire le plus pressé, et en ce qui concerne la Meuse, il a adjugé une partie des travaux pour 6,800,000 francs.
Je demande, messieurs, si c'est là l'exécution de la loi dont je viens de vous lire le texte et aux termes de laquelle vous ne pouviez entreprendre la dérivation de la Meuse que si vous aviez un engagement à forfait, ne dépassant pas la somme de 9,300,000 francs.
Messieurs, lorsque j'ai proposé d'insérer cette disposition dans la loi, l'honorable M. Frère, que j'ai toujours rencontré dans les grandes discussions, est venu avec trois ou quatre engagements d'entrepreneurs qui s'offraient à faire les travaux pour 9,300,000 fr. Eh bien, le gouvernement adjuge aujourd'hui en partie les travaux pour 6,800,000 fr. Il reste à adjuger, entre autres, le pont sur la Meuse qui doit coûter, d'après le projet de M. Kummer, une somme de 700,000 fr. ; mais, à l'heure qu'il est, le gouvernement ne sait pas encore quel pont il fera ; au ministère des travaux publics les uns veulent un pont suspendu, les autres sont d'un avis différent et rien ne se décide.
Au mois de juillet, messieurs, l'on savait fort bien qu'on allait demander 13 millions pour la guerre. Je suis le premier qui ai pris la parole dans la discussion de la loi sur les travaux publics, et j'ai commencé par demander au gouvernement, quels étaient les besoins du département de la guerre. On n'a pas voulu me répondre, mais on est venu ensuite nous demander 13 millions qui ne seront, d'après moi, que la moitié de la somme nécessaire ; vous avez voté 13 millions, et vous serez bientôt appelés à voter encore 12 ou 13 millions.
Voilà, messieurs, la marche qu'on a suivie depuis 1851 : On refuse d'achever les travaux commencés, on refuse de s'expliquer sur ce qui est nécessaire pour la guerre, mais on se hâte d'adjuger des travaux qui ne sont pas encore entièrement étudiés ; ce qui le prouve, c'est qu'on n'en a adjugé qu'une partie.
A cette occasion, messieurs, j'aurais une explication à demander. Comme je l'ai dit souvent, l'opposition que je fais ne s'adresse jamais aux personnes, mais s'adresse aux choses ; et l'objet dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir ne concerne ni le ministère de 1847 ni le ministère actuel ; mais dans l'intérêt de la moralité, nous devons avoir à cet égard des explications franches, car il ne faut pas que ce qui s'est fait il y a quelques années puisse se reproduire.
Vous savez, messieurs, quelles instances les honorables députés de Liège ont faites, pendant bien des années, pour obtenir la dérivation de la Meuse ; le gouvernement a donc été obligé de faire étudier la question ; mais une chose que je ne conçois pas, c'est qu'en 1846, plus d'un an avant le vote de la loi, le gouvernement a autorisé un ingénieur, dans la province de Liège, à acheter des terrains : il a été acheté, en 1846, à une seule famille, 11 bonniers de terre, pour une somme de 430,000 francs, ce qui fait au-delà de 40,000 francs par hectare.
Le gouvernement d'alors ou au moins l'ingénieur a fait cet achat. (Interruption.) Oui, c'était une promesse de vente, et j'ai à cet égard des renseignements très exacts ; je les ai pris à la cour des comptes et je les ai fait compléter au département des travaux publics. C'était donc une promesse de vente, mais en 1847 cette promesse de vente devient une vente définitive. J'ai demandé à la cour des comptes sur quels fonds on avait payé ces 430,000 fr., on m'a répondu qu'ils n'avaient pas été payés. J'ai appris alors que le ministre des travaux publics de cette époque a ratifié l'achat fait l'année précédente.
Je me suis dit : C'est sans doute un arrêté royal qui a régularisé l'affaire. Mais pas du tout c'est un simple arrêté ministériel qui est intervenu. Je me suis demandé encore s'il y avait eu expropriation pour cause d'utilité publique ; mais rien, on a acheté de la main à la main.
Je vous le demande, messieurs, comment est-il possible, avant qu'un travail ne soit décrété, que le gouvernement puisse faire une opération semblable ? A Anvers, messieurs, on prend une grande étendue de terrains pour le département de la guer re, mais tout cela se fait de la manière la plus régulière ; on demande aux propriétaires : Cela vous convient-il ? Si cela ne vous convient pas, les tribunaux sont là. A Liège, au contraire, on fait l'acquisition de 11 hectares de terrain et on cache l'opération à la chambre ; on ne fait aucune expertise, on ne remplit aucune formalité, mais aussitôt la loi des travaux publics volée on s'empresse de régler ce qui est relatif au payement des 430,000 fr. (Interruption.) Il y avait promesse de vente en 1846, mais en 1847 on a ratifié l'opération par arrêté ministériel et on l'a caché, nous n'en savions rien.
Eh bien, quand la loi des travaux publics a été décrétée, on s'est empressé de payer ; il y avait un mineur dans la famille ; on a dû, pour régulariser l'affaire, attendre jusqu'au mois d'août 1852 ; sans cela on aurait payé immédiatement.
Il arrivera pour la dérivation de la Meuse ce qui est arrivé pour le canal latéral à la Meuse. Vous auriez dû, M. le ministre des travaux publics, vous tenir à la loi et adjuger le tout à la fois. (Interruption.) Vous dites aujourd'hui que la somme ne sera pas dépassée ; moi, je suis très incrédule, à l'endroit des travaux publics. On nous disait aussi dans le temps que le canal latéral à la Meuse ne coûterait que 3,500,000 francs ; vous savez ce qui est advenu de cette prévision.
Je crains qu'ici nous n'éprouvions encore les mêmes mécomptes ; je dis que le ministre des travaux publics d'alors qui est encore le ministre des travaux publics actuel, est bien coupable de ne s'être pas tenu à la loi, de n'avoir pas adjugé le tout à la fois ; nous aurions eu alors la certitude que nous ne serions pas obligés de voter de nouveaux crédits pour cet objet qui a fait beaucoup de mal au pays, quoi qu'en pense l'honorable M. Lesoinne qui m'interrompt....
M. Lesoinne. - Je demande la parole.
M. Osy. - Peut-être dans un temps donné aurait-on pu faire exécuter ce travail considérable ; mais il fallait avant tout achever ce qui était commencé. Vous, ministre des travaux publics, vous aviez promis aux Flandres d'achever leurs canaux, et à nous, de parachever les chemins de fer ; mais vous vous êtes laissé éblouir par vos collègues ; vous n'avez pas eu le courage de leur résister. Votre collègue, M. le ministre des finances, vous donne aujourd'hui un bel exemple : il sait résister quand il faut. Eh bien, vous auriez dû dire à vos anciens collègues : Je ne propose pas la dérivation de la Meuse, avant que le ministre des finances n'ait trouvé de l'argent pour achever les canaux de Zelzaetc et de Schipdonck et les autres travaux commencées. (Interruption.)
Je n'ai pas l'habitude de parler d'abondance ; plus on m'interrompra, plus la séance durera ; j'en suis fâché.
On dit que cela ne tient pas à la loi des travaux publics. Mais si nous avons pu contracter, au mois de janvier 1832, un emprunt de 26 millions, ces 26 millions devaient servir premièrement à faire face aux besoins extraordinaires de la guerre et à achever les travaux commencés. Au lieu de cela, vous avez commencé de nouveaux travaux et vous êtes dans l'embarras ; vous avez les députés des Flandres contre vous, et ils ont parfaitement raison de se plaindre que vous n'ayez pas d'argent pour achever ce qui a été commencé il y a onze ens.
Moi, de mon côté, je me plains de ce que M. le ministre des travaux publics ne se soit pas opposé à l'exécution de nouveaux travaux publics, avant qu'on n'eût fait pour le chemin de fer les dépenses complémentaires qui sont indispensables, non seulement pour obtenir un intérêt plus grand des sommes qui ont été engagées dans cette entreprise, mais encore pour y attirer le plus de commerce possible, dépenses complémentaires dont la nécessité a été si bien démontrée par l'honorable M. Rolin.
(page 575) Si M. le ministre des travaux publics ne veut pas d'une enquête proprement dite sur ce qu'il y a à faire, quant au chemin de fer, je voudrais tout au moins qu'on nommât une commission qui serait chargée d'apprécier ce que nous a dit hier M. le ministre des travaux puhlics.
J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien nous faire connaître les motifs pour lesquels il a dévié des prescriptions formelles de la loi, en ce qui concerne les adjudications pour la dérivation de la Meuse. Si, comme je le crains, ces explications ne sont pas satisfaisantes, nous aurons la preuve évidente qu'on n'a eu qu'une seule chose en vue, savoir la dérivation de la Meuse et que tous les autres intérêts de la Belgique ont été mis de coté ; que les impôts qu'on a mis à charge du pays ne l'ont été que pour la dérivation de la Meuse, comme nous l'avons dit très souvent ; que la malheureuse dissolution du sénat n'a été prononcée que pour faire passer une loi qui était repoussée par la grande majorité du pays et qui aujourd'hui encore excite beaucoup de plaintes. Il faut avouer que depuis deux ans nous avons vu des choses bien extraordinaires. Et tout cela tient à une question d'amour-propre. On s'était dit : « Je veux la dérivation de la Meuse et je l'aurai. » A quel prix ? Nous le saurons plus tard.
M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, je regrette que la parole n'ait pas pu m'être accordée pendant le débat qui s'est engagé, au commencement de la séance, sur l'achèvement du canal de Schipdonck. M. le ministre des travaux publics a bien voulu nous annoncer que les travaux de prolongement vers la mer seraient mis en adjudication très incessamment. Je ferai à cet égard une remarque que M. le ministre des travaux publics voudra bien, je l'espère, prendre en très sérieuse considération : un premiercrédit pour l'achèvement du canal de Schipdonck a été compris dans la grande loi des travaux publics. Ces fonds suffiront pour faire la grande écluse de mer à Heyst, l'écluse de garde et une section jusqu'à Damme ; mai sde Schipdonck jusqu'à Damme, il reste encore environ 6 lieues à faire. Rien n'a été demandé jusqu'à présent pour ces travaux complémentaires.
Or, il a été parfaitement démontré dans les discussions qui ont eu lieu en 1846 et en 1851, que tout écoulement un peu notable des eaux de la Lys serait impossible par le canal de Schipdonck, aussi longtemps que ce canal n'aurait pas un débouché vers la mer.
C'est une question hydrodynamique que je n'ai pas la prétention de développer devant la chambre. Tout a été dit à cet égard dans le mémoire de M. l'ingénieur Foret et dans les nombreux rapports du savant ingénieur en chef de la Flandre orientale.
Pour remédier aux inondations du haut Escaut et de la Lys, il faut que le canal soit achevé jusqu'à la mer.
Si mes renseignements sont exacts, les études sont complètes ; je pense même que le tracé a été décidé et approuvé par M. le ministre des travaux publics.
La pente du canal étant déterminée, on pourra dès ce moment travailler aussi rapidement qu'on le voudra. J'engagerai donc M. le ministre des finances à ne pas se borner à adjuger la section de la mer vers Damme, mais à demander à la législature les fonds nécessaires pour commencer simultanément les travaux de Schipdonck vers Damme.
L'avantage que présente la simultanéité ees travaux n'est pas contestable. C'est le seul moyen d'éviter un nouveau retard de trois ou quatre années. Dans d'autres circonstances on a agi de même pour des travaux qui avaient été décrétés en principe.
Nos collègues de Liège ont été plus heureux que nous ; quand la grande loi des travaux publics a été présentée, toutes les études étaient faites, les plans étaient achevés, on a pu procéder immédiatement à une adjudication générale, tandis que pour le canal de Schipdonck, dont il avait cependant été question dès 1846, rien n'était terminé. De là impossibilité d’apprécier le chiffre total de la dépense, de là l’insuffisance des crédits demandés à la législature.
J'ai dit, messieurs, que le canal ne serait réellement utile aux Flandres qu'après son entier achèvement jusqu'à la mer.
Personne ne le contestera. Les intérêts du Hainaut sont engagés dans la question au même degré que ceux des Flandres. Sans le canal de dérivation, on ne peut pas songer à améliorer le haut Escaut.
M. Dumortier. - Pas le moins du monde.
M. T'Kint de Naeyer. - L'honorable M. Dumortier ne voudrait pas, j'en suis persuadé, que pour dégager Tournai on inondât Gand. Or si vous augmentiez la vitesse des eaux supérieures dans leur courant vers la ville de Gand, sans avoir au préalable ménagé un vide dans son bassin, aujourd'hui tellement surchargé que l'inondation est inévitable, on attirerait sur Gand des calamités épouvantables.
Je regretterais d'ouvrir sur ce point un nouveau débat, parfaitement inutile d'ailleurs. L'honorable M. Dumortier a développé son opinion dans maintes circonstances ; on l'a combattu et enfin la chambre lui a donné tort. Le canal de Schipdonck jusqu'à la mer a été définitivement voté en 1851, il n'y a plus moyen de revenir là-dessus.
La chambre a accueilli avec faveur les observations très sages d'ailleurs qui ont été présentées au commencement de la séance, par l'honorable ministre des finances.
Rien sans doute n'est plus dangereux que de se faire illusion sur la situation financière du pays ; mais il faut aussi que la chambre ne se fasse pas illusion sur la portée des résolutions qu'elle a prises.
Les travaux décrétés en principe doivent être achevés. Ce n'est pas avec des excédants de budgets que l'on y parviendra. Pour l'achèvement du canal de Schipdonck un crédit extraordinaire est indispensable. C'est au gouvernement à aviser. Il y a urgence dans l'intérêt même de l'Etat.
Lorsque par des rectifications prudentes et des canaux latéraux on aura régularisé la marche des eaux de l'Escaut et de la Lys de manière à pouvoir se débarrasser du trop plein et conserver à volonté ce qui est utile ou nécessaire pour l'irrigation, toutes les propriétés situées dans les deux vallées acquerront une plus grande valeur étant mises à l'abri des calamités auxquelles elles sont aujourd'hui assujetties.
L'action bienfaisante du canal de dérivation ne se bornera pas à ces vallées, elle s'étendra encore à celles du Moervaert et de la Caele.
En effet, la ressource que présentera le canal de dérivation pour se débarrasser, en temps utile, des eaux surabondantes, permettra à l'administration de ménager les riverains du canal de Terneuzen et du Moervaert souvent inondés aujourd'hui, pour augmenter l'évacuation des eaux à Gand.
Il sera possible encore dans plus d'une circonstance de pratiquer des irrigations sur les mêmes territoires avec les eaux de l'Escaut qui contiennent trois à quatre fois plus de limon que celles de la Lys ; pour cela il n'y aura qu'à intercepter cette rivière à la hauteur de Deynze pour l'envoyer directement à la mer ; et à faire couler l'Escaut par la ville de Gand dans le canal de Terneuzen et le Moervaert dont les rives pourront être submergées à telle hauteur que l'on voudra.
Les vallées de la Caele et du Rekeling, entre Deynze, Nevele et Langerbrugge, pourront à volonté recevoir des eaux d'irrigation du nouveau canal ; et quand elles auront déposé leur limon, on peut s'en débarrasser en les laissant écouler par l'éclusette de Langerbruggen dans le canal de Terneuze.
L'effet du nouveau canal sur la marche de la navigation est facile à comprendre. En abrégeant le temps des débordements intempestifs des rivières, on facilite le mouvement des bateaux ; en détournant de la ville de Gand, une masse d'eau qui aujourd'hui en rend souvent le passage impraticable pendant plusieurs semaines, on aura évidemment produit une amélioration sensible dans la navigation si importante qui s'y pratique et qui ne s'élève pas à moins de 700 mille tonneaux par an. Les usines hydrauliques à leur tour verront la durée de l'état anormal des eaux considérablement diminuée de même que le temps de leur chômage.
En un mot, il est à prévoir que l'eau de l'Escaut et de la Lys, à l'instar de la vapeur dans une bonne machine, pourra être dirigée et ménagée de manière à rendre service à tous les intérêts en contact avec elle.
Vous voyez, messieurs, que le prompt achèvement du canal de Schipdonck intéresse au plus haut degré la fortune publique. Chaque inondation intempestive, mon honorable ami M. Maertens vous l'a dit hier, coûte deux millions aux propriétaires. Il en résulte pour le trésor un accroissement considérable de non-valeurs, et des dépenses extraordinaires. Ainsi cette année, pour remédier autant que possible aux inondations, il a été nécessaire d'ouvrir une voie de décharge par le canal de Terneuzen. La violence des eaux a causé des dégâts que l'on évalue dès à présent à plus de quarante mille francs.
Tous les palliatifs auxquels on a été obligé de recourir coûtent des sommes énormes, il en sera de même pendant plusieurs années, si le gouvernement ne met pas résolument la main à l'œuvre.
Je me joins donc à mes honorables collègues de Gand, pour suppléer M. le ministre des travaux publics de présenter dans le plus bref délai une demande de crédit qui lui permette d'achever sans désemparer le canal de Schipdonck à Heyst décrété par la législature.
- La discussion sst renvoyée à demain.
La séance est levée à quatre heures et demie.