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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 23 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 399) M. Maertens procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des habitants de Dixmude prient la chambre d'adopter la proposition de loi relative à l'exemption de droits en faveur des actes concernant l'expulsion de certains locataires. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner la proposition de loi.


« Les bourgmestres des communes de Serinchamps, Hogne, Waillet, Aye, Humain, Buissonville, réclament l'intervention de la chambre pour que le département des travaux publics ordonne la mise en adjudication des travaux de raccordement de la route de Marche à Namur, et celle de Rochefort à Ciney. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Le sieur Philippart Cavenaile, filateur et fabricant d'étoffes de laine à Tournay, déclare adhérer aux pétitions des filateurs et fabricants de laine relatives à la convention provisoire conclue avec la France, et fait hommage à la chambre de plusieurs exemplaires d'un mémoire en faveur de l'industrie linière. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la convention et distribution des exemplaires du mémoire aux membres de la chambre.


« Le sieur Diels, ancien militaire, affligé d'une ophthalmie qu'il a contractée au service, prie la chambre de lui faire obtenir une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Piet »rs demande que la propriété littéraire des auteurs de livres classiques soit garantie comme toute autre propriété, ou bien qu'il soit accordé aux auteurs de ces productions littéraires une indemnité à charge du trésor. »

- Même renvoi.


« Le sieur Givron, instituteur communal à Tilly, prie la chambre de lui faire payer le subside qui lui a été accordé pour l'année 1851 et celui qu'il doit recevoir pour l'année courante. »

- Même renvoi.


« Les habitants de la ville de Diest prient la chambre d'accorder aux sieurs Tiberghien et compagnie, la concession d'un chemin de fer de Louvain à Diest par Aerschot, avec la garantie d'un minimum d'intérêt. »

M. Landeloos. - Plusieurs considérations qu'on a fait valoir hier en faveur du chemin de fer de Tongres sont également applicables à celui dont il s'agit dans la pétition. Je propose le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs propriétaires et cultivateurs de Bassevelde déclarent adhérer à la pétition des habitants d'Assenede, relative à l'achèvement du canal de Zelzaete à la mer du Nord. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- M. Coomans demande un congé.

- Accordé.

Projet de loi approuvant la convention provisoire conclue entre la Belgique et la France

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de loi, qui est ainsi conçu :

« La convention provisoire conclue, le 9 décembre 1852, entre la Belgique et la France, sortira son plein et entier effet. »

86 membres sont présents.

62 adoptent.

8 rejettent.

16 s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Haerne, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Faignart, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Lelièvre, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle (Ch.), Sinave, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Brixhe, Clep et Delfosse.

Ont vote le rejet : MM. de Perceval, Manilius, Moreau, Moxhon, Thiéfry, Verhaegen, Closset et David.

Se sont abstenus : MM. de Brouwer de Hogendorp, de La Coste, Jacques, Janssens, Lebeau, Lesoinne, Loos, Mascart, Peers, Prévinaire, Rogier, Roussel (A.), Van Overloop, Allard, Anspach et Dautrebande.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de La Coste. - Messieurs, si de mon vote avait dépendu le sort de la loi, des négociations futures et du cabinet, je dois déclarer franchement que ce vote eût été approbatif ; mais cela n'étant pas, j'ai cru devoir faire usage de mon droit d'abstention pour constater mes réserves quant à la question des octrois, et à celle des fils de laine.

M. Jacques. - Messieurs, je désire beaucoup que les relations de la Belgique avec la France puissent rester sur un pied amical ; c'est ce qui ne m'a pas permis de voter contre le projet de loi. Mais je n'ai pas pu voter pour la convention provisoire du 9 décembre parce qu'elle remet en vigueur le traité de 1845 qui accorde une réduction d'impôts d'environ 900,000 francs à ceux qui consomment des vins de France en Belgique.

M. Janssens. - Je n'ai pas voté contre, parce que je désirais éviter d'émettre un vote hostile, au moment où des négociations nouvelles se poursuivent.

Je n'ai pas voté pour, parce qu'il m'est impossible d'aider à remettre en vigueur une convention que j'ai toujours envisagée comme onéreuse pour la Belgique et qui l'est aujourd'hui bien plus qu'à l'époque où elle a été conclue, en 1845. Je crains même, messieurs, que ce ne soit nous placer à un point de départ bien désavantageux, que de reprendre les négociations par la réacceptation de ce traité.

M. Lebeau. - J'ai déjà présenté, dans le comité secret, une partie des objections que j'avais à faire contre le traité ; je ne crois pas avoir le droit de les renouveler en séance publique.

Je n'ai pas voté pour le projet, parce que, opposé en principe aux traités de commerce, cette opinion s’est encore fortifiée, chez moi, par l’expérience que nous en avons faite.

D'autre part, je n'ai pas voté contre le traité actuel, parce que je ne méconnais pas l'importance des considérations politiques qui ont décidé le ministère à nous le présenter, et parce qu'en outre, je n'ai pas voulu, par un vote négatif, montrer une apparence d'hostilité au cabinet que j'ai vu arriver avec plaisir aux affaires, et avec lequel je désire rester le plus longtemps possible en bon accord.

M. Lesoinne. - Je n'ai pas voté contre le traité, parce que je veux laisser au gouvernement les moyens de négocier avec la France un traité dont je lui laisse la liberté d'apprécier les conditions et que je me réserve de juger lorsqu'il sera présenté. D'un autre côté, je n'ai pas voulu voter pour la convention, parce que, comme mon honorable collègue M. Lebeau, je suis adversaire des traités de commerce qui nous lient dans notre politique commerciale intérieure de manière à nous empêcher d'abaisser nos propres tarifs, cette mesure fût-elle même jugée nécessaire à la prospérité de notre industrie.

M. Loos. - Je n'ai pas voté contre, parce qu'à certain point de vue la convention provisoire me paraît avantageuse.

Je n'ai pas voté pour, parce que la durée de cet acte n'est pas déterminée par une date fatale, et qu'ainsi nos relations avec la France peuvent, certaine éventualilé venant à se réaliser, se trouver dans une situation pire que celle que la convention a pour but de faire cesser.

M. Mascart. - Je me suis abstenu pour les motifs énoncés par M. Lesoinne.

M. Peers. - Je me suis abstenu pour les motifs énoncés par l'honorable M. Loos.

M. Prévinaire. - Je ne refuserai jamais mon concours au gouvernement lorsqu'il s'agira de traités avec l'étranger, surtout sur des bases qui seraient de nature à élargir le cercle d'action de notre industrie ; sous ce rapport, je n'ai pas voulu voter contre le traité. Mais je n'ai pas voulu voter pour le traité parce qu'il consacre, même à titre (page 400) provisoire, le rétablissement d'un traité désastreux pour la Belgique.

M. Roussel. - Je désire les bonnes relations de mon pays, spécialement avec la France. C'est le motif pour lequel je n'ai pas donné un vote défavorable au projet de loi.

Je n'ai pas donné un vote approbatif parce que je ne comprends pas toutes les clauses de ce traité. Je l'aurais admis comme convention provisoire ; je ne pourrais l'adopter s'il constituait un traité perpétuel.

M. Van Overloop. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que M. Janssens.

M. Allard. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Loos.

M. Anspach. - Messieurs, par principe je ne m'abstiens jamais, mais après ce qui s'est passé, je suis obligé de le faire. Je ne veux pas qu'on travestisse mon vote et qu'on lui prête une portée, une intention que je n'ai jamais eue.

Je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que ce projet a été généralement bien vu et que l'opinion publique lui a été favorable. J'ajouterai que le résultat immédiat de sa présentation a été une reprise d'affaires dans l'industrie linière ; mais s'ensuit-il de là que le traité de 1845, dans son ensemble, soit favorable aux intérêts généraux de la Belgique ? Nullement, messieurs ; ce traité, qui a été conclu spécialement dans l'intérêt de l'industrie linière, n'a pas répondu à notre attente ; les exportations linières vers la France ont diminué de près des trois quarts.

M. le président. - M. Anspach, bornez-vous à faire connaître les motifs de votre abstention. Ne rentrez pas dans la discussion.

- M. Anspach continue pendant quelque temps ; sa voix est couverte par le marteau du président et par le bruit que fait la chambre. Il termine ainsi : Ne trouvant pas dans la loi l'obligation pour M. le ministre d'arriver à la conclusion d'un traité dans un temps donné, je n'ai pas voulu voter pour la loi. Je pensais même que c'était une arme que je donnais au ministre pour défendre avec plus de fermeté les intérêts du pays.

M. Dautrebande. - Je me suis abstenu par les motifs qu'ont fait valoir mes honorables collègues MM. Lebeau et Lesoinne.

M. Rogier. - J'ai toujours été et je reste favorable à tout arrangement qui établirait nos rapports commerciaux sur la base d'une réciprocité équitable, et assurerait à nos intérêts industriels une garantie réelle et durable.

Je n'aperçois dans l'acte qui nous est soumis ni ce caractère ni ces conséquences. Je n'ai donc pas pu voter pour.

D'un autre côté, à peine sorti du pouvoir, je n'ai pas voulu émettre un vote négatif qui pût être envisagé comme un obstacle suscité à l'action de mes successeurs dans les négociations futures.

J'ai fait connaître mon opinion en comité secret. J'attendrai, pour le reste, le moment des explications publiques.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je me suis abstenu par les motifs qu'a fait valoir l'honorable M. Janssens.

M. Orban. - Mon intention était de voter pour le traité ; mais, trompé par l'ordre du jour, j'ai cru que la séance était fixée à une heure, je ne suis pas arrivé à temps pour prendre part au vote.

M. de Liedekerke. - J'avais demandé la parole pour faire la même observation que M. Orban, les mêmes raisons m'ont empêché d'assister au commencement de la séance.

M. Dumortier. - Et moi aussi.

Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour l’année 1853

Rapport de la section centrale

M. Thiéfry. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi présenté par M. le ministre de la guerre, ayant pour objet de fixer le contingent de l'armée pour 1853.

Ce projet est urgent. Si la chambre voulait me permettre de donner lecture du rapport, peut-être jngerait-elle, après l'avoir entendu, qu'il y a lieu de passer immédiatement à la discussion et au vote du projet. (Lisez ! lisez !)

Messieurs, conformément à l'article 119 de la Constitution, M. le ministre de la guerre a déposé un projet de loi déterminant le contingent de l'armée pendant l'année 1853.

Par mesure transitoire résultant de la loi du 8 mai 1847, la législature a fixé, pour 1852, la force numérique de l'armée à 70,000 hommes, y compris un contingent annuel de 10,000 hommes.

Le projet de loi fixe également à 10,000 hommes le contingent de la milice pour 1853, et celui-ci ne sera mis à la disposition du gouvernement qu'après que la classe de 1845 aura été congédiée, de sorte que, par mesure transitoire, la force de l'armée sera encore de 70,000 hommes.

L'adoption du projet de loi, comme l'a dit M. le ministre, ne préjuge rien ni sur le mode de recrutement, ni sur le chiffre que comporteront la nouvelle organisation et la nouvelle loi sur la milice, qui seront soumises prochainement aux chambres.

La section centrale, à l'unanimité, propose, en conséquence, l'adoption du projet de loi présenté par M. le ministre de la guerre.

- La chambre décide qu'il sera passé immédiatement à la discussion du projet de loi dont rapport vient d'être fait.

Vote des articles et sur l'ensemble

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Par mesure transitoire résultant de la loi du 8 mai 1847, le contingent de l'armée pour 1853 est fixé au maximum de soixante et dix mille hommes. »

- Adopté.


« Art. 2. Le contingent de la levée de 1853 est fixé au maximum de dix mille hommes qui sont mis à la disposition du gouvernement. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1853. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

86 membres y prennent part.

85 répondent oui.

1 membre (M. Jacques) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Faignart, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau. Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (C), Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Clep, Closset, Dautrebande et Delfosse.

M. le président. - M. Jacques est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Jacques. - Les circonstances actuelles ne permettent pas de réduire la force numérique de l'armée ; mais j'ai fait connaître dans plusieurs autres occasions les motifs qui ne me permettront plus de voter la loi annuelle dn contingent, aussi longtemps que notre système de recrutement n'aura pas été rendu plus équitable.

Projet de loi prorogeant le tarif des correspondances télégraphiques

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai l'honneur de présenter un projet de loi tendant à proroger pour une année le tarif des correspondances télégraphiques.

Comme il y a urgence pour l'adoption de ce projet, je propose de le renvoyer à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui est renvoyé à l'examen de la section centrale pour le budget des travaux publics.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Osy. - Messieurs, je connais l'impatience de la chambre. Aussi je prends l'engagement d'être très court et de ne présenter que les observations qui me paraissent les plus urgentes. Je me réserve d'en faire d'autres lors de la discussion du budget des travaux publics, sur lequel on nous promet un rapport pour notre rentrée après la vacance de janvier.

Mais il est un objet assez urgent sur lequel je dois prendre immédiatement la parole.

Lors de la discussion du grand projet de loi des travaux publics, nous avions, en section centrale, propose un crédit pour l'achèvement des stations.

L'honorable M. Rolin, ancien ministre des travaux publics, a fortement appuyé la proposition que nous avions faite en section centrale. Cependant le gouvernement ne s'y est pas rallié. Maintenant je prierai le gouvernement de s'occuper enfin de cette affaire, qui devient très urgente. La section d'Anvers devient par trop petite, par suite du grand mouvement d'affaires. Vous conviendrez, messieurs, qu'il est impossible de laisser les stations d'Anvers et de Liège dans l'état où elles se trouvent.

Il est un autre objet plus urgent encore. Pendant tout le courant de l'année actuelle, le commerce et la chambre de commerce se sont adressés maintes fois à M. le ministre des travaux publics, non seulement verbalement, mais aussi par des lettres très pressantes, pour se plaindre du manque de matériel de transport pour les marchandises destinées a l'Allemagne. La chambre de commerce a adressé entre autres une lettre très pressante à M. le ministre, au mois de juillet dernier ; cette réclamation a été renouvelée à la fin d'octobre ; les mêmes plaintes continuent à se faire entendre et toujours sans succès.

(page 401) Or, messieurs, la Hollande, qui est notre grande rivale commerciale, fait tout ce qu'elle peat pour attirer chez elle le commerce et le transit. Elle a considérablement diminué les frais de transport par l'abolition de tous les octrois sur les eaux intérieures et sur le Rhin. Elle a, en outre, perfectionné ses moyens de transport par l'établissement de remorqueurs qui vont depuis Rotterdam et Dordrecht jusqu'à Manheim et Bàle. Il est impossible, messieurs, que nous abaissions nos frais de transport au même taux que la Hollande, mais nous avons une autre arme, que la Hollande n’a pas, c’est la promptitude, et je voudrais qu'à cet égard, M. le ministre des travaux publics ne perdît pas de vue ce qu'on dit en Angleterre : « time is money », « le temps est de l'argent. »

Si nous pouvions faire arriver les marchandises en Allemagne et en Suisse plus rapidement qu'elles n'y arrivent par la Hollande, ce serait une compensation que nous offririons au commerce et qui pourrait l'engager à préférer la voie belge. Eh bien, que fait M. le ministre des travaux publics ? Presque toujours les marchandises déposées à la station d'Anvers y restent pendant huit jours.

Le hangar que M. le ministre a fait construire l'année dernière est tellement comble qu'on est obligé de laisser les marchandises en plein air. Nous envoyons en Allemagne beaucoup plus de marchandises pondéreuses que l'Allemagne ne nous en renvoie ; il en résulte que les waggons reviennent presque toujours à vide ; eh bien, ces waggons vides sont retenus à Liège, à Tirlemont et à Louvain, tandis que s'ils étaient renvoyés directement à Anvers on pourrait les utiliser.

Il résulte de tout cela que les marchandises envoyées par eau d'Anvers à Louvain et chargées là sur le chemin de fer, arrivent plus vite à Cologne que celles qui sont expédiées directement d'Anvers par le chemin de fer.

Voilà, messieurs, comment le temps est utilisé. Certainement le matériel n'est pas suffisant, mais si on l'utilisait, le service marcherait beaucoup plus convenablement.

Voici, messieurs, un autre inconvénient. Les bâches qui servent à couvrir les marchandises sont dans un tel état, qu'au lieu d'en mettre une ou deux, on est obligé d'en mettre quatre ou cinq. Cependant, nous avons à Malines un atelier contre lequel nous nous sommes toujours élevés parce qu'il coûte énormément ; il me paraît qu'on pourrait très bien y faire arranger les bâches...

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il n'y en a pas assez.

M. Osy. - Mais alors pourquoi en employer quatre ou cinq au lieu d'une ou deux ? Nous dépensons beaucoup d'argent pour des choses inutiles et nous n'en avons plus pour les dépenses nécessaires.

J'engage vivement le gouvernement à nous présenter un projet de loi pour l'achèvement de nos stations. Qu'il examine si, en effet, comme j'en suis persuadé, le matériel destiné au transport des marchandises est insuffisant. Je l'engage surtout à faire en sorte que les waggons soient envoyés là où les marchandises les réclament tous les jours. Le chef de station d'Anvers lui-même doit avoir réclamé à cet égard auprès da gouvernement ; il n'a rien obtenu. Pour ce qui est des bâches, je crois que si elles étaient bien entretenues il ne faudrait pas en faire faire beaucoup de nouvelles.

Je prie M. le ministre des travaux publics de s'occuper le plus tôt possible des réclamations que je viens de rappeler et qui sont très vives. J'espère que M. le ministre nous donnera quelques explications et qu'il ne tardera pas davantage à remédier au mal.

Je réserve le reste de mes observations pour la discussion du budget des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je suis bien loin de prétendre qu'il n'y a pas beaucoup à faire pour améliorer la situation du chemin de fer et pour rendre, par l'extension du matériel roulant et l'achèvement des stations, l'exploitation tout à la fois plus facile, plus économique et même plus productive. Je crois, messieurs, à cet égard, pouvoir m'en rapporter aux déclarations faites lors de la discussion du budgel des travaux publics et lors de la discussion de l'amendement dont vient de parler l'honorable préopinant. Il est certain, messieurs, que par suite de l'ouverture de nouvelles sections du chemin de fer de la Dendre, il deviendra nécessaire de compléter le matériel roulant, d'augmenter le nombre de nos locomotives et d'achever certaines stations, surtout celles où s'effectuent les grands transports. A cet égard je puis donner l'assurance à l'honorable membre, que d'ici à peu de temps le gouvernement présentera à la législature un projet de loi destiné à remédier aux inconvénients qui ont été signalés.

Cependant je tiens à déclarer, messieurs, que quant aux faits qui ont été produits par l'honorable préopinant, il y a une certaine exagération.

Il n'est pas exact de dire que dans le cours de cet exercice les grands transports qui s'expédient d'Anvers ont éprouvé des retards nombreux et presque journaliers ; je me suis fait rendre un compte exact de ce qui s'est passé. La vérité est que, dans le cours de cet exercice, avec un matériel que je reconnais incomplet et en l'absence de hangars et d'abris suffisants on a fait face à un mouvement d'environ quatorze à quinze cent mille tonnes de marchandises.

Il y a eu, je l'avoue, pendant quelques semaines, dans le service des transports à Anvers, une perturbation fâcheuse ; mais elle résultait surtout du défaut de bâches auquel il pourra être remédié, puisque plus de 300 bâches sont commandées et seront payées sur le crédit d'un million qui a été alloué par la loi sur les travaux publics.

Au reste, je le répète, le gouvernement ne perd pas de vue les nécessités d'une situation fâcheuse et qui le deviendra surtout lors de l'adjonction de nouvelles lignes au réseau national.

M. Desmaisières. - Messieurs, je viens d'apprendre que la section centrale, chargée d'examiner le budget des travaux publics, a voté aujourd'hui même le renvoi à M. le ministre des travaux publics, de plusieurs pétitions relatives à l'achèvement du canal de Zelzaete.

Je saisis donc cette occasion, non pas pour signaler à M. le ministre des travaux publics toute l'importance, je suis persuadé qu'il la comprend comme moi, toute l'importance, dis-je, qu'il y a à achever sans délai cet ouvrage si utile au pays, mais seulement pour le prier de vouloir bien instruire promptement cette affaire aussi urgente qu'importante, afin d'être à même de nous faire une proposition à cet égard, lors de la discussion de son budget.

M. Osy. - Je suis entièrement satisfait de la réponse de M. le ministre des travaux publics en ce qui concerne les stations : M. le ministre annonce qu'il nous fera sous peu des propositions pour l'achèvement des stations.

Pour ce qui est du matériel, je ne me déclare nullement satisfait. M. le ministre dit que pendant quelques semaines il y a eu effectivement des réclamations. Je tiens ici des réclamations de la chambre de commerce du mois de juillet et du mois d'octobre dernier, et j'ai vu la semaine dernière une députation de la même chambre, qui venait renouveler les mêmes plaintes.

Il ne s'agit donc pas de réclamations qui n'auraient été faites que pendant quelques semaines.

M. le ministre des travaux publics déclare que lorsque le chemin de fer d'Audeghem sera ouvert, il faudra augmenter le matériel. Je demande qu'on augmente le matériel pour les lignes qui existent déjà.

M. le ministre nous dit que sur le crédit d'un million, voté dans la loi des travaux publics, il restait encore à fournir 400 bâches ; il y a un an que ce crédit a été voté, et je suis étonné que les bâches ne soient pas encore livrées ; on aurait pu avoir ces bâches un mois ou six semaines après le vote du crédit.

Je recommande instamment à M. le ministre de faire droit aux vives réclamations qui lui ont été adressées par le commerce. J'espère que, dans le courant de l'année, il pourra nous mettre à même de lutter avec nos voisins, sinon pour les frais de transport, du moins pour la vitesse.

M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, je ne parlerai pas de l'incident qui vient d'être soulevé par l'honorable M. Osy ; je crois, messieurs, qu'il faut ajourner la question du matériel roulant du chemin de fer jusqu'à la discussion du budget des travaux publics, discussion qui pourra avoir lieu dans 4 ou 5 semaines ; le rapport de la section centrale sera déposé le jour même de la rentrée de la chambre.

Nous pourrons alors examiner à fond cet objet comme beaucoup d'autres.

J'ai dit dans le rapport sur le crédit provisoire en discussion que le projet de loi présenté par l'honorable ministre des travaux publics n'a donné lieu à aucune observation de la part de la section centrale ; je dois dire cependant qu'il a été décidé qu'une interpellation serait faite à M. le ministre des travaux publics.

Si la section centrale est bien informée, il y a eu un déficit sur les crédits alloués au budget de 1851 ; il doit y avoir un déficit sur l'article 59 (personnel) et un autre déficit sur l'article 67 (matériel). Le premier est peu important ; le second est assez considérable. Des employés n'ont pas été remboursés de certains frais dont ils ont fait les avances ; des fournisseurs ne sont pas encore payés. La section centrale demande à M. le ministre s'il entre dans ses intentions de présenter bientôt un projet de loi, tendant à ouvrir à son département un crédit supplémentaire, destiné au payement des sommes qui doivent encore être liquidées sur l'exercice 1851. Il nous semble que ce serait là une chose convenable.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, en réponse à l'observation que vient de présenter l'honorable rapporteur, je dois déclarer à la chambre qu'en effet elle sera saisie prochainement de la demande d'un crédit supplémentaire ; toutefois, si je m'en rapporte aux renseignements que je possède, mais qui, je l'avoue, ne sont pas encore complets, l'insuffisauce porte presque exclusivement sur les salaires et sur quelques autres articles du budget des travaux publics. On en comprend facilement le motif : lorsque le budget des travaux publics a été arrêté l'année dernière, on a dû nécessairement prendre pour bases des prévisions les transports effectués pendant l'exercice dans le cours duquel on discutait le budget ; par suite d'un accroissement considérable dans les transports, il s'est trouvé, quant aux salaires, une insuffisance qu'aggrave encore la siiualion fâcheuse où se trouvent nos principales stations.

M. Brixhe. - Messieurs, l'honorable M. Osy vient de vous soumettre ses justes observations sur la nécessilé d'agrandir la station d'Anvers. Je crois devoir saisir cette occasion pour prier M. le ministre des travaux publics de vouloir bien aussi s'occuper sérieusement de la station) de Charleroy qui compte parmi les plus importantes du raiiway national.

Plusieurs chemins de fer aboutissent à cette station, celui de l’Etat venant de Bruxelles et venant de Namur, celui de Louvain, celui d'Erquelinnes et celui de Sambre-et-Meuse.

J'engage donc M. le ministre des travaux publics à donner enfin les (page 402) locaux nécessaires à la station de Charleroy dont on ne peut contester la grande importance.

M. Sinave. - L'honorable M. Osy ainsi que d'autres honorables membres viennent d'inviter M. le ministre des travaux publics à faire construire de nouvelles stations. Je ne m'oppose nullement à ces constructions ; mais j'invite M. le ministre à terminer d'abord les lacunes qui existent dans les secondes voies, par exemple, dans celle de Gand à Ostende.

M. le président. - Il ne s'agit en ce moment que d'un crédit provisoire au département des travaux publics. Je demande que l'on réserve les observations relatives au budget, pour le moment où il sera soumis aux délibérations de la chambre.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

La chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics un crédit provisoire de deux millions six cent quatre-vingt-trois mille huit cent quarante-sept francs dix-neuf centimes (fr. 2,683,817 19 c), pour faire face aux dépenses des deux premiers mois de l'exercice 1853. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1853. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 80 membres présents et qui sera transmis au sénat.

Ont voté le projet : MM. de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Letièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (C), Sinave, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Clep, Closset, Dautrebande, David et Delfosse.

Projet de loi modifiant la loi sur les distilleries

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Aux termes de l'article 8 de la loi sur les distilleries du mois de décembre 1851, le gouvernement doit présenter, au plus tard le 31 de ce mois, un projet de loi qui modifie quelques-unes des dispositions relatives aux distilleries agricoles. Il faudra encore deux ou trois jours pour mettre le travail préparatoire en harmonie avec la loi qui existe aujourd'hui ; ce projet de loi ne pourrait donc être déposé que le 31 de ce mois, si la chambre était réunie.

Il n'entre pas dans mes intentions d'empêcher la chambre de prendre des vacances à la fête de Noël, mais j'ai voulu lui déclarer que je ne pourrai présenter le projet de loi en question, qu'à la reprise des travaux législatifs, vers le milieu de janvier.

- Plusieurs membres. - Très bien !

Ordre des travaux de la chambre

M. Rodenbach (pour une motion d’ordre). - Nous avons à l'ordre du jour le budget des affaires étrangères ; je crois qu'il sera voté aujourd'hui ; mais vous savez, messieurs, qu'il est d'usage qu'à l'occasion des fêtes de Noël la chambre se donne une vacance. Cette année, nous avons été réunis plus tôt que les années précédentes ; il y a déjà longtemps que nous siégeons, et je pense que nous pouvons bien prendre une vacance. Je propose donc qu'à dater de demain soir nous nous ajournions jusqu'au mardi 18 janvier.

MM. les ministres ne sont aux affaires que depuis peu de temps, ils utiliseront ce temps pour l'étude des questions nombreuses qui doivent bientôt nous être soumises, et à notre retour, nous trouverons les projets de loi prêts à être mis en discussion. La marche ultérieure de nos travaux ne pourra qu'y gagner.

- La motion d'ordre esl mise aux voix et adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1853

Discussion générale

Le gouvernement se rallie aux amendements de la section centrale ; la discussion s'ouvre sur le projet de la section centrale.

M. Osy. - Je tâcherai d'être très bref dans les observations que j'ai à présenter à l'occasion du budget des affaires étrangères.

La grande augmentation que le budget des affaires étrangères comporte cette année consiste dans une demande de crédit pour les légations. En 1848 lorsque l'on a fixé le traitement de quelques ambassadeurs, j'ai trouvé que le gouvernement allait trop loin, et j'ai cru que sans abaisser si fortement ces traitements, l'on aurait pu trouver une économie en ayant moins de légations ; j'avais même présenté un amendement tendant à n'avoir à Constautinople qu'un consul au lieu d'y avoir un chargé d'affaires. Cette économie aurait pu nous mettre à même d'augmenter les traitements de ces légations dans les grandes capitales où nos affaires sont les plus considérables. Mon opinion n'a pas prévalu.

Aujourd'hui la demande que fait le gouvernement d'augmenter les traitements des légations principales que je viens de signaler, me fera donner mon vote approbatif aux chiffres proposés par le gouvernement. Dans la section centrale nous avens proposé d'augmenter l'allocation pour l'Italie, qui n'était pas comprise dans les augmentations proposées par le gouvernement ; par ce moyen il sera peut-être possible d'avoir en Italie deux légations : un ministre plénipotentiaire à Rome et un chargé d'affaires à Turin.

La principale observation que j'ai à faire, je l'ai déjà présentée dans une discussion précédente, elle consiste à demander la réunion dans un même ministère de ce qui concerne le commerce et l'industrie. Je crois que si M. le ministre des affaires étrangères veut examiner les rapports successifs des sections centrales tant de l'intérieur que des affaires étrangères, il verra qu'on donne de très bonnes raisons pour opérer cette réunion. L'industrie et le commerce se lient si étroitement que quand il s'agit de conclure un traité, il faut connaître aussi bien les besoins du commerce que ceux de l'industrie.

Par la réunion que je propose, indépendamment des économies qu'on pourrait faire sur le personnel, le ministre pourrait savoir journellement ce que réclament et l'intérêt du commerce et l'intérêt de l'industrie, et quand le gouvernement aurait à conclure un traité ou à modifier le tarif des douanes, il pourrait le faire en pleine connaissance de cause.

Le budget de l'intérieur se compose de tant d'objets, qu'on pourrait très bien en détacher l'industrie pour la transporter aux affaires étrangères où les occupations sont beaucoup moindres. En effet, ce département n'a guère à s'occuper que des traités de commerce. Nous en avons conclu avec la Hollande et avec les Etats-Unis, il ne nous reste que deux affaires à terminer, elles sont assez difficiles et assez compliquées, ce sont les traités avec la France et avec le Zollverein.

C'est précisément pour ces deux traités qu'il importe que le ministre qui doit en suivre les négociations, ait dans son département le commerce et l'industrie pour en consulter les besoins.

Dans la discussion du précédent budget des affaires étrangères, nous avons agité une autre question. Je disais que je croyais qu'il faudrait examiner s'il ne serait pas convenable de réformer le mode de nomination des chambres de commerce. Je ne disais pas mon opinion sur le mode de nomination qu'on devrait adopter.

On a écrit aux chambres de commerce pour connaître leur opinion. Je ne sais ce que les autres chambres ont répondu, mais la chambre de commerce d'Anvers a trouvé que la nomination par des notables ou par les plus fort patentés serait préférable au mode actuel, car avec la nomination par les membres de la chambre, et ces membres pouvant se perpétuer, le même système y prévaudra toujours. Si la chambre est pour le système de la prohibition, elle se recrutera parmi les hommes favorables à ce système, et si le commerce penche vers le free trade, il y aura résistance, tiraillement entre la chambre qui veut la prohibition et le commerce qui désire des changements à notre système commercial ; il n'en serait pas ainsi si le commerce pourrait manifester son opinion par des élections.

La chambre de commerce d'Anvers est composée de 21 membres, elle se renouvelle tous les ans par tiers ; le tiers de 21 est 7, il est autorisé à conserver le tiers des membres sortants, soit 2. Il ne faut plus faire entrer que 5 nouveaux membres que le corps même nomme ou plutôt désigne à la nomination du gouvernement.

Vous voyez qu'il y a là un très grand vice. Ce vice, je l'ai examiné sous toutes ses faces.

Le rapport de la chambre de commerce d'Anvers le condamne ; s'il y a d'autres chambres de commerce qui expriment une opinion contraire, je le conçois, elles plaident leur cause, elles veulent maintenir ce qui existe.

Aussi je ne veux pas m'appuyer sur les chambres de commerce de la Belgique. Voyons ce qui se fait ailleurs. En France on avait appliqué le suffrage universel, on y a substitué la nomination par les notables. J'ai vu l'ouverture de la chambre de commerce de Marseille par le préfet des Bouches-du-Rhône, il se félicite du nouveau mode adopté.

En Hollande où le commerce est très honoré, depuis deux ans le même système y fonctionne. Le gouvernement par arrêté fixe le nombre des électeurs et le cens à payer par eux. Vous comprenez que dans une ville comme Amsterdam le cens doit être différent de celui qu'on peut demander dans une petite ville de la Zélande. Le gouvernement s'est donc réservé la fixation du cens des électeurs pour les chambres de commerce.

En Prusse, la nomination se fait aussi par voie d'élection. Je crois que la question est mûre. Je conçois que M. le ministre des affaires étrangères n'a pas pu en deux mois s'occuper de toutes les questions à résoudre dans son département ; je l'engage à examiner non seulement les rapports de nos propres chambres de commerce mais de se faire renseigner sur ce qui se fait en France, en Hollande et en Prusse ; je pense qu'il finira par admettre le système que je défends aujourd'hui mais que je n'indiquais que timidement l'année dernière, parce que je n'étais pas convaincu comme aujourd'hui.

A la session dernière nous avons voté une loi qui expire à la fin de mars et doit être remplacée par une loi définitive, je veux parler de la réforme douanière. Pour préparer une loi semblable, il faut un temps moral assez long, car il faut examiner le système auquel le gouvernement voudra donner la préférence. J'engage le gouvernement à nous le (page 403) présenter de manière que nous puissions l'examiner mûrement et y introduire des changements si nous le croyons utile.

Il est d'autant plus urgent de connaître, à temps, l'opinion du gouvernement, que, dans la session dernière, par cette loi de réforme douanière, nous avons autorisé le gouvernement à faire une brèche à notre système des droits différentiels, c'est-à-dire à ne plus assujettir les importations de sucres aux dispositions relatives à la relâche. Le commerce doit savoir quelle est l'opinion du gouvernement pour cette grande branche d'exportation, parce qu'il est plus que temps de donner des ordres aux colonies. Si le gouvernement veut nous accorder définitivement ce qu'il a accordé l'an dernier et ne plus interdire la relâche pour les navires important en Europe des cargaisons de sucres, le commerce pourra examiner s'il faut donner des ordres aux colonies, pour tous ses besoins, ou seulement pour une partie ou de pouvoir continuer d'acheter, sous voiles, des cargaisons de sucres bruts.

J'ai insisté l'an dernier pour obtenir que cette faveur fût étendue à un autre article de grande exportation, au café. Je n'ai pas compris pourquoi le ministère d'alors n'y a pas consenti. La seule chose que disait M. le ministre des finances était qu'il voulait faire un essai sur les sucres, et que si l'on n'y voyait pas d'inconvénient on pourrait étendre cet essai aux cafés. La campagne étant finie, le gouvernement doit connaître les résultats de cet essai. Je demande que le gouvernement, dans le projet qu'il présentera, nous donne la même faveur pour le café.

Depuis la session dernière il y a un nouvel incident qui m'engage à insister sur cet avantage que nous demandons pour le commerce. Le commerce de Bruxelles et le commerce du Limbourg ont, comme de raison, demandé à pouvoir recevoir directement de Hollande, dans leurs entrepôts, une partie du café importé de ce pays avec droits réduits.

Le gouvernement a très bien fait, d'après moi, d'accorder cette faveur à Bruxelles, pour 500,000 kilog., à deux petits bureaux du Limbourg, pour 200,000 kil. Je ne critique pas cela. Je ne suis jaloux de personne. Mais vous allez voir le résultat.

Je ne désapprouve pas ce que le gouvernement a fait ; je crois que tout le commerce a droit aux mêmes faveurs. Mais voilà 700,000 kilog. de café de moins qu'auparavant. En compensation de ce que nous perdons, nous demandons pouvoir importer du café Brésil ou autre. Il est juste de nous donner une compensation de ce que le gouvernement a fait, à juste titre, pour le commerce de Bruxelles et du Limbourg.

Des droits différentiels, il faut le dire, il ne reste plus rien. En effet, par suite de nos traités avec la Hollande, la Prusse et l'Angleterre, il n'y a plus que huit articles qui restent soumis au régime des droits différentiels ; ce sont : le sucre, le café, le coton, le riz et quatre autres articles. De ces huit articles, il n'y en a que deux qui s'achètent sous voile ; ce sont le sucre et le café. Les cotons, les bois de teinture, les cuirs ne se vendent jamais sous voiles. Il en est de même du riz, que nous recevons directement des Indes. Il ne reste donc que le café.

Je demande que le gouvernement, dans son nouveau projet qu'il nous présentera d'ici à très peu de temps, je l'espère, nous fasse savoir s'il maintient la faveur accordée pour les sucres et s'il étend cette faveur aux cafés.

Par nos traités avec la Hollande, avec l'Angleterre, nous sommes entrés dans un autre système. Dans la discussion, je me suis fortement opposé à cette abolition des droits différentiels par des traités commerciaux, tandis que nous aurions dû commencer par changer notre système commercial par une discussion spéciale.

La majorité en a décidé autrement. J'admets ce point de départ. Je dis : Il ne reste plus rien des droits différentiels. Nous demandons la même faveur pour le café. J'espère que le gouvernement la comprendra dans le projet de réforme douanière, et qu'il maintiendra la faveur accordée pour les sucres.

J'ai maintenant à appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur un fait qu'il doit connaître parfaitement par suite de la mission qu'il a remplie en Italie.

Depuis deux ans, je réclame comme un arrêté libéral qu'il soit permis de comprendre dans la cote de fonds publics, les fonds solides de toutes les nations. Comment ! on nous permet de faire coter, à nos bourses, un emprunt du Piémont, contracté en 1839, par la maison Rothschild, et l'on nous défend de coter l'emprunt piémontais 5 p. c. fait à Londres par la maison Hambro.

Qu'ont dit, à cet égard, MM. d'Hoffschmidt et Frère ? Ils ont dit : Nous ne voulons permettre la cote des fonds étrangers que pour les Etats qui permettent la cote, à leurs bourses, des fonds belges. Quoique je ne trouve cette raison nullement fondée, j'ai cependant obtenu, par mes amis de Gênes et de Turin, une pièce authentique de l'honorable M. Cavour, que, lorsqu'on voudra faire, à Gênes ou à Turin, des affaires en fonds belges, il ne s'y opposera pas. Mais si les Italiens ne veulent pas acheter des fonds belges, ni M. Cavour ni moi ne pouvons les y forcer. Cette autorisation a été remise par moi à M. d'Hoffschmidt, et doit se trouver au ministère.

Maintenant, si des Belges veulent acheter des emprunts piémontais contractés à Londres, pourquoi les en empêcher ? Est ce une faveur que l'on veut faire à une maison de Paris ? Je ne sais. Dans les circonstances actuelles, je ne vois pas pourquoi l'on favoriserait plutôt une maison de Paris qu'une maison de Londres.

Il y a des fonds étrangers, dans lesquels les Belges aiment à faire des placements. Depuis 60 ans on cote, à Anvers, un emprunt russe de 1789. Comment se fait-il qu'on interdise la cote d'un emprunt contracté en 1850 ?

Le Danemark a contracté, il y a 80 ans, un emprunt qui a toujours été coté à la bourse d'Anvers. Comment se fait-il qu'on interdise la cote d'un emprunt contracté par ce pays depuis les événements de 1848 ?

Je sais qu'on me dira que l'on préférerait que les capitalistes belges fissent leurs placements en fonds belges plutôt qu'en fonds étrangers. Mais jamais vous ne pourrez empêcher les rentiers de placer leurs fonds comme ils le jugeront convenable.

C'est une mesquinerie d'interdire la cote à la bourse, pour empêcher le placement en fonds étrangers.

L'Autriche a toujours eu le privilège de voir ses emprunts cotés à nos bourses. Il y a quelques années, il a été fait un emprunt lombardo-vénitien à 5 p. c. payable en argent, tandis que les métalliques sont payables en papier. Je ne conçois pas que l'on interdise la cote de celui-ci, tandis qu'on permet la cote des autres.

Je me rappelle fort bien que, lorsque j'étais jeune et que je me trouvais en Russie, on défendait dans ce pays la sortie de l'argent. Eh bien, c'était alors le pays de l'Europe le plus pauvre en numéraire. Depuis qu'on a levé cette prohibition, qu'on a permis l'entrée et la sortie de l'argent en Russie, il y est entré considérablement d'argent, et nous savons qu'à la forteresse de Saint-Pétersbourg, il se trouve aujourd'hui une réserve de 400 à 500 millions.

Il n'en serait pas de même si la prohibition avait été maintenue, car il faut que le commerce soit libre si l'on veut éviter la disette. Il en est de même ici que pour le commerce des grains.

Je crois donc que le gouvernement doit renoncer à son système de prohibition de la cote des fonds publics.

Qu'il maintienne cette prohibition pour les fonds à primes, pour les fonds à loterie, je le conçois ; il s'agit ici d'une question de moralité, et en vertu de la loi sur les loteries, le gouvernement peut défendre la cote de pareils fonds.

Mais je ne comprends pas qu'il puisse continuer à défendre la cote des fonds à intérêts simples. J'engage M. le ministre des affaires étrangères à s'entendre à cet égard avec son collègue M. le ministre des finances. J'espère qu'ils auront sur ce point des vues plus larges que le cabinet précédent, que j'ai combattu sous ce rapport.

Messieurs, je me réserve, pour ne pas compliquer la discussion, de présenter quelques autres observations qui me restent à faire sur les consulats lorsque nous arriverons à cet article, sur lequel je prie M. le président de m'inscrire.

M. Lelièvre. - A l'occasion du budget en discussion, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la nécessité de conclure des traités internationaux relativement à certains points à régler avec les pays voisins.

C'est ainsi, messieurs, que la jurisprudence de la cour de cassation consacre l'opinion, qui me paraît fondée en droit, que les sociétés anonymes non autorisées par notre gouvernement, ne peuvent ester en justice. Nos sociétés recevront sans doute le même accueil en pays étranger. Cependant il serait de l'intérêt réciproque de la Belgique et des pays limitrophes que les droits de semblables associations fussent régies par des conventions internationales, qui déterminassent leur position légale conformément aux besoins respectifs de nations voisines.

Dans l'état de choses actuel, ii n'est plus possible d'obtenir l'exécution des engagements contractés en faveur de ces sociétés dans un pays étranger à celles-ci. C'est là un ordre de choses donnant lieu à de graves inconvénients.

Nous nous trouvons placés dans une situation analogue relativement aux actes passés et aux jugements rendus à l'étranger. La loi du 16 décembre 1851 sur le régime hypothécaire ayant abrogé l'article 2128 du Code civil, il n'existe plus aucune disposition positive qui statue sur le sort des actes notariés intervenus et des jugements portés en pays étranger. Il serait également essentiel de régler ce point par un traité international.

Je ne parle pas de l'arrêté-loi de novembre 1814 qui était la conséquence du système politique du gouvernement des Pays-Bas vis-à vis de la France et qu'il serait nécessaire de remplacer par des dispositions plus équitables à arrêter de commun accerd avec uu gouvernement qui renoue avec nous des relations bienveillantes.

Nous avons, du reste, donné l'exemple des réformes à introduire en cette matière, puisque la loi hypothécaire admet qu'on puisse frapper d'hypothèque des immeubles situés en Belgique au moyen d'actes notariés passés à l'étranger. Il serait donc juste que les pays voisins introduisissent de semblables dispositions en faveur de la Belgique.

En un mot, messieurs, il est nécessaire que, relativement aux actes authentiques passés et aux jugements portés en Belgique et en pays étranger, les relations soient établies sur des bases plus équitables que celles établies jusqu'à ce jour, et que la législation du Code civil soit remplacée par des dispositions plus conformes à l'esprit du droit public moderne et à nos institutions libérales.

Nos lois actuelles renferment un système suranné qui n'a plus rien de commun avec les idées nouvelles et, sous ce rapport, notre législation a besoin de modifications. Je recommande cet objet imposant à la sollicitude M. le ministre des affaires étrangères, qui, de concert avec les gouvernements voisins, inaugurera, je l'espère, un ordre de choses tel que le réclament les besoins de l'époque, et conforme aux intérêts respectifs (page 404) de nations qui doivent avoir à cœur d'établir leurs relations sur les bases les plus larges.

M. Vander Donckt. - Messieurs, pour bien apprécier les augmentations qui nous sont demandées pour les traitements de nos agents diplomatiques, il est nécessaire de nous reporter un instant à l'époque où le précédent cabinet a repris les affaires.

A cette époque, on ne parlait que d'économies ; c'était le cri général, non seulement dans le pays, mais même en dehors du pays ; dans les gouvernements voisins le cri général était aussi économie. Aussi le cabinet, dans son programme, annonçait-il des économies notables. Les professions de foi des personnes qui se présentaient comme candidats aux chambres, proclamaient toutes, comme premier principe, la nécessité des économies. Enfin tout le monde était disposé aux économies.

Effectivement, lorsque le cabinet s'est mis à l'œuvre, il a opéré des économies et des économies très notables. Le budget des affaires étrangères figurait pour une part parmi ces économies.

Aujourd'hui, ceux-là mêmes qui reprochent à l'ancien cabinet des prodigalités, des dépenses que l'on signale comme frisant la dilapidation, viennent appuyer, viennent défendre les augmentations de traitements qu'on propose pour les agents du corps diplomatique. Dès lors, je me demande si c'est bien sérieusement dans le but de réaliser des économies qu'ils ont adressé des reproches au précédent cabinet. Qu'ils me permettent d'en douter.

Messieurs, je sais combien il est difficile d'établir des économies. J'ai éprouvé par expérience combien on est mal venu lorsqu'on vient recommander les économies ; je ne l'ai reconnu que trop souvent ; aussi il fallait de l'énergie, du courage, il fallait la réunion des circonstances dans lesquelles se trouvait le précédent cabinet pour opérer les économies qu'il a faites.

Il fallait, en effet, lutter contre les influences de personnages haut placés, contre des principes prétendus de convenance, contre d'autres obstacles qui avaient empêché les précédents ministères d'établir des économies.

Aujourd'hui, messieurs, on veut détruire les économies qui avaient été opérées sur les traitements des agents diplomatiques. Je crois au contraire qu'il faudrait s'empresser de maintenir les économies faites, qu'il faudrait sérieusemeut et sincèrement entrer dans le système des économies ; mais qu'au moins, si l'on ne fait pas de nouvelles économies, il ne faudrait pas détruire celles que nos devanciers ont opérées. Les traitements que le cabinet précèdent a établis en 1848 et qu'il a eu le courage et l'énergie de maintenir pendant toute sa durée, ont suffi et doivent suffire encore pour 1853, et il est de notre devoir de les maintenir. Quant à moi, il ne sera pas dit que j'aurai prêté la main à amoindrir les économies réalisées ; il ne sera pas dit que j'aurai contribué à la destruction des économies qui ont été opérées par l'ancien cabinet.

Messieurs, il ne faut pas se faire illusion sur l'avenir ; depuis que nous sommes réunis, nous avons continuellement augmenté les dépenses, et ii viendra un moment où il faudra bien y faire face. Je crois que nous suivons une route vicieuse et que nous devons nous hâter d'en sortir. Nous devons plutôt penser à opérer des économies. Car si dans quelques pays on a trouvé des mines d'or, la Belgique n'a pas encore trouvé les siennes, et en attendant je déclare que je repousserai les augmentations qui nous sont demandées sur les traitements des agents diplomatiques.

M. Vermeire. - L'honorable orateur qui vient de s'asseoir engage la chambre à ne pas détruire l'œuvre de l'ancien cabinet. Je ne viens pas soutenir la nouvelle allocation portée au budget. Je ne suis pas diplomate ; mais je crois devoir faire observer à l'honorable membre que l'augmentation demandée, a été proposée non par le cabinet actuel, mais par le cabinet dont il fait l'éloge.

J'ai écouté, messieurs, avec beaucoup d'attention le discours qu'a prononcé l'honorable M. Osy.

En ce qui concerne la réunion au même département ministériel des divisions du commerce et de l'industrie, je partage complètement son avis. Déjà, dans d'autres occasions j'ai parle dans ce sens et je crois inutile de reproduire les arguments que j'ai fait valoir alors.

Pour ce qui regarde les chambres de commerce, je regrette de ne pouvoir me rallier à l'opinion qui a été émise par l'honorable baron Osy. Je crois que dans notre pays surtout, cette opinion, si elle était mise en pratique, serait la destruction de presque toutes les chambres de commerce.

Je ne m'étais pas attendu, messieurs, à ce qu'on eût entamé aujourd'hui une discussion approfondie sur le mode de nomination des membres des chambres de commerce ; cependant je tiens à faire valoir quelques courtes considérations pour établir l'opinion contraire à celle qui a été émise par l'honorable député d'Anvers, et je crois pouvoir démontrer par des arguments péremptoires que le système électoral ne peut être que nuisible aux chambres de commerce.

Je me demande d'abord : Qu'est-ce qu'une chambre de commerce ? C'est une assemblée de négociants ou d'anciens négociants, d'industriels ou d'anciens industriels, appelés à donner leur avis sur les questions qui intéressent le commerce et les manufactures.

D'après cette définition, les chambres de commerce, pour atteindre le but de leur institution, doivent renfermer les éléments nécessaires pour donner convenablement leurs avis sur les renseignements commerciaux et industriels demandés par le gouvernement ; elles doivent être en état de présenter leurs vues sur les moyens d'accroître la prospérité de l'industrie et du commerce ; elles doivent indiquer les améliorations à introduire dans toutes les branches de la législation commerciale, compris les tarifs de douane et les octrois ; enfin elles sont appelées à rechercher quels sont les travaux d'utilité publique qui peuvent intéresser le commerce et l'industrie, tels que travaux des ports, navigation des fleuves et rivières, postes, chemins de fer, etc., etc.

Par ce court exposé où se trouvent retracées les attributions des chambres de commerce, l'on s'aperçoit bientôt qu'il faut des hommes, en quelque sorte spéciaux pour rendre de véritables services à ces importantes branches de la prospérité publique ; et que, dès lors, il est fort dangereux d'en confier la nomination aux hasards du scrutin ; d'autant plus que ces corps n'étant que purement consultatifs, le gouvernement qui les consulte doit pouvoir juger de l'aptitude des membres qui composent ces commissions ; si on veut que leurs avis puissent avoir quelque poids dans la balance des mesures législatives à proposer en faveur du commerce et de l'industrie.

A première vue et sans aller au fond de la question, l'on dirait que ce sont les commerçants et les industriels qui sont le mieux à même de juger des besoins du commerce et de l'industrie ; et partant de là, que ce sont eux qui doivent procéder à la nomination des membres composant ces corps consultatifs.

Cette thèse a été soutenue avec beaucoup de talent, j'en conviens, par un des principaux et des plus honorables négociants de notre métropole commerciale ; par un homme dont les écrits consciencieux et intéressants rencontrent toujours beaucoup de sympathie parmi ceux qui s'occupent des affaires publiques. Mais je pense qu'aussitôt qu'on se place sur le terrain de la pratique, confier au vote secret la constitution des chambres de commerce, c'est courir le danger de les voir constituées de manière à ce qu'elles ne rendent point le service qu'on leur demande ; c'est surtout, et quoi qu'on en dise, courir le risque de voir entrer dans ces corps l'élément politique qui est souvent exclusif ; et comme les intérêts matériels ne peuvent appartenir à une opinion politique, qu'ils sont positifs de leur nature, l'élection doit donc leur être très fatale.

Mais je n'insiste pas sur cette considération qui, cependant, n'est pas à dédaigner ; j'ajouterai, qu'à part les villes où les chambres de commerce se recrutent dans la population même, les autres chambres qui doivent prendre leurs membres dans les communes environnantes disparaîtraient bientôt. Car, à moins d'un intérêt majeur, les électeurs commerciaux des communes ne se rendront jamais au chef-lieu de leur arrondissement pour procéder à ces nominations. Cela ne doit pas être démontré, les faits seuls l'affirment.

Ainsi, les notabilités commerciales (car, messieurs, le commerce a encore ses castes privilégiées) ne se rendent même pas aux élections des juges des tribunaux de commerce.

N'avons-nous pas vu dans une ville commerciale et industrielle très importante, que MM. A. et B., juges au tribunal de commerce, ont été remplacés par MM. C et D., dont les premiers sont devenus les suppléants ; et l'annéee suivante, MM. C. et D., appelés à la première fonction, en remplacement de MM. A. et B., qui, alors à leur tour sont devenus leurs suppléants ?

Je ne pense pas que l'apathie des électeurs industriels et commerciaux ait besoin d'être plus amplement démontrée.

Toutefois, voyons ce qui se passe en France, puisque l'honorable M. Osy a parlé de ce pays.

J'emprunte ma citation à une brochure publiée sous forme de lettre pseudonyme à M. Malthyssens, par un homme qui s'occupe également de questions économiques avec beaucoup de talent et de succès. J'y vois qu'en 1848, à Paris, sur 26,000 électeurs inscrits pour prendre part aux opérations pour la nomination des juges consulaires, 1,367 électeurs y ont pris part le premier jour et 300 le deuxième jour.

S'en est-il présenté davantage pour la nomination des chambres de commerce ? Evidemment non ; le tableau suivant l'indique :

Amiens : 8,715 électeurs, 309 votants.

Arras : 10,250 électeurs, 103 votants.

Bordeaux : 13,839 électeurs, 294 votants.

Marseille : 8,356 électeurs, 2,032 votants.

Mulhouse : 3,808 électeurs, 146 votants.

Nantes : 8,975 électeurs, 309 votants.

Orléans : 7,344 électeurs, 180 votants.

Paris : 22,444 électeurs, 1,096 votants.

Rouen : 19,153 électeurs, 519 votants.

Strasbourg : 21,948 électeurs, 219 votants.

Après des faits aussi péremptoires qui condamnent le système électoral, M. Matthyssens, qui sans doute, au moment d'écrire sa brochure, ne les ignorait pas, ne s'en écrie pas moins : « Si nous comparons le système français si vaste, si rationnel, si complet, aux institutions à peine ébauchées de la Belgique, nous ne pouvons nous défendre d'un certain sentiment de honte, et pour ne pas croire à l'infériorité intellectuelle de notre nation, nous avons besoin de nous rappeler que notre pays a suppléer les institutious politiques les plus libérales du monde et que, plus sage et plus heureux que bien de grands empires, il n'a pas tué la liberté en en faisant abus. »

Je ne veux pas me répéter, messieurs, je ne veux pas dire, de nouveau, qu'il n'y a aucune analogie entre les institutions politiques de notre pays et les institutions consultatives des chambres de commerce ; seulement, je conteste que le système français soit si vaste, si rationnel, si complet ; je le démontre sans peine. Voici ce que je lis dans le (page 405) « Dictionnaire de l'Economie politique », page 360, édition belge : « Le mode d'élection introduit par la nouvelle ordonnance a soulevé une vive opposition. Au premier tour de scrutin, les commerçants patentés depuis cinq ans, forment le corps électoral ; mais si leur nombre n'atteint pas le quart des électeurs inscrits, ce qui arrive presque toujours, l'élection est faite par le tribunal de commerce, la chambre de commerce et le conseil des prud'hommes réunis. Cette disposition, qui met l'élection dans les mains des prud'hommes, est d’autant plus singulière que l'on peut être prud'homme sans être patenté, et que les ouvriers acquièrent ainsi au second tour de scrutin un droit de voter qu'ils n'avaient pas au premier. » Je ne vois pas ce qu'il y a, dans ce système, de si vaste, de si rationnel, de si complet !

Mais supposons que tout le monde s'acquitte de son devoir, le système n'en serait pas moins condamnable, en ce sens que la chambre pourrait être composée de membres appartenant à une industrie qui, pour n'être point la plus importante, n'en est pas moins la plus nombreuse. Un exemple cité par M. Sainctelette fils, le pseudonyme dont je parlais tantôt, est frappant de justesse.

Si une société anonyme paye patente, ce qui est contestable, les nombreux actionnaires ne la payent pas. Il en résulte donc que le directeur seulement serait électeur et éligible. Je dis que ces deux titres peuvent lui être contestés parce que, d'après la loi du 21 mai 1819, article 3, littera 0, « Les propriétaires ou exploitants des houillères, carrières, tourbières et autres mines ou minières qui se bornent à vendre les matières brûtes qu'ils ont extraites, sont exempts de patente » ; et que la loi du 21 avril 1810 dit à son article 32 : « L'exploitation des mines n'est pas considérée comme un commerce et n'est pas sujette à patente. »

Ainsi il pourrait arriver pour l'arrondissement de Mons, par exemple, qu'une autre industrie l'emportant par le nombre serait seule représentée à la chambre de commerce et que l'exploitation houillère, dont on ne contestera pas l'importance, en serait exclue.

De pareils exemples, messieurs, n'ont pas besoin de commentaires ; je pourrais continuer mes citations, mais devant l'impatieuce de la chambre je me bornerai à ces observations.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je ne présenterai que quelques observations sur les différentes matières qui viennent d'être traitées par les honorables préopinants, et puisque le dernier orateur a parlé des chambres de commerce, je commencerai par là.

Messieurs, le mode de nomination des chambres de commerce, actuellement en vigueur, date de 1841. Ce mode de nomination, je dois le dire, a généralement paru satisfaisant. Les chambres de commerce, telles qu'elles sont composées aujourd'hui, sout bonnes ; elles répondent parfaitement à l'attente du gouvernement ; elles défendent les intérêts du pays avec zèle, avec désintéressement. Aucune plainte ne s'est élevée contre ces chambres.

D'un autre côté, messieurs, il ne faut pas le perdre de vue, elles sont le résultat de l'élection, car, on vous l'a dit, si les membres des chambres de commerce sont nommés par le Roi, les nominations n'ont lieu que sur la présentation d'une liste triple, qui est faite par les corps eux-mêmes. Je sais bien que, de cette manière, le nombre des électeurs est assez restreint ; mais pensez-vous, messieurs, que les électeurs fussent beaucoup plus nombreux si vous confériez l'élection directe aux négociants notables, comme on le fait pour les tribunaux de commerce ? L'honorable préopinant vous a donné des chiffres qui parlent bien haut ; mais je pourrais vous citer en Belgique des villes et des villes notables où l'indifférence des électeurs est bien plus grande encore. Je pourrais vous citer une ville, un chef-lieu de province, où il s’est présenté huit ou dix électeurs pour procéder à la nomination des membres du tribunal de commerce. Eh bien, les chambres de commerce des grandes villes sont composées d'un bien pius grand nombre de membres. Il faut d'ailleurs reconnaître qu'il y a une certaine harmonie entre le mode de nomination des chambres de commerce et le mode de nomination d'autres corps qui ont de l'analogie avec elles : ainsi les commissions d'agriculture et les commissions médicales provinciales sout nommées de la même manière que les chambres de commerce ; voudrait-on substituera cela le mode d'élection directe partout et toujours ?

Quant à moi, je ne suis pas très grand partisan de ce système électoral appliqué à tout. Du reste, l'honorable M. Osy semble ne pas connaître le résultat de l'enquête faite à cet égard, et je crois pouvoir lui dire que, sauf un très petit nombre d'exceptions, j'ai l'opinion du pays pour moi. J'ai ici un cahier résumant l'opinion non seulement des chambres de commerce, que l'honorable M. Osy a présentées comme ayant un certain intérêt à se maintenir en fonctions, mais de toutes les députations permanentes, des tribunaux de commerce et des administrations communales de nos principales villes ; eh bien, je vais dire combien de ces corps se rallient à l'opinion de l'honorable M. Osy. Il y a d'abord le tribunal de commerce de Tournay ; il y a le conseil communal de Mons et la chambre de commerce d'Anvers ; tous les autres corps, y compris les neuf députations permanentes, se prononcent contre le système électoral qu'on vient de prôner.

Il y a donc, comme je l'ai dit, la chambre de commerce d'Anvers. C'est un corps dont l'opinion doit être d'un très grand poids, en cette matière, pour le gouvernement, auquel il rend des services importants et journaliers ; mais l'honorable député d'Anvers me permettra de mettre en regard de l'opinion de la chambre de commerce d'Anvers, l'opinion de la députation permanente de sa province et l'opinion du conseil communal de la ville qu'il habile. Eh bien, voici ces opinions : (M. le ministre donne lecture des avis émis par ces deux corps et qui sont on ne peut plus favorables au système de nomination actuellement en vigueur.)

Vous voyez donc, messieurs, que le nombre des partisans du système électoral, comme l'entend l'honorable M. Osy, est très restreint. Je vous avouerai même franchement que j'ai lu avec une attention particulière l'avis longuement motivé qui a été émis par la chambre de commerce d'Anvers ; mais il m'a paru que dans cet avis il y avait un sentiment de modestie qui prédominait ; la chambre de commerce d'Anvers semble dire : « Nous croyons avoir bien rempli notre mission, mais puisque un certain nombre de nos concitoyens trouvent plus convenable que les représentants du commerce soient nommés autrement, nous y consentons. » Puis viennent quelques raisons à l'appui de ce consentement, que je considère, je le répète, comme un acte de modestie de la part de la chambre de commerce d'Anvers, chambre que je regarde comme un corps éminemment remarquable ; pour laquelle je professe la plus haute estime et qui a rendu les plus grands services au gouvernement ; je ne crains pas d'en appeler à mes honorables prédécesseurs : ils confirmeront mes assertions...

M. d'Hoffschmidt. - C'est vrai.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Quand nous avons dans le pays ds bonnes chambres de commerce dont personne ne se plaint, quand toutes les députations permanentes, quand la presque totalité des tribunaux de commerce et des villes où se trouvent établies des chambres de commerce, quand la plupart des chambres elles-mêmes trouvent que le système actuel ne présente pas de vice réel, trouveriez-vous que le gouvernement fît sagement d'abandonner - comme le dit l'administration communale d'Anvers - des avantages certains, pour aller s'aventurer dans un système dont on ne peut pas apprécier les conséquences ? Quant à moi, je déclare qu'il me faudra d'aulres raisons que celles qui ont été alléguées jusqu'ici, pour modifier le système de nomination des membres des chambres de commerce.

Messieurs, je passe maintenant à une autre série d'observations. Il s'agit de savoir s'il convient que le commerce et l'industrie soient réunis dans le même département, ou bien s'il vaut mieux laisser subsister l'état de choses que nous ont légué nos honorables prédécesseurs.

Messieurs, c'est en 1845 qu'on a mis dans les attributions du ministère des affaires étrangères le commerce qui était autrefois au département de l'intérieur. A mon avis, celui de mes honorables prédécesseurs qui a opéré ce changement a fait une très bonne chose. En effet, le ministère des affaires étrangères avait dans ses attributions les consulats et le commerce extérieur, et tout le monde comprend que le commerce intérieur, le commerce extérieur et le service des consulats ne font qu'un seul tout, que ces trois branches doivent être réunies, qu'elles ne peuvent par être séparées.

Fallait-il maintenant, par une conséquence naturelle, comme on semble le dire, fallait il que l'industrie passât nécessairement au département qui avait le commerce dans ses attributions ? Eh bien, j'avoue que je ne suis pas convaincu qu'on eût fait une bonne chose.

Je commence par dire que, certain que cette question serait soulevée à l'occasion du budget, car elle l'est tous les ans, j'ai, depuis que je suis aux affaires, suivi avec beaucoup d'attention tout ce qui concerne le commerce ; eh bien, je le déclare ici de la manière la plus formelle, je n'ai pas reconnu le plus petit inconvénient dans la séparation qui existe. Serai-je mieux éclairé plus tard ? Surgira-t-il des circonstances qui me feront changer d'avis ? Je l'ignore ; je repète que jusqu'aujourd'hui je n'ai reconnu aucun inconvénient à l'état de choses qui existait, quand le cabinet actuel est entré aux affaires.

Sans doute, messieurs, si l'industrie était au ministère des affaires étrangères, le chef de ce département y donnerait tous ses soins, comme il les donne aux branches de service dont il est actuellement chargé. Mais, permettez-moi de le dire, messieurs, il y aurait peut-être plus d'inconvénient à séparer l'industrie de i'agriculture qu'à laisser l'industrie séparée du commerce. Si le gouvernement se décidait à faire passer l'industrie aux affaires étrangères, que l'agriculture eût le même sort, voulez-vous que le ministre des affaires étrangères ait à s'occuper de tous les détails de l'agriculture qui rentrent éminemment dans les attributions du ministre de l'intérieur ? Voulez-vous que le ministre des affaires étrangères ait à s'occuper des haras, des courses, de l'école vétérinaires, des artistes vétérinaires ? J'irai même plus loin : séparerez-vous l'agriculture de la voirie vicinale ? Ce sont deux branches qui se lient plus étroitement encore que le commerce et l'industrie.

Messieurs, on est toujours si clairvoyant pour reconnaître les inconvénients, quelque légers qu'ils soient, de l'état de choses dans lequel on se trouve, mais on s'occupe ordinairement fort peu de ceux qui naîtraient d'un changement. Or, je crains fort que si, cédant aux conseils qui sont donnés chaque année au gouvernement, il opérait la reunion qu'on semble désirer ; je crains fort qu'on ne tardât point à reconnaître que cette réunion n'est réellement pas sans inconvénient.

Du reste, mon attention est éveillée sur ce point ; celle de M. le ministre de l'intérieur l'est également ; mon honorable collègue et moi, nous nous sommes donné le mot pour examiner avec un soin tout particulier si l'état actuel des choses présente des inconvénients graves ou n'en présente pas ; mais je déclare avec la même sincérité que si cet examen ne nous révèle pas d'inconvénients graves, nous laisserons subsister la séparation actuelle.

(page 406) Si les négociants, si les industriels croient avoir à souffrir de la division dont on se plaint ici, eh bien, qu'ils fassent connaître leurs doléances aux deux ministres. Nous déclarons que nous n'opérerons la réunion que lorsqu'il nous sera prouvé qu'elle est dans le véritable intérêt du commerce et de l'industrie.

Messieurs, l'honorable M. Osy s'est plaint de ce que le gouvernement n'autorisait pas la cote de certains fonds étrangers aux bourses du pays ; il a surtout, si j'ai bonne mémoire, signalé les fonds russes, les fonds danois et les fonds sardes.

Qu'il me soit permis de dire que nos fonds ne sont cotés aux bourses d'aucun des pays qui ont été signalés par l'honorable M. Osy ; l'honorable membre a parlé de la Sardaigne ; pendant que j'étais dans ce pays, il est vrai que je me suis occupé de cet objet ; je ne dis pas que j'ai rencontré du mauvais vouloir dans le gouvernement sarde, relativement à la cote de nos fonds, au contraire ; mais ce que je puis dire, c'est que nos fonds ne sont pas cotés à Turin pas plus qu'ils ne le sont en Russie ou en Danemark.

Mais, dit l'honorable M. Osy, c'est une mesquinerie d'imiter ce qu'on fait ailleurs.

Mais je ne trouve pas la mesure du gouvernement belge si mesquine. Pourquoi les gouvernements étrangers ne veulent-ils point coter nos fonds ? Parce qu'ils favorisent les leurs. Eh bien ! si les gouvernements étrangers trouvent bon de favoriser exclusivement leurs fonds, je ne vois pas pourquoi nous devrions favoriser les fonds étrangers. Qu'il y ait réciprocité, je le veux bien ; mais que nous devions toujours faire tout ce qui est agréable aux autres, alors qu'ils ne nous accordent pas les mêmes faveurs, cela n'est pas mon système. Mesquinerie, si vous voulez ; mais quant à moi j'aime bien un peu de dignité, et je répondrai aux mesquineries par un autre mot qui a la même valeur ; je ne veux pas faire de rodomontade, je ne prétends pas résister à tout le monde, mais j'aime bien un peu de dignité, et quand les gouvernements étrangers ne cotent pas nos fonds, je ne sais pas pourquoi nous coterions les leurs.

L'honorable M. Osy a prétendu qu'il y avait quelque chose de bizarre en ce que certains fonds d'une puissance étaient cotés alors que d'autres fonds de cette même puissance ne l'étaient pas. Mais l'honorable M. Osy sait qu'avant 1840 on cotait aux bourses tous les fonds que l'on voulait ; ce n'est qu'à partir de cette époque que le gouvernement a pris un arrêté que j'approuve, et que l'honorable M. Osy approuve comme tout le monde, par suite duquel il n'est permis de coter aux bourses étrangères que les fonds des gouvernements qui autorisent les cotes.

Eh bien, le gouvernement n'a pas voulu donner à cet arrêté un effet rétroactif, il a permis que l'on continuât la cote des fonds cotés jusque-là. Mais il m'est permis de dire que le gouvernement a fait un très sage usage de la faculté que lui donnait l'arrêté de 1840. Du reste, j'explique le passé ; nous verrons dans l'avenir s'il y a des raisons d'admettre des exceptions.

Je prie la chambre et surtout l'honorable M. Osy de remarquer que ce que j'ai dit n'a rien d'absolu ; mais quand on attaque le gouvernement, il faut qu'il puisse répondre. J'ai répondu ; ce n'est pas une raison pour que je n'examine pas l'affaire de nouveau, et si l'honorable M. Osy pouvait voir la correspondance échangée sur cette matière entre mon honorable collègue des finances et moi, il saurait que nous traitons cet objet avec une attention toute particulière.

L'honorable M. Lelièvre nous a entretenus de deux points qui concernent plutôt le département de la justice que celui des affaires étrangères ; mais je reconnais que ses observations sont venues parfaitement à propos, puisqu'il s'agit de nos relations avec l'étranger.

L'observation principale de l'honorable membre concerne les sociétés anonymes étrangères et les difficultés que l'on fait en Belgique pour leur donner le droit d'ester en justice devant les tribunaux belges. L'honorable M. Lelièvre sait qu'il y a eu des arrêts et des jugements rendus en sens divers dans cette matière. C'est un point dont le gouvernement doit s'occuper et dont il s'occupera dans un très bref délai, mais je crois que c'est là tout ce que je puis répondre aux observations de l'honorable M. Lelièvre.

On a dit quelques mots des légères augmentations de traitements demandées pour quelques-unes de nos légations. Si j'ai bien compris, elles ont été approuvées par deux orateurs.

M. Vermeire. - Je n'ai ni approuvé, ni improuvé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Alors l'un a approuvé, un autre a critiqué, un troisième s'est abstenu.

M. Vermeire. - J'ai dit que cela revenait à l'ancienne administration.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - L'honorable orateur qui a critiqué ces demandes est tombé dans une erreur qu'a bien voulu relever l'honorable M. Vermeire, et il a commencé par louer le cabinet précédent des économies qu'il avait faites, et l'honorable M. Vander Donckt peut être sûr que je suis bien plus disposé à ajouter à ces louanges, qu'à en retrancher la moindre chose. J'apprécie aussi bien que lui, et peut-être mieux, parce que je suis ici plus ancien que lui, j'apprécie, dis-je, les services rendus à cet égard, à bien d'autres égards, par le cabinet précédent ; en 1848 j'étais un des partisans des économies présentées par l'ancien cabinet, particulièrement en ce qui concerne le corps diplomatique.

Mais j'ose en appeler à la plupart des hommes pratiques, et je ne crains pas leur réponse, je leur demande s'ils ne croient pas qu'en 1848 nous avons, pour ce qui concerne le corps diplomatique, poussé les économies un peu trop loin. Pour moi je déclare que c'est formellement mon opinion ; et ne croyez pas que je professe cette opinion parce que je me trouve au banc ministériel, c'est parce que j'ai été à même de reconnaître que ces économies portées jusqu'à l'exagération avaient été fâcheuses.

S'agit-il, comme on a paru le dire, d'anéantir toutes les économies de nos honorables prédécesseurs ? Mais la simple comparaison du chiffre dn budget de 1847 avec celui du budget de 1852 vous prouvera que les augmentations qu'on demande sont extrêmement minimes.

C'est mon honorable prédécesseur qui a demandé la plupart des augmentations, et je suis certain qu'il n'en récusera pas la responsabilité ; mais s'il était tenté de le faire, je prendrais à honneur de réclamer cette responsabilité, et j'espère que la chambre, dans sa sagesse, ne fera aucune difficulté d'allouer ces modiques augmentations d'appointements, qui, permettez à un homme pratique de vous le dire, qui laisseront encore nos agents diplomatiques dans une position d'infériorité réelle vis-à-vis de tous les autres membres du corps diplomatique.

M. de Perceval. - C'est très vrai.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - L'honorable M. Osy a dit un mot de notre légation à Rome. J'ai, en effet, demandé à la section centrale pour la légation de Rome qui n'avait pas été comprise dans les augmentations, et mon honorable prédécesseur qui n'a pas réclamé ces augmentations en avait d'excellentes raisons et je l'en loue, mais j'ai réclamé une augmentation de 5,000 fr. et voici les explications que j'ai données à ce sujet à la section centrale ; je vais les répéter textuellement.

J'ai été à même de reconnaître que l'organisation de l'Italie réclamait de toute nécessité deux agents diplomatiques résidant dans deux capitales différentes ; mais j'ai déclaré à la section centrale que je n'avais point encore une opinion arrêtée sur la manière dont il conviendrait que fût organisée notre agence diplomatique en Italie. Il y aura un agent de première classe, un ministre plénipotentiaire dans une capitale, et un conseiller de légation dans l'autre capitale dépendant du ministre plénipotentiaire.

Dans ce cas je crois qu'il faudrait donner au ministre plénipotentiaire 25 mille fr. et 10 mille fr. au conseiller de légation qui resterait dans la dépendance du ministre plénipotentiaire, ou bien selon que les circonstances le réclameront, nous pourrons avoir deux agents diplomatiques qui, avec les 37 mille fr. que nous demandons, pourront être rétribués non pas grandement, ce n'est le sort d'aucun de nos diplomates, mais d'une manière analogue aux appointements que touchent nos autres agents,

M. Sinave. - Je regrette qu'une discussion aussi importante que celle du budget des affaires étrangères s'ouvre à la veille d'une vacance, dans un moment où la chambre se trouve peu disposée à se livrer à un examen sérieux.

En 1848, pour répondre aux vœux du pays la chambre fit des efforts pour réduire les dépenses de l'Etat ; on était parvenu à faire des économies ; c'était peu à la vérité en proportion de ce qu'on pouvait faire encore, c'était environ quatre millions. Le ministère, il est vrai, leur avait résolument prêté son concours, on pouvait tout au moins croire qu'il aurait maintenu la position acquise ; le contraire est arrivé, les budgets sont à la hausse et les économies ont non seulement été absorbées par de nouvelles dépenses, urgentes, je le veux bien ; mais le trésor public ne se trouve pas moins en présence d'un nouveau déficit de vingt-cinq à trente millions qu'il faudra combler bientôt par un emprunt.

Un fait des plus extraordinaires qu'il convient de faire remarquer, c'est le cachet tout spécial que porte le rapport de la section centrale du budget des affaires étrangères. Au lieu en effet de rechercher avec grand soin la voie des économies dont ce budget serait susceptible et qu'il serait urgent de faire adopter promptement pour le bien-être de nos finances, il tend au contraire à préparer la chambre à majorer les dépenses de plusieurs chapitres.

Je tâcherai de combattre cette tendance et d'indiquer les économies considérables dont le budget des affaires étrangères est susceptible, sans nuire en aucune manière au bien-être du service.

La section centrale propose, à l'unanimité, d'adopter le budget des affaires étrangères. Si la section centrale s'était bornée à cette seule proposition, malgré l'augmentation que présente le budget et qui fait disparaître successivement les économies faites en 1848, j'avais l'intention de garder encore le silence, dans l'espoir que le gouvernement aurait bientôt fait lui même la proposition sur laquelle je dois fixer l'attention de la chambre.

Mais loin de s'arrêter à la somme du budget proposée par le gouvernement, la section centrale témoigne pour l'avenir l'intention de donner un plus grand développement à un système qui m'a toujours semblé nuisible aux intérêts du trésor public ; il n'est donc plus convenable de m'abstenir.

La section centrale va plus loin, elle prend l'initiative et propose incidemment, il est vrai, à l'approbation de la chambre des dépenses non libellées au budget et destinées à la construction d'un nouveau bateau à vapeur à exploiter par l'Etat.

Lors de la discussion du budget des voies et moyens, il a été question de la British-Queen et des désastreuses conséquences qui en sont résultées pour le trésor public, A cette occasion il a été démontré de nouveau (page 407) que le gouvernement devait à jamais renoncer à tout système d'exploitation.

D'après cet antécédent on pouvait avec confiance croire que le gouvernement, convaincu de cette vérité, se serait empressé de prendre les mesures nécessaires pour livrer à l'industrie privée l'exploitation des bateaux à vapeur, et que la section centrale, qui doit connaiire les sentiments de la chambre et du pays, loin d'insinuer adroitement de donner une nouvelle extension à cette malheureuse exploitation des bateaux à vapeur, se serait formellement prononcée contre ce système.

On comprend que l'Angleterre, dont la force principale réside dans sa marine militaire et qui a la suprémitie sur les mers, entretienne et soit obligée de maintenir une administration dont les frais se répartissent sur un nombre de plus de mille vaisseaux de guerre ; il est rationnel que cette puissance cherche en temps de paix, par tous les moyens possibles, à utiliser ses bateaux à vapeur même pour les plus humbles services particuliers, tels que les malles-postes et autres ; la recette toute minine qu'elle soit n'en est pas moins un bénéfice réel.

Mais la Belgique avec ses quatre ou cinq bateaux à vapeur, y compris celui de Tamise et du passage sur l'Escaut à la Tête de Flandre, est loin de pouvoir défrayer l'administration si coûteuse que nous possédons.

L'emploi de ces bateaux à vapeur, comme vous le savez, est uniquement consacré au transport des passagers et des lettres.

Il est difficile de comprendre comment le rapport de la section centrale vienne conclure indirectement à une extension de l'exploitation par l'Etat, quand il est évident que le service du haut Escaut vers Saint-Amand et Deurne est improductif au point de ne pas défrayer la consommation de charbon, et que depuis leur création tous les services réunis ont coûté plus de cinq millions, capital, intérêt, et frais d'administration compris, sans compter toutefois la perte annuelle de deux cent mille francs causée au trésor public.

Les budgets constatent ces faits.

Lors de mes premières observations on a objecté que le service entre Douvres et Ostende était considéré comme une annexe du chemin de fer de l'Etat ; si cela était, il en résulterait un transfert à opérer des capitaux perdus sur le tableau du chemin de fer, qui déjà a absorbé des capitaux assez considérables pour qu'il soit nécessaire de lui infliger encore l'obligation de justifier des capitaux que gaspille le système d'exploitation des bateaux à vapeur. Quoi qu'il en soit,en admettant l'objection que l'on m'a faite, ce n'est certes pas là une fiche de consolation pour ceux qui se sont occupés d'établir la situation financière du chemin de fer de l'Etat.

Il n'est pas non plus exact de dire que les bateaux à vapeur exploités par l'Etat doivent être considérés comme un auxiliaire du chemin de fer, en ce sens que la recette de celui-ci en a été plus productive que si l'entreprise avait été exploitée par l'industrie privée. Quoi qu'on en dise, dans l'un comme dans l'autre cas, évidemment il n'y aurait pas eu un passager ni une lettre de plus ou de moins à transporter.

Il y a en outre à faire observer, que depuis le 1er du mois de juillet de cette année les positions sont complètement changées. Deux départs directs par jour se font de Bruxelles pour l'Angleterre, par Calais. Le passage de mer est de 90 minutes, nul doute que les paquebots dont le passage est de 6 à 7 heures soient impuissants pour soutenir la concurrence ; cependant par ce nouvel état de choses, toute diminution dans la recette du chemin de fer sera insensible, parce que la perception en moins sur la voie vers Ostende sera compensée par celle de Quiévrain et Mouscron.

Il faut encore prendre en considération la correspondance direct du télégraphe électrique avec l'Angleterre par Nieuport.

Pour ces motifs, abstraction faite de la question financière, l'entreprise primitive a perdu son importance et ne présente plus aucun avenir.

Pour ma part, je suis grand partisan de la réforme postale, je suis aussi de ceux qui pensent que le produit du transport des lettres ne doit pas être une ressource d'une certaine importance pour le trésor public ; mais par contre je crois que le transport des lettres ne peut pas dégénérer en charge publique. Cependant, si mes calculs sont exacts, les lettres qui partent de la Belgique destinées et transportées eu Angleterre depuis l'existence des bateaux à vapeur exploités par l'Etat, coûtent au trésor public chacune au moins 4 francs.

J'espere que la chambre aura la sagesse de considérer comme non avenue la partie du rapport de la section centrale, page 23, en ce qui concerne l'insinuation y faite de la proposition de construction d'un nouveau bateau à vapeur à exploiter par l'Etat et la somme de 50,000 francs comme premier crédit. Cette suppression est nécessaire, car plus tard on se prévaudrait de ce silence comme d'une approbation tacite.

Je voudrais aussi que la chambre priât le gouvernement de faire examiner la question de savoir, s'il ne convient pas, dans l'intérêt de nos finances, de livrer l'entreprise des bateaux à vapeur à l'industrie privée, ou d'abandonner le service entre Douvres et Ostende à ia seule exploitation du gouvernement anglais qui déjà exploite la moitié.

Enfin qu'elle autorisât le gouvernement à faire vendre les bateaux à vapeur et à supprimer cette coûteuse administration de la marine qui est inutile au pays.

Quant au service de l'Escaut, vainement on objecterait que la loi du 6 frimaire an VII impose à l'Etat l'obligation de defrayer ou de faire desservir les passages d'eau de la catégorie de celui entre Anvers et la Tête-de-Flandre.

L'état de choses n'est plus le même ; ce passage, avec un tarif arrêté par l'autorité compétente, livré à l'industrie privée par voie de l'adjudication publique, est loin d'offrir aucune perte ; l'adjudicataire prendrait à dire d'experts à sa charge les bateaux à vapeur existants.

Un membre de la section centrale a recommandé au gouvernement d'établir sur de nouvelles bases, qu'il détaille au long, la répartition des primes portées au budget en faveur de la pêche maritime nationale. Il suffit d'y réfléchir un instant pour être convaincu qu'il en résulterait qu'une seule localité absorberait complètement ces avantages accordés aux autres localités. D'ailleurs. cette localité qui serait privilégiée est Ostende ; étant en possession d'un port et étant favorisée d'un chemin de fer direct avec l'Allemagne, elle peut facilement écouler les produits de sa péche ; c'est là déjà un immense avantage qui équivaut au moins à la totalité de la prime.

La facilité du transport par le chemin de fer oblige les autres localités d'envoyer leurs bateaux à grands frais à Ostende, pour y vendre le produit de leur pêche au détriment du lieu de leur armement. Cet état de choses doit amener la ruine complète des autres localités, telles que Heyst, Blankenberghe, Nieuport et la Panne. Je me réfère sur ce point au témoignage des honorables M. le comte de Muelenaere. ancien gouverneur de la Flandre occidentale, et M. Clep, représentant de Furnes et de Nieuport. Si un changement était réellement désirable, ce serait d'augmenter la quote-part dans la répartition de la prime en faveur des localités que je viens d'indiquer, et de diminuer par contre la répartition faite à Ostende. Je me pose ici en défenseur désintéressé du faible contre le fort, et je déclare que je ne comprends pas comment l'honorable membre de la section centrale qui a provoqué le débat sur ce terrain, n'a pas apprécié toute la portée de la responsabilité qu'il assumait sur lui, et les conséquences fâcheuses qui peuvent en résulter pour sa localité.

Ce même honorable membre se plaint amèrement des droits d'octroi, des minques et des règlements sur le poisson dans beaucoup de villes. Il me semble aussi que c'est une réclamation très fondée, mais la ville d'Ostende devrait commencer par se faire justice elle-même et donner l'exemple en supprimant totalement les droits d'octroi qu'elle perçoit chez elle. C'est le cas de dire qu'on n'aperçoit pas ses propres défauts. Cette suppression est d'autant plus indispensable à Ostende qu'elle pèse sur le produit de la pêche des bateaux des autres localités telles que Heyst, Blankenberghe, Nieuport et la Panne, qui ne viennent pas au port d'Ostende sans faire des dépenses assez considérables ; d'ailleurs, ces bateaux viennent forcément au port d'Ostende, parce que leurs localités étant privées d'un chemin de fer, les acheteurs ne s'y rendent plus. La raison en est qu'on a beaucoup plus de frais et de perte de temps, lorsqu'on est obligé d'expédier par voitures une marchandise telle que le poisson, susceptible de promptement se détériorer. Aussi longtemps que le droit d'octroi et autres abus subsisteront à Ostende, l'honorable membre aura mauvaise grâce de se plaindre des mêmes abus qui subsistent ailleurs.

Sur les vives réclamations faites par les localités citées, la ville d'Ostende, d'après la communication que vient de me faire l'honorable membre, aurait commencé à faire droit à ces justes réclamations. J'en félicite l'honorable membre ainsi que l'administration de la ville d'Ostcede. Cela étant, il ne me reste plus qu'à appuyer la réclamation de la section centrale.

Si un nouveau règlement sur la pêche maritime nationale était reconnu nécessaire pour le littoral de la Flandre occidentale, ce n'est pas au gouvernement, mais aux états provinciaux qu'il faudrait s'adresser ; ce règlement devrait être soumis seulement à l'approbation du Roi.

Ce même membre invite le gouvernement de soumettre à la législature un projet de loi pour l'établissement des conseils de prud'hommes dans les ports de mer ; la loi subsiste, c'est au gouvernement d'en apprécier l'opportunité et la nécessité, et d'en donner l'autorisation.

Lorsque pour la première fois la chambre a eu connaissance de notre expédition sur la côte occidentale d'Afrique à Rio-Nunez, j'ai élevé la voix contre le projet d'y acquérir des terrains en vue de former un établissement colonial.

Outre que le climat y est excessivement malsain, j'ai fait ressortir que la Belgique n'était pas en position de créer des colonies, d'ailleurs, sur le sol d'un peuple guerrier, parce qu'il est à peu près impossible pour nous de nous y établir avec sécurité, et, par conséquent, qu'on doit s'attendre à tout momentde voir l'établissement livré au pillage, surtout lorsque ces peuples savent que la Belgique est impuissante à les châtier et qu'elle ne possède aucun moyen de s'y établir militairement pour assurer la protection qu'exige avant tout un établissement commercial sur cette côte d'Afrique. Dans une pareille condition un établissement colonial ne présente aucun avenir.

La convention conclue à Caniope avec Lamina, chef suprême de Nalous, n'est autre qu'une utopie. Il faut y renoncer ; les cinq mille francs qu'on se propose de donner annuellement peuvent être plus utilement dépensés. La section centrale assigne un meilleur emploi au Pérou.

Le gouvernement, pour satisfaire à l'opinion émise dans cette enceinte, opinion que je ne partage pas, a supprimé la prime pour la construction des navires, mais il a donné en même temps l'assurance que les droits d'entrée sur loin les matériaux servant à la construction et à l'équipement des navires seraient abolis comme conséquence de ce nouveau système. Malheureusement rien n'a été fait. Il s'en suit que la construction est aux abois,ett que la Belgique, si fière de sa nationalité en toute chose, (page 408) ne possédera plus, si cela continue, une marine marchande nationale. Au train où l'on marche avec la nationalisation des navires, bientôt on dira avec raison, que la Belgique est le refuge de toutes les vieilles carcasses repoussées par les étrangers, bientôt aussi on trouvera difficilement à couvrir les risques de mer d'une certaine importance des marchandises embarquées. Nul doute que cet état de choses ne porte un préjudice notable à notre commerce d'exportation.

Car quoi qu'on en dise, sans une bonne marine nationale il est impossible de s'assurer un haut commerce et de créer une exportation régulière de nos fabricats et autres productions industrielles, vers les pays transatlantiques ; on pourra, comme on le fait, porter annuellement au budget cent ou deux cent mille francs d'encouragements pour la navigation entre les ports belges et étrangers : après avoir sacrifié quelques millions, on finira par suprimer cette allocation sans avoir obtenu le moindre résultat avantageux pour le pays.

Dans un petit pays comme la Belgique, la sympathie pour la diplomatie est très faible, non envers le personnel qui sous tous les rapports mérite la considération et l'estime générale du pays, mais sous le rapport de la prépondérance extérieure comme nation qui est complètement nulle. Quant aux intérêts matériels, il faut le déclarer ouvertement, aucun des principaux traités de commerce n'a répondu aux besoins du pays. J'avoue franchement que j'eusse préféré beaucoup voir la Belgique dans son libre arbitre sans aucun traité de commerce, que de voir le pays engagé par des traités, dont presque aucun n'assure la perspective d'une utilité marquante au développement de nos intérêts matériels. Dans mon opinion, la diplomatie a fait depuis vingt-deux années un mal irréparable et qui, il est à craindre, pourra avoir des conséquences funestes pour l'avenir du pays. Du reste, je n'ai pas manqué, en toute occasion, de prouver mes assertions par la citation des faits qui me paraissent incontestables.

Je crois avoir prouvé antérieurement l'inutilité de maintenir une ambassade coûteuse à Constantinople ; j'ai démontré, je pense, que le chargé d'affaires peut très convenablement être remplacé par un consul général, par la raison que la coutume de François Ier, qui régit les relations de toute nature, soit politiques, diplomatiques et commerciales entre la Sublime Porte et les autres puissances, place le simple consul au même rang qu'un ambassadeur, ce qui n'existe dans aucun autre pays. Il est en possession de toutes les prérogatives, il a le même pouvoir politique et le droit de protéger ses nationaux qu'il place sous sa juridiction tout comme le ferait un ambassadeur.

D'un autre côté, nos relations politiques sont nulles avec la Turquie et nos relations commerciales, quand même elles deviendraient un jour plus considérables, peuvent aussi bien être sauvegardées sous la protection d'un simple consul que sous le luxe d'un diplomate d'un rang plus élevé. Pour ces motifs je viens de nouveau fixer l'attention du gouvernement sur la convenance de faire une bonne économie et de la destiner à l'emploi plus utile qu'indique le rapport de la section centrale, celui d'envoyer un agent au Pérou et au Chili, où bientôt la Belgique aura des intérêts majeurs à traiter lors de la cessation du monopole de ce précieux engrais, le guano. C'est une question importante et qui n'a pas été traitée par le gouvernement malgré les avertissements réitérés, avec tous les soins et l'intelligence qu'exige la prospérité de notre agriculture dont la production actuelle est insuffisante pour le besoin de la consommation du pays.

La même économie serait applicable à l'ambassadeur des Pays-Bas, où certainement un chargé d'affaires est suffisant, d'autant plus que lorsqu'il survient quelque négociation, il es tadmis en principe d'envoyer sur les lieux un ministre plénipotentiaire. Il est à remarquer que la même question a été soulevée dans les Pays-Bas, sans rencontrer aucune opposition. D'ailleurs cette transformation est uniquement une question de convenance entre les deux gouvernements.

La section centrale émet le vœu que le gouvernement examine la question des résidences des consuls rétribués et augmente le crédit qu'elle reconnaît insufisant ; elle exprime le désir de rétribuer nos consuls non rétribués. Je ne partage nullement cette opinion. Je pense au contraire qu'il faut conserver autant que possible les consuls non rétribués, à moins que le consul ne soit revêtu de fonctions diplomatiques. A en croire la section centrale, les consuls sont obligés de négliger leurs propres intérêts pour ceux du consulat. il n'en est rien, en ce qui concerne les consuls belges. On sait que cette distinction donne au négociants qui l'obtient la confiance du commerce, et qu'à de rares exceptions près il reçoit en outre la consignation des navires et des cargaisons. A en croire aussi la section centrale, notre marine marchande exigerait une pareille majoration de dépenses. C'est une illusion .

Notre marine est très faible par le nombre et par la qualité de nos navires ; nous possédons à peine vingt-cinq à trente navires qui réunissent les conditions voulues et qui sont capables de faire les voyages transatlantiques ; aussi, à l'exception de quelques ports fréquentés par le pavillon belge, les autres sont tout au plus visités annuellement par un ou deux bâtiments.

De là résulte que les consuls sont suffisamment rétribués dans les ports où il arrive un certain nombre de navires ; comme on vient de le dire, outre le tarif consulaire, ils sont cosignataires et dirigent les opérations commerciales. Dans les autres ports où il n'arrive que peu ou point de navires belges, certes ils ne négligent pas leurs propres affaires. Comme ils n'ont que de rares renseignements à donner, il ne serait pas convenable de les rétribuer.

Quant à moi, je crois au contraire qu'il existe plusieurs consulats rétribués qui ne devraient pas l'être du tout, parce que le tarif attribué au consul à charge du pavillon, est un émolument plus que suffisant ; je pourrais les citer. Remarquez la contradiction, tandis que dans ces localités le consul est rétribué, à Amsterdam il ne reçoit rien. Je crois même que le titulaire refuserait toute rétribution si on la lui offrait,, parce qu'il considère ces fonctions comme tout honorifiques.

Je suis un de ceux qui ont signé précédemment la proposition par laquelle on exprimait le vœu de transférer toutes les affaires industrielles et commerciales à un seul département. Les sections, depuis plusieurs années, expriment le même vœu. J'approuve les conclusions de la section centrale en ce qui concerne la réunion des trois divisions au ministère des affaires étrangères.

Lors de la discussion des précédents budgets, j'ai fait observer à la chambre que les établissements de sauvetage du littoral de la Flandre occidentale avaient été on ne peut plus mal organisés.

Depuis la création de ces établissements, nous n'avons eu qu'un seul sinistre à déplorer, et nous avons eu la douleur de voir périr les hommes de l'équipage sans trouver le moindre secours dans les établissements de sauvetage. Il en sera toujours ainsi, les hommes salariés par l'Etat au moment du danger n'étaient pas à leur poste, on ne savait où les trouver, il y en avait qui étaient à plus de vingt lieues de l'endroit du sinistre. On ne peut faire de reproches de négligence à personne, parce qu'il ne peut en être autrement ; les hommes employés à ce service n'étant pas suffisamment payés, sont forcés de s'absenter pour suffire à leurs besoins par le travail.

D'un autre côté, il est vrai de dire que les sinistres qui entraînent une perte totale sont heureusement extrêmement rares sur notre littoral, parce que les échouements de navires se font constamment sur l'estran, la côte ferme, et non sur des bases extérieurs, comme il arrive souvent devant Dunkerque et à l'embouchure de l'Escaut, et à moins de venir échouer la côte au commencement de la marée montante, c'est-à-dire à basse mer, alors le navire échoué doit subir, pendant cinq heures au moins, les effets de la marée montante, auxquels il est difficile de résister. Mais si le malheur a lieu à la haute mer, l'eau en se retirant fixe bientôt le bâtiment dans le sable et il ne se brise pas d'une seule marée. Ainsi les hommes de l'équipage courent peu de danger, ils parviennent presque toujours à mettre pied à terre sans accident.

Comme je ne crois pas à la possibilité d'une bonne organisation de ces établissements de sauvetage à moins d'augmenter considérablement les dépenses, il me semble qu'il serait plus convenable de les supprimer.

Je pense qu'il existe un moyen beaucoup plus simple et qu'on obtiendrait un meilleur résultat aussi bien dans la pratique que pour les dépenses, en établissant un système de primes de sauvetage. Ce moyen, il faut le trouver dans nos pêcheurs. Les localités de Heyst, Blankenbergbe, Ostende, Nieuport et la Panne, sont en possession de bons bateaux avee un tirant d'eau aussi faible à peu presque des canots de sauvetage, beaucoup plus solides, et d'une construction spéciale pour se jeter à la côte dans les plus gros temps sans le moindre danger ; ces localités se trouvent situées presque à une égale distance à partir de la frontière des Pays-Bas jusqu'à la frontière de France ; aucun navire ne peut se trouver en détresse sans être aperçu au moins d'un de ces points. En garantissant aux marins une bonne recompense, nul doute que l'on obtiendrait un meilleur résultat, et comme je viens de le dire, ces sortes de sinistres sont extrêmement rares. Cerles, on ne dépenserait pas année commune au-delà de deux à trois cents francs au lieu de treize mille trois cents francs qu'il en coûte, et qu'on porte annuellement au budget.

Jusqu'à présent, je n'ai parlé que des économies à faire sur le budget, et en effet, il y en a encore beaucoup dont je ne parlerai point cette fois. Cependant si on voulait seulement renoncer à l'exploitation des bateaux à vapeur et par conséquent à cette administration de la marine, j'en excepte encore les deux bâtiments à voiles, il y aurait de ce chef une économie de plus d'un demi-million à faire sur le budget. Il suffit d'examiner le chapitre VIII pour en être convaincu.

Qu'il me soit permis de dire un mot concernant le monopole du pilotage des navires par l'Etat. En Angleterre avec cette énorme marine marchande et la masse de navires étrangers qui fréquentent ses ports, le pilotage n'est pas une ressource pour l'Etat, il est livré à l'industrie privée, et la navigation marche avec beaucoup plus de rapidité. En Belgique on est livré à l'arbitraire, le pilotage a intérêt de rester à bord du navire, en outre un capitaine qui a une connaissance parfaite de l'entrée d'une rivière ou d'un port tout aussi bien que le meilleur pilote est forcé de payer le pilotage, quand même il n'en a pas fait usage. J'admets que dans notre position avec l'Escaut, qui n'est pas libre, on ne puisse pas livrer le pilotage à l'industrie privée ; mais il me semble que le pilotage des navires ne doit pas plus que les ports des lettres créer une ressource pour l'Etat.

Le droit de tonnage que l'Etat perçoit sur les bâtiments est déjà une lourde charge pour la navigation ; dans mon opinion, l'administration du pilotage doit être simplifiée ; on obtiendra une économie marquante ; et en tout cas, le droit de pilotage doil être diminué au niveau des recettes.

Je termine en priant le ministre des affaires étrangères de prendre sous sa protection spéciale l'affaire concernant la charte de Bruges, c'est-à-dire de Charles II.

Projet de loi relatif au tarif des correspondances télégraphiques

Rapport de la section centrale

M. de Brouwer de Hogendorp. - J’ai l’honneur de déposer (page 409) le rapport de la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des correspondances télégraphiques.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1853

Discussion générale

M. Roussel. - Messieurs, je pense que l'économie dans les services publics est une condition essentielle de la prospérité nationale. Il m'est arrivé même quelquefois de m'attirer des reproches à raison de ma persistance à défendre la non-intervention de l'Etat dans les choses qui ne le regardent pas nécessairement.

Mais si la sobriété dans les dépenses publiques me paraît indispensable, force est bien de distinguer entre ces dépenses pour les admettre ou les rejeter. J'accepte en première ligne toutes les dépenses qui, de près ou de loin, se rattachent à la conservation de l'indépendance nationale, car il faut, au besoin, savoir préférer l'existence à la fortune. Sous ce rapport, dans l'état actuel de l'Europe, deux genres d'économies seraient fort préjudiciables à la Belgique : d'abord, l'économie dans les moyens de défense, pour le cas, improbable pourtant, où notre territoire serait menacé ; en second lieu, la parcimonie dans les moyens diplomatiques propres à assurer nos bonnes relations avec les grandes puissances sous l'égide desquelles la neutralité belge est placée.

Ces moyens diplomatiques ne se composent pas seulement du séjour de nos agents à l'étranger et de leurs communications quotidiennes et suivies avec les gouvernements étrangers, mais encore et surtout de la surveillance continue de ce qui se passe. En diplomatie comme en affaires, il importe d'être bien informé pour résoudre efficacement les questions. Les augmentations proposées dans le budget n'ont pas pour but direct de favoriser cette surveillance, et pourtant, en permettant à nos agents des communications officieuses plus fréquentes, elles pourraient contribuer à ce résultat. Cette considération accessoire, j'en conviens, vient confirmer ce qui vous a été dit au sujet de la nécessité d'améliorer, par ces augmentations, les moyens d'existence de nos agents diplomatiques.

En résumé, les intérêts que ces agents ont à sauvegarder sont trop graves pour que, lors même qu'on admettrait (ce qui me paraît désirable) une rigueur économique plus grande encore que précédemment, l'on refuse au gouvernement l'augmentation qu'il réclame. Les conjonctures nouvelles au milieu desquelles l'Europe se trouve, la place que la Belgique y prend par ses traditions et ses intérêts, la forme de son gouvernement et ses relations commerciales et industrielles, enfin, le besoin que doit éprouver un territoire peu étendu au milieu de grandes puissances, d'une diplomatie active, honorée et bien informée, tous ces motifs me déterminent à voter pour une augmentation que deux ministères successifs nous ont proposée et qu'une chambre belge ne repoussera pas.

Pour terminer, je recommanderai à MM. les minslres des affaires étrangères et de la justice les considérations judicieuses, présentées tantôt par l'honorable M. Lelièvre sur la réciprocité à établir, par traités internationaux, entre la Belgique et les autres pays, quant au droit d'agir pour les sociétés anonymes et à l'exécution des jugements rendus et des actes passés en pays étranger. Mais il serait indispensable que de pareils traités fussent précédés d'une loi qui réglât les conditions des ces conventions diplomatiques à peu près comme on a fait en matière d'extraditions. En effet, sur ces points, la réciprocité doit être uniforme pour tous les pays étrangers en ce qui concerne notre pays. Il faudrait que, pour tous ces pays, il fût pris de simples mesures de contrôle ou de « pareatis » nécessaires à l'exécution des actes étrangers en Belgique, à charge de réciprocité de la mesure. La mission de l'Etat n'est point de s'immiscer dans les intérêts particuliers, mais seulement de surveiller l'expression de ces intérêts par des actes, afin d'empêcher que cette expression ne soit nuisible à l'ordre public.

M. d'Hoffschmidt. - J'ai peu de chose à dire dans la discussion générale, surtout après le discours prononcé par M. le ministre des affaires étrangères. Nous sommes parfaitement d'accord sur toutes les questions qu'il a traitées, au point qu'il a exprimé l'opinion que j'eusse exprimée moi-même si j'avais pris la parole sur ces questions.

L'honorable M.Vander Donckt s'est félicité des nombreuses économies opérées par le précédent cabinet, notamment dans le budget des affaires étrangères, il a bien voulu rendre justice aux efforts fait à cet égard en 1848 et aux résultats obtenus ; je l'en remercie.

Le fait est que sur le budget des affaires étrangères, il y a eu de très larges économies opérées ; en 1848 le budget des affaires étrangères s'élevait à 2,698,728 francs ; il a été réduit en 1852 à 2,108,728 francs, par conséquent il y a eu une économie de 590,000 fr.

Maintenant, messieurs, malgré les augmentations qui vous sont proposées, l'économie sur les budgets antérieurs à 1852 sera encore de 548,896 fr.

Je peux donc dire avec l'honorable M. Vander Donckt qu'il est peu de budgets qui aient subi d'aussi fortes économies. L'honorable membre vous a dit cependant qu'il ne fallait pas détruire ces économies, qu'il ne s'associerait à aucune mesure qui aurait ce but. Un honorable membre prenant la parole après lui a fait remarquer que ce n'était pas le cabinet actuel, mais le cabinet procèdent qui proposait l'augmentation dont il s'agissait.

Nous ne repoussons pas cette responsabilité ; nous la repoussons d'autant moins qu'à toutes les époques depuis 1848, nous avons fait nos réserves quant aux traitements des agents diplomatiques. En 1848, le cri : « économie » a retenti dans tout le pays, et ce cri, on doit le dire, est parfaitement justifié par toutes les circonstances au milieu desquelles nous nous trouvions, dans un moment où toutes les ressources publiques étaient atteintes, où les recettes diminuaient, et où les charges publiques devaient augmenter par suite des nombreuses mesures à prendre ; chaque citoyen étant menacé dans ses ressources personnelles, de nombreuses économies ont été opérées qui ont dépassé le but qu'on aurait voulu atteindre dans des circonstances ordinaires.

Par conséquent, ce besoin d'économie était parfaitement justifié à cette époque. Le cabinet, malgré une sérieuse opposition, fit tous ses efforts pour réaliser ce qui était un besoin impérieux de la situation. Mais alors, ni le gouvernement ni la chambre n'ont voulu fixer d'une manière définitive les traitements des agents diplomatiques.

On a considéré cela comme un essai sur lequel l'expérience devait prononcer et sur lequel on aurait à revenir dans des temps meilleurs. C'est dans cet ordre d'idées que le cabinet précédent a cru devoir présenter certaines augmentations pour nos agents diplomatiques. Le système adopté est que ces augmentations portent sur les grandes légations ; c'est là où nous avons de grands intérêts qu'il importe d'être représentés de la manière la plus convenable. Vous remarquerez donc que les augmentations portent sur nos cinq grandes légations à l'étranger.

Mais malgré ces augmentations par suite d'économies réalisées d'autre part, le budget présenté n'offre qu'une augmentation de 14,640 fr. comme l'a constaté la section centrale qui a examiné le budget. C'est là une bien faible augmentation. On ne peut pas dire que ce soit revenir sur les économies opérées en 1848, qui s'élèveat à près de 600,000 fr. par an. Nous ne proposons en réalité qu'une augmentation de 14,640 francs.

L'honorable M. Vander Donckt pourrait donc, malgré le système d'économie qu'il préconise, se rallier a une aussi faible augmentation.

Dirai-je maintenant quelques mots sur les observations qui ont été présentées dans le cours de la discussion ? Je serai très bref ; car la chambre a hâte de finir.

L'honorable M. Osy, appuyé par l'honorable M. Sinave, voudrait voir supprimer la légation de Constantinople, qui serait remplacée par un consulat. Cette question a déjà été traitée en 1848. Un long débat a eu lieu sur une proposition en ce sens faite à cette époque. Après une discussion longue et approfondie, après avoir recueilli les avis des chambres de commerce, on a exprimé le vœu que la légation de Constantinople fût maintenue. Peut-on après cela, songer à substituer à cete légation un consulat ? L'économie que l'on obtiendrait ainsi serait extrêmement faible.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Elle serait tout à fait insignifiante.

M. d'Hoffschmidt. - C'est évident ; car si vous avez un consul, vous devez lui donner une rétribution qui ne pourra être plus modeste que celle que vous avez assignée, en 1848, à la légation de Constantinople, qui a subi alors une très forte réduction de traitement.

D'un autre côté, il y a des considérations politiques qui militent en faveur du maintien d'un agent diplomatique à Constantinople. Il n'est pas exact de dire qu'un consul a tout à fait les mêmes privilèges, les mêmes attributions, il ne peut, comme le fait un agent diploontique, traiter avec les ministres de la Porte ottomane.

Puis, il y a un fait extrêmement important sous le rapport des relations politiques, c'est que le gouvernement ottoman, qui n'avait jamais été représenté en Belgique par un agent politique, y a accrédiée un ministre plénipotentiaire qui réside à Paris et un chargé d'affaires qui est en permanence à Bruxelles. Dans de telles circonstances, ce serait poser un acte de mauvais procédé vis-à-vis du gouvernement ottoman que remplacer par un consul notre agent diplomatique, et cela pour une économie qui ne pourrait être qu'insignifiante.

L'honorable M. Osy s'est occupé aussi du mode de nomination des membres des chambres de commerce. Il a été vivement combattu par le président d'une chambre de commerce et par l'honorable M. de Brouckere. Quant à moi, je n'ai jamais été partisan d'un changement du mole actuel de nomination. J'ai déjà exprimé mon opinion à ce sujet. Cependant comme cette question avait été agitée, j'ai cru devoir faire une enquête, consulter les députations permanentes, que j'ai chargées de consulter les chambres de commerce et les conseils communaux. On vous l'a dit, il y a eu presque unanimité contre un changement de système. Les inconvénients de ce changement sont clairement établis dans l'oeuvre remarquable d'un Montois, M. Charles Sainctelette. Sa brochure est, je crois, irréfutable. J'ai donc entendu avec plaisir mon honorable successeur déclarer qu'il était partisan du mode actuel de nomination.

Je m'associe à lui pour rendre hommage à nos chambres de commerce et spécialement à la chambre de commerce d'Anvers, composées des hommes les plus compétents, de manière à répondre a ce que le gouvernement peut attendre d'elles.

L'honorable M. Osy a parlé aussi de la cote des fonds étranger. Cette question se traite entre le département des affaires étrangères et celui des finances, qui l’a particulièrement dans ses attributions. A diverses reprises, on a autorise la cote de fonds étrangers. Nous exigeons la réciprocité de la part des gouvernements étrangers. Je crois que nous avons raison. Tant qu'on nous la refuse, nous ne consentons pas à ce que l'on cote les fonds étrangers. Quand on nous l'accordera, évidemment nous n'aurons aucun motif pour refuser les demandes qui nous seraient (page 410) adressées par les gouvernements étrangers, au sujet de la cote de leurs fonds publics.

L'honorable M. Sinave a parlé de bien des choses. Jenre puis le suivre dans tous ces détails. C'est d'ailleurs à l'honorable rapporteur de la section centrale qu'il a particulièrement critiqué et à l'honorable ministre des affaires étrangères qu'il appartient de lui répondre.

Je me bornerai à un mot de réponse au sujet de la navigation à vapeur. Nous avons un service de navigation à vapeur. Peut-être, au point de vue des recettes qu'il procure au trésor, ne répond-il pas à tout ce que nous pourrions désirer. Mais je rappellerai à la chambre que ce n'est pas dans un but de spéculation que nous avons établi ce service.

Nous l'avons établi comme prolongement du chemin de fer, pour avoir des relations régulières et directes avec l'Angleterre, et pour répondre, quant au transport des lettres, aux exigences des conventions postales. Cette navigation est nécessaire pour nos relations avec l'Angleterre, parce que, comme vous le savez, ce pays est l'un de ceux avec lesquels il importe que nous puissions avoir les relations les plus fréquentes, les plus directes, les plus étendues.

Cependant d'après l'invitation que j'avais reçue dans cette chambre, je me suis adressé à des sociétés pour savoir si à certaines conditions elles pourraient se charger de l'exploitation de ce service. Jusqu'à mon départ du ministère, ces compagnies n'avaient pas voulu entrer en arrangements à cet égard.

Je borne là mes observations, laissant à M. le rapporteur de la section centrale et à M. le ministre des affaires étrangères le soin de répondre aux autres parties du discours de l'honorable M. Sinave.

- Plusieurs membres. - La clôture.

M. le président. - La chambre entend sans doute, qu'avant de prononcer la clôture, il convient d'entendre M. le rapporteur qui a demandé la parole. (Adhésion.)

M. Van Iseghem, rapporteur. - Je commencerai par remercier l'honorable M.Sinave pour tout ce qu'il a dit de bienveillant pour moi et pour la ville que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte ; il a été réellement trop bienveillant et trop doux, et la chambre comprendra que si je veux réfuter le discours écrit de l'honorable membre qui a parlé pendant longtemps, j'aurais besoin de deux heures.

- Plusieurs membres. - Oh ! oh !

M. Van Iseghem. - Je promets d'être court, messieurs ; je sais l'impatience de la chambre pour finir un débat si peu parlementaire. Je ne suivrai nullement l'honorable représentant de Bruges sur le terrain des personnalités, et je ne dirai rien, bien que mon devoir est de passer en revue les observations présentées dans le cours de cette discussion par d'autres de mes collègues, je ne répondrai qu'à l'honorable M. Sinave.

- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !

M. Van Iseghem. - Je suis heureux, messieurs, que mon rapport, n’ait été attaqué que par l'honorable M. Sinave. L'honorable membre, dans le cours de son discours, a parlé d'une certaine responsabilité qui n'existe, d'après moi, que dans son imagination ; mais s'il y a une responsabilité, celui qui a été assez imprudent de placer une question sur un autre terrain, doit en supporter toutes les conséquences.

La section centrale, comme c'était son devoir, a inséré dans le rapport la question qui avait été posée par la quatrième section, relative à la construction d'un bateau de passage de Tamise, et la réponse qu'y avait faite M. le ministre des affaires étrangères. C'est à quoi s'est bornée la section centrale.

Je crois que la chambre sera satisfaite de cette déclaration et qu'elle sera convaincue que la demande de crédit dont a parlé M. Sinave, ne se trouvera que dans son imagination.

L'honorable membre vous a aussi longuement parlé du service des bateaux à vapeur d'Ostende à Douvres. Ce service, comme vous l'a dit l'honorable M. d'Hoffschmidt, est de la plus haute utilité, non seulement pour le transport des dépêches et des lettres, mais encore pour notre chemin de fer.

L'Etat, propriétaire da cette voie de communication, a intérêt à attirer vers Ostende tous les voyageurs destinés pour l'Allemagne et les pays du Nord. A leur débarquement dans le port susdit, ils sont forcés de prendre le chemin de fer de l’Etat, qui en retire tous les bénéfices. Toute la question est là, si la Belgique doit correspondre avec l’Angleterre par Ostende ou par Calais.

En additionnant toutes les recettes tant directes qu'indirectes, on trouve que tous frais payés, cette exploitation laisse encore un boni à l'Etat. Il y a loin des millions de perte dont a parlé M. Sinave.

Ce qui est encore un avanlage pour la Belgique, c'est que le personnel est entièrement composé de Belges et que presque toute la somme nécessaire pour les charbons, entretien et réparation des bateaux et renouvellement des chaudières, est dépensée en Belgique.

Si ce service devait être abandonné à une compagnie particulière, elle n'aurait pas le même intérêt que l'Etat belge et ne pourrait entreprendre cette exploitation que moyennant un tort subside ; de plus, il serait à craindre que les départs ne se feraient pas aussi régulièrement que par les navires commandés par des officiers de l'Etat ; cette société aurait toujours un grand bénéfice à satisfaire les passagers et les navires retarderaient souvent leurs départs quand le temps serait mauvais ; aujourd'hui c'est le contraire qui arrive ; du moment que les bateaux belges ou anglais, appartenant aux gouvernements respectifs, peuvent sortir des ports, ils partent n'importe le temps et sans avoir égard aux passagers qui auraient peur de s'embarquer ; les officiers étant convaincus que leur mission principale est le transport des dépêches, qui, pour le public, et le commerce, est de la plus haule importance.

Un autre motif, à ce qu'il paraît, pour ne pas abandonner ce service à une société, c'est qu'il serait à craindre que les gouvernements étrangers qui ont fait avec la Belgique des conventions postales n'auraient plus cette confiance pour la régularité des voyages et pourraient bien prendre une autre route pour le transit de leur correspondance.

En Angleterre et en France c'est aussi l'Etat qui exploite le service des dépêches par bateaux à vapeur à courte distance.

Comme l'honorable M. d'Hoffschmidt vient de dire, le gouvernement a, il y a deux ans, par les journaux annoncé au public qu'il était prêt à céder à une compagnie le service des dépêches entre Ostende et l'Angleterre et a demandé à quelles conditions on voudrait l'entreprendre ; deux compagnies se sont offertes, les conditions étaient onéreuses et le subside mis en avant tellement élevé que le gouvernement a dû renoncer.

Le gouvernement anglais entre dans le service pour la moitié, mais refuse de le prendre entièrement pour son compte ; il y a alternativement un bateau anglais et un bateau belge qui part, le service se fait de la manière la plus régulière, et le pays a grand intérêt de rester maître de sa correspondance ; ce serait quelque chose d'extraordinaire que nous qui avons des ports de mer situés vis-à-vis de l'Angleterre, nous allions emprunter le territoire étranger pour correspondre avec l'empire britannique ; il y a là aussi un intérêt politique que l'honorable M. Sinave ne comprend peut-être pas.

L'honorable M. Sinave a longuement parlé des octrois, je suis un grand partisan de la suppression de tous droits sut les denrées alimentaires et avant tout je désire la suppression des abus du système des octrois et l'abolition de quelques droits différentiels qui existent dans certaines localités ; je'serais bien aise si toutes les villes admettaient le droit d'octroi qui se perçoit à Ostende, qui est de 1 1/4 p. c. sur le poisson frais et rien sur le poisson salé.

Je respecterai toujours les droits des communes, ce sont elles qui doivent connaitre les besoins de l'administration, et notre mission est d'éclairer le gouvernement sur les abus qui peuvent exister et ce qu'on doit admettre dans l'intérêt général du pays.

Je crois que l'administration d'Ostende examine en ce moment la question de la suppression du droit d'octroi sur le poisson frais.

L'honorable membre qui donne de si bons conseils devrait commencer par les donner à Bruges. Là, les droits d'octroi ne sont pas de 1 1/4 p. c. comme à Ostende, ils sont de 5 p. c. A Blankenberghe, le poisson frais, apporté par un bateau étranger à la localité, paye 4 p. c. et celui qui est apporté par un bateau appartenant à la localité ne paye rien, la morue 5 fr. par tonne ou 10 centimes par pièce, si mes renseignements sont exacts, et je les ai puisés dans l'ouvrage de M. Nothomb. Si des bateaux qui .ont construits en dehors de la localité de Blankenberghe arrivent pour la première fois sur la plage, ils payent 42 fr. et des centimes de droit d'octroi. Le droit sur les filets goudronnés qui viennent à Blankenberghe, est, je crois, de 6 c. par kilogramme.

Je puis donner l'assurance à la chambre, et j'ai à sa disposition des certificats que le poisson qui arrive à Ostende par les bateaux de Blankenberghe, de Heyst, de la Panne et de Nieuport payent pour droit de minque et d'octroi la même chose que les bateaux d'Ostende.

J'ai aussi quelque chose à dire sur les primes. L'honorable M. Sinave a critiqué les observations présentées par un membre de la section centrale sur l'utilité d'engager le gouvernement à étudier la révision de la répartition des primes. Il dit que j'ai proposé de nouvelles bases, je l'ignore, je n'ai rien trouvé de semblable dans le rapport de la section centrale. Il voit dans mes observations un sentiment d'animosité de la pêche d'Ostende contre celle de Blankenberghe.

Je proteste contre cette allégation qui, après réflexion, ne peut être sérieuse. Ostende n'a jamais été hostile à d'autres localités de pêche. Elle sait que les intérêts de tous sont solidaires. Quand la pêche souffre, comme c'est le cas depuis le traité hollandais, ce n'est pas celle de Blankenberghe seule qui est malheureuse, mais la pêche de tout le littoral.

La misère est partout la même, une industrie aussi chanceuse et aussi périlleuse que celle de la pêche présente continuellement de grandes chances de perte.

Si l'honorable député de Bruges pense que les pêcheurs d'Ostende se trouvent dans une meilleure position que ceux de Blankenberghe, il se trompe, et je lui demanderai pourquoi ces derniers ne viennent pas plus souvent à Ostende pour vendre leur poisson, ils ont absolument les mêmes avantages et plus encore, comme leurs bateaux tirent moins d'eau, ils peuvent entrer et sortir à chaque heure de la marée.

Mais s'il existe une rivalité sur le littoral, c'est peut-être pour l'activité et l'ardeur plus grande qu'on met dans une localité plus que dans une autre pour exercer la pêche. Je sais que les pêcheurs d'Ostende partent et restent en mer tous les jours de la semaine, et peu leur importe si c'est un samedi ou un autre jour pour revenir de la pêche. La Panne, endroit de pêche situé toul près de Furnes, a la même position sur la plage que Blankenberghe, cependant beaucoup plus loin d'une station du chemin de fer. D’après un relevé officiel, les bateaux de la Panne ont fait, terme moyen, pendant l'année 1851, 7,000 fr. pour leur poisson frais et 5,000 francs pour le hareng, tandis que Blankenberghe n'a fait terme moyen que 3,275 fr.

Pour ce qui regarde la révision de la répartition des primes, (page 411) l'honorable M. Sinave doit savoir qu'il y a des craintes à avoir que l'Angleterre ne reconnaîtra pas la charte de Charles II, que par conséquent la pêche du hareng devra être organisée autrement, et un changement au système de la distribution des subsides deviendra nécessaire. En même temps on pourrait examiner si après 10 années d'expérience il n'y aurait pas lieu de soumettre à un nouvel examen la répartition des sommes votées par le budget, et l'idée que j'ai émise consiste, messieurs, à ce que chaque localité soit représentée dans la commission suivant sa population, et ses capitaux engagés et qu'on encourage plus spécialement les genres de pêche qui sont les plus dangereux et les plus difficiles.

Il y a quelques années, la commission étail composée, je crois, de 10 ou 12 membres.

Ostende qui a 125 bateaux d'une valeur de 2,000,000 de fr., et 1,000 pêcheurs avait 2 voix.

Blankenberghe, 53 bateaux d'une valeur de 250,000 fr., et 270 hommes d'équipage, 2 voix.

Nieuport, 7 bateaux,valeur 100,000 francs, et 65 hommes, aussi deux voix.

Heyst, 20 bateaux, valeur 90,000 francs, et 100 hommes, aussi deux voix.

Je crois même que Bruges, qui n'a qu'un seul bateau, avait aussi une ou deux voix.

Il y avait la une véritable inégalité.

Ostende ne demande aucun privilège, et elle n'est pas égoïste quand elle désire un règlement, c'est pour toutes les pêches, dont chaque localité depuis la Panne jusqu'à Anvers doit profiter.

Je ne dirai rien pour le moment sur les critiques de l'honorable M. Sinave sur le pilotage et le sauvetage, ni sur ses observations concernant Lamina. Il a parlé aussi du guano ; le gouvernement n'a rien négligé dans cette affaire, l'honorable membre doit bien se rappeler que la perte que font en ce moment Ostende, Bruges et Gand provient d'une localité qui est très bien connue à l'honorable membre.

Je crois que la chambre est fatiguée de cette discussion. Je me bornerai donc en finissant à adresser trois interpellations à M. le ministre des affaires étrangères.

Je lui demanderai s'il ne croit pas que le temps soit arrivé de mettre à exécution un article de la loi du 21 juillet 1844 qui astreint les capitaines et les seconds de la marine marchande à passer un examen. La loi laisse le gouvernement juge du moment où cette disposition devra être mise en vigueur.

Je lui demanderai eu second lieu ce que le gouvernement compte faire du brick le « Duc de Brabant », et enfin quelles sont ses intentions relativement aux mesures à prendre pour suppléer à la suppression des primes pour constructions de navires.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je suis tout prèl à répondre, si la chambre le désire. Mais peut-être vaudrait-il mieux de remettre la réponse aux interpellations de l'honorable M. Van Iseghem jusqu'au moment où nous arriverons aux articles. (Adhésion.) Je suis du reste aux ordres de la chambre.

- La clôture de la discussion générale est demandée et prononcée.

La chambre passe à la délibération sur les articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement du personnel des bureaux : fr. 105,050. »

M. de Man d'Attenrode. - J’ai une observation à présenter concernant l'article 2. Elle tend à introduire une économie dans le service de l'administration centrale. M. le ministre des affaires étrangères, j'en suis convaincu, voudra bien la prendre en considération lorsqu'il s'agira de former le budget de l'exercice 1854.

Il y a, au département des affaires étrangères, deux bureaux de comptabilité : le premier est chargé de concentrer spécialement les dépenses de l'administration des affaires étrangères ; le second est chargé de concentrer celles qui sont relatives à l'administration de la marine.

Le travail du premier bureau représente incontestablement les deux tiers des dépenses du budget ; le travail du second concerne par conséquent le tiers seulement des dépenses du budget, et je ferai observer du plus que sa besogne est d'autant moins considérable, que ce bureau constate des dépenses qui déjà ont été examinées et contrôlées par le service de comptabilité organisé dans le corps de la marine militaire ; car la marine possède une comptabilité comme l'armée et le contrôle de ses dépenses est d'une régularité irréprochable.

Or, je vous laisse à deviner, messieurs, quel est celui de ces deux bureaux dont le personnel est le plus considérable ? Eh bien, c'est celui dont la besogne est la moins considérable, c'est celui qui est chargé de concentrer les dépenses de la marine. En effet, ce bureau est composé de quatre employés, y compris un chef de division, tandis que celui qui est chargé de concentrer les deux tiers des dépenses du département des affaires étrangères ne compte qu'un chef de division et un employé, sans y comprendre toutefois le directeur de la chancellerie dont le poste ne paraît pas destiné à être maintenu après la mise à la pension du titulaire.

Voici maintenant ce à quoi je conclus :

Je conclus de ce qui précède, qu'un bureau doit suffire pour concentrer toutes les dépenses du déparlement des affaires étrangères en y comprenant celles de la marine militaire.

Il est évident qu'un bureau composé d'un chef et de deux employés est suffisant pour établir et tenir a jour la comptabilité de ce département. C'est trop que deux chefs de division à 5,000 fr. chacun, et un directeur de chancellerie pour une besogne semblable. Il y a là des sinécures qui ne sont pas compatibles avec l'intérêt public.

J'appelle donc sur ce point l'attention de M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je prendrai en mûre considération les observations qui viennent d'être faites, par l'honorable M. de Man ; mais en fait, les renseignements qu'il a pris ne sont pas tout à fait exacts : le bureau de la comptabilité des affaires générales est plus nombreux qu'il ne l'a dit, et le bureau de la comptabilité des affaires de la marine est, au contraire, moins nombreux. Je ne sais pas où l'honorable membre a pris ces renseignements, mais je pense qu'ils ne sont pas d'une date très récente.

M. de Man d'Attenrode. - Très récente !

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je n'entrerai pas dans des explications, mais je demande à l'honorable M. de Man qu'il veuille bien me donner un entretien relativement à la manière dont la comptabilité est organisée au département des affaires étrangères, et au prochain budget, je le prierai de faire toutes les observations qu'il jugera convenables.

M. de Man d'Attenrode. - Je me borne à appeler l'attention de M. le ministre sur la question.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 6

« Art. 3. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Secours à des fonctionnaires et employés, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à l'obtention d'un secours à raison de leur position malheureuse : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel : fr. 57,600. »

- Adopté.


« Art. 6. Achat de décorations de l'Ordre de Léopold, sans que l'on puisse augmenter ce chiffre par des imputations sur d'autres articles : fr. 8,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Traitements des agents diplomatique

Discussion générale

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je pense que c'est ici surtout que s'appliquent les observations présentées par plusieurs membres sur la nécessité de maintenir les économies opérées en 1848. En effet, le gouvernement nous propose à ce chapitre une augmentation de 41,000 fr. en faveur de nos agents diplomatiques. J'ai combattu cette augmentation au sein de la troisième section, qui en a voté le rejet, et je crois devoir la combattre de nouveau devant la chambre.

Il me semble, messieurs, que les économies réalisées en 1848 ont un caractère tout spécial : elles se rattachent à un ensemble de mesures, à un système qui a eu pour objet le rétablissement de notre équilibre financier.

La chambre se rappellera qu'à cette époque on a voulu établir une balance entre nos recettes et nos dépenses, et pour cela on s'est attaché, avant tout, à réduire les dépenses, et on n'a eu recours à la création de nouveaux impôts que pour couvrir l'insuffisance de ces réductions de dépenses, de manière qu'il est vrai de dire que les impôts n'ont été votés que sur la foi du maintien des économies déjà réalisées. Da moment donc que vous allez toucher à ces dépenses réduites, pour les rétablir à leur ancien taux, vous remettez en question tout l'équilibre financier, que vous n'avez pu rétablir qu'au moyen de sacrifices imposés aux contribuables, si tant est qu’il soit réellement établi.

Fiions un instant notre attention, messieurs, sur l'objet de ces augmentations.

La majoration de dépenses qu'on nous propose n'a pas pour motif une augmentation de personnel de nos missious diplomatiques, ce personnel restera le même qu'auparavant. Elle n'est pas non plus fondée sur une extension du service confié à nos diplomates, sur une augmentation de leurs attributions ; sous ce rapport encore tout restera dans le même état. Il s'agit donc uniquement d'améliorer des positions individuelles, et vous ne trouvez pas dans ces dépenses un avantage d'utilité publique, qui soit de nature à justifier les sacrifices que vous voulez imposer au trésor.

Messieurs, on a dit que les traitements actuels sont insuffisants, et je crois qu'on a même invoqué l'expérience pour le prouver ; eh bien, je trouve précisément dans l'expérience la preuve du contraire : voilà 4 ans que les traitements actuels suffisent ; ils ont suffi en 1849, en 1850, en 1851, en 1852, je ne vois pas pourquoi ils ne suffiraient pas en 1853. Je dis donc que l'expérience vient appuyer ma proposition ; elle prouve que la diplomatie peut fonctionner avec les traitements réduits en 1848, et qu'elle nous rend avec ces traitements les mêmes services qu'auparavant, plus ni moins ; si nous augmentons ces traitements, elle nous rendra (page 412) encore les mêmes services, rien de plus ; seulement nous aurons l'honneur de payer annuellement 41 mille fr. en plus.

On a dit aussi, messieurs, qu'en 1848 le ministre n'a consenti à la réduction des traitements, qu'en faisant ses réserves ; mais cette considération me paraît encore sans valeur ; évidemment la chambre n'a pas eu besoin du consentement du ministre pour voter la réduction, et quant aux réserves qu'on a pu faire, la chambre n'a exprimé aucune opinion, elle a réduit les traitements qu'on veut rétablir maintenant. Voilà le seul acte législatif qui existe et dont nous ayons à tenir compte.

Messieurs, on a encore insisté sur ce que l'augmentation serait peu importante. D'abord je crois que c'est surtout quand il s'agit d'augmentations peu importantes que nous devons être prudents ; ce sont celles-là qui doivent nous effrayer le plus parce qu'elles se glissent le plus facilement au budget, et une fois qu'elles y ont pris place nous ne parvenons plus à les en faire déguerpir.

Remarquez, d'ailleurs, que cette augmentation sera perpétuelle ; si vous l'adoptez aujourd'hui, il sera impossible de la supprimer encore, car on viendra nous dire : Vous avez fait l'expérience ; vous aviez réduit les traitements, et vous avez été forcés de les majorer. Il s'agit donc, en définitive, d'une rente perpétuelle de 41,000 fr,, ce qui représente un capital d'un million, à peu près.

Eh bien, messieurs, l'autre jour nous étions à la recherche d'un million : quand il s'est agi des chemins vicinaux, le ministre a dit qu'il lui manquait juste un million, et il faisait remarquer que ce million aurait une valeur double, parce qu'il permettrait non seulement d'améliorer notre voirie vicinale, mais encore d'achever des travaux qui sont improductifs à cause de leur état d'inachèvement.

Ce million, nous l'avons maintenant sous la main ; il se trouve dans ces 41,600 fr. de rente perpétuelle dont on voudrait surdater la diplomatie. Eh bien, messieurs, je vous conjure de ne pas dépenser ce million à l'étranger lorsque nous en avons énormément besoin dans le pays pour tirer de la boue, permettez-moi l'expression, une grande partie de nos populations rurales. Je vous avoue, messieurs, que ces considérations me touchent de beaucoup plus près que toutes les fêtes et tous les frais de représentation de nos diplomates à l'étranger. Je soutiens que si nous laissons partir ce million, il ne reviendra plus jamais, pas même sous la forme ordinairement illusoire de traités.

J'ai l'honneur de proposer à la chambre de fixer les traitements qui font l'objet des articles 7, 8, 9 et 10 au même taux qu'en 1852.

- M. Veydt remplace M. Delfosse au fauteuil.

M. Osy. - Messieurs, dans la discussion générale, j'ai déjà exprimé mon opinion sur l'augmentation de traitements demandée pour nos principales légations. J'ai maintenant une autre observation à faire. Tout en approuvant l'augmentation, je ferai au gouvernement une recommandation qui, si elle est adoptée, pourra contrebalancer cette augmentation.

Messieurs, au termes d'un arrêté royal, lorsqu'un diplomate demande et obtient un congé, il lui est retenu un tiers de son traitement, et la moitié seulement de ce tiers est donnée au secrétaire de l'ambassade. Or. d'après les états déposés sur le bureau, le gouvernement ne se conforme pas toujours exactement à cette disposition. J'engage fortement M. le ministre des affaires étrangères à tenir la main à l'exécution de l'arrêté royal, et à veiller à ce qu'en cas d'un congé donné à un de nos diplomates, on lui retienne le tiers de son traitement, que la moitié seulement de ce tiers soit donnée au secrétaire et que l'autre moitié vienne en économie au trésor. Je le répète, cette économie compensera à peu près l'augmentation que le gouvernement demande aujourd'hui.

Il faut en outre que tous nos diplomates, lorsqu'ils désirent rentrer momentanément dans le pays, soient soumis à cette retenue. Je connais plusieurs de nos diplomates qui sont venus ici, prétendument pour donner des renseignements au gouvernement ; dans ce cas, non seulement on leur paye leur traitement entier, maison leur alloue même des frais de route. C'est là un abus.

Je trouve que nos diplomates à l'étranger peuvent très bien donner par correspondance les renseignements que le gouvernement leur demande, et qu'il est inutile de revenir pour cela de Lisbonne, de Madrid et de je ne sais où. Ce sont ces frais qui augmentent considérablement notre budget et qui nécessitent toujours des demandes de crédits supplémentaires, telles que celle sur laquelle j'aurai l'honneur de faire un rapport à notre rentrée.

M. Visart. - Messieurs, il ne me sera pas possible de voter l'amendement proposé par M. de Naeyer.

Si, en 1848, on a diminué les allocations nécessaires à la diplomatie, c'est, comme l'a dit cet honorable collègue, que les économies étaient alors à l'ordre du jour ; les économies, je tiens beaucoup à cela, sont de tous les temps ; mais alors elles étaient surtout dictées par les circonstances qui avaient considérablement diminué les revenus de l'Etat, principalement à l'article des contributions indirectes ; la crise était imminente ; cependant, alors, pas plus qu'il ne le serait aujourd'hui, il n'était ni avantageux, ni opportun de s'attaquer aux ressources pécuniaires de nos agents diplomatiques ; car, alors comme aujourd'hui, de grands événements, d'importantes transitions avaient amené une crise politique ; et c'est dans ces moments que le droit a besoin d'être soutenu par l'habileté.

Une diplomatie bien rétribuée a des moyens plus grands pour lier des relations officielles ou privées, car ces dernières sont aussi quelquefois très utiles pour la bonne direction des missions diplomatiques.

Je ne puis donc adopter ce qu'à raison de ce que je viens de dire je regarderais comme de la parcimonie.

Les Etats de premier ordre doivent allouer à leurs représentants des ressources plus grandes que ne le peuvent faire de petites nations, lesquelles néanmoins comprennent, comme nous devons le faire, que, relativement, leurs obligations sont supérieures, par la raison qu'à défaut de puissance, leur droit doit être soutenu par des efforts d'autant plus intelligents et plus forts.

M. le président. - La parole est à M. Lebeau.

M. Lebeau. - Messieurs, cette discussion est déjà bien longue ; si la chambre voulait la clore, je n'y ferais pas d'obstacle ; si la chambre ne veut pas la clore, je céderais mon tour de parole à l'orateur qui est inscrit après moi. (Aux voix !)

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je renoncerai aussi très volontiers à la parole ; mais j'aurais plus d'un argument à faire valoir en faveur des chiffres proposés par le gouvernement ; ces chiffres me paraissent, en général, bien accueillis, et j'ai toute confiance dans le vote que la chambre émettra.

- La discussion est close.

Article 7

« Art. 7. Missions en Allemagne : fr. 101,000. »

M. le président. - D'après l'amendement proposé par M. de Naeyer, ce chiffre serait réduit à 87,000 francs.

- Le chiffre de 101,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 8 à 10

« Art. 8. France : fr. 45,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Grande-Bretagne : fr. 62,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Pays-Bas : fr. 39,000. »

- Adopté.

Article 11

« Art. 11. Italie : fr. 32,000. »

M. le président. - Il y a un amendement à cet article ; la section centrale propose d'en porter le chiffre à 37,000 fr.

M. Loos. - Le gouvernement a conclu déjà plusieurs conventions postales avec divers pays ; je crois qu'une convention de cette nature avec les Etats romains serait fort utile à la Belgique, et procurerait une plus grande activité à nos affaires commerciales avec ce pays, le recommande ce point à l'attention du gouvernement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Le gouvernement s'est occupé du point de savoir si une convention postale était nécessaire avec les Etats romains, et à l'heure qu'il est, j'ai lieu de croire que cela est inutile, parce qu'une convention a été conclue avec le Piémont et que les contrées qui se trouvent au nord de ce pays sont comprises dans ce traité. Du reste, j'ai récemment écrit une dépêche pour m'assurer s'il en était ainsi ; et si cela n'était pas,immédiatement je tâcherais de nouer des négociations pour que le traité postal dont l'honorable M. Loos a parlé puisse être conclu.

- L'article amendé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Articles 12 à 14

« Art. 12. Danemark, Suède et Hambourg : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 13. Espagne : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Portugal : fr. 15,000. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Turquie : fr. 27,000. »

M. Osy. - Messieurs, je conçois que notre chargé d'affaires à Constantinople soit accrédité à Athènes, mais je ne sais pas pourquoi il va à Jérusalem. Je ne crois pas que là il y ait des affaires commerciales à traiter.

- Un membre. - C'est un pèlerinage.

M. Osy. - C'est un pèlerinage, soit ; mais néanmoins, je ne conçois pas pourquoi il y va. Tout ce que je recommande au gouvernement, c'est de ne point faire de dépenses inutiles. Ainsi, notre diplomate qui a été accrédité à Madrid pour affaires commerciales s'est rendu à Séville à l'occasion d'un événement heureux qui était arrivé à la sœur de la reine ; ce voyage coûte quatre mille francs, c'est-à-dire près du tiers de l'augmentation de traitement. Je conçois que les grandes puissances fassent de pareilles dépenses, mais nous ne pouvons pas agir ainsi.

Nous avons un chargé d'affaires à Madrid, pour y régler nos affaires commerciales avec l'Espagne, pour tâcher d'y obtenir un traité de commerce avec cette contrée, et je vous le demande, aurez-vous un traité de commerce en envoyant notre chargé d'affaires à Séville ? Quant à moi je ne le crois pas.

Je me résume donc, et je demande formellement qu'on ne fasse de dépense que pour ce qui concerne spécialement l’intérêt commercial du pays.

M. Dumortier. - L'honorable M. Osy s'est plaint de ce que le chargé d'affaires de Belgique à Constantinople avait été envoyé en mission à Jérusalem. C'est, dit-on, un pèlerinage. Je rappellerai à cet égard ce qui s'est passé dans cette enceinte.

A diverses reprises on a témoigné le désir de voir rétablir dans l'église du St-Sépulcre les tombeaux de Godefroid de Bouillon et de Baudouin (page 413) de Constantinople, deux Belges illustres dont l'un a déjà une statue sur une de nos places publiques. Evidemment pour arriver à rétablir ces monuments, il fallait d'abord que notre agent diplomatique fût envoyé à Jérusalem.

Je conçois l'importance des missions commerciales ; cela est très nécessaire pour le pays ; mais, d'un autre côté, il ne faut pas perdre de vue les considérations nationales qui se rattachent à certaines missions, et je pense que le ministre des affaires étrangères précédent a parfaitement agi en tâchant d'obtenir le rétablissement de ces tombeaux.

C'est un des points qui honorent le plus le pays que de voir que les deux premiers rois de Jérusalem étaient des Belges, et puisque les tombeaux ont été détruits lors de l'incendie de 1804, il faut rétablir ces créations éminemment nationales.

Je félicite l'ancien ministre des affaires étrangères d'avoir songé à rétablir ces monuments et j'engage beaucoup son successeur à continuer les négociations à ce sujet. Il n'y a, au reste, pas de motifs pour refuser le rétablissement des tombeaux de ces deux illustres chevaliers belges qui ont si fortement honoré notre histoire.

Maintenant je regrette qu'on n'ait pas voté une légère augmentation pour la mission à Constantinople ; car il est reconnu que cette mission est une de celles où il est le plus difficile de vivre, et remarquez, messieurs, que la Turquie constitue le pays avec lequel nous pouvons établir les relations les plus utiles et les plus efficaces. On va peut-être un peu trop chercher des débouchés lointains en Amérique et surtout en Asie, et l'on néglige trop les immenses ressources des ports du Levant ; il serait à désirer que l'on attirât l'attention du commerce vers ces points qui sont d'un accès plus facile que le Pérou, le Chili, la Californie. Je crois que c'est là un point sur lequel on ne peut trop appeler l'attention de notre commerce. Voyez la France et l'Angleterre, ces pays font d'immenses affaires avec le Levant, tandis que nous n'y avons que des affaires excessivement restreintes.

Il serait à désirer que nos relations commerciales avec ces contrées prissent plus de développement, et pour y arriver, je crois qu'il faut mettre notre agent diplomatique à même de nous y représenter convenablement.

M. d'Hoffschmidt. - L'agent consulaire auquel il a été fait allusion n'a pas fait un pèlerinage à Jérusalem ; il avait reçu une mission et on a jugé convenable de le faire passer par Jérusalem, précisément pour l'objet dont l'honorable M. Dumortier vient de vous entretenir.

Une négociation a été entamée, qui n'est pas encore terminée, pour obtenir que la Belgique puisse rétablir les tombeaux fort négligés de deux rois de Jérusalem qui nous appartiennent, et nous font honneur. Voilà pour quel motif cet agent s'est rendu sur les lieux pour voir l'état de ces tombeaux. Du reste, la dépense a été limitée. C'est une dépense très modeste.

Tout le monde certainement apprécie les missions commerciales, elle ont une très grande importance ; les agents ont reçu l'ordre s'en occuper constamment.

Mais il ne faut pas négliger les intérêts moraux, les convenances diplomatiques ; pouvons-nous nous affranchir des convenances diplomatiques, négliger les intérêts moraux pour ne nous occuper que d'affaires matérielles à l'étranger ? Si vous restreigniez de cette manière les attributions de nos agents à l'étranger, vous perdriez au point de vue commercial, car vous perdriez en considération.

Voilà ce qui explique la dépense qui vient d'être relevée.

Il est certain que nos agents sont fort mal rétribués ; on doit prendre cela en considération quand ils ont des déplacements, on peut bien leur accorder des frais de transport et de séjour.

Quand on leur accorde un congé pour affaires personnelles, ils doivent abandonner un tiers de leur traitement. Mais très souvent les chefs des légations les plus importantes sont appelés à se rendre auprès du chef de l'Etat ou auprès du ministre pour des affaires importantes qu'on ne croit pas pouvoir confier à la poste ou qui donneraient lieu à une correspondance trop longue. On ne peut, par le seul motif d'économie, interdire tout déplacement d'agent diplomatique. Le déplacement de notre agent près du gouvernement espagnol a été motivé par une invitation qu'il avait reçue du gouvernement espagnol à propos d'un événement de famille, et je crois que nous avions des raisons particulières pour ne pas nous refuser à cette marque de déférence. L'infante de Montpensier lui a proposé de faire une course ; fallait-il qu'il la fît à ses frais ? Il y avait là une question de convenance politique et diplomatique que chacun peut apprécier.

L'honorable membre auquel je réponds a exprimé le désir que notre agent à Madrid conclût un traité qui est désiré par toute la Belgique. Nous avons fait des efforts pour arriver à ce résultat ; des propositions ont été faites, même sous mes prédécesseurs ; l'Angleterre en a fait aussi, la France également, elles ne sont pas parvenues à obtenir de traité, parce que l'Espagne ne veut pas conclure de traité de commerce. Notre agent a contribué à faire introduire dans le tarif des douanes certaines réductions sur des articles qui intéressent notre industrie. Si la chambre n'était pas pressée d'en finir, je pourrais entrer dans plus de détails, je la convaincrais qu'on n'a pas négligé les questions commerciales.

- L'article 15 est mis aux voix et adopté.

Article 16

« Art. 16. Etats-Unis : fr. 18,000. »

M. Dumortier. - Je profite de cet article pour demander aux gouvernement s'il n'entend pas exécuter, dans le cours de cette session, un article de la Constitution, l'article relatif au cumul des fonctions. Il est certain que ceci doit avoir un terme.

La Constitution a voulu une loi pour empêcher le cumul des fonctions publiques. Il n'est pas possible qu'on laisse cet article sans exécution pendant si longtemps.

Je demande comment il peut se faire que telle personne appartienne à deux administrations différentes et reçoive en même temps de l'avancement dans l'une pour les services qu'elle y rend et dans l'autre pour les services qu'elle n'y rend pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - De qui parlez-vous ?

M. Dumortier. - Je parle en général, je ne veux nommer personne ; vous avez plusieurs personnes qui figurent sur les cadres de l'armée et qui sont attachées au corps diplomatique.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere) ; - Qui donc ? Nommez-les !

M. Dumortier. - Je ne veux pas citer de noms propres.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Il le faut bien pour vous montrer l'erreur où vous êtes.

M. Dumortier. - N'avez-vous pas le général Willmar à Berlin, M. Carolus, M. le colonel de Beaulieu ?

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - M. Dumortier veut-il me permettre ? (Oui.)

L'honorable membre est dans l'erreur. Il est très vrai qu'autrefois il y avait dans la diplomatie plusieurs personnes qui figuraient dans les rangs de l'armée. Il y a trois ans, mon honorable prédécesseur qui y avait été invité par la section centrale, que j'avais l'honneur de présider, a forcé les personnes dont il s'agit à opter ; et ces personnes ont préféré donner leur démission de la position militaire qu'ils occupaient ; elles ne figurent plus sur les cadres de l'armée ; mais d'accord avec la section centrale, on a laissé dans sa position militaire le général Willmar parce qu'il était arrivé au plus haut grade il n'avait plus rien à gagner dans la carrière militaire. Mais il ne touche aucun appointement, aucune indemnité comme officier général. Voilà l'état des choses.

M. Dumortier. - J'ai dit que je profitais de cette occasion pour réclamer une loi sur le cumul. La Constitution est positive et impérieuse ; l'article 139 porte :

« Le Congrès national déclare qu'il est nécessaire de pourvoir, par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants :

« 1° La presse ;

« 2° L'organisation du jury ;

« 3° Les finances ;

« 4° L'organisation provinciale et communale ;

« 5° La responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir ;

« 6° L'organisation judiciaire ;

« 7° La révision de la liste des pensions ;

« 8° Les mesures propres à prévenir les abus du cumul..,

Eh bien, ces abus existent ; ils existent non seulement au département des affaires étrangères, mais dans les autres. Il est urgent de les faire cesser. Je désire que le gouvernement en tienne bonne note. Il est impossible de laisser se perpétuer des abus contre lesquels une grande partie de la population réclame et contre lesquels la chambre s'est élevée plus d'une fois.

- L'article 16 est mis aux voix et adopté.

Article 17

« Art. 17. Brésil : fr. 18,000. »

M. Osy. - Il est trois points sur lesquels je dois, à l'occasion de cet article, appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères.

Il est, je crois, question, d'accréditer à Buenos-Ayres notre chargé d'affaires près le gouvernement brésilien, qui conserverait cette qualité. Je ne crois pas que cela convienne ; car on aurait à payer non seulement des frais de voyage, mais encore les frais d'un établissement à Buenos-Ayres. Il serait préférable d'envoyer à cette résidence le titulaire de l'un ou l'autre consulat, qui pourrait être supprimé. Obligé constamment de se déplacer, notre chargé d'affaires serait obligé de négliger les intérêts importants que nous avons au Brésil, il doit conserver sa résidence fixe à Rio.

La vie étant extrêmement chère à Rio, je suis surpris que dans les augmentations proposées on n'en ait pas proposé une ne fût-ce que de 3,000 francs pour le chargé d'affaires près le gouvernement brésilien. Je ne veux pas augmenter le budget ; mais je prierai M. le ministre des affaires étrangères d'examiner s'il ne conviendrait pas de proposer cette augmentation au budget de 1854. Vous y auriez encore de l'économie ; car des voyages continuels de Rio à Buenos-Ayres et de Buenos-Ayres à Rio donneraient lieu à des frais considérables.

En résumé, voici les trois points sur lesquels j'appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères : résidence fixe à Rio de notre chargé d'affaires ; augmentation de son traitement ; nomination d'un consul à Buenos-Ayres.

- L’article 17 est adopté.

Article nouveau

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Avant que la chambre passe au chapitre III, j'ai à lui proposer une allocation nouvelle, qui ne sera pas une augmentation de dépense, parce que je m'engage à faire sur mon budget des économies réelles équivalentes à l'allocation que je vais demander au chapitre II.

(page 414) J'attache à ma proposition la plus haute importance, une importance si grande que, suivant moi, l'avenir du corps diplomatique y est intéressé jusqu'à un certain point.

La chambre, en adoptant les propositions du gouvernement, a fortifié notre action diplomatique. Elle a fait chose juste, équitable, nécessaire pour les personnes ; elle a fait, de plus, chose essentiellement utile pour le pays. Il y a lieu de l'en féliciter hautement et de la remercier. Mais son œuvre ne doit pas rester incomplète.

La position de quelques-uns de nos chefs de mission sera améliorée. C'est un bien. Est-ce là tout ce qu'il y a à faire ? Le gouvernement ne le pense pas.

Les légations ne se composent pas seulement de leurs chefs. Les ministres ou les chargés d'affaires doivent avoir des collaborateurs intelligents et sûrs, propres, au besoin, à les remplacer. Le nombre de ces subordonnés varie suivant l'importance des missions et le chiffre des affaires qui s'y traitent. La chambre sait que ces agents inférieurs se divisent eux-mêmes en plusieurs classes. Il y a en effet des secrétaires de premier et de second degré, et des attachés.

Nous avons treize légations.

Sept sont dirigées par des ministres plénipotentiaires. Ce sont naturellement les plus importantes.

Six sont dirigées par des ministres-résidants ou chargés d'affaires.

J'ai suivi, examiné de très près les travaux des unes et des autres. Je me suis assuré que la bonne marche du service exige impérieusement que ces légations aient un personnel ainsi composé :

Autriche : Un ministre, un secrétaire de première classe, un secrétaire de deuxième classe ou un attaché.

Brésil : Un chargé d'affaires, un attaché.

Confédération germanique : Un ministre , un secrétaire de deuxième classe (le secrétaire de deuxième classe n'est qu'un attaché avec un titre honorifique), un attaché.

Danemark (Suède et Norwége) : Un chargé d'affaires, un secrétaire de deuxième classe ou un attaché.

Espagne : Un chargé d'affaires, un secrétaire de deuxième classe, un attaché.

Italie : Un ministre, un conseiller de légation ou un secrétaire de première classe, un secrétaire de deuxième classe, deux attachés.

Etats-Unis : un chargé d'affaires, un attaché.

France : Un ministre, un conseiller de légation ou un secrétaire de première classe, un secrétaire de deuixème classe, deux attachés.

Grande-Bretagne et Irlande : Un ministre, un conseiller ou un secrétaire de première classe, un secrétaire de deuxième classe, un attaché.

Pays-Bas : Un ministre, un secrétaire de première classe, un secrétaire de deuxième classe, un attaché.

Portugal : Un chargé d'affaires, un attaché.

Prusse : Un ministre, un conseiller ou un secrétaire de première classe, un secrétaire de deuxième classe, un attaché.

Turquie : Un chargé d'affaires, deux attachés.

De compte fait, il y aurait donc, indépendamment des chefs de mission, et outre les six premiers secrétaires de légation rétribués, environ trente secrétaires de deuxième classe ou attachés.

On sera tenté peut-être de trouver ces chiffres exagérés. Il n'en est rien cependant, je puis l'attester.

Depuis quelques années, et surtout depuis 1848, la correspondance politique et commerciale a pris un développement considérable. Elle a presque doublé dans la plupart des légations. J'ai là sous la main des chiffres qui le prouvent. Son importance est aussi devenue beaucoup plus grande, en raison des circonstances extraordinaires qui se sont produites. On le conçoit sans peine, les complications survenues en Europe ont dû singulièrement augmenter les travaux de la diplomatie, indépendamment des négociations commerciales.

En un tel état de choses, les chefs de mission dans les grands centres surtout, ont des rapports de tous les instants avec leurs collègues des puissances étrangères, avec les membres du gouvernement près duquel ils sont accrédités, avec tous les personnages influents ; et, en outre, des devoirs de société, qui ne sauraient être négligés sans dommage pour les intérêts sérieux, absorbent une grande partie de leur temps. Ils doivent donc se reposer, pour les détails et les rédactions secondaires sur des agents dévoués et discrets.

De ce qui précède il résulte que, pour les besoins de nos treize légations, un personnel assez considérable est nécessaire, Nous l'avons dit, il faut environ trente secrétaires ou attachés en exercice d'une manière permanente.

On me dira : Mais vous avez de la marge ; il y a plus de 30 seconds secrétaires ou attachés.

Le gouvernement en a peut-être, depuis 20 ans, nommé 60 et plus, cela est vrai ; mais sur ce nombre que de déchet ! Les uns sont arrivés a un âge qui ne leur permet plus d'être simples attachés, ni même secrétaires ; les autres sont mariés ou rentrés dans leurs foyers. Le reste figure encore sur les cadres. Quelques-uns consentent à faire un séjour momentané dans une capitale agréable ; mais le gouvernement ne peut pas les y retenir.

De tous nos attachés et seconds secrétaires, douze, à l'heure qu'il est, sont encore en fonctions à l'étranger, et parmi eux il en est qui, bientôt, si l'on n'y prend garde, feront comme tant de leurs collègues. Ils reviendront dans le pays pour se livrer à des études ou à des occupations moins onéreuses pour eux. Mais pourquoi s'inquiéter ? On les remplacera aisément ! D'abord, messieurs, ce nombre est insuffisant ; mais on ne parviendra même pas à le garder intact. Il devient de jour en jour plus difficile, plus impossible, qu'où me passe le mot, de compléter nos légations, surtout dans le Nord. Londres effraye par la cherté de la vie ; personne ne veut s'y rendre. A la Haye, à Francfort, à Berlin, à Copenhague, à Vienne même, on consent à passer quelques mois seulement, mais pas davantage.

Aussi notre personnel y est-il dès longtemps insuffisant. C'est à grand-peine que nous conservons les agents non rétribués qui s'y trouvent, et je prévois le moment où ils nous échapperont. La légation de Berlin a maintenant une besogne extraordinaire, et elle est menacée de perdre son unique atiaché ; or, il importerait qu'elle en eût deux au moins.

Faut-il s'étonner de cette espèce de désertion générale ? Non, elle est toute naturelle dans les conditions présentes, force nous est de le reconnaître.

Les attachés, comme les secrétaires, ont des occupations assujettissantes, alors surtout que la mission dont ils font partie représente le pays près de plusieurs gouvernements, il en est, vous le savez, un certain nombre qui sont dans ce cas. En voici le tableau.

Confédération germanique : Le ministre de Belgique à Francfort est accrédité, non seulement près de la diète et de la ville libre de Francfort, mais aussi près des cours de Bavière, Wurtemberg, Hesse-Cassel, Hesse-Darmstadt, Bade et Nassau.

Danemark : Le ministre à Copenhague est accrédité également près du roi de Suède et Norwége, de la cour d'Oldenbourg et des villes libres de Hambourg, de Lubeck et de Brème.

Italie : Le ministre est accrédité, en dehors du Saint-Siège, près des cours royales de Sardaigne et des Deux-Siciles, des cours grand-ducale ou ducale de Toscane et de Parme.

Prusse : Le ministre à Berlin est accrédité également près des rois de Saxe et de Hanovre, et des cours d'Anhalt-Bernbourg, d'Anhalt-Dessau, d'Anhalt-Koethen, de Brunswick-Lunebourg, de Saxe-Weimar, de Saxe-Altenbourg, de Saxe-Meiningen et de Saxe-Cobourg-Gotha.

Turquie : Le chargé d'affaires de Belgique à Constantinople représente aussi la Belgique près du roi de Grèce.

Vous comprenez, messieurs, que de ces fonctions multiples résultent une correspondance très active et parfois pour le chef de la mission l'obligation de se déplacer.

En Italie, depuis 1848, un attaché a toujours rempli les fonctions de chargé d'affaires dans une des capitales. J'en pourrais citer d'autres (page 415) qui ont résidé comme chargés d'affaires provisoires à Francfort, à Co-stantinople, à Copenhague et ailleurs sans que ces missions onéreuses leur aient procuré la plus légère indemnité.

Ces diplomates surnuméraires qui ne reçoivent pas de traitement, pas même de frais de route, sont rebutés par les charges si lourdes qui leur sont imposées. Ils ne prennent pas la carrière assez au sérieux, ils n'y restent pas assez longtemps pour acquérir des chances d'avancement. Aussi, parmi nos chefs de mission, actuellement en fonctions, il n'en est qu'un seul qui soit parti du grade d'attaché. Tous ont été choisis en dehors de notre jeune diplomatie.

Qu'il en soit ainsi pour les postes les plus importants, pour les postes essentiellement politiques, cela est naturel, légitime, nécessaire. Tous les gouvernements se sont réservé cette latitude, même ceux qui observent le plus scrupuleusement les principes de la hiérarchie administrative. Il le faut, dans l'intérêt du service public. Mais ce qui de sa nature est exceptionnel ne devrait pas être, en fait, la règle générale.

Or, c'est précisément ce qui est arrivé chez nous. Je crois, pour ma part, qu'il y aurait de graves inconvénients à éterniser cet état de choses. Il est temps de faire en sorte que la diplomatie soit une carrière sérieuse, régulière.

Je crois qu'il importe d'ouvrir certaines perspectives aux jeunes gens qui s'occupent d'études politiques avec un succès constaté.

Le gouvernement a établi des examens qui donnent d'excellents résultats ; nous l'avons vu, il y a peu de jours encore.

N'est-il pas juste que les attachés qui s'y distinguent obtiennent, aient la chance d'obtenir autre chose que de stériles diplômes ? Je parlais tantôt de carrière. Jusqu'à présent la carrière diplomatique était-elle une carrière véritable ? Non, messieurs.

Dans la plupart des administrations, il existe divers échelons. On s'élève en passant de l'un à l'autre, et de la sorte le débutant peut espérer, à l'aide d'un travail soutenu, d'arriver, un jour, aux grades supérieurs.

Il convient qu'il en soit à peu près de même dans la diplomatie.

Pour arriver à ce résultat, que faut-il faire ? Appeler dans les rangs de la diplomatie les jeunes gens capables ; s'appliquer surtout à les y maintenir plus qu'il n'a été possible de le faire jusqu'ici. Il faut, pour cela, leur offrir un certain appât, uue certaine perspective, un avenir, un but assez rapproché.

Des indemnités attribuées à quelques postes d'attachés, aux plus importants ou aux plus laborieux, seraient assurément un moyen très efficace.

Ces indemnités ne pourraient pas être assez fortes pour servir de traitement, de rémunération complète, sans doute ; mais elles serviraient d'encouragement ; elles seraient un simulant ; elles donneraient au gouvernement des moyens d'action qui lui manquent aujourd'hui.

Quel serait le chiffre de ces indemnités ? Peu de chose, messieurs, douze mille francs suffiraient. Cette somme serait répartie entre quelques-uns. Il serait impossible de rétribuer tous les attachés ; on accorderait des indemnités aux plus laborieux et aux plus capables parmi ceux qui auraient rempli des postes gratuits. La gratuité resterait donc la règle ; l'indemnité serait l'exception. Mais on offrirait du moins aux attachés une chance d'amélioration, une position intermédiaire entre les fonctions d'attaché et celles de secrétaire rétribué. Cette espérance nouvelle, je le répète, stimulerait le zèle de nos jeunes diplomates et contribuerait à en rattacher un grand nombre à la carrière diplomatique. Ainsi, se formerait à la longue, une pépinière de diplomates exercés. Or, c'est là un des grands buts auxquels nous devons tendre.

J'ai dit que, pour réaliser les intentions du gouvernement, 12,000 fr. suffiraient. Eh bien ! ces 12,000 fr. peuvent être obtenus sans augmentation du chiffre total du budget, à l'aide de simples transferts, que j'indiquerai ultérieurement.

- - Plusieurs membres. - Comment ferez-vous un transfert ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je compenserai la dépense par des réductions très sérieuses, qui seront de véritables économies.

- La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 5 heures.