Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 279) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire lit le procès-verbai de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Vellereille-lez-Brayeux déclare adhérer aux observations présentées par le conseil communal de Binche, contre la pétition du baron de Rothschild et de la Société Générale, relative au chemin de fer d'Erquelinnes. »

« Même adhésion du conseil communal de Haine-Saint-Pierre. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Manage à Erquelinnes.


« Un grand nombre d'habitants de Termonde prient la chambre d'adopter la proposition de loi qui modifie l’article 24 de la loi sur la garde civique.

, « Même demande de plusieurs habitants de Louvain. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le conseil communal d'Ellezelles demande un subside pour l'aider à payer les frais d'entretien des indigents de cette commune. »

- Sur la proposition de M. Jouret, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Kersel, ancien officier, demande la pension civique ou du moins celle qui est accordée aux décorés de la croix le Fer. »

- Renvoi à ia commission des pétitions.


« L'administration communale de Baelen prie la chambre d'accorder au sieur Leysen la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout par Herenthals, avec embranchement sur Gheel et Beverloo. »

- Même renvoi.


« Le sieur Nicolas Hoscher, clerc de notaire à Florenville, prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par message en date du 8 décembre, le séaat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi qui réduit le droit de transit sur quelques marchandises, le budget des voies et moyens pour 1853, le projet de loi concernant l'acquisition faite, au nom de l'Etat, d'un hôtel situé place des Palais, n°5, à Bruxelles, et le projet de loi relatif à l'aliénation de biens domaniaux. »

- Pris pour notification.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances et frappe de déchéance les obligations provisoires de l'emprunt de 26 millions

Rapport de la section centrale

M. T’Kint de Naeyer. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné la demande de crédit relative à l'emprunt de 26 millions de 1852.

Ce projet de loi étant urgent, je proposerai à la chambre de la mettre à l'ordre du jour immédiatement après le budget de l'intérieur, afin que le sénat puisse encore s'en occuper avant de se séparer.

- Cette proposition est adoptée. Le rapport sera imprimé et distribué.

Rapports sur des pétitions

M. de La Coste dépose le rapport de la commission d'industrie sur la pétition de plusieurs carrossiers de Bruxelles, tendant à ce que la chambre s'efforce d'obtenir une réduction des droits qui pèsent sur leur industrie à l'entrée en Allemagne et la levée de la prohibition qui les atteint en France.

(page 280) - La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en met la discussion à la suite de l'ordre du jour.


M. Loos dépose le rapport de la commission d'industrie sur la pétition des fabricants de tissus de soie qui réclament une élévation de droits sur les tissus de soie à l'entrée en Belgique.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion en est fixée à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi modifiant la loi sur le chemin de fer de Manage à Mons

Rapport de la section centrale

M. Mercier dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi avant pour objet la concession du chemin de fer de Manage à la Sambre vers Erquelinnes.

M. Allard. - Je demande que ce projet soit mis à l'ordre du jour de jeudi prochain.

M. Rousselle. - Ce rapport soulève des questions extrêmement importantes ; je demande à la chambre qu’elle veuille bien remettre la fixation du jour de la discussion après la distribution du rapport.

M. Mercier. - Je puis annoncer à la chambre que le rapport sera probablement distribué demain soir.

M. de Perceval. - J'ai l'honneur de proposer à la chambre de mettre purement et simplement le projet à la suite de l'ordre du jour.

M. Allard. - Le projet de loi est assez important pour que je maintienne ma proposition de fixer le jour de la discussion.

- La proposition de M. Rousselle est mise aux voix, elle n'est pas adoptée.

La proposition de M. de Perceval est mise aux voix et adoptée.

Rapport sur une pétition

M. Van Iseghem. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer, au nom de la commission permanente de l'industrie, le rapport sur la pétition relative à l'entrée du lin vert.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui y sont déjà.

Nomination du bibliothécaire

Un scrutin est ouvert.

Nombre des votants, 69.

Majorité absolue, 35.

M. Vereycken, bibliothécaire sortant, obtient 69 suffrages. En conséquence, il est proclamé bibliothécaire de la chambre des représentants, pour un nouveau terme de six ans.

Projet de loi approuvant la convention provisoire conclue entre la Belgique et la France

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, le Roi m'a chargé de soumettre à votre approbation le projet de loi que je vais avoir l'honneur de vous lire :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Sur la proposition de Notre ministre des affaires étrangères,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Notre ministre des affaires étrangères est chargé de présenter aux chambres le projet de loi dont la teneur suit :

« Article unique. La convention provisoire conclue, le 9 décembre 1852, entre la Belgique et la France, sortira son plein et entier effet.

« Donné à Bruxelles, le 9 décembre 1852.

« Léopold.

« Par le Roi : Le ministre des affaires étrangères, H. de Brouckere. »

Si la chambre le désire, je donnerai lecture de l'exposé des motifs. (Oui ! oui !)

Messieurs, dès l'arrivée du cabinet actuel aux affaires, des pourparlers, officieux d'abord et ensuite officiels, se sont engagés sur la situation des rapports de commerce entre la Belgique et la France.

J'ai l'honneur de vous en présenter le premier résultat.

Une convention provisoire a été signée aujourd'hui à Bruxelles.

Aux termes de cet arrangement, le traité du 13 décembre 1845 est remis en vigueur à partir du 15 janvier prochain et jusqu'à la conclusion d'un traité définitif, avec cette seule modification que le déchet alloué en Belgique aux sels français est ramené de 12 à 7 p. c.

L'échange des ratifications des conventions du 22 août 1852 est ajourné jusqu'à la conclusion, entre les deux pays, d'un traité de commerce définitif.

La négociation de ce traité sera immédiatement poursuivie.

Enfin, le décret du 14 septembre dernier, qui a élevé les droits sur nos houilles et nos fontes à l'entrée en France, cessera de produire ses effets en même temps que la convention du 9 décembre entrera en cours d'exécution. Nous en avons l'assurance officielle.

Telles sont, messieurs, les conditions essentielles de l'accord qui vient d'intervenir entre les deux gouvernements.

La convention provisoire ne préjugeant point les clauses qui figureront dans le traité destiné à la remplacer, de plus amples explications seraient, en ce moment, sans nécessité quant au passé, sans opportunité quant à l'avenir. Nous croyons avoir fait ce que réclamaient les circonstances dans leur ensemble, et nous avons la confiance que vous accueillerez avec faveur un arrangement qui est le gage de la bonne harmonie qui existe enlre Belgique et la France et du désir des deux gouvernements d'arriver à la conciliation de tous les intérêts.

(Suit le texte de la convention, non repris dans la présente version numérisée).

- Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que les pièces qui l'accompagnent.

La chambre en ordonne le renvoi à l'examen des sections.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, comme renseignement, mais renseignement nécessaire, selon moi, à l'appui du projet de loi dont je viens de donner lecture à la chambre, je lui lirai une lettre que j'ai reçue ce matin du plénipotentiaire français : (M. le ministre donne lecture de cette lettre).

(page 281) M. Roussel. - Messieurs, je proposerai, pour ce cas exceptionnel seulement, que MM. les présidents des sections soient autorisés à convoquer leurs sections respectives pour l'examen du projet de loi qui vient d'être présenté, sans qu'ils doivent tenir compte du nombre de jours nécessaire après la distribution du projet de loi.

M. le président. - Aux termes du règlement, l'examen d'un projet de loi ne peut avoir lieu en sections que trois jours après la distribution du projet, mais la chambre peut déclarer l'urgence.

M. Manilius. - Messieurs, je pense qu'il convient de procéder en cette circonstance, comme on l'a toujours fait, en laissant les présidents des sections se concerter avec le bureau pour la fixation du jour où l'on se réunira pour l'examen de ce projet de loi. (Oui ! oui !)

M. le président. - Si la chambre ne déclare pas l'urgence, le bureau se conformera au règlement.

M. Rousselle. - Il me semble que cela ne sera nécessaire que dans le cas où l'impression des pièces devrait prendre trop de temps.

M. Roussel. - Je renonce à ma proposition.

M. le président. - La proposition est retirée. On se conformera donc au règlement.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion des articles

Chapitre XI. Agriculture

Article 56

M. le président. - La discussion continue sur l'article 56.

M. Delehaye. - Messieurs, hier un honorable membre a critiqué la mesure prise par le gouvernement relativement à la pomologie. Vous savez que, par un arrêté du mois de juin, le gouvernement a nommé une commission chargée de réunir les éléments nécessaires d'un bon traité de pomologie. Je me hâte de dire que la commission est composée de manière à satisfaire à toutes les exigences. Toutes les spécialités, toutes les célébrités du pays font partie de la commission, et nous pouvons être certains que le traité répondra à votre attente. Ainsi le subside que le gouvernement accordera pour ce travail, me paraît de nature à donner au pays tous ses apaisements. Seulement je regrette que la mesure n'ait pu être étendue. Plusieurs fois lorsqu'il s'est agi d'agriculture nous avons exprimé l'opinion que l'une des parties de l'agriculture qui laissait le plus à désirer en Belgique, c'était l'arboriculture.

Nous disions qu'il serait très utile que, pour l'instruction des ouvriers, des enfants et même des grandes personnes aisées, on put faire donner de temps en temps, et surtout en hiver, un cours de pomologie par des instituteurs campagnards.

Le congrès agricole d'abord, puis des jurys agricoles, ont exprimé l'opinion qu'il serait bon de doter toutes ces écoles des figures en cire des fruits ; et je pense que la société qui vient de se former, pourra suppléer à cette opinion. On pourrait doter les communes d'un exemplaire du travail qui vient de paraître, mais il faudrait pour cela qu'il fût traduit en flamand, et que le gouvernement s'entendît avec les différentes communes pour les doter d'un exemplaire, et je suis persuadé que, dotées de ce travail et possédant des instituteurs connaissant les premiers éléments de l'arboriculture, les communes obtiendront ainsi un avantage incontestable ; la jeune population et les ouvriers surtout y puiseront des notions très nécessaires pour l'arboriculture.

J'ai eu l'occasion d'examiner moi-même la première livraison de l'ouvrage ; on y apprend à connaître les nécessités de tous les arbres fruitiers qui sont encore très peu connus dons notre pays. Avec quelque soin, quelque attention et quelque assiduité, cette partie de l'agriculture, qui laisse encore à désirer, serait parfaite dans notre pays.

Je prie donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien examiner la question, s'il ne pourrait pas s'entendre avec les administrations communales et provinciales sur l'importance de la distribution de cet ouvrage et sur la nécessité de le traduire en flamand, et enfin sur l'enseignement même de l'arboriculture en Belgique.

De cette manière, nous répondrions d'abord aux besoins qui réclament que cet art soit poussé dans toutes ses parties, et, en second lieu, au vœu exprimé par le congrès agricole et par les jurys agricoles. Je suis persuadé que le pays n'aura qu'à s'applaudir d'une pareille institution.

Je me permettrai d'ajouter quelques mots en réponse à ce qu'a dit mon honorable ami M. Dumortier, relativement aux collections du jardin botanique de Bruxelles.

Je suis d'avis avec lui que, sous le rapport de la collection des palmiers, le jardin botanique de Bruxelles ne laisse rien à désirer. Comme jardin de luxe, peut être celui de Bruxelles l'emporte-t-il sur celui de Gand, mais il l'emporte sur un seul point et c'est celui auquel concourt spécialement le gouvernement. Ne perdez pas de vue que le jardin botanique de Gand appartient à la ville, qu'il n'obtient pas de subside et que dans le courant de l'année la ville a fait encore un sacrifice d'environ 50,000C francs pour compléter les parties défectueuses.

Il est un point sur lequel j'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, c'est la partie sur laquelle s'étend l'instruction universitaire, celle dans lequelle se donnent les leçons. Là le gouvernement doit intervenir. J'espère que le gouvernement s'empressera de mettre dans un état convenable la partie scientifique du Jardin botanique de Gand.

M. de Haerne. - Je viens appuyer la proposition qui vous et faite par l'honorable préopinant. Je crois avec lui que les méthodes relatives à l'arboriculture peuvent être propagées avec utilité ; mais pour les populariser, je pense qu'il importe de faire traduire en flamand ces publications qui se font sous les auspices ds la commission. Une édition populaire à bon marché remplirait le but ; vous n'ignorez pas que dans un grand nombre de nos écoles même rurales l'on donne depuis quelque temps des notions de botanique. Pour rendre cet enseignement plus attrayant, pour en recueillir des fruits, des avantages pratiques, je crois que dans les provinces flamandes il est utile de faire paraître les publications dont il s'agit en flamand. Ceci entrerait dans un système d'encouragement de la langue flamande que nous devons soutenir plus que jamais. Ce serait peu de chose, je l'avoue, mais ce serait un bon commencement.

Messieurs, j'appelle votre attention sur cet objet. La langue flamande est pour nous un puissant élément d'indépendance ; ce que propose l'honorable M. Delehaye serait un moyen de faire connaître les intentions du gouvernement et de répondre aux plaintes qui, plus d'une fois, se sont produites contre l'espèce d'apathie qu'on rencontre chez les autorités supérieures quand il s'agit de favoriser ce qu'on a appelé le mouvement flamand.

Permettez-moi de dire que l'importance des ouvrages flamands est appréciée de plus en plus dans le pays et à l'étranger. On comprend mieux que jamais l'importance de notre langue. Il n'y a pas longtemps que je me rencontrais avec un des écrivains les plus illustres qui se trouvent aujourd'hui en France, un écrivain qui dans plusieurs circonstances a exprimé les plus vives sympathies pour notre pays auquel l'attache plus d'un lien intime ; cet auteur distingué me disait : Le flamand est votre premier élément de nationalité. Voilà, messieurs, comment la langue flamande est appréciée par des Français qui élèvent les nationalités à la hauteur des questions sociale. Et nous négligerions notre belle langue !

Pour l'encourager, c'est par les écoles que l'on doit commencer ; c'est là que la protection du gouvernement doit se faire sentir.

Les publications flamandes les plus intéressantes doivent être répandues parmi la jeunesse. Je pense que la traduction dont il s'agit, si elle est bien faite, servira à faire voir qu'on veut sincèrement entrer dans une nouvelle voie, et atteindre le but dont je viens de parler.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je dois un mot d'explication en réponse à une interpellation qui m'a été adressée hier au moment où la séance arrivait à sa fin. On m'a demandé de quelle nature était l'encouragement donné par le gouvernement à la pomologie, et à quelle somme s'élevait la dépense que l'Etat s'imposait ? Or, vous allez voir que la pomologie a été traitée avec trop peu de bienveillance.

En effet, ce n'est pas l'intervention du gouvernement qui a contrarié l'industrie privée, car le gouvernement n'est intervenu que quand il a été démontré que l'industrie privée était impuissante à soutenir cette entreprise recommandée à la sollicitude du gouvernement par le congrès agricole.

C'est en 1852 que le comité qui s'était occupé de la publication de la pomologie a fait connaître qu'il ne pouvait pas continuer. On a étudié alors les moyens de continuer cet ouvrage en y intéressant l'Etat par un simple encouragement.

Une commission composée d'hommes spéciaux exerçant leurs fonctions gratuitement s'est offerte pour diriger la publication ; et il a été convenu que le gouvernement achèterait un certain nombre d'exemplaires pour les distribuer dans un but d'utilité publique.

Un arrêté royal a organisé le service, et institué la commission. Au moyen de 112 exemplaires nous avons la certitude que la publication pourra se continuer. La somme employée sur le chapitre général des encouragements s'élève à 4 mille francs. Vous voyez qu'il n'y a pas là de quoi s'effrayer, et que le gouvernement, loin de contrarier l'industrie privée, assure la réussite d'une entreprise utile à la culture des arbres à fruit.

Quant à l'emploi des exemplaires, le gouvernememl le fera avec le discernement nécessaire et il examinera les observations de MM. Delehaye et de Haerne.

En ce qui concerne la demande d'une traduction du texte de la pomologie en flamand, c'est encore une chose utile dont le gouvernement pourra s'occuper, si l'état du crédit le permet.

Mais il m'est impossible d'exprimer aujourd'hui un avis définitif. Vous vojez qu'il n'est pas question de faire de la rivalité industrielle, et vous penserez sans doute, mesieurs, que cette entreprise ne méritait pas la défaveur avec laquelle quelques membres s'en sont occupés hier. Vous voyez que ce n'est pas, comme on l'a dit, une entreprise de boutique à laquelle le gouvernement s'intéresserait ; c'est une œuvre utile qui mérite d'être encouragée dans les faibles limites que j'ai indiquées ; et à laquelle des hommes honorables prêtent le concours désintéressé de leur expérience et de leurs talents.

M. de Man d'Attenrode. - Je remercie M. le ministre de l’intérieur des renseignements qu'il vient de nous donner. Ces renseignements me satisfont pour la forme, par ce que mon but est rempli. Le pays saura maintenant au moins en partie l'usage qui est fait du fonds d'agriculture. Les contribuables connaîtront un peu le système qui guide l'administration dans l'application des crédits destinés à la favoriser.

Je dis que ces renseignements ne me satisfont que pour la forme, parceque, bien que j’admette qu’une publication de ce genre, lorsqu’elle est bien faite, honore un pays et a un certain caractère d’utilité que je ne conteste pas, il ne m’est pas néanmoins démontré que l’entreprise particulière qui a géré et bien géré les Annales de la pomologie pendant quatre ans, n’était pas à même de les continuer. Je sais d’ailleurs positivement que, si la personne qui a pris l’initiative de cet ouvrage n’était (page 282) plus en mesure de le poursuivre, d'autres personnes étaient disposées à le reprendre. Mais du moment où le gouvernement s'est montré disposé à se charger de cette publication, il n'a plus été possible à l'industrie particulière de songer à s'en occuper.

Je le dis done sans détour, je ne puis approuver cette extension nouvelle donnée à son intervention.

M. le ministre de l'intérieur nous annonce que cette entreprise, faite par le gouvernement, ne coûtera que 4,000 fr. Je prends acte de cet engagement. C'est au moins une limite posée à cette dépense. Mais je crains fort que cette estimation ne sera pas suffisante. En effet, l'arrêté royal du 16 juin dernier est conçu en ces termes :

« Noire ministre de l'intérieur est autorisé à prendre les mesures nécessaires pour la publication d'un ouvrage complet sur la culture des fruits.

« Les dépenses à résulter de cette disposition seront imputées sur les crédits alloués chaque année au budget du département de l'intérieur en faveur de l'agriculture. »

Ainsi toutes les dépenses à résulter de cette publication seront imputées chaque année sur le budget. Or voyons quelles sont les dépenses probables. Il existe un homme capable, auquel on a offert 2,000 francs pour coopérer à la rédaction de cet ouvrage ; il n'a pas accepté, parce qu'il a trouvé une position plus avantageuse ailleurs, il sera nécessaire de dépenser au moins 600 fr. pour chacun des artistes, peintres ou dessinateurs, qui contribueront à décorer l'ouvrage ; et il en faudra plusieurs.

Il faudra payer l'éditeur, et vous savez ce que coûtent les impressions, le beau papier et accessoires, surtout quand c'est le gouvernement qui paye. Je suis persuadé que la publication dont il s'agit exigera une déperse considérable. J'ai ici le prospectus qui a été distribué pour faire connaître les Annales de pomologie publiées aux frais du gouvernement, et voici ce que j'y lis : « La publication qui est annoncée formera un ouvrage de salon ; ce sera une édition de luxe et du plus beau luxe de tous, celui de la nature. »

Messieurs, je vous le demande, un ouvrage destiné aux salons, un ouvrage de luxe, est-il bien propre à être distribué dans les écoles de toutes les communes, comme le demandait il y a un instant l'honorable M. Delehaye ?

Je pose en fait que si la chambre s'associe à la pensée du gouvernement, cette publication coûtera à l'Etat 10,000 à 12,000 fr. par an. Si la chambre y consent, si personne ne se lève pour contester l'utilité de cette dépense, je n'ai qu'à me rasseoir, j'ai rempli mon but et je crois avoir rempli mon devoir. Il n'y aura au moins pas de surprise.

M. Delehaye. - Il est, en effet, question, dans le programme auquel on vient de faire allusion, d'une publication de luxe. Mais j'ai remarqué que ce mot « luxe » a une signification autre que celle que l'honorable membre veut bien lui donner. J'ai lu aussi ce programme, et quand on y parle de luxe, en fait allusion à la manière dont les fruits seront représentés ; on veut dire qu'on ne négligera aucun soin de dessin et de couleur pour que les fruits soient représentés dans leur élat naturel.

Remarquez que le prix indiqué en premier lieu est exigé par la qualité du papier et de l'impression. Mais on peut admettre quelques modifications sur ce point sans nuire à l'ouvrage.

Je suis persuadé que lorsque cette publication se fera sur une grande échelle, avec l'intervention du gouvernement d'une part, des autorités provinciales et communales d'autre part, elle pourra être donnée à un prix réduit. Ce prix est aujourd'hui de 24 fr. par an ; mais vous comprenez comme moi que si l'ouvrage se tire à un nombre d'exemplaires considérable, et si l'on diminue un peu le luxe de papier et d'impression, le prix pourra être réduit, et cette réduction mettra la publication à la portée des fortunes les plus modestes.

En présence de la grande utilité que présente pour le pays un tel ouvrage, je suis convaincu que le prix sera à la portée de tous ceux qui voudront acquérir les connaissances nécessaires pour une bonne culture.

Pour les communes qui voudront faire une dépense dans un but d'intérêt public, il n'y a pas de dépense aussi bien justifiée.

Je persiste à appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur cette institution. Je suis convaincu que, bien mûrie, elle produira d'excellents résultats.

- L'article 56 est mis aux voix et adopté.

Chapitre XII. Voirie vicinale

Article 57

« Art. 57. Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale. Indemnités à des employés temporaires attachés au service de la voirie vicinale. Confection de plans, impressions, etc. : fr. 492,800. »

M. de Steenhault. - Déjà à différentes reprises, messieurs, des observations nombreuses vous ont été adressées sur la répartition de l'allocation portée au budget pour la voirie vicinale.

En 1850 déjà plusieurs de mes honorables collègues avaient cru devoir se joindre à moi pour réclamer en faveur de nos provinces respectives.

Je regrette de devoir encore aujourd'hui renouveler mes plaintes ; différents rapports officiels sont venus les justifier, et je dois dire que le nouveau mode de répartition que le gouvernement paraît avoir adopté n’est pas venu sensiblement améliorer les choses.

Aujourd’hui, messieurs, on divise l'allocation en neuf parts égales dont une pour chaque province.

Ce mode a incontestablement le mérite d'être fort expéditif, mais il a aussi l’inconvénient d'être souverainement injuste.

Faire ce que l'on fait aujourd'hui, c'est à peu près comme si nous allons distribuer nos chemins de fer par kilomètres et par provinces sans tenir compte des besoins et des autres circonstances qui nous guident dans leur établissement.

Je sais bien que le besoin de communications vicinales se fait, quoique à différents degrés, généralement sentir partout, que d'ici à un certain nombre d’années ces besoins, se multipliant sans cesse, seront peut-être égaux dans toutes les localisés ; mais il est vrai aussi que nous avons à pourvoir à des besoins immédiats, et que dès ce moment il me paraît logique de travailler d'abord là où les améliorations, les pavages sont le plus instamment réclamés par le plus grand nombre, et où les sacrifiées faits par les communes et les provinces prouvent que la nécessité s'est fait le plus vivement sentir.

Ces différentes considérations ne doivent, paraît-il, s'opposer en aucune façon à l'adoption de bases fixes qu'on a toujours réclamées dans cette enceinte, et je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne pourrait pas tenir compte de la densité de ia population, de la fréquence des relations, de l'étendue du territoire, de l'importance des travaux, des sacrifices des provinces et des communes, quand il n'y a pas lieu à exception en faveur des communes pauvres.

Je crois que le chiffre des impôts rentrant dans les caisses de l'Etat et sur lesquels on prélève les fonds à distribuer, est bien fait aussi pour jeter dans la balance, car il n'est pas juste que ceux qui y contribuent pour la part la plus large, soient précisément ceux-là qui sont le plus mal traités.

L'idée des bases dont je viens d'avoir l'honneur de vous parler n’est d'ailleurs pas neuve. Si je suis bien informé, des propositions de ce genre doivent avoir été faites par une de nos députations permanentes ; elles ont le mérite de satisfaire à bien des exigences.

Voici, du reste, ces bases que je ne vous donne pas comme n'étant pas susceptibles de modifications, je ne vous les donne que comme un exemple.

Un sixième serait distribué par parts égales entre les provinces ;

Un sixième à distribuer en raison des sacrifices réunis des communes et des provinces ;

Un sixième en raison de l'étendue territoriale des provinces, et par conséquent des besoins supposés de la voirie ;

Un sixième en raison de la population des provinces, de la nécessité plus grande d'avoir de bonnes communications ;

Un sixième en raison du produit des impôts payés à l'Etat par chaque province, impôts sur lesquels on prélève les fonds à distribuer.

Enfin, un sixième en faveur des communes pauvres.

Quant à la répartition actuelle, permettez-moi de vous citer quelques chiffres qui vous prouveront, je l'espère, combien elle est peu rationnelle, peu équitable.

Ne perdons pas de vue que toutes les provinces reçoivent le même chiffre, environ 52 à 54 mille fr.

Voici ceux des sacrifices réunis des communes et des provinces, il en résulte une disproportion flagrante pour le Brabant.

Sacrifices communaux (en 1850) et provinciaux (en 1852), par provinces

Province d'Anvers, 44,088 83 et 45,000. Total 89,088 83.

Province de Brabant, 283,888 75 et 124,320. Total 408,208 75

Province de Flandre occidentale, 49,008 42 et 20,000. Total 69,008 42.

Province de Flandre orientale, 94,913 34 et 56,000. Total 150,913 34

Province de Hainaut, 200,956 46 et 100,000. Total 300,956 46

Province de Liège, 127,865 54 et 39,145. Total 167,010 54

Province de Limbourg, 140,695 99 et 19,000. Total 159,695 99

Province de Luxembourg, 74,823 26 et 32,000. Total 106,823 26.

Province de Namur, 65,132 01 et 34,000. Total 99,132 01.

Veuillez remarquer combien le Brabant dépasse, en sacrifices votés, les autres provinces.

Si vous tenez compte de la population, le Brabant arrive en seconde ligne :

Sur 4,226,102 il compte 734,617 habitants.

Si vous considérez l'étendue territoriale, sur 2,617,270 hectares, vous trouverez pour le Brabant 328,325 hectares.

Si à présent nous envisageons la généralité des impôts perçus au profit de l'Etat et sur lesquels se prélèvent les fonds à distribuer, en voici le relevé. Ils me sont fournis par le département des finances et ils sont exacts ;

(page 283) (Le tableau détaillé n’est pas repris dans la présente version numérisée)

Soit, pour tout le royaume, 79,932,159 79 et pour le Brabant seulement, 17,666,683 72. Donc environ un quart pour le Brabant seul.

Ces différentes bases soit prises isolément, soit considérées dans leur ensemble, sont bien faites, je pense, pour corroborer ce que j’avais l’l'honneur de vous dire en commençant.

Il me reste à faire une dernière critique du mode actuel de répartition. L'Etat partage par parts égales entre les provinces, comme les provinces le font à leur tour en proportion des sacrifices votés par les communes.

Il en résulte ce vice évident que les communes riches partent avec la grande part, et que les communes pauvres sont déshéritées. C'est là une injustice criante, et comme il serait impossible, pour éviter cet inconvénient, de tenir compte pour elles des différentes bases proposées pour la répartition de l'Etat, il importe que le gouvernement se réserve pour combler cette lacune une certaine part dans l'allocation génétrale.

L'abus que je signale soulève de vives réchmitions ; aussi je le recommande avec instances à la bienveillante attention de M. le ministre.

Je finis par une dernière observation. Un très grand élan a été donné, dans ces dernières années, à la voirie vicinale.

Cet élan, imprimé par l'Etat, a eu pour résultat de faire entreprendre d'immenses travaux, trop peut-être, et qui aujourd'hui, faute de ressources, sont là inachevés, sans suite, sans ensemble, souvent éparpillés par parties de quelques mètres, se détériorant par conséquent tous les jours, ; et qui, peut-être seront perdues à jamais si des secours intelligents ne viennent les sauver.

Je n'hésite pas à l'affirmer. Si le gouvernement refuse un secours qui ne serait qu'extraordinaire et tout à fait temporaire de sa nature, une majeure partie des dépenses considérables déjà faites sera, perdue, et j'en appelle, pour cet objet, à M. le ministre qui, probablement, doit avoir en main des rapports qui mieux que je ne pourrais le faire vous convaincront de ce fait.

Je voudrais, messieurs, que tous comme moi, vous soyez convaincus de la nécessité d'un crédit extraordinaire. Je serais heureux de vous le proposer parce que ce serait, au résumé, une excellente mesure d'administration.

Je fais des voeux pour que cette conviction vous soit donnée ; mais si les choses devaient en rester où elles sont aujourd'hui, je demanderais toujours à M. le ministre de ne plus accorder de subsides pour de nouveaux travaux, avant que ceux commencés ne soient terminés et au fur et à mesure de leur enlèvement.

Il en résultera toujours un avantage quelconque pour ce qui est commencé aujourd'hui, et c'est ce qu'il faut sauver avant tout.

M. Rousselle. - Lorsque la chambre a élevé de 300,000 fr. à 5,000,000 fr. le crédit destiné à l'amélioration de la voirie vicinale, il avait été entendu qu'on prélèverait sur cette somme les frais d'inspection des chemins vicinaux portés au chapitre de l'agriculture pour une somme de 8,000 fr. C'étaient donc 492,000 fr. qui devaient être distribués pour les travaux de réparation des chemins vicinaux. L'état, qui est déposé sur le bureau, de la distribution de la somme, pour 1851, porte qu'il n'a été distribué, pour l'amélioration des chemins, que 472,000 fr.

On a prélevé sur le crédit 10,000 francs pour être distribués en indemnités temporaires aux agents voyers pour le service de l'assainissement, et 10,000 francs pour des frais de matériel administratif. Je crois qu'il y a eu abus dans cette imputation, et je prie M. le ministre de l'intérieur de ne plus permettre que, par des prélèvements irréguliers on amoindrisse la somme que vote la chambre pour l'amélioration des chemins vicinaux.

J'avais aussi préparé quelques calculs pour démontrer qu'il y a inégalité dans la répartition du subside pour amélioration des chemins vicinaux. Mais, après le discours que vous venez d'entendre, pour ne pas abuser des moments de la chambre, je ne reproduirai pas ici ces calculs.

Je prie seulement M. le ministre de l'intérieur de porter son attention toute particulière sur cette distribution. Déjà sa sollicitude a été éveillée sur ce point dans le compte rendu par M. l'inspecteur des chemins vicinaux et qui vient d'être distribué à la chambre. Ce fonctionnaire lui-même signale l'inégalité de la répartition actuelle, et il propose au ministre d'adopter des bases fixes ainsi que l'honorable membre vient de le demander.

Pour terminer, je demanderai à M. le ministre, avec le conseil provincial du Hainaut, que dans les occasions où il aura des crédits extraordinaires à distribuer en amélioration de la voirie vicinale, la part de cette province soit réglée de manière à lui tenir compte de l'inégalité des répartitions faites avant 1851.

M. Moncheur. - Messieurs, je déclare que de toutes les dépenses qui, dans l'ordre matériel figurent au budget de l'intérieur, aucune n'a mes sympathies au même degré que celle qui a pour objet l'amélioration de la voirie vicinale. C'est qu'en effet, messieurs, aucune ne produit un résultat aussi positif, aussi immédiat, aussi infaillible que celle-là. C'est qu'aucune autre n'augmente, dans une proportion aussi grande, la valeur des propriétés rurales, c'est-à-dire la portion la plus intéressante de la richesse nationale.

Messieurs, l'élan est donné ; et pour encourager cet élan extraordinaire qui, depuis plusieurs années existe, pour l'amélioration des chemins vicinaux, pour arriver à un résultat vraiment digne du pays, je crois qu'il faudrait augmenter de100,000 fr., pendant une dizaine d'années encore, le crédit porté au budget pour cet objet. Si une proposition dans ce sens était faite à la chambre, je l'appuierais de mon vote.

A part cette déclaration, je n'avais, messieurs, que deux simples observations à faire en ce qui concerne certaines dispositions de la loi sur les chemins vicinaux, mais le discours de l'honorable député de Bruxelles, M. de Steenhault, m'oblige à m'étendre un peu davantage et à rencontrer plusieurs des principes qu'il a émis eu égard de la répartition des subsides pour les chemins vicinaux.

L'honorable membre a proposé, si j'ai bien saisi ce q'uil a dit, d'établir cette répartition d'après la combinaison de six bases fixes : d'abord 1/6 du chiffre total à répartir serait distribué par parts égales entre les communes ; la deuxième base serait le montant des sacrifices faits par les communes et par les provinces ; la troisième base serait l'étendue territoriale de chaque province ; la quatrième serait le chiffre de la population de celle-ci, la cinquième serait le total des impôts payés également dans chaque province, enfla le dernier sixième du subside total serait réparti entre les communes pauvres.

Messieurs, de ces six bases il en est au moins deux que je ne pourrais en aucune manière admettre, ce sont celle de la totalité des impôts payés dans la province, et celle de la population.

En effet, messieurs, si vous appliquiez ces bases, vous arriveriez infailliblement à des résultats très injustes ; vous atteindriez un but directement opposé à celui que vous devez vouloir atteindre en accordant des subsides.

Car que sont les subsides ? Ce sont évidemment des secours accordés à ceux qui en ont besoin. Ce sont des encouragements donnés à ceux qui les méritent le plus, à ceux qui font eux-mêmes les plus grands efforts. Et d'abord quels sont ceux qui ont le plus besoin de subsides ? Certes ce ne sont point les plus riches ; et quelles sont les provinces les plus riches ? Ce sont évidemment celles où le chiffre total des impôts est le plus élevé.

Si donc le gouvernement prenait ce chiffre total des impôts comme base de la répartition des subsides destinés aux chemins vicinaux, il subsidierait le plus largement ceux-là qui en ont le moins besoin.

Je conçois que l'on prête aux riches ; mais qu'on leur donne des secours en raison directe de leur richesse, c'est là ce que je n'admets pas.

Evidemment c'est tout le contraire qui doit se pratiquer en fait de subsides, c'est-à-dire, que les secours doivent être donnés en raison inverse de la richesse des diverses contrées et en raison directe des besoins qui y existent.

Et savez-vous, messieurs, quelle serait, selon moi, l'une des bases les plus justes, les plus rationnelles pour la répartition des subsides ? Ce serait celle du chiffre total des souscriptions volontaires qui se font dans les diverses provinces pour l'amélioration de la voirie vicinale.

Ces souscriptions volontaires, messieurs, sont évidemment la preuve, tout à la fois, et du grand désir qu'éprouvent les populations d'améliorer leur voirie vicinale et du besoin réel qu'elles ont de le faire et de la générosité avec laquelle elles s'y prêtent.

Cela étant, je jette aussi les yeux sur le tableau statistique indiquant les ressources diverses qui ont été appliquées, en Belgique, à la dépense des chemins vicinaux pendant la période quinquennale de 1846 à 1850, et qu'y vois-je ? J'y vois que dans la province de Namur, par exemple, province peu riche et peu populeuse, les souscriptions volontaires se sont élevées à la somme de 59,562 fr. et que dans l'opulent et populeux Brabant ces mêmes souscriptions volontaires n'ont atteint, pendant cette période, que le chiffre de 24,026 fr.

Or je demande laquelle des deux mérite le plus d'être encouragée. Je dis donc, messieurs, que cette base que l'on a proposé, à savoir la totalité des impôts payés dans la province, ne doit nullement être admise pour majorer les subsides en conséquence ; car s'il faut que chaque province récupère à titre de subside le montant proportionnel des impôts qu'elle fournit à l'Etat, alors supprimez tout d'un coup l'allocation elle-même au budget ; n'y consacrez plus une somme pour encourager les communes pauvres et les localités où les besoins sont les plus argents et les moyens d'y satisfaire les plus rares ; ce serait beaucoup plus simple.

Mais puisque vous votez une somme pour être employée en subsides, c'est surtout aux contrées qui ne sont pas favorisées de la nature, qu'il faul les accorder. Lorsque déjà le terrain est fertile par lui-même, lorsque le sol a toutes les qualités désirables, évidemment ce n'est pas là qu'il faut encore faire affluer des subsides et des secours extraordinaires.

(page 284) Quant à la base de la population, préconisée par l'honorable préopinant, les réflexions que j'aurais à vous présenter seraient à peu près les mêmes que pour celle des impôts.

En effet, si une population de 754,000 âmes veut s'imposer, même un très léger sacrifice, elle arrivera facilement à une somme considérable, surtout lorsque cette population est la plus riche de toute la Belgique. Mais lorsqu'une population de 274,000 âmes, par exemple, comme est celle de la province de Namur, veut parvenir à un chiffre un peu rond, pour l'employer à la voirie vicinale, elle doit évidemment s'imposer des charges beaucoup plus lourdes que la première, doit par conséquent être encouragée davantage.

On a dit que la répartition se faisait maintenant par parts égales entre les différentes provinces ; cela est possible, messieurs ; cependant je ne vois nullement que cela résulte des tableaux statistiques que nous avons sous les yeux.

D'après ces documents, certaines provinces ont reçu beaucoup moins que certaines autres, et puisqu'on critique la répartition de ces subsides, je dois aussi former mes justes plaintes concernant la province qui m'a envoyé ici.

Ainsi, messieurs, sur les crédits extraordinaires alloués en 1845 à l'occasion de la crise alimentaire et en 1848 et 1849 à l'occasion des événements politiques, la somme totale qui a été répartie entre les provinces pour amélioration des chemins vicinaux a été de 1,791,000 fr. (je néglige les fractions) ; eh bien, sur cette somme la province de Namur n'a reçu que 99,821 fr., tandis que la province de Brabant a reçu 228,000 francs, la Flandre occidentale 264,000 francs, la Flandre orientale 253,000 fr., la province de Liège, 377,000 francs, etc.

Il n'y a que la province d'Anvers qui n'a reçu non plus que 81,000 fr.

Ainsi, messieurs, Namur et Anvers ont obtenu sur ces crédits extraordinaires infiniment moins qu'elles ne devaient équitablement recevoir.

Et ne croyez pas, messieurs, que l'injustice de cette répartition extraordinaire ait été rachetée par la répartition des subsides ordinaires, car le contraire résulte encore du tableau que j'ai sous les yeux, à la page 5 du rapport de M. le ministre de l'intérieur.

Il y a donc, messieurs, de ce chef pour ces provinces un véritable grief, et j'espère que l'honorable ministre de l'intérieur voudra bien en prendre note pour rétablir l'équilibre dans l'avenir.

Messieurs, j'arrive maintenant, un peu tard, il est vrai, aux deux observations que j'avais l'intention de vous présenter sur des dispositions de la loi du 10 avril 1841.

Cette loi comptera bientôt douze années d'existence. D'après l'article premier, on a dû faire, dans toutes les communes, des plans d'alignement et de délimitation des chemins vicinaux. Ces plans indiquent non seulement les chemins vicinaux, mais encore leur largeur. Des délais ont été prescrits par la loi elle-même pour la réception des réclamations des particuliers, pour le prononcé de la part des autorités communales sur ces réclamations et enfin pour arriver à l'ordonnance de la députation permanente, approuvant définitivement ces plans d'alignement et de délimitation. Mais l'article 10 de la loi vicinale, tout en réservant les droits de propriété des tiers, statue, par son paragraphe second, qui n'a pas été admis par la législature sans une grande opposition, que « l'ordonnance de la députation permanente servira de titre pour la prescription de 10 et 20 ans. »

Ainsi, tels les plans ont été faits, tels ils ont été approuvés par la députation permanente, et tels ils pourront, dans moins d'une année à partir du moment où je parle, être allégués par les communes, comme fondant, pai la prescription acquisitive, un droit définitlif de propriété aux chemins, avec la largeur indiquée auxdits plans.

Ceci, messieurs, serait sans grand inconvénient, si les plans avaient été bien faits. Mais malheureusement il n'en est pas ainsi : et il est de notoriété publique que les plans des chemins vicinaux fourmillent d'erreurs. On s'est borné, en général, pour les faire, à copier le cadastre et, quant à la largeur des chemins, on l'a indiquée, à peu près au hasard, dans le cabinet, par des chiffres à peine perceptibles, intercalés sur les plans.

Messieurs, si les agents qui ont été chargés de dresser les plans des chemins vicinaux s'étaient rendus partout sur les lieux, s'ils avaient préalablement annoncé leur arrivée, s'ils avaient convoqué les propriétaires riverains, enfin s'ils avaient indiqué la largeur de chaque chemin par quelques signes extérieurs sur le terrain ; oh ! alors ce mode de procéder aurait pu amener un résultat satisfaisant.

Mais c'est tout le conlraire qui a eu lieu : les géomètres qui ont été chargés de ce travail ont peu parcouru les chemins qu'ils devaient décrire, ou l'ont fait pour ainsi dire incognito, et l'on peut dire que la plupart des propriétaires riverains, surtout les propriétaires illettrés, ont été dans l'impossibilité physique et morale de s'assurer de l'exactitude ou de l'inexactitude des plans d'alignement et de délimitation faits pour ainsi dire à leur insu.

Qu'en résultera-t-il ? C'est que quand la prescription acquisilive de 10 et 20 ans aura été acquise et elle le sera dans peu de mois, des erreurs parfois étonnantes se trouveront établies légalement par cette prescription même.

Que si lorsque cette prescription sera opposée par des communes contre des particuliers, ou par des particuliers contre des communes elles-mêmes, si, dis-je, on se défend en déniant la possession suffisante pour fonder ladite prescription, il en surgira alors des procès très nombreux qui se résoudront tous en des questions de fait excessivement difficiles à décider.

Vous savez, en effet, messieurs, que toutes ces questions donnent lieu à des enquêtes très coûteuses et soumises à tous les inconvénients, à tous les dangers de la preuve testimoniale.

Or, le but de mon observation est d'appeler l'attention sérieuse des particuliers et des communes sur la position où ils se trouvant aujourd'hui à cet égard et de les engager, si le temps est encore suffisant pour cela, à faire rectifier les erreurs qui ont pu être commises dans las plans à leur préjudice.

Et s'il tlait reconnu par le gouvernement que ce temps est absolument trop court, peut être jugera-t-il nécessaire de proposer à la législature une loi qui recule le délai à partir duquel la prescription de 10 et 20 ans pourra être acquise.

La seconde observation que je voulais présenter est celle-ci :

D'après l'article 28 de la loi sur les chemins vicinaux, pas le plus petit sentier ne peut être supprimé ou rectifié, sans un arrêté royal.

C'est là une disposition très inutile et très nuisible à la prompte expédition des affdres.

Ces sortes d'affaires encombrent les bureaux de l'administration centrale ; on doit procéder par états trimestriels, de sorte que les personnes qui ont fait leur demande au commencement du trimestre, ne peuvent obtenir de solution qu'au trimestre suivant ; et pendant tout ce temps, les travaux, qui devaient être la conséquence du nouvel état de choses, restent suspendus.

Or, je voudrais que la députation permanente eût le droit d'approuver toute espèce de suppression ou de rectification de chemins, sauf recours au Roi, en cas de contestation. Par ce moyen, vous sauveriez tous les intérêts et vous amèneriez une grande économie de temps et d'argent et vous éviteriez beaucoup d'embarras.

Il est de fait, messieurs, que lorsque ces affaires de suppression ou da rectification de chemins ont été instruites par les soins de l'administration provinciale, il n'arrive peut-être pas une fois sur cent qu'il y ait la moindre réclamation par devant l'administration centrale. Celle-ci approuve les états trimestriels in globo.

La marche que j'indique est, du reste, celle qu'on suit généralement dans tous les cas analogues ; les lois, en général, laissent à la députation permanente le soin de statuer sur des objets de ce genre, sauf recours au Roi.

De sorte que si un seul individu, dans une commune, n'est pas satisfait de l'ordonnance de la députation, le recours lui est ouvert.

Ainsi, dans la matière qui nous occupe, s'il y a la moindre contestation sur l'opportunité ou l'inopportunité de supprimer un chemin, le Roi prononcera toujours, et le but que se propose l'article 28 actuel de la loi du 10 avril 1841 sera parfaitement atteint.

J'attire donc l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur cet objet qui n'est pas sans importance, parce que souvent les suppressions et surtout les rectifications de chemins, qui pourraient être d'un intérêt général réel, n'ont pas lieu, ne sont même pas demandées, précisément à cause des délais interminables auxquels ces affaires sont soumises.

J'ai dit.

M. le président. - Deux amendements ont été déposés sur le bureau ; le premier est ainsi conçu :

« Je propose de porter de 492,800 fr. à 600,000 fr. le crédit destiné à l'amélioration de la voirie vicinale.

« Alphonse Vandenpeereboom. »

Le second est ainsi conçu :

« Nous propesons d'augmenter le chiffre porté à l'article 57 de 100,000 francs.

« De Steenhault, Deliége. »

Les auteurs des amendements auront la parole, pour les développer, lorsque leur tour d'inscription viendra.

M. Thibaut. - Messieurs, je ne me prononcerai pas sur les amendements dont M. le président vient de donner lecture, avant d'en avoir entendu les développements par les honorables membres qui les ont présentés. Je suivrai l'ordre d'idées daus lequel la discussion a été engagée par le discours de l'honorable M. de Steenhault.

Cet honorable membre et les orateurs qui l'ont suivi ont appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les règles qu'il convient d'adopter pour la répartition du crédit alloué par la législature en faveur de la voirie vicinale.

Dans maintes circonstances, l'attention de la chambre a été appelée sur cet objet, et en général on n'a jamais pu se mettre d'accord pour fixer des règles absolues qui puissent être appliquées d'une manière équitable et juste dans tous les cas.

Les règles dont l'honorable M. de Steenhault a parlé tout à l'heure peuvent sans doute être consultées. Mais faudrait-il admettre cette division stricte et rigoureuse par sixièmes telle qu'on l'a proposée ? Je ne le pense pas. Il est même une des bases proposées qui devrait être prise au rebours du sens dans lequel elle a été présentée.

Ainsi, l'honorable député de Bruxelles a dit qu'un sixième du crédit pourrait être distribué aux provinces en raison du produit total des impôts perçus dans chacune des provinces.

Je crois, au contraire, qu'il serait plus juste de dire que c'est en (page 285) raison inverse du produit de ces impôts qu'il faudrait répartir les subsides aux provinces.

Quoi qu'il en soit, il est impossible de formuler des règles précises dont il ne soit jamais permis de se départir. Je pense que ce que le gouvernement doit consulter surtout, c'est l'état des besoins constatés de chaque localité et des ressources dont elle peut disposer. Ensuite, le gouvernement doit avoir égard aux sacrifices que les localités s'imposent pour parvenir à améliorer leur voirie vicinale.

Un mot justifiera ces éléments d'appréciation ; il a été prononcé par mon honorable ami, M. Moncheur, qui a dit : On prête aux riches, mais on ne doit donner qu'aux pauvres.

J'ajouterai qu'il faut aussi récompenser les efforts généreux que font les communes qui ont en elles-mêmes fort peu de ressources.

L'honorable M. de Steenhault a fait ressortir les sommes que les provinces de Brabant et de Hainaut consentent à dépenser en faveur de la voirie vicinale.

Ces sacrifices sont importants, sans doute ; mais, eu égard à la richesse et à la valeur des provinces dont il a parlé, ces sacrifices ne sont pas supérieurs à ceux que s'imposent d'autres provinces, la province de Namur, par exemple, que l'honorable membre a également citée.

Ainsi la province de Brabant d'après des calculs qui, je crois, ne seront pas désavoués par l'honorable membre, la province de Brabant, dis-je, a alloué, pendant la période décennale de 1841 à 1850, 7 p. c. du principal des contributions directes payées dans la province pendant une année ; le Hainaut a alloué 17 p. c. du principal des contributions directes de la province également pendant une année ; la province de Namur a alloué 10 p. c. Cette différence n'est pas immense, je ferai remarquer avant de poursuivre que je n'ai pris pour point de comparaison que le produit des contributions directes, patentes comprises, car ce sont ces contributions sur lesquelles la loi de 1841 a fait porter des centimes additionnels destinés à la voirie vicinale.

La différence entre les dépenses provinciales est bien compensée, messieurs, par la différence en autre sens, des dépenses communales.

Voici des chiffres qui vous convaincront, messieurs, que l’une des provinces les plus pauvres, la province de Namur, fait les plus grands sacrifices en faveur de la voirie vicinale. Ainsi, les communes de Brabant, pendant la période décennalede 1841 à 1851, ont dépensé pour les chemins de toute nature 2,842,560 fr. 76, les communes de la province de Hainaut ont dépensé 4,730,746 fr. 45, et les communes de la province de Namur, qui sont bien moins importantes, bien moins riches que celles que je viens de citer, ont dépensé presque autant que celles de la province de Brabant ; les allocations de ces communes ont dépassé 2,447,625 fr., de sorte qn'en établissant la proportion entre les sommes dépensées par les communes de ces trois provinces et le produit des impôts directs dans ces mêmes provinces, on trouve que les communes du Brabant ont dépensé seulement 45 p. c. du produit des impôts directs perçu dans la province pendant un an, les communes du Hainaut 80 p. c. et la province de Namur 150 p. c, l'énorme somme de 150 p. c. du produit des impôts directs d'une année.

Vous voyez donc, messieurs, que s'il faut tenir compte des sacrifices que s'imposent les communes, et j'espère que le gouvernement en tiendra compte, je dois conclure que la somme des crédits destinés à la province ce Namur peut être très importante.

D'autres considérations peuvent également militer en faveur des provinces les plus pauvres. Elles ont réellement plus besoin que les autres d'une bonne vicinalité. Vous trouverez de vastes territoires où la culture est restée encore dans l'enfance, qui sont même quelquefois tout à fait incultes, faute de voies de communication. Une bonne voirie rendra ces territoires à la production agricole. L'augmentation de production amènera elle-même inévitablement une augmentation de population, et ainsi notre pays s'améliorera et s'enrichira, c'est le but que nous devons tous nous efforcer d'atteindre.

M. de La Coste. - Les observations qui viennent d'être échangées en sens contraires prouvent, ce me semble, d'une part, la difficulté, mais aussi, de l'autre, la nécessité d'étudier la question et de chercher des bases équitables de répartition.

Puisque l'honorable ministre de l'intérieur se trouve dans une absence, j'allais presque dire dans une heureuse absence d'antécédents législatifs et ministériels qui le lient à un système quelconque à cet égard, je pense que c'est une occasion favorable de mettre la question à l'étude.

Je n'accuse aucun des cabinets précédents de ce qu'il peut y avoir de peu logique dans le mode actuel de répartition. Cela s'explique assez naturellement. Au commencement le crédit ne s'élevait qu'à 100,000 francs ; il n'était considéré que comme un stimulant pour encourager les communes, les provinces à améliorer la voirie vicinale.

Il n'importait pas infiniment sur quel pied une si faible somme était répartie entre neuf provinces, pourvu que le but fût atteint. Depuis, le crédit a été porté à trois cent mille francs, puis il a été augmenté jusqu'à cinq cent mille francs, et la chose a fort changé de face ; mais des crédits considérables ont été mis successivement à la disposition de MM. les ministres, crédits motivés par les circonstances et destinés à venir au secours des populations souffrantes. Ces crédits ont été employés en grande partie pour la voirie vicinale, ils ont servi aussi à compenser, à rendre moins sensible ce qu'il y avait de défectueux dans le système adopté pour la répartition du crédit annuel. On s'est donc également moins mis en peine de ses inconvénients et l'on a continué à la suivre.

Ainsi s'est creusée pour ainsi dire une ornière que l'on suit encore, et l'on sait qu'en administration rien n'est plus difficile que de sortir d'une ornière une fois creusée. Mais maintenant pourtant, que l'on ne dispose que du crédit que nous allons voter, je pense qu'il serait nécessaire que le ministère adoptât, je ne dis pas nécessairement les principes qu'a proposés la députalion permanente du Brabant, encore moins, comme je le démontrerai tout à l'heure, les principes qu'ont indiqués d'honorables orateurs appartenant à d'autres provinces, mais des principes équitables, et qui ne consistent pas à considérer le crédit que nous votons comme une dotation égale pour chaque province ; parce qu'il n'y a aucune relation entre une telle idée et l'objet que l'on veut atteindre, qui est l'amélioration de la voirie vicinale.

On dit aux communes : Faites des sacrifices, faites des efforts et le gouvernement viendra à votre secours. Eh bien ! C'est une déception. On pourrait plutôt dire : Faites ou ne faites pas ; le résultat, quant aux subsides du gouvernement, sera toujours le même, au moins pour l'ensemble de la province. Une année on obtiendra 84,000 fr., une autre 52,000 fr., tantôt plus, tantôt moins. Mais au bout d'un certain temps il est de règle que tout doit se compenser, et qu'on en revient toujours en moyenne au neuvième de la somme ; plus on augmentera le crédit, plus longtemps ce système se perpétuera et plus l'inégalité deviendra flagrante.

Il arrivera un moment où certaines provinces auront leurs routes vicinales dans un état très satisfaisant et continueront cependant à recevoir leur part ordinaire des subsides, tandis que d'autres provinces qui n'auront pas pu obtenir un tel résultat n'en auront pas davantage.

Je n'engagerai pas M. le ministre à improviser un système séance tenante ni à se prononcer sur-le-champ entre les vues qui viennent d'être exposées ; je pense cependant que quelques observations qui ont été faites n'ont pas toute la valeur qu'on semble y attacher. On a parlé, comme d'un titre à une part plus considérable des subsides, des souscriptions faites dans certaines provinces. Il est indifférent, ce me semble, si l'argent vient des souscriptions ou des rôles d'imposition communale.

Là où les rôles sont portés très haut, il est difficile que les souscriptions soient abondantes et là où il y a de grandes propriétés il est plus facile de trouver des souscripteurs. C'est précisément en adoptant ce système qu'on ferait ce que disait un honorable préopinant, qu'on donnerait aux riches.

Je pense aussi qu'on ne doit pas exagérer une idée très naturelle du reste et à laquelle la chambre a donné un très grand développement, c'est qu'il faut ouvrir des voies de communication dans les territoires qui sont en grande partie encore incultes.

Sans doute, c'est un moyen d'y appeler un développement de l'industrie agricole que nous devons désirer. Toutefois, il y a des terrains moins stériles qui ne sont pas habités par des riches, dont la population laborieuse et serrée paye des impôts considérables, des rôles communaux fort lourds et manque de débouchés pour ses produits. Je pense qu'un bon administrateur, qui aurait des propriétés incultes et des propriétés de ce genre agirait sagement en cherchant de préférence à donner des moyens de communication aux terres qui produisent et sont susceptibles d'une fertilité plus grande, mais dont les produits sont dépréciés par la difficulté et les frais du transport.

Il me semble donc qu'il ne faut pas exagérer cette idée qu'on doit donner des voies de communication surtout aux contrées incultes, et qu’il faut aussi se préoccuper d’amener dans la consommation les produits de sols plus riches, dont l’utilité est diminuée, dont la valeur est en partie dérobée à la richesse publique par l’imperfection des voies de communication, parce qu’en un mot, au lieu de chemins vicinaux, ces contrées n’ont souvent que des fondrières.

Je me bornerai du reste, quant à présent, à engager M. le ministre à mettre la question à l’étude, et, sans enlever à aucune province une part dans le crédit, à faire entrer dans la répartition d’autres éléments que ce moyen mécanique qui consiste à couper, pour ainsi dire, le subside en neuf parties égales.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, jusqu'ici la discussion a roulé sur trois points. Plusieurs membres ont critiqué le mode de répartition des 492,000 fr. portés au budget pour l'amélioration de la voirie vicinale ; d'autres ont réclamé au nom de leur province une répartition plus équitable, prétendant tous que la province qu'ils représentent plus spécialement était lésée par la répartition actuelle. Tous les orateurs enfin ont soutenu qu'ils étaient animés des meilleures intentions à l'égard de l'agriculture, et comme preuve ils énonçaient que le meilleur encouragement à lui donner était le développement de la voirie vicinale.

Messieurs, j'aime beaucoup les bonnes intentions, mais l'intention ne fait pas toujours l'œuvre ; c'est ainsi que les bonnes intentions ne font pas les bons chemins. J'ai donc pensé que la conséquence logique et pratique de ces bonnes intentions devait être une proposition formelle tendant à majorer l'allocation pour l'amélioration de la voirie vicinale ; c'est pour ce motif que j'ai proposé l'amendement dont on vient de vous donner lecture.

La répartition faite depuis plusieurs années est vicieuse. Je ne chercherai pas à le démontrer ; les arguments que divers orateurs ont fait valoir le prouvent à l'évidence.

Il est incontestable que plusieurs éléments essentiels pour obtenir une (page 286) répartition équitable sont omis dans le système adopté par le gouvernement.

Ainsi, l'une des bases qui ont été négligées est celle qui consiste à examiner le coût relatif des travaux de voirie, c'est-à-dire à examiner combien ces travaux coûtent dans telle province comparativement à telle autre. Ainsi, il est des provinces où la matière première est abondante, où elle se trouve à pied-d'oeuvre, où l'on peut enfin, au même prix, exécuter des travaux beaucoup plus considérables que dans telle autre où les prix du transport augmentent considérablement la valeur des matériaux.

Dans la Flandre occidentale, par exemple, les travaux de voirie, je veux parler des travaux sérieux, des travaux de pavage (non des travaux précaires tels que les ensablements), qui n'ont qu'une utilité toute relative ; dans la Flandre occidentale, dis-je, ces travaux coûtent 5 francs par mètre carré ou 20 mille fr. par kilomètre ; dans d'autres provinces au contraire le prix est beaucoup moindre ; cette base doit donc être prise toujours en mûre considération quand il s'agit de répartir les subsides. Une autre base qu'on ne doit pas négliger, c'est la position financière des communes. Ainsi dans certaines provinces et particulièrement dans les Flandres qui ont été si rudement éprouvées, les communes sont surchargées d'impôts communaux, d'abonnements ou répartitions personnelles dont le montant est destiné à secourir de nombreux indigents. Ces charges ne permettent pas aux communes de consacrer aux travaux de voirie, de grande communication surtout, des sommes égales à celles que peuvent consacrer à ces travaux les communes des autres provinces.

Une troisième base enfin, c'est la situation des chemins vicinaux. Dans la province que je représente plus spécialement, par ce motif que les travaux sont très coûteux, on n'a pas pu en exécuter autant qu'ailleurs. Aujourd'hui encore les chemins d'un grand nombre de communes sont dans un très mauvais état ; il existe des communes dans l’arrondissement d'Ypres, je citerai les communes de Locre et de Ploegsteert où les chemins sont impraticables aux voitures et même aux chevaux pendant 7 ou 8 mois de l'année.

J'appelle donc l'attention du gouvernement sur les observations que je viens de faire ; je le prie, quand il introduira un système nouveau de répartition des subsides destinés à améliorer la voirie, de prendre en considération les bases de répartition que je viens d'indiquer et surtout les dépenses relatives à faire dans nos diverses provinces pour exécuter une certaine étendue de voirie vicinale.

Messieurs, des orateurs qui ont pris la parole ont prétendu que la Flandre occidentale était plus favorisée que d'autres provinces dans la répartition pour l'amélioration de la voirie. Je pense que c'est là une erreur. Quelques mots suffiront pour la rectifier.

Dans les tableaux joints aux rapports qui nous ont été distribués et qui indiquent le chiffre des fonds alloués par les communes, un chiffre a été complètement négligé en ce qui concerne la Flandre occidentale. Dans cette province, les travaux de voirie ne s'exéculcnt pas comme dans les autres provinces. Là un règlement provincial exige que les chemins vicinaux soient entretenus par les riverains, à leurs frais exclusivement, sans l'intervention des communes. De sorte que les chemins de petite communication sont exécutés entièrement par les particuliers.

Si l'on additionnait les sommes ainsi dépensées dans la Flandre occidentale pour ces travaux, on arriverait à un chiffre très élevé. Ces subsides que la province accorde aux communes sont exclusivement destinés à faire des chemins de grande communication. Je crois donc que si, aux sommes déposées par l'Etat, par la province et par les communes, ; on ajoutait les sommes dépensées par les particuliers pour l'entretien des petites communications dont je viens de parler, on arriverait à un chiffre plus élevé que dans les autres provinces. Cependant la Flandre occidentale a peu à se louer de la répartition faite depuis dix ans.

La province de la Flandre est de toutes nos provinces celle qui possède le moins de voies de communication. Bien que son territoire forme à peu près le neuvième du territoire du royaume, et sa population la septième part de la population totale du pays, la surface de ses chemins, routes, canaux et voies de communication de toute nature n'est que de 5,665 hectares, tandis que pour la province de Liège cette surface est de 7,505 hectares, pour le Hainaut de 8,766 hect. Malgré tous les efforts faits par le conseil provincial de la Flandre occidentale et les communes de cette province, la voirie vicinale y laisse encore plus à désirer qu'en aucune autre province.

Un grand nombre de localités sont privées complètement jusqu'ici de voies de communication ; enfin à l'exception des provinces de la Flandre orientale, du Limbourg et d'Anvers dont l'étendue territoriale est moindre que celle de la Flandre occidentale, c'est encore cette dernière province qui possède aujourd'hui le moins de routes pavées, empierrées ou ensablées ; leur étendue n'est que de 851 kilomètres, tandis que dans la province de llainaut elle est de 1,862 kilomètres, et de 1,211 dans la province de Liège.

Aussi, messieurs, le rapport sur la voirie vicinale, présenté en 1848 à la législature, constatait-il que sur une somme de 11,800,000 fr. nécessaire pour faire face à ses besoins les plus urgents 2,745,000 fr., soit à peu près le quart, devaient être employés aux travaux à faire dans la Flandre occidentale.

Depuis dix années de grands efforts ont été tentés pour améliorer la voirie dans cette province, de grands sacrifices ont été imposés à la province et aux communes. Sur une dépense totale de 9,860,000 faite en Belgique de 1841 à 1850 pour l'amélioration de la voirie, 1,325,000 fr. dont 1.113,000 à charge de la province et des commuées, ont été dépensés dans la Flandre occidentale. La province de Hainaut seule a durant le même laps de temps fait des travaux pour une somme plus élevée.

Et cependant, messieurs, durant la dernière période décennale, malgré ces sacrifices, la position financière des communes et les besoins constatés, la Flandre occidentale a obtenu dans la répartition des subsides ordinaires moins qu'aucune autre province. Sur 2,048,185 fr. une somme de 209,647 fr. seulement lui a été allouée, la province de Liège a obtenu 234,414 fr. et celle d'Anvers 235,504 fr. durant le même laps de temps.

Depuis dix ans l'Etat est intervenu dans les dépenses pour l'amélioration de la voirie en moyenne pour 17 94 p. c.

Toutefois cette intervention n'a pas été la même pour toutes les provinces. Après le Hainaut, c'est la Flandre occidentale qui a été la moins favorisée, puisque l'Etat n'est intervenu dans les dépenses pour l'amé: lioration de la voirie faites dans cette province que pour 15,84 p. c. tandis que cette intervention a été pour la province de Namur de 23,41 p. c, d'Anvers, de 25,10 p. c, de Limbourg, 29,57 p. c. et de Luxembourg de 36,11 p. c.

Je terminerai en disant quelques mots en faveur de l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer. Je crois qu'il serait inutile d'y donner de longs développements. Presque tous les orateurs qui ont pris la parole ont rappelé que de nombreux besoins existent, que les ressources actuelles sont insuffisantes ; tous ont reconnu combien les travaux de voirie sont utiles.

Je n'insisterai pas sur ces points. Je me bornerai à faire remarquer qu'il serait juste et équitable de majorer le crédit ordinaire pour des travaux aussi utiles à l'agriculture.

J'ajouterai que presque toutes les sommes portées au budget sont dépensées dans les grands centres de population ; qu'elles ne profilent que très indirectement aux communes rurales. Lorsque l'occasion se présente de faire quelque chose pour nos populations agricoles, je crois qu'il ne faut pas la négliger.

Dernièrement nous avons voté une grande loi de travaux publics qui amènera dans le pays une dépense de 100 à 125 millions. Il est regrettable que nous n'ayons pas compris dans cette loi un crédit de quelques millions pour amélioration de la voirie vicinale. Autant que cela est possible réparons aujourd'hui cette omission.

Je crois, messieurs, qu'une majoration de 100,000 francs sur les crédits ordinaires pourrait produire d'heureux résultats.

A l'avenir, je proposerai de nouvelles augmentations ; car dans mon opinion, si la dotation de ce service pouvait être portée à un million par an, je crois que ce serait une dépense parfaitement justifiée, parfaitement utile.

Je me réserve, messieurs, de prendre ultérieurement la parole si l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter était combattu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois que c'est le moment de présenter à la chambre quelques observations sur la situation de la voirie vicinale, dont les besoins sont tels qu'il est fort difficile d'y satisfaire dans l'étal actuel des crédits.

Cet article a été l'objet de critiques, et d'observations de toute nature, souvent opposées l'une à l'autre. Cela ne prouve qu'une chose, à mon avis, c'est qu'il est très diflicile d'arriver à des règles de distribution assez précises pour contenter tous les intérêts en jeu dans cette question.

C'est probablement ce qui a déterminé le gouvernement, après de nombreux essais, à s'arrêter à la règle suivie jusqu'ici pour la répartition entre les provinces.

Quoi qu'il en soit, j'ai pris note des observations qui ont été faites dans la discussion. Tout ce que je pourrai faire sera de me livrer à une étude nouvelle pour voir s'il serait possible d'arriver à une répartition plus équitable du fonds affecté à l'amélioration de la voirie.

Maintenant je donnerai à la chambre quelques explications sur le crédit en lui-même, sur l'état où sa trouvent un grand nombre de travaux commencés et qui restent dans un état complet d'inachèvement.

Le crédit de 492,000 fr. est depuis quelque temps reconnu insuffisant pour encourager les travaux de voirie jugés même les plus urgents ; tous les rapports venus des provinces s'accordent sur ce point, et il est devenu impossible de pourvoir aux nécessités le mieux constatées.

Ce sont des faits que je pourrais établir par des documents irrécusables.

Mais il y a aussi les travaux entrepris, au moyen de crédits extraordinaires, que vous ne devez pas perdre de vue. Dans toutes les provinces, des routes nouvelles sont en cours d'exécution ; elles ont été commencées sous l'empire de circonstances tout à fait exceptionnelles.

Ainsi, dans les Flandres, dans le Brabant et dans d'autres provinces, on a ordonné l'ouverture de nouveaux chemins pour donner du travail aux populations ouvrières, pour alléger des maux très grands que vous connaissez tous.

Pour achever tous ces travaux en aidant les provinces par des subsides, il faudrait obtenir un crédit extraordinaire d'à peu près un million. J'ai sous les yeux l'état des travaux commencés dans les Flandres, dans le Brabant, dans les provinces d'Anvers, de Hainaut et de Limbourg. Il eu résulte qu'un grand nombre de chemins en voie de construction ont dû (page 287) être abandonnés par suite de l'impossibilité où l'on est d'y affecter des subsides.

C'est là une valeur improductive dont personne ne peut, par conséquent, retirer le moindre fruit.

Il me semble, messieurs, qu'en bonne administration il serait convenable de s'occuper un peu de cet arriéré et de se demander s'il ne serait pas possible, par un effort nouveau, extraordinaire, d'arriver à compléter ce qu'on a commencé dans des vues très utiles, mais ce qui ne produirait absolument rien, si vous laissiez ces chemins dans l'étal d'inachèvement où ils se trouvent. Or, il résulte, comme je viens le dire, du relevé que j'ai fait faire, qu'il faudrait, pour arriver avec des subsides proportionnés à l'importance des sacrifices que les communes et les provinces s'imposent, obtenir un crédit extraordinaire d'un million, avec lequel on viendrait au secours de ces provinces et de ces communes et avec lequel aussi on donnerait des secours extraordinaires à d'autres provinces pour commencer de nouveaux chemins vicinaux et les mettre sous ce rapport sur un pied d'égalité avec les provinces où des travaux plus considérables ont été entrepris.

Je ne sais jusqu'à quel point vous goûterez une observation de cette nature, jusqu'à quel point elle pourra se convertir en proposition formelle qui nous mènerait à obtenir, pour cette année, un crédit extraordinaire d'un million. Quoi qu'il en soit, il était de mon devoir d'appeler votre attention sur la situation où se trouvent plusieurs de nos provinces.

Messieurs, en dehors de ce crédit extraordinaire d'un million qui nous serait nécessaire, on peut se demander s'il ne serait pas juste d'élever un peu le crédit ordinaire. Des amendements vous ont été présentés à cet égard, et il me semble que le moins qu'on puisse faire, en attendant que des ressources plus complètes soient mises à la disposition du gouvernement, c'est de lui permettre de faire face aux travaux ordinaires les plus urgents.

Sous ce rapport le gouvernement ne peut qu'applaudir à la pensée qui a inspiré les auteurs des amendements présentés. Je crois qu'en présence de la faveur méritée que rencontre dans cette enceinte tout ce qui se rattache aux chemins vicinaux, il est inutile d'insister sur la nécessité de donner au gouvernement des moyens nouveaux d'influer sur la construction des chemins vicinaux.

Il ne vous échappera pas, messieurs, que ces chemins vicinaux non seulement exercent la plus grande influence sur la prospérité de notre agriculture, mais peuvent augmenter d'une manière considérable les produits que nous attendons de l'exploitation du chemin de fer. Tout ce qui sert d'affluents à la grande communication du chemin de fer, affluents qui résultent des chemins vicinaux que nous construisons aujourd'hui, peut être considéré comme une source de produits nouveaux qui augmenteront d'autant les ressources de l'Etat.

J'ai cru devoir vous présenter ces considérations pour que vous examiniez s'il ne serait pas utile de donner au gouvernement quelques moyens nouveaux de venir en aide à la voirie vicinale.

M. Vander Donckt. - Messieurs, l'allocation actuellement en discussion est certainement celle qui rencontre le plus de popularité et dans le pays et dans cette enceinte. Seulement on n'est pas entièrement d'accord sur la répartition de ce fonds, je dirai en quelque sorte de ce gâteau, dont chacun doit avoir sa part.

Plusieurs opinions à cet égard se sont fait jour et vous me permettrez de vous présenter aussi quelques considérations.

Il y a dans la Flandre orientale, notamment dans l'arrondissement d'Audenarde, de petites communes, et entre autres Hoorebekc-St-Corneille, que jusqu'ici, quoiqu'elles se soient adressées au gouvernement et a la province, n'ont pu encore sortir du mauvais état où elles se trouvent, quant à la voirie vicinale. En principe, le gouvernement a demandé qu'on fît connaître toutes les localités dont l'aggloméré n'était pas relié à des chemins pavés.

Il y a dans la Flandre orientale un assez grand nombre de communes où cet état de choses se présente, et lorsqu'elles se sont adressées au gouvernement, il leur a été répondu que les fonds étaient épuisés. Elles se sont adressées à la province, et elles n'ont pu obtenir que de très minimes secours qui ne suffisent même pas pour entamer les travaux. Cependant ces petites communes se sont exécutées ; elles ont fait tous les sacrifices possibles pour pouvoir se procurer un chemin de communication que jusqu'ici elles n'ont pu obtenir.

Aussi non seulement elles ne peuvent transporter pendant l'hiver leurs denrées alimentaires au marché voisin, mais il est arrivé que pendant cette saison les enfants ne pouvaient atteindre l'aggloméré pour se rendre à l'école communale, et que des convois funèbres ont dû déposer des cercueils à côté des chemins et les y abandonner pendant plus de deux fois vingt-quatre heures avant de pouvoir les conduire au lieu de la sépulture.

Je recommande à la bienveillance de M. le ministre de l'intérieur ces petites communes et notamment celle de Hoorebeke-St-Corneille.

Quant à la répartition sur laquelle plusieurs honorables membres ont pris la parole, c'est-à-dire à la division entre les provinces et les communes, il est une considération qu'on a oublié de faire valoir ; c'est que la Flandre orientale a, dans un moment où il n'était pas question de subsides accordés par l'Etat, où du moins la législature ne portait au budget qu'une somme de 100,000 fr. pour cet objet, voté un emprunt de 2 millions qui ont été entièrement dépensés en construction de routes provinciales, sans que l'Etat soit intervenu dans cette construction ponr un denier.

La Flandre orientale est aujourd'hui obligée d'amortir cet emprunt, de pourvoir au service des intérêts, et il me paraît qu'il serait de toute justice que le gouvernement, dans la répartition des subsides, lui tînt compte de ces sacrifices.

Sous un autre rapport, messieurs, la Flandre orientale se trouve dans la même situation (dont vous a parlé l'honorable M. Vandenpeereboom) que la Flandre occidentale ; l'entretien des routes y est aussi à la charge des communes et des riverains.

Les riverains doivent entretenir les chemins sans indemnité aucune, sans qu'il leur soit tenu compte par l'Etat, des dépenses consacrées annuellement à cet entretien.

J'engage M. le ministre de l'intérieur à tenir compte de ces deux considérations dans la répartition des subsides.

Un dernier mot, messieurs, quant à l'augmentation de subside qui est proposée.

Je crois qu'il est peu convenable d'augmenter en ce moment ce subside.

Entre autres considérations je ferai valoir celle-ci : c'est que dans la Flandre orientale, lorsqu'on a demandé aux carrières des grès pour pavage, on a répondu que les demandes étaient tellement nombreuses, que les prix étaient augmentés d'à peu près un tiers.

Eh bien ! si l'on continuait à augmenter le subside de l'Etat et à engager davantage les provinces et les communes à faire des dépenses pour les routes et pour le pavage, on arriverait à la fin à une pénurie complète et on payerait les grès un tiers de plus. Je partage toute la sympathie que rencontre la voirie vicinale ; mais, messieurs, marchons lentement vers le bien, nous y arriverons à temps. Il ne faut pas précipiter les choses.

M. Faignart. - Messieurs, si mes renseignements sont exacts, le gouvernement n'accorde des subsides aux communes qu'autant qu'elles s'imposent des sacrifices. Je ne blâme point cette manière de procéder, mais je regrette que certaines communes se trouvent dans l'impossibilité de remplir cette condition. Je ne parle point des provinces de Brabant et de Hainaut, mais il en est d'autres où le besoin des chemins vicinaux est tout aussi urgent et où les communes sont souvent dénuées de toutes ressources. J'engagerai donc le gouvernement à s'écarter un peu, lorsque le besoin en est reconnu, de cette règle générale.

Je citerai un exemple qui est à ma connaissance.

Il y a un chemin de grande communication dont on a certes reconnu l'utilité, puisqu'on l'a déclarée ; le chemin est commencé depuis 4 ou 5 ans, il doit traverser, sur un long parcours, plusieurs communes tout à fait dénuées de ressources. Ces communes sont obligées de faire des empierrements, sur 4,000 à 6,000 mètres, et leurs ressources leur permettent seulement d'en faire annuellement 80 à 100 mètres ; il faudra dons 50 ou 60 ans avant que cette communication puisse être achevée. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si en pareil cas il n'y aurait pas lieu à faire une exception à la règle que le gouvernement a adoptée.

J'ai parlé du chemin de grande communication de Bastogne à la Roche ; l'honorable M. d'Hoffschmidt et l'honorable M. Orban sont particulièrement renseignés sur ce point et ils pourront appuyer ce que je viens de dire.

Je n'ai parlé que de ce chemin-là, parce que je le connais plus particulièrement ; mais il est hors de doute qu'il se trouve dans la province de Luxembourg et ailleurs des communes qui sont hors d'état de remplir les conditions auxquelles le gouvernement subordonne l’allocation du subside pour les chemins vicinaux.

M. Deliége. - Messieurs, j'ai proposé, avec l'honorable M. de Steenhàult, d'augmenter le crédit des chemins vicinaux de 100,000 fr. L'honorable M. Vandenpeereboom a fait à peu près la même proposition ; la différence est très légère ; je me rallie à son amendement.

Aux motifs que l'honorable membre a fait valoir, je dois en ajouter quelques autres, et je vous demande, messieurs, un moment d'attention.

Il s'agit d'un service important et d'un point sur lequel nous sommes tous d'accord : les chemins vicinaux doivent être améliorés.

Messieurs, nous avons dépensé de très fortes sommes pour les chemins de fer. Nous avons dépensé également de très fortes sommes pour les grandes routes. Mais le chemin de fer et les grandes routes n'arrivent certainement pas à toutes les localités ; il y a des localités où les habitants doivent faire de longs détours pour arriver aux grandes routes.

Il y a telle localilté que je connais, d'où l'on ne peut pas sortir surtout la nuit.

Je connais des localités où il est impossible en hiver et au printemps de conduire les engrais de la ferme sur les terres. Il y a une foule de communes en Belgique où il faut plus longtemps pour arriver a une grande route, qu'il n'en faut ailleurs pour faire 10 lieues sur un chemin de fer.

Je connais, messieurs, des villages importants où les chemins vicinaux ne sont souvent que des fondrières ; et malheur au voyageur attardé la nuit, s'il ne connaît pas très bien ces chemins ! Il est arrivé, à ma connaissance, des malheurs encore l'hiver dernier.

Ces communes pauvres n'attendent que des subsides pour mettre la main à l'œuvre.

Messieurs, je n'ai jamais demandé et je ne demanderai pas de protection douanière pour l'industrie agricole, mais je crois qu'on doit (page 288) faire, pour un service sur l'importance duquel nous sommes tous d'accord, quelque chose de plus que ce que nous avons fait jusqu'à présent.

Nous devons augmenter le crédit des chemins vicinaux ; d'autant plus que, comme on vient de le dire, il y a une foule de communes et de provinces qui ont fait de grands sacrifices, aujourd'hui sans résultat, parce que les chemins sont commencés et qu'on ne peut les finir faute de fonds.

Il y a un autre motif, messieurs, c'est que, dans le dernier emprunt, nos chemins vicinaux ont été complètement oubliés. Le ministère avait même déclaré, l'honorable M. Rogier m'en fait souvenir, qu'on avait réservé cette question pour les budgets.

On objectera, messieurs, que nous avons rétabli l'équilibre dans nos finances, et que si nous augmentons les allocations du budget, la situation redeviendra mauvaise. Je crois, messieurs, que pour un service si important, on trouvera bien de quoi couvrir la modique somme que nous proposons d'ajouter à l'allocation de l'année dernière.

On nous propose d'augmenter certaines allocations pour les conservatoires ; on porte au budget des sommes pour les statues élevées aux grands hommes ; je suis, messieurs, comme vous tous, admirateur de la bonne musique, j'admire également les statues de nos grands hommes que l'on élève sur les places publiques de nos villes, mais je crois, d'un autre côté, que nous devons également porter nos regards vers les cultivateurs qui piétinent continuellement dans la boue.

M. Coomans. - Messieurs, il n'est pas de dépense que je vote plus volontiers que celle-ci ; car je n'en connais pas de plus utile ; c'est dire que j'admettrai le chiffre le plus élevé, et que je voterai avec empressement le million annoncé par le gouvernement, quand il nous fera le plaisir de le demander.

On s'est plaint de la répartition des fonds affectés à la voirie vicinale, et l'on a eu parfaitement raison d'en signaler l'injustice.

On a donné plusieurs preuves du vice fondamental, mais en voici une qui est de nature à vous frapper :

L'arrondissement de Turnhout esf assurément celui qui a le plus grand besoin de chemins vicinaux, qui a le plus de titres aux subsides de l'Etat, parce qu'il n'a pas de chemin de fer ; parce qu'il peut développer considérablement son agriculture, donner une plus-value énorme à toutes les propriétés ; parce qu'il offre une très grande étendue ; parce qu'il n'a pas joui de toutes sorte de faveurs dont le budget dispose ; or, qu'est-il arrivé ? D'après les deux volumineux rapports qui nous ont été distribués, l'Etat a consacré, dans une période de dix années, de 1841 à 1850 une somme de 5,548,000 francs à la voirie vicinale ; l'arrondissement de Turnhout qui, en n'ayant égard qu'à sa population, qui est de 140,000 âmes, aurait dû participer dans ce chitfre pour 139,000 fr., n'a eu en tout que 23,000 fr. ; sur le crédit spécial, alloué en 1845, il a eu 1,200 fr. et sur le crédit spécial de 1,500,000 fr. voté en 1846, il a eu quoi ?... Zéro.

Est-ce à dire que j'en fasse un grief aux ministères précédents ? Non ; je veux être juste. Dans ma conviction, il n'y a pas eu de mauvaise volonté de la part de l'ancien ministère, ni de ceux qui l'ont précédé, à l'égard de l'arrondissement de Turnhout. D'où vient donc l'injustice criante dont il a été victime ? Uniquement du mode de répartition adopté.

On exige que les communes interviennent, au moins pour un tiers, dans les frais d'amélioration de la voirie vicinale. Je dois le dire, le gouvernement a fait des efforts pour engager les communes campinoises à empierrer, à paver leurs routes vicinales ; chaque fois qu'on leur a fait des offres de fonds assez considérable, elles ont dû répondre : « Nous ne pouvons pas participer aux frais dans la proportion qui nous est imposée, et quoique nos chemins soient mauvais, souvent impraticables, force nous est de nous passer, à cette condition, du concours de l'Etat. »

Qu'en est-il résulté ? C'est que l'arrondissement de Turnhout n'a rien obtenu pendant ces dix années sur le chapitre de la voirie vicinale.

Contrairement au dicton : on ne prête qu'aux riches, on ne donne qu'aux pauvres, cet arrondissement n'a figuré que pour mémoire dans la statistique financière.

Cette année-ci, l'injustice était devenue si criante que l'honorable M. Rogier, allant pour ainsi dire au-devant des réclamations de mon arrondissement, a décrété une route assez coûteuse (celle de Veerle par Vorst vers le Limbourg) et a fait allouer un subside équivalent à plus de 26 p. c. de la dépense, proportion qui semble avoir été critiquée par l'honorable M. de Steenhault.

Je ne cite cet exemple que pour montrer qu'il y a d'autres bases à consulter que celles qu'on adopte actuellement, et que le système en vigueur n'est pas justifiable.

La première base de toutes, la plus raisonnable, la plus juste et la plus humaine, c'est celle des besoins bien reconnus. Je ne dis pas qu'il faille affranchir les communes de toute contribution, cela ne serait ni prudent, ni équitable : il faut qu'elles aussi s'imposent des sacrifices.

Mais je voudrais qu'elles ne contribuassent que dans la mesure de leurs ressources et que le gouvernement, aidé de la province, accordât le reste dans la mesure de leurs besoins.

Je ne veux pas répéter les excellents arguments qui ont été présentés dans le cours de ce débat en faveur d'une augmentation du chiffre affecté à la voirie vicinale, mais il est deux ou trois considérations nouvelles que j'indiquerai sommairement.

Messieurs, quoique la voirie vicinale ait été considérablement améliorée depuis 20 ans (peut-être plus en Belgique que dans tout autre pays de l'Europe j'aime à le dire), cependant elle laisse encore beaucoup à désirer dans presque toutes nos provinces. Comme on l'a dit, il en résulte un tort réel fait à l'agriculture.

Mais je maintiens que la loi électorale que nous subissons, fait plus que jamais un devoir au gouvernement d'améliorer la voiria vicinale ; comme j'ai eu l'honneur de le dire l'autre jour, on force les électeurs à faire quelquefois vingt lieues, aller et retour, pour aller déposer leur vote au chef-lieu de l'arrondissement, et on les force, en outre, à suivre des routes presque impraticables.

Il est des arrondissements dans lesquels, même en plein été, à la suite de pluies un peu fortes, il est presque impossible de traverser, même à cheval, les routes vicinales ; les chevaux s'y éreintent, les charrettes s'y brisent, et les voilures les plus légères ne peuvent pas s'y engager impunément.

Eh bien, si vous maintenez la loi électorale, j'espère bien que cela ne sera pas, si vous maintenez le vote vexatoire au chef-lieu de canton, il est de votre devoir d'améliorer la voirie vicinale, afin de permettre aux électeurs de venir déposer leur vote à la ville, de venir exercer un droit politique, sans risquer de se casser le cou.

On a dit aussi avec raison qu'il fallait avoir égard, dans la distribution des fonds consacrés par l'Etat à la voirie vicinale, au coût local, si je puis m'exprimer ainsi, des chemins, à la différence du prix des matériaux, nécessaires à la construction et à l'entretien des pavés. En effet, il est évident que dans l'arrondissement de Turnhout, comme dans certains arrondissements de la Flandre occidentale, l'empierrement, le pavement coûtent plus cher que dans les provinces où l'on a sous la main tous les matériaux.

Ainsi, l'on m'a assuré que le prix des matériaux amenés à pied-d'œuvre est trois fois plus élevé, peur une certaine étendue de route dans l'arrondissement de Turnbout que dans les provinces de Namur et de Hainaut.

Par conséquent, c'est là une base de plus à joindre à celles que l'on adoptera pour la répartition.

L'honorable M. Deliége qui, je le reconnais, a toujours demandé une augmentation de fonds pour la voirie vicinale, a dit qu'il était essentiellement, radicalement hostile à tout droit de douane sur les céréales.

Ce n'est pas le moment de discuter cette question, mais, je vous le demande, n'est-il pas juste de consacrer à la voirie vicinale le quart de la recette que nous faisons au détriment de nos campagnards sur le blé et le bétail de l'étranger ?

Or, la concurrence faite à nos campagnards par l'étranger produit deux millions de fr. par an au trésor.

Si vous consacriez seulement la moitié de cette somme à la voirie vicinale, vous ne seriez encore qu'à moitié justes envers nos populations rurales.

L'honorable M. Deliége a dit encore, et je confirme son allégation, qu'il y a des routes vicinales si mauvaises que l'on ne peut pas s'y engager, surtout nuitamment, sans danger. Cela est vrai ; mais j'ajouterai qu'information prise, le prix de transport des blés dans plusieurs localités de la Belgique vers un grand marché voisin, au chef-lieu de la province, par exemple, est plus élevé de beaucoup que le fret de Dantzick à Anvers.

Ces chiffres seuls, que je serais à même de justifier ici, s'ils étaient contestés, mais ils ne le seront pas, démontrent que nous devons nous imposer toute sorte de sacrifices pour améliorer notre voirie vicinale. J'avoue qu'on a fait beauconp depuis douze ans en faveur de cet important service, mais je crois qu'en cette matière on ne saurait jamais faire trop, parce qu'on ne saurait jamais en faire assez.

M. Orban. - L'honorable M. Fiagnart m'a offert généreusement son appui, tout en faisant appel à mon témoignage, en faveur d'un chemin vicinal qui intéresse ma localité. Je l'en remercie et ne puis que reconnaître la justesse de ses observations. Je n'insisterai cependant pas sur ce point, il y aurait inconvénient, selon moi, à se faire ici l'avocat d'intérêts de localité.

Au surplus, j'ai entendu un honorable ancien ministre, M. d'Hoffschmidt, demander la parole, et je ne doute pas qu'il n'apporte un appui plus puissant que le mien à l'exécution de ce chemin.

J'avais demandé la parole pour un motif d'un intérêt plus général, je voulais défendre le mode de répartition des subsides suivi par le gouvernement, mode pratiqué depuis dix ans et qui a résisté à toutes les critiques dont il a été l'objet jusqu'aujourd'hui.

L'honorable M. de Steenhault trouve qu'il n'est pas équitable de faire de ce subside une répartition à peu près égale entre les provinces, sans tenir compte de la population et de la part pour laquelle elles contribuent aux charges publiques.

Il est vrai, messieurs, qu'il s'est chargé en quelque sorte de la réfutation de son discours, car tout en trouvant mauvais que les provinces les plus importantes et les plus riches n'eussent point une part plus importante que les autres, il a trouvé non moins mauvais que les communes les plus pauvres et les plus dénuées de ressources obtinssent du gouvernement les secours les moins considérables. Ce qui est juste pour les communes, doit l'être également pour les (page 289) provinces. Les secours les plus importants doivent être accordés à ceux qui en ont le plus besoin.

Voyez, messieurs, à quelles conséquences on arriverait en suivant l'opinion de l'honorable membre. Je cite l'exemple de la province de Luxembourg,

C'est elle dont le territoire est le pius étendu des neuf provinces ; sa population est en même temps la moins considérable, et la moins riche.

Il en résulte que les ressources qu'elle peut consacrer à ses chemins sont en raison inverse de l'importance de ceux-ci.

Elle a des chemins nombreux, étendus pour réunir des localités très éloignées les unes des autres. Elle n'a pour les exécuter que des ressources minimes en rapport avec la faiblesse de sa population. Ne serait-il point souverainement injuste que le gouvernement, intervenant par des subsides, accordât moins à cette province qu'à une province riche, populeuse, où les localités sont rapprochées et où les ressources pour l'exécution des chemins sont d'autant plus grandes que ces chemins sont moins étendus ?

Je ne puis donc qu'encourager le gouvernement à persister dans le mode qu'il a suivi. Il n'en est point de plus équitable.

Je ne puis, messieurs, donner la même approbation à une idée émise par M. le ministre de l'intérieur, mais non formulée par lui en proposition : idée qui consisterait à consacrer une ressource extraordinaire de 1 million à l'achèvement de certains chemins en voie d'exécution dans plusieurs de nos provinces.

Ce serait, messieurs, modifier complètement le mode pratiqué jusqu'aujourd'hui pour la voirie vicinale.

Les chemins vicinaux constituent une dépense communale et qui doit rester communale ; l'Etat, les provinces ne doivent intervenir que subsidiairement.

Affecter immédiatement une somme aussi considérable au parachèvement des chemins, ce serait en mettre la dépense principale à la charge de l'Etat.

Il ne faut pas oublier non plus que c'est là une dépense permanente en quelque sorte, que ce sont là des travaux qui doivent s'exécuter successivement, avec des ressources qui se reproduisent chaque année, et qu'il ne faut pas songer à achever instantanément.

Ce que je dis, messieurs, n'est pas nouveau. C'est la réponse que le gouvernement a faite chaque fois qu'il a été question d'augmenter trop notablement le chiffre relatif aux chemins vicinaux. Il a toujours insisté sur la convenance de laisser la dépense communale et de maintenir à l'Etat sa position subsidaire.

J'engage, messieurs, le ministre à ne pas s'écarter sous ce rapport des errements de ses prédécesseurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, j'entends parfaitement la portée des observations qui ont été présentées ; mais je pense que je n'aurai pas été bien compris lorsque j'ai parlé de la nécessité d'affecter un crédit extraordinaire à l'achèvement de certains travaux.

Il ne s'agit pas, en effet, de faire payer ces travaux par l'Etat seulement, c'est une somme proportionnelle qui a été indiquée pour concourir, avec les efforts réunis des communes et des provinces, à l'achèvement de grands travaux commencées sous l'influence d'événements calamiteux.

Cette somme d'un million n'est pas l'objet d'une proposition formelle ; seulement, j'ai cru devoir vous éclairer sur toutes les nécessités en présence desquelles on se trouve, afin d'y pourvoir quand les circonstances financières le permettront.

En attendait, les considérations que je viens de vous présenter vous paraîtront peut-être de nature à renforcer le crédit ordinaire en accueillant l'amendement qui vous est soumis.

M. de Steenhault. - Pour ce qui concerne mon amendement, messieurs, il ne me resterait que bien de chose à dire après ce que vous a dit M. le ministre ; je crois donc inutile de l'appuyer encore.

Quant aux critiques qu'a soulevées le système dont j'ai parlé pour le partage de l'allocation de la voirie, quoique ayant bien des choses à répondre, je crois devoir m'en abstenir dans ce moment, pressé comme vous paraissez l'être de terminer ce chapitre.

Continuer cette discussion serait d'ailleurs la faire dégénérer peut-être en question de clocher ; je ne veux en faire moi qn'ue question de justice et à ce point de vue je m'en rapporte complètement à M. le ministre en qui j'ai, comme je l'ai dit hier en finissant, la plus entière confiance.

M. Magherman. - Vous venez d'entendre plusieurs orateurs développer le système qui leur paraît le plus équitable, à leur point de vue, pour faire obtenir à leur localité la plus grande part possible du subside.

Pour moi, je crois que le meilleur système est de n'en avoir aucun, de s'entourer pour chaque demande de tous les renseignements possibles et de tenir compte de toutes les considérations qui pourront militer pour faire accorder une plus ou moins grande part, suivant les circonstances où se trouveront les localités qui feront des demandes.

Un mot en ce qui concerne la Flandre orientale. Je dois insister sur les considérations présentées par mon honorable ami M. Vander Donckt. Quand il s'est agi de faire des routes provinciales, la province a eu recours à un emprunt de deux millions, au moyen duquel elle a construit à elle seule six routes provinciales.

Dans les autres provinces, notamment dans le Hainant, les routes provinciales ont été construites soit par la province avec le concours de l'Etat, soit par l'Etat avec le concours de la province.

La Flandre orientale a fait six routes provinciales sans le concours de qui que ce soit.

Je voudrais maintenant présenter quelques considérations dans un autre ordre d'idées. Jusqu'ici nous avons parlé de construire des routes, mais il importe de conserver celles que nous avons, et pour cela il faut leur appliquer un bon système d'entretien.

Un honorable représentant de Namur a attiré hier l'attention de la chambre sur la surveillance de la voirie vicinale dans sa province et a signalé l'inefficacité de cette surveillance au moyen de commissaires-voyers dont il n'existe qu'un seul par arrondissement. A cette occasion il a émis le vœu que des jeunes gens qui ont fait des études spéciales et aspirent à entrer dans le corps des ponts et chaussées, soient chargés de cette surveillance.

Je m'associe complètement à ses vues et ferai même un pas de plus : Je crois qu'il serait utile que la voirie vicinale fût distraite du département de l'intérieur, pour être annexée à celui des travaux publics, et placée sous la direction du corps des ponts et chaussées. J'émets cette idée non pas d'une manière absolue, et pour en provoquer l'exécution immédiate, mais afin que M. le ministre de l'intérieur veuille bien y fixer son attention, en conférer avec son collègue des travaux publics, se mettre en correspondance avec les gouverneurs et les députations permanentes des provinces, et examiner si cette idée ne serait pas réalisable sans augmenter trop considérablement le personnel de l'administration des ponts et chaussées et les dépenses des communes.

Cette idée n'est pas neuve, messieurs, elle ne m'appartient pas: je l'ai entendu agiter par un membre très distingué de la députation permanente de ma province, qui la considérait comme digne de toute l'attention du gouvernement.

En effet, messieurs, si on se plaint de l'efficacité de la surveillance exercée sur la voirie vicinale dans la province de Namur, où il existe des agents spéciaux, que doit être cette surveillance dans une province comme la Flandre orientale, où cette surveillance est entièrement abandonnée aux administrations communales et aux commissaires d'arrondissement ?

Quant à l'action des administrations communales, elle a besoin d'être stimulée et contrôlée ; et cela est généralement senti, puisque dans quelques provinces il existe des commissaires-voyers chargés de cette besogne et que dans d'autres provinces cette surveillance est attribuée aux commissaires d'arrondissement.

En effet, il est impossible d'abandonner les travaux de la voirie vicinale, sans surveillance supérieure, aux administrations communales.

Trop de considérations particulières viennent souvent arrêter leurs bonnes intentions : la crainte de difficultés et d'embarras avec des voisins et des connaissances qu'on est dans le cas de rencontrer tous les jours ; celle d'entraîner les communes dans des procès, quelquefois même celle de compromettre une réélection. Car, ne nous le dissimulons pas, si notre régime communal basé sur l'élection populaire est peut-être le meilleur de l'Europe, il a aussi ses inconvénients, comme toute institution humaine a les siens.

Eh bien, si nous voulons conserver les avantages de ce régime, nous devons autant que possible tâcher de le dégager des inconvénients qu'il présente.

Pour ce qui est de la surveillance des commissaires d'arrondissement, vous sentirez facilement que si des plaintes s'élèvent du sein des provinces où il existe des commissaires spéciaux pour la voirie, ces plaintes doivent être beaucoup plus vives et surtout beaucoup plus fondées, là où cette surveillance est abandonnée à des fonctionnaires qui sont déjà surchargés d'une foule d'autres besognes.

L'honorable M. de Naeyer vous a signalé, messieurs, combien cette surveillance est illusoire. Voici littéralement à quoi elle se réduit. Le commissaire de l'arrondissement va dîner avec l'un ou l'autre bourgmestre du canton qu'il inspecte. Après le diner, on fait une tournée dans la commune, et s'il reste du temps, on visite une ou deux autres communes.

Messieurs, vous sentez facilement que les bourgmestres mettent tous leurs soins à ne pas mener le commissaire d'arrondissement dans les plus mauvais chemins, qui, par conséquent, ont le plus besoin de réparations ; on lui montre ce qu'il y a de beau ; on cache ce qui est défectueux, et de cette façon les mauvais chemins restent éternellement mauvais.

Messieurs, vous sentez facilement qu'un pareil régime a besoin d'une réforme.

Mais cette réforme, dira-t-on, entraînera de nouvelles dépenses. Peut-être. Le régime actuel coûte aussi, sans résultat utile : nos communes flamandes portent annuellement une somme à leur budget pour les frais d'inspection du commissaire d'arrondissement ; dans d'autres provinces, elles payent les commissaires-voyers.

Si ces ressources réunies étaient mises à la disposition du gouvernement, peut-être y trouverait-il le moyen d'adjoindre au corps des ponts et chaussées un personnel suffisant d'aspirants conducteurs et de cantonniers, pour imprimer une direction utile aux travaux de la voirie vicinale. D'ailleurs les travaux de l'Etat se réduisant actuellement à bien peu de chose, en matière de routes pavées, le corps des ponts et chaussées pourrait s'occuper très utilement de la voirie vicinale. Alors (page 290) ces travaux se feraient avec un ensemble, un esprit de suite, une entente et une intelligence qui souvent leur font défaut.

Les jeunes gens qui seraient chargés de ces travaux, les conduiraient avec soin, parce que l'aptitude dont ils feraient preuve dans cette position inférieure serait pour eux un titre à l'avancement dans le corps des ponts et chaussées.

Aujourd'hui le même stimulant n'existe pas à l'égard des commissaires-voyers. Ces fonctionnaires, qui n'ont pas toujours toutes les connaissances requises en matière de travaux publics, ressortissent au département de l'intérieur, ils n'ont aucun avancement à espérer ; avec leur nomination de commissaires-voyers, ils reçoivent leur bâton de maréchal.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir mûrir cette idée, de la soumettre à une instruction, et, après examen, de vouloir communiquer à la chambre le résultat de ses réflexions, soit par une proposition dans le sens de mes indications, soit en signalant les obstacles qui lui sembleraient devoir s'opposer à la réalisation de ce plan.

- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !

M. Veydt, rapporteur. - S'il s'agit de clore les débats sur la répartition des subsides et sur la surveillance des travaux de la voirie vicinale, je ne m'y oppose en aucune manière. Mais l'amendement, qui tend à augmenter le crédit de cent mille francs, n'a pas été suffisamment examiné. Si la clôture l'embrasse aussi, je demande qu'elle ne soit pas encore prononcée.

M. le président. - La demande de clôture porte sur l'article et sur les amendements.,

M. Osy (contre la clôture). - Messieurs, j'ai demandé la parole quand M. Vandenpeereboom a développé son amendement. Il me paraît que pour une affaire aussi grave que celle dont il s'agit, on ne peut pas clore de cette manière.

Il faudrait entendre quelques membres qui n'appuient pas les propositions de MM. Deliége et Vandenpeereboom ; il fant entendre le pour et le contre. Moi je voulais parler de la situation financière du pays. On ne peut pas clore sur cette question. Il n'est que quatre heures et demie, je ne serai pas long, je ne demande qu'à dire quelques mots.

M. de Theux (contre la clôture). - J'aurais désiré dire quelques mots. Le Limbourg a été attaqué pour la part qu'il a eue dans la répartition, j'aurais voulu faire remarquer que cette province, bien qu'elle ait perdu la partie la plus fertile de son territoire, est celle qui s'impose le plus de sacrifices pour la voirie vicinale.

Puisque la chambre a bien voulu entendre cette observation, je renoncerai à la parole.

M. Dumortier. - Je demande à la chambre de vouloir bien ne pas clore. Il s'agit d'une augmentation de dépense. Ce n'est pas quand nons reprochons au gouvernement de dépasser les budgets que nous devons le provoquer à augmenter les dépenses. Je ne suis pas dévorabîe en principe à cette dépense. Mais est-ce le moment de la faire ? C'est ce qu'il faut examiner.

M. de Mérode. - Je voudrais que l'on pût s'expliquer sar la question financière, et être admis à donner mon opinion. Je le ferai très brièvement.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

La suite de la discussion est renvoyée à demain.

M. Veydt. (pour une motion d’ordre). - Vous venez de décider, messieurs, que la discussion sera continuée demain. Profitons de l'intervalle pour envoyer les demandes d'augmentation du crédit demandé pour la voirie vicinale à l'examen de la section centrale. Elle pourra entendre MM. les ministres. M. le ministre des finances devrait surtout être entendu.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures et demie.