(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 33) M. Maertens procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance du 29 octobre dernier ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« La veuve du sieur Brogniez, professeur à l'école de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Verhaegen, Dejongh et Van Blade, meuniers à Turnhout, demandent une réexpertise de leurs moulins, afin d'obtenir une diminution sur la contribution foncière. »
- Même renvoi.
« Le sieur Adolphe Vanhaelen, ancien sous-lieutenant de cavalerie, demande la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
« Plusieurs fabricants et ouvriers en bronze à Bruxelles présentent des observations contre la convention littéraire et artistique conclue avec la France. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Geudens, Wittevronghel et autres membres du comité des typographes, libraires, brocheurs et lithographes d'Anvers, prient la chambre de rejeter la convention littéraire conclue avec la France. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants d'Ingelmunster prient la chambre de rejeter le traité conclu avec la France. »
« Même demande du sieur Motte-Scheiris. »
- Même renvoi.
« Le sieur Thomas Sweetlove, boucher et marchand de bétail à Ostende, né à Ashford (Angleterre), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Albert Schultz, employé à l'administration du chemin de fer de l'Etat, né à Luxembourg, demande la naturalisation, avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Même renvoi.
« Le sieur Nicolas-Sophie-Philippe-Gustave-Adolphe-Prosper Eichhorn, clerc de notaire à Wellin, né à Wormeldange (Luxembourg), demande la naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Delhaye et Ladrier, maroquiniers a Péruwelz, demandent une augmentation de droits d'entrée sur la peausserie. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie. »
«Plusieurs tanneurs et corroyeurs de l'arrondissement de Tournay demandent une augmentation de droit d'entrée sur les cuirs venant de France. »
« Même demande des tanneurs et corroyeurs de Péruwelz. »
- Même renvoi.
« Le sieur Marquelin demande que les contribuables ne soient plus tenus de faire leur déclaration concernant la contribution personnelle, d'après la valeur locative des habitations. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget (les voies et moyens.
« La veuve Van Esschen demande que son fils soit admis à subir l'examen de candidat en sciences physiques et naturelles suivant le mode établi avant la loi en vigueur, ou bien à être interrogé séparément sur les mathématiques avec les aspirants au grade d'élève universitaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. David demande un congé de quelques jours pour affaires urgentes. »
- Accordé.
« M. Vanden Branden de Reeth a été nommé secrétaire de la première section (octobre) en remplacement de M. T'Kint de Naeyer. »
M. le président. - Voici une lettre que je viens de recevoir de M. le ministre des affaires étrangères :
« Bruxelles, le 3 novembre 1852.
« M. le président,
« J'ai l'honneur de vous informer que par divers arrêtés en date du 31 octobre dernier, Sa Majesté a constitué le ministère de la manière suivante :
« Ministre des affaires étrangères. M. Henri de Brouckere ;
« Ministre de l'intérieur, M. Piercot, bourgmestre de la ville de Liège ;
« Ministre de la justice, M. Faider, avocat général près la cour de cassation.
« M. E. Van Hoorebeke, M. le lieutenant général Anoul, M. Liedts conservent respectivement les portefeuilles des travaux publics, de la guerre et des finances.
« Je vous prie, M. le président, d'agréer les assurances de ma plus haute considération.
« Le ministre des affaires étrangères, H. de Brouckere.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, appelés par la confiance du Roi à la direction des affaires, nous avions hâte, mes collègues et moi, de nous présenter devant cette chambre. J’expliquerai en peu de mots les motifs qui nous ont déterminé à accepter le pouvoir et la manière dont nous entendons la pratiquer.
Le cabinet précédent avait remis sa démission entre les mains du Roi, le 28 septembre dernier. Le 4 octobre, j'eus l'honneur d'être mandé par Sa Majesté.
Vous connaissez, messieurs, les circonstances qui avaient amené la retraite de nos honorables prédécesseurs. Je ne les rappellerai pas. Je me bornerai à indiquer sommairement les conséquences qui me semblaient en résulter au point de vue des nécessités gouvernementales et surtout au point de vue de la recomposition du ministère.
Les élections du 8 juin avaient assurément modifié les forces respectives des deux grandes opinions qui partagent le pays et qui siègent dans cette enceinte : mais, bien qu'un fractionnement se fût révélé par un scrutin secret dans le sein de la majorité, cette majorité, à mes yeux, n'avait pas cessé d'exister.
Cette appréciation, on peut la contester sans doute ; je la crois, quant à moi, juste et conforme à la réalité des choses. La majorité était numériquement amoindrie ; elle n'était pas détruite. A mon avis, un ministère pris dans les rangs de la minorité des dernières années, et un ministère mixte, genre de combinaison que la plus grande partie de l'opinion libérale a toujours repoussé, étaient également impossibles. L'opinion libérale devait donc fournir les éléments de l'administration future.
Toutefois, les résultats électoraux de 1852 et le vote du 28 septembre sur la présidence de la chambre devaient être pris en sérieuse considération. Autant il était nécessaire que les ministres appartinssent à l'opinion libérale et fussent reconnus comme tels, autant il importait qu'on ne pût raisonnablement contester ni leurs vues modérées, ni leur esprit de conciliation.
Le ministère issu de cette situation nouvelle, en présence d'une majorité quelque peu indécise et troublée, pourrait-il se livrer aux mêmes espérances, tenter les mêmes voies, se promettre le même avenir, la même durée, que ces ministères qui trouvent un point d'appui permanent et assuré dans une majorité forte par le nombre et par l'énergie ?
Evidemment non. Son rôle devait être plus modeste, sans être moins digne. Que devait- il faire ? Se tracer une ligne de conduite sage et mesurée, s'appliquer à gérer les affaires avec impartialité, avec dévouement, avec la volonté ferme de bien faire et de faire le bien ; loyal en toutes choses et aussi peu disposé à déguiser ses sentiments qu'à renier son drapeau. Il devait se considérer comme une transition, prêt à céder là place à d'autres, le jour où une majorité compacte, une majorité décidée se serait produite soit sur les bancs de la gauche, soit sur les bancs de la droite. Ce ministère, en un mot, devait être libéral, libéral par essence, invariable dans ses principes, mais disposé à toute conciliation raisonnable, et résolu à éviter tout ce qui pourrait faire naître des luttes vives entre les partis, ayant surtout pour mission et pour but d'obtenir d'eux une trêve qui fût honorable pour tout le monde et ne fût point stérile pour le pays qui la désire.
C'est, animé de cette conviction et pénétré de ces idées, messieurs, que je me rendis à l'appel du Roi.
Sa Majesté me fit connaître son désir que je me chargeasse de composer un cabinet, et, après en avoir fait part des difficultés produites par de récents événements, elle daigna ajouter, dans dés termes dont je garde le plus reconnaissant souvenir, que, si j'acceptais la mission qui m'était offerte, on pouvait en attendre de bons résultats pour l'ensemble des intérêts nationaux.
J'exprimai respectueusement au Roi mes doutes et mes craintes trop bien fondées, mes forces n'étant pas en rapport avec un tel fardeau. Sa Majesté ayant insisté, j'eus l'honneur de lui exposer, en ies développant, les considérations que je viens d'indiquer.
Je me permis ensuite de faire remarquer à Sa Majesté que le cabinet, forme d'éléments libéraux, et se proclamant libéral, devait s'appuyer principalement sur cette opinion, et qu'à mes yeux il était, dès lors, indispensable, pour qu'il pût rester aux affaires, que la nouvelle épreuve de l'élection du président vînt constater que la majorité n'avait pas cessé d'être libérale. Enfin je n'hésitai pas à exprimer l'opinion qu'un cabinet libéral modéré obtiendrait la majorité dans le sénat.
(page 34) Le Roi se déclara satisfait de ces explications, et daigna me donner « pleins pouvoirs » à l'effet de lui présenter une combinaison ministérielle.
Je m'adressai alors à des hommes que leur position, leurs antécédents et leurs principes recommandaient à la confiance générale. Ils examinèrent avec moi, dans tous ses détails, la position en face de laquelle nous nous trouvions placés.
Après plusieurs conférences où tous les points furent abordés et discutés, nous arrêtâmes les bases de notre conduite future. Il fut convenu notamment que le ministère s'abstiendrait de toucher aux lois votées dans les derniers temps, sans toutefois s'interdire la faculté de rechercher s'il y avait lieu d'en adoucir, d'en tempérer l'application.
Tombés d'accord, mes honorables amis et moi, sur les questions que nous avions à débattre, le Roi daigna nous faire savoir qu'il partageait nos vues, et en même temps S. M. agréa le personnel de l'administration projetée.
Vous vous rappelez, messieurs, qu'en tête de notre programme figurait l'élection comme président du candidat qui serait éventuellement porté par la gauche. On put, à un instant donné, se demander si cette condition, essentielle à vos yeux, serait remplie et de là vinrent des hésitations et des délais dans ia formation définitive du ministère.
Le vote du 26 octobre, qui défera la présidence à un des hommes les plus considérables et les plus respectés de cette chambre, mit fin à ces incertitudes, et c'est ainsi que nous pouvons aujourd'hui, messieurs, nous asseoir avec confiance sur le banc où nous sommes.
J'y viens, pour ma part, avec le juste sentiment de ma faiblesse. Mais je me rassure en voyant assis à coté de moi les hommes qui ont bien voulu me prêter leur concours et chez lesquels j'ai rencontré une entière communauté d'idées et de sentiments.
Tous, messieurs, nous osons compter sur votre bienveillance.
En acceptant des fonctions que nous n'avons ni recherchées, ni désirées, nous croyons, dans les circonstances délicates où le pays se trouve, remplir le devoir de bons citoyens. Nous le faisons avec l'espoir de trouver dans le parlement une majorité disposée à nous tenir compte de nos efforts et à nous aider dans l'œuvre laborieuse que nous entreprenons. Vous connaissez, messieurs, notre drapeau ; nous l'avons toujours porté ostensiblement, nous y sommes restés fidèles en tout temps ; et nous n'avons donné à personne le droit de penser que nous soyons disposés à le trahir ou à le cacher. Mais, j'ai voulu le dire sans retard comme sans détour, et je tiens à le répéter, la situation actuelle et les circonstances nous commandent, commandent à tout le monde la plus grande réserve, la prudence, la modération en toutes choses. Cette réserve, cette prudence, cette modération seraient aujourd'hui la règle de conduite de tout ministre doué de quelque tact et de quelque prévoyance, ne fussent-elles même pas dans son caractère et dans ses sentiments, comme elles sont dans les nôtres.
Nous pensons avoir des droits aux sympathies, à l'appui de la gauche ; nous ne désespérons pas d'obtenir, par notre franchise et notre esprit de justice, l'impartialité bienveillante de la droite.
On n'a pas manqué, messieurs, de nous représenter comme des hommes experts en ce genre d'habileté, que nous répudions hautement et qui ne sera jamais le nôtre, acceptant la loi d'un parti, négociant avec un autre. Voici la vérité. Nous n'avons rien demandé, rien promis à personne. Nous sommes libres de tout engagement vis-à-vis de la majorité, libres vis-à-vis le la minorité. Nous tenons notre drapeau déployé, et chacun peut y lire ces mots qui y sont inscrits en grands caractères ; « Modération, prudence, conciliation ».
Sans méconnaître l'existence des partis, sans avoir la prétention puérile de les dissoudre ou de les transformer, nous tâcherons de prévenir ou du moins d'adoucir les luttes politiques ; nous chercherons à pacifier les esprits, à les diriger dans la voie des améliorations sages et mesurées, à gouverner sans bruit, sans éclat, mais avec utilité, avec fruit.
La Belgique est admirable d'honnêteté et de bon sens. Ce qui serait pour d'autres pays une crise plus ou moins redoutable, n'est pour elle qu'une occasion de faire éclater son discernement et sa sagesse.
Unissons-nous, messieurs, entendons-nous, pour maintenir cette Belgique, qui nous est si chère à tous, pour la maintenir à un rang élevé dans la considération de l'Europe. Tâchons qu'elle continue à jouir en paix de ses belles libertés sans en abuser.
Qu'elle offre aux peuples étrangers de bons exemples, à leurs gouvernements des gages de sécurité et de nouveaux motifs de confiance et d'estime.
Pour l'aider, pour la diriger dans cette voie, inspirons-nous, à notre tour, messieurs, des nobles et généreuses traditions que nous a léguées le congrès national, et permettez à un homme qui a eu l'honneur d'être pendant près de vingt ans votre collègue, de terminer par cet appel, fait au nom du gouvernement, aux grands souvenirs de cette mémorable assemblée.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, le roi m'a chargé de présenter en son nom un projet de loi qui a pour objet de retirer de la circulation, à dater du 1er janvier prochain, les pièces de 25 centimes belges.
Il est fâcheux sans doute qu'il faille apporter aussi souvent des modifications à notre système monétaire ; mais l'exposé des motifs vous fera voir, messieurs, qu'il est indispensable d'adopter le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à la chambre ; il a un caractère d'urgence qui ne vous échappera pas. Je demande que vous vouliez vous en occuper le plus tôt possible en sections.
M. Rodenbach. - Je demande que le projet de loi soit renvoyé à une commission ; l'examen en sera achevé plus promptement.
- Un membre. - Le renvoi aux sections !
- Le renvoi aux sections est mis aux voix et n'est pas adopté. La chambre renvoie l'examen du projet de loi à une commission qui sera nommée par le bureau.
M. de Perceval. - La législature a reçu, à l'occasion de nos négociations commerciales avec la France, un nombre considérable de pétitions qu'on peut diviser en trois catégories.
Dans la première, nous placerons celles qui concernent l'industrie typographique ; dans la deuxième, nous analyserons les réclamations des districts liniers ; et, dans la troisième, nous classerons les observations des exploitants des mines de houille du couchant de Mons.
Les requêtes de la première catégorie émanent de l'industrie typographique.
Celles qui sont revêtues de la signature des membres du comité typographique de Tournay, des typographes, imprimeurs, libraires, relieurs et lithographes de Namur et de Liège s'élèvent contre le traité du 22 août dernier, parce qu'il porte un coup mortel à la typographie en Belgique. Les signataires ajoutent que non seulement il ruine les intérêts de l'ouvrier qui exerce cet art, mais qu'il compromet aussi toutes les industries qui s'y rattachent. De plus, ils font ressortir la situation pénible dans laquelle ils se trouveront bientôt, eux et leurs familles, si le traité est adopté.
Deux pétitions soulèvent des questions dans lesquelles le principe de l'indemnité par l'Etat est engagé.
Ce sont celles d'un éditeur de musique et d'un éditeur lithographe de Bruxelles.
Enfin, les membres du comité central des typographes, siégeant dans la capitale, désirent que la convention littéraire réserve le droit de réimpression des ouvrages pour lesquels leurs auteurs ne seraient point brevetés en Belgique.
Les pétitions de la deuxième catégorie sont écrites au nom de l'industrie linière.
La chambre de commerce et des fabriques de Courtray demande le rejet de la convention. Elle est d'avis que le décret du 14 septembre, qui aggrave les droits sur nos houilles et nos fontes à leur entrée en France, constitue un acte d'hostilité qui détruit virtuellement le traité, signé et accepté par les deux parties contractantes, surtout pour assurer et consolider le maintien des bonnes relations entre la France et la Belgique. Elle émet le vœu, au nom de la dignité du pays, qu'il soit déclaré nul et considéré comme non-avenu.
Les souffrances de l'industrie linière, ses appréhensions depuis que le traité de 1845 n'a pas été renouvelé, les vœux et les besoins de nos tisserands des Flandres sont longuement exposés dans les requêtes des conseils communaux et des habitants des villes et communes suivantes : conseil communal de Thielt, de Markeghem, arrondissement de Thielt, de Denterghem ; plusieurs habitants de Caneghem, Eeghem, Ruysselede, Aerseele, Wyngene, Meulebeke, Thielt, Oostroosebeke, Wielsbeke, Pitthem ; conseil communal de Roulers ; conseil communal et habitants de Rumbeke, arrondissement der Roulers ; Plusieurs habitants de Rolleghem-Kapelle, arrondissement de Roulers, Gits, Lichtervelde, Ouckene, Ardoye, Moorstede, Cachtem, Emelghem, Iseghem, Oostnieuwkerke, Wynkel-Saint-Eloi ; plusieurs négociants, fabricants et propriétaires de Courtray ; plusieurs habitants de Waereghem, arrondissement de Courtray ; (page 35) Beveren, Desselghem, Ingoyghem, Vichte, Ooteghem, Vive-Saint-Eloi, Lendelede, Gulleghem, Heule, Bavichove, Hulst, ortemarcq, arrondissement de Dixmude. Berchem, arrondissement d'Audenarde ; et plusieurs négociants de Gand.
Les pétitionnaires sont unanimes pour demander que le traité ne soit sanctionné que s'il est accompagné d'une convention qui admette les produits liniers en France, sous des conditions raisonnables taxées sur le traité de 1842.
Pourquoi, disent-ils, céder au gouvernement français le point important de la suppression de la contrefaçon, alors que c'est une arme victorieuse pour faire accorder par le cabinet français un traitement de faveur à nos produits liniers ? En outre, les signataires expriment le désir que les négociations soient reprises entre la France et la Belgique, et qu'un nouveau traité, protégeant spécialement les industries des Flandres, intervienne entre les deux puissances.
Une pétition, que nous rangeons dans la troisième catégorie, se rapporte à nos intérêts houillers.
Elle est adressée à la représentation nationale par le comité des houillères du Couchant de Mons, et elle renferme des observations sur l'importance de l'industrie houillère, sur les charges qui la grèvent, sur les conditions du travail houiller. Les pétitionnaires présentent des considérations de diverses natures sur les relations commerciales avec nos voisins du midi ; et, tout en déclarant, au début de leur mémoire, qu'il n'est pas impossible de concilier le soin de nos intérêts matériels avec les légitimes exigences de la dignité nationale, ils prient la chambre de ratifier le traité, en formulant le vœu que la réduction des droits sur les houilles qui semble n'avoir existé jusqu'à présent que par tolérance de la part du gouvernement français, fasse l'objet d'une stipulation expresse dans ledit traité.
Votre commission, messieurs, après avoir procédé à l'analyse de toutes ces requêtes, a cru devoir, avant de prendre aucune décision, se rendre compte de l'ensemble de la situation dans laquelle le pays et le parlement se trouvent actuellement.
Des négociations commerciales ont eu lieu entre la Belgique et la France ; elles ont amené un arrangement partiel, la convention du 22 août. Peu de temps après sa conclusion, le gouvernement français a pris à l'improviste une mesure préjudiciable à deux branches de notre industrie ; par un décret en date du 14 septembre, il a élevé subitement les droits qui grèvent les houilles et les fontes belges à leur entrée en France.
Des éclaircissements ont été fournis sur les circonstances qui ont amené cet incident ; des communications diplomatiques ont été livrées à la publicité ; la convention du 22 août n'a pas été présentée à la législature jusqu'à ce jour, et depuis bientôt trois mois le traité du 15 décembre 1845 est hors de vigueur. Enfin, le cabinet qui a négocié la convention n'existe plus, et le pouvoir exécutif est passé dans d'autres mains.
Tel est l'état actuel des choses.
Revenons maintenant aux réclamations et aux vœux des pétitionnaires.
La législature peut-elle rejeter la convention du 22 août dernier, comme la plupart d'entre eux en manifestent énergiquement le désir ?
Mais il lui est impossible de prendre une décision à cet égard, puisqu'elle n'est pas encore saisie de ce document diplomatique.
A-telle la faculté de statuer sur la demande d'indemnité posée par l'industrie typographique ?
Pour résoudre cette question quant au principe et quant à son application, elle devrait avoir en sa possession tous les éléments nécessaires pour apprécier les clauses du traité dont les pétitionnaires font sortir ce principe de l'indemnité, et elle ne les connaît même point.
La chambre doit-elle inviter le gouvernement à conclure un nouveau traité de commerce avec la France, dans le sens indiqué par les réclamant s?
Mais, messieurs, outre que les rôles se trouveraient intervertis, la représentation nationale servirait-elle bien ainsi la cause des pétitionnaires ?
S'il est désirable, très utile même d'aborder de nouvelles négociations avec la France, en préparerions-nous le succès, si nous faisions peser sur nos agents diplomatiques une manifestation parlementaire qui leur dicterait à l'avance et comme une nécessité, la marche qu'ils auront à suivre, le résultat qu'ils devront atteindre ?
Et puis, convient-il de perdre de vue que s'il est avantageux pour la Belgique de pouvoir exporter en France des produits de première nécessité aux industries de ce pays, la France est non moins intéressée à conserver le marché belge pour ses produits de luxe ?
Toutes ces considérations ont particulièrement frappé votre commission, et elle s'est placée à ce double point de vue pour conclure.
A une position déjà difficile, il ne faut pas ajouter des difficultés nouvelles. Il importe que le cabinet trouve la situation entière et qu'il se meuve librement. Un débat prématuré sur les différentes phases de nos négociations, sur la question de savoir si la convention du 22 août lie encore ou non la Belgique, sur le sort qu'il lui faut assigner ou sur les conditions d'un nouveau traité ; un tel débat, messieurs (qui trouvera, du reste, plus tard sa place) entraînerait en ce moment des inconvénients que votre prudence, que votre sagesse vous auront déjà signalés.
La commission a l'honneur de vous proposer, par mon organe, le renvoi de toutes les requêtes aux départements ministériels appelés à s'occuper des questions qui en formant l'objet, c'est-à-dire aux départements des affaires étrangères, de l'intérieur et des finances, et elle nourrit l'espoir que la sollicitude pour nos intérêts matériels et le soin de la dignité nationale ne feront pas plus défaut au gouvernemeut que le patriotisme aux intéressés.
- La chambre décide que le rapport sera imprimé et distribué.
M. de Muelenaere. - Messieurs, qu'il me soit permis d'adresser à la commission et à son honorable rapporteur mes remercielments pour l'empressement qu'ils ont mis à examiner ces réclamations sur lesquelles nous avions eu l'honneur de demander un prompt rapport.
Jusqu'à présent nous ne sommes saisis d'aucune proposition formelle de la part du gouvernement ; la convention du 22 août ne nous a pas été communiquée, elle n'est pas soumise à notre sanction ; nous ignorons même quelles sont les intentions du gouvernement à l'égard de cette convention. Dans toute cette affaire, nous n'avons qu'un seul but, c'est de voir cesser, le plus tôt possible, d'une manière équitable et réciproquement satisfaisante, la perturbation survenue dans nos relations commerciales avec une puissance voisine ; mais, dans cet état de choses, je me suis demandé si le moment était opportun pour entamer un débat public sur les pétitions dont la chambre se trouve actuellement nantie. Il me semble que si une semblable discussion peut offrir des avantages, d'un autre côté, elle n'est pas à l'abri d'inconvénients ; dans la position où nous sommes placés, elle ne serait peut-être pas sans dangers.
Nous avons un sincère désir de voir se rétablir entre la Belgique et la France les relations amicales qui, dans un intérêt commun, doivent unir ces deux pays. Nous espérons que le gouvernement, avec un peu d'habileté et de bonne foi, parviendra à atteindre ce but.
La France a besoin de la Belgique, comme la Belgique a besoin de la France. Il est d'un intérêt commun pour les deux nations de s'entendre et de vivre en bonne harmonie. Je n'hésite pas à le dire, la rupture définitive d'un régime conventionnel serait, à mes yeux, un acte fatal pour les deux nations.
J'ai examiné avec soin le petit nombre de documents qui nous ont été distribués, et il en est résulté pour moi la conviction que la France est loin d'avoir dit son dernier mot, et que cette puissance est très disposée, comme le déclare d'ailleurs M. le ministre des affaires étrangères de ce pays, dans sa dépêche du 17 septembre, que cette puissance est très disposée à entrer dans des négociations sérieuses et actives qui auraient pour but un traité définitif de commerce.
Il me semble que le gouvernement belge doit se hâter de suivre la France dans cette voie et de s'effarcer d'établir cette négociation sur la base la plus large possible.
C'est par un traité plus étendu et plus général que celui que nous avons eu qu'on répondra aux besoins réels et aux vœux du pays. C'est assez vous dire qu'à nos yeux les efforts de la Belgique ne doivent pas tendre au renouvellement pur et simple du traité de 1845. Il est de toute justice que le gouvernement français nous tienne compte des intentions que les parties contractantes avaient à cette époque ; il est de toute justice que le gouvernement français tienne compte de la révolution profonde, radicale qui s'est accomplie dans la fabrication toilière, qu'il tienne compte aussi des faits commerciaux qui se sont révélés et qui sont constatés par les documents authentiques de la douane française.
Si l'on veut examiner soigneusement les circonstances que je viens de rappeler, je suis persuadé que le gouvernement français sera obligé de reconnaître que le grand intérêt que nous avions en vue en 1845 s'est considérablement amoindri et que nous avons droit à des faveurs équivalentes pour celles que le gouvernement français à cette époque avait voulu nous accorder, mais dont nous avons été privés par suite d'événements complètement indépendants de sa volonté et de la nôtre. S'il en est ainsi, il me semble que l'on parviendra aisément à s'entendre et à conclure un traité sous l'empire duquel les deux pays, avec des avantages mutuels, pourront échanger librement les principaux produits de leur sol et de ieur industrie.
Je désire que le cabinet nouveau soit bien convaincu de la haute importance et de l'immense gravité qu'ont pour les Flandres ces négociations avec la France.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je demande la parole.
M. de Muelenaere. - Les nombreuses pétitions que la commission a eues sous les yeux, les faits qui malheureusement se sont déjà produits, les appréhensions sur l'avenir qui se manifestent de toutes parts doivent démontrer à tout le monde qu'il est d'une indispensable et d'une urgente nécessité qu'on rétablisse le plus tôt possible entre les deux pays des relations amicales, et que surtout le commerce des toiles retrouve son ancien débouché ; qu'on lui ouvre aux conditions les plus avantageuses le marché français.
(page 36) Messieurs, je bornerai là le peu d'observations que je voulais soumettre à la chambre. Au surplus, j'appuie quant à présent le renvoi qui vous a été proposé par l'honorable rapporteur. J'ajouterai seulement la demande que la chambre veuille bien ordonner l'impression et la distribution du rapport de M. de Perceval.
M. le président. - La chambre a déjà ordonné l'impression et la distribution du rapport, je croyais dès lors qu'on aurait attendu cette distribution pour discuter les conclusions de la commission. J'ai donné la parole à M. de Muelenaere parce qu'il m'a dit qu'il n'avait à présenter que quelques observations générales.
M. le ministre des affaires étrangères a demandé la parole, je la lui donne.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, la chambre comprendra sans peine que je ne puis en ce moment entrer dans aucun détail, ni surtout prendre aucun engagement. Le gouvernement doit garder une entière liberté d'action dans l'intérêt même du pays. L'honorable comte de Muelenaere peut être assuré d'une chose : c'est que nous ne négligerons rien pour conserver les meilleures relations avec nos voisins. Ces relations, comme l'a dit l'honorable membre, sont utites et profitables aux deux pays et je n'hésite pas à ajouter qu'un gouvernement qui de gaieté de cœur s'exposerait à les troubler ne serait pas un gouvernement raisonnable ; ce serait un gouvernement insensé.
M. Rodenbach. - Je demande la parole.
- Plusieurs voix. - No ! non !
M. le président. - Il me semble qu'il convient d'attendre la distribution du rapport.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Si je ne rencontre pas d'opposition, il me semble qu'on pourrait statuer dès à présent sur les conclusions du rapport.
Je demande aussi l'impression et la distribution du rapport et le renvoi aux trois départements qui ont été indiqués. Tout le monde peut être sûr que les trois départements sont d'accord pour examiner avec attention les pétitions qui leur seront renvoyées.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuie le renvoi de ces diverses requêtes à MM. les ministres des affaires étrangères, des finances et de l'intérieur, et invite le nouveau cabinet à employer tous ses efforts pour soutenir et protéger notre industrie linière qui donne du pain à un si grand nombre d'ouvriers. (Interruption)
Un fait avéré, c'est que les Flandres, et surtout la Flandre occidentale, sont violemment frappées dans leurs intérêts matériels par la rupture du traité commercial avec la France. La culture du lin pour nos fermiers, la fabrication des toiles pour nos petits cultivateurs et le filage pour nos pauvres, sources de tant de bien pour notre populeuse contrée, sont à tout jamais perdus s'il n'y est porté remède. (Nouvelle interruption.) Il en est de même de la fabrication des toiles tissées à la navette volante avec le fil dit mécanique, industrie qui, dans le seul district de Roulers, que je représente, procure des moyens d'existence à plus de 15,000 individus. (Assez ! assez !)
Il paraît qu'on ne veut pas entendre la vérité.
Messieurs, quels ne seraient pas les tristes résultats du déplacement de cette industrie ? Déjà maintenant on s'en ressent ; les bons tisserands émigrent, laissent leurs femmes et leurs enfants à la charge des bureaux de bienfaisance ; et les impôts locaux, dits abonnements, sont tellement accablants que, dans mainte commune, ils excèdent les contributions prélevées par le gouvernement. C'est pour ces divers motifs que j'appuie fortement le renvoi de ces requêtes aux trois ministres.
- La clôture est demandée.
M. Dumortier (sur la clôture). - Je voudrais dire à la chambre quelques mots en faveur des pétitions qui ont été déposées sur le bureau. Plusieurs viennent du district qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette chambre, et je désire les appuyer.
Cependant si la chambre croit que cette discussion est intempestive, je renoncerai à la parole et je m'en rapporterai aux observations que vous ont présentées mes honorables amis.
- La clôture est prononcée.
Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées.
M. H. de Baillet, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le2 0 mai 1852, les membres de la garde civique de Liège demandent la révision de la loi sur la garde civique et notamment la division de la garde en deux bans, dont le premier seul serait appelé à faire le service actif.
« Même demande des membres de la garde civique de Namur et de Bruges. »
La commission conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur. C'est la décision que vous avez prise pour les pétitions du même genre sur lesquelles il a été précédemment fait rapport.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuierai le renvoi à M. le ministre, des pétitions qui demandent des modifications à la loi sur la garde civique. Je les appuierai d'autant plus que je suis convaincu que cette institution n'est pas dans nos mœurs, qu'elle est impopulaire, et que sur 100 gardes, pères de famille, il y en a au moins 99 qui signeraient des requêtes pour demander la révocation de cette loi. J'en excepte toutefois ceux qui portent l'épaulette, et on sait avec quelle facilité on l'obtient dans la garde civique.
Est-il d'ailleurs bien prouvé, messieurs, que cette institution ne peut être remplacée, en cas de troubles, par la garde bourgeoise ? Chacun aurait intérêt à défendre ses propriétés ; il suffirait de faire un appel au dévouement, tout le monde y répondrait.
Depuis 60 ans, dans plus d'un pays, on a vu la garde nationale défendre le gouvernement dans les petites émeutes et aider à le renverser dans les grandes. (Interruption.)
M. Allard. - Vous n'avez pas le droit d'insulter une institution nationale.
M. Rodenbach. - C'est un fait, et je vous défie d'y répondre ; c'est de l'histoire.
M. Rogier. - Je demande la parole.
M. Rodenbach. - Outre l'inconvénient, pour ceux qui en font partie, d'être assujettis à apprendre et à faire l'exercice, elle constitue encore une grande charge pour bon nombre de familles qui doivent payer une forte contribution.
Je le répète, j'appuie de tout mon pouvoir le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur, en l'invitant à examiner cette loi pour voir si elle n'est pas susceptible d'amélioration. Quant à moi, je pense qu'on devrait promptement organiser la garde civique en deux bans dont le premier seul serait appelé à faire le service actif.
M. Rogier. - Je ne puis laisser passer sans protestation plusieurs passages du discours de l'honorable député de Roulers.
D'abord, je ne pense pas que la garde civique soit organisée dans son arrondissement, et dès lors l'honorable membre ne peut pas juger si elle est impopulaire ou populaire. Il présente la garde civique ou nationale comme étant en quelque sorte complice de toutes les émeutes.
Je proteste, au nom de la garde civique belge, contre cette assertion ; la garde civique a coustamment soutenu nos institutions, et nulle part le monarque et le trône n'ont trouvé un appui plus solide que dans la garde civique. Je lui dois, messieurs, cet hommage, et je proteste contre l'accusation de l'honorable M. Rodenbach.
Il y a, messieurs, contradiction flagrante à représenter d'une part la garde civique comme un foyer d'agitation et à demander, d'un autre côté, qu'elle ne se compose que d'éléments jeunes. Si l'on veut qu'elle conserve le calme dont elle a besoin en cas d'émeute, il faut aussi lui conserver les éléments de calme, c'est-à-dire les hommes d'un certain âge ; si vous la réduisiez à des éléments exclusivement jeunes, elle ne présenterait plus, évidemment, les mêmes garanties d'ordre qu'elle présente aujourd'hui.
Il y a, messieurs, beaucoup de légèreté à jeter du blâme sur une institution qui, dans son ensemble, est restée irréprochable depuis vingt-deux ans. Qu'on laisse à d'autres pays les inconvénients qu'ils ont pu en éprouver, mais qu'on n'en rende pas solidaire une institution qui a toujours fonctionné chez nous avec patriotisme, et qui n'a jamais causé aucun préjudice à la chose publique.
S'il y a quelques améliorations à introduire dans la législation sur la garde civique, qu'on les signale ; mais qu'on ne vienne pas attaquer constamment dans cette enceinte une institution que nous devons maintenir intacte et respectée, comme toutes nos institutions.
M. de Muelenaere. - La garde civique est une institution constitutionnelle dans notre pays. Aussi les réclamations des pétitionnaires ne sont pas dirigées contre l'institution elle-même ; l'institution, ils la respectent. Mais la Constitution, après avoir posé le principe qu'il y aura une garde civique, ajoute immédiatement qu'elle sera organisés par une loi ; c'est, messieurs, contre cette loi que réclament les pétitionnaires, et, je dois le dire, il paraît, car j'ai lu quelques-unes de ces pétitions, que c'est plutôt contre l'application de la loi que contre la loi elle-même. Il y a des dispositions de la loi qui prêtent à l'arbitraire et certains chefs, guidés par un zèle irréfléchi, semblent abuser de ces dispositions pour soumettre les gardes à un service réellement vexatoire.
Eh bien, messieurs, si vous voulez que la garde civique, à une époque donnée, rende des services réels au pays, il faut empêcher que par l'abus qu'on en fait, cette institution ne devienne, en quelque sorte, impopulaire ou odieuse.
C'est dans ce but, messieurs, et uniquement dans ce but que j'appuie le renvoi des pétitions au département de l'intérieur, afin qu'on examine les modifications que, dans l'intérêt de l'institution, il convient d'apporter à la loi existante.
M. Osy. - Je voulais appuyer, dans le même sens que l'honorable M. de Muelenaere le renvoi à M. le ministre de l'intérieur des pétitions de Namur et de Bruges.
Je conviens que la loi est constitutionnelle ; mais par la manière dont elle a été exécutée et dont elle est exécutée aujourd'hui, elle est certainement vexatoire et très désagréable pour les populations.
Encore aujourd'hui Anvers a adressé à la chambre une pétition qui est revêtue de 8 à 9 cents signatures. Depuis deux ans nous en avons reçu une masse qui malheureusement sont restées an ministère de l'intérieur où nous les avons renvoyées.
Je demanderai que M. le ministre de l'intérieur veuille avoir la complaisance d'examiner les réclamations qui ont été adressées depuis quelque temps, et celles que nous lui renvoyons aujourd'hui, et qu'il voie si effectivement il n'y aurait pas quelques changements à faire conformément aux vœux des pétitionnaires.
J'appuie donc le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. le président. - Le bureau a composé de MM. Malou, Mercier, (page 37) Osy, Pirmez, Rogier, Van Grootven et Veydt la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à la démonétisation des pièces de 25 centimes. Cette commission est invitée à se réunir le plus tôt possible, car, comme l'a dit M. le ministre des finances, ce projet de loi a un caractère d'urgence.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Hasselt, le 17 septembre 1852, la députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande que l'Etat restitue à cette province les intérêts de l'encaisse provincial au 1er octobre 1830. »
La chambre s'est déjà occupée plusieurs fois des intérêts qui ont été réclamés au profit des provinces sur les fonds qu'elles avaient en caisse au 1er octobre 1830 dans le trésor de l'ancien royaume des Pays-Bas, fonds que le trésor du royaume de Belgique n'a remis à leur disposition que de 1838 à 1845 en vertu de la loi du 25 mai 1838.
Dans la séance du 5 juillet 1849 la chambre a prononcé l'ordre du jour sur le projet de loi qui avait été présenté le 21 mai précédent par quelques-uns de ses membres pour faire acquitter aux provinces les intérêts dont s'agit. Cette décision a été prise à la suite d'une assez longue discussion dans laquelle M. le ministre des finances a soutenu l'opinion qu'il n'est pas dû d'intérêts aux provinces.
Dans la séance du 5 février 1851 la chambre a fait déposer au bureau des renseignements les explications transmises par M. le ministre des finances sur la pétition du conseil provincial de Hainaut du 27 avril 1850 tendant à obtenir les intérêts sur l'encaisse de cette province. M. le ministre des finances développa de nouveau dans ce mémoire l'opinion que le trésor belge n'est pas tenu de payer des intérêts aux provinces.
Comme la nouvelle pétition du Limbourg ne contient que des faits et des arguments qui étaient déjà posés lorsque M. le ministre des finances a repoussé les prétentions des provinces dans les séances des 5 juillet 1849 et 5 février 1851, votre commission croit devoir proposer le dépôt de la pétition du Limbourg au bureau des renseignements.
M. Osy. - Je m'oppose à ces conclusions. La commission propose le dépôt au bureau des renseignements. Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances. En peu de mots j'en dirai les motifs.
Il y a deux ans qu'avec d'honorables collègues, nous avions fait une proposition dont le but était le payement aux provinces, des intérêts de l'encaisse qui avait été retenu jusqu'en 1842. Cette proposition a été rejetée. Mais depuis il est survenu un fait nouveau, qui nécessite le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'un nouvel examen.
Dans le courant de l'année dernière, la Société Générale qui était dépositaire d'une forte somme de l'encaisse, a été condamnée à payer les intérêts au gouvernement. Ces intérêts, montant à 1,800,000 fr. sont payés à l'heure qu'il est. Le gouvernement a donc reçu toute satisfaction puisqu'il a reçu les intérêts, même pour les premières années avant qu'il y eût jouissance du capital. Je crois donc qu'il est juste que les provinces qui ont été privées de leur capital reçoivent les intérêts.
Le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'un nouvel examen me paraît donc plus juste et plus rationnel. Je lui demanderai d'examiner la question, non pour le Limbourg seulement, mais pour toutes les provinces qui sont dans le même cas.
M. de Renesse. - Je viens aussi m'opposer aux conclusions de la commission des pétitions. Ordonner, comme elle le propose, le dépôt de la pétition au bureau des renseignements, c'est proposer un nouvel ajournement.
Or, lorsque en 1849 une discussion à cet égard a eu lieu devant la chambre, il a été convenu que la question ferait l'objet d'un examen ultérieur.
Depuis ce temps, il s'est produit un fait nouveau, comme l'a très bien dit l'honorable M. Osy : la Société Générale a dû payer à l'Etat les intérêts de l'encaisse.
Or, toutes les provinces, sauf celle du Brabant, sont en droit de réclamer ces intérêts de l'encaisse dont était nanti le caissier de l'Etat avant le 1rer octobre 1830. VouIoir repousser par une fin de non-recevoir les justes réclamations de ces provinces, et surtout celles du Limbourg et du Luxembourg qui ont été déjà si cruellement frappées par le traité de 1839, ce serait encore restreindre les ressources dont ces provinces ont besoin pour les appliquer à des travaux d'utilité publique qui sont décrétés en principe et qui doivent être nécessairement payés à l'aide de ces ressources.
Je demanderai donc que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances, et que ce haut fonctionnaire veuille bien examiner avec équité et bienveillance les réclamations légitimes du conseil provincial du Limbourg, ainsi que celles des autres provinces qui sont dans le même cas.
M. de Theux. - Messieurs, je demanderai que la pétition soit également renvoyée à M. le ministre de l’intérieur, parce qu'il s'agit d'un intérêt provincial qui rentre dans les attributions de son département. Je désire donc que la question soit de nouveau examinée par MM. les ministres des finances et de l'intérieur, et qu'ils veuillent bien adresser à la chambre les explications qui seront le résultat de cet examen.
M. Jacques, rapporteur. - Messieurs, la commission des pétitions cru devoir vous proposer le dépôt de la pétition au bureau des renseignements, parce que le mémoire que M. le ministre des finances a transmis à la chambre le 4 février 1851, lui paraissait avoir réfuté victorieusement les demandes des provinces. Mais comme depuis lors il s'est formé un nouveau cabinet, et que les hommes qui y siègent peuvent apprécier la question d'une manière différente, la commission ne s'oppose pas à ce que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances.
M. Vilain XIIII. - Messieurs, il me semble que la réponse que vient de faire l'honorable rapporteur ne renverse nullement les arguments des divers orateurs qui ont pris la parole ; il cite un rapport de M. le ministre des finances du 4 février 1851. Mais c'est depuis ce temps que s'est produit le fait nouveau dont on a parlé, c'est depuis ce temps que la Société Générale a été obligée de rembourser au trésor les intérêts de l'encaisse ; c'est ce nouveau fait qui change complètement l'état de la question.
Je demande donc avec mes honorables collèges du Limbourg que la pétition soit renvoyée à MM. le ministre des finances et le ministre de l'intérieur.
M. Jacques, rapporteur. - Je dois faire remarquer à l'honorable préopinant, en parlant toutefois à la chambre, que le fait nouveau qu'on indique comme devant donner lieu à un nouvel examen, était déjà prévu dans le rapport de M. le ministre des finances, du 4 février 1851 ; M. le ministre y disait que quand même l'Etat obtiendrait gain de cause vis-à-vis de la Société Générale, il appliquerait aux réclamations des provinces, pour les intérêts compris dans cette condamnation, les mêmes motifs qui lui faisaient écarter les prétentions formées par les provinces sur les intérêts relatifs à une autre époque.
Le rapport constate, selon moi, par des arguments qui ne pourraient pas être combattus victorieusement, même devant les tribunaux, que le trésor belge ne doit pas aux provinces d'intérêts sur ces sommes.
- Le renvoi de la pétition à MM. les ministres des finances et de l'intérieur est ordonné.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition sans date, les habitants de Nivelles déclarent adhérer aux observations présentées par le conseil communal de cette ville contre le tracé, réclamé par la ville de Wavre, du chemin de fer de Bruxelles à Namur. »
« Par pétition datée de Mont-Saint-Guibert, le 10 avril 1852, le conseil communal de Mont-Saint-Guibert présente des observations contre la demande de la ville de Wavre, relative au tracé direct du chemin de fer de Bruxelles à Namur. »
« Mêmes observations du conseil communal de Ceroux-Mousty. »
« Par pétition datée de Genappe, le 3 avril 1852, les habitants de Genappe présentent des observations contre la demande de la ville de Wavre, relative au tracé direct du chemin de fer de Bruxelles à Namur, et déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Nivelles au sujet de ce tracé. »
« Mêmes observations et adhésion des conseils communaux d'Arquennes, Baulers, de Bornival et de ses habitants, de Braine-l'Alleud, Chapelle-le Herlaimont, Clabecq, Couture-Saint-Germain, Glabais, Gouy-lez-Piéton, Haut-Ittre, Houtain, Lillois-Witterzée, Monstreux, Ophain-Bois-Seigneur-Isaac, Ottignies, Plancenoit, Quenast, Thines, Tubize, Vieux-Genappe et Ways. »
« Par pétition sans date, le conseil communal de Nil-Saint-Vincent-Saint-Martin déclare appuyer la pétition de la ville de Wavre, relative au tracé du chemin de fer de Bruxelles à Namur par Wavre et Gembloux. »
« Même déclaration des conseils communaux de Nethen, Chaumont-Gistoux, Bossut-Gottechain, Jodoigne. »
« Par pétition datée de Perwez, le 3 avril 1852, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Perwez déclare adhérer à la demande des habitants de Wavre relative au maintien du tracé du chemin de fer de Bruxelles au Luxembourg, par la Hulpe, Wavre et Gembloux. »
Dans les séances des 20 mars, 1er et 2 avril 1852,la chambre a renvoyé à M. le ministre des travaux publics diverses pétitions concernant le tracé du chemin de fer de Bruxelles à Namur.
Parmi les nouvelles pétitions dont je viens rendre compte à la chambre et qui émanent de 31 communes, 25 sont contraires au tracé par Wavre, tandis que les 6 autres appuient la réclamation de Wavre.
Comme toutes ces pétitions ont été signées au mois d'avril dernier, immédiatement après la clôture de la dernière session, elles ont maintenant beaucoup perdu de leur importance. La commission des pétitions croit néanmoins devoir vous en proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées sans discussion.
« Par pétition datée de Genappe, le 8 avril 1852, le conseil communal de Genappe demande le maintien du tracé du chemin de fer concédé de Wavre à Manage, passant par Genappe et Nivelles. »
L'article 3, littera b de la loi du 20 décembre 1851 autorise le gouvernement à garantir pour l'exécution du chemin de fer de Manage à Wavre par Nivelles, un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur un capital de 5 millions.
Le conseil communal de Genappe fait valoir les titres de cette commune importante pour conserver le passage de ce chemin de fer sur son territoire suivant le tracé qui a été fixé par l'acte de concession. Nous vous proposons de renvoyer cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées sans discussion.
La séance est levée à 3 heures 3/4.