(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1029) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 1 heure et demie.
La séance est ouverte.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Vermeire fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Pommerœul, Harchies, Bernissart et Blaton demandent que le chemin de fer de Thulin soit dirigé par Peruwelz et Antoing sur Tournay plutôt que sur Leuze. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur François Grégoire, milicien de la levée de 1846, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir son congé définitif. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Mabompré demandent la reconstruction, aux frais de l'Etat, d'une route de Champion à Houffalize.»
- Même renvoi.
« L'administration communale d'Anseghem demande un subside extraordinaire pour l'entretien des indigents de cette commune ou bien que des mesures soient prises pour les renvoyer du dépôt et de l'école de réforme de Ruysselede et pour empêcher leur rentrée dans cet établissement. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Nivelles déclarent adhérer aux observations présentées par le conseil communal de cette ville contre le tracé réclamé par la ville de Wavre du chemin de fer de Bruxelles à Namur. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestres du canton de Gedinne demandent l'exécution des travaux de la route de Gedinne à la frontière de France vers Véreux et de la route de Dinant à Bouillon vers Sedan. »
- Même renvoi.
« Messages du sénat faisant connaître l'adoption par cette chambre d'un projet de loi de crédit extraordinaire de 4,700,000 fr. au département de la guerre ; d'un projet de loi portant approbation de la convention additionnelle au traité conclu avec le Zollverein et d'un projet de loi relatif à la grande naturalisation de M. L. Strens. »
- Pris pour notification.
« M. Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Belgique, fait hommage à la chambre, au nom de ce corps savant, des tomes XXIV et XXVI de ses Mémoires. »
- Remerciemenls et dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - MM. Destriveaux et consorts ont déposé une proposition de loi.
Les sections en ont autorisé la lecture. Elle est ainsi conçue :
« Léopold, etc.
« Les chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :
« Art. 1er. L'article 55 de la loi du 21 juillet 1844 et de celle du 17 février 1849 sur les pensions, ainsi conçus :
« Toute veuve qui se remarie perd ses droits à la pension »,
« Ainsi que les statuts qui en sont la conséquence, sont abrogés et remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. 2. Toute veuve sans enfants qui se remarie, est soumise aux conditions suivantes :
« A. Si la pension dont elle jouit est inférieure à cinq cents francs, elle est réduite d'un huitième ;
« B. Si elle s'élève de 500 à 1,200 fr., la réduction est d'un sixième ;
« C. Si la pension est de 1,200 fr. et au-delà, la réduction est d'un quart.
« Art. 3. Les enfants mineurs, issus du mariage dissous par la mort du mari, jouiront, jusqu'à l'âge de 18 ans accomplis, de la moitié de la pension normale, la réduction tombant entièrement à la charge de la mère remariée.
« Art. 4. Les enfants nés du nouveau mariage n'ont aucun droit à la survivance de tout ou partie de la pension de la femme remariée.
« (Signé) J.-P. Destriveaux, Armand de Perceval, Rodenbach, Coomans, Faignart. »
Les développements seront présentés à la rentrée.
M. Delehaye (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il résulte de la déclaration faite par quelques membres du cabinet, sur les interpellations qui lui avaient été adressées, que la chambre serait appelée à se réunir en session extraordinaire au milieu de l'été. Dans l'intérêt du pays, il importe qu'on puisse immédiatement aborder avec fruit la discussion des objets qui doivent nous être soumis, tels que l'organisation de l'armée et le traité avec la France.
Je demanderai à cet effet que le gouvernement, s'il se décide à nous réunir, nous envoie à domicile tous les documents relatifs aux questions que nous aurons à résoudre, qu'il se propose de communiquer aux chambres, afin que nous puissions aborder la discussion dès notre première réunion.
M. le président. - Je ferai observer que ces impressions se font à la diligence de la chambre et non du gouvernement.
M. Delehaye. - Je crois que le gouvernement en agira ainsi ; il doit désirer que nous abordions immédiatement les projets de loi qu'il aura à nous soumettre. Or, ce serait impossible, si nous n'avions pas été mis à même de les examiner avant notre réunion.
M. le président. - Je faisais observer que les impressions se font à la diligence du bureau de la chambre.
M. Delehaye. - Je demande que la chambre prenne une résolution qui autorise l'impression des documents que le gouvernement aura à nous communiquer. Je sais que la chambre n'étant pas réunie, il n'y a pas de dépôt possible ; je demande que le gouvernement soit autorisé a les faire imprimer, et à nous les adresser sans en faire le dépôt.
M. Delfosse. - Le gouvernement n'a pas besoin d'autorisation pour faire imprimer et distribuer les documents auxquels il croit utile de donner de la publicité. Notre autorisation n'est nécessaire que lorsque l'impression doit s'effectuer aux frais de la chambre et dans la forme des documents parlementaires. J'appuie, du reste, au fond, la proposition de l'honorable M. Delehaye.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Le gouvernement s'empressera d'adresser aux membres tous les documents qui seront de nature à éclairer la chambre sur les graves questions dont nous aurons à délibérer dans le courant de l'été.
M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est le projet de loi relatif à la convention de pêche.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande à la chambre de vouloir bien commencer par la disposition relative au sucre, je suis obligé de me rendre au sénat.
- Cette proposition est adoptée.
La discussion générale est ouverte.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole. Je crois que les observations que j'ai à présenter auront pour résultat d'abréger beaucoup la discussion.
Le gouvernement demande une prorogation du terme qui a été accordé pour soumettre à la législature les dispositions qu'il a été autorisé à prendre pour assurer la perception de l'impôt sur le sucre en vertu de la loi du 16 mai 1847.
Le projet examiné par les sections y a été accueilli. On a fait une seule observation qui s'est trouvée reproduite dans le sein de la section centrale et qui y a donné lieu à une division d'opinion. La majorité de la section centrale, par 3 voix contre 2, et une abstention, a demandé la suppression d'un paragraphe ainsi conçu : « le gouvernement est autorisé jusqu'à la même époque à modifier et à compléter ces mesures, chaque fois que la nécessité lui en sera démontrée. »
Je viens d'apprendre que le motif de l'opposition est fondé sur la crainte que le gouvernement, à la faveur de cette disposition, ne puisse modifier la prise en charge telle qu'elle est déterminée par la loi et rétablir les deux contrôles, le contrôle à l'empli et celui des quantités produites, qui ont été supprimés par la loi du 16 mai 1847.
C'est là, d'après ce que je viens d'apprendre, le motif de l'opposition.
Or, messsieurs, elle repose sur une erreur. Le gouvernement ne demande pas et n'aurait, par la disposition qu'il propose, le pouvoir d'augmenter la prise en charge ni le pouvoir de rétablir les deux contrôles supprimés.
Voici pourquoi il n'aurait pas ce pouvoir.
La loi du 16 mai 1847 porte ce qui suit : « Le gouvernement est autorisé : a. A porter de 12 à 14 hectogrammes le taux de la prise en charge établi par l'article 16 de la loi du 4 avril 1843, à la condition de supprimer le contrôle à l'empli et celui des quantités produites. »
La loi a donc supprimé, en portant de 12 à 14 hectogrammes, le contrôle à l'empli et celui des quantités produites. Que demande le gouvernement par le paragraphe 2 qui fait l'objet de la contestation ? Il demande à être autorisé à modifier et à compléter les mesures de surveillance qu'il a prises en vertu de la loi de 1847 ; pas davantage. Or, il n'aurait pas pour cela le pouvoir de rétablir ce que la loi a supprimé, ou d'établir une prise en charge supérieure à 14 hectogrammes ou enfin de rétablir les contrôles qui ont été supprimés par la loi.
Depuis 1847, on a supprimé ce mode de contrôle ; c'est la loi qui l’a prescrit ; je ne puis le faire revivre. On peut faire une proposition de loi peur le rétablir ; mais je ne le puis par arrêté royal à la faveur des dispositions que je propose.
M. Visart. - Dans ce cas, il n'y a plus de contestation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Evidemment. Je ne puis substituer à la volonté du législateur une autre volonté. Le législateur a-t-il eu raison d'en agir ainsi ? C'est ce que je n'ai pas à examiner. Mais, par la même loi du 16 mai 1847, le gouvernement a été autorisé à prendre des mesures pour assurer l'efficacité des prises en charge au compte des fabricants de sucre de betterave et de glucose.
Il a usé des pouvoirs que lui conférait la loi de 1847 par un arrêté du 10 juillet 1847. Cet arrêté contient une foule de dispositions réglemetaires, toutes d'exécution et qui sont bien plus du ressort du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif. Il suffirait de lire quelques-unes de ces dispositions pour se convaincre qu'elles ne sont pas dignes d'être discutées par la chambre et l'on ne s'en plaint pas.
Mais le gouvernement ayant usé, par l'arrêté du 10 juillet 1847, des pouvoirs qui lui étaient conférés par la loi du 16 mai 1847, n'a plus même la faculté de modifier cet arrêté, puisqu'il était tenu de le soumettre aux chambres dans la session de 1847-1848 et qu'il a dû successivement demander une prorogation pour accomplir cette prescription.
Lorsqu'on a demandé un nouveau délai, dans la session de 1848-1849, pour éviter tout doute, on a dit dans la loi, sur la proposition d'un membre, que le gouvernement soumettrait dans la session suivante les mesures actuellement en vigueur. Mais cela était parfaitement inutile, il ne pouvait en être autrement ; le gouvernement avait épuisé les pouvoirs qui lui avaient été donnés par la loi du 16 mai 1847.
Par la disposition que je propose aujourd'hui, je demande d'être autorisé à modifier les dispositions réglementaires qui ont été décrétées pour assurer l'efficacité dis prises en charge.
Ces dispositions réglementaires sont insuffisantes aujourd'hui : l'administration a constaté récemment une fraude ; elle n'a pas de moyens suffisants pour la réprimer.
Il faut bien cependant qu'elle puisse le faire. D'un autre côté, il y a des procédés nouveaux qui s'introduisent et qui n'ont été ni n'ont pu être prévus ni en 1843, ni en 1846, ni en 1847 ; il faut que je puisse également prendre les mesures que ces nouveaux procédés rendent nécessaires.
Ainsi jusqu'à présent on n'a pu extraire le sucre de betteraves que des betteraves fraîches, on n'a eu qu'un temps limité par cela même, pour opérer l'extraction du sucre ; aujourd'hui, d'après des essais qu'on a faits, il paraît qu'on va pouvoir extraire le sucre, en tout temps, des betteraves desséchées. Quelles seront les mesures qu'il faudra prendre ? L'administration n'en sait rien ; il faut qu'elle ait vu expérimenter, qu'elle ait vu travailler pour savoir à l'aide de quelles mesures elle pourra assurer la perception de l'impôt.
Il est donc indispensable, messieurs, que le gouvernement ait le pouvoir de prendre de nouvelles dispositions réglementaires, mais la faculté qu'il demande ne s'applique à rien de fondamental, à rien qui attaque les bases de la loi.
La prise en charge reste, le contrôle reste ; il s'agit uniquement de prendre des mesures pour assurer la perception de l'impôt d'après les bases de la loi.
M. Mercier, rapporteur. - Les explications données par M. le ministre des finances font disparaître en grande partie les craintes qui aveient déterminé la section centrale à proposer le rejet du paragraphe 2. Cependant je dois faire remarquer à M. le ministre des finances que ces craintes étaient plus fondées qu'il ne le suppose. Il est bien vrai que la loi de 1847 portait : « Le gouvernement présentera aux chambres, dans la session prochaine, les mesures qu'il aura arrêtées ».Mais dans la session suivante le gouvernement a demande encore les mêmes pouvoirs, toujours à la condition de soumettre aux chambres les mesures qu'il aurait arrêtées. Cette proposition donna lieu à une assez longue discussion, et l'honorable comte Le Hon présenta un amendement dont il résultait que ces mesures seraient celles qui étaient alors en vigueur.
Le gouvernement accepta cet amendement tout en déclarant cependant qu'il était de nature à nuire à l'efficacité de la surveillance. Maintenant, d'après les explications données par M. le ministre, puisqu'il est bien certain qu'on n'établira pas d’autre contrôle que le contrôle à la défécation, les craintes de la seclion centrale qui avaient motivé le rejet du paragraphe 2 viennent a disparaître et il me semble qu'on peut l'adopter sans inconvénient. Je comprends même qu'en vue de nouveaux procédés qui ne sont pas maintenant en usage, il faille réserver au gouvernement la faculté de prendre les mesures nécessaires pour assurer la perception de l'impôt. J'étais même d'accord avec quelques honorables collègues, pour admettre un amendement dans ce sens avant les explications de M. le ministre.
M. de La Coste. - Je me réunirai également à cette opinion, quant au point dont il vient d'être parlé. Il est donc bien entendu qu'il ne peut plus être question de rétablir le contrôle à l'empli ni celui des quantités produites, qui ont été supprimés par la loi de 1847. Il est également acquis qu'il ne sera point touché aux bases de la législation actuelle ou plutôt des arrêtés actuels, qu'il s'agirait seulement d'introduire des dispositions réglementaires destinées à renforcer cette législation lorsque la nécessité en serait démontrée, soit par l'introduction de nouveaux procédés qui rendraient la législation insuffisante, soit par des fraudes constatées. Je pense que, moyennant ces conditions, la disposiiton n’a plus la portée qui nouis inquiétait pour cette industrie et qui l’amarmait beaucoup elle-même, ainsi que je l’ai appris. Nous sommes loin, messieurs, de vouloir qu’elle échappe à la perception à laquelle elle est soumise, mais nous désirons naturellement qu'elle ne soit pas mise hors de la loi, qu'elle ne soit pas assujettie à un régime vexatoire, à un système arbitraire.
Je pense que, d'après les observations de M. le ministre des finances, qui feront, pour ainsi dire, partie de la loi, on peut maintenant se rassurer à cet égard.
Messieurs, il y a encore un autre point, c'est que le terme que le gouvernement avait fixé était de quatre années. La section centrale a proposé le terme d'une année. Il me semble, en effet, que lorsqu'on donne au gouvernement un pouvoir qui, quoique maintenant fort restreint par les explications de M. le ministre des finances, a cependant une apparence assez large, et, en présence, d'un autre côté, des réclamations élevées par les membres qui s'intéressent plus particulièrement à l'industrie des raffineurs, il me semble, dis-je, que dans cet état de choses, un terme plus rapproché serait un moyen de concilier tous les intérêts y compris ceux du trésor qui seraient sans doute pris en considération, s'il s'élevait des prétentions qui pussent les compromettre.
Je bornerai là mes observations, à moins que quelques membres ne jugent à propos d'entrer dans le fond de la question, ce qui me paraîtrait assez inopportun, puisque la chambre est au moment de se séparer pour un terme fixé à une quinzaine de jours, mais qui peut se prolonger par des motifs indépendants de notre volonté. Toute la discussion sur le fond de la question peut être différé d'autant mieux que les renseignements que la section centrale a demandés tendent à jeter un nouveau jour sur l'objet du débat et rendront plus faciles les discussions qui pourront s'ouvrir à cet égard.
M. de Theux. - Du moment où il est entendu que la proposition n'a pour objet que d'assurer les intérêts du trésor à raison des procédés nouveaux et qu'il ne s'agit en aucune manière d'entraver une industrie établie à grands frais, je ne ferai pas d'objection.
M. Visart. - Je me rallie à l'opinion de l'honorable M. de La Cosre, qui déclare que, d'après les explications de M. le ministre des finances, les inquiétudes qui s'étaient produites chez les fabricants de sucre de betteraves doivent disparaître, car ces interprétations sont censées faire partie de la loi. Cette industrie a besoin d'une confiance et d'une sécurilé qu'elle croyait compromises par le sens du deuxième paragraphe de l'article premier. Si elle eût perdu cette sécurité, j'aurais dû combattre sa rédaction ; mais d'après les explications de l'honorable ministre des finances, l'incertitude disparaît ; d'ailleurs, je m'empresse de reconnaître que le trésor, lui aussi, a droit à cette sécurité ; c'est en ce sens que le projet de loi a été rédigé, et je voterai les dispositions qu'il propose ; l'industrie dont il s'agit n'a pas à regretter les mesures convenables à la fois et modérées que l'on peut préparer pour assurer cela contre toutes les éventualités ; elle ne veut point de la fraude, ce moyen répugne en général à ceux qui la dirigent, et si quelque fabricant faussait cette maxime, les autres verraient sans regrets que la loi mît au jour ses manœu\res et les réprimât.
M. Dumortier. - Je crois que je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire l'honorable ministre. Cependant, comme les lois doivent être claires, je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne croit pas devoir apporter une modification dans la question qui soulève des doutes. Je m'en rapporte, du reste, à l'honorable ministre.
M. Delehaye. - Comme vient de le dire l'honorable ministre des finances, au début de la séance, il va de soi qu'il ne peut rétablir aucun mode de contrôle qui a été supprimé par la loi. Mais, je tiens à faire mes réserves. Comme vient de le dire l'honorable M. de La Coste, je ne veux pas examiner maintenant la question au fond, car je pense du reste que la chambre ne l'a pas suffisamment étudiée ; mais je tiens à constater un fait, cest qu'incontestablement le droit n'est pas perçu comme il devrait l'être ; car la différence de droit perçu en Belgique et en France est de 20 à 25 p. c.
Je ne veux pas provoquer de discussion sur ce point, cela ne serait d'aucune utilité ; mais il est constant qu'en Belgique le sucre ne paye que 5 1/2 tandis qu'en France il paye 6 3/4. Voilà donc une différence de 25 p. c.
Je tiens à faire mes réserves, afin qu'on sache que le trésor est en droit de réclamer et qu'il ne percevra ce qu'il est en droit de percevoir que lorsque vous aurez adoplé l'ancien mode de tarification. Je borne là mes observations en faisant mes réserves.
M. Osy. - J'imiterai l'exemple des honorables MM. de La Coste et Delehaye.
Je désire que d'ici à la session prochaine on examine sérieusement la question. Il est plus que temps, si nous ne voulons pas perdre cette branche de revenu public, que la législation qui la concerne soit révisée. Je m'étais associé à la majorité de la section centrale pour supprimer le paragraphe 2 de l'article premier, je pensais bien que le gouvernement avait besoin de changer la loi en ce qui concerne la surveillance, mais je ne voulais pas qu'il la modifiât dans ses bases.
Les explications que vient de donner M. le ministre des finances me satisfont complètement ; je voterai le paragraphe 2. Mais je demanderai à M. le ministre s'il se rallie à la proposition faite à l'unanimité par la section centrale, de restreindre la durée de la loi, au lieu de 4 ans, à la session (page 1031) prochaine de 1852-1853. Si M. le ministre se rallie à cette proposition, je voterai la loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois que les deux propositions se liaient. Da moment que le paragraphe dont on demandait la suppression n'a pas la portée qu'on lui supposait, il importe peu que le délai endeans lequel l'arrêté devra être soumis aux chambres soit restreint.
Ce n'est pas le principe de la loi qu'il s'agit de modifier. Vous auriez beau fixer à la session prochains l'obligation de soummettre aux chambres les mesures à prendre par le gouvernement, je n'aurais à vous soumettre que des mesures de surveillance et non les modifications au système qui est actuellement en vigueur.
Ce n'est pas à l'occasion des mesures réglementaires que cela pourra se présenter. S'il y a lieu de réviser la législation sue les sucres, ce sont les bases de la loi qu'il faudra revoir ; on y sera amené non parce que telles mesures réglementaires auront été introduites, mais parce qu'on aura constaté des inconvénients à l'état de choses actuel.
Je répondrai à l'honorable M. Dumortier que la rédaction du projet peut être maintenue.
L'article premier dit : « Le délai fixé par l'article 12 de la loi du 18 juin 1849 (Moniteur n°171) pour soumettre à la législature les mesures de surveillance arrêtées par le gouvernement en exécution de l'article premier de la loi du 16 mai 1847 (Moniteur n° 140) à l'effet d'assurer l'efficacité des prises en charge aux comptes des fabricants de sucre de betterave et de glucoses, est prorogé jusqu'à la session ordinaire de 1855-1856. »
Un deuxième pararagraphe porte ce qui suit :
« Le gouvernement est autorisé jusqu'à la même époque à modifier et à compléter ces mesures chaque fois que la nécessité lui en sera démontrée. »
Ce sont donc les mesures qui ont été prises en vertu de la loi du 16 mai 1847 que l'on pourra compléter ou modifier.
M. Cools. - Me ralliant complètement aux observations présentées par l'honorable M. Delehaye, je ne dirai à mon tour que quelques mots pour faire également mos réserves sur la déclaration de M. le ministre des finances.
Je reconnais que cette déclaration diminue beaucoup les objections qu'on pouvait élever contre le paragraphe 2 de l'article premier ; cependant elle ne les fait pas disparaître complètement, en ce sens que nous avons bien tous nos apaisements en ce qui concerne la fabrication du sucre de betterave mais que les objections, que les fabricants de sucre de canne peuvent élever contre ce paragraphe restent debout.
D'après les observations de M. le ministre de finances, le paragraphe 2 aura peu de portée. Le gouvernement ne pourra modifier en quoi que ce soit, ni la quotité de la prise en charge ni le mode de prise en charge ; tout se borne à des mesures de surveillance.
Il s'agit, par exemple, de savoir s'il faut prendre quelques mesures réglementaires pour avoir plus facilement l'accès aux engins au moment de la défécation, si les instruments qu'on emploie sont les meilleurs, s'il convient enfin de combiner encore d'autres mesures de peu d'importance qui concernent l'administration.
Sous ce rapport donc je n'ai aucune objection à faire contre la proposition du gouvernement.
Mais il en est une autre, c'est celle qui concerne le délai. Si nous adoptions le projet tel qu'il a été proposé, le gouvernement pourrait se persuader qu'il ne convient pas de s'occuper du fond de la question d'examiner s'il ne convient pas de rétablir ce contrôle sur la défécation qui a été aboli en 1847 ou tout autre contrôle qui sauvegarde les droits de l'Etat. Or, c'est là la question principale. Je partage complètement, sous ce rapport, l'opinion des honorables membres qui ont défendu le sucre de canne dans une autre session.
Je crois que l'absence de ce contrôle est le plus grand grief que puisse élever le sucre de canne : il se plaint de ce que les prises en charge ne constatent pes les quantités de sucre produites par la betterave, que dès lors la canne peut prétendre à bon droit que le sucre de betterave ne paye pas sa quotité d'impôt.
Je ne veux certainement pas me lancer en ce momant dans l'examen de toutes les questions qui se rattachent à la législation des sucres. Je veux seulement faire mes réserves.
Je crois que le paragraphe qui est spécialement en discussion ne présente plus que ce danger, c'est que, si l'on accordait un délai trop long, le gouvernement pourrait penser qu'il n'a pas de motifs pour aborder l'examen du fond de la question.
Si je vote le projet, c'est que je conserve l'espoir que le gouvernement ne s'en prévaudra pas pour se dispenser de nous saisir d'un ensemble complet en ce qui concerne les deux fabrications de sucre, dans un délai plus rapproché que celui que nous allons stipuler pour la régularisation des mesures de surveillance.
M. Faignart. - Les explications données par M. le ministre des finances sont de nature à rassurer les personnes intéressées à ce qu'on n'établisse pas un nouveau mode de surveillance qui serait aussi funeste, aussi tracassier que l'était celui du contrôle. Et à cet égard, je ferai remarquer que nous repoussions ce mode, non parce que nous croyions qu’il faisait d"écouvrir plus de matière imposable, mais parce que cette surveillance était une source de tracasseries et de vexations.
Je n'ai donc plus aucune observation à faire quant au paragraphe 2 de l'article premier tel qu'il a été rédigé par le gouvernement.
Je répondrai deux mots à l'honorable M. Delehaye qui a prétendu que le sucre de betterave ne payait pas ce qu'il devait payer. J'aurai l'honneur de dire à la chambre que l'on pourrait prouver que cette année même la plupart des fabricants n'ont pas eu toutes les quantités de sucre pour lesquelles ils ont été pris en charge. C’est un fait connu de tout le monde,que la prise en charge a été supérieure aux sucres qui ont été retirés.
L'honorable membre a dit que les fabriques de sucre de betterave obtenaient un avantage de 25 p. c. C'est une erreur tellement profonde, messieurs, que je trouve inutile de la combattre. Les personnes qui ont quelque connaissance de cette industrie apprécieront à sa valeur une pareille exagération.
J'ai dit.
M. Loos. - Je suis disposé à voter le projet de loi, à condition que la délégation que nous donnons au gouvernement ne dure que jusqu'à la session prochaine. Mais si ce délai devait être prolongé, je ne voterais pas la loi. Je désire que le gouvernement, ayant à présenter dans la session prochaine ces mesures de surveillance concernant les fabriques de sucre de betterave, nous ayons l'occasion de démintrer combien le mode de prise en charge est vicieux, combien les mesures de surveillance sont imparfaites. Ce sont des faits qu'il ne me sera pas difficile d'établir. Mais le moment n'est pas convenable ; je veux aujourd'hui m'en abstenir. Mais je voterai contre la loi si sa durée va au-delà de la session prochaine.
Le rapport de la section centrale nous dit qu'il est fàcheux que le sucre ne produise pas la quotité d'impôts qui lui est assignée par la loi.
Une des industries dit que ce fait provient de l'inefficacité des mesures prises tant pour la surveillance que pour les prises en charge. Je sais très bien que mes honorables adversaires n'admettront pas cette cause. Moi, je prétends qu'elle est réelle. Mais cette discussion trouverait difficilement sa place à la fin de la session. Je le répète, je m'abstiendrai de la soulever. Mais je crois que sur tous les bancs de la chambre on admettra les mesures qui sont reconnues nécessaires, indispensables pour assurer la perception de l'impôt, et qu'on ne s'effrayera pas des épithètes d'arbitraires, de vexatoires, de tracassières dont on qualifie les mesures efficaces. On ne les taxe d'ailleurs avec si peu de bienveillance que parce qu'elles étaient efficaces, que parce qu'elles assuraient la perception de l'impôt dont est frappé le sucre de betterave.
Je fais mes réserves pour la session prochaine, lorsque le gouvernement viendra nous demander de nouveaux délais ou nous proposer d'assurer par la loi de nouveaux moyens de surveillance.
M. de La Coste. - Quelques honorables membres, tout en protestant qu'ils ne voulaient pas entrer dans le fond de la question, y sont cependant entrés. C'est ce qui m'oblige à dire encore un mot.
Ces honorables membres oublient deux choses : ils oublient les principes de la loi sur les sucres et ils oublient les principes de toute notre législation fiscale. Ce principe pour les distilleries, pour les brasseries, en un mot pour tous les objets soumis à l'accise, est l'antipode du principe que pose l'honorable M. Cools et qui n'est autre chose que celui des droits réunis.
Le principe des droits réunis est d'atteindre toute la matière produite en s'y prenant d'une manière quelconque, vexatoire ou non, pourvu qu'on arrive au but. Le principe de la législation belge est d'établir une présomption aussi rapprochée que possible de la vérité, d'éviter par ce moyen beaucoup de vexations et de rendre le système financier beaucoup plus populaire, beaucoup moins désagréable à la nation.
Un autre point de vue où il faut se placer, c'est le point de vue général de la législation sur les sucres. Ce point de vue, c'est celui de la conciliation des trois intérêts. Si le sucre indigène n'est pas soumis à un régime exceptionnel, à un régime qui n'existe pour aucune autre industrie, d'un autre côté il faut tenir compte du sacrifice d'un à 2 millions fait annuellement pour le sucre de canne qui s'est plaint par l'organe de l'honorable M. Cools. Qu'on n'oublie pas que lorsqu'on examinera la question dans sa généralité, ce point sera aussi discuté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la législation nouvelle sur les sucres, qui a été adoptée en 1849, a été de beaucoup plus efficace que les autres pour assurer la perception de l'impôt. Nous avons eu en recettes en chiffres ronds pour 1849 3,800,000 fr., pour 1850, 3,150,000 fr., pour 1851 3,040,000 fr.
Vous voyez que la moyenne est assez élevée. Ce n'est pas encore exactement le chiffre qui a été déterminé par la loi, comme minimum ; cependant, c'est le produit le plus élevé, à peu de chose près, qui ait été perçu depuis 22 ans. Ainsi, au point de vue du trésor, on n'a pas trop à se plaindre de la législation de 1849.
Quant au délai qu'on veut fixer, je ferai remarquer que cela est assez indiffèrent, puisqu'il ne s'agit que de mesures de surveillance, qui ne touchent pas au fond du litige entre la betterave et la canne. On dit que si le gouvernement a les mesures de surveillance à soumettre à la chambre, celle-ci sera appelée de la sorte à s'occuper de la question du fond ; (page 1032) mais la chambre n’a pas besoinn pour cela, qu’on lui porpose des mesures de surveillance ; elle pourra toujours, quard elle le voudra, examiner la qucflion des sucres. Un projet de loi sur le fond ne sera pas discuté à cause de ces mesures de surveillance.
- La discussion générale est close.
« Article 1er. Le délai fixé par l'article 12 de la loi du 18 juin 1849 {Moniteur, n°171) pour soumettre à la législature les mesures de surveillance arrêtées par le gouvernement en exécution de l'article premier de la loi du 16 mai 1847 (Moniteur, n° 140) à l'effet d'assurer l'efficacité des prises en charge aux comptes des fabricants de sucre de betterave et de glucoses, est prorogé jusqu'à la session ordinaire de 1855-1856.
« Le gouvernement est autorisé jusqu'à la même époque à modifier et à compléter ces mesures chaque fois que la nécessité lui en sera démontrée.
« Seront également soumises aux chambres législatives, dans la session de 1855-1856, les mesures qu'il établira pour la vérification et la justification des sucres et sirops de canne et de betterave présentés à l'exportation avec décharge de l'accise. »
M. le président. - La section centrale propose, d'abord, de substituer : « 1852-1853 » à « 1855-1856.» M. le ministre se rallie-t-il à cette modification ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, M. le président. C'est inutile.
M. le président. - La section centrale a proposé la suppression du paragraphe 2. Retire-t-elle cette proposition ?
M. Mercier, rapporteur. - Je n'ai pas le droit de parler au nom de la section centrale puisqu'elle n'a pas délibéré sur ce point ; mais je suis du nombre de ceux qui ont voté pour la substitution de la session de 1852-1853 à celle de 1855-1856. Je suis persuadé que la majorité n'a proposé cette substitution que parce qu'elle attribuait au paragraphe 2 une tout autre portée que celle qu'il a maintenant. Telle était du moins mon opinion : pour ma part, j'adopte maintenant le terme proposé par le gouvernement.
M. Loos. - Messieurs, nous sommes saisis d'une proposition de la section centrale ; je ne sais pas si le rapporteur a le droit de la retirer...
M. le président. - M. Mercier n'a énoncé que son opinion personnelle.
M. Loos. - Alors nous avons à voter sur la proposition de la section centrale, et je demanderai qu'elle soit mise aux voix par appel nominal.
Quand on craignait de voir rétablir des mesures efficaces, on ne voulait la loi que jusqu'à l'année prochaine ; aujourd'hui qu'on est rassuré sur ce point, que l'on compte sur le maintien d'un régime tout à fait inefficace, on demande un délai plus long.
M. Osy. - L’honorable M. Mercier abandonne, en ce qui le concerne, la proposition faite par la section centrale ; mais nous ne partageons nullement son opinion. Je demande, moi, positivement, que l'amendement de la section centrale soit voté. Je désire que la loi ne soit prorogée que pour un an, parce qu'alors, dans un an, nous aurons l'occasion de revenir sur le fond de la question.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne conçois rien à l'insistance des honorables députés d'Anvers, relativement à la disposition présentée par M. le ministre des finances. Ainsi que l'a dit l'honorable rapporteur, lorsque la section centrale craignait que le paragraphe 2 ne donnât lieu au rétablissement de mesures vexatoires, elle a proposé, naturellement, la durée la plus courte possible ; mais maintenant que nous sommes rassurés à cet égard, il importe assez peu que la loi expire l'année prochaine ou qu'elle n'expire que dans 4 ans.
Je suis d'autant plus surpris d'entendre les honorables membres insister sur ce point et manifester le désir de voir rétablir des mesures vexatoires, odieuses, qu'il existe deux faits incontestables ; le premier c'est que la recette presque totale que fait le trésor public, provient, comme vient de le dire M. le ministre des finances, de la loi qui est actuellement en vigueur et que c'est, par conséquent, le sucre de betteraves qui la fournit ; l'autre fait, c'est que le sucre de canne qui, lui, ne paye presque rien au trésor, n'est soumis à aucune mesure de surveillance.
Eh bien, si nous révisons un jour la loi, nous aurons à examiner s'il ne faut pas établir des mesures semblables pour le sucre de canne.
- La proposition de la section centrale ayant pour objet de substituer les mots : « session de 1852 1853 » à ceux de : « session de 1855-1856 » est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
Les paragraphes 1 et 3 sont ensuite successivement adoptés.
Le paragraphe 2, dont la section centrale avait proposé la suppression, est également adopté.
L'article est ensuite adoplé dans son ensemble.
« Art. 2. Les contraventions aux dispositions des arrêtés à prendre par le gouvernement entraîneront contre leur auteur une amende de 800 fr. Lorsque les fabricants de sucre ou de glucoses ne rempliront pas en temps utile les obligations qui leur seront imposées, ils encourront, en outre, une amende de 200 francs pour chaque jour de retard. »
M. Mercier, rapporteur. - L'amendement proposé par la section centrale à l'article 2 vient à tomber, cet amendement étant la conséquence de celui qu'elle avait proposé à l'article premier, et qui n'a pas été adopté par la chambre.
- L'article 2, tel qu'il est proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Les articles 196 et 197 de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38) sont rendus applicables aux raffineries desocre brut de canne et de betterave.
« Ces usines seront considérées comme étant en activité aussi longtemps que les exploitants n'auront point déclaré le temps pendant lequel les travaux seront complètement suspendus.
« Les exploitants ne pourront reprendre leurs travaux, avant l'expiration du délai fixé en vertu du paragraphe précédent, qu'après en avoir fait la déclaration préalable. Les contraventions à cette disposition seront punies d'une amende de 100 francs.
« Les déclarations exigées par le présent article devront être faites par écrit aux receveurs des accises dans le ressort desquels les raffineries sont établies. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
77 membres prennent part à cette opération.
70 répondent oui.
7 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM.d'Hoffschmidt, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Le Hon, Lesoinne, Malou, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Tesch, Thiéfry, Tremouroux, Van Cleemputte,Vandenpeereboom (Alph.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bourdeaud'huy, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Renesse, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. Loos, Osy, T'Kint de Naeyer, Van Grootven, Veydt, de Baillet (Hyacinthe) et Delehaye.
M. Osy. - Messieurs, la convention qui nous est soumise en ce moment nous a été remise, il y a trois jours ; elle n'a pas été examinée en sections ; elle a été renvoyée à la section centrale qui avait été chargée d'examiner la convention du 27 octobre avec l'Angleterre ; ce n'est qu'hier que nous avons reçu le rapport, et déjà aujourd'hui nous sommes obligés de nous expliquer sur le traité.
Il faut convenir que le gouvernement, pour ne pas dire plus, a été bien malheureux dans cette session, pour toutes les conventions qui ont été faites ; il n'est pas une convention qui n'ait été attaquée, et vous avez souvent vu dans les deux enceintes une minorité assez forte contre les conventions.
Pour la convention avec le Zollverein, nous avons vu, par le rapport de l'honorable M. T'Kint de Naeyer, que le gouvernement avait envoyé à Berlin un industriel de Liège pour défendre les intérêts de cette ville, tandis que, pour le traité avec les Pays-Bas, où le commerce était si fortement intéressé, personne n'a été consulté, les chambres de commerce n'ont pas été entendues. Il me paraît qu'on aurait pu envoyer à la Haye un négociant pour y plaider les intérêts du commerce comme on avait envoyé un industriel à Berlin.
Nous avons eu pour négocier le traité avec les Pays-Bas un militaire, et l'honorable M. Liedts, auquel je reconnais sans doute beaucoup de talent, mais qui, je le crois, aurait été charmé lui-même d'avoir la coopération d'un négociant.
Vous voyez que le gouvernement, dans cette occasion, a négligé fortement les intérêts du commerce.
Pour revenir au traité pour la pêche, nous défaisons aujourd'hui que que nous avons fait hier ; si encore Bruges et Ostende obtenaient des avantages, le pays pourrait se résigner à faire un sacrifice.
Mais nous voyons que la charte de Charles II n'est plus reconnue par l'Angleterre ; on vous annonce qu'à la fin de l'année il n'en sera plus question. Si vous voulez maintenir le droit, vous pouvez intenter un procès à l'Angleterre. En compensation, on nous accorde quoi ? On nous accorde le droit commun, c'est-à-dire ce que possèdent la France et la Hollande, la faculté de pêcher sur les côtes d'Ecosse à 3 milles, tandis que, par la charte de Charles II, nous pouvions pêcher à 2 milles. Ainsi, je le répète, nous n'obtenons que le droit commun, et nous accordons même à l'Angleterre de venir sur nos cotes pêcher comme les Français et les Hollandais peuvent le faire sur les côtes d'Ecosse. C'est donc encore véritablement une de ces conventions par lesquelles vous donnez tout et par lesquelles vous n'obtenez rien.
Je suis persuadé que toute la convention que vous avez à voter réside positivement 'ans l'arrêté du 2 février où vous avez augmenté le droit d'entrée sur plusieurs objets de pêche, et certainement l'Angleterre aura réclamé.
Avant-hier, à l'occasion de la réforme douanière, j'avais dit quelques mots du tarif que nous avions à voter. On nous faisait voter alors un impôt très considérable sur un objet que M. le ministre des finances appelait lui même un objet de luxe, c'est-à-dire sur les huîtres. Eh bien, cet objet payait anciennement 2 p. c. ; par le tarif voté avant-hier, il payera (page 1033) 25 p. c. ; c'est là une augmentation qui au lieu de 2 mille fr. que nous recevions anciennement, s'élèvera a 40 mille fr.
Eh bien !dans la section centrale lors de l'examen de la réforme douanière deux voix seulement se sont élevées contre l’augmentation, tout le monde a trouvé cet impôt excellent, et le gouvernement lui-même l'a fortement appuyé. M. le ministre des finances a allégué une erreur faite par l'honorable ministre des affaires étrangères, et de cette manière il s'est tiré d'affaire.
Mais c'est là une raison qui ne me touche pas, car je suis persuadé que l'honorable ministre des affaires étrangères, qui possède des bureaux assez nombreux, a pu y obtenir tous les renseignemenis nécessaires, et qu'il a pu y faire examiner amplement cette question.
L'augmentation a été appuyée a la chambre le 22 décembre, elle n'a jamais élé combattue si ce n'est le 27 où vous avez autorisé le gouvernement à la mettre à exécution par arrêté royal. Vous pensez bien qu'aussitôt que l'Angleterre aurait vu que vous imposiez fortement plus de denrées qu'elle n'en importe, elle aurait demandé une augmentation en vue de votre tarif du 2 février. Comme c'est un impôt que nous devrons faire payer par le riche, je ne pourrai pas consentir à la convention.
Pour voiler la réclamation contre l'arrêté du 2 février on fait passer cela pour une concession.
Je ne puis donner mon assentiment à la convention. Avant-hier 1er avril vous votiez un impôt de 40 mille fr. que vous êtes obligés de supprimer aujourd'hui ; cela me paraît un véritable poisson d'avril.
M. Rodenbach. - Messieurs, comme l'honorable préopinant vient de le dire, à peine avons-nous eu le temps de jeter un coup d'oeil sur la convention de pêche conclue avec la Grande-Bretagne. Il est certain que l'Angleterre ne nous fait aucune concession, tandis que nous lui en faisons.
Je n'ai examiné dans cette convention que deux questions principales, la question des harengs et celle des huîtres.
Messieurs les Anglais pourront introduire des harengs en Belgique au simple droit pendant les mois de juin, juillet et août, tandis que maintenant ils doivent pendant ces trois mois payer un droit triple et même quadruple.
Il est clair que c'est une concession considérable que nous avons faite, les Anglais qui savent vendre le hareng salé à Hambourg en concurrence avec les Hollandais trouveront moyen de venir le vendre en Belgique quand ils payeront le tiers ou le quart du droit qu'ils payent maintenant.
On ne peut pas contester que cela sera très défavorable à la pêche de Bruges et d'Ostende.
Cette pêche a voulu se relever et à peine a-t-elle armé quelques bateaux, que l'Angleterre vient, conjointement avec la Hollande, s'emparer de ce commerce. Ostende et Bruges devront désormais renoncer à la pêche du hareng.
Je dirai aussi quelques mots sur l'huître. Il y a trois ou quatre mois que pour l'entrée de cet aliment de luxe on ne payait que 1 p. c. de la valeur ; on a présenté un projet de loi ayant pour objet de porter ce droit à 25 p. c.
Mais avant que ce droit pût être perçu, les propriétaires de parcs d'huîtres ont fait venir, au droit de 1 p. c., des quantités considérables d'huîtres ; ils ont encombré leurs parcs, et ils ont augmenté leurs prix de 25 p. c. ; il s'ensuit que les consommateurs ont payé le droit, tandis que le gouvernement n'a rien reçu. Et à peine ce droit, qui rapporterait 46,000 drancs par an, est-il sur le point d'être perçu, qu'on nous propose de le ramener à 1 p.c. Le consommateur aura payé l'augmentation de droit, et le trésor n'en aura pas profité.
Les propriétaires de parcs d'huîtres en auront seuls tiré avantage ; maintenant que le moment de repeupler leurs parcs arrive, ils pourront le faire au droit primitif de 1 p. c.
On nous dit que le traité nous assure l'avantage de pouvoir plaider contre le gouvernement anglais pour le privilège qu'avait octroyé le roi Charles II, aux pêcheurs de la ville de Bruges.
Mais c'esl encore là le droit commun, car le dernier des particuliers peut intenter un procès au gouvernement. Nous avons un autre avantage, c'est celui de pouvoir aller pêcher à 3 milles des côtes d'Angleterre mais l'Angleterre a le même droit chez vous. De sorte qu'en définitive nous avons obtenu zéro, tandis que nous avons fait des concessions réelles.
M. Delehaye. - Il peut paraître étrange de revenir sur une mesure prise il y a deux mois. Le 2 février, vous avez adopté un projet maintenant une élévation de droits établie sur les huîtres par arrêté royal. Cette mesure avait été prise pour combler le déficit que devait amener l'exécution du traité avec la Hollande. Depuis, qu'est-il arrivé ? Une convention ayant pour conséquence de ramener ce droit à son taux primitif. Qu'en faut-il conclure ? C'est que si vous n'aviez pas pu faire cette concession, vous auriez dû en faire d'autres.
L'Angleterre vous a demandé cette concession ; si vous n'aviez pas été en mesure de la faire elle vous aurait fait d'autres demandes. Chose très drôle, le traité avec l'Angleterre a été adopté à l'unanimité des membres de la chambre ; chose remarquable, ce traité a été envisagé comme une des plus belles convention internationales qui aient été faites.
Si je ne me trompe, en section M. Coomans a émis une opinion favorable.
Ce traité a été adopté, mais il n'a pas encore été ratifié. Serait-ce un bon procédé, alors que vous avez adopté un traité, d'en rejeter un autre parce qu'il a pour conséquence de réduire le droit sur les huîtres, qui est réduit a 1 p. c, ce qui rétablît les choses en l'état où elles étaient avant le 2 février, rien de plus ; quelque talent que vous mettiez pour présenter les choses autrement, vous n'y arriverez pas. On s'est plaint de ce que le droit avait fait renchérir les huîtres.
- Un membre. - Belle affaire !
M. Delehaye. - C'est une petite affaire pour qui peut payer, et ce qui est peu pour cerlaines personnes est beaucoup pour d'autres. J'ai entendu des plaintes réitérées. Ne fréquentez-vous pas les lieux où l'on consomme ce produit ? Cependant, comme c'est un aliment de luxe, celui qui le consomme pouvant le payer, j'avais donné mon assentiment à l'élévation du droit.
Mais je dis que je donne volontiers mon assentiment à cette suppression, alors qu'elle a pour conséquence d'assurer l'adoption du premier traité.
Voilà la position dans laquelle s'est placée la section centrale et dans laquelle je prie la chambre de se placer également. Vous avez adopté un traité avec l'Angleterre qui est généralement envisagé comme excellent ; vous ne pouvez en rejeter un autre bien moins important, parce qu'il vous imposé l'obligation de réduire le droit sur les huîtres de 12 fr. par 100 kilogrammes.
Je voterai pour le traité.
M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. Delehaye prétend qu'il s'agit uniquement aujourd'hui de replacer les choses dans l'état où elles se trouvaient avant le 2 février.
Il déclare que cela est si évident qu'il est absurde de soutenir le contraire. Eh bien, je conteste cette assertion ; elle est complètement inexacte.
Quel était l'état des choses avant le 2 février, ou pour mieux dire, avant le 27 décembre, jour où nous avons accordé au gouvernement l'autorisation d'élever certains droits de douane ? L'état des choses, c'était la liberté laissée à la Belgique d'élever ses droits de douane sur le poisson chaque fois et de la façon qu'elle jugerait convenable. Mais si nous votons la convention, cet état de choses est singulièrement changé. Quoi ! nous nous engageons à ne plus user de notre liberté quant à des modifications douanières ; nous nous engageons à ne pas élever les droits au-delà du chiffre que la Grande Bretagne nous autorise à percevoir ! (Interruption.) C'est bien cela ; c'est écrit littéralement dans le traité.
Vous voyez donc bien qu'il ne s'agit pas de remettre les choses dans l'état où elles se trouvaient il y a quelques semaines. Il s'agit de renoncer à notre liberté et en définitive de nous humilier plus ou moins. (Interruption.)
L'honorable ministre de l'intérieur dit : Du courage !
Il ne m'en manque pas ; je lui demanderai, moi, de l'attention.
L'honorable ministre des finances, visiblement embarrassé des contradictions dans lesquelles il plonge la chambre, a cherché à expliquer la loi que nous avons votée le 27 décembre, par suite d'une inadvertance de son honorable collègue des affaires étrangères.
Eh bien ! je ne crois pas à cette inadvertance. Je suis persuadé qu'il n'y a pas eu négligence de la part de l'honorable M. d'Hoffchinidt. Je né suis pas dupe de l'explication qui nous a été donnée, et je crois pouvoir démontrer que cette excuse ne vaut rien.
Messieurs, nous avons voté l'élévation du droit sur le poisson le 27 décembre, cinq jours après la publication du projet du ministère. Lée2 février, le gouvernement publie l'arrêté royal qui met à exécution la décision de la chambre. Il est évident que le 2 février il n'y avait pas eu encore de réclamation de la part de la Grande-Bretagne, et qu'il n'y avait pas intention de la part du gouvernement de revenir sur la loi du 27 décembre, puisque le gouvernement était autorisé à n'appliquer que partiellement la loi du 27 décembre, c'est-à-dire que le gouvernement pouvait laisser de côté les huitres et les autres poissons ; car il ne s'agit pas des huitres seulement, je le dis en passant, pour rectifier une assertion de M. Delehaye.
Si donc le gouvernement a inséré les huîtres et les autres poissons dans l'arrêté du 2 février 1852, c'est qu'il n'y avait pas de réclamation de la part de la Grande-Bretagne ; ou bien (autre thèse que je n'aimerais pas de poser) que l'honorable ministre des affaires étrangères n'avait pas aperçu le poisson dans le projet de loi du 22 décembre, dans la loi du 27 décembre ni dans l'arrêté royal du 2 février.
Les poissons étaient suffisamment en évidence ; ils y sont restés sept semaines, invisibles seulement aux yeux de l'honorable ministre, des.affaires étrangères ; voila ce que prétend M. Frère.
Messieurs, j'ai meilleure opinion de la perspicacité de l'honorable M. d'Hoffschmidt. J'insiste là-dessus, parce que lorsqu'on me donne une mauvaise excuse, je suis persuadé qu'il y a une autre raison qu'on ne veut pas me dire. Ayez la bonté, messieurs, de m'expliquer pourquoi vous avez mis à exécution, le 2 février, une mesure que vous n'étiez pas forcés de mettre à exécution, que vous n'auriez probablement pas mise à exécution, si les plaintes de la Grande-Bretagne s'étaient manifestées.
Messieurs, voyons cependant s'il vaut la peine de nous contredire et d'abandonner une recette notable pour le trésor.
Qu'obtenons nous par la convention ? Nous obtenons le droit de pêcher sur les côtes d'Ecosse, droit accordé à tous nos rivaux.
Je regrette que les honorables députés de Bruges, pour lesquels surtout cette convention semble faite, ne soient pas présents pour donner (page 1034) des explications à ce sujet, car eux-mêmes doivent avoir déclaré qu'en définitive la convention ne concernait qu'un seul spéculateur belge (Interruption.) Messieurs, la preuve que cette convention offre fort peu d'intérêt pour la seule ville à qui elle puisse en offrir, c'est que les trois représentants de Bruges son absents à l'heure solennelle où il s'agit de discuter la fameuse charte de Charles II.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous êtes là !
M. Rodenbach. - Nous sommes-là !
M. Coomans. - Je ne suis pas Brugeois : je n'ai pas la prétention de remplacer l'honorable M. Sinave.
Nous obtenons donc le droit d'envoyer un ou plusieurs bateaux de pêche sur les côtes d'Ecosse, et d'autre part nous abandonnons une recette considérable, puisqu'il est constant qu'il ne s'agit pas des huîtres seules qui rapportaient 46,000 fr. et qui n'en rapporteront plus que 3,000 le lendemain de l'adoption de ce traité. En outre, nous nous lions probablement à jamais envers la Grande Bretagne en nous défendant à nous-mêmes d'élever les droits au-dessus de ceux que fixe le projet de loi.
Messieurs, pour ces divers motifs, je refuse mon vote approbatif au traité.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Il me semble, messieurs, qu'on cherche à faire une grosse affaire d'une chose très simple en elle-même. L'honorable M. Osy a d'abord trouvé le moyen de se livrer à une revue rétrospective de tous les traités de commerce que vous avez eu à voter dans le cours de cette session. Je ne veux pas le suivre sur ce terrain ; je crois que la chambre n'est pas disposée à entrer de nouveau dans la discussion de ces grands actes internationaux.
Qu'il me soit cependant permis de dire que nous sommes bien loin d'avoir été malheureux, comme on l'a soutenu tout à l'heure, dans les négociations commerciales ; nous avions quatre grands traités à conclure ou à renouveler dans les circonstances les plus difficiles. Ces traités, qui avaient coûté précédemment de longues négociations, venaient à expirer. Il fallait chercher à rétablir de bonnes relations avec ces pays voisins si importants pour notre industrie. Eh bien, trois de ces traités ont été conclus et nous avons obtenu en leur faveur l'assentiment des chambres. L'un a même été approuvé à l'unanimité dans les deux chambres, sauf une voix, celle de l'honorable M. Coomans ; ce traité a obtenu l'assentiment de tout le pays.
Je pense, messieurs, qu'après des résultats semblables l'honorable membre n'est pas fondé à dire que les négociations n'ont pas été heureuses.
Je passe, messieurs, à la convention qui vous est soumise.
Quand nous avons négocié le traité avec l'Angleterre, nous avons offert des réductions de tarif en faveur du poisson provenant de la pêche de ce pays. La Grande-Bretagne demandait le même traitement qu'a obtenu la Hollande en 1846, c'est-à-dire un droit inférieur à celui qui figure dans la convention. La convention relative à la pêche fut suspendue ; il fut convenu qu'on signerait le traité et qu'on reprendrait ensuite les négociations sur la convention pour la pêche. Nous désirions, quant à nous, obtenir pour nos pêcheurs de hareng la permission de continuer à pêcher sur les côtes d'Ecosse.
Mais, s'écrie M. Coomans, vous avez fait dans cette convention des concessions ; c'est une reculade. Mais, messieurs, est-ce que l'Angleterre, elle, n'a rien cédé du tout ? L'Angleterre qui a inscrit dans ses grandes lois de navigalion le principe de la réciprocité, l'Angleterre conclut avec nous le traité du 27 octobre sans obtenir la réciprocité ni pour les droits différentiels, ni pour le sel, sans obtenir la position la plus favorisée pour son poisson ! C'est là, à coup sûr, une concession autrement importante que la question des huîtres.
Mais je demanderai à M. Coomans si, en définitive, dans les négociations antérieures, on n'a jamais fait ce qu'il appelle des reculades, mot qui paraît lui plaire singulièrement ? Est-ce que, dans toute négociation, l'on ne se fait pas toujours des concessions de part et d'autre ? En 1844, quand on a voté la loi sur les droits différentiels, n'était-ce pas une reculade que l'importation de sept millions de kilogrammes de café, accordée à la Hollande ? Voilà une énorme reculade.
M. Coomans. - Elle n'est pas de mon fait.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Savez-vous combien cette mesure a coûté au trésor ? 400,000 francs de recettes annuelle.
Je pourrais encore citer ce qui s'est passé en 1842. A peine avait-on voté la convention linière, qu'on accorda à la Prusse, pour ses vins et ses soieries, les mêmes avantages que cette convention assurait à la France. C’était encore là une concession bien nuisible au trésor.
Je pourrais, messieurs, multiplier ces citations, si je ne craignais d'abuser de vos moments. L'impatience de la chambre me force d'abréger. Je dirai seulement que quand on veut se placer au point de vue du trésor, c'est de ces grands faits qu'il faut parler et non pas de ces petites incidents comme il s'en présente dans toutes les négociations.
Messieurs, l'honorable M. Coomans a cité ce qu'a dit dans une précédente séance mon honorable collègue des finances sur la tarification des huîtres. M. le ministre des finances n'a pas besoin d'excuse, et je viens confirmer ici ce qu'il vous a dit sur ce point.
Le projet de loi du 22 décembre a été soumis au département des affaires étrangères ; le département des affaires étrangères n'y a pas fait d'objections, et mon honorable collègue des finances ignorait que dans la convention qui se négociait avec l'Angleterre, il était question de diminuer les droits sur le poisson.
Ainsi la responsabilité de cette affaire doit porter exclusivement sur le ministre des affaires étrangères, et je l'assume très volontiers tout entière. Si je n'ai pas fait d'observation sur le projet de loi dont il s'agit, ce n'est pas que la tarification du poisson m'ait le moins du monde échappé, c'est qu'en définitive, je n'ai pas vu le moindre inconvénient à ce qu'on adoptât, comme tarification générale, pour le poisson, celle qui figure dans le projet de loi du 20 décembre, qui est devenu l'arrêté-loi du 22 février. J'y ai même vu des avantages, comme élément de négociation.
Il était bien entendu, pour ce qui me concerne, que sur cette tarification générale on ferait des concessions à l'Angleterre, mais le chiffre de ces concessions n'était pas déterminé.
Il pouvait arriver aussi que les négociations vinssent à échouer. Je n'avais donc aucun motif pour repousser cette tarification générale, qui n'était nuisible à aucun intérêt, sauf cependant aux possesseurs de parcs d'Ostende, qui réclamaient.
Maintenant les honorables préopinants soutiennent qu'à la suite de cette mesure, les consommateurs d'huîtres ont souffert ; je suis fort tranquille sur cette classe de consommateurs ; je pense que ses souffrances n'ont pas été bien vives.
Quant aux intérêts du trésor, qui se trouveraient lésés par la convention, en ce qui concerne les huîtres, remarquez que nous revenons, pour les huîtres anglaises, à la tarification qui a toujours existé et qui n'a pas été changée, même en 1844 ; si l'on trouve là un élément de recettes si important, pourquoi donc en 1844 et depuis n'en a-t-on pas tiré parti ? On ne l'a pas fait, à cette époque, ni antérieurement : De quel droit vient-on se plaindre aujourd'hui de ce que nous revenions, pour les huîtres anglaises, au tarif de 1844 ?
On a parlé des chartes de Charles II. L'honorable M. Osy a prétendu que la validité de ces chartes, qui était reconnue autrefois, ne l'était plus maintenant. Mais, messieurs, l'Angleterre n'a jamais reconnu la validité des chartes de Charles II ; c'est un titre nouveau qu'on a exhumé naguère à Bruges.
Nous avons soutenu cette validité ; le gouvernement anglais a consulté les avocats de la couronne : ces avocats ont été d'opinions divergentes ; le gouvernement anglais, qui avait à lutter contre l'opposition des pêcheurs d'Ecosse n'a pas voulu se prononcer ; il a dit que la question était du ressort des tribunaux ; mais si les tribunaux se prononçaient en faveur de la validité ce serait un avantage important pour nos pêcheurs, un avantage exclusif dont ils jouiraient à perpétuité, à l'exclusion des autres nations étrangères. C'est donc là le point le plus important de la question ; c'est ce droit pour nos pêcheurs de continuer à aller sur les côtes d'Ecosse ; c'est là ce qui a plus de valeur pour notre pêche du hareng que la tarification qui est stipulée dans la convention.
En présence de l'impatience de la chambre, je n'ai plus, messieurs, qu'une seule observation à faire : c'est que la convention relative à la pêche n'est que le complément du grand traité avec l'Angleterre, c'est un accessoire de ce traité, accessoire qui n'est pas d'une grande importance pour la Belgique, mais auquel on attache beaucoup de prix en Angleterre. La valeur qu'on doit y attacher n'est pas donc dans la convention elle-même, mais dans le traité du 27 octobre auquel elle est intimement liée.
- La clôture est demandée.
M. Osy (contre la clôture). - Je demande à présenter quelques observations. On a toujours le droit de parler après un ministre. Je ne serai pas long.
M. Coomans (sur la clôture). - Je voulais faire observer qu'il est assez inconvenant de nous violenter sur notre lit de mort.
- La clôture est mise aux voix. Il y a doute. La discussion continue.
M. Osy. - Messieurs, nous accordons déjà par le budget des affaires étrangères des primes montant à 100,000 francs pour la pêche ; par la convention que nous discutons, vous lui donnez indirectement une nouvelle prime de 46,000 francs, voilà donc 146,000 francs pour la pêche.
M. Van Iseghem. - Je demande la parole.
M. Osy. - Nous savons malheureusement que la pêche nationale n'a pas une grande étendue. Je vois par l'exposé des motifs du projet que nous avons quelques barques qui vont à la pêche du hareng sur les côtes d'Angleterre ; j'aurais voulu savoir combien de harengs nous importons par la pêche nationale. Je crois que la Hollande nous en importe pour notre consommation entière.
Je pense qu'il est temps d'en finir avec les augmentations de prime ; je ne demande pas qu'on retranche du budget des affaires étrangères la prime qui y est portée aujourd'hui en faveur de la pêche nationale ; mais je ne veux pas qu'on augmente cette prime.
Dans le parlement anglais, quand un traité est conclu, on a le droit ce demander le dépôt sur le bureau de toutes les pièces de la négociation. Si nous avions examiné en sections la convention pour la pêche, j'aurais demandé communication de la correspondance de notre plénipotentiaire à Londres, et vous auriez vu que la réclamation était contre le tarif du 2 février. Personne n'ignore que l'honorable M. Van de Wcyer avait donné sa démission. Je ne sais si c'est à cause de ce traité. Quoi qu'il en soit, j'avais raison de dire que le gouvernement n'avait pas été heureux dans ses négociations, et ici la preuve est évidente.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, les (page 1035) observations de l’honorable préopinant me paraissent en vérité étranges.
La convention pourrait peut-être être attaquée soui un seul rapport, c'est parce qu'elle diminue la protection de notre pêche du hareng. En effet, on réduit le droit d'entrée sur le hareng étranger. Eh bien, l'honorable préopinant prend ce prétexte en quelque sorte pour vouloir bien qu'on diminue les primes en faveur de la pêche nationale. Il prétend que la réduction du droit sur les huîtres est une prime pour notre pêche, et il en tire la conséquence qu'on doit supprimer les autres primes. C'est la pêche du hareng qui est atteinte et c'est celle-là qu'il veut frapper !
Quant à la question du maintien ou de la suppression des primes, elle viendra d'une manière plus opportune lors de la discussion du budget des affaires étrangères ; je ne m'en occuperai pas maintenant.
L'honorable préopinant, persistant dans son système de vouloir faire une grosse affaire de cette question, vient dire que lorsque l'affaire a été conclue, notre ministre plénipotentiaire avait donné sa démission. Eh bien, messieurs, le 27 octobre, le jour où a été signé le traité, une convention pour la pêche a été remise par M. Van de Weyer à l'honorable M. Labouchère qui était alors ministre du commerce ; j'ai sous les yeux la lettre qui le constate.
Ainsi la question, en ce qui concerne le poisson, ne date en aucune manière du 2 février, comme voudrait le faire supposer l'honorable préopinant, et quant à l'honorable M. Van de Weyer auquel M. Osy a fait allusion, il a signé lui-même la convention.
Au reste, je ne crois pas avoir à rendre compte des incidents qui peuvent survenir dans l'administration.
Ainsi, les observations de l'honorable préopinant ne sont nullement exactes, elles prouvent seulement de la part de l'honorable M. Osy le désir constant de faire de l'opposition. (Interruption.)
Je vais vous le prouver : Vous demandiez constamment que le gouvernement fît un traité avec l'Angleterre ; vous lui reprochiez son inertie ; eh bien, répondant à la provocation que vous nous adressiez, nous faisons un traité avec l'Angleterre, un traité avantageux à la Belgique, et cependant l'honorable préopinant juge à propos de s'opposer à la convention pour la pêche et de compromettre par conséquent le sort du grand traité que lui-même a provoqué. N'est-ce pas là la preuve la plus évidente de ce besoin constant qu'éprouve M. Osy de faire de l'opposition ?
M. Osy (pour un fait personnel). - Il n'est pas permis à un ministre de venir qualifier les motifs pour lesquels nous approuvons ou désapprouvons un projet. J'ai demandé, il est vrai, l'année dernière, qu'on fît un traité avec l'Angleterre ; j'ai soutenu le traité qui a été conclu. Mais aujourd'hui que vous faites un traité très onéreux pour le pays, j'ai le droit de le combattre, de le rejeter ou de le qualifier comme je le veux ; mais il n'est pas permis à un ministre de dire que je fais constamment de l'opposition au ministère.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Il est libre à l’honorable M. Osy de combattre tout ce qu'il voudra, mais il est libre au ministre de qualifier son opposition comme il l'entend ; et c'est ce que je ferai.
- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. Van Iseghem, rapporteur. - Je ne m'oppose pas à la clôture, mais je dois toujours dire qu'il n'y aucune augmentation de prime, ni directe, ni indirecte, pour la pêche.
Il y a trois choses dans le traité : 1° une diminution du droit d'entrée sur les huîtres, ce qui est favorable à cette industrie ; 2° une diminution de protection pour la pêche du hareng salé, ce qui est défavorable, et j'appelle en conséquence sur cette industrie lésée l'attention du gouvernement ; et 3° pour les autres sortes de poisson le droit actuel est maintenu. Ainsi, loin qu'il y ait une nouvelle faveur pour la pêche il y a perte. Je pourrais entrer dans de plus grands détails, et surtout répondre à l'honorable M. Osy ; mais je ne veux pas prolonger la discussion, la chambre désire clore.
- La discussion est close.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. La convention de pêche, conclue, le 22 mars 1852, entre la Belgique et le royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, sortira son plein et entier effet. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur cet article.
66 membres prennent part au vote.
51 membres répondent oui.
13 membres répondent non.
2 membres (MM. Faignart et Jacques) s'abstiennent.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. d'Hoffschmidt, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Le Hon, Loos, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Pierre, Pirmez, Rogier, Roussel (A.), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleempulte, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (Ern.), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Visart, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), Debroux, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Royer, de Steenhault, Destriveaux et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. Dumortier, Malou, Osy, Rodenbach, Vilain XIIII, Clep, Cools, Coomans, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Mérode-Westerloo et de Theux.
M. Faignart. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pas bien saisi la position de la question.
M. Jacques. - J'avais de la répugnance à rejeter une convention conclue avec la Grande-Bretagne ; mais je ne puis pas consentir à des réductions notables de droits d'entrée sur des objets de consommation de luxe.
Rapport de la commission d’industrie sur une pétition relative au droit sur la graine de colza
M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour appuyer les requêtes dont la commission d'industrie propose le renvoi à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères. Les pétitionnaires sont des agriculteurs, ils se plaignent de ce qu'on ne protège pas suffisamment l'agriculture en Belgique. Ils citent plusieurs chiffres comparés de tarif qui prouvent combien la protection est moindre en Belgique que dans des pays voisins.
Ainsi, lorsque la Belgique envoie en France de la graine de colza, la douane française fait payer 6 francs par hectolitre, et quand la France en exporte en Belgique, et elle en exporte beaucoup, elle ne paye que 25 centimes.
Il y a dans notre tarif douanier un grand nombre d'anomalies semblables. Je n'ai pris la parole que pour engager MM. les minisires, quand il s'agira de conclure le traité avecla France, à faire en sorte qu'elles disparaissent. Ce n'est pas seulement pour le colza que la différence que je viens de signaler existe ; il y a quantité d'articles qui sont dans le même cas.
Vous avez l'article bétail. Les agriculteurs se plaignent qu'on permette le libre transit du bétail hollandais et qu'on ne perçoive qu'un droit d'environ 15 fr. par tête à l'entrée en Belgique, tandis qu'en France le droit est de 50 fr. Je pourrais entrer dans de très longs détails, mais je vois que la chambre est très pressée d'en finir ; je me bornerai à recommander toutes ces questions à MM. les ministres, dans l'intérêt surtout des populations des Flandres, déjà si rudement éprouvées dans leur industrie linière. Je les prie de tenir bonne note de mes observations à l'occasion du traité qui est à la veille d'être signé, pour que nous puissions à l'avenir faire un commerce favorable avec la France ; je l'engage surtout à ne pas oublier l'intérêt de l'agriculture, qui est la première industrie de la Belgique.
M. Vermeire. - J'appuie le renvoi proposé, mais par des motifs différents que ceux qu'a fait valoir l'honorable préopinant. Je désire que MM. les ministres des finances et des affaires étrangères, en examinant les pétitions dont il s'agit, ne perdent pas de vue les intérêts d'une des principales industries du pays engagée dans cette question, l'industrie huilière. Les exportations de colza que nous faisons sont insignifiantes, comme le constate le rapport de l'honorable M. Visart, mais les importations quoique plus fortes, sont encore peu importantes comparativement aux besoins de l'industrie huilière ; l'agriculture ne produit pas la dixième partie des graines consommées par cette industrie.
Si vous voulez qu'elle continue sa fabrication qui est très utile à l'agriculture, vous devez la favoriser, non par une aggravation de droits sur la matière première qui arrive de l'étranger, mais par un dégrèvement complet de droits d'entrée sur les graines. Je bornerai là mes observations en les recommandant à l'attention toute particulière du gouvernement.
M. Visart, rapporteur. - Je dois confirmer ce que j'ai consigné dans le rapport où j'ai établi que les huileries du pays sont alimentées surtout par la graine de lin. La statistique prouve qu'il entré dans le pays une grande quantité de graine de lin venant du Nord. C'est là la matière première de la plus grande partie de la fabrication d'huile en Belgique. L'huile de colza, pour le plus gros chiffre, est extraite de la production indigène ; on ne peut pas ranger dans la même catégorie ces deux graines. La production de la graine de colza doit être plus protégée que celle de la graine de lin, cela est consigné dans le rapport, mais j'ai cru devoir répéter cela verbalement, à raison des observations que vient de présenter l'honorable M. Vermeire.
M. Vermeire. - L'honorable rapporteur vient de nous dire que les importations principales faites pour l'industrie huilière sont en graines de lin, cela est vrai ; mais autrefois nous avons importé beaucoup de graines de colza et de chanvre. Pourquoi n'en importons-nous plus autant aujourd'hui ? Parce que nous nous trouvons dans des conditions défavorables par rapport à d'autres pays.
Ainsi en France et en Hollande les prix des huiles sont presque toujours de 10 à 15 p. c. plus hauts qu'en Belgique. En Prusse la différence est encore plus forte et monte quelquefois jusqu'à 30 p. c.
Il en résulte que les fabricants de ces pays recevant un prix plus élevé de leurs huiles peuvent donner leurs tourteaux à des prix plus réduits ; et comme nous recevons ces derniers presque sans droits, il en résulte, à cause de ces conditions défavorables dans lesquelles les circonstances nous placent, que nous devons abandonner cette fabrication. Aussi nos fabriques chôment-elles, en moyenne, pendant plus de trois mois de l’année.
Je demande donc que, dans l'examen des pétitions qu'on propose de leur renvoyer, MM. les ministres aient égard aux intérêts de l'industrie huilière qui sont fortement engagés dans la question.
- Le double renvoi est ordonné.
(page 1036 La commission conclut au renvoi de la pétition (par laquelle plusieurs ébénistes et marchands de bois d’ébénisterie demandent l’abolition des droits différentiels établis à l’importation des bois d’ébénisterie) à MM. les ministres des finances et des affaires étrangères.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - Messieurs, la chambre s'est ajournée au mardi 20 avril.