(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 291) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Braekman Nydt prie la chambre de ne pas donner son assentiment à l'article 5 du traité de commerce conclu avec l'Angleterre, relatif à l'assimilation du sel de source au sel de roche. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité.
M. Osy, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé.
- Le congé est accordé.
M. le président. - La discussion générale continue.
M. de La Coste. - Messieurs, la chambre ayant entendu, dans les séances précédentes, quatre orateurs qui l'ont entretenue des dégâts occasionnés par les inondations dans la vallée de l'Yser, elle me permettra, je l'espère, de dire quelques mots de la vallée du Demer et de la Dyle. Je ne remonterai pas aussi loin, et je ne serai pas aussi sévère que l'un des orateurs qui ont parlé de la vallée de l'Yser, mais je fais également un appel à l'attention et à l'équité du gouvernement.
Dans la question dont je vais m'occuper, il y a des intérêts nombreux, compliqués et opposés les uns aux autres qu'il importe de concilier.
C'est surtout au gouvernement, c'est à M. le ministre des travaux publics qu'il appartient d'examiner cette question, au point de vue de l’intérêt général et de faire à chaque intérêt sa part légitime.
Je rends justice au gouvernement quant à ce qu'il a déjà fait. Il y a eu déjà des résultats utiles obtenus. Les inondations n'ont plus les mêmes effets désastreux dans une partie du cours du Demer, notamment dans les terres mises en culture aux environs de Werchter.
Je sais bien que, d'un autre côté, la ville de Malines se plaint de souffrir davantage des inondations, ce qui pourtant est contesté ; mais j'admets pleinement que le gouvernement doit examiner également cette question à fond et que les travaux qu'on fait pour soulager l'amont, doivent toujours être accompagnés de travaux en aval qui y correspondent et qui empêchent le mal de se déplacer.
Mais, messieurs, dans les parties mêmes où des résultats avantageux ont été obtenus, ceux-ci ne laissent pas d'être accompagnés de quelques inconvénients.
On a obtenu des résultats utiles pour les terres en culture ; mais par là même les prairies qui avaient l'avantage des inondations, en sont maintenant privées.
Vous savez, messieurs, que pour les terres, pour les habitations, il ne faut jamais d'eau ; que pour les prairies, il en faut en hiver en non en été. Messieurs, j'ai fait cette objection à l'un des ingénieurs qui ont exécuté ces travaux. Il m'a été répondu qu'en aval d'Aerschot, les prairies sont la moindre partie des propriétés qui sont exposées aux inondations. Je me suis contenté de cette réponse. Je la trouve juste. Je trouve juste que le moindre intérêt cède au plus grand.
Mais les intéressés font observer à leur tour, non sans raison, que s'ils étaient sacrifiés à un intérêt plus général, ils ne devaient pas l'être sans indemnité. Je n'irai pas jusqu'à réclamer pour eux cette indemnité. Si elle était exigible, ce serait aux tribunaux à la prononcer, comme il semble que cela a eu lieu dans des cas semblables.
Mais je pense que pour prévenir de semblables difficultés et dans un intérêt d'équité, dans l'intérêt public même, dans l'intérêt du trésor qui naturellement perçoit moins à la longue, quand les propriétés se détériorent, je pense, dis-je, que le gouvernement devrait chercher le moyen de concilier encore ici l'intérêt des propriétés en prairie avec l'intérêt, plus général dans cette partie de la rivière, des terres en culture.
Dans les travaux du Demer on est parvenu aujourd'hui jusqu'à Aerschot. On suit une marche rationnelle en allant de l'aval à l'amont, il faut préparer les parties inférieures du cours à recevoir les eaux qu'on y fera venir en plus grande abondance ou avec plus de rapidité.
Maintenant, messieurs, on est, dis-je, arrivé à Aerschot et on a mis en adjudication une écluse à sas qui doit être construite sur ce point.
Cette écluse à sas sera utile à la navigation et je ne puis que remercier le gouvernement de s'en être occupé. Mais il faut avouer que dans l'état où est le Demer en ce moment, la navigation n’est encore, malheureusement, qu’un intérêt assez secondaire.
Il y a un intérêt très grand entre Aerschot et Diest : c'est celui d'une masse considérable d'excellentes prairies. Là, messieurs, les prairies sont l'objet principal et l'intérêt des terres arables ne vient qu'en second lieu.
C'est ce qui résulte de la connaissance que j'ai des localités et du travail de la commission nommée par le ministère. Or, il est à ma connaissance parfaite que la situation de ces prairies est remarquablement changée depuis quelques années.
Il ne se passe maintenant guère d'été qu'il n'y ait des inondations qui viennent détruire les récoltes de foin ou en réduire la valeur dans la proportion de 50 ou 75 p. c.
C'est une chose absolument nouvelle, messieurs, que la fréquence de ces inondations annuelles d'été, et il me semble qu'il y aurait là quelque chose à faire, que le gouvernement étant arrivé à cette partie de la rivière, il y aurait lieu de s'occuper à prévenir ces inondations. J'appelle d'autant plus l'attention de M. te ministre sur ce point que je ne trouve pas à cet égard de solution dans les pièces officielles que j'ai sous les yeux.
M. l'ingénieur Groetaers, dont l'opinion est relatée dans les procès-verbaux de la commission nommée par arrêté du 23 avril 1850, commission dans laquelle ce fonctionnaire exerçait une juste influence, M. l'ingénieur Groetaers reconnaît en propres termes que la situation de l'amont de Diest a été modifiée au détriment de l'aval, ce qui explique les inondations insolites dont j'ai parlé. Eh bien, M. l'ingénieur Groetaers dit : Les mesures à appliquer à ce bief me semble donc devoir se borner à l'entretien rigoureux de la rivière, dans lequel je comprends le redressement des sinuosités de son cours qui offrent des difficultés à la marche des bateaux et à l'accotement de ses écluses aux barrages actuels, afin de faciliter la navigation. L'ensemble de ces travaux ne porterait aucun préjudice à l'aval et serait favorable à tous les intérêts.
Or, messieurs, je vois encore ici quelque chose de proposé pour la navigation, ce à quoi j'applaudis. Mais je ne vois absolument rien de proposé pour parer aux inondations.
La commune de Langdorp, qui est une des plus intéressées, avait indiqué des moyens d'y remédier, dans une pétition adressée à la chambre et qui a été renvoyée à M. le ministre. Je le prierai de bien vouloir se faire représenter cette pièce et examiner les moyens proposés.
J'insiste d'autant plus sur ce point que je vois dans le rapport adressé au gouvernement par la commission et dont je viens seulement de prendre lecture, qu'elle a proposé, pour soulager l'amont de Diest, de jeter les eaux de l'affluent du Demer, appelé le Swarte beek, dans un autre affluent, appelé la Hulpe. Si je ne me trompe, cet affluent va se jeter précisément dans le Demer entre Aerschot et Diest.
Maintenant, il m'est impossible, n'ayant pas d'ailleurs les connaissances propres aux hommes de l'art, de juger d'une manière définitive de ce projet. Mais si je comprends bien les choses, voilà une masse d'eau dont le cours va être accéléré et qui va encore détériorer la position des contrées riveraines de cette partie du Demer, située en amont d'Aerschot et en aval de Diest, alors qu'on reconnaît que déjà l'état des choses à l'amont de cette ville a été modifié au détriment de l'aval. C'est là une proposition que la commission fait, il est vrai, en hésitant, après avoir déclaré qu'elle se bornait à des principes généraux, qu'elle ne voulait pas entrer dans les détails ; mais c'est une proposition qui, à la première vue, ne me paraît pas de nature à concilier les intérêts, à les sauvegarder tous également.
J'engage donc fortement M. le ministre à vouloir l'examiner au point de vue que j'ai indiqué, à la comparer avec les propositions qui avaient été faites par les communes de l'aval de Diest, notamment dans la pétition dont je viens de parler.
Messieurs, maintenant il faut remarquer que la nomination de cette commission, qui date déjà de près de deux ans, a fait stater tous les travaux. Ce retard n'est pas à regretter, s'il en résulte un travail mieux mûri et plus parfait ; mais, d'un autre côté, il serait déplorable que les crédits qui ont été votés jusqu'ici annuellement fussent perdus pour l'exécution des travaux. Je suppose que M. le ministre fera en sorte d'appliquer à ces travaux les crédits qui ont été accordés les années précédentes et n'ont pas été employés. De plus, nous entrons dans un nouvel exercice dont le budget va être voté.
Il y a donc là, pour le moment, des ressources un peu plus considérables, par leur réunion, que celles dont on pouvait disposer antérieurement chaque année. Il est donc possible à M. le ministre de ne pas se borner à faire exécuter l'écluse d'Aerschot, mais aussi d'entamer les travaux qui ont été demandés par la commune de Langdorp, s'ils sont reconnus utiles, ou d'autres travaux, également propres à y faire cesser ces inondations d'été qui causent des dégâts considérables.
Il est d'autant plus à désirer que les crédits arriérés soient employés sans plus de délai, qu'une somme annuelle de 100,000 fr. pour une ligne de navigation aussi longue, qui traverse pour ainsi dire la moitié du royaume, pour un système d'irrigation et d'assèchement qui s'étend depuis la frontière de l'Est jusqu'à l'Escaut, qu'une somme annuelle de 100,000 fr. est réellement peu de chose. Il serait à souhaiter que le gouvernement consentît à consacrer à un tel objet des fonds plus considérable.
(page 292) M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publies arépété à plusieurs reprises qu’il est d’accord avec le rapporteur sur les principes qui doivent présider à la réorganisation du chemin de fer. Je ne dirai pas que mon amour-propre n est flatté : il n’y a rien dans ces principes qui sont de mon invention. Ces principes ont servi de base à l’organisation de la plupart des compagnies. J'ai cité dans le rapport plusieurs chemins de fer dont l'administration est fondée sur cette hâte.
J'aurais dû en citer plusieurs autres, notamment un chemin de fer que M. le ministre m'a reproché de n'avoir pas étudié, le chemin de for du Nord. Je tiens sous la main l'organisation de ce chemin, j'ai la liste de tous les employés dans tous les bureaux de cette compagnie. Je crois effectivement que je suis d'accord avec M. le ministre sur le principe de la réorganisation. M. le ministre veut concentrer l'autorité au département. C'est là une idée juste et sage. Il est utile, il est indispensable que les services de la direction soient centralisés au département et que les services d'exécution reçoivent l'impulsion et les ordres de l'administration centrale.
Mais si je suis d'accord avec l'honorable ministre sur les principes, je crains fort que nous ne soyons complètement divisés sur leur application ; ce qui me fait craindre qu’un désaccord complet existe entre lui et moi sur ce point, c’est d’abord le peu de bienveillance que j’ai trouvé dans l’administration centrale, quand j’ai vulu faire des recherches sur son organisation ; c'est en second lieu la déclaration du ministre que le chiffre de budget restera le même, que son organisation n'aura d'autre effet sur le budget que d'occasionner quelques transferts. Mais ce qui fortifie surtout mes craintes, c'est la communication que M. le ministre a faite à la section centrale des bases de sa réorganisation.
M. le ministre nous a communiqué ces bases. Je crois que je puis en parler.
L'organisation que projette M. le ministre consisterait en ceci : on centraliserait au département les services de direction ; on supprimerait la direction extérieure, on transférerait au département le contrôle.
Il n'y aurait point de diminution dans le chiffre pour traitements du personnel du chemin de fer : tout se bornerait à un transfert d'une somme de près de fr. 250,000 du paragraphe personnel du chemin defer au chapitre premier, administration centrale. Aujourd'hui le personnel de la direction générale des chemins de fer au département coûte fr. 140,000. D'après les plans de M. le ministre, vette administration devrait coûter 388,000 francs, et à cet effet une somme de 248,000 fr. serait transférée comme je viens de le dire.
Ce que je ne puis point comprendre, c'est qu'il n'y aurait pas une diminution dans le chiffre du traitement du personnel. Si M. le ministre a réellement l'intention de supprimer, je ne dirai pas tous les rouages inutiles, mais seulement la double direction.
Mais quel a donc été l'emploi des 19,127 fr. que la chambre avait alloués au budget de l'exercice 1849, à la demande de l'honorable M. Frère, pour établir au département un service de vérification des recettes du chemin de fer et de contrôle des opérations de l'arsenal et du magasin central de Malines, si ce n'est l'établissement de la double direction ?
Et maintenant qu'on voudrait en revenir à une seule direction ; maintenant qu'on manifeste l'intention de simplifier le mécanisme du chemin de fer ; maintenant qu'il n'y aura plus de doubles emplois ; maintenant que l'on pourra confier à un seul bureau de contrôle le travail que l'on était obligé de diviser entre des bureaux différents, il n'y aurait pas un centime d'économie à réaliser !
Non, messieurs, cela est impossible, ou bien, il faut croire que l'on, veut bien adopter ici mes principes, mais qu'on reculera devant leur.application.
Je le répète, messieurs, j'ai à cet égard des craintes très sérieuses.
Voici encore une circonstance qui motive mes appréhensions.
M. le ministre nous a annoncé qu'il avait l'intention de faire un transfert de 45,000 fr. du paragraphe « Salaires » au paragraphe « Traitements du personnel du chemin de fer ». Ce transfert aurait pour objet de remplacer par un traitement le salaire d'agents chargés d'attributions qui comportent une nominalion ; je me sers de l'expression de M. le ministre. Je pense que cela signifie, en d'autres mots, que l'on veut faire des nominations nouvelles.
La centralisation, qui doit avoir pour but la simplification des rouages de l'administration, doit avoir pour suite une diminution dans le nombre d'employés. M. le ministre se propose de mettre les chefs de service en relation directe avec le département. Il désire que les services d'exécution reçoivent, sans intermédiaires, l'impulsion et les ordres de l'administration centrale. Il y aura par conséquent moins d'écritures, les affaires devront passer entre les mains de moins d'employés. Il s'ensuit, me paraît-il, que le nombre des agents pourra être diminué.
Or, le ministre veut faire des nominations nouvelles. C'est une simple régularisation, dira-t-on, il s'agit simplement de donner un traitement à des agents payés actuellement sur états de salaires. Je veux bien admettre cette supposition ; mais il n'en résulte pas moins que si M. le ministre avait l’intention d’adopter mes principes, il viendrait créer bien mal à propos de nouvelles charges pour le trésor. Si le ministre adopte mes principes de réorganisation, il faudra, de toute nécessité, mettre un certain nombre d'employé en disponibilité ; il faudra leur donner la moitié ou les trois quarts de leur traitement.
Aujourd'hui vois avez un certain nombre d'employés qui n'ont aucun droit et vous allez les mettre définitivement à la charge du trésor public !
L'honorable ministre des finances a-t-il agi ainsi lorsqu'il méditait ses réformes dans l'administration des finances ? L'honorable M. Frère a-t-il promu des surnuméraires à des grades salariés ? A-t-il fait des nominations nouvelles dans l'administration des contributions ou des accises au moment où, ayant courageusement pris la résolution de simplifier son administration, il s'apprêtait à mettre un certain nombre d'agents en disponibilité ? M. le ministre aurait été bien heureux dans ce moment de ne devoir frapper que des fonctionnaires n'ayant point de nomination ; il en aurait été heureux dans l'intérêt du trésor ; il en aurait été heureux surtout parce qu'il n'aurait dû blesser aucun fonctionnaire dans ses droits acquis.
Quelle est donc cette centralisation que M. le ministre projette, quelle est cette suppression d'intermédiaires inutiles que M. le ministre prépare et qui n'aura pas pour effet une réduction immédiate dans le nombre des agents ?
M. le ministre a déclaré cependant avec moi qu'il y a des intermédiaires, des rouages qui ne sont pas nécessaires. Les conscrvera-t-il malgré leur inutilité ? Créera-t-il pour eux des travaux d'une nature quelconque ?
Je ne comprends pas comment, si l'on veut supprimer l'une des deux directions, si l'on veut transférer la comptabilité, le contrôle au département, si l'on veut centraliser les services, je ne comprends pas comment il soit possible de ne pas reconnaître qu'il y aura un certain nombre d'employés qui devront être mis hors de service.
Tout cela me fait croire que je ne suis d'accord qu'en apparence avec M. le ministre ; tout cela me fait craindre que la réorganisation ne sera pas sérieuse.
Le mécanisme de l'administration pourra subir quelques modifications, les rouages pourront être déplacés ; mais les rouages resteront aussi nombreux qu'aujourd'hui ; le mécanisme sera toujours exposé à des frottements, la machine restera toujours ce qu'elle est, une machine lourde, incapable de marcher convenablement.
Il y a un point, messieurs, sur lequel je ne serais pas revenu si M. le ministre n'avait répété, dans la séance d'hier, pour la deuxième foi, qu'il y a dans mon rapport des faits controuvés.
Je ne veux pas rester sous le poids de cette inculpation.
M. le ministre a commencé par dire que mon rapport était consciencieux. Je le déclare, messieurs, mon rapport est consciencieux. Je n'ai avancé dans mon rapport aucun fait dont je ne fusse complètement assuré, et lorsque j'ai eu quelques doutes sur une question, j'ai passé outre, je n'en ai pas parlé.
Je serais extrêmement charmé, messieurs, que M. le ministre acceptât la discussion sur ce point. J'en serais d'autant plus charmé que dans la première discussion qui a eu lieu, M. le ministre n'est pas venu réfuter les faits que j'avais avancés, mais des faits imaginaires.
M. le ministre, dans la séance d'avant-hier, s'est livré à une réfutation de certain mode d'argumentation par comparaison. C'était une belle leçon de logique tirée d'un traité sur l'art de défendre l'administration des chemins de fer, à l'usage de tous les ministres des travaux publics que nous avons entendus. Malheureusement le traité avait été écrit il y a trop longtemps, et il ne s'appliquait nullement au mode d'argumentation que j'avais employé dans mon rapport. Cependant, M. le ministre a répété hier, qu'il avait réfuté victorieusement mes erreurs, et quelques organes de la presse ont dit qu'il m'avait confondu.
Mais, me dira-t-on, M. le ministre vous a démontré, sur deux ou trois points, que vous n'aviez pas étudié les faits. Le premier c'est celui-ci : vous avez annoncé que le nombre des agents aux chemins de fer étrangers est beaucoup moins considérable qu'ici. Or, M. le ministre a démontré qu'il y a pour cela un excellent motif, c'est que le trafic des marchandises se faisant par intermédiaire d'agents, tout le travail se fait par les commis de ces agents. Ce sont eux qui font la feuille de route, etc. Que M. le ministre me permette de le dire, c'est là un fait qu'on pourrait dire avec raison être un fait controuvé.
J'ai ici en main le formulaire des compagnies anglaises en ce qui concerne le trafic des marchandises. J'ai ici les déclarations à faire par les commis des agents que les compagnies emploient. Eh bien, en quoi cela consiste-t-il ? Dans de simples déclarations, dans des déclarations comme en font chez nous les particuliers. Tout le travail en dehors de ces déclarations est fait par les employés des compagnies.
Il y a un autre fait, messieurs, et c'est celui-ci.
J'avais avancé dans mon rapport que le mouvement sur un des chemins de fer que j'avais indiqués, est quintuple de celui qui existe en Belgique. M. le ministre a répondu à ce fait qu'il avait sous les yeux le compte rendu de cette compagnie Messieurs, je possède ce compte rendu et je vous avoue que je n'y trouve aucunement l'indication des transports et des mouvements dont a parlé M. le ministre.
Mais ce quieist vrai, c'est que j'ai ici un document signé par les administrateurs du London and North Western railway, sur lequel se trouve indiqué le mouvement pour les six derniers mois. Or, le mouvement pour les six derniers mois, indiqué sur ce rapport, est parfaitement conforme à celui que j'ai indiqué dans mon rapport ; c'est-à-dire que (page 293) les convois ont parcouru, dans le dernier semestre, près de 8,400,00 kilomètres.
Or, messieurs, quel est le mouvement sur notre chemin de fer ? Je pense que pour toute l’année 1850 ce mouvement a été de 780,000 locomotives lieues. Comparez le mouvement du London and North Western au mouvement qui a eu lieu sur notre cliemin de fer et que M. le ministre dise encore que je n'ai pas dit la vérité, que j'ai indiqué un fait erroné.
Messieurs, comme je l'ai dit, je ne puis rester sous cette inculpation ; je voudrais que M. le ministre voulût bien indiquer où se trouvent dans mon rapport ces nombreux faits erronés, et dont la réfutation, quoique fastidieuse pour la chambre, lui serait si facile.
Ces faits erronés, serait-ce par exemple ce que j'ai dit relativement aux approvisionnements qui existent au magasin central de Malines ?
J'ai dit en premier lieu que les approvisionnements étaient trop considérables. J'ai dit que les compagnies n'agiraient pas comme agissent les administrateurs de notre chemin de fer. A ce premier point l'honorable ministre a répondu ceci : c'est que les compagnies ne doivent pas traiter comme nous pour leurs approvisionnements, qu'elles ne doivent pas faire des adjudications publiques.
Or je conteste ce fait. Il n'y a pas une seule société qui ne traite par adjudication. Si M. le ministre le désire, je déposserai sur le bureau les cahiers des charges de toutes les compagnies dont j'ai parlé.
J'ai dit en second lieu que les approvisionnements au lieu d'être dimi-nués depuis quelques années étaient augmentés. J'ai dit que les objets achetés au moyen des fonds alloués au budget étaient augmentés considérablement. M. le ministre a contesté ce fait. Or, voici, messieurs, la vérité.
Les approvisionnements acquis sur les fonds du budget, et destinés à l'exploitation, ont été :
en 1844 de 702,000 fr. ;
en 1845 de 776,000 fr. ;
en 1846 de 979,000 fr. ;
en 1847 de 920,000 fr. ;
en 1848 de 1,032,000 fr. ;
en 1849 de 1,098,000 fr. ;
Il y a eu une diminution lorsque l'honorable M. Frère tenait le portefeuille des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Où se trouvent ces renseignements ?
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Les renseignements se trouvent dans les comptes rendus publiés par l'administration des chemins de fer.
En 1850 il y a eu une forte augmentation ; le chiffre s'est élevé à 1,255,000 fr. Mais en 1851, quel a été le chiffre ? Remarquez, messieurs, qu'il avait été de 776,000 en 1845 ; en 1850 il a été de 1,444,717 fr.
- Des membres. - C'est le double.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Oui c'est le double de 1844.
J'ai dit en troisième lieu que les approvisionnements étaient trop considérables, qu'ils pouvaient suffire pour 3 ans, 5 ans, 10 ans, 25 ans, 50 ans ; je crois même avoir dit pour cent ans.
Voici, messieurs, certains approvisionnements qui se trouvent au magasin central de Malines, et les quantités sorties depuis l'introduction de la nouvelle comptabilité :
(Suit un tableau détaillé des pièces de rechange pour le matériel ferroviaire. Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée).
Maintenant, messieurs, j'ai avancé un autre fait, c'est qu'on (erratum, page 302) vend les objets dont les approvisionnements sont trop considérables, ou qu'on les brise. Je ne sais si'c'est encore là un des fails controuvés ; mais, messieurs, voici des détails :
On a vendu depuis quelque temps, sous mes yeux, des roues de camions, des cabestans, de la potasse de Russie, du coton de lampe. On a brisé des plaques de buttoirs, des machines contre le déraillement. Cela s'est fait publiquement. Mais n'a-t-on pas détruit autre chose ? Pour dissimuler ce qu'il y a de fâcheux dans cette nécessité de briser des objets qui n'ont jamais servi, on fait des commandes pour l'arsenal. A l'arsenal, les objets sont démontés ou brisés et renvoyés au magasin, transformés en fer ou fonte à réemployer.
Je vous ai fut connaître, messieurs, la quantité considérable de fonte à réemployer qui se trouve au magasin central ; cette fonte finit, au bout d'un certain temps, par être livrée à l'industrie privée, comme mitraille.
Voilà, messieurs, l'usage que l'on fait de ces énormes approvisionnements.
Il y a un dernier fait que j'ai avancé, je ne sais pas si le mot conlrouvé s'y rapporte ; j'ai dit que les travaux de l'atelier se faisaient avec une grande lenteur et que les réparations coûtaient un prix excessif ; j'ai dit que la réparation de certaines locomotives coûtait si cher qu'il aurait beaucoup mieux valu acheter des locomotives neuves. Eh bien, messieurs, j'ai donné la liste des entrées et des sorties de locomotives à l'arsenal de Malines et vous avez pu voir que le nombre des locomotives sorties de l'atelier était loin d'être considérable. Je crois qu'il en est sorti dix pour l'année 1850. Mais je n'ai cité que quatre locomotives dont la dépense de réparation avait été excessive, j'aurais pu en citer plusieurs autres ; voici les chiffres qui se rapportent à chacune de celles dont j'ai parlé.
La première sur la liste et qui porte 1 ; n°54 est entrée en novembre 1849 et se trouve encore inachevée à l'atelier.
La locomotive n°54 a coûté en matériaux fr. 25,622 60, en main-d'œuvre fr. 9,418 95, ce qui fait un total de fr. 35,041 55.
La locomotive n°79 est entrée en septembre 1849 et est sortie en août 1850. Elle a coûté pour réparations fr. 22,040 46 c, en matériaux, fr. 8,54015, en main-d'œuvre ou un total de fr. 30,380 61. Or, une locomotive neuve, une locomotive ayant le double de puissance, coûterait 42,500 francs.
La locomotive n°134 a coûté en réparation 26,687 fr., dont 6,491 fr. pour main-d'œuvre, et 20,166 fr. pour matériaux. Il faut doubler à peu près la main-d'œuvre : ce qui fait que cette locomotive aura coûté pour réparations près de 32,000 fr.
Messieurs, aucun des faits que j'ai énoncés dans mon rapport, n'est controuvé. Il a été douloureux pour moi de devoir dire que l'administration du chemin de fer est vicieuse. J'aime le chemin de fer, et c'est précisément pour cela que j'ai tâché de démontrer à M. le ministre et à la chambre que cette administration est vicieuse. M. le ministre doit être convaincu que si des réformes profondes ne sont pas apportées dans l'administration du chemin de fer, le chemin de fer ne restera pas entre les mains de l'Etat. Quant à moi, je considérerais ce fait comme une chose désavantageuse pour le pays. C'est précisément parce que j'entends journellement soutenir dans cette chambre que l'Etat est incapable d'administrer le chemin de fer, que je me suis donné les peines dont mon rapport a été le fruit.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, quand dans ma précédente séance, j'ai eu l'honneur de déclarer à la chambre que, dans ma pensée, les recherches auxquelles s'était liviè l'honorable rapporteur de la section centrale étaient de telle nature que le gouvrnement se devait à lui-même de déclarer que toutes les observations utiles que renfermait ce document seraient examinées avec soin, j'ai en même temps ajouté qu'en ce qui concerne certaines allégations de l'honorable membre, je ne pouvais pas les laisser passer sans réponse ; que je ne pouvais laisser passer sans réponse l'espèce de discrédit que l’honorable membre voudrait faire peser sur l'administration du chemin de fer.
Qu'il y ait des économies à introduire, qu'il y ait des simplifications à faire, qu'il y ait des entraves à faire disparaître, je l'admets avec l'honorable rapporteur, et pour cette oeuvre, tout mon concours est assuré (page 294) d'avance au pays. Maïs quand j'ai avancé à l'assemblée que dans l’énumération des faits que l’honorable M. de Brouwer invoquait pour combattre l'administration, il commettait des erreurs, j'avançais une assertion dont je puis établir le fondement.
L'année dernière l'honorable M. de Brouwer annonçait dans la discussion que les réparations pour entretien se faisaient à des prix énormes au chemin de fer ; que le personnel qui était préposé à l'entretien des routes, absorbait des sommes considérables. Il disait que la locomotive, par lieue parcourue, coûtait pour réparation et entretien 1 fr. 44 c. ; je lui ai prouvé qu'il se trompait ; l'honorable membre se l'est tenu pour dit, car il n'articule plus ce grief imaginaire. Il avait annoncé qu'on avait dépensé à l'entretien de la rouye fr. 1,750 par lieue exploitée pour frais du personnel ; j'ai démontré à l'honorable membre qu'il se trompait, et il a avoué de bonne foi que ce qu'il avait avancé n'était pas exact.
Mais quand l'honorable membre vient déclarer aujourd'hui qu'il n'a pas rencontré dans l'administration l'assistance sur laquelle il avait droit de compter, j'ai vraiment peine à le comprendre. Comment ! l'honorable membre pendant plusieurs mois s'est enfermé dans les bureaux de l'administration ; il a même fait usage de pièces que je ne connais pas moi-même ; il a cité des chiffres qui ne concordent pas avec ceux qui m'ont été fournis, et l'honorable membre viendra dire qu'il n'a pas rencontré dans l'administration le concours sur lequel il avait droit de compter !
Messieurs, avec les chiffres que renferme le rapport, je puis démontrer à la chambre que l'honorable membre a versé dans de nombreuses erreurs.
Maintenant que je me trouve en présence de faits, j'ouvre le rapport et à la page 70 je lis des chiffres qui résument, selon l'honorable membre, les dépenses effectuées à certaines locomotives dans les ateliers de Malines. Il a eu soin de dire qu'il n'y comprenait pas les frais généraux, en effet, son rapport (page 70) en fait foi. Or, je vois figurer la locomotive n°2 entrée en juillet 1849 et sortie en avril 1850. Elle aurait coûté en main-d'œuvre et matériaux 39,863 fr.
J'ai ici la note détaillée des grosses réparations exécutées à la locomotive n°2, et je trouve une dépense non pas de 36,803 fr. mais de 20,549 fr.
D'après le rapport, la locomotive n°41, entrée en février 1850 et sortie en juin 1851, a coûté 32,984 fr. ; or, d'après le tableau, cette locomotive n'a coûté que 23,396 fr. 90 c.
La locomotive n°39 figure dans le rapport pour une somme de 29,298 francs ; et je trouve pour cette locomotive un chiffre de 21,747 fr.
Enfin on parle de la locomotive n°54 et on dit que cette locomotive est entrée à l'arsenal au mois de novembre 1849, ce qui est très vrai, et qu'elle se trouve encore dans l'arsenal, ce qui est encore vrai. Mais quand on produit un semblable fait, il faudrait au moins en rechercher les causes, il faudrait se demander à quoi peut tenir ce retard. Eh bien, si l'honorable rapporteur avait bien voulu s'adresser à l'administration supérieure, les explications que j'étais en mesure de lui fournir lui auraient démontré, que c'est au soin très scrupuleux que l'administration rend dans la réception de toutes les pièces de rechange que ce retard est imputable.
Ainsi, pour la locomotive dont il s'agit, une des premières sociétés du pays, la société Cockerill, à Liège, a vu rebuter trois fois les boîtes à feu qu'elle s'était engagée à fournir par contrat du 8 novembre 1850 ; et ce n'est qu'au quatrième remplacement que ces boîtes à feu ont été admises. Ainsi voilà un fait qui paraît extraordinaire au premier aperçu, et qui s'explique, quand on veut se rendre compte des causes qui justifient le retard qu'on impute à grief à l'administration.
L'honorable rapporteur dit aussi qu'on fait des approvisionnements considérables ; il cite une longue série d'articles dont je n'ai aucune connaissance, je l'avoue, et que, par conséquent, je ne puis accepter que sous réserve.
Quant à moi, voici la déclaration que je fais à la chambre ; elle ressort d'une estimation officielle qui m'a été délivrée et qui contient l'importance en valeur des objets d'approvisionnements qui se trouvaient au magasin central de Malines aux époques ci-dessous indiquées.
Au 1er décembre 1841, avant que le trafic des marchandises fût bien organisé et eût reçu l'extension qu'il a eue depuis, il y avait en magasin (je néglige les fractions) pour 748,00 fr. de marchandises ; en 1842, il y en avait pour 1,430,000 fr. Au 1er janvier 143 pour 1,392,703 fr. ; en 1844 pour 1,800,010 fr. ; en 1845 pour 1,888,000 fr. ; en 1846 pour 1,790,000 fr. ; en 1847 pour 1,720,000 fr. Je prie la chambre de bien considérer les chiffres suivants qui répondent à l'allégation de l'honorable rapporteur que depuis peu de temps ces approvisionnements auraient pris un développement considérable.
En 1847, la valeur des marchandises était de 1,720 mille francs ; en 1848, elle descendait à 1,517 mille francs ; en 1849, elle était de 1,639,000 fr, ; en 1850 de 1,750 mille francs, et en 1851, au 1er décembre, elle n'était que d'un million 595 mille francs. Est-ce la un chiffre si effrayant ?
Voyez le chemin de fer du Nord, cette société exploitée avec toute l'entente des intérêts commerciaux, avait, au 1er decembre 1850, pour 1,040 mille francs de marchandises en approvisionnements. Le North Western, que l'honorable rapporteur invoque tout spécialement, a des approvisionnements.
Il résulte du rapport dressé en octobre 1850 par les ingénieurs du chemin de fer du Nord envoyés pour examiner la manière dont l'exploitation avait lieu en Angleterre, il résulte, dis-je, de ce rapport que cette compagnie du North Western possède des caves « très spacieuses et très riches » contenant des approvisionnements pour une valeur assez considérable et notamment des bois pour une valeur de plus de 100 mille francs.
Messieurs, si l'honorable M. de Brouwer, dans le rapport de cette année, n'avait pas reproduit cette allégation dénuée de preuves que les réparations se font à des prix plus élevés sur le chemin de fer belge que sur les autres chemins, je n'en aurais pas parlé ; mais cette assertion se retrouve à la page 59 de son rapport, il dit que les réparations du chemin de fer coûtent un prix « excessif ».
Je le mets au défi d'en administrer la preuve. Est-ce le chiffre qu'il a produit l'année dernière qu'il prend pour le chiffre vrai ? Eh bien, je le récuse ; j'ai démontré qu'il était inexact. Le coût pour réparation et entretien de locomotive, au lieu d'être de fr. 1-44 par lieue parcourue, n'est plus que de 79 centimes ou 65 centimes, si l'on veut déduire les frais généraux qui ne sont pas toujours compris ailleurs. Et à ce propos, qu'on me permette une réflexion.
Il faut dire ici toute la vérité. Ce pays qu'on nous oppose sans cesse, a été témoin d'immenses scandales dans l'exploitation de ses railways. La justice répressive a dû intervenir pour flétrir des marchés honteux qui ont retenti douloureusement au sein de ce puissant pays. Mais passant sur les faits qui se rattachent à l'histoire des chemins de fer anglais, je demande sur quoi l'honorable membre s'appuie pour prétendre que les réparations coûtent plus cher au chemin de fer belge que partout ailleurs ?
Je tiens en mains un état du service de locomotion et d'entretien du matériel. La sollicitude constante avec laquelle l'administration recherche les procédés les plus économiques adoptés par les compagnies de chemin de fer pour utiliser le matériel devrait la mettre à l'abri des reproches qu'on lui adresse gratuitement.
En 1846, la dépense de locomotion et d'entretien du matériel s'est élevée au chiffre de 2,150,857 fr., le nombre de lieues parcourues par les locomotives était de 652,422 lieues, le nombre de voitures chargées transportées à une lieue a été de 7,118,540. Ainsi en 1846 la dépense moyenne par lieue de parcours était de 3 fr. 30. La dépense moyenne par voiture chargée transportée à une lieue de 30 centimes. Je prie la chambre de vouloir bien suivre le décroissement de ce chifre ; aujourd'hui il n'est plus que de 20 centimes.
En 1850 la dépense totale de la locomotion est de 2,046,500 fr., le nombre de lieues parcourues est de 884,054, et le nombre de voitures chargées transportées à une lieue de 9,877,044, ce qui fait 2 fr. 18 par lieue parcourue, et la dépense par voiture chargée transportée à une lieue 20 centimes.
D'autre part, qui ne sait que dans le dernier exercice nous avons eu un trafic de trois millions de tonnes-lieues de plus, et que nous n'avons pas eu une augmentation notable de dépenses ? En 1848 nous avions 930 employés, aujourd'hui nous n'en avons que 660.
Si l'on veut procéder d'une manière impartiale, si l'on veut raisonner sur l'ensemble des dépenses, voici ce qu'on dira : Notre chemin de fer a un plus grand développement que le chemin du Nord. Il a plus de matériel, plus de renouvellements à faire, plus de trafic, plus de transports à effectuer, et son matériel est plus ancien ; il a 600 gardes-barrières ; une comptabilité plus sévère, plus étendue ; des stations plus nombreuses, et, par conséquent, un personnel plus considérable. Dépense-t-il davantage ? Coûte-t-il plus ? En aucune façon ; j'ai produit des chiffres, et on ne les contredira pas. Je ne nie pourtant point que des économies ne puissent être introduites dans l'exploitation de notre chemin de fer ; mais je nie que ce soit là la question fondamentale, et ici je rencontre une observation de l'honorable M. de Brouwer, qui me fait dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai pas prétendu que toute mon organisation se résumerait dans des transferts de crédits. L'honorable membre met ici de côté une pièce que je lui ai communiquée.
Quand dans la section centrale j'ai été appelé à donner quelques explications sur l'organisation future de l'administration du chemin de fer, il m'a été impossible d'entrer dans des développements, la section centrale elle-même n'était pas préparée à les recevoir ; mais j'ai dit que si je ne proposais pas de réduction dans le chiffre, c'est qu'il y avait pour le service des postes, qui se confond avec le service du chemin de fer, dans l'intérêt des facteurs ruraux et de certaines localités qui n'ont pas de perception de poste, des augmentations de dépenses, que j'évaluais cette augmentation à environ 30 mille francs, que je prenais l'engagement de trouver cette somme sur les économies que l'organisation nouvelle du chemin de fer devait me permettre de réaliser ; et je trouvais l'appui de l'honorable rapporteur de la section centrale qui, du reste, fait l'aveu dans son rapport, qu'il s'agit moins pour lui d'une question d'argent, d'économie, que d'une question de simplification des rouages. Il faut en effet considérer l'état dans lequel se trouve encore l'organisation du chemin de fer.
Il existe une direction extérieure qui reçoit toutes les communications et toutes les propositions des chefs de service.
Ces propositions n'arrivent pas au ministre ; elles sont inscrites à la direction extérieure : et quand elles y ont subi une première instruction, elles sont adressées au ministre qui se trouve dans l'impuissance de décider en parfaite connaissance de cause, parce que les éléments d'appréciation, les documents lui manquent.
Maintenant où est le mal ? Il n'est pas dans cette grande superfétation de personnel, mais il est dans la présence de ces intermédiaires inutiles qui, en disparaissant, pourront permettre au chef de donner à tous les services une attention plus minutieuse.
(page 295) Je citerai encore un fait pour répondre h quelques allégations de l’honorable membre qui, en vérité, feraient croire que l'on est les bras croisés dans l'administration, surtout dans les ateliers ; qu'on n'y fait presque rien, qu'on laisse les voitures dans un coin, qu'on ne s'occupe pas de leur réparation.
Je tiens encore en main un document officiel. Le voici :
Le 26 août 1850 il y avait en réparation à l'arsenal de Malines 278 voitures pour convois de voyageurs. (Interruption.)
M. de Brouwer de Hogendorp. - Ce n'est pas le même personnel.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Peu importe. Il y avait 278 voitures pour les voyageurs, 25 voitures pour services divers, et 149 waggons pour transport de marchandises. En tout 452 voitures.
Du 26 août au 4 novembre il était entré à l'arsenal, pour réparations, 587 voitures et waggons de toute espèce, soit ensemble, 1,639 voitures à réparer ; le 4 novembre au soir, il ne restait que 108 voitures pour convois de voyageurs, 8 pour services divers et 30 waggons pour transport de marchandises. En tout 146 voitures.
Ainsi pendant les dix semaines on avait réparé 829 voitures, plus 363 bâches qui avaient été réparées et mises en service.
Comment le matériel est-il utilisé ? N'y a-t-il pas progrès sous ce rapport ? Prenons les chiffres.
La moyenne des waggons employés par jour était en 1848 de 553 ; en 1849, de 610, et en 1850, la moyenne des waggons employés par jour montait de 553 à 680.....
La journée la plus forte a été :
En 1848 de 678.
En 1849 de 840.
En 1850 de 1,076.
Je finis par une réflexion qui m'est venue en entendant le discours de l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp.
Que prétend-on, que veut-on ? Prétend-on que le chemin de fer belge a coûté trop quant à son exécution, quant à sa construction ? Il a coûté ce qu'il a coûté. Il n'y a là rien à faire, il n'y a pas de récriminations à adresser, le tout est d'en tirer le meilleur parti possible. Prétend-on qu'il ne produit pas assez ? C'est une question que l'honorable M. de Brouwer laisse tout à fait à l'écart ; il n'en dit rien.
On affirme qu'il coûte trop pour frais d'exploitation. Comment établir ce fait ? Quand je procède par voie de comparaison, quand je démontre qu'il coûte moins qu'un chemin de fer qui a moins d'étendue, moins de trafic, moins de transports à effectuer, l'honorable rapporteur me dit : Ne comparons pas, toute comparaison est interdite dans cette matière. Lui, il compare, mais il fait des comparaisons tout à fait partielles ; il affirme que les réparations d'entretien coûtent un prix excessif. Mais je voudrais qu'il indiquât par des faits plus précis, par des allégations plus directes, en quoi le chemin de fer coûte trop cher.
L'honorable membre nous disait que sur le North-Western il n'y a que 138 chefs de service ; mais je lui oppose que j'en compte 169, que le personnel est de plus de 7,000 agents en y comprenant les ouvriers.
Est-ce encore une erreur ?
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Oui, c'est une erreur, et si M. le ministre veut bien me permettre de l'interrompre, je le démontrerai.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Volontiers.
M. de Brouwer de Hogendorp. - M. le ministre a invoqué un rapport qu'il dit être officiel. Or ce rapport émane de moi.
Il y a, dit-il, 1,470 agents au chemin de fer du London and North Western. Voici ce tableau. Il a été remis par moi, à Londres, à un des agents du ministre. Mais, en le lui remettant, je lui ai fait remarquer que des erreurs s'y trouvaient, qu'il avait été dressé par le gouvernement.
Une charge pèse sur les chemins de fer, en Angleterre. Aussi les compagnies de chemins de fer ciahent-elles, pour le gouvernement, leurs dépenses réelles ; elles déclarent que leurs dépenses sont plus élevées qu'elles ne le sont réellement.
M. le président. - L'honorable rapporteur est inscrit ; je le prie de ne pas interrompre M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai consenti à l'interruption.
M. le président. - La parole est continuée à M. le rapporteur.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Ce tableau m'avait été remis par le secrétaire de la compagnie du chemin de fer de London et North Western. Mais il avait eu soin de m'indiquer les erreurs qui s'y trouvent. Or, lorsque j'ai remis ce tableau à l'agent de M. le ministre, on y avait indiqué au crayon les erreurs qui s'y trouvent. On n'a pas tenu compte des corrections qui avaient été faites, à Londres, dans les bureaux de l'administration.
J'avais donc le droit de dire que M. le ministre se trompait. Au surplus, il est facile de constater l'erreur : j'ai la composition de l'administration des chemins de fer dont j'ai parle, signée par tous les directeurs ; je suis prêt à la déposer sur le bureau.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je n'insiste pas sur cette vérification. Toujours est il que le tableau que j'avais sous les yeux portait le chiffre des emploies et ouvriers à 7,620. Si c'est une de ces erreurs volontaires comme en commettent les administrations des compagnies anglaises pour donner le change au gouvernement, comme vient d'en faire l'aveu l'honorable rapporteur, je n'insiste pas.
Je voulais encore ajouter un mot quant à ces dépenses d'exploitation. Je disais que lorsqu'on comparaît notre railway aux autres chemins de fer, on nous disait aussitôt : Ne comparez pas. Cependant il y a encore une comparaison à faire que l'on ne contestera pas : c'est celle qu'on peut faire avec un chemin de fer qui se trouve dans des conditions d'exploitation beaucoup plus favorables que le nôtre, qui à peu ou point d'embranchements et qui a un trafic considérable assuré : c'est le chemin de fer d'Orléans.
Le chemin de fer d'Orléans est considéré par tous les hommes pratiques comme un des chemins de fer les mieux administrés de France.
Ce chemin de fer a une longueur de 133 kilomètres. Le nôtre a un développement de 625 kilomètres.
Il a transporté en 1850,1,077,195 voyageurs ; nous en transportons plus de 4 millions.
Il a transporté à petite vitesse 308,514 tonnes, en Belgique nous transportons plus de 1,200,000 tonnes.
La dépense d'exploitation pour cette ligne qui n'a que le quart de la nôtre a été pendant l'exercice 1850, de 5,189,804 fr., c'est-à dire que la dépense a été plus de la moitié de ce qu'elle est chez nous.
Messieurs, dans la note que j'avais fournie à la section centrale en ce qui concerne l'organisation nouvelle, j'avais demandé que l'article 2 du projet de loi, paragraphe 2, fût reproduit dans le projet de budget, et j'avais eu soin d'ajouter que l'organisation nouvelle devait amener certaines réductions et des simplifications, mais que ce n'était pas là le point important.
J'avais insisté sur le premier fait que j'ai eu l'honneur de signaler tout à l'heure à la chambre, à savoir la nécessité d'introduire de nouvelles perceptions, quant à la poste, la nécessité d'améliorer la position des facteurs ruraux.
J'avais ajouté un second fait qui venait à l'appui de l'opinion que j'avais émise, c'est qu'il deviendra nécessaire par suite des mesures administratives récemment introduites et qui se rapportent aux déclarations en douane et au camionnage, de faire une dépense supplémentaire, qu'on peut évaluer dès à présent de 20 à 30,000 fr. ; de manière que loin d'avoir soutenu, comme le prétend l'honorable M. de Brouwer, qu'il n’y avait aucune économie à attendre, que la nouvelle organisation n'amènerait que des transferts, j'avais annoncé que de ce double chef il devait résulter une dépense supplémentaire de 50 à 60.000 fr., et que je m'engageais à trouver cette somme sur le crédit existant.
M. Van Renynghe. - Messieurs, je me trouve obligé de revenir sur un objet qui a été discuté longuement et judicieusement dans les séances d'hier et d'avant-hier, par d'honorables collègues. Ils ont dépeint avec vérité le triste tableau des désastres qu'occasionnent les fréquentes inondations dans la vallée de l'Yser.
Ce tableau n'est pas exagéré : car les inondations, produites par les débordements de cette rivière et qui arrivent surtout en été à la suite de grands orages, ne font pas seulement des dommages incalculables aux prairies et pâtures, situées dans cette riche vallée, mais encore menacent de submerger tout le Furnes-Ambacht et le Vladsloo-Ambacht, pays environ 2 mètres 30 centimètres plus bas que le niveau de la rivière.
En janvier 1841, un danger imminent s'est présenté par la rupture des digues de cette rivière. On a été obligé de lutter pendant quinze jonns pour empêcher non seulement la rupture des digues, mais aussi le débordement des eaux. Tous les moyens possibles d'évacuation des eaux à Nieuport étaient insuffisants. Sans une coupure de 21 mètres de longueur dans la digue qui sépare l'Yser de la crique de Nieuwendamme, tout le Furnes-Ambacht et le Vladsloo-Ambacht auraient été envahis par les eaux.
Je ne m'appesentirai pas davantage sur cet objet, car je ne pourrais que répéter ce que d'honorables collègues ont si énergiquement développé. Aussi je les appuie de toutes mes forces, et me joins à eux pour prier la chambre et le gouvernement de réparer les maux que cette vallée malheureuse a subis, en allégeant, par l'espoir d'un meilleur avenir, les pertes périodiques qu'elle a dû supporter.
Je crois qu'il est opportun de rappeler ici que votre section centrale dans son rapport sur les grands travaux publics, a reconnu que les débordements de cette rivière ont depuis quelques années causé les dégâts les plus considérables et tout aussi désastreux que ceux produits par les fleuves et rivières dont l'entretien est à la charge de l'Etat et pour lesquels des sommes très élevées ont été votées par la législature.
Messieurs, j'ai dit en commençant que je me trouvais obligé de revenir sur cet objet ; c'était surtout pour vous entretenir d'un point important, aussi relatif à l'Yser, mais qui n'a pas été traité par d'honorables préopinants.
Je veux parler de la navigation de l'Yser qui, entre Rousbrugge et Elsendamme, ne présente régulièrement en été que le lit d'un ruisseau. Toute navigation, même avec une barquette un peu chargée, y devient alors imposible. Il est urgent qu'on porte remède à un état si préjudiciable à l'agriculture et au commerce des cantons de Furnes, Dixmude, Haringhe et Poperinghe.
Il est donc plus que temps que l'on songe sérieusement à l'exécution (page 296) des travaux à faire à cette section de l’Ysern car outre les pertes qu’on y essuie par les inondations d’été, on y est privé pendant une grande partie de l’année de la navigation qui doit procurer des engrais à l’agriculture et les matières premières, indispensables aux usines et fabriques, et servir en même temps de débouché aux produits du sol.
J’insiste sur ce dernier objet qui mérite d'attirer une attention toute spéciale de la part de la chambre et de M. le ministre des travaux publics.
Je pense, messieurs, que ce que je réclame de votre sollicitude n'est pas exageré, surtout en raison des millions qu'on affecte à l'amélioration de fleuves et d'autres rivières qui certainement ne doivent pas inspirer plus d'intérêt que celle dont je prends la défense.
M. Peers. - Messieurs, bien que grand partisan de toute économie ainsi que des mesures prises pour atteindre ce but, je ne suis nullement disposé à applaudir à celles qui tendent à bouleverser et à jeter la perturbation parmi ceux qui, ayant des droits acquis sont violemment atteints dans leur existence ; je veux parler de la mesure toute récente que vient de prendre M. le ministre des travaux publics au sujet des chefs-gardes et des gardes-convois du chemin de fer.
Les traitements tels qu'ils étaient fixés antérieurement à l'arrêté du 21 novembre 1851, permettaient à cette classe de fonctionnaires, de mener une existence conforme à leurs besoins.
Aujourd'hui les nouvelles dispositions donnent à cet état si entouré de danger éventuels des moyens d'existence plus précaires encore.
Un traitement fixe réduit de 500 fr. celui que recevait le garde-convoi par exemple de troisième classe. Un traitement subordonné aux lignes de parcours est alloué à titre de prime.
Je veux être large dans mes calculs et admettre un parcours journalier assez étendu, celui de Bruxelles à Ostende, par exemple, qui a un développement de 145 kilom. Dans la supposition que ce trajet fût parcouru tous les jours de l'année, ce qui est probablement impossible, il produirait 521 fr. 95 c ; car en admettant les empêchements, les maladies et les jours de congé, il reste au moins 1/6 à retrancher de cette somme, ce qui la réduit à 434 fr. et des centimes, chiffre déjà bien inférieur à celui qu'il recevait antécédemment.
Maintenant qu'il soit condamné à un parcours d'une distance de moitié moindre, il ne recevra plus que 218 fr. qui, ajoutés aux 700 fr. d'appointements fixes, après avoir reçu leur réduction, pour habillements 120 fr., 2 1/2 p.c. pour le trésor ou 1 1/2 pour la caisse des veuves l0 fr. 50 c.
Il reste à ce garde de troisième classe une somme annuelle de 772 fr. 50 au lieu de 1,200 fr. qu'il recevait avant la publication de l'arrêté.
Est-ce ainsi, messieurs, que nous devons payer les services d'une classe d'employés dont les fonctions, bien que très modestes, ne laissent pas que de les exposer à une foule d'accidents et les rendent continuellement responsables ?
Rémunérez done largement vos employés subalternes, réduisez-en le nombre à leur plus simple expression et vous aurez droit à en exiger de bons et loyaux services.
Je ne puis donc assez attirer l'attention de la chambre sur cette mesure récemment prise par M. le ministre des travaux publics, que je regarde comme véritablement malencontreuse.
Je dois encore signaler à la chambre un fait qui, s'il est vrai, demande à être modifié dans l'intérêt du gouvernement comme dans celui des particuliers.
Dans les cahiers des charges concernant l'adjudication des billes du chemin de fer, il existerait une clause qui obligerait l'adjudicataire à effectuer ses livraisons en bois non écorcés.
Si cette condition existait, si elle était seulement facultative, je la regarderais comme très préjudiciable à la conservation des bois qui détériorent en très peu de temps l'aubier lorsqu'après l'abatage on n'enlève pas immédiatement l'écorce.
D'un autre côté, tout en faisant la part de ce système si préjudiciable pour l'administration, je dois faire connaître que si elle persévérait dans cette voie, elle payerait infiniment plus cher les billes en chêne non écorcés que celles qui ont subi cette opération au préalable, puisque l'écorce du chêne employée si utilement dans les tanneries entre à peu près pour 1/5 dans la valeur du bois.
Loin donc de mettre obstacle à cette opération, que je regarde comme indispensable, l'administration du chemin de fer devrait se hâter d'enlever aux bois toutes les causes qui peuvent donner lieu à une détérioration trop prompte ; ainsi, au lieu de laisser pendant des mois entiers les billes, à quelque essence de bois qu'elles appartiennent, exposées à toutes les intempéries des saisons, il faudrait que des réservoirs d'eau pussent les recevoir et les submerger de manière à en resserrer les pores afin de les rendre plus dures, plus imperméables, et moins sujettes à la pourriture,qui se déclare souvent dès la troisième année.
J'engage donc M. le ministre des travaux publics à prendre en mûre considération les quelques observations que je viens de signaler à la chambre.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Messieurs, je n'entretiendrai pas longtemps la chambre ; je me bornerai à réfuter quelques faits avancés par l'honorable ministre des travaux publics.
M. le ministre a dit que j'avais commis de grandes erreurs en indiquant les chiffres qu'avaient coûtés les réparations à l'arsenal de Malines.
J’ai dit que la locomotive n°2 a coûté (chiffre à retrouver !!!) en dépense de réparation. M. le ministre a contesté ces chiffres : je ne sais pas s’il contestera encore les chiffres que je vais avoir l'honneur de communiquer à la chambre.
La locomotive n°2 a coûté, pour matériaux emplovés, en 1849,18 mille 668 fr. 41 c ; en l1850, 7,742 fr. 8 c.
La main-d’oeuvre a coûté en 1849, 4,425 fr. 25 c. ; en 1850, 5,968 fr. 5 centimes.
Messieurs.si vous voulez faire l'addition de ces chiffres que j'ai extraits moi-môme des livres de l'arsenal de Malines, je ne crois pas que vous trouviez une autre somme que celle que j'ai eu l'honneur de vous indiquer.
Quant à la locomotive n°19, elle a coûté en 1849 3 fr. 60 c. pour matériaux ; en 1850 elle a coûté 24,419 fr. 50 c. En 1849 elle a coûté en main-d'œuvre 62 fr. 20 c. ; en 1850, 9,221 fr. 20 c.
La locomotive n°41 a coûté en 1849 8,837 fr. 83 c. ; en 1850, 11,526 fr. 57 c. tn matériaux. En main-d'oeuvre, en 1849 elle a coûte 3,521 fr. 70 c ; en 1850, 5,788 fr. 20 c.
Voilà, messieurs, les chiffres exacts.
Je vous dirai d'où provient la différence entre les chiffres de M. le ministre et les miens.
J'ai indiqué ce que la locomotive a coûté en matériaux et en main-d'œuvre. On a déduit, dans la note fournie par M. le ministre, des chiffres que j'ai indiqués, la valeur de certains matériaux, provenant de démolitions ; de sorte que la différence entre les chiffres indiqués par M. le ministre, quoiqu'ils soient officiels, et les chiffres que je vous ai indiqués, et que je vous assure être parfaitement exacts, résulte simplement de ce que M. le ministre déduit de la dépense la valeur des matériaux provenant de démolitions.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La différence est beaucoup plus considérable.
M. de Brouwer de Hogendorp, rapporteur. - Je vous donnerai les chiffres, si vous le voulez.
La locomotive n° 2 a produit, en matériaux démolis en 1849, 197 fr. 38 cent., et en 1850, 1,184 fr. 93 c.
La locomotive n°29 a produit une somme beaucoup plus considérable, 7,750 fr. 30 cent.
M. le ministre m'a reproché de ne pas avoir indiqué pour 1850 ce qu'a coûté la locomotion. Je vous avoue, messieurs, que malgré toute ma bonne volonté de communiquer ce chiffre à la chambre, il m'a été impossible de me le procurer parce que l'administration n'a pas voulu me le fournir. J'avais rassemblé quelques éléments, mais je n'ai pu obtenir les autres. L'administration m'a donné un chiffre, mais il était approximatif.
M. le ministre m'a reproché également d'avoir, l'année dernière, fixé le coût de la locomotion à fr. 1-44. Messieurs, je n'avais à cette époque aucun élément autre que l'ouvrage de M. Belpaire, ouvrage très consciencieux, et j'y avais puisé le chiffre de fr. 1-44. Je l'ai dit à cette époque, par conséquent M. le ministre ne peut pas me faire de reproches à cet égard.
Messieurs, puisque nons en sommes à nous dire mutuellement : Vous faites des erreurs, que M. le ministre me permette de lui dire qu'il a commis tout à l'heure une erreur très grande en parlant du chemin de fer du Nord. Il a dit que sur le chemin de fer du Nord il n'y a pas de gardes-barrières ; eh bien, j'ai ici la liste du personnel, qui prouve qu'il y a 868 gardes-barrières au chemin de fer du Nord.
Messieurs, je ne pousserai pas cette discussion plus loin. Ce que j'ai en vue c'est le bien-être du chemin de fer. Je sais que ce que je dis ici attirera sur ma tête de grandes inimitiés, mais j'ai cru devoir signaler des faits que, dans l'intérêt du chemin de fer, il me semblait indispensable de faire connaître à la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je maintiens comme vrais les chiffres que j'ai produits en ce qui concerne la réparation des diverses locomotives. Quant à l'affirmation de l'honorable M. de Brouver que la différence provient uniquement de ce que j'ai déduit les sommes provenant de la vente de vieux matériaux, cette affirmation ne peut pas être exacte et voici pourquoi : la locomotive n°39 figure dans le tableau de l'honorable M. de Brouwer pour 29,258 fr., je trouve sur mon tableau la somme de 21,747 fr. et le chiffre à l'encre bleue, qui indique le montant des matériaux provenant de démolitions, ne s'élève qu'à fr. 1,694 fr.
M. de Brouwer de . - Il est de 7,550 fr. 30 centimes.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Nous ne serons jamais d'accord si les chiffres que vous produisez sont, dans votre pensée, plus officiels que ceux que je fournis à la chambre.
Je le répète, le chiffre à l'encre bleue, qui indique la valeur des matériaux de démolition, n'est que de 1,691. fr.
Je pourrais aller plus loin, messieurs, dans ces comparaisons, mais ce sont des détails qui exigeraient une vérification beaucoup plus attentive que celle à laquelle on peut se livrer en séance publique.
- La discussion gtmrale est close.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
(page 297) « Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service.
« Charge ordinaire : fr. (chiffre à retrouver)
« Charge extraordinaire : fr. 17,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et des employés de l'administration centrale : fr. 18,100. »
- Adopté.
« Art. 4. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Entretien ordinaire et amélioration des routes, construction de routes nouvelles, études de projets, etc. : fr. 2,618,000 »
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'aurai l'honneur de proposer à la chambre d'introduire quelques changements dans les chiffres qui figurent à ce chapitre.
L'année dernière, les baux d'entretien des routes ont été en grande partie résiliées ; on a procédé cette année-ci, après la présentation du budget, à une réadjudication de ces baux d'entretien, et il en est résulté pour l'administration une économie notable. Ainsi l'entretien des routes, au lieu de comporter une somme de 1,491,175 fr., ne devrait plus figuirr au budget de l'exercice prochain que pour une somme de 1,367,438 francs. Il y aurait ainsi, messieurs, une économie de cent et des mille francs. L'allocation qui figure au budget pour travaux d'amélioration et de construction est actuellement de 917,425 fr.
Il y a pour environ six à sept millions de projets de routes à l'étude. Dans la campagne prochaine, plusieurs de ces routes, présentant un caractère d'utilité incontestable, pourront être mises en adjudication.
Je proposerai donc à la chambre de porter le crédit de 917,425 fr. à un million. Il y aurait encore une économie dont le montant serait porté en partie sur le chiffre des bâtiments civils, qui doit nécessairement être augmenté pour les raisons que j'aurai l'honneur d'exposer tout à l'heure.
Ainsi, messieurs, le chiffre de l'article 5 serait réduit à 2,577,438 fr., et à l'article 7 je proposerai de porter le chiffre de 63,350 fr. à 90,000 fr.
M. David. - Messieurs, dernièrement nous avons voté un projet de loi, décrétant une immense série de travaux publics ; parmi ces travaux se trouvent des chemins de fer ; nous en avons même décrété un nombre tel que d'ici à peu d'années, chaque chef-lieu d'arrondissement se trouvera relié aux artères principales du chemin de fer par un railway. Nous ne nous arrêterons pas là ; dans un avenir plus ou moins rapproché nous doterons aussi les chefs-lieux de canton de pareilles voies de communication.
M. le ministre des travaux publics sollicite une augmentation pour les routes ; je lui demanderai si dans les routes que l'on compte construire au moyen du crédit qui est proposé cette année, il n'y en a pas qui, dans un avenir rapproché, doivent être détrônées par des chemins de fer.
Au lieu de construire des grandes routes, je demande qu'on donne la préférence aux chemins vicinaux de grande communication, chemins vicinaux dont on peut exécuter 12 lieues pour une seule lieue de grande route, comme on construit ces routes aujourd'hui. L'honorable M. Rousselle et moi nous l'avons prouvé par des chiffres officiels irrécusables. En peu d'années, par le système que je défends depuis que je siège dans cette chambre, depuis 1847, la Belgique tout entière serait en peu d'années couverte d'excellentes voies de communication qui peuvent remplacer convenablement une grande partie des grandes routes de l'Etat qui restent encore à construire.
C'est une question que je demande à l'administration des travaux publics d'examiner de très près, de voir si dans bien des circonstances il ne serait pas possible de remplacer les grandes routes par des chemins vicinaux de grande communication.
Avec la même dépense, on exécuterait, je le répète, 12 lieues de chemin de grande communication avec l'argent que coûte une lieue de grande route.
M. Orban. - L'on a mauvaise grâce à demander la parole à l'occasion des routes ordinaires. Ce n'est pas là évidemment que se trouve l'intérêt et la faveur du moment. J'ai cependant une excuse pour réclamer un instant l'attention de la chambre sur ce chapitre, c'est que la province de Luxembourg, par une fâcheuse exception, n'a jusqu'à présent d'autres routes que celles-là.
L'on vous a souvent entretenus de nos griefs relativement à l'absence de chemins de fer. Il en est un autre bien plus ancien et qui depuis longtemps aurait dû être formulé. C'est que nous sommes à peine reliés à la capitale et au cœur du pays par des routes ordinaires véritablement dignes de ce nom, tant celles qui remplissent cet office, je veux parler des routes de Namur à Marche et de Namur à Arlon, sont construites en dehors de toutes les règles de l'art et des conditions d'une bonne viabilité.
Tracées par monts et par vaux sans autre règle que d’arriver au but par le chemin le plus court, ces routes présentent des pentes de 10, 15 p. c. et même davantage.
L’on doit comprendre ce que devient la circulation sur de pareilles routes. Pour le transport des marchandises en général, elle nécessite l’obligation de diminuer les charges ou d’augmenter le nombre de chevaux qui augmente de plus de 50 p. c. les frais de transport. Pour la circulation des voyageurs, elle entraîne des accidents nombreux et des dangers incessants.
Imaginez-vous en effet la position d'un voyageur placé dans une voiture lourdement chargée et lancée à fond de train du haut en bas de ces espèces de montagnes russes. Il en est réduit à attendre son salut de la solidité d'un frein, de la vigilance et de la dextérité d'un conducteur ; et il ne la doit véritablement qu'à cette fortune, à cette Providence qui veille sur les audacieux et les imprudents.
Or, messieurs, ces routes si défectueuses sont les artères de la circulation dans la province de Luxembourg. Elles opèrent à elles seules les deux tiers des transports, et seules à peu près elles sont parcourues par des voitures publiques transportant des voyageurs.
Maintenant, messieurs, j'ai hâte de vous dire que ces routes détestables ne sont point imputables à l'administration belge. Le mal, au contraire, c'est que ce n'est pas elle qui les a faites.
Lorsque après la révolution de 1830 une si vive impulsion fut donnée aux travaux publics, la province de Luxembourg ne fut point oubliée. Elle fut comme les autres dotée de nombreuses routes construites dans les meilleures conditions. Malheureusement les deux casse-cou officiels que je viens de vous faire connaître furent conservés. Ils avaient pour eux la possession séculaire et on les a maintenus. DecCette manière nous sommes pourvus des communications secondaires, tandis que le tronc priucipal manque ou fait défaut à sa mission.
Je vous ai dit, messieurs, que le mal n'est point imputable à l'administration actuelle. J'ajouterai qu'il ne lui serait imputable que si aujourd'hui elle ne comprenait pas suffisamment la nécessité d'apporter un prompt remède à un pareil état de choses en effectuant les rectifications indispensables et en réparant l'erreur que l'on a peut-être commise en ne commençant pas par là.
Je sais qu'il n'en est point ainsi, que des études sont faites, et je supplie seulement M. le ministre de ne pas en ajourner l'exécution.
M. Rousselle. - Messieurs, il me paraît que l'honorable ministre des travaux publics aurait dû, sauf à proposer des augmentations sur les articles qui en sont susceptibles, faire profiter son budget de l'économie qui est faite sur l'entretien des routes, et ne pas proposer de majorer de la plus grande partie de cette économie le fonds qui est destiné à la construction de nouvelles routes. Je ne sais par quelle espèce de fatalité le fonds applicable à la construction de nouvelles routes aux frais de l'Etat s'augmente au fur et à mesure que l'Etat possède un plus grand nombre de routes. Les routes que l'Etat fait maintenant ne rapportent pas leur entretien. Ce qui me prouve que ces routes ne sont pas d'un intérêt assez général pour être faites au compte de la généralité du pays.
Je suis persuadé, quant à moi, que M. le ministre des travaux publics pourrait, sans nuire à son service, diminuer même le chiffre de 900,000 fr. qui est propose au budget ; au lieu de le diminuer, il propose de l'augmenter. Pour ma part, je ne saurais consentir à cette augmentation.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, en portant à un million le crédit pour les routes et à 90,000 fr. l'allocation de 63,000 francs qui figure pour l'entretien des bâtiments civils, il y aura encore une économie de 14,712 francs. Si le gouvernement propose pour cette année seulement de porter à 1 million l'allocation destinée à améliorer les routes, c'est qu'il y a en ce moment un certain nombre de routes dont l'exécution doit absorber des sommes considérables. C'est surtout aux provinces de Limbourg, de Liège et du Luxembourg, encore déshéritées de grandes voies de communication, que ce crédit doit en grande partie être affecté : Je pense qu'il y a peu d'allocations qui aient, sous ce rapport, un caractère d'utilité plus incontesté.
Lors de la discussion du projet de loi décrétant un ensemble de travaux publics, dans cette chambre et au sénat plusieurs membres se sont étonnés, affligés même que le gouvernement n'eût pas compris dans le projet une allocation spéciale pour ces voies de communication. Le crédit de 900,000 fr. que je propose de porter à 1 million sera entièrement disponible à partir du 1er janvier prochain, de sorte que d'ici à très peu d'années ce crédit disparaîtra peut-être entièrement du budget.
Du reste, il est à remarquer qu'avec ce million on ne peut faire en moyenne qu'une dizaine de lieues de route.
M. de Mérode. - Messieurs, je désirerais ajouter une observation à celles qu'a présentées l'honorable M. Orban, quant aux routes du Luxembourg. Non seulement ces routes sont à pentes très rapides, mais elles sont empierrées et entretenues d'une manière très médiocre.
Je ne sais si dans le Luxembourg on a des cantonniers comme en France, sur toutes les routes de la République ; mais ce que je sais, c'est que dans le Hainaut on n'en a pas. L'entretien des routes est entrepris par des compagnies, aussi sont-elles dans un état très défectueux. Cependant on y paye des droits de barrière très élevés qu'on ne paye pas en France.
En ce qui concerne la province de Luxembourg, le droit de barrière ne devrait pas y être aussi élevé que dans nos pays de plaine ; on n'y élève que des petits chevaux, on est obligé d'en atteler beaucoup pour (page 298) les transports de peu d'importance et le droit de carrière est ruineux.
L’observation de M. Ch. Rousselle, quant au Hainaut, me paraît juste, je trouve aussi qu'on n'accorde pas au Hainaut de constructions de routes nouvelles en raison de son importance. Il y a beaucoup de chemins de commune à commune qui sont impraticables ; pendant qu'on distribue des sommes assez fortes pour relier des lieux presque déserts, on ne donne pas à des endroits populeux la moitié de ce qui leur serait nécessaire et même de ce qui leur serait dû si on suivait les règles d'une bonne justice dislributive.
On me fait observer de plus que le produit des barrières du Hainaut est très considérable, et on l'applique d'une manière moins utile ailleurs que si on l'employait dans la province.
On devrait faire faire les nouvelles routes comme les chemins vicinaux, car les ingénieurs dépensent pour une route d'empierrement 50 p. c., un tiers au moins de plus que les communes quand elles font des chemins vicinaux ; ils donnent des règles, des principes très savants d'après lesquels on se livre à une foule de dépenses inutiles. Je connais une route, dans une commune du Hainaut, où, afin de la tracer en ligne droite, on a dépensé plusieurs mille francs pour un petit bout de chemin. Quand on a parcouru cette ligne droite, on n'est pas plus avancé que si on avait fait une légère courbe.
Je désire que les hommes appelés à construire les routes ordinaires les fassent à l'avenir avec plus d'économie.
- L'article 5, tel qu'il est proposé par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Plantations des routes, etc. : fr. 41,200. »
- Adopté.
« Art. 7. Entretien et réparation des palais, hôtels, éditées et monuments appartenant à l'Etat : fr. 63,550. »
M. le ministre propose d'en porter le chiffre à 90,000 francs.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Une partie de l'économie faite sur l'article 5 serait reportée sur l'article 7. Voici les raisons qui justifient ce transfert : En 1840, nous n'avions à entretenir que quinze bâtiments civils ; par suite des conventions conclues avec la Hollande et avec la ville de Bruxelles, ce chiffre se monte maintenant à 32.
L’année dernière la somme allouée était de 52 mille francs, mais par suite de transferts du département des finances au département des travaux publics pour l'entrepôt d'Anvers, elle s'est trouvée portée à 63,550 francs ; mais le chiffre destiné aux bâtiments n'était que de 52 mille francs, ce qui fait 1,600 fr. pour chacun de ces bâtiments.
Il a été reconn à la suite d'une instruction minutieuse, que cette somme n'était pas suffisante. En la portant de 52,000 à 90,000 francs, le gouvernement ne prend en considération que l'intérêt des bâtiments civils. Il a été constaté que si on n'augmentait pas notablement la dépense d'entretien, on aurait à craindre des dégradations qui exposeraient ces bâtiments.
Je pense que cette allocation supplémentaire ne peut pas rencontrer d’opposition.
- L'article 7 avec le chiffre de 90,000 fr. est mis aux voix et adopté,
M. Rodenbach. - A propos de la discussion du chapitre 2, section 3, canaux et rivières, je ne crois pas inopportun de rappeler à la chambre et à M. le ministre que quand naguère on a voté 120 millions pour les travaux publics, on a accordé une somme assez considérable pour prévenir les inondations de la Senne, de l'Yser et autres rivières. A cette époque j'ai demandé pour que le district de Roulers, dont je suis le mandataire, obtînt un subside, en faveur de la Mandel, petite rivière qui périodiquement déborde, et ruine une foule de petits cultivateurs riverains. M. le ministre m'a répondu alors, que, quand on discuterait le budget, on aurait égard à ma juste réclamation. J'aime à croire que cette fois-ci M. le ministre se remémorera cette promesse.
C'est le motif pour lequel j'ai demandé la parole, afin d'attirer l'attention de M. Van Hoorebeke sur cette question grave pour mon arrondissement ; puisque, je le répète, depuis quelque temps, annuellement, le grand nombre de petits fermiers ont été ruinés par suite de l'inondation de cette rivière.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je ne me rappelle pas que, lors de la discussion de la loi sur les travaux publics, le gouvernement aurait promis de proposer une allocation en faveur de la rivière la Mandel, dont l'honorable M. Rodenbach vient d'entretenir la chambre ; seulement il a été dit alors que si les sommes qui avaient été proposées pour la Senne, pour les deux Nèthes et pour l'Yser n'étaient pas reconnues suffisantes, le gouvernement se réservait d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de proposer une allocation supplémentaire daus le budget.
Quant à la Mandel, je ne pense pas qu'il y ait eu la moindre déclaration. Dans tous les cas, il serait impossible de comprendre la moindre allocation au budget que la chambre discute en ce moment, parce que le gouvernement se trouve déjà obligé de porter une allocation supplémentaire par suite des désastres occasionnés par des rivières dont il a l'administration.
Ainsi, quand on arrivera à la section 4 « Ports et côtes », le gouvernement sera obligé de proposer une allocation pour réparer les désastres occasionnés à Blankenberghe par la tempête du mois dernier.
En présence de ces faits, il est de toute impossibilité d'accueillir une proposition qui serait faite dans le but de porter une allocation supplémentaire au budget.
M. Dumortier. - Lorsque chacun réclame en faveur des intérêts de ses commettants, je crois que ceux qu'a défendus l'honorable M. Rodenbach sont certainement au nombre des plus légitimes.
Lors de la discussion de la grande loi des travaux publics, une demande de fonds avait été faite pour faire cesser les désastres des inondations de la Mandel ; cela a été renvoyé à la discussion du budget.
Je me joins à ce qu'a dit mon honorable collègue et ami M. Rodenbach, et j'insiste auprès du gouvernement pour qu'il veuille bien porter remède à ces désastres.
Au reste, des sommes peu considérables, allouées au budget annuel, suffisent pour parer à ces désastres.
Les désastres provenant des inondations sont au nombre de ceux qui méritent le plus l'attention du gouvernement ; car vous le savez, ce sont là des calamités publiques dont une foule de malheureux finissent par être victimes. Certes, avant de s'occuper d'améliorer le sort de ceux qui ne souffrent pas, il me semble bien légitime de commencer par améliorer le sort de ceux qui souffrent.
Je pense donc que la proposition de mon honorable collègue et ami M. Rodenbach est parfaitement légitime, et que la chambre fera bien de l'accueillir favorablement.
Je ne doute pas, au reste, que M. le ministre des travaux publics lui-même ne prenne, après examen, ses observations en considération.
M. de Muelenaere. - Je ferai seulement observer que la petite rivière à laquelle il est fait allusion se trouve dans les mêmes conditions que plusieurs autres rivières pour lesquelles on a alloué des crédits spéciaux dans la loi des travaux publics.
Il est de notoriété publique que la Mandel cause périodiquement des dégâts considérables, et entrave même, dans plusieurs communes, les progrès de l'agriculture, parce que les terres qui avoisinent cette rivière sont presque chaque année exposées à être envahies par les eaux.
J'appelle sur ce point l'attention du gouvernement, et j'espère que, dès que les circonstances le permettront, des sommes suffisantes seront affectées aux améliorations qu'on réclame. C'est une justice qu'on doit à cette contrée.
M. Rodenbach. - J'avais réclamé aussi un subside pour cette petite rivière, afin de prévenir les inondations. J'étais constamment présent à la section lorsqu'on s'est occupé des 120 millions de travaux publics.
Lorsqu'on s'est occupé des 600 mille francs pour l'Yser et autres rivières, on a négligé de m'engager à venir à la section. Je n'ai pas reçu de lettre de convocation. J'en ai fait ma plainte à M. le président de la section ; je lui ai même fait connaître le subside que je me proposais de demander. Ayant égard à ma demande, il en a parlé au rapporteur. Mais tous deux ont omis de faire mention de ma demande au procès-verbal. Ce n'est pas ma faute si je n'ai pas été à la section : c'est parce qu'on a négligé de m'envoyer des lettres de convocation ; je dois le déclarer ; le président et le rapporteur doivent se le rappeler. (Interruption.)
C'est une vérité. Il paraît qu'il y a ici des personnes qui n'aiment pas à entendre la vérité.
- La discussion est close.
« Art. 8. Canal de Gand au Sas-de-Gand. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 20,348.
« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire : fr. 12,585.
« Charge extraordinaire : fr. 23,700. »
La section centrale, de commun accord avec le gouvernement, propose de remplacer cet article par quatre articles ainsi conçus :
« Art. 9. Travaux d'entretien et d'amélioration :$
« Charge ordinaire : fr. 12,585.
« Charge extraordinaire : fr. 600. »
« Art. 10 (nouveau). Construction d'un pont tournant à Rothem, en remplacement du bac de passage (première moitié) : fr. 8,80. »
« Art. 11 (nouveau). Remplacement du pont-levis de Boorsheim par un pont tournant (première moitié) : fr. 8,800. »
« Art. 12 (nouveau). Travaux de dévasement (deuxième moitié) : fr. 5,500. »
- Ces articles sont adoptés.
(page 299) « Art. 10. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 96,489. »
- Adopté.
« Art. 11. Entretien et travaux de dragage.
« Charge ordinaire : fr. 103,782.
« Charge extraordinaire : fr. 33,346 28 »
- Adopté.
« Art. 12. Travaux d'entretien et d'amélioration.
« Charge ordinaire : fr. 60,700.
« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »
-— Adopté.
« Art. 13. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charge ordinaire : fr. 21,548.
« Charge extraordinaire : fr. 2,000. »
La section centrale, de commun accord avec le gouvernement propose de rédiger cet article comme suit :
« Escaut.
« a. Travaux d'entretien dans la Flandre orientale : fr.. 6,548.
« b. Travaux d'entretien dans la province de Hainaut : fr. 10.000.
« c. Travaux d'entretien dans la province d'Anvers : fr. 5,000
« d. Construction de deux ponts de halage. Charge extraordinaire : fr. 2,000.
« Total : fr. 23,548 »
- L'article est adopté avec ce libellé.
M. Vermeire. - Dans la discussion du budget des travaux publics des deux dernières années, j'ai appelé l'attention du gouvernement sur les excavations et les atterrissements qui se produisent dans l'Escaut et sur les bancs de sable qui s'y forment en aval et en amont du pont de Termonde, et surtout aux endroits nommés Buggenhout, Briel et Appels.
J'ai signalé alors combien, par suite de ces excavations et de ces atterrissements, la navigation devenait difficile dans ces endroits, et même souvent dangereuse.
Je demanderai aujourd'hui à M. le ministre des travaux publics si des mesures ont été prises pour faire disparaître ces graves inconvénients quej'ai eu l'honneur de signaler les années précédentes.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je pense que l'objet dont l'honorable membre vient d'entretenir la chambre, pourra être également compris dans le crédit de quinze cent mille francs qui a été récemment volé par la chambre pour améliorer le régime de l'Escaut. S'il y a des travaux accessoires à faire, ils pourront être compris dans les allocations qui seront imputées sur ce chiffre de 1,500,000 fr.
M. Vermeire. - Je ne sais pas si ces travaux peuvent être exécutés sur les quinze cent mille francs qui ont été votes récemment. Je désire connaître si cette somme ne sera pas absorbée par les travaux à faire au haut Escaut, c'est-à-dire à la partie du fleuve au-delà de Gand.
Depuis bien longtemps nous avons indiqué ces inconvénients. Tous les ans il y a des bateaux qui viennent se briser sur les bancs de sable.
Je demanderai seulement si des études ont été faites pour rechercher le moyen par lequel on pourrait remédier au mal que nous signalons.
M. de Decker. - Messieurs, j'ajouterai qu'il y a huit ans déjà, j'ai appelé l'attention du gouvernement sur ce point. Si ces embarras dans la navigation de l'Escaut ne tendaientpas à s'accroître d'année en année, je n'insisterais pas ; car je sais que ces embarras sont séculaires. J'ai trouvé dernièrement une réclamation de 1688, dans laquelle on réclame déjà contre ces atterrissements et bancs de sable. Mais, je le répète, ces embarras augmentent d'année en année, et il est évident qu'ils causent un préjudice réel à la navigation.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics accorde son attention à cette question et attire sur elle la sollicitude de l'administration.
M. Dumortier. - Je vois dans les développements que par suite d'une note de M. le ministre des travaux publics, il est question d'établir un barrage sur l'Escaut en aval du canal concédé de l'Espierre. Je ne comprends pas dans quel but le gouvernement veut accumuler barrage sur barrage et mettre ainsi des entraves et des entraves considérables à l'écoulement des eaux de l'Escaut et au régime de ce fleuve. S'il est quelque chose à quoi il faut toucher avec une excessive réserve, c'est au régime des fleuves limoneux. Lorsqu'on touche au régime de ces fleuves, on est exposé à d'immenses mécomptes, à des mécomptes qu'il n'est pas possible de prévoir.
Le systéme dans lequel le gouvernement paraît vouloir entrer relativement au régime de l'Escaut, peut avoir des résultats excessivement fâcheux pour les immenses valeurs en prairies qui se trouvent le long de ce fleuve. Déjà il n'y a qu'une plainte, dans l'arrondissement de Roulers, sur les préjudices immenses que les travaux exécutés par le gouvernement ont amenés aux prairies qui longent l'Escaut. Des prairies qui autrefois rapportaient des sommes considérables ne rapportent aujourd'hui presque plus rien. Et il en est ainsi sur une très longue étendue de terrain.
Il me semble que le gouvernement ne devrait pas adopter à la légère les plans des ingénieurs qui n'ont en vue qu'une seule et unique chose, c'est de servir la navigation. Si la navigalion est un intérêt en matière de communication fluviale, l'agriculture est un intérêt non moins grand et qui certes doit être pris en sérieuse considération en pareil état de choses. Malheureusement, de l'agriculture, on ne s'en inquiète pas ; dès l'instant où l'on a donné satisfaction aux explorants de telle ou telle mine, on croit avoir tout fait. Car aujourd'hui on ne s'occupe que de l'industrie. De l'agriculture, on en parle ; mais on ne fait rien pour elle.
Qu'on ne fasse rien pour l'agriculture, soit, mais qu'au moins on ne la sacrifie pas à l'industrie. Car cela serait éminemment injuste. Eh bien, c'est ce qui arrive et ce qui peut encore arriver dans l'espèce.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si, avant de procéder à des travaux sur l'Escaut, il ne convient pas qu'une enquête soit faite, enquête dans laquelle non seulement les ingénieurs, non seulement les industriels seraient représentés, mais dans laquelle les riverains principalement seraient représentés. Car, messieurs, l'intérêt des riverains, c'est quelque chose et quelque chose d'excessivement grave, d'excessivement sérieux et dont on doit tenir grand compte.
Les industriels savent touiours réclamer auprès du gouvernement ; leur voix se fait toujours entendre, parce qu'ils sont à la tête d'établissements considérables qui représentent de grands capitaux et que pour eux une démarche, une visite, une sollicitation auprès d'un ministre n'est rien ; tandis que les petits cultivateurs qui ont quelques prairies le long d'un fleuve ne peuvent se transporter à jour fixe chez un ministre, pour solliciter, demander ; et malheureusement alors on les oublie, on les sacrifie.
Il me semble donc qu'avant de commencer aucun travail dans l'Escaut, il serait à désirer qu'on fît une enquête, mais une enquête sérieuse dans laquelle l'intérêt agricole, l'intérêt des propriétaires des terres qui longent le fleuve, serait entendu. Je pense qu'avant de procéder à aucune espèce d'opération qui puisse compromettre le sort de l'Escaut, cela est indispensable.
J'insiste surtout sur cette considération, parce que dans la session dernière, à propos du crédit voté pour l'Escaut, j'ai entendu dire que l'on voulait adopter le plan qu'a fait M. Vifquain et qui est une quasi-canalisalion de l'Escaut.
Or, savez-vous ce qu'amènerait cette quasi-canalisation de l'Escaut ? Elle amènerait la ruine totale des prairies qui longent l'Escaut et qui s'étendent depuis Antoing jusqu'à Gand sur un parcours d'environ vingt-cinq lieues.
Je vous demande, messieurs, si de pareils intérêts ne sont pas considérables, s'ils ne méritent pas qu'on fasse quelque chose pour eux ?
Il y avait un moyen excessivement simple, un moyen très facile de parer à tous les maux dont on se plaint : c'était de déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut. (Interruption.)
Il est possible que cela ne convienne pas à quelques-uns de mes honorables collègues, mais ce qui est certain, c'est que c'est là ce que le sens commun indique.
- Un membre. - Pour inonder Termonde !
M. Dumortier. - Il n'y a pas là le moindre danger pour Termonde. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais M. Wolters, ingénieur en chef, a donné le nombre de millions d'hectolitres que le bas Escaut laisse vides à chaque marée, et il a démontré la possibilité, l'immense facilité de parer à tous les inconvénients dont on s'est plaint, au moyen d'une somme très minime.
Malheureusement, le district de Termonde et la ville de Gand ont réclamé, prétendant qu'on voulait enlever la navigation à travers la ville de Gand.
Sans doute, si les pauvres bateliers qui naviguent sur l'Escaut n'étaient plus rançonnés par la ville de Gand, ce serait un grand dommage. Voilà pourtant la seule considération que l'on puisse opposer : c'est le désir de continuer à rançonner les bateliers, et une crainte exagérée, ultra exagérée de la ville de Termonde.
La preuve que cette crainte est exagérée, c'est que les habitants de Tournay et d'Audenarde ont dit : Vous tiendrez la clef des écluses et vous ne les ouvrirez que lorsque cela ne pourra vous nuire. Quand on s'exprime de la sorte, je pense qu'il n'y aurait pas le moindre inconvénient pour Termonde à recevoir nos eaux, quand elle peut les recevoir sans se nuire.
Nous ne demandons pas de faire affluer nos eaux à Termonde, malgré la volonté de Termonde ; nous demandons seulement de les y faire affluer quand Termonde nous en donnera la permission. Il n'est pas possible d être plus accommodant.
Eh bien, messieurs, nous n'avons pas été écoutés. Cependant le bon sens indique que les eaux du haut Escaut n'ont pas autre chose à faire que de se déverser dans le bas Escaut. C'est là la condition de toutes les rivières, de tous les fleuves ; il faut que la partie inférieure reçoive les eaux supérieures.
(page 300) Ce n'est pas, messieurs, la faute du moyen Escaut, si cette magnifique vallée se trouve soumise à ces affreuses inondations ; cela provient des travaux qui ont été faits en France, à l'Escaut supérieur, à la Scarpe, à la Sensée.
Cette partie de la France souffrait des inondations ; l'eau restait dans ses marais ; il y a été fait des travaux d'assèchement très considérabtes ; ensuite l'écluse d'Antoing a été élargie par le gouvernement belge ; et les eaux de la France, qui nous arrivaient en plusieurs semaines, nous arrivent aujourd'hui en deux fois 24 heures. Nous sommes donc dans cette position que nous recevons les eaux de la France avec une extrême rapidité et que nous ne pouvons pas les écouler de même. Il faut bien cependant que ces eaux deviennent quelque chose et elles se déversent sur les prairies au moment de la pousse ou de la récolte des foins ; nous avons des inondations de 2 à 3 mois, qui amènent la ruine de toutes ces magnifiques prairies. Eh bien, messieurs, de deux choses l'une : rétrécissez l'écluse d'Antoing, empêchez les eaux de venir de France, ou bien que le bas Escaut fasse comme nous ; qu'il reçoive les eaux supérieures, il est impossible de maintenir la situation actuelle : la perte des prairies est évaluée à 4 ou 5 millions de francs et cela arrive à peu près deux fois en trois ans.
On réclame constamment des améliorations pour telle ou telle partie du pays ; eh bien, messieurs, je répète ce que je disais tout à l'heure : avant de faire des travaux d'amélioration il faut venir au secours de ceux qui souffrent par le fait du gouvernement.
Or, c'est la position où se trouve le moyen Escaut. Cela dure depuis plusieurs années. Ce n'est pas la faute du ministère actuel ni de celui qui l'a précédé, et ce que je dis ne tend à faire des reproches à qui que ce soit ; je veux uniquement exposer les faits et faire comprendre que quand on a mis une partie du pays dans une position comme celle où se trouve le moyeu Escaut, il est du devoir du gouvernement de prendre toutes les mesures pour réparer le mal qu'il a fait. (Interruption.) Ce n'est point par des écluses que vous pouvez atteindre le but : les écluses ne sont en définitive que des barrages, et les barrages, loin de diminuer les inondations, les augmentent. Ce qu'il faut faire, c'est de déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut.
- Un membre. - Vous voulez déplacer le mal.
M. Dumortier. - Je vous demande pardon ; je ne veux pas déplacer le mal : si les digues des environs de Termonde ne sont pas assez élevées pour empêcher les inondations, qu'on les élève ; mais il est de toute justice que la région inférieure reçoive les eaux supérieures.
- Un membre. - Cela se fait aujourd'hui.
M. Dumortier. - Non cela ne se fait pas : les eaux s'écoulent très lentement et elles arrivent avec une très grande rapidité.
Vous le voyez donc, messieurs, ce n'est rien autre chose que ceci : vous resterez sous l'eau, parce que nous ne voulons pas vous débarrasser. Eh bien, je le demande, une pareille situation est-elle tolérable ? Est-il possible qu'on laisse 25 lieues de pays sous les eaux à cause du mauvais vouloir de quelques localités ? Dans d'autres circonstances, vous avez exige qu'on fît cesser de pareilles calamités, et je pense qu'il doit en être de même ici. Nous allons entrer dans une année nouvelle, et voilà assez longtemps que nous souffrons de l'état de choses que je signale ; je demande que le gouvernement prenne enfin des mesures sérieuses pour y mettre uu terme.
Qu'il institue une commission dans laquelle soient représentés non seulement les intérêts des exploitants de houille et les intérêts de Gand, mais tous les intérêts qui se rapportent à la question et les intérêts agricoles en particulier. Il n'est pas possible de laisser un pajs de 25 lieues dans une pareille situation.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Ce que demande l’honorable M. Dumortier a précisément été fait à une autre époque. En 1842, si j’ai bonne mémoire, à la suite d’une discussion très approfondue au sein de la chambre, le gouvernement institua une commission d'enquête, où étaient représentés le Hainaut, la Flandre occidentale et la Flandre orientale, et le système que le gouvernement suit est exactement celui qui a été adopte par cette commission d'enquête où la province du Hainaut se trouvait représentée.
Il fut décidé alors, messieurs, que, pour dégager la vallée de l'Escaut, il fallait commencer par débarrasser Gand du trop plein des eaux de la Lys. C'est dans ce but qu'on décréta le principe du creusement du canal de Deynze a Schipdonck. Il fut reconnu en même temps qu'il était nécessaire de faire une série d'ouvrages dans le lit de l'Escaut. Eh bien, le gouvernement a successivement exécuté plusieurs de ces ouvrages, et récemment il a reconnu que, lorsque le canal de Schipdonck sera complètement achevé ei qu'il y aura par conséquent moins d'inconvénient à accélérer la marche des eaux vers Gand et le bas Escaut, on pourra faire certains des ouvrages que réclame l'honorable M. Dumortier dans l'intérêt de la province du liainaut.
Mais l'honorable membre doit reconnaître qu'on ne ferait que déplacer le mal en commençant dès à présent ces ouvrages. Il faut avant tout que le canal de Deynze a Schipdonck produise ses effets. On a déjà fait une série d ouvrages ; avec le crédit de 1,500,000 fr. on pourra en faire d autres et on permettra alors aux eaux de s'écouler plus rapidement vers Gand, de manière à améliorer un état de choses qui, je dois le dire avec l'honorable M. Dumoriier, est désastreux pour les riverains de l’Escaut.
M. Dumortier. - Je suis charmé d'entendre que M. le ministre des travaux publics reconnaît le point capital de toute la discussion, c'est à-dire que la situation est désastreuse pour les riverains de l'Escaut.
Voilà donc un grand point acquis. Maintenant le système que j'indique est-il raisonnable ou déraisonnable ? Est-il juste ou injuste ? Voilà la question.
M. le ministre des travaux publics m'objecte qu'une commission a été nommée autrefois et que dans cette commission le Hainaut était largement représenté.
Eh bien, savez-vous, messieurs, combien le Hainaut avait de représentants dans la commission ; ce qu'était cette large représentation du Hainaut ? Dans une commission composée de neuf membres, le Hainaut comptait trois représentants.
Comment voulez-vous dès lors que les intérêts du Hainaut fussent pris en considération par la commission ? Aussi, que s'est-il passé ? C'est que les trois représentants du Hainaut, au nom des intérêts qu'ils avaient mission de défendre, ont fait de l'opposition au système qui a été admis par leurs collègues de la commission ; ils ont protesté à l'unanimité contre ce que faisaient ces derniers.
Et maintenant on vient nous présenter la décision qui a été prise, malgré les représentants du Hainaut dans la commission, vis-à-vis de leur protestation ; on vient nous la présenter comme ayant été prise dans l'intérêt du Hainaut. Mais non, elle n'a pas été prise dans l'intérêt du Hainaut ; les délégués du Hainaut ont protesté contre ce que la majorité de la commission faisait et ils ont déclaré de la manière la plus énergique que, dans leur conviction, le canal de Deynze à Schipdonck ne devait pas apporter le moindre soulagement aux inondations qui désolent la vallée du haut Escaut. Voilà ce que les membres de la commission appartenant au Hainaut, ont été unanimes à déclarer.
On n'a donc absolument rien fait pour la province de Hainaut ; on a fait quelque chose au nom de la province de Hainaut ; c'est au nom du Hainaut que l'on a dépensé déjà 8 à 9 millions ; et pour qui a-t-on dépensé ces millions ? Il faut bien le dire, pour la ville de Gand, et uniquement pour la ville de Gand. Le Hainaut a été le prétexte, et au moyen de ce prétexte la ville de Gand a eu tous les bénéfices de l'opération.
Voilà comment les faits se sont passés ; et comment peut-on venir nous objecter les propositions d'une commission où les délégués du Hainaut étaient en si petit nombre qu'ils n'avaient pas même voix au conseil et qu'ils ont dû protester contre la décision prise par la majorité.
Maintenant les travaux qu'on fait à l'Escaut sont-ils de nature à empêcher les inondations ? Mais non, messieurs ; on fait des barrages, des écluses.
Depuis quand, s'il vous plaît, pense-t-on qu'en établissant des barrages dans une rivière, ce soit un moyen d'empêcher les inondations ? Mais vous arrivez par là à un résultat tout contraire : au lieu d'empêcher les inondations intempestives, vous les favorisez.
Le système qu'on emploie est le système le plus hostile qu'on puisse imaginer aux intérêts du Hainaut et des prairies qui avoisinent le moyen Escaut. Je puis en fournir une preuve irrécusable. Je me trouvais dernièrement avec une personne parfaitement informée qui me disait : « Voilà des prairies qui rapportaient annuellement 20,000 fr. de revenu et qui n'en rapportent plus maintenant que 4,000 à 5,000 fr. Voilà où l'on est arrivé avec le système qu'on a appliqué à l'Escaut. »
Je le demande, avec un pareil système, les intérêts du Hainaut peuvent-ils être pris en considération ? Non, ils sont sacrifiés au mauvais vouloir de quelques localités. Je ne demande pas, moi, au nom de la vallée de l'Escaut, qu'on sacrifie d'autres localités, mais je demande en même temps qu'on ne sacrifie pas le Hainaut à ces localités.
Si j'insiste avec ténacité sur ce point, c'est que c'est chez moi le résultat d'une conviction profonde, formée par une étude longue et consciencieuse des travaux exécutés à l'Escaut.
Il m'est démontré que tout ce qu'on fait à l'Escaut tend, non pas à améliorer, mais à détériorer le régime du fleuve, à faire perdre aux magnifiques prairies qui l'avoisinent leur immense valeur.
Il faut attendre, dit-on, le résultat des travaux que l'on fait pour la Lys. Mais à qui ferez-vous accroire que quand vous aurez déplacé les eaux de la Lys à 5 ou 6 lieues au-dessus de Gand, vous aurez fait quelque chose pour améliorer le haut Escaut ? Mais c'est une comédie, une véritable mystification.
Ce n'est pas en allant chercher les eaux de la Senne à Bruxelles que vous soulagerez les eaux de la Dyle. (Interruption.) Oui, messieurs, ce qu'on nous objecte revient à prétendre qu'en déplaçant les eaux de la Senne à Bruxelles, vous soulagerez les inondations de la Dyle. Voilà l'argument qu on nous oppose.
Et pourquoi s'est-on décidé pour ce système ? Parce qu'encore une fois il s'est trouvé un membre du corps des ponts et chaussées qui veut faire de grands travaux, qui veut y attacher son nom.
Sous le roi Guillaume, on se plaignait déjà des inondations de la Lys et de l'Escaut. On a creusé alors le canal de Terneuzen, qui a été décrété par le roi Guillaume, uniquement pour servir aux inondations de la Lys ; ce canal a été fait exclusivemeut pour déverser les eaux de la Lys dans le bas Escaut à Terneuzen.
Mais la ville de Gand a offert d'intervenir dans la dépense de construction, à la condition que le canal servirait également a la navigation ; le roi Guillaume y a consenti ; et qu'est-il arrivé ? C'est qu'aujourd'hui le canal ne sert plus qu'à la navigation.
(page 301) Le but primitif, le but principal, pour lequel le canal a été exécuté, n'est plus rempli ; le canal ne sert plus a l'écoulement des eaux de la Lys, de manière qu'on a dépensé des sommes considérables pour l'exécution d'un magnifique travail hydraulique, qu'on a distrait de la destination qui y avait été affectée. Et comme le canal de Terneuzen ne sert plus à l'écoulement des eaux de la Lys, on a fait un nouveau canal, pour lequel vous avez déjà dépensé des millions, pour amener le même résultat qu'on avait en vue sous le roi Guillaume ; de façon que vous arrivez a faire dépenses sur dépenses, alors qu'on a exécuté depuis 30 ans le travail qui devait soulager les eaux de la Lys.
On dit que les eaux de la Lys arrivent dans l'Escaut, et entravent le cours de la rivière. Mais pourquoi arrivent-elles dans l'Escaut ? C'est parce qu'on a enlevé les écluses qui, dans la ville de Gand, empêchaient la Lys de se jeter dans l'Escaut. Les eaux de la Lys arrivent à Gand à angles droits ; il y avait des écluses placées pour le cas des grandes eaux de l'Escaut ; on a enlevé ces écluses, sous prétexte d'y faire des portes tournantes ; ces portes tournantes sont dans des magasins depuis nombre d'années, et on ne les a jamais placées. Ainsi, parce qu'un ingénieur, dont je ne conteste pas le mérite, a l'ambition de faire de grandes choses, on crée des embarras au cours de l'Escaut, on provoque des inondations désastreuses.
Car, dans l'intervalle, que se passe-t-il ? C'est que l'Escaut déborde chaque année, et cause les désastres incalculables que M. le ministre des travaux publics reconnaît lui-même. Et pourquoi ces désastres ? D'abord parce qu'on n'a pas voulu se servir du canal fait sous le roi Guillaume, pour l'écoulement des eaux de la Lys ; en second lieu, parce qu'à Gand on a enlevé, sans les replacer, les portes tournantes qui devaient empêcher l'écoulement des eaux de la Lys dans le haut Escaut.
En terminant, je dis que l'enquête de 1843 est insuffisante, parce que les intérêts du haut Escaut ont été sacrifiés dans cette enquête, et les intérêts rivaux de la ville de Gand ont été seuls pris en considération. Je demande, pour mon compte, qu'on institue une nouvelle commission, qu'on la compose de manière qu'il y ait au moins égalité pour les divers intérêts en présence, qu'un intérêt ne prime pas l'autre, ne vienne pas opprimer l'autre.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je ne dirai qu'un mot : c'est qu'il y a mieux qu'une décision d'une commission d'enquête : il y a décision de la chambre. Du jour où la chambre a admis en principe la construction du canal de Deynze à Schipdonck, ce jour-là elle a condamné le système dont l'honorable M. Dumortier vient de renouveler la défense.
M. de Denterghem. - Ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics est parfaitement exact. La question qu'on agite n'est pas à l'ordre du jour ; elle a été d'ailleurs déjà soumise à une commission composée de neuf membres, dont trois appartenant au Hainaut, trois à la Flandre orientale et trois à la Flandre occidentale. Ce que l'honorable M. Dumortier vient de dire a été dit au sein de cette commission et dans la discussion qui a eu lieu au sein même de la chambre. Si on voulait reprendre cette discussion, il faudrait revenir sur les chiffres qui ont été produits alors, mais il me paraît inutile de renouveler ce débat.
Je profiterai de l'occasion pour rappeler à M. le ministre qu'il est urgent d'achever les travaux commencés. Le canal de Deynze à Schipdonck devrait être livré à la circulation depuis trois ans. Une allocation est portée au budget pour l'entretien de ce canal, et il n'est pas achevé.
L'année dernière, des difficultés ont surgi entre le gouvernement et l'entrepreneur ; il en est résulté l'inachèvement du canal. Je demande que le gouvernement prenne des mesures pour que les travaux complémentaires soient bientôt terminés.
Il est évident que lorsqu'on aura diminué les eaux qui arrivent à Gand par la Lys, les eaux de l'Escaut s'écouleront avec plus de facilité. Cela a été démontré à satiété dans cette assemblée et par les ingénieurs qui ont été chargés d'étudier la question. Ils l'ont démontré par des chiffres qui sont la seule chose devant laquelle on puisse s'arrêter.
M. de Decker. - Je tiens à ajouter quelques observations à celles que viennent de présenter M. le ministre des travaux publics et M. de Denterghem.
Tous, nous regrettons les désastres causés par les inondations du haut Escaut ; il n'y a qu'une voix, un sentiment à cet égard. La question n'est donc pas de savoir si ces inondations sont déplorables, mais quel est le meilleur moyen d'y remédier.
Mon honorable ami M. Dumortier critique ce qui a été fait et propose un système autre que celui qui est appliqué. D'après lui, il faut déverser les eaux de l'Escaut supérieur dans l'Escaut inférieur en aval de Gand par un canal de Zwynaerde à Melle. Cette idée, que l'honorable membre trouve inspirée par le sens commun, n'est, chose singulière, parvenue jusqu'ici à se faire accepter par aucune administration ; elle a été constamment écartée.
Déjà elle avait été produite il y a plus d'un siècle ; elle a été reproduite en 1809 par un certain M. Coppens, et, chaque fois qu'elle a surgi, après discussion et enquête, elle a été repoussée par les hommes les plus compétents.
Mon honorable ami a l'air de supposer que le bas Escaut se refuse à recevoir les eaux du haut Escaut ; cela a lieu aujourd'hui ; mais l'honorable membre veut autre chose : il veut précipiter, au moyen d'un travail artificiel, les eaux du haut Escaut vers le bas Escaut, Or, à moins de vouloir déplacer le mal, de vouloir faire souffrir aux riverains du bas Escaut les inondations dont il se plaint, il est plus sensé de laisser agir la nature, de laisser les eaux du fleuve suivre leur cours naturel. On ne peut trop recommander la prudence dans des affaires de cette nature.
Ce qu'il faut chercher, ce n'est pas le moyen de faire arriver plus directement les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut, mais le moyen de débarrasser le bassin de la ville de Gand d'une partie des eaux qui s'y engorgent.
C'est la solution qui a toujours été donnée à la difficulté.
Depuis cinq à six siècles, divers travaux ont été faits pour conduire directement vers la mer les eaux de la Lys et de l'Escaut, réunies dans le bassin de Gand. On a compris qu'il était déraisonnable de faire passer ces eaux par le bas Escaut, par Anvers et Flessingue, c'est-à-dire de leur faire faire 40 lieues, quand, à Gand même, on est à 4 lieues de la mer. Car, en ligne directe, Gand n'est qu'à 4 lieues de la mer.
Il y avait d'abord le canal du Sas-de Gand. Le nom seul de cette ville est significatif ; il prouve que toujours on a senti la nécessité de déver ser les eaux de Gand directement par cette ville, appelée pour ce motif l'écluse de Gand.
Il y avait ensuite une autre communication de Gand directement vers la mer par le Burggravestroom dans le Braeckman ; une troisième communication par le Moervaert et la Langelede vers Hulst et Axel ; une quatrième communication par la Lieve vers le Zwyn. J'ai déjà indiqué ces données à la chambre, lors de la discussion du projet du canal de Schipdonk. C'est de l'histoire.
Ainsi le but de tous ces travaux historiques, c'était de dégager le bassin de la ville de Gand. L'honorable M. Dumortier ne veut pas comprendre qu'en dégageant ce bassin on fait de la place pour les eaux du haut Escaut, il ne veut pas comprendre qu'en empêchant les eaux de la Lys d'arriver à Gand on fait de la place pour les eaux de l'Escaut. Je ne comprends pas qu'un homme d'intelligence comme M. Dumortier ne veuille pas se rendre à l'évidence d'un tel résultat.
Pour moi je crois que le gouvernement suit les bonnes traditions. En décrétant le canal de Schipdonck il a rendu évidemment service à l'Escaut supérieur. Et, s'il y avait moyen de faire d'autres constructions directes de Gand vers la mer ou de dégager les voies anciennes qui avaient ce but et qui sont aujourd'hui ensablées, je recommanderais au gouvernement d'approfondir la question dans le sens que j'indique ici.
Vouloir donner à la question la solution que propose M. Dumortier, c'est seulement déplacer le mal. Or, déjà le bas Escaut a beaucoup de peine à lutter contre les marées qui causent aussi de notables désastres. Dans les environs de Termonde, les digues occasionnent de très grandes dépenses d'entretien et souvent aussi amènent des dangers. Si à ces marées on ajoutait le concours des eaux du haut Escaut précipitées par des moyens artificiels vers le bas Escaut, on ferait au pays de Termonde une position que personne ne voudrait certainement lui faire.
Si le gouvernement suit l'impulsion des ingénieurs, ce n'est pas par caprice, par obstination, c'est parce qu'il a étudié profondément la question au point de vue historique et qu'il a trouvé la solution véritable, celle dans laquelle nous devons l'engager à persister.
M. Dumortier. - Mon honorable ami prétend que mon système est entièrement nouveau, et il l'a lui-même indiqué immédiatement : c'est, a-t-il dit, le canal de Zwynaerde. Le mot seul indique que ce n'est pas un nouveau système. Ce système n'est pas de mon invention. 11 est de l'invention de M. Wolters.
M. de Decker. - C'est une opinion isolée.
M. Dumortier. - C'est si peu une opinion isolée qu'elle a été partagée par la commission dont a parlé l'honorable M. de Denterghem. La commission a adopté ce projet, et lui-même a voté pour.
M. de Denterghem. - Je demande la parole.
M. Dumortier. - Ce projet a été adopté par la commission, à l'unanimité, si ma mémoire n'est pas infidèle, ou tout au moins à une grande majorité.
Ainsi c'est une proposition de l'ingénieur Wolters, accueillie par la commission. Seulement, après avoir accueilli ce système, on s'est dit : Il nous faudrait, auparavant, faire le canal de Deynze, qui ne sera jamais exécuté si le canal de Swynaerde était fait. C'est alors que l'on s'est divisé.
Les députés de Gand et de Termonde ont dit : Commençons par faire le canal de Schipdonck à Deynze. Alors les députés du Hainaut ont protesté. Mais le projet avait été présenté par l'ingénieur du gouvernement ; et il avait été voté par la commission, pour soulager le haut Escaut. On vait reconnu que c'était le seul moyen de porter remède aux inondations de l'Escaut.
Mais, dit l'honorable M. de Decker, laissons agir la nature ; je réponds : Eh bien, laissez-la aussi agir dans le haut Escaut.
M. de Decker. - Ce sont les eaux qui viennent de France qui causent les inondations.
M. Dumortier. - Mon honorable ami ne connaît pas la question. Quand la Belgique a consenti à l'élargissement et à l'abaissement du radier de l'écluse d'Antoing, n'a-t-elle pas consenti à recevoir les eaux de la France ? C'est donc à elle à réparer le mal qui en est la conséquence.
(page 302) Les ouvrages faits en France ont amené les eaux en plus grande abondance ; mais si l'écluse d'Antoing n'avait pas été élargie et approfondie, les eaux s’arrêteraient a notre frontière, elles s'étendraient sur les prairies de la France et non sur celles de la Belgique ; car il y avait là un barrage construit depuis des siècles. Le jour où le gouvernement belge a abaissé le radier et élargi l'écluse d'Antoing, il a sanctionné les résultats des travaux faits en France. Faut-il que, par le fait du gouvernement nous restions sous le coup des inondations, tandis que le reste du pays en est préservé !
On dit qu'il faut débarrasser le bassin de Gand. Ici, encore, mon honorable ami ne connaît pas les faits. La ville de Gand est certainement un grand obstacle ; mais ce que mon honorable ami ne sait pas, c'est qu'au-dessus de Gand l'Escaut n'a pas la profondeur qu'il a dans les régions inférieures et supérieures.
M. de Decker. - Qu'on l'approfondisse.
M. Dumortier. - Je le veux bien, nous verrons alors les Gantois demander les travaux que nous-mêmes nous demandons, parce que si l'on approfondissait l'Escaut au-dessus de Gand, les eaux arriveraient avec une telle affluence que les inondations seraient à craindre.
A Gand, la plupart des bras de l'Escaut et le vieil Escaut en particulier sont réduits à un état presque embryonnaire ; ce ne sont que des ruisseaux.
Rendez à l'Escaut sa largeur primitive, faites disparaître les obstacles que Gand oppose à l'écoulement des eaux, et nous ne vous demanderons rien. Mais vous ne ferez pas de travaux à Gand, parce qu'il en résulterait des inondations dans le bas Escaut.
Mon honorable ami dit que les riverains du bas Escaut ont à craindre les hautes marées ; cela est vrai ; mais quelle est l'époque des hautes marées ? Toujours l'équinoxe. Or, alors le haut Escaut n'a jamais trop d'eau ; car c'est l'époque à laquelle l'Escaut charrie son limon qui fertilise les prairies riveraines, comme les débordements du Nil fertilisent le sol de l'Egypte. Il n'y a donc pas à craindre que l'on cherche à déverser ces eaux dans le bas Escaut à l'époque des hautes marées. Mais vous avez dans le bas Escaut un vide immense que vous pouvez utiliser en mai pour l'écoulement du haut Escaut sans nuire aucunement au bas Escaut. Pourquoi ne pas le faire ?
Vous le voyez, il n'y a pas un seul argument qui tienne.
Que l'on mette à exécution le système proposé par l'ingénieur Wolters, et adopté par la commission.
Puisque les fonds sont votés, que le gouvernement les emploie. Vous ferez cesser ainsi des réclamalisns, qui assurément sont fondées.
M. de Denterghem. - Le canal do Zwynaerde dant parie l’honorable M. Dumorltier a été complètement étudié, c'est-à-dire que l'exécution do ces travaux a été votée.
Mais voici en résumé ce qui s'est passé :
Pendant deux ans, on a constaté d'une manière régulière tous les faits qui se produisaient. On a reconnu que les eaux de la Lys, qui arrivaient beaucoup plus directement que celles de l'Escaut, formaient un barrage, que les eaux de l'Escaut ne pouvaient dominer. On a recherché s'il n'y aurait pas moyen de déverser plus directement les eaux de la Lys. Le gouvernement hollandais a fait le canal do Terncuzen, pour l'écoulement des eaux et pour la navigation.
En Hollande, car c'est là que ces questions ont été étudiées et que nous devons prendre des leçons, il est très connu qu'un canal à la fois de navigation et de sudation n'est pas chose possible.
En Hollande, il existe en plusieurs endroits de ces canaux ; mais on crée deux canaux latéraux : l'un est un canal de navigation, l'autre est un canal de sudation.
C'est d'après ces fails et d'après les démonstrations de l'expérience que l'on a fini par décréter un canal direct de Gand vers la mer.
Le canal de Schipdonck est le commencement de ce travail. On suivra ensuite le cours d'une petite rivière et l'on ira déverser directement les eaux de la Lys dans la mer ; de manière que les eaux de l'Escaut étant débarrassées du barrage qu'occasionnent à Gand les eaux de la Lys s'évacueront avec beaucoup de facilité et pourront, selon les probabilités, s'évacuer sans autre secours.
Ce qui a été décidé est simplement ceci : c'est que si, dans ce cas, et contre toute espèce de prévision, par suite des nouveaux travaux qu'on exécute encore en France, le canal de Schipdonck ne parvient pas à dégager suffisamment le bassin de l'Escaut, on pourra recourir au canal de Zwjnaerde. Dans cette éventualité, personne ne s'est opposé à la construction de ce canal. Mais, dans la situation actuelle, il a été reconnu qu'il était impossible de commencer par ce travail. Le canal de Zwynaerde pourra se faire plus tard ; mais il a été reconnu par tout le monde, et par le corps des ingénieurs, et par la commission, et par la chambre elle-même, que ce travail ne pouvait pas être préalable.
- La discussion est close.
L'article 13 est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.