(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 175) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Vandenpeereboom communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur H. Van Es, commerçant à Bourg-Léopold, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le miuistre de la justice.
« Le sieur Ferrand, préposé des douanes à Eysden, prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Plusieurs habitants d'Herenthals, Moll et Gheel prient la chambre de donner son assentiment au traité de commerce conclu avec les Pays-Bas. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le traité.
« Plusieurs cultivateurs et herbagers dans l'arrondissement d'Ypres prient la chambre de ne pas donner son assentiment au traité de commerce conclu avec les Pays-Bas. »
- Même renvoi.
M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics.
M. Delfosse. - Je pense que ce rapport pourra être imprimé et distribué jeudi ; on pourrait fixer la discussion à lundi en huit.
M. le président. - M. le rapporteur de la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre, vient de me dire que son rapport est prêt, qu'il ne s'agit plus que de le lire à la section centrale. Il serait convenable d'en autoriser l'impression, afin qu'on pût le mettre à l'ordre du jour et le voter avant le budget des travaux publics. De cette manière, ces deux budgets pourraient être votés avant la fin de l'année.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant exemption de droits d'enregistrement en faveur de la Banque de Belgique.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances n'étant pas présent, je demanderai qu'on passe au second objet à l'ordre du jour.
M. le président. - Alors il faudrait remettre ce projet à une autre séance.
M. Anspach. - L'affaire a été mise à l'ordre du jour d'aujourd'hui ; je demande qu'elle y soit maintenue. C'est avec peine que je me suis rendu à la séance dans la position malheureuse où je me trouve. Je prie la chambre, pour ne pas m'obliger à une nouvelle épreuve, de discuter immédiatement ce projet.
M. Delfosse. - C'est en partie par égard pour la position de l'honorable M. Anspach que j'ai fait ma proposition.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense que le projet sur les loteries ne remplira pas toute la séance. On pourrait commencer par ce projet, et, pendant ce temps, M. le ministre des finances, qui est retenu par une affaire, pourrait arriver.
M. Mercier. - Si la chambre voulait ajourner sans fixer de jour, je crois que c'est ce qu'il y aurait de mieux. Il n'y a pas d'urgence, M. Anspach n'aurait pas de motifs pour s'opposer à la remise ainsi entendue.
M. Delfosse. - Je suis opposé au projet, mais la loyauté exige que ceux qui veulent le défendre aient toute liberté pour le faire.
M. le président. - Ainsi, la discussion de ce projet est définitivement remise sans désignation de jour.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande que la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement. J'indiquerai les amendements auxquels je pourrai me rallier.
M. le président. - En ce cas, la discussion est ouverte sur le projet du gouvernement.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Les loteries sont prohibées. »
- Adopté.
« Art. 2. Sont réputées loteries toutes opérations, sous quelque forme que ce soit, destinées à procurer un gain par la voie du sort. »
- Adopté.
« Art. 3. Les peines portées en l'article 410 du Code pénal seront appliquées aux auteurs, entrepreneurs, administrateurs, préposés ou agents des loteries belges ou étrangères.
« Néanmoins, s'il s'agit de loteries d'immeubles, la confiscation prononcée par ledit article sera remplacée, à l'égard du propriétaire de l'immeuble mis en loterie, par une amende, qui pourra s'élever jusqu'à la valeur estimative de cet immeuble. »
- Adopté.
« Art. 4. Ceux qui auront placé, colporté ou distribué des billets de loteries prohibées, ceux qui, par des avis, annonces, affiches, ou partout autre moyen de publication, auront fait connaître l'existence de ces loteries ou facilité l'émission de leurs billets, seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de 100 à 2,000 francs.
« Dans tous les cas, seront saisis et confisqués lesdits billets ainsi que les écrits imprimés ou non, contenant lesdits avis ou annonces, ou formant lesdites affiches ; ils seront mis sous le pilon. »
La section centrale propose de rédiger le dernier paragraphe de la manière suivante :
« Dans tous les cas, lesdits billets ainsi que lesdits écrits, imprimés ou non, contenant lesdits avis ou annonces, ou formant lesdites affiches, seront saisis, confisqués et anéantis. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à ce changement de rédaction.
M. Allard. - Messieurs, je comprends, lorsque des objets mis en loterie sont confisqués, qu'on anéantisse les billets ; mais lorsqu'ils ne peuvent pas être confisqués, pour quoi anéantir les billets ? C'est faire les affaires des entrepreneurs.
On peut très bien vendre et distribuer dans ce pays des billets des loteries étrangères. Je sais que pour la loterie des lingots d'or des individus ont fait dans ce pays un commerce considérable de billets.
Si l'on avait anéanti ces billets, on aurait fait les affaires de la loterie.
Il me semble qu'il vaudrait mieux en cas pareil que les billets fussent donnés aux bureaux de bienfaisance et aux hospices du lieu où ils seraient saisis, et qui profiteraient du produit, le cas échéant.
Je connais des conducteurs de diligence qui apportaient chaque jour dans le pays pour quelques milliers de francs de billets de la loterie des lingots d'or. Eh bien, si l'on avait saisi ces billets, en les détruisant on aurait fait les affaires de la loterie.
Je demande que l'article soit modifié dans le sens des observations que je viens de présenter.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis pas me rendre aux observations de l'honorable M. Allard. Si le cas dont il parle se présente, on sévira contre les introducteurs des billets ; ils seront condamnés personnellement, et, en outre, les billets seront confisqués et anéantis ; ils seraient ainsi punis de deux manières. Nous n'avons pas à nous occuper du point de savoir si cela fera les affaires de la loterie existant en pays étranger, si, par exemple, cela aurait fait les affaires de la loterie des lingots d'or. C'est une question qui nous est complètement étrangère ; nous n'avons qu'à voir si quelqu'un a introduit des billets en Belgique : nous sévissons et nous saisissons les objets qui forment en quelque sorte le corps du délit.
M. Cools. - Je soumettrai à M. le ministre celle idée-ci : ne pourrait-on pas dire que les billets seront confisqués au profit du fisc ? Puisqu'il est évident qu'on a fait une opération dont on espérait tirer profit, il me semble qu'il y a des personnes tenues de leurs actes et que le fisc pourrait en profiter.
La propriété des billets pourrait lui être dévolue, au même titre qu'il a celle des objets perdus ou abandonnés.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le fisc belge ne peut pas jouer à la loterie ; nous ne pouvons pas, en même temps, proscrire les loteries et nous exposer à des procès avec des entrepreneurs de loterie qui refuseraient certainement de délivrer les lots gagnants aux billets confisqués par une puissance étrangère.
- L'article est mis aux voix et adopté avec le changement de rédaction proposé par la section centrale.
« Art. 5. Après une première condamnation, les peines d'emprisonnement et d'amende comminées par les articles précédents, pourront être élevées jusqu'au double du maximum. »
La section centrale propose de substituer le mot « établies » au mot « comminées ».
M. le ministre de la justice déclare se rallier à ce changement de rédaction.
L'article est adopté.
« Art. 6. Dans tous les cas où la présente loi prononce la peine d'emprisonnement ou l'amende, les tribunaux de police correctionnelle, si les circonstances sont atténuantes, sont autorisés à réduire l'emprisonnement au-dessous de six jours et l'amende au-dessous de 10 francs, et même à substituer l'amende à l'emprisonnement. Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'en aucun cas, elles puissent être au dessous des peins de simple police. »
- Adopté.
(page 176) « Art. 7. Sont exceptées des dispositions de la présente loi, les loteries exclusivement destinées à des actes de piété ou de bienfaisance, à l'encouragement de l'industrie ou des arts, ou à tout autre but d'utilité publique, lorsqu'elles auront été autorisées :
« Par le collège des bourgmestre et échevins, si l'émission des billets n'est faite et annoncée que dans la commune, et n'est publiée que dans les journaux qui s'y impriment ;
« Par la députalion permanente du conseil provincial, si l'émission des billets est faite et annoncée dans différentes communes de la province ou publiée dans des journaux qui s'y impriment ;
« Par le gouvernement, si l'émission des billets est faite et annoncée ou publiée dans plus d'une province.
« Sont également exceptées les opérations financières des puissances étrangères, faites avec primes ou remboursables par la voie du sort, lorsque la cote officielle en aura été autorisée par le gouvernement. »
La section centrale propose de rédiger cet article de la manière suivante :
« § 1er. Sont exceptées des dispositions de la présente loi, les loteries exclusivement destinées à des actes de piété ou de bienfaisance, à l'encouragement de l'agriculture, de l'industrie on des arts, ou à tout autre but d'utilité publique, lorsqu'elles auront été autorisées. »
Paragraphe 2, 3 et 4, comme au projet.
« Paragraphe 5. Sont également exceptées les opérations financières des puissances étrangères, ainsi que celles des provinces et communes, faites avec primes ou remboursables par la voie du sort, lorsque la cote officielle en aura été autorisée par le gouvernement. Il en sera de même des opérations des sociétés anonymes ou tontinières faisant accessoirement des remboursements avec primes par la voie du sort. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, le premier amendement de la section centrale consiste à ajouter le mot « agriculture » au mot « industrie ». Le gouvernement a entendu donner dans l'article 7, au mot « industrie » un sens très large, s'appliquant à la fois et à l'agriculture et à l'industrie et au commerce. Si l'on ajoutait le mot « agriculture », il faudrait ajouter le mot « commerce ». Mais ces additions me semblent inutiles, après la déclaration que je viens de faire.
Le second amendement consiste à ajouter les mots : » ainsi que celles des provinces et des communes » dans la première partie du dernier paragraphe. Je me rallie à cet amendement dont la pensée était, du reste, déposée dans cette expression générale « ou à tout autre but d'utilité publique « qui se trouve dans le premier paragraphe. Mais puisqu'on désire que cela soit spécifié, je ne m'y oppose pas. Je me réserve de modifier la lédaction au second vote.
Quant au troisième amendement, je demanderai que la discussion n'en ait pas lieu aujourd'hui. Cet amendement a principalement pour objet de donner au gouvernement le droit d'autoriser certaines opérations financières des sociétés anonymes dont le caractère aléatoire tient de la loterie ainsi que des remboursements de certaines actions avec primes. Les sociétés anonymes rentrent plus spécialement dans les attributions de mon collègue du département des affaires étrangères ; l'étude de cette question se fait en ce moment dans ce département.
M. Bruneau, rapporteur. - Messieurs, dès qu'il est entendu que les opérations qui concernent l'agriculture et le commerce sont compris et dans le mot générique « industrie », le vœu de la section centrale est rempli.
Quant à l'amendement relatif aux sociétés anonymes, le but de la section centrale n'a pas été d'autoriser, même accessoirement, des loteries au profit de sociétés anonymes ; elle a voulu excepter seulement de la prohibition de la loi celles de ces sociétés dont les statuts prescriraient des répartitions avec primes d'une manière accessoire ; elle n'a pas vu d'inconvénient à admettre cette exception, puisque les sociétés anonymes auxquelles elles seraient appliquées ne pouvant exister sans l'autorisation du gouvernement, celui-ci n'approuverait pas des statuts dans le but d'établir une véritable loterie, contrairement aux prescriptions de la loi.
Je puis citer, par exemple, la société anonyme des Galeries Saint-Hubert, à Bruxelles, qui se trouve dans le cas, auquel la section centrale a voulu pourvoir. La section centrale a voulu que des sociétés établies sur des bases analogues ne fussent pas interdites par ha loi d'une manière absolue.
Au reste, je ne m'oppose pas à ce que, conformément à la demande faite par M. le ministre de la justice, la discussion de l'amendement soit remise à un autre jour.
- L'ajournement de la discussion de l'amendement est mis aux voix et adopté.
L'article 7 avec l'adjonction des mots ; « ainsi que celles des provinces et des communes », dans la première partie du dernier paragraphe, est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. L'exception prévue par l'article précédent cesse d'avoir ses effets, si les loteries s'étendent au-delà des limites pour lesquelles elles ont été autorisées.
« Les coupables seront punis, selon le cas, des peines prévues par les articles 3 ou 4 de la présente loi. »
M. Orts. - Je crois que cet article doit être également l'objet d'un examen ultérieur, comme conséquence de la décision qui a été prise à l'égard de la disposition précédente. Si, par exemple, une province ou une commune sortait des limites déterminées, je voudrais savoir qui serait condamné à l'emprisonnement comme représentant de la province ou de la commune.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La province ni la commune ne peuvent sortir des limites qui leur sont imposées.
M. Bruneau, rapporteur. - Si l'honorable M. Orts fait allusion à l'autorisation que les provinces ou les communes pourront accorder, en vertu de la loi, il est évident que ce ne sont pas leurs chefs qui seront punis, mais ceux qui, ayant obtenu l'autorisation de l'autorité provincil'e ou communale, seront sortis des limites de la province ou de la commune dans laquelle l'autorisation aura été accordée.
Maintenant s'il s'agit d'une autre opération, d'un emprunt, par exemple, eh bien, les villes et les provinces ne peuvent pas contracter sans l'autorisation du gouvernement.
M. Orts. - Mais si les provinces ou les communes sortent des conditions ?
M. Bruneau, rapporteur. - C'est l'affaire de l'administration ; il est évident que le gouvernement empêchera que les provinces ou les communes ne permettent l'émission de billets de loterie dans une province ou une commune étrangère. Autant vaudrait demander ce que ferait le gouvernement si un gouverneur, par exemple, n'exécutait pas un ordre qu'il aurait reçu.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas réellement où est la difficulté soulevée par l'honorable M. Orts. Ou bien on se conformera aux conditions attachées à l'autorisation que la loi permet d'accorder aux provinces et aux communes ou bien on ne s'y conformera pas ; si l'on s'y conforme, tout est régulier ; si l'on ne s'y conforme pas, ce n'est évidemment pas la province ou la commune, corps moral, qui pourra être punie. Les poursuites seraient dirigées contre les auteurs du délit ; contre ceux qui auraient dépassé les limites de l'autorisation qui a été donnée.
M. Orts. - Je demande à M. le ministre ce qu'il ferait dans cette hypothèse, si un emprunt était autorisé de la part d'une province, d'une commune, par le gouvernement, à certaines conditions.
L'autorité provinciale, la députation permanente et le gouverneur ou le conseil communal, le collège échcvinal et le bourgmestre se trompent dans l'appréciation des conditions et les excèdent ; l'autorisation est évidemment nulle ; quels sont les agents que vous poursuivrez ? Sera-ce la majorité ou l'ensemble du corps moral ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). -Si la représentation de la province ou de la commune n'ont fait que se tromper, l'autorité administrative seule interviendra, elle annulera la décision prise ; si, au contraire, les membres de la députation permanente ou les conseillers communaux avaient agi sciemment, si, en connaissance de cause, ils avaient dépassé les limites de l'autorisation qui leur a été donnée, c'est le pouvoir judiciaire qui devrait intervenir et prononcer une peine contre les auteurs du délit.
- Adopté.
M. le président. - Nous avons maintenant la relâche à Cowes ; mais M. Loos, rapporteur, n'est pas présent.
Nous aurons pour la séance de lundi le deuxième vote du projet de loi concernant la détention préventive.
M. David. - Le rapport sur l'expropriation forcée qui nous a été distribué est très étendu, ce ne serait pas trop de nous donner la journée du lundi pour l'examiner.
L'ordre du jour de lundi ne nous occuperait que quelques minutes. Je demande qu'on fixe la prochaine séance à mardi à 2 heures.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 3 heures et quart.