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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 28 août 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 2087) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« La dame Higny demande une loi sur la contrainte par corps, et prie la chambre d'examiner s'il n'y aurait pas lieu d'obliger les créanciers à augmenter la pension qu'ils sont tenus de payer à leurs débiteurs détenus pour dettes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques propriétaires des ardoisières de Laviot, de Hour et d'Alle et les administrations communales d'Aile, Grosfays, Oisy, Chairière et Vresse demandent un embranchement de la route de Bouillon à Alle. »

- Renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'exécution des travaux publics.


M. de Denterghem obligé de s'absenter demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d’utilité publique

Discussion des articles

Paragraphe III. Travaux à exécuter par l'Etat, soit directement, soit avec le concours des provinces, des communes ou des particuliers

Article 7, paragraphe 13

La discussion s'établit sur le n°12° (devenu le n°13°). « Travaux d'amélioration à la Dendre : fr. 500,000. »

M. Delescluse propose de porter ce chiffre à 2,500,000 ; M. Jouret, à 1 million, et M. de Steenhault, à 750,000 francs.

M. Van Cleemputte. - Messieurs, si je croyais que l'amendement proposé par l'honorable M. Delescluse pût avoir des chances d'être accepté par la chambre, je l'appuierais ; mais, après l'avoir vu repousser par le gouvernement et par la section centrale, qui avait adopté d'abord le chiffre de 2 millions et demi, je cois qu'il serait inutile d'insister.

A défaut de l'amendement de l'honorable M. Delescluse, je viens appuyer celui proposé par l'honorable M. Jouret, qui consiste à porter à un million le crédit demandé pour les travaux à exécuter à la Dendre. Cette majoration, messieurs, n'a rien d'excessif, et il me paraît que la chambre et le gouvernement ne peuvent s'y opposer raisonnablement.

Messieurs, quand on se rend compte, d'un côté, à quel point la navigation est incomplète sur la Dendre, quand d'un autre côté on considère les dommages causés, presque chaque année, par les inondations, on ne peut nier que la somme d'un demi-million qui vous est proposée ne soit insuffisante, et que l'intérêt général et l'équité exigent que cette somme soit majorée. Une seule considération suffira, messieurs, pour vous le démontrer ; c'est que les dommages qui résultent des inondations presque annuelles de la Dendre se montent fréquemment à une somme bien supérieure à celle que le gouvernement propose pour empêcher ces inondations.

Cette considération, messieurs, me paraît assez puissante pour me faire espérer que la chambre se ralliera à la proposition qui lui a été faite par l'honorable M. Jouret.

Messieurs, il y a un motif spécial qui m'engage à appuyer l'amendement de l'honorable M. Jouret et à combattre celui de l'honorable M. de Steenhautl. C'est que 750 mille francs seraient insuffisants pour atteindre le but que l'honorable M. de Steenhault se propose ; tandis que, si je suis bien renseigné, une somme d'un million pourrait suffire. En effet, messieurs, j'ai entendu dire bien souvent par des hommes spéciaux, qui ont étudié avec soin le cours de la Dendre qu'avec une somme d'un million on pourrait exécuter tous les travaux exigés pour améliorer la navigation, et ceux nécessaires pour parer aux inondations qui ravagent presque chaque année les bords de cette rivière.

J'ai dit.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Le gouvernement ne peut se rallier à l'amendement proposé ; il se contente du crédit de 500 mille francs proposé par la section centrale, et grâce à ce crédit, il sera possible de substituer sur la Dendre une navigation permanente à une navigation intermittente ; il sera aussi possible, à l'aide de ce crédit de 500mille francs, d'assurer aux eaux un écoulement plus facile et plus prompt. Augmenter le crédit, ce serait en quelque sorte préjuger dès à présent la question extrêmement importante de la canalisation de la Dendre. Or, la chambre sait deja, par les pétitions qui lui ont été (page 2088) adressées à cet épard, qu'il existe un dissentiment, un désaccord, entre ceux qui préconisent le canal latéral et ceux qui voudraient substituer la canalisation même de la Dendre.

En ce moment, le gouvernement a envoyé à l'enquête un projet qui consiste à établir un canal à Ath, sauf à le compléter, s'il y a lieu, par la canalisation de la Dendre.

Dans cet état de choses, il est certain, incontestable que le crédit de 500,000 francs demandé par la section centrale, crédit auquel se rallie le gouvernement, sera suffisant.

M. de Steenhault. - J'admettrai bien volontiers avec M. le ministre des travaux publics que la somme de 500 mille francs suffira pour apporter quelques améliorations au régime de la Dendre, quant à la navigation, mais je ne pense pas qu'avec ces 500 mille fr. il soit possible de faire des travaux qui puissent obvier aux inondations. Comme je l'ai dit hier, les variations successives dans le débouché des barrages suffisent à elles seules pour expliquer les inondations qui si souvent ravagent les bords de cette rivière, et je doute que ces travaux soient compris au nombre de ceux que M. le ministre des travaux publics compte faire exécuter avec les 500 mille francs.

Je persiste donc à demander le chiffre de 750,000 fr. qui certainement n'implique rien et qui, sous tous les rapports, est encore en dessous de ce qu'il faudrait pour faire des travaux complets. Je pense donc que l'on n'exécutera avec cette somme que des travaux indispensables, et que les intérêts qui se rattachent à cette voie navigable sont certainement assez considérables pour qu'on y ait égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je répondrai par un mot aux observations présentées par l'honorable préopinant. C'est que je tiens en main un document émané d'hommes compétents, d'ingénieurs, dans lequel je trouve : « Il est possible d'obtenir, grâce à ce crédit de 500 mille francs, le résultat suivant : Remplacer entre Ath et Alost la navigation intermittente par une navigation régulière et permanente, et assurer aux eaux un écoulement plus facile et plus prompt. »

- Les chiffres de 2,500,000 francs (proposé par M. Delescluse), de 1,000,000 de fr. (proposé par M. Jouret) et de 750,000 fr. (proposé par M. de Steenhault), sont successivement mis aux voix et rejetés.

Le n°13° est adopté avec le chiffre de 500,000 fr.

Article 7, paragraphe 11

« Paragraphe 10, devenu paragraphe 11 : « Extension du matériel de l'exploitation du chemin de fer de l'Etat et doubllment des voies : fr. 1,000,000. »

M. Rolin propose l'amendement suivant :

« Travaux au chemin de fer de l'Etat, pour l'exécution de stations, hangars, remises à locomotives, loges de gardes, doubles voies et extension du matériel de l'exploitation : fr. 5,000,000. »

M. Rolin. - Messieurs, je prie la chambre de m'écouter avec autant d'attention et de bienveillance qu'elle a bien voulu m'en montrer dans la discussion générale. Je ne dirai rien, la chambre le sait, dont je ne sois profondément convaincu, je ne dirai rien qu'il ne me paraisse absolument nécessaire de dire.

Le gouvernement demande un million pour l'entretien du matériel de l'exploitation du chemin et doublement des voies.

L'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer propose de porter le crédit à 5 millions au lieu d'un, et j'en ai rédigé le libellé dans les termes suivants :

« Travaux au chemin de fer de l'Etat pour l'exécution des stations, hangars, remises à locomotives, loges de gardes, doubles voies et extension du matériel d'exploitation. »

Je maintiens le chiffre et je propose d'ajouter au libellé : « achèvement des lignes télégraphiques. »

Je viens offrir à la chambre l'occasion de faire éclater au grand jour ce qui, du reste, ne saurait être douteux pour personne, que nul d'entre vous, dans les votes qu'il a émis sur le projet de loi en discussion, n'a été dominé par des intérêts locaux ; le chemin de fer de l'Etat n'est la localité de personne ; je demande qu'il soit traité comme la localité de tout le monde.

J'ai été peu étonné, pour ma part, que le gouvernement n'ait demandé pour le chemin de fer qu'un seul million ; et je n'ai pas le courage de lui en faire un reproche.

Poussé par le désir d'ouvrir des sources nouvelles de travail et de prospérité, en vue de parer aux éventualités menaçantes de 1852, dominé par l'impérieuse nécessité d'équilibrer jusqu'à un certain point entre les diverses parties du pays, la distribution de ses largesses, il a été tout naturellement entraîné à demander un nombre de millions assez respectable et il a pu croire que la chambre serait effrayée par des dépenses aussi considérables. A mon avis, on le serait à moins.

Cependant il a dû se convaincre que ce n'est que le premier pas qui coûte, et que la chose en définitive a marché plus aisément qu'il n'aurait osé l'espérer. La majorité se plaçant au même point de vue que le gouvernement, loin de reculer devant le vote de telle ou telle dépense qui était la condition ou la justification de telle autre, n'a pas hésité à voter des augmentations de crédits, ou même des crédits entièrement nouveaux partout où elle a cru voir un oubli à réparer ou un équilibre imparfait à rétablir.

J'espère qu'il en sera encore de même aujourd'hui. Si je parviens à démontrer que les travaux auxquels les cinq millions seraient consacrés sont non seulement d'une incontestable utilité, mais d'une urgence qui n'admet pas d'ajournement, que parmi tous les travaux décrétés, il n'en est pas un seul qui soit aussi propre à assurer un travail varié à de nombreuses classes de travailleurs, à venir au secours de différentes industries que de nouveaux troubles ne manqueraient pas d'atteindre plus certainement et plus durement et plus sûrement que beaucoup d'autres.

Si je parviens enfin à démontrer que l'augmentation de 4 millions d'emprunt, que l'adoption de mon amendement pourrait rendre nécessaire, ne nécessiterait aucune création de ressources nouvelles, pour en couvrir l'intérêt et l'amortissement.

Le point de départ de cette démonstration est dans le projet de loi qui a été présenté aux chambres, le 23 février 1848.

L'honorable ministre des finances était alors à la tête du département des travaux publics, c'est lui qui a constaté alors les besoins du chemin de fer ; c'est grâce à lui que 25 millions ont été demandés pour son achèvement.

Sept millions seulement ont été votés depuis cette époque. Reste 18 millions de travaux dont la nécessité a été reconnue par l'honorable ministre des finances alors ministre des travaux publics. Comment se fait-il qu'il ne demande que la dix-huitième partie de cette somme ? Mon amendement ne vous en demande guère plus que le quart.

Examinons successivement les divers travaux qui réclament, à mes yeux, une prompte exécution, en commençant par ceux dont l'exécution présente le moins d'urgence relative, mais dont l'urgence réelle n'est pas moins certaine, incontestable. Je veux parler des bâtiments de stations dont j'ai déjà touché quelques mots dans la discussion générale.

L'honorable ministre des finances, en me répondant, a dit que lui aussi attachait un haut prix aux monuments de l'art, mais qu'il était néanmoins d'avis qu'avant de se livrer à des dépenses de cette nature, il fallait faire toutes les dépenses d'une utilité réelle, productive. Je partage jusqu'à un certain degré cette conviction ; mais il ne faut pas outrer le principe ; il ne faut pas l'appliquer surtout à des travaux aux trois quarts achevés A ce prix, la station du nord pourrait attendre son achèvement jusqu'à la consommation des siècles. Car ce ne seront pas les générations prochaines qui verront arriver le terme de la possibilité de créer des travaux utiles.

Non, l'on ne peut pas raisonner ainsi d'une manière absolue ; et ce n'est pas ainsi que le gouvernement raisonne, lorsqu'il vous a demandé, lorsqu'il vous demande aujourd'hui encore des crédits très importants, pour des constructions entreprises en grande partie en vue de l'art, dans une des principales villes du royaume.

Au surplus qu'est-ce donc que je demande ? Sont-ce des merveilles de l'art, des stations monumentales ? Non, je demande qu'on fasse des constructions convenables et décentes, dans les localités où le besoin s'en fait le plus rigoureusement sentir.

Pour ne pas parler de la station inachevée du Nord, quel aspect présente, à Bruxelles même, la station du Midi ? Quel aspect présentent Namur, Charleroy, Liége, Anvers, Anvers qui ne cesse de réclamer et de réclamer à bon droit, contre l'injustice dont elle souffre depuis tant d'années ? Que dirai-je d'une foule de stations secondaires, de Chênée, de Pepinster, de Dolhain, de Deynze, de Courtray, de tant d'autres ? Que dirai-je de l'aspect honteux et indignement délabré que présentent aux étrangers les deux stations frontières de Quiévrain et de Mouscron ? C'est à peine si les voyageurs y trouvent un abri.

Mais supposons pour un instant que tout cela puisse être considéré comme étant d'une utilité secondaire.

En dira-t-on autant des hangars, des remises à locomotives, des magasins, des loges de gardes ? Vous le savez, messieurs, dans presque toutes nos stations, des bâtiments de cette nature manquent absolument. Les voitures sont exposées à toutes les intempéries de l'air. Qu'il fasse soleil, qu'il fasse pluie, c'est un dommage certain pour l'exploitation. Les magasins, si nous en avions, permettraient de donner de grandes facilités au commerce. Ils produiraient immédiatement un revenu important ; cela est tout à fait incontestable.

Voilà, messieurs, quant aux bâtiments.

Le gouvernement demande un million pour doublement des voies et extension du matériel. Mais je vous le demande, qu'est-ce qu'un million pour satisfaire à de tels besoins ? On a comparé la situation du chemin de fer belge à celle des chemins de fer étrangers, et on a dit que le matériel est proportionnellement beaucoup plus considérable chez nous qu'ailleurs.

J'accepte la comparaison. Le chemin de fer du Nord a plus de 200 locomotives ; le chemin de fer belge, avec ses bifurcations et ses embranchements, n'en a pas plus de 170.

Nous avons plus de waggons, à la vérité, mais aussi les besoins de notre exploitation sont bien autrement grands et surtout bien autrement irréguliers.

En France les transports se font assez généralement à de grandes distances ; en Belgique au contraire ils sont très fractionnés et se font à des distances très rapprochées.

Chez nous, bien plus qu'en France, le transport des marchandises a de vives et de mortes saisons.

En hiver, le département est assiégé de plaintes à cause de l'insuffisance du matériel. Cela est arrivé même pendant l'hiver dernier qui, comme on le sait, a été fort doux, et pendant lequel la navigation sur nos canaux et nos rivières n'a presque pas été interrompue.

Voulez-vous savoir, messieurs, à quelle nécessité l'administration se trouve alors réduite ? Elle impose au commerce les conditions les plus ridicules, les plus absurdes.

(page 2089) Le commerçant est averti qu'il ait a enlever endéans les six heures, sous peine d'amende, les marchandises arrivées à sa destination.

Qu'arrivera-t-il donc si vous avez un hiver long et rigoureux ?

Et remarquez, messieurs, que l'insuffisance du matériel coûte annuellement à l'Etat des sommes considérables par la location du matériel des compagnies.

Ce que nous avons eu à payer de ce chef en 1850 s'élève, toute compensation faite, à plus de 150,000 fr.

D'une autre part, la nécessité d'utiliser constamment les waggons en hiver, sans qu'on puisse songer à les entretenir convenablement, est une cause de détérioration prompte et ruineuse.

Voilà, quant au matériel.

Eh bien, messieurs, quelques locomotives nouvelles et une centaine de waggons seulement auront bien vite absorbé un million.

Ce n'est pas tout. J'invoque, à l'appui de ce que je vais dire, le témoignage de quelques membres de cette chambre ; si nous avions des waggons à mettre à la disposition du commerce, pour certains produits, tels que la chaux, nous attirerions à nous des transports très importants qui nous échappent.

Eh bien, pourquoi ne pas faire cette dépense si utile, si évidemment reproductive, si éminemment rémunératoire ?

Le gouvernement a reconnu la nécessité du doublement des voies, mais l'a-t-il reconnue dans une mesure suffisante ? Evidemment non. Je vous en fais juges. Nos chemins de fer sont encore à simple voie sur une étendue de plus de 140 kilomètres. Inutile de dire les conséquences fâcheuses qui en résultent pour l'exploitation, la difficulté des coïncidences, les précautions infinies commandées par l'intérêt de la sûreté, la nécessité de multiplier les convois au-delà des besoins.

Parmi les lignes où l'établissement de la double voie présente le plus d'urgence, je citerai Namur à Châtelineau, Gand à Deynze, Hansbeke à Aeltre, Bruges à Plasschendaele.

Pour compléter nos lignes télégraphiques, il suffit, dans la proportion de la dépense à laquelle ont donné lieu les lignes déjà effectuées, d'une somme de 150,000 fr. A ce prix, vous relierez à nos lignes télégraphiques Charleroy, Namur, Hasselt, Tournay, Courtray, Lille.... Or, c'est là une dépense éminemment reproductive. L'usage des communications du télégraphe pénètre petit à petit dans les habitudes du pays. Dès à présent, et je ne serai contredit par personne, le télégraphe rapporte, tous frais déduits, un intérêt de 10 à 15 p. c.

J'admets que les nouvelles lignes que vous établirez produiraient un intérêt beaucoup moins élevé, mais au moins produiraient-elles un intérêt suffisant pour couvrir les intérêts du capital qui serait consacré à leur établissement.

Supposez, messieurs, qu'au lieu de l'Etat exploitant, il s'agisse d'une compagnie particulière, qu'il s'agisse de vous-mêmes ; eh bien, avant de vous livrer à des spéculations nouvelles, reculeriez-vous devant les plus durs sacrifices, hésiteriez-vous à grever vos biens, pour compléter votre établissement industriel ? Eh bien, l'Etat qui exploite le chemin de fer n'est, en fin de compte, qu'un industriel. Qu'il agisse donc comme un industriel habile et intelligent, sans reculer devant les sacrifices que lui dicte son intérêt, et que lui impose d'ailleurs sa mission sociale de satisfaire, dans toute la mesure de ses forces, à tous les besoins du commerce et de l'industrie.

Et remarquez, messieurs, que parmi tous les travaux que la chambre a votés jusqu'ici, je défie d'en trouver un seul qui soit aussi propre à parer aux éventualités de 1852.

Cherchez dans tous ces millions, et vous ne trouverez pas une obole à dépenser en 1852, si ce n'est pour expropriations de terrain et travaux de terrassement.

Or, ne serait-il pas extrêmement utile, ne serait-il pas de la prudence la plus simple d'accorder au gouvernement des ressources pour le mettre en état de satisfaire par un travail varié à des besoins variés ? Si des troubles éclatent, n'est-il pas certain que l'industrie du bâtiment, par exemple, serait une des premières atteintes ? Souvenez-vous de 1848 ; souvenez-vous de la détresse des pays de production du fer, des pays de carrières, des pays à chaux.

J'ajouterai que jamais on ne trouverait l'occasion d'exécuter ces travaux dans de meilleures conditions, car les événements de 1848 ont eu pour conséquence d'avilir le prix du fer et de la pierre dans une proportion considérable. Je n'en citerai qu'un exemple :

Dans la dernière adjudication des travaux d'art pour le canal de Schipdonck dont les devis avaient été calculés sur les prix les plus bas qu'on eût précédemment payés, on a obtenu un rabais de 100 mille fr.sur une estimation de 400 mille ; n'en doutez pas, le retour des mêmes causes produirait les mêmes effets.

Je prévois une objection ; peut-être s'étonnera-t-on qu'un représentant qui a critiqué l'excès des dépenses proposées, vienne en demander lui-même une augmentation. Je crois y avoir répondu d'avance dans la discussion générale. Je suis persuade que l'entraînement fiévreux qui agit en ce moment sur tous les esprits, sera suivi d'un très grand affaissement, et que, d'ici à très longtemps, il faudra bien du courage pour proposer des dépenses nouvelles et les ressources nécessaires pour les couvrir.

C'est donc le moment ou jamais de faire comprendre dans les libéralités du projet des travaux dont l'urgente nécessité est pour moi aussi claire que la lumière du jour, et qui, s'ils ont le malheur de n'intéresser personne en particulier, intéressent cependant la généralité du pays.

Du reste, je ne reculerai pas, au besoin, pour mon compte, devant la création de ressources nouvelles que le gouvernement croirait devoir proposer pour couvrir l’intérêt de cette augmentation de dépense. Mais je ne crains pas de dire que ces ressources seraient tout à fait superflues, parce que les travaux que je sollicite seraient immédiatement et éminemment reproductifs, rémunératoires.

J'ai déjà rappelé qu'en 1850, il a été payé au-delà de 130,000 francs pour location de matériel. Voila l'intérêt d'une somme de 2,600,000 fr.

En outre, les magasins que l'on créerait produiraient un revenu ;

On ferait une économie notable sur l'usure du matériel ;

On pourrait supprimer un convoi sur les parties de lignes que j'ai indiquées, et où la double voie serait établie ; ;

Enfin on retirerait un intérêt immédiat du capital qui serait consacré à l'achèvement des lignes télégraphiques.

Voilà, messieurs, les raisons qui m'ont fait un devoir impérieux de vous présenter mon amendement ; et dussé-je être seul à le voter, je le voterais, ne fût-ce que pour me mettre en règle avec ma conscience.

M. H. de Baillet. - Messieurs, permettez-moi de dire quelques mots à l'appui de l'amendement proposé par l'honorable M. Rolin. Il résulte des termes du rapport de la section centrale que le gouvernement est d'intention d'ajourner indéfiniment l'achèvement des chemins de fer de l'Etat et la construction des gares aux stations où il n'en existe pas encore, afin, dit-on, de maintenir l'emprunt dans les limites des voies et moyens.

Ainsi c'est bien d'un ajournement indéfini qu'il s'agit ; car admettre aujourd'hui les nouveaux travaux dont le projet nous est soumis, sans allouer en même temps une somme de quelque importance pour l'achèvement des anciens, c'est décider implicitement que ceux-ci continueront à demeurer sans exécution ; les premiers absorberont le produit des impôts que nous avons votés et au-delà, et, comme on l'a dit, d'ici à longtemps il faudra du courage pour demander de nouveaux crédits et proposer de nouvelles charges.

Ce serait donc renoncer pour nous-mêmes à la satisfaction de voir un jour achevé le grand œuvre du railway national et réserver éventuellement cet avantage à nos neveux.

L'état de choses contre lequel nous réclamons n'est rien moins qu'équitable à l'égard des diverses parties du pays. Quoi ! afin de ménager aux voyageurs de Bruxelles et de Gand quelque économie de temps, on accorde une nouvelle voie directe entre ces deux villes, qui jouissent déjà d'une ligne achevée et par privilège ont l'une et l'autre une station où le faste s'unit au confort, et on refuserait en même temps les moyens de construire sur d'autres points non moins importants les gares nécessaires pour mettre les passagers à l'abri des injures de l'air. Ce ne serait pas là de la justice distributive.

Je réclame généralement pour tous les points où le chemin de fer demeure inachevé et où n'existent pas encore les constructions qu'on s'est engagé à élever.

La province à laquelle j'appartiens n'a pas contribué à grossir considérablement la dépense de l'établissement du railway ; 6 lieues de voie ferrée environ, y compris l'embranchement sur Lierre, sans grands travaux d'art, voilà sa part ; part modeste sans contredit ; celle qu'elle fournit aux recettes du chemin de fer l'est beaucoup moins ; c'est peut-être là encore une considération qu'on peut faire valoir spécialement afin d'obtenir aux stations de Malines et d'Anvers la construction de gares.

Les voyageurs des différentes parties du pays qui descendent à nos stations, aussi bien que les habitants des localités mêmes ressentent journellement les inconvénients de l'absence de gares ; tous sont également exposés à devoir patauger à travers les pluies et les orages, dans la boue ou dans la neige, selon l'intempérie des saisons. Ce n'est donc pas exclusivement dans un intérêt de localité que je réclame.

La construction des bâtiments des stations serait un travail préférable à tout autre dans un moment de crise où dans les villes le travail aurait besoin d'alimentation. Il serait plus que tout autre efficace pour atteindre le but que le gouvernement se propose en vue des éventualités de 1852. C'est en premier lieu aux ouvriers constructeurs que le travail fait défaut.

Dans une autre enceinte, un ministre a reconnu que depuis plusieurs années le sol de la Belgique est déshonoré en quelque sorte par des travaux restés suspendus. Il appartient au gouvernement et à la chambre de faire cesser cet état de choses, en ce qui concerne le railway national. On le peut.

M. Lelièvre. - Je prends la confiance de rappeler à M. le ministre des travaux publics les observations que j'ai présentées dans la discussion générale relativement à l'état où se trouve la station de Namur. Celle-ci est dépourvue entièrement des locaux nécessaires pour les besoins du commerce. Un entrepôt de douanes est indispensable.

Il est impossible de se faire une idée des inconvénients que présente l'état actuel des choses, inconvénient qu'il est urgent de faire cesser en présence de la position nouvelle que doit prendre Namur par l'exécution des divers chemins de fer qui doivent y aboutir.

C'est donc là un objet important sur lequel j'appelle la sollicitude du gouvernement, dans l'intérêt de l'activité des relations commerciales et des besoins de l'industrie de la ville de Namur.

Dans l'intérêt même des voyageurs, notre cité a besoin d'une station plus convenable. Cet objet mérite l'attention particulière de M. le ministre des travaux publics. Les inconvénients que vient de décrire, avec (page 2090) tant d'exactitude l'honorable M. Rolin, existent surtout pour Namur, dont la position est de nature à être prise en considération de l'aveu de tous les hommes impartiaux.

Du reste, l'honorable M. Rolin, qui a signalé l'état déplorable de la station de Namur, a eu occasion de s'assurer par lui-même de la vérité des faits qu'il a avancés, et M. le ministre des travaux publics a pu également s'en convaincre. J'espère donc qu'il sera fait droit aux justes réclamations de la ville de Namur, et j'appuie l'amendement proposé par l'honorable député de Gand.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la chambre comprendra la réserve avec laquelle je rencontrerai les considérations que vient d'exposer l'honorable M. Rolin. Je ne nie certainement pas l'importance des travaux qu'il faudrait exécuter pour compléter l'établissement de notre railway, je ne conteste sous aucun rapport le caractère d'utilité incontestable de ces travaux, mais je prie les honorables membres de vouloir bien ne pas perdre de vue le véritable point en discussion, la portée de cette partie du projet qui doit être couverte par l'emprunt.

Quel est l'objet de cette partie du projet ? C'est l'exécution de travaux qui ont un irrécusable caractère d'urgence et sont destinés, soit à desservir les intérêts du commerce et de l'industrie, soit à prévenir les désastres causés par les inondations. Cette pensée a dominé les délibérations de la section centrale, à tel point qu'elle a cru devoir rattacher au budget de l'intérieur certains travaux qui figuraient dans le projet primitif, parce qu'on voulait rester dans les limites de l'emprunt de 26 millions. Cet emprunt étant donné et mis en rapport avec les ressources financières, fallait-il intercaler dans le projet l'achèvement du chemin de fer de l'Etat ? Le gouvernement ne l'a pas pensé ; il a estimé que s'il importait au plus haut degré de faire quelque chose pour l'extension du matériel roulant, la partie la plus productive du chemin de fer, il n'était guère possible de compléter en ce moment l'établissement du railway.

En 1848 (car c'est cette époque qu'on a prise pour point de départ), l'administration du chemin de fer dressait un tableau exact de tous les besoins de la situation. D'après ce tableau, la somme à dépenser pour compléter l'établissement du chemin de fer se montait au chiffre de 23,972,000 francs.

On voit figurer dans ce tableau dont je ne présente ici qu'une récapitulation générale :

Routes, constructions nouvelles, en chiffres ronds : fr. 1,740,000

Parachèvements de stations : fr. 11,250,000

Construction des doubles voies : fr. 5,780,000

Enfin matériel d'exploitation : fr. 5,200,000

Depuis cette époque, des crédits successifs se montant au chiffre de 7 millions ont été attribués au département des travaux publics, et ces crédits ont été affectés en grande partie à l'extension du matériel roulant.

Les lois des 5 août 1847, 21 avril 1848 et 24 mai 1848 ont successivement doté le chemin de fer de 600 waggons à marchandises, de 6 locomotives, etc.

Aujourd'hui l'administration reconnaît, et en cela elle a parfaitement raison, que l'insuffisance du matériel ne se constate que pendant une période qui ne dépasse pas quatre mois. Pendant quatre mois cette insuffisance est réelle. Or, le crédit sollicité est destiné à venir en aide à cette insuffisance.

Il n'est pas établi, du reste, que moyennant la répartition bien entendue du matériel, on ne puisse répondre aux besoins du service qui est confie au rôle d'agents dévoués et actifs.

Une autre considération que la chambre ne doit pas perdre de vue, car la responsabilité du gouvernement est engagée dans cette question, c'est que si l'insuffisance du matériel a existé pendant une certaine période de l'exercice dernier, c'est à raison de circonstances exceptionnelles. Je tiens en mains un rapport officiel, d'où il résulte que les transports en service, pendant l'année 1850, ont été extrêmement considérables. On le comprendra facilement, par le seul fait des désastres qui ont affligé plusieurs de nos provinces, l'année dernière.

Le nouveau mode de distribution et de fabrication du coke avait exigé journellement l'emploi de plus de 200 waggons.

Les inondations ont nécessité des travaux indispensables, dont l'urgence avait rendu nécessaire l'emploi d'un grand nombre de waggons affectés au transport des matériaux.

Pendant les neuf premiers mois de l'exercice 1849, le nombre des waggons employés au service avait été de 19,241, soit, en moyenne, 70 par jour.

Pendant la même période de 1850, il a été de 24,738, soit, par jour, 90. Il y a donc eu énormément de transports en service. Indépendamment de cette considération, il en est une autre qui fait honneur à l'administration du chemin de fer, c'est que chaque jour on utilise davantage le matériel ; par des combinaisons nouvelles, par des procédés nouveaux, on donne au malériel une valeur plus considérable : La moyenne des waggons employés par jour était en 1848, de 553 ; en 1849, de 610 ; en 1850, de 680. La journée la plus forte a été en 1848, de 678 ; en 1849, de 840 ; eEn 1850, de 1,076.

Les parcours et les charges avaient suivi également une progression ascendante plus forte que l'allumage des locomotives.

Le doublement de la voie reste à établir sur une longueur d'environ 140 kilomètres. Certainement le fait est incontestable ; mais aussi une partie du crédit d'un million doit être affectée à cet objet. On ne doit pas perdre de vue que les lignes télégraphiques rendent des services journaliers.

Quand on a présenté le projet de loi destiné à établir les lignes télégraphiques, on a surtout fait valoir ce motif qu'au point de vue du service d'exploitation l'établissement de ces lignes devait produire des effets certains.

Je suppose qu'un convoi parte de Bruxelles, et prenne à Braine-le-Comte un certain nombre de waggons chargés de marchandises.

Qu'arrivait-il avant l'établissement des lignes télégraphiques ? C'est que, dans beaucoup de cas, le service de l'exploitation était soumis à des entraves et à des frais inévitables. Ainsi, un convoi de marchandises partant de la station du Midi de Bruxelles était remorqué par deux locomotives, pourquoi ? Parce que le chef de station devait ignorer si à Braine, par exemple, il ne se trouvait un grand nombre de waggons chargés. Aujourd'hui, grâce au télégraphe, on peut à l'instant connaître les besoins du service et se régler d'après ses besoins.

Le crédit de 250 mille francs qui vous a été demandé pour l'établissement de lignes télégraphiques ne suffira point ; mais l'intention du gouvernement est formelle à cet égard, son intention est de demander à la législature le crédit de 150,000 francs qui sera nécessaire à l'établissement de lignes télégraphiques, on pourra le considérer comme crédit extraordinaire du budget des travaux publics. Il ne reste donc réellement que la question de l'achèvement des stations. Or, si la chambre entendait à cet égard répondre aux besoins constatés, il faudrait non pas un crédit de 3 ou de 4 millions, mais un crédit d'environ 10 millions et limité par les ressources financières qui sont mises à la disposition du gouvernement par l'emprunt de 26 millions, est-il possible de couvrir ces dépenses ? Voilà la question, voilà dans quels termes elle doit être posée et c'est donc à regret que le gouvernement ne peut se rallier à l'amendement proposé par l'honorable M. Rolin.

M. Loos. - Je viens appuyer l'amendement présenté par l'honorable M. Rolin et que, pour mon compte, j'avais produit déjà à la section centrale quoique sans succès.

On ne se rend pas bien compte, me paraît-il, des inconvénients pour le public, des pertes pour le trésor, qui résultent de l'insuffisance de locaux aux stations du chemin de fer. L'honorable ministre nous dit que le crédit d'un million qu'il sollicite parviendra à parer à l'insuffisance du matériel, mais il ne nous a pas dit la manière dont ce matériel serait conservé. Aujourd'hui dans la plupart de nos stations, le matériel est en plein air et je pose en fait qu'il se détériore beaucoup plus par le stationnement que par la circulation. En effet, voyez dans toutes les saisons, en été, c'est la chaleur, de temps en temps la pluie ; en hiver, c'est constamment du mauvais temps et tout le monde reconnaîtra, les ingénieurs sont de cet avis, que le matériel s'use beaucoup plus dans les stations que par la circulation. Vous allez encore ajouter un million à la somme très considérable que l'on a déjà affectée à la création du matériel et sans prévision de conservation pour l'avenir, sans garantir ce matériel contre l'intempérie des saisons qui abrégeait son existence d'une manière si importante.

On se préoccupe peut-être trop du luxe déployé dans l'exécution des quelques stations et l'on hésite ainsi à mettre à la disposition du gouvernement de nouveaux crédits pour l'achèvement de celles qui restent à faire.

Je ne suis pas partisan du luxe pour les stations, je le blâme, en général, je ne puis l'admettre que dans la capitale ; mais si toutes les villes quelque peu importantes du pays exigeaient des stations comme celle de Bruxelles, ce serait de la folie, et je serais le premier à protester pour qu'on ne fît pas de semblables dépenses.

Mais, s'il ne faut pas de luxe, il faut l'indispensable, et l'indispensable n'existe pas dans la plupart des stations.

Dans la station de la ville que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, il n'y a aucun bâtiment. Il n'y a qu'un bureau en planches et un local pour les marchandises. Les bagages sont délivrés aux voyageurs en plein air. S'il pleut, les voyageurs, qui doivent attendre, sont mouillés pendant une demi-heure, et leurs bagages sont détériorés.

Indépendamment de cela, il n'y a pas de voie convenable pour arriver à la station : il n'y a que la grande route d'Anvers à Turnhout. Là la circulation s'agglomère. Ce sont les marchandises du chemin de fer, les voyageurs, les uns qui partent, les autres qui arrivent, et de plus la circulation ordinaire de la route ; de sorte que, pour aller de la porte de la ville à la station, on met souvent une demi-heure, tant la voie est embarrassée, bien que la distance ne soit que de quelques minutes. Il n'y a pas de jour où, par suite de l'encombrement, des voyageurs ne se trouvent en retard et manquent le convoi.

Je dis donc que, dans l'intérêt du public et dans l'intérêt du chemin de fer, il ne faut pas différer davantage la construction des bâtiments qui manquent dans les stations. Ne pas voter le chiffre propose par l'honorable M. Rolin, c'est ajourner indéfiniment l'achèvement du chemin de fer.

M. Rodenbach. - Aux voix.

(page 2091) M. Loos. - Je prie l'honorable M. Rodenbaeh d'être un peu patient. Je ne serai pas aussi long qu'il a l'habitude de l'être.

Il y a des constructions indispensables à faire à un grand nombre de stations importantes. Si j'ai parlé de celle de la ville que je représente, c'est parce que je la connais mieux que d'autres. Mais il en est où des constructions ne sont pas moins indispensables. Je citerai notamment la station de Malines.

M. de Perceval. - C'est très vrai.

M. Loos. - A la station de Malines, il faut que les voyageurs qui viennent de l'ouest, qui vont d'Ostende à Cologne, traversent 100 mètres (souvent dans la pluie et dans la neige), pour passer d'un convoi à l'autre.

Je dis que c'est une honte pour notre pays qu'après 14 ans d'existence du chemin de fer, les stations restent dans l'état de délabrement où elles se trouvent. Pour ma part, j'ai plus d'une fois dû rougir en entendant l'appréciation sévère, mais juste en définitive, qu'en faisaient les étrangers arrivant en Belgique.

On dit qu'il faudrait dix millions. C'est pour cela que M. le ministre des travaux publics repousse l'augmentation de crédit proposée par l'honorable M. Rolin. Il ne veut pas de 5 millions, parce qu'il en faut 10. Mais il en est ainsi de tous les travaux que nous avons décrétés : le canal de Schipdonck, les travaux à la Dendre, à l'Escaut, peut-être à la Meuse, mais certainement aux autres rivières que je viens d'indiquer. Là les crédits n'ont pas été suffisants : on a voté la moitié, le tiers, même parfois le quart des sommes reconnues nécessaires.

Je demande que nous fassions quelque chose pour l'achèvement de notre chemin de fer, et je voterai pour l'amendement de l'honorable M. Rolin.

- L'amendement de M. Rolin est mis aux voix par appel nominal.

En voici le résultat :

73 membres répondent à l'appel nominal ;

34 votent pour l'amendement.

38 votent contre.

1 (M. Dumortier) s'abstient.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. De Steenhault, A. Dumon, Jacques, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Loos, Malou, Orban, Previnaire, Reyntjens, Rolin, C. Rousselle, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom, Vanlseghem, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Cans, Cools, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Royer et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, G. Dumont, Frère-Orban, Jouret, Lange, Lesoinne, Mascart, Mercier, Moreau, Peers, Pierre, Rodenbach, Rogier, Sinave, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, A. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Renynghe, Boulez, Bruneau, Clep, Cumont, Dautrebande, David, de Breyne, de Brouckere, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, Deliége et de Muelenaere.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Dumortier. - M. le président, je trouve que l'amendement de l'honorable M. Rolin est de la plus haute importance et que c'est une des meilleures manières possibles d'employer les fonds, puisqu'il s'agit de travaux d'utilité générale. Mais j'ai été retenu de voter pour cet amendement en présence de l'énormite des charges qu'entraînera la loi.

Article 7, paragraphe 13

MpVM. - Nous passons au 13° proposé par la section centrale :

« 13° Subsides aux provinces et aux communes pour l'amélioration de la Senne, de l'Yser et des Nèthes non reprises par l'Etat : fr. 600,000 fr. »

Un amendement a été déposé à ce numéro par MM. de Mérode-Westerloo et Coomans. Il est ainsi conçu :

« Diviser le n° 13° comme suit :

« 13° Subsides aux provinces et aux communes pour l'amélioration de la Senne et de l'Yser : fr. 300,000 fr.

« 14° Subsides à la province d'Anvers et aux communes riveraines pour l'amélioration des deux Nèthes, non reprises par l'Etat : fr. 300,000 fr. »

La parole est à M. de Mérode-Westerloo pour développer cet amendement.

M. de Mérode-Westerloo. - Je ne viens point, messieurs, user après tant d'autres du droit qu'a chacun des membres de cette assemblée de juger et de qualifier le projet de loi qui nous occupe en ce moment, comme tous ceux qui sont présentés par le gouvernement. Les motifs de mon abstention, lors du vote de l'impôt sur le débit de tabac, vous ont fait connaître quels sont les travaux que je considère comme urgents, c'est-à-dire comme primant tous les autres et pour lesquels j'aurais concouru à la création de nouveaux impôts, parce que ces dépenses-là intéressent la sécurité de notre territoire et par conséquent noire nationalité.

Maintenant, messieurs, je vous demande la permission d'attirer votre attention pendant quelques instants seulement, sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer, d'accord avec mon honorable collègue, M. Coomans. Il a pour but d'assurer à l'amélioration du cours des deux Nèthes une somme de 300,000 fr. de tout temps le régime des eaux a laissé à désirer en Campîne. Cela se conçoit du reste dans cette partie de notre pays si dépourvue de pente. Mais depuis plusieurs années cet état de choses déjà précaire s'est de beaucoup agravé, par suite des défrichements de terrains incultes situés à une certaine distance de ces rivières, où ils déchargent maintenant les eaux pluviales, que l'absence de pente et de moyens d'écoulement obligeaint à s'infiltrer lentement dans ce sol, lorsqu'il était perméable ou à demeurer à sa surface, en formant des petits marais, quand la nature du sous-sol refusait de les absorber. Les améliorations introduites dans la culture des terrains défrichés depuis longtemps et dans l'état de notre voirie vicinale ont aussi contribué à amener vers les Nethes et leurs affluents des masses d'eau beaucoup plus considérables. Le curage incomplet et très défectueux des rivières non reprises par l'Etat, en laissant leur lit s'élever insensiblement, n'a certes pas peu concouru à la réapparition si fréquente d'inondations, produites souvent par quelques jours de pluie à une saison de l'année où leur présence cause parfois des pertes, que l'on évalue, pour un seul débordement avant la récolte, à quatre fois la valeur des travaux demandés pour le creusement du lit de la plus considérable des deux Nèthes et pour la création de digues d'été. En évaluant la longueur totale de la vallée de cette rivière, depuis Lierre jusqu'à Oosterloo, à 30 mille mètres sur une largeur moyenne de 3 mille mètres, on obtient une surface de 15 mille hectares. La perte sur chacun d'eux, en cas d'inondation en été, peut s'élever à 50 fr., d'où il résulte un préjudice d'environ 750 mille francs pour une seule année.

La moyenne de la reproduction de ces inondations désastreuses peut être fixée à trois ans. Quand d'ailleurs on trouve, par un calcul bien simple, qu'une somme de 200 mille francs suffirait pour obvier en partie à ces catastrophes agricoles, on s'étonne, avec raison, que la main n'ait pas encore été mise à l'œuvre, soutenue par un subside de l'Etat. En effet, messieurs, il ne s'agit ici que de l'application d'un moyen préventif. Nous voulons conserver à l'agriculture le fruit de ses labeurs et de ses dépenses, et je déclare que la sollicitude du gouvernement devrait se tourner vers de semblables travaux, avant de nous en présenter d'autres, qui exigent des millions pour leur réalisation et dont les résultats sont encore fort problématiques.

Quatorze communes riveraines vous ont adressé des pétitions, afin que vous leur veniez en aide, pour prévenir cette cause de pertes d'autant plus sensibles, qu'elles se renouvellent à de courts intervalles.

Le dessèchement des marais entre Herenthals et Casterlé fournirait à l'agriculture un beau contingent, par le simple creusement de la petite Nèthe, qui parcourt maintenant sur cet espace de quasi-prairies humides et malsaines.

Ici, messieurs, viennent encore se joindre aux motifs que j'ai indiqués pour l'urgence de ces travaux, des raisons de salubrité publique. En effet, l'on peut facilement se rendre compte de l'abondance des miasmes qui doivent surgir de ces eaux stagnantes et de leur influence pernicieuse sur la santé des laborieux habitants de ces contrées.

Aussi ont-ils abandonné cette vallée, pour se retirer sur les collines environnantes. Qu'il me soit permis de rappeler ici, en terminant, l'opinion et le vœu d'un membre du conseil provincial d'Anvers, qui voudrait voir compléter les bons résultats qu'a produits pour l'agriculture la loi du 10 avril 1841 sur la voirie vicinale, par une loi analogue sur les cours d'eau, non repris par l'Etat.

« Un des principes fondamentaux de la loi du 10 avril 1841 est, que tous les habitants ayant droit de servir, et se servant effectivement des chemins vicinaux, tous doivent contribuer à leur entretien en proportion du degré d'utilité qu'ils en retirent. De même tous les propriétaires jouissent jusqu'à un certain point des avantages du bon entretien des cours d'eau. Les riverains sont loin d'en retirer seuls les bienfaits, et plus souvent qu'un chemin, une rivière occasionne plus de mal que de bien aux propriétés riveraines. Ce qui plus est, elle est souvent un véritable élément de destruclion de ces propriétés, tandis que d'autres profitent librement de ses effets fertilisants et bienfaisants. Rien n'empêcherait donc que les propriétaires d'une même commune fussent appelés à l'entretien de ces cours d'eau en proportion des avantages qu'ils en retirent. La loi, dont l'application sera peut-être un peu plus difficile, ne sera pas plus injuste que celle sur la voirie vicinale. D'ailleurs l'exception peut être maintenue comme dans cette dernière. »

Je pense, messieurs, que cet objet est assez grave pour attirer la sérieuse attention du gouvernement et, pour ma part, je ne puis que le convier à le prendre en considération.

Il trouverait la une nouvelle occasion de déployer le zèle dont il se dit animé pour l'industrie la plus intéressante et la plus répandue de notre pays.

M. le président. - Un second amendement a été présenté par MM. Thiefry, Van Renynghe, A. Vandenpeereboom, de Breyne, Clep et Loos. Il est ainsi conçu :

« 13° Subsides aux provinces et aux communes pour l'amélioration de la Senne, de l'Yser et des Nèthes non reprises par l'Etat ; fr. 800,000. »

- La parole est à M. Thiéfry pour développer cet amendement.

M. Thiéfry. - Parmi les travaux qui nous sont proposés, il faut ranger en première ligne ceux à exécuter pour éviter les inondations, parce que le premier devoir du gouvernement est de préserver les populations et les propriétés des desastres qui se renouvellent très souvent.

Il y avait donc lieu de s'étonner de ne voir aucune somme figurer au projet de loi pour prévenir les calamités dont beaucoup d'entre vous, (page 2082) messieurs, ont été témoins. C'est pour réparer cette omission que la deuxième section a demandé une « subvention puur aider aux travaux importants qui doivent être faits à la Senne, afin d'empêcher le retour si fréquent des inondations, »

Si les députés du Brabant ont profité de cette circonstance pour prier le gouvernement de prendre des mesures pour éviter des dommages qui ne peuvent être attribués qu'aux travaux exécutés par l'Etat, c'est uniquement parce qu'ils ont jugé le moment opportun pour faire droit aux plaintes des habitants qui demeurent près des rives de la Senne depuis Hal jusqu'à Vilvorde : car mes honorables collègues et moi n'avons pas attendu jusqu'aujourd'hui pour lui adresser cette réclamation.

Lors de la discussion du budget des travaux publics en 1850, alors qu'il ne s'agissait nullement du projet qui nous est soumis, nous avons appelé l'attention de M. le ministre sur les malheurs produits par ces inondations, et sur l'obligation de l'Etat d'exécuter les travaux nécessaires pour les prévenir. M. le ministre nous a répondu :

« En ce moment-ci, le gouvernement s'occupe encore des moyens qui seront jugés les plus propres à remédier aux désastres que les inondations pourraient causer à l'avenir. »

Vous voyez, messieurs, que déjà, à cette époque, le ministre reconnaissait que l'Elat devait intervenir. L'opinion du ministre, comme la mienne, était basée sur les conclusions d'un rapport fait, en 1839, par une commission qui a recherché les causes de ces désastres.

Pour vous convaincre des devoirs du gouvernement, je vous exposerai les faits en peu de mots.

Parmi les localités qui ont été le plus châtiées en 1850, on peut compter la vallée de la Sennette, la ville de Hal, la vallée de la Senne, le hameau de Cureghem, la commune de Molenbeek-Saint-Jean, la ville de Bruxelles et les environs de Vilvorde. Les communications ont été interrompues, les propriétés dévastées, les récoltes détruites, des quais renversés, des maisons ont eu en peu d'heures jusqu'à 7 pieds d'eau ; 400 personnes, tant de la ville que du dehors, se sont trouvées sans asile et ont été recueillies dans les hôpitaux de Bruxelles. Les pertes ont été immenses. Une calamité semblable avait aussi eu lieu en 1839.

La cause principale de ces inondations est due aux travaux exécutés ou repris par l'Etat. La Senne, en amont de Bruxelles, coule dans une vallée qui avait autrefois une largeur suffisante pour permettre aux eaux, lors des débordements, de s'étendre sur des prairies où elles ne causaient aucun dommage.

Aujourd'hui il n'en est plus de même ; la Senne est resserrée entre le canal de Charleroy et le chemin de fer du Midi. L'un et l'autre sont plus élevés que le niveau de la rivière. Ce sont, par conséquent, deux grands barrages qui retiennent les eaux dans un espace étroit.

Le pont-canal construit près de Hal forme un autre barrage qui produit aussi des débordements près de cette ville. De là vient, que quand les pluies sont fortes et continues, les eaux arrivent en aval en très grande abondance, et occasionnent des dégâts considérables.

Ces faits sont incontestables ; on peut donc dire avec raison, que c'est aux travaux exécutés par le gouvernement, que les populations que j'ai indiquées doivent les malheurs dont elles ont été victimes.

L'Etat est, en outre, également intéressé à faciliter l'écoulement des eaux de la Senne, puisque ses débordements l'obligent à des réparations très coûteuses au canal de Charleroy et au chemin de fer.

Mais il est un autre devoir du gouvernement, sur lequel j'appelle encore l'attention de la chambre. Il doit veiller avec équité aux intérêts de tous, et porter sa sollicilude sur cette classe nombreuse de la société, où le salaire du travail du chef de famille sert à nourrir une femme et des enfants. Lorsque l'on songe à dépenser des millions pour établir des voies de communication, pourrait-on oublier qu'il y a des travaux à exécuter, pour empêcher l'ouvrier d'être privé de travail pendant une ou plusieurs semaines ? Et savez-vous, messieurs, combien on a compté, en 1850, de ces pauvres malheureux sans ouvrage ? Les inondations de la Senne et de la Sennette en ont laissé 12 à 15,000 sans occupation pendant huit jours. C'est 96 à 120,000 journées d'ouvriers perdues !... Eh bien, je le demande, l'humanité n'exige-t-elle pas que nous venions à leur secours, pour prévenir le renouvellement de ces désastres ? Je fais ici un appel à tous ceux qui cherchent à améliorer le sort de la classe ouvrière, c'est-à-dire à tous les membres de cette chambre ; car nous avons tous les mêmes sentiments à cet égard.

Le sombre tableau que j'ai fait des inondations de la Senne peut être reproduit à l'égard des deux Nèthes et de l'Yser. Si les désastres ne sont pas dus aux mêmes causes, les effets n'en sont pas moins une calamité.

M. le ministre a compris qu'il était urgent d'éviter à l'avenir de semblables sinistres ; je le remercie de l'initiative qu'il a prise au sein de la section centrale, en proposant un crédit de 600,000 fr. pour 4 rivières.

Remarquez bien, messieurs, qu'il n'est nullement question de la propriété des cours d'eau non navigables ni flottables ; il s'agit uniquement d'un subside, et je dis que si uue rivière ne porte pas de bateaux, ce n'est pas une raison pour que le gouvernement ne cherche point à éviter de grands malheurs à une partie importante de la population. C'est une mesure d'utilité publique, à laquelle doivent prendre part le gouvernement des provinces et les communes.

MM. Coomans et de Mérode ont présenté un amendement qui semble avoir pour but de diviser l'allocatiou en parties égdes, et cela parce qu'il va 4 rivières ; il aurait cependant pour résultat d'accorder la moitié du crédit à la province d'Anvers seule, tandis que l'autre moitié devrait être partagée entre les provinces du Brabant et de la Flandre occidentale.

Eh bien, messieurs, cette répartition ne serait pas juste, il est même impossible que la chambre fixe avec équité le chiffre à allouer pour chaque ricière. En effet, il dépend du montant des dépenses nécessaires pour chacune d’elle, des ressources dont le sprovinces et les communes disposent, de la part contributive des riverains ; il fait enfin mettre en ligne de compte le tort à réparer par l’Etat, en raison des dommages occasionnés que les auteurs de l’amendement ne sauraient indiquer, et qui pourtant sont indispensables pour opérer une répartition équitable.

Ce qui a engagé les honorables membres à proposer la division du subside, c'est qu'ils sont convaincus, comme moi, de l'insuffisance de la somme portée au projet de loi. Les ouvrages à exécuter pour l'écoulement des eaux de la Senne coûteront déjà plus de 600 mille francs. D'après mes renseignements, les deux Nèthes et l'Yser exigeront au moins 12 à à 15 cent mille francs, ce sera une dépense de plus de 1,800,000 fr. Les communes et les provinces ne peuvent supporter une charge aussi lourde, ils ne le doivent pas, surtout, par les raisons que j'ai développées. Si donc l'Etat ne participe pas à cette dépense d'une manière plus efficace, les travaux resteront inachevés.

C'est pour obvier à ce grave inconvénient que je propose d'élever de 600,000 à 800,000 francs le subside à allouer pour les quatre rivières.

J'espère que cet amendement sera favorablement accueilli par le ministre et par la chambre ; il aura le mérile, s'il est adopté, de ne grever le trésor que bien faiblement.

On me demandera sans doute comment cette dépense sera payée ? Il y a pour cela deux moyens, ou majorer l'emprunt de 200,000 francs ou bien ajouter au projet de loi un article supplémentaire conçu dans les mêmes termes que l'article 11.Il serait formulé de la manière suivante :

« Art. 12. Il est alloué au département des travaux publics une somme de 200,000 francs à rattacher aux budgets de 1852 et 1853, pour subsides aux provinces et aux communes pour l'amélioration de la Senne, de l'Yser et de Nèthe non reprises par l'Etat, 200,000 francs. »

Ce dernier mode pourrait être suivi d'autant plus convenablement, que les travaux ne seront pas exécutés en une seule année, et qu'ils n'exigeront pas l'emploi immédiat des fonds alloués par le projet de loi qui nous occupe.

M. le président. - Voici un amendement de MM. Rodenbach et Dumortier :

« 13° Ajouter : de la Mandel. »

M. Rodenbach. - Messieurs, j'aurai peu de mots à dire. On demande pour les rivières la Senne, l'Yser et les deux Nèthes une somme de 800,000 fr. Mon honorable collègue, M. Dumortier, et moi nous demandons que la petite rivière la Mandel qui amène des inondations une ou deux fois chaque année et ruine les agriculteurs et les industriels riverains, soit ajoutée à la Senne, à l'Yser et aux deux Nèthes pour qu'elle puisse avoir part au subside.

Nous ne sommes pas exigeants ; nous demandons fort peu de chose. Il ne s'agit pas de quelques centaines de mille francs ; nous demandons seulement quelques milliers de francs pour que les riverains de cette petite rivière ne soient plus complètement ruinés.

Messieurs, j'étais absent, ou plutôt je n'ai pas été convoqué en section, lorsqu'il s'est agi de la Senne, de l'Yser et des deux Nèthes. Il paraît que, par oubli, la lettre de convocation ne m'avait pas été remise. J'ai fait une réclamation à M. le président ; il a reconnu que j'étais dans mon droit.

J'espère que maintenant la chambre me rendra justice en adoptant mon amendement.

M. Clep. - Messieurs, j'ai à me plaindre et du libellé et du chiffre minime du n°13 de l'article en discussion.

J'eusse désiré m'étendre sur ces deux griefs, mais j'apprécie l'impatience légitime de la chambre. Je serai bref, je dirai quelques mots seulement sur les pertes énormes occasionnées depuis quelques années par les inondations d'été de l'Yser et sur les moyens pour y obvier.

Je m'explique :

La rivière l'Yser, prend son origine près de Cassel, département du Nord en France. Elle entre en Belgique à une demi-lieue Ouest de Rousbrugge.

C'est de ce bourg seulement qu'elle devient navigable. Elle longe la ville de Dixmude et finit par se jeter à la mer à Nieuport par l'écluse dite d'Ypres.

Passé 30 ans, cette rivière avait un deuxième débouché à la mer par sa branche orientale. Mais ce deuxième débouché lui a été enlevé par un barrage imprudemment fait en 1821.

Antérieurement à 30 ans, les inondations d'été ne survenaient que très rarement, exceptionnellement et lors de pluies diluviennes prolongées. Mais depuis 1821 environ, elles sont devenues tellement fréquentes et nombreuses, qu'elles se répètent tous les trois ou quatre ans. La raison en est simple, depuis une trentaine d'années, il n'y a plus de terres incultes qui obstruent l'écoulement des eaux. La valeur des terres est considérablement augmentée, et elles sont mieux cultivées. Les rigoles, fossés, canaux et rivières sont partout plus souvent dévasés. Les eaux arrivent de la France surtout avec infiniment plus de rapidité (page 2093) qu'autrefois, et toutes ces circonstances réunies ont tellement facilité, activé les écoulements, que les eaux affluent et abondent dans l’Yser avec trois ou quatre fois plus de vitesse, et occasionnent par conséquent les débordements de l'Yser bien plus fréquemment qu'auparavant.

Une deuxième cause des inondations d'été et de leur prolongement, c'est le barrage sur la branche orientale de l'Yser, barrage fait par le gouvernement précédent à l'avantage exclusif du passage pour la grande navigation charbonnière sur le canal de Passchendaele par Nieuport sur la France.

Je ferai cependant remarquer que ces inondations d’été sont peut-être les plus considérables de la Belgique. Elles submergent plusieurs mille hectares des prés à foin du grand bassin ou de la grande vallée de l'Yser sur 5 1/2 lieues de longueur à l/2 et 1/4 de lieue de large, entre Dixmude et la frontière de France par Rousbrugge, et chacune occasionne des pertes de 100 à 500 mille francs, alors surtout qu'elles surviennent aux mois de mai, de juin ou de juillet.

A cette époque de l'été les herbes empêchent en grande partie les eaux de se retirer, l'eau doit sécher sur place, elle forme avec les herbes pourries une croûte infecte, insalubre, et bientôt l'apparence de cette riche récolte ne présente plus que l'aspect de la ruine et de la désolation.

Je ferai encore remarquer que le barrage dont il s'agit est devenu sans objet pour la grande navigation charbonnière, laquelle est demeurée dans la libre possession de tous les avantages que lui a procurés le barrage, au grand préjudice des écoulements de l'Yser.

Aussi le barrage a été levé, mais jusqu'à ce jour encore, la branche orientale de l'Yser est demeurée sans effet aucun, pour amoindrir les inondations d'été, ce, par l'envasement comble survenu à cette branche dans l'intervalle de son enlèvement.

Il est à espérer que ce dévasement se fera prochainement, et dès lors le débouché actuel de l'Yser par l'écluse d'Ypres (de 6 m 60 c d'ouverture seulement), pourra être augmenté de la grande écluse de chasse de 10 m 10 c d'ouverture et dont le radier est de 80 c plus bas que celui de l'écluse dite d'Ypres.

Tout cela pourra beaucoup, messieurs, mais tout cela est devenu aujourd'hui insuffisant, pour remédier efficacement aux inondations d'été.

Le laps de temps, les progrès de l'époque et surtout l'abondance des eaux qui arrivent de la France, exigent aujourd'hui pour remédier efficacement aux inondations d'été, qu'il faudra au débouché actuel par l'écluse d'Ypres, ajouter non seulement la grande écluse de chasse dont je viens de parler, mais ajouter encore un fort écoulement supplémentaire et nouveau, par le canal de Loo et la nouvelle écluse de Furnes à Nieuport de huit mètres d'ouverture et dont le radier est de 33 centimètres plus bas que le radier de l'écluse d'Ypres.

Afin d'obtenir cet écoulement nouveau et efficace, il y aura lieu d'exécuter différents travaux hydrauliques, et par une espèce de compensation ou sans le plus grand déni de justice, ainsi que je l'ai déjà expliqué, envers les propriétaires et cultivateurs de la grande vallée de l'Yser, le gouvernement ne peut plus se dispenser de faire exécuter ces travaux aux frais du trésor.

M. le ministre pourrait répondre, que la dépense de ces travaux incombe à la province, parce que l'administration de l'Yser n'a pas été reprise par l'Etat.

Mais cette objection serait toute spécieuse, ce serait se méprendre étrangement sur la valeur des mots, et en effet, messieurs, la province n'a que le nom, car de notoriété publique ce sont les agents des ponts et chaussées du gouvernement qui régissent exclusivement et totalement le régime des eaux et la navigation sur l'Yser : ce sont aussi eux, qui malgré une foule de réclamations, ont fait en 1821, sur la branche orientale, le barrage qui a occasionné des pertes immenses à la grande vailee de l'Yser. Je ne sache même pas que la province ait jamais eu un ingénieur en chef provincial.

Que l'administration de l'Yser soit à la province ou reprise par l'Etat, peu importe pour le grand nombre de propriétaires et cultivateurs du bassin de l'Yser. Les terres de cette grande vallée ont droit à la même protection que toutes les autres terres situées sur le sol belge.

Je ne dirai plus qu'un mot, messieurs, c'est que les inondations d'été sont devenues si nombreuses et si inquiétantes, que le sol de nos prés à foin commence à se détériorer. Il s'en ressent nuisiblement de l'une inondation jusqu'à l'autre, à tel point que la racine même des bonnes herbes menace de se pourrir, et que si les travaux réclamés sont encore retardés de quelques années, l'on ne verra bientôt plus que roseaux et herbes parasites nuisibles au bétail, une mare infecte et insalubre, de cette grande et belle vallée où l'on fauchait les plus abondantes et les plus riches recoltes.

Je finis, messieurs ; j'ai exposé la vérité des faits, et maintenant que le gouvernement est, je pense, mieux instruit, plus éclairé sur le sort déplorable du grand bassin de l'Yser, je me plais à croire que j'ai justifié notre amendement en ce qui concerne la rivière l'Yser, et j'ai espoir que la chambre et le gouvernement voudront bien l'adopter.

M. le président. - Avant de donner lecture d'un nouvel amendement qui vient d'être dépusé, je dois rappeler à la chambre que d'après sa décision d'hier, si nous ne terminons pas le projet dans cette séance, il y aura une séance du soir, parce que demain la chambre statuera sur les autres projets à l'ordre du jour et que samedi elle procédera au vote définitif du projet de loi sur les travaux publics.

Voici l'amendement qui vient d'être déposé par M. David :

« Pour le cas où l'amendement de MM. Dumortier et Rodenbach serait adopté, je demande qu'on ajoute aux rivières comprises dans l'article en discussion :

« 1° La Vesdre.

« 2° l'Amblève.

« 3° Le Wahay.

« 4° La Mehaigne.

« 5° La Bervine.

« 6° Le Geer.

« 7° Le Hoyoux.

« et que l'on porte le crédit à un million. »

La parole est à M. David pour développer cet amendement.

M. David. - Si la chambre pouvait être dispensée à voter l'amendement de MM. Dumortier et Rodenbach, elle me permettrait certainement de réclamer la même faveur pour les rivières mentionnées dans celui dont M. le président vient de donner lecture. La Vesdre seule est beaucoup plus importante que le Mandel. En 1850, cette rivière a renversé des ouvrages d'art du chemin de fer, une partie de la route de la Vesdre et endommagé une quantité d'usines importantes.

D'un autre côté les inondations de la Vestre se renouvellent 4 ou 5 fois par an. Je le répète, donc si l'amendement de MM. Rodenbach et Dumortier était admis, j'insisterais pour l'adoption de ma proposition.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire.

Le gouvernement, à raison de la situation exceptionnelle qui était faite à certaines vallées par le débordement de rivières non navigables ni flottables, a cru devoir proposer, à titre de subside, une somme de 600,000 fr. pour remédier à cet état de choses.

D'abord, messieurs, en ce qui concerne la Senne, il est notoire que des ouvrages exécutés par le gouvernement ont pu être une des causes des inondations ; il y a donc là une raison spéciale pour venir au secours de la province et des communes et pour les aider à çe soustraire aux désastres causés par les inondations.

Pour l'Yser et les deux Nèthes, les provinces et les communes se résignent aussi à des sacrifices. Mais il n'en est pas de même quant à la Mandel : là, ce sont des ouvrages faits par les communes elles-mêmes ou les particuliers qui causent en grande partie les inondations dont les honorables députés de Roulers se plaignent.

Ainsi, messieurs, le gouvernement a dû nécessairement se restreindre aux rivières qui sont indiquées dans le projet.

L'honorable M. Thiéfry et ses collègues ont déposé un amendement qui tendrait à rattacher au budget de 1852 ou 1853 un complément de crédit de 200,000 francs. Je crois que cette disposition est réellement sans objet : si le crédit de 600,000 francs n'est pas suffisant, le gouvernement pourra, par des crédits portés au budget, compléter ce crédit, et ainsi répondre au désir de ces honorables membres. C'est ce qut aura lieu.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier (contre la clôture). - Je désirerais répondre quelques mots à ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics. Chacun prend en ce moment sa part au budget ; qu'il nous soit permis, au moins, de réaliser la fable du Chien qui défend le diner de son maître. Je m'oppose à la clôture.

M. Thiéfry. - Je retire l'amendament. Je considère la déclaration du ministre comme un engagement pris envers les localités qui sonï victimes des désastres causés par les inondations.

- La discussion est close.

L'amendement de MM. Rodenbach et Dumortier est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Ainsi, l'amendement de M. David vient à tomber.

M. David. - Oui, M. le président.

- L'amendement de MM. de Mérode et Coomans est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La proposition de la section centrale, à laquelle le gouvernement s'est rallié, est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Nous arrivons maintenant à la proposition de M. Pierre.

M. Pierre. - Depuis la présentation de mon amendement, j'ai recueilli des renseignements qui me décident à le retirer.

Paragraphe IV

Article 8

« Art. 8 (du projet de la section centrale). - Le gouvernement est autorisé à réduire les péages actuellement perçus sur le canal de Pommerœul à Antoing, sans que, dans aucun cas, cette réduction puisse excéder 50 p. c. »

M. Rousselle a proposé un amendement qui consiste à substituer le chiffre de 80 à celui de 50.

M. le président. - La parole est à M. Ch. Rousselle, pour développer son amendement.

M. Rousselle. - Messieurs, je suis prêt à développer cet amendement, si la chambre le désire ; mais comme il est possible que cette question soulève un débat un peu long, peut-être vaudrait-il mieux remettre cette discussion à la séance du soir. (Non ! non ! Parlez ! parlez !) Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de rappeler à la chambre que les exploitants des mines de houille du Couchant de Mons ont, par le mémoire qu'ils lui ont adressé sous la date du 17 juillet, demandé, entre (page 2094) autres choses, que la réduction de 50 p. c. sur les péages du canal de Pommeroeul à Antoing, proposée par le projet de loi, fût élevée à 80 p. c. Cette demande a échoué par une seule voix de majorité, devant la section centrake, dont j’avais l’honneur de faire partie.

Je crois devoir la reproduire devant la chambre, parce que, comme je l'ai déjà dit dans une séance précédente, la réduction de 50 p. c, de l'aveu même du gouvernement, n'est qu'un équivalent qui était déjà acquis au Couchant de Mons dès l'année 1849, et qu'elle ne donnait aucune des compensations que les exploitants du Couchant de Mons ont un droit légitime d'obtenir, à raison des nouvelles disproportions dans les conditions de transport qui résulteront inévitablement de l'exécution des travaux publics compris dans le projet de loi.

J'ai donc l'honneur de prier la chambre de vouloir bien, en ce premier point, accueillir la réclamation des exploitants du Couchant de Mons.

- L'amendement est appuyé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, le gouvernement, dans la présentation du projet de loi, a cherché à se montrer équitable et juste envers toutes les localités.

En 1845, dans la répartition des travaux qui devaient être attribués aux diverses localités, on avait assigné au bassin du couchant de Mons une voie navigable vers le bas Escaut ; à cette époque, l'honorable M. Dechamps avait même annoncé à la chambre que les fonds étaient faits pour l'exécution de ce canal. Si le gouvernement n'a pas pu proposer l'exécution de ce travail, n'a pas pu le comprendre dans l'ensemble des travaux dont nous nous occupons en ce moment, c'est à raison de considérations dont la chambre comprendra toute la gravité.

C'est d'abord parce que l'exécution de cette voie navigable vers le bas Escaut, l'exécution du canal de Jemmapes à Alost, ne pouvait pas se faire en dehors de l'intervention du gouvernement ; la compagnie devait, pour l'exécuter, avoir la garantie d'un minimum d'intérêt ; cette garantie devait porter sur un capital minimum de 14 millions de francs ; et encore est-il fort douteux que l'exécution s'en fût suivie.

Mais l'intervention du gouvernement en faveur de l'exécution de cette voie navigable devait se combiner avec les pertes réelles, inévitables, qui en seraient résultées pour le trésor. Ainsi, les demandeurs en concession eux-mêmes devaient reconnaître qu'ils ne pouvaient espérer quelques produits de l'exécution du canal de Jemmapes à Alost, qu'en les prélevant sur les revenus du canal de Pommerœul à Antoing ; de ce chef le gouvernement se voyait donc exposé à des pertes qui pouvaient aller jusqu'à 500,000 francs.

Ainsi, la considération qui l'avait engagé à introduire le principe de la garantie d'un minimum d'intérêt en faveur de certaines compagnies concessionnaires à savoir que l'exécution des travaux auxquels la garantie devait s'appliquer, devait amener une réaction favorable sur les lignes existantes ; cette considération venait à manquer complètement.

Je ne parle pas maintenant des difficultés qu'on eût trouvées à constituer une société sérieuse pour le chemin de la Dendre. Je ne parle pas des intérêts nombreux qui étaient engagés dans l'exécution de la ligne ferrée. Il est incontestable que, sous ce dernier rapport, la préférence devait appartenir à un travail appelé à desservir des intérêts nombreux et variées.

Il y avait, au surplus, un autre motif : c'est qu'en même temps que le gouvernement était saisi de la demande relative au canal de Jemmapes à Alost, il était saisi d'une demande qui avait pour objet la canalisation de la Dendre et la construction d'un canal partant, soit de Jemmapes à Ath, soit de Blaton vers la même ville : double demande qui est aujourd'hui soumise à une instruction spéciale.

Le gouvernement ne se dissimule pas cependant que la réduction de 50 p. c. sur le canal de Pommerœul à Antorng, combinée avec une réduction sur l'Escaut, qui est la voie naturelle pour les transports vers les Flandres, pourrait compléter les mesures qui sont destinées à offrir au Couchant de Mons une pleine compensation.

Le gouvernement ne pourrait, en aucun cas, se rallier à une réduction de 80 p. c. sur le péage du canal de Pommerœul à Antoing, parce que les produits de ce canal qui sont aujourd'hui de 475,000 francs, seraient en partie absorbés par cette réduction de 80 p. c, parce que les frais d'administration, d'alimentation, etc., de ce canal, s'élèvent, si je ne me trompe, à plus de 100,000 francs.

M. Dolez. - Messieurs, je demande d'avance pardon à la chambre des quelques moments pendant lesquels j'aurai à réclamer sa bienveillante attention ; la chambre me tiendra compte, je l'espère, de la réserve infinie que j'ai apportée à prendre part à ce débat, du silence complet que j'ai gardé jusqu'ici dans cette longue discussion.

Messieurs, le gouvernement vous l'a déclaré à diverses reprises : il a considéré comme un devoir de faire en sorte que le système de travaux publics qu'il présentait à la chambre fût de nature à satisfaire toutes les localités ; et cependant, messieurs, il en est une peut-être, au point de vue des voies de communication, la plus importante de toutes ; il en est une qui reste complètement en dehors de cette grande combinaison. Et cependant cette localité si importante était celle qui semblait se recommander de la manière la plus puissante de la sollicitude du gouvernement et de la chambie, et par sa situation et par les antécédents qui la concernaient.

Permettez-moi de vous faire connaître aussi rapidement que possible quelle est la situation de cette importante contrée, vous comprenez que je veux parler du Couchant de Mons.

Deux voies seulement ont été créées en Belgique pour le transport des houilles que produisent les nombreuses exploitations du Bosinage ; l'une le canal de Mons à Coudé, date de l'empire ; l'autre le canal de Pommeroeul à Antoing est une création du royaume des Pays-Bas.

Depuis lors au point de vue des moyens de transport des matières poudereuses, rien n'a été fait, si ce n'est pour être complètement exact comme je veux toujours l'être, le chemin de fer du haut et du bas Flénu avec quelques dépendances. Mais c'est là une création presque privée qui n'a rien coûté au trésor public et qui n'a d'autre but que de remédier en partie à la faute commise dans la direction du canal de Mons à Condé.

En effet, au moment de sa création, il existait dans le département de Jemmapes un ingénieur qui professait pour la ligne droite un amour excessif. Il en résulta qu'au lieu de s'occuper de mettre le canal en rapport immédiat avec les établissements industriels pour lesquels on le faisait, il voulut avant tout mettre en rapport les tours de Mons et de Condé, ce qui fit placer le canal à trois quarts de lieue des houillères qu'il devait desservir.

En 1810, l'empereur vint visiter ce travail qui était en cours d'exécution ; il exprima sa surprise et son mécontentement, de la direction qui lui avait été donnée ; mais la faute était commise et ses conséquences pèsent encore aujourd'hui sur notre industrie. C'est pour diminuer le fardeau de ces conséquences que peu après 1830 fut construit par voie de concession un chemin de fer qui n'a d'autre utilité que de conduire des houilles au canal et qui, bien qu'améliorant la situation, coûte beaucoup plus à nos exploitants que le parcours du canal de Mons à Condé tout entier.

Quant au canal d'Antoing, il faut que la chambre sache que le Couchant de Mons pour lequel il a été créé ne le désirait pas, qu'il double en quelque sorte le canal de Mons à Condé, qu'il n'a eu qu'une utilité de circonstance dont je parlerai bientôt et que si nos bateliers le parcourent, c'est parce qu'ils doivent en acquitter les péages en rentrant en Belgique, bien que n'y touchant pas même, s'ils transitent par la France en suivant le cours de l'Escaut.

Vous le voyez donc, messieurs, un canal placé à trois quarts de lieue de nos houillères, un autre qui nous astreint à des charges que sans lui nous ne subirions pas, voilà le régime sous lequel gémit l'industrie du Couchant de Mons.

Vous comprenez sans doute l'énergie, l'intelligence, le courage qu'il a fallu à cette industrie pour se développer au point où elle est aujourd'hui, alors qu'elle avait des instruments aussi imparfaits pour la servir.

Dans cette situation, ne devions-nous pas espérer qu'à côté de ces deux œuvres imparfaites dont l'une signale l'empereur aux souvenirs de nos populations, dont l'autre leur rappelle le roi Guillaume, le gouvernement aurait voulu placer une création meilleure et plus grande qui signalerait une fois de plus à leur reconnaissance le nom si populaire du fondateur de notre dynastie.

Ce travail était indiqué, il suffit d'un regard jeté sur la carte pour voir qu'un canal de Jemmapes à Alost, qui opérerait la jonction de notre bassin houiller à l'Escaut par la vallée de la Dendre, serait le plus puissant auxiliaire de notre industrie vers les marchés belges et vers la Hollande.

Ce travail était signalé par les vœux incessants dont il a été l'objet. Et en effet, savez-vous, messieurs, depuis quand le projet existe ? il remonte à 1723, et depuis lors il a sans cesse été le point de mire de notre industrie. En 1770 les états du Hainaut offraient une prime à l'ingénieur qui démontrerait la possibilité de l'exécuter. Un architecte distingué, M. Fonson, dont la famille est aujourd'hui représentée par l'honorable vice-président du tribunal de Mons, présenta un projet qui réunit tous les suffrages.

Mais à cette époque les grands travaux ne marchaient pas vite et en 1780 nous retrouvons les états du Hainaut ordonnant des études définitives pour la réalisation du projet. Peu après devaient naître les immenses événements qui signalèrent la fin du siècle dernier ; les travaux qui n'appartiennent qu'au règne de la paix furent oubliés, mais il nous est permis d'affirmer que, sans ces événements, nos pères auraient vu créer dès l'autre siècle ce canal de jonction de la Haine à l'Escaut, que nous demandons encore aujourd'hui et que nous n'obtenons pas.

Je vous disais tout à l'heure que le canal de Pommerœul à Antoing nous était imposé, qu'il avait pris la place de celui de Jemmapes à la Dendre que nous avons réclamé, qu'il n'avait eu qu'une utilité de circonstance. Savez-vous quelle a été cette utilité ? D'évitez le transit par la France.

Avant sa création ; les bateaux expédiés du Couchant de Mons se dirigeaient sur Condé et rentraient en Belgique, après avoir emprunté le territoire français. Quelques vexations nous ayant été suscitées par le gouvernement français, le roi Guillaume, qui n'aimait pas à cette époque à négocier avec la France fit construire, malgré les vœux de notre industrie pour que l'on se dirigeât vers la Dendre, le canal de Pommerœul à Antoing pour éviter la nécessité d'atteindre l'Escaut en France.

Mais à peine ce canal était-il construit que les mesures vexatoires avaient disparu et que les droits d'écluse sur le territoire français étaient réduits des trois quarts. Dès lors il y avait pour notre industrie avantage à transiter par la France plutôt que de suivre le canal d'Antoing, mais cet avantage nous était et nous est encore interdit par cette mesure qui frappe nos bateaux au moment de la rentrée en Belgique du droit de parcours sur le cancl de Pommerœul à Antoing.

(page 2095) Je n'ai pas besoin de dire à la chambre tout ce qu'une pareille mesure a d'injuste, d'odieux même, puisqu'elle est une véritable atteinte à la liberté ; puisqu'elle érige en entrave une chose, qui ne doit jamais être qu'un moyen de progrès pour l'industrie.

Aussi cette mesure a-t-elle toujours excité les réclamations et les plaintes du Couchant de Mons.

A la suite de ces réclamations, en 1831, le gouvernement provisoire prit, le 9 janvier, un arrêté qui réduisait de 80 p. c. le péage qui nous était imposé.

C'est la seule marque de bienveillance que la grande industrie du Borinage ait obtenue depuis 1830 des gouvernements qui se sont succédé. Et cependant que la chambre me permette de le lui dire, cette mesure si incomplète devait avoir quelques années après un fâcheux correctif. Le gouvernement des Pays-Bas, considérant que le canal de Mons à Condé avait été construit au moyen de centimes additionnels payés par la province de Hainaut, trouva équitable d'en faire la remise à celle-ci.

Guidée par les nécessités financières du moment, la province augmenta d'un tiers le péage qui était perçu sur le canal ; cette nécessité d'intérêt local, notre industrie devait l'accepter. Mais en 1843, il advint qu'un membre de cette chambre proposa de reprendre à la province le canal dont elle jouissait, et malgré nos efforts et notre bon droit, l'iniquité s'accomplit ! (Interruption).

Que les interrupteurs me permettent cette pensée, elle n'accuse pas même une majorité, car l'honorable M. Malou doit se rappeler que c'est par un partage de voix que la province a été privée du canal de Mons à Condé. C'est maintenant un fait accompli, mais l'équité commandait, elle commande encore aujourd'hui que le canal faisant retour à l'Etat, l'Etat le reprenne avec les péages tels qu'ils existaient quand il l'avait entre les mains ; le tiers d'augmentation que le péage avait subi dans un intérêt purement provincial devait disparaître au moment où le canal cessait d'appartenir à la province pour redevenir la propriété de l'Etat.

Vous êtes trop justes, messieurs, pour ne pas reconnaître combien cette pensée est fondée ; et cependant, ce que toutes vos consciences viennent de reconnaître souverainement équitable n'est pas accompli ; nous continuons à payer, non pas seulement les droits qui se prélevaient quand le trésor était détenteur du canal, mais en outre, le droit provincial qui y avait été ajouté.

J'ai la conviction que, sur ce point, il suffira d'avoir signalé au gouvernement et à la chambre la situation qui nous est faite pour que, par l'initiative du gouvernement lui-même, cette mesure disparaisse ; je tiens à en laisser l'honneur au gouvernement, c'est une mesure d'équité et de justice qui doit prochainement émaner de lui.

Vous le voyez donc, messieurs, jusqu'ici le Couchant de Mons n'a pas été favorablement traité, et vous devez désirer de poser envers lui un acte de justice.

Ce n'est pas tout encore. En 1845 un grand système de travaux publics est décrété par les chambres. Parmi ces travaux publics il en était plusieurs qui devaient nuire beaucoup à l'industrie montoise ; il en était un surtout qui devait avoir pour elle les plus graves conséquences ; c'était le chemin de fer de Manage à Mons. Je disais alors à mes commettants qu'ils devaient épuiser tout ce qu'ils avaient de force, tout ce qu'ils avaient d'énergie, d'influence possible pour empêcher la création de ce chemin, dont aucune compensation ne pouvait, suivant moi, balancer les effets.

Ils ne me crurent pas. On leur avait dit : Consentez au chemin de fer de Mons à Manage et vous aurez en compensation le canal de Jemmapes à la Dendre que vous désirez depuis si longtemps et que vos pères ont désiré avant vous. Ils crurent à cette promesse. Malgré eux, je vins isolé dans cette enceinte combattre inutilement le projet de chemin de fer de Mons à Manage. Vous savez qu'à cette époque les chemins de fer se décrétaient avec la plus regrettable précipitation....

M. Dumortier. - Comme maintenant.

M. Dolez. - Celui-là fut adopté comme les autres, mais en même temps une loi décrétait les compensations offertes à l'industrie montoise. Le chemin de Mons à Manage est fait, il est exploité, il produit pour les houillères de Mons les conséquences les plus sérieuses et, pour le dire en passant, il réalise aussi contre le trésor public les effets que j'avais prévus.

Mais la compensation donnée au Couchant de Mons, cette compensation sans laquelle tout le monde reconnaissait qu'il eût été inique de créer le chemin de fer de Mons à Manage, cette compensation, le canal de la Dendre, nous l'attendons encore !

Arrive 1849 ; les conséquences que j'avais prédites de la création du chemin de fer de Mons à Manage venaient de s'accomplir, car la chambre me permettra de rappeler que lorsque j'en combattais le projet j'affirmai que ceux de mes collègues qui se montraient si impatients de le voter pouvaient retourner dire à leurs commettants, qu'ils venaient de voter indirectement deux millions d'impôts nouveaux. Vous savez si ma prédiction s'est accomplie. A peine le chemin de fer de Mons à Manage était-il ouvert, à peine concordait-il avec le nouveau tarif du chemin de fer, que l'on reconnut qu'il fallait abaisser les péages du canal de Charleroy, si l'on ne voulait voir les transports déserter les voies fluviales pour parcourir la voie ferrée.

C'est alors qu'on vit accomplir, au profit des bassins du centre et de Charleroy, une réduction très importante de leurs péages, ce qui portait à la prospérité de l'industrie du Couchant une nouvelle et douloureuse atteinte.

Cependant nous prenions encore une fois patience, et pourquoi ? Parce que nous espérions qu'au premier projet important qui se concevrait, par le gouvernement, pour des travaux publics, celui qui arriverait le premier, ce serait le canal de la Dendre.

Une loi nous l'avait garanti, et l'équité commandait de le faire avant tout autre et cependant quand paraît la combinaison actuelle, nous y cherchons vainement le canal de la Dendre, ou plutôt, nous l'y trouvons. Mais savez-vous pourquoi ? Pour voir que la loi nouvelle retire ce que la loi antérieure nous avait asuré et qu'elle affrète à un autre travail d'utilité publique le million de cautionnement qui y était affecté.

Vous comprendrez sans peine, messieurs, quelle pénible surprise un tel projet a dû causer au sein de notre population laborieuse ; la confiance dans votre justice, dans celle du gouvernement mieux instruit, et l'espoir d'un meilleur avenir ont seuls pu calmer les sentiments douloureux que cette surprise avait fait naître !

Le gouvernement qui, je le sais et j'aime à le proclamer, désirait être juste envers l'industrie montoise, a cherché à lui donner des compensations. Mais c'est leur insuffisance que nous vous prions d'apprécier.

Depuis 1830, rien de sérieux n'a été fait pour nous, plusieurs fois de rassurantes promesses nous ont été faites ; la législature elle-même les a sanctionnées ; mais nous les avons vues toutes s'évanouir, tandis que nos concurrents obtenaient successivement tout ce qu'ils demandaient, tout ce qui était de nature à nous nuire. C'est à tout cela que, justice commande qu'une compensation nous soit accordée. C'est cette compensation que nous demandons à la chambre et au gouvernement lui-même d'établir sur des bases qui, bien que restant incomplètes, seront pourtant pour nos industriels un témoignage de sympathie.

Calculons.

Le canal de la Dendre, que la loi nous avait garanti, devait nous procurer, pour arriver à Termonde, point central de nos marchés alimentés par l'Escaut, une économie de 1 fr. 45 cent, par tonneau et une réduction de parcours à 85 kilomètres au lieu de 200, que nous impose le canal d'Antoing.

Je demande à la chambre si cet avantage que nous perdons actuellement du moins par la loi, qui révoque la concession et qui nous enlève un million de cautionnement, peut être compensé par la réduction de 50 p. c. sur le canal de Pommerœul à Anloing, c'est-à-dire par une réduction de 37 cent.

On nous enlève 1 fr. 45 cent., on nous rend 37 cent., vous voyez que la compensation est par trop incomplète, qu'elle ne réalise pas même ce qui nous était dû au seul titre des réductions de péages accordées à d'autres en 1849.

M. le ministre des travaux publics, par un sentiment de justice auquel je me hâte de rendre hommage (car je suis convaincu que le ministère ne s'est décidé qu'à regret à ne pas accorder à l'industrie du Borinage le canal qu'elle demandait) ; M. le ministre, dis-je, vient de faire un pas vers nous, en proposant d'ajouter à la réduction de 50 p. c. sur les péages du canal d'Antoing, une reduction de 50 p. c. sur l'Escaut.

Si je ne me trompe, cette nouvelle réduction serait d'environ 17 à 18 centimes.

Or, 37 et 17 font 54 centimes, au lieu de 1 fr. 43 c. que nous devions avoir par le canal de Jemmapes à Alost.

Si l'on portait à 80 p. c. la réduction sur le canal d'Antoing, nous aurions de ce chef une réduction de 59 c. Si l'on y joignait les 17 c. de réduction sur l'Escaut, on arriverait au chiffre de 76 c. Ce qui ferait à peu près la moitié de ce que nous donnait le canal de la Dendre, qui depuis 1845 nous était garanti à l'égal d'autres travaux à l'exécution desquels le projet que nous discutons a pourvu.

En 1849, nos concurrents ont été favorisés par une réduction, qui s'est élevée à 1 fr. 7 c. par tonneau.

Vous le voyez donc, messieurs, l'équité commande que vous fassiez plus que ce que le projet a proposé, plus encore que ce que nous offre la pensée que M. le ministre des travaux publics vient de manifester.

Vous parlerai-je maintenant du trésor public ?

Si la loi de 1845 qui a décrété le canal de Jemmapes à Alost s'exécutait, que produirait le canal de Pommerœul à Antoing ? M. le ministre des travaux publics vient de le reconnaître tout à l'heure, il ne produirait plus rien. Ce qu'on vous propose de faire, en adoptant une réduction de péage sur le canal d'Antoing, tandis que celui de la vallée de la Dendre ne s'exécutera pas, c'est donc de rendre au trésor public une partie du produit que la loi de 1845 lui avait radicalement enlevé.

Je vous demande si, quand au nom d'une industrie aussi importante que celle que nous avons l'honneur de représenter plus spécialement dans cette enceinte, nous pouvons faire valoir des considérations aussi importantes, si les sentiments de justice qui vous animent ne vous font pas une loi d'accorder ce que nous demandons comme une compensation très imparfaite de ce que nous étions en droit d'attendre.

Mais, messieurs, vous êtes plus que des juges ; vous êtes avant tout des hommes politiques. Permettez-moi donc de vous parler de l'intérêt politique important, sérieux, qui s'attache à la situation qu'on a faite au Couchant de Mons. Vous savez quelle est l'importance de la population du Borinage, quel est le caractère ardent qui anime ces populations sensibles à l'oubli dans lequel on les laisserait, autant que reconnaissantes d'un témoignage de sollicitude et de justice.

(page 2096) Eh bien, avant 1830, quels étaient les débouchés qui alimentaient la prospérité de cette population ? C'était la Hollande ; c'était la France ; c'était enfin le marche de l'intérieur. Nous avions là trois vastes débouchés qui fécondaient notre industrie.

Aujourd'hui, messieurs, savez-vous quelle est notre situation ? et c'est sur elle que j'appelle de la manière la plus sérieuse l'attention de la chambre. Aujourd'hui la Hollande nous est complètement inaccessible ; nous n'y parvenons plus. A l'intérieur, les chiffres sont curieux à consulter.

En 1849, c'est-à-dire avant les mesures qui ont été prises en faveur de nos concurrents, nos expéditions par le canal de Mons à Condé donnaient encore 48 p. c. de leur ensemble pour le marché intérieur.

En ce moment elles ne lui donnent plus que 29 p. c ; tandis qu'en France nous faisons chaque jour des progrès.

Quelques mots résument donc notre situation, la Hollande nous est fermée ; à l'intérieur nous perdons sans cesse ; mais vers la France nous faisons constamment des progrès.

Messieurs, je vous le demande, est-il prudent, est-il sage, est-il d'une saine politique de pousser cette importante industrie à devenir complètement française ? Non pas, messieurs, que je craigne qu'au sein de nos populations dévouées avant tout à notre nationalité, à nos grandes et libérales institutions, pussent naître des pensées mauvaises ; je les calomnierais si j'exprimais de pareilles craintes ; mais ce qu'il ne faut pas permettre, c'est qu'à l'étranger on puisse croire qu'à côté de cette forteresse de Mons tant enviée, se trouve une immense population dont tous les intérêts seraient liés à l'existence de la France.

Vous, messieurs, qui avez avec le gouvernement l'habitude et le devoir de vous préoccuper avant tout des plus grands inlérêls du pays, vous devez désirer que l'industrie montoise reste belge, tout en accomplissant à l'étranger les progrès que lui assurent sa situation et la spécialité de ses produits.

Eh bien, je vous en avertis ; il est temps qu'on y prenne garde ; toutes les mesures prises involontairement contre elle, l'absence de mesures prises en sa faveur, tout la pousse vers une transformation qui la rendrait exclusivement française.

Messieurs, si nous remontons à l'un des débats principaux du projet qui vous est en ce moment soumis, vous reconnaîtrez encore que la proposition que nous avons l'honneur de défendre devant vous, se recommande de nouveau à votre attention, à votre justice.

Le gouvernement, dans un sage esprit de prévoyance, a voulu pourvoir aux nécessités de travail qui pourraient naître en 1852. Eh bien, je vous le demande, si cette année venait à produire des événements graves en France, quelle serait, parmi toutes nos industries, celle qui serait plus particulièrement frappée ? C'est cette industrie montoise que tant de relations portent vers la France. C'est elle qui verrait, avant toute autre, tarir les sources de sa prospérité, les sources du travail qui alimente une immense population.

Il eût donc été cent fois désirable que des travaux d'utilité publique vinssent parer pour cette population à de telles éventualités, et maintenant qu'une autre voie nous a été assignée, il importe que le marché de l'intérieur nous soit rendu plus accessible pour diminuer le danger de ces éventualités.

Nous nous croyons donc en droit de demander au nom de la justice, au nom des plus graves intérêts, que la réduction de 80 p. c. nous soit accordée sur le canal d'Antoing.

Cependant, messieurs, le gouvernement nous ayant tendu la main par la proposition que vous a faite tout à l'heure l'honorable minisire des travaux publics, nous ferons à notre tour, mes collègues et moi, un pas vers lui, en présentant une proposition qui prendrait la place de celle de l'honorable M. Ch. Rousselle.

Elle consiste à réduire les péages du canal de Pommerœul à Antoing de 60 p. c, et les péages de l'Escaut de 50 p. c. seulement.

Si, comme je l'espère, la chambre et le gouvernement acceptent cette proposition, je ne vous dirai pas que l'industrie montoise pourra se considérer comme ayant été favorisée par la loi que vous allez voter, mais elle reconnaîtra, et je me hâterai de dire pour ma part, que le gouvernement et la chambre ont fait preuve du désir de se montrer équitable envers elle.

M. Rousselle. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Dolez.

- - Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Cools. - Il s'agit ici d'une question de revenu public. Il faudrait au moins connaître l'opinion du gouvernement. Je demande qu'il s'explique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on connaît le montant des péages sur le canal de Pommerœul à Antoing. On connaît aussi le montant des péages sur l'Escaut. Sur le canal de Pommerœul à Antoing, le péage est assez notable ; mon honorable collègue vous en a indiqué tout à l'heure le chiffre. Sur l'Escaut, il s'agit d'un péage assez minime.

Le gouvernement a proposé de réduire le péage du canal de 50 p. c. ; sur l'Escaut, comme vous l'avez entendu tout à l'heure, il propose également une réduction de 50 p. c. L'honorable M. Dolez adopte, en partie, les motifs que nous avons invoqués contre une réduction de 80 p. c ; il propose, par voie de transaction, une réduction de 60 p. c.

Il s'agit là d'une différence qui n'est pas très importante ; elle n'ajoute pas considérablement aux propositions du gouvernement ; et, eu égard aux considérations puissantes (je l’avais déjà dit moi-même dans la première discussion) que fait valoir l’honorable M. Dolez, nous nous rallions à son amendement.

- Plusieurs membres. - Très bien !

M. le président. - Si j'ai bien compris l'amendement, il s'agit, non pas de réduire de 60 p. c. mais de décider que la réduction ne pourra excéder 60 p, c.

M. Lange. - Messieurs, après les raisonnements si lucides, si concluants, que vient de faire valoir mon honorable collègue, M. Dolez, à l'appui de l'amendement que nous avons eu l'honneur de vous présenter, je pourrais me dispenser de prendre la parole ; aussi, messieurs, ne vais-je vous soumettre que quelques considérations très succinctes.

Dans la séance du 14 mai dernier, M. le ministre de l'intérieur disait : « Personne dans cette enceinte ne peut se montrer en principe l'adversaire des voies nouvelles de communication. »

Je suis d'accord avec M. le ministre ; pour mon compte, je suis convaincu qu'il y a dans l'ensemble de travaux publics dont le gouvernement s'était d'abord préoccupé, un nouveau germe de prospérité pour le pays.

Dans la même séance M. le ministre ajoutait : « Mais dans un pays comme le nôtre, il faut de la justice distributive, il faut que chaque localité successivement reçoive les améliorations dont elle est susceptible. »

Je suis encore d'accord avec M. le ministre de l'intérieur.

Partant de ces prémisses, pouvais-je, dès le principe, être aussi d'accord avec M. le ministre des travaux publics pour ce qui concerne le bassin houiller du Couchant de Mons ? Evidemment non, et pour soutenir cette thèse, je n'ai réellement besoin que des documents fournis par M. le ministre lui-même ; examinons l'exposé des motifs, il contient 56 pages. A la 54ème paragraphe 4, canal de Pommerœul à Antoing, réduction des péages, je lis : «Parmi les ouvrages d'ulilité publique indiqués dans les paragraphes 1, 2 et 3 du projet de loi (c'est à-dire de presque tout le projet), il en est plusieurs qui présentent un caractère de haut intérêt pour les bassins houillers de Liége, de Charleroy et du Centre, soit parce qu'ils ouvrent à ces bassins de nouveaux débouchés, soit parce qu'ils améliorent ou complètent les voies de communication existantes ; mais on doit reconnaître que, à part le canal de Bossuyt (dont je dirai un mot tout à l'heure), aucun des travaux proposés ne doit venir directement en aide aux charbonnages du Couchant de Mons. »

De l'aveu de M. le ministre, le bassin houiller de Mons est donc jusqu'ici déshérité. Que proposait-on en sa faveur ? La réduction de 50 p. c. des péages actuels du canal de Pommerœul à Antoing s'élevant aujourd'hui à 74 c. par tonneau, soit 37 c.

Je n'accepte pas cette réduction, variable de sa nature, comme une faveur ; je l'accepte bien moins encore comme compensation de la non-exécution du canal de Jemmapes à Alost décrété en 1845, comme le proclamait M. le ministre des finances dans la séance du 14 août ; car pour l'exécution de ce canal ou de toute autre voie fluviale directe du charbonnage du Couchant de Mons au bas Escaut, nous entendons formellement faire toutes réserves. Je ne puis l'accepter que comme une réparation tardive, incomplète même du tort causé au bassin de Mons par l'arrêté du 31 mars 1849, pris sous l'administration de l'honorable M. Rolin, alors ministre des travaux publics ; la preuve, je la trouve encore dans l'exposé des motifs.

Je lis à la page 56 : « A la date du 31 mars 1849, par la réduction apportée aux péages du canal de Charleroy, il existe aujourd'hui entre les prix de transport de Jemmapes et de Charleroy à Anvers, une différence de 37 cent, par tonneau en faveur du bassin de Charleroy.

« Or, c'est à cette inégalité, c'est à cette absence d'équilibre que le gouvernement désire porter remède, et il croit que le moyen le plus favorable et le plus rationnel d'atteindre un pareil but, c'est d'abaisser de 50 p. c. les péages du canal actuel d'Antoing, péages qui, revenant maintenant à 74 c. par tonneau, offriront dès lors une réduction de 37 cent., correspondant précisément au chiffre d'infériorité que présente aujourd'hui le bassin de Mons, par rapport à celui de Charleroy, pour le marché du bas Escaut. »

J'avais donc raison de dire que je ne pouvais accepter cette réduction comme une faveur !

Que reste-t-il en définitive dans les propositions du gouvernement qui soit avantageux au bassin houiller de Mons ? Le canal de Bossuyt à. Courtray ; pour apprécier cet avantage à sa juste valeur, laissons parler les hommes compétents en cette matière, les exploitants de mines de houille du Couchant de Mons ; dans un de leurs mémoires qui nous ont été distribués, je lis à la page 6 :« De nombreux débouchés sont ouverts à tous les bassins houillers du pays ; vous préparez à Liége les moyens d'arriver en Hollande, dans le Limbourg, dans la Campine, à Anvers, dans le Luxembourg.

« Charleroy voit s'achever les chemins de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, de Louvain à la Sambre, de Charleroy à Erquelinnes. La vallée du Piéton va être mise en position d'aborder le marché de Paris.

« Qui pourrait sérieusement mettre en regard de semblables avantages les minces résultats qu'aura pour le bassin houiller de Mons l'exécution du canal de Bossuyt à Courtray ? »

(page 2097) Lesquels résultats pour moi se traduisent en ce que le Couchant de Mons pourra approvisionner de charbon la vallée de la Lys en descente au lieu d'en remonte.

Et j'ajouterai que d'après la construction du chemin de fer de Manage à Mons, les charbons du Centre vont déjà lutter partout contre les charbons du Couchant de Mons et viendront à l'avenir partager avec eux tous les marchés que ceux-ci pourraient être appelés à desservir.

Telle est donc la condition infime faite au bassin houiller du Couchant de Mons par le projet de loi en discussion.

Mais, jetant un coup d'œil rétrospectif, ce bassin avait peut-être, dans l'exécution des travaux publics décrétés en 1845 et 1846, obtenu une part tellement large et dont il est aujourd'hui en pleine jouissance, qu'il était, en quelque sorte, juste de le laisser, pour ainsi dire, complètement dans l'oubli dans le projet actuel.

Ah ! messieurs, on vous l'a dit et répété dans cette discussion, et cependant force est à moi d'y insister encore, voyons quelles furent alors les conditions faites à nos quatre bassins houillers ! En 1845 et 1846, Liége obtenait le canal latéral à la Meuse ; le chemin de fer de Namur à Liége qui dessert les deux rives de la Meuse ; tout a été exécuté.

Charleroy : le chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse ; le chemin de fer de Louvain à la Sambre ; le chemin de fer de Charleroy vers Erquelinnes ; tout est ou va être exécuté.

Le Centre : le chemin de fer de Manage à Mons ; il est exécuté.

Mons : le canal de Jemmapes à Alost ; le canal de Mons à la Sambre ; tout a été... décrété ; tout aujourd'hui est... repoussé.

Je me borne à ces courtes considérations qui me paraissent péremptoires et me plais à croire que l'amendement que nous avons eu l'honneur de présenter recevra un bon accueil et de la part du gouvernement et de la part de la chambre.

Néanmoins, en terminant, je ne puis m'abstenir de faire ressortir une dernière considération : c'est qu'il n'existe aucune partie de la Belgique à laquelle les raisons politiques invoquées, dans une séance précédente, par M. le ministre des finances pour le maintien du travail existant et l'exécution de nouveaux grands travaux, soient plus applicables qu'au Hainaut.

Qu'on pense donc au Couchant de Mons, aux nombreuses populations du Borinage qui toujours les premières ressentent le contre-coup des événements qui agitent la France.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Dolez, auquel se sont ralliés M. Rousselle et Lange, est mis aux voix et adopté.

Rapport sur la situation des ateliers d'apprentissage subsidiés par l'Etat

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un rapport sur la situation des ateliers d'apprentissage subsidiés par l'Etat.

- Ce rapport sera imprimé et distribué aux membres de la chambre.


M. le président. - Il nous reste à discuter trois articles du projet de loi sur les travaux publics ; d'après la décision de la chambre, on s'en occupera dans la séance du soir qui est fixée à 8 heures.

- La séance est suspendue à 5 heures et 1 quart.

(page 2097) La séance est reprise à 8 heures et un quart.

Paragraphe V

Article 9

« Art. 9 (art. 7 du projet). Sont acceptées les offres faites par le conseil provincial et par la ville de Liége, de concourir à l'exécution des travaux à effectuer dans la vallée de la Meuse, savoir : par la province, à concurrence d'une somme de trois cent soixante et dix mille francs ; par la ville, à concurrence d'un million de francs, payable par quarts, d'année en année, à partir de celle qui suivra l'adjudication des travaux. »

M. Malou. - Je demanderai à MM. les ministres si ces offres sont pures et simples, ou si les conditions mentionnées dans la délibération annexée au projet de loi sont maintenues.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les conditions qui sont énoncées dans la délibération du conseil communal de Liége ne sont pas, à proprement parler, des réserves auxquelles serait subordonné l'emploi du million. Le million est donné pour l'exécution des travaux, mais l'exécution des travaux ayant pour résultat de mettre à la disposition de l'Etat des terrains considérables, la ville stipule que la station intérieure, décrétée par arrêté royal de 1836, sera construite sur ces terrains. Cela n'entraîne pas la dépense actuelle de la construction de la station. Cette construction ne fait pas partie du plan qui est actuellement soumis à la chambre. Lorsque ultérieurement on fera les stations comprises dans le projet général relatif au chemin de fer, il y aura à construire une station à Liége.

Dans toute hypothèse il faut qu'une station soit construite. Qu'elle soit construite sur remplacement actuel, celui des Guillemins, qui est à 2,500 mètres du centre de la ville ou qu'elle soit construite sur le nouveau terrain devenu disponible, cela est complètement indifférent pour l'Etat. Ainsi, sous ce rapport, il n'y a pas de condition onéreuse mises à l'allocation du million.

M. Malou. - Il faut un terrain pour l’entrepôt.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le sais. Je ne puis parler de deux choses à la fois. Je dis que, sous ce rapport, il n'y a pas de condition onéreuse. Il est parfaitement indifférent à l'Etat de construire la station sur un point ou sur un autre. Il est seulement acquis que la station de Liége sera intérieure, ce qui a été décidé il y a un grand nombre d'années.

Reste maintenant la concession du terrain pour la construction de l'entrepôt.

Comme la chambre le sait, les travaux à exécuter dans l'intérieur de la ville de Liége doivent laisser disponibles dix ou douze hectares de terrain.

M. Lesoinne. - Seize hectares.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Soit ; un grand nombre d'hectares doivent être vendus.

La ville qui est tenue à la construction d'un entrepôt aux termes de la loi, stipule que le terrain nécessaire à la construction de l'entrepôt sera pris sur les terrains laissés disponibles. C'est là une affaire, qui n'a pas une importance bien grande. Il s'agit de quelques milliers de mètres de terrain. Mettez, si vous voulez, un demi-hectare. Voilà l'objet de la condition.

Eh bien, un entrepôt étant à construire et des terrains d'une pareille étendue étant conquis sur la rivière, je crois que l'Etat ne peut faire aucune difficulté de mettre à la disposition de la ville le terrain nécessaire à l'établissement de l'entrepôt, qui se trouverait ainsi près du chemin de fer. Ce serait là un avantage commun pour l'administration du chemin de fer et pour les commerçants.

Ainsi sous ce rapport encore il n'y a pas de condition véritablement onéreuse imposée au gouvernement.

M. Cools. - Je remercie M. le ministre des explications qu'il a bien voulu donner en ce qui concerne les terrains de la station et de l'entrepôt ; mais je le prierai de vouloir bien compléter ces explications en disant s'il est entendu que la ville et la province s'engagent, quel que soit le résultat des travaux qu'on va faire, en ce qui concerne les inondations et en ce qui concerne la navigation, si la ville et la province s'obligent à payer la somme indiquée ; si elles s'y obligent d'une manière définitive, soit que les travaux réussissent ou qu'ils laissent quelque chose à désirer en ce qui concerne la diminution des inondations et en ce qui concerne l'amélioration de la navigation.

M. Delfosse. - Je demande la parole.

M. Dumortier. - C'est aux ministres à répondre.

M. Delfosse. - Je pense que j'ai le droit de demander la parole.

M. Cools. - C'est au gouvernement que j'ai demandé une explication.

M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'y renonce. (Interruption.)

M. Delfosse. - Je répète que j'ai le droit de parler, et j'entends user de mon droit.

M. le président. - J'ai donné la parole à M. le ministre des finances, parce qu'il l'avait demandée en même temps que vous ; maintenant qu'il y renonce, vous avez la parole.

M. Delfosse. - Ce n'est pas à M. le président que mon observation s'adressait, mais à ceux qui trouvaient mauvais que j'eusse demandé la parole.

Messieurs, le conseil provincial de Liége offre, pour l'exécution du plan de M. Kummer, un subside de 570,000 francs qui n'est subordonné à aucune condition.

La ville de Liége, comme on vient de vous le dire, offre pour l'exécution du même plan, un subside d'un million. Elle mette à cette offre deux conditions, mais, en réalité, il n'y en a qu'une. La première condition, c'est que l'on cède à la ville le terrain nécessaire à la construction d'un entrepôt.

La deuxième condition, qui au fond n'en est pas une, comme je vais l'expliquer, c'est que l'on établisse la station intérieure sur les terrains qui seront libres entre le bassin projeté et la Meuse. La ville de Liége ne demande pas, comme condition de son subside, qu'on établisse la station intérieure, mais seulement qu'on fasse choix de cet emplacement ; la ville a droit, depuis longtemps, à une station intérieure, elle y a droit depuis 1836. En 1836, lorsqu'il s'agissait de l'exécution du chemin de fer, l'administration communale de Liége demanda, non sans raison, que cette voie de communication traversât la ville de Liége.

Par suite du plan qui fut adopte, le gouvernement ne put adhérer à cette demande ; il fut décidé que le chemin de fer ne passerait pas par Liége, mais à côté ; mais on décida en même temps qu'il y aurait un embranchement de la station des Guillemins à l'intérieur de la ville. Il y a sur ce point un arrêté de l'honorable M. de Theux, pris en 1836. La station intérieure devait se trouver en Cheravoie, près du pont des Arches ; elle aurait coûté beaucoup plus que ce qu'on demande aujourd'hui.

En 1842, M. Desmaisières, ministre des travaux publics, vint demander un emprunt pour l'achèvement du chemin de fer, et il fut convenu alors qu'une partie de cet emprunt, un million, serait employée à l'embranchement sur Liége et à la station intérieure. Voici les paroles prononcées par M. Desmaisières, dans la séance du 9 septembre 1842 ; en 1842 la session ne fut close qu'à la fin de septembre, comment donc pouvait-on nous dire dernièrement qu'il n'y avait pas d'exemple qu'une (page 2098) session se fùt prolongée aussi longtemps que la session actuelle ? Voici ce que disait M. Desmaisières :

« Messieurs, vous savez tous combien a été longue la discussion qui s'est élevée entre la ville de Liége et les intérêts commerciaux et industriels de cette cité d'une part, et entre le département des travaux publics, d'autre part, lorsqu'il s'est agi de déterminer le tracé du chemin de fer par Liége. Ces discussions ont enfin été terminées par un arrêté de l'honorable M. de Theux, ministre de l'intérieur, ayant alors les travaux publics dans ses attributions, arrêté de 1836, par lequel on a cherché à concilier les divers intérêts. Cet arrêté a décrété le tracé qui se trouve actuellement exécuté et qui passe sur le territoire de la ville de Liége, mais véritablement à côté de la ville de Liége ; et cet arrêté a en même temps décrété un embranchement qui irait à l'intérieur de la ville joindre le chemin de fer à la Meuse.

« Il en est donc résulté pour la ville de Liége un droit acquis, car depuis cet arrêté de 1836, il n'y a jamais eu aucune observation de faite contre cet amendement. »

Ainsi, M. Desmaisières reconnaissait, en 1842, qu'il y avait droit acquis pour la ville de Liége, à la station intérieure promise dès 1836, par M. de Theux.

Et lorsqu'on a voté l'emprunt de 1842, il a été entendu qu'une partie de cet emprunt servirait à la construction de l'embranchement de la station des Guillemins à la Meuse. Voici ce que l'honorable M. Rogier disait dans la même discussion :

« Il y aura, pour la station de Liége, une continuation de la ligne, les dépenses seront imputées sur les 17 millions ; quant aux travaux concernant les bâtiments de la station, les frais en seront imputés sur les fonds des stations. »

Et le Moniteur ajoute entre parenthèses : « c'est cela » ; personne n'a fait d'opposition aux paroles de M. Desmaisières ou à celles de M. Rogier.

Il a donc été convenu qu'on ferait l'embranchement et la station intérieure et que la dépense de l'embranchement serait prélevée sur les 47 millions et celle de la station intérieure sur le fonds des stations. C'est alors qu'il a été question de la dépense de 3 millions dont l'honorable M. Dumortier a parlé dans une autre séance. L'honorable membre a dit qu'il n'avait été question que de 3 millions, en 1842. En effet, il ne fallait que 3 millions pour l'exécution du plan de M. de Sermoise combinée avec le projet d'une station intérieure.

Mais ce que l'honorable M. Dumortier a oublié, c'est qu'à côté de cette dépense de trois millions, il y avait la dépense qui devait être faite pour la canalisation de la Meuse, canalisation dont les études furent d'abord confiées à M. Guillery, puis à M. Kummer, et qui, d'après le discours de l'honorable M. de Theux que M. Lesoinne vous a lu dans une précédente séance, devait coûter de cinq à dix millions.

Dès 1836, nous avions donc une promesse formelle du gouvernement ; la station intérieure nous fut de nouveau promise en 1842, et des fonds furent votés par la chambre, après que l'honorable M. Desmaisières eut déclaré qu'il y avait droit acquis pour la ville de Liége.

Si nous n'avons pas eu dès cette époque la station intérieure, c'est qu'on voulait la combiner avec les travaux de la Meuse ; les études pour ces travaux ont été longues ; divers projets ont été successivement écartés ; c'est la seule cause pour laquelle nous n'avons pas depuis longtemps une station intérieure.

La ville de Liége ne met en réalité qu'une condition à son subside, condition sans importance, puisqu'il ne s'agit que de la cession de quelques parcelles de terrain ; lorsque le gouvernement obtient, à l'aide du redressement d'une partie du fleuve, des terrains considérables, je ne pense pas qu'il puisse raisonnablement refuser d'en céder une partie à la ville de Liége, alors qu'elle offre un subside d'un million de francs.

Je prierai la chambre de remarquer que la province et la ville de Liége sont les seules dans tout le pays qui offrent de contribuer par des subsides à l'exécution de travaux publics. Lorsque la province et la ville de Liége ont fait cette offre, il n'était pas question de l'ensemble des travaux publics compris dans le projet dont la chambre s'occupe. Si à cette époque il avait été question d'exécuter dans tout le pays de grands travaux d'utilité publique, sans l'intervention pécuniaire des localités intéressées, il est très probable que la province et la ville de Liége n'auraient pas non plus offert de subside.

On a répété à satiété dans la discussion que la part de Liége était exorbitante, que le trésor public était spolié au profit de la ville de Liége.

Eh bien, qu'est-ce donc que cette part exorbitanle faite à la province et à la ville de Liége dans la distribution des travaux publics ?

Si l'on ne tient compte que des travaux à exécuter aux frais de l'Etat, la part de Liége est tout au plus du quart ; on dit qu'elle est de 8 millions ; mais il faut déduire de ces 8 millions la valeur des terrains que l’Etat pourra vendre, et qui sont évalués à 2 millions ; la dépense faite pour la province de Liége n'est donc que de 6 millions ; les travaux à exécuter par l'Etat devant coûter 26 millions, la part de la province de Liége est tout au plus du quart.

D'un autre côté, la province de Liége n'a aucune part dans les travaux qui se feront par voie de concession de péages.

Si l'on prend l'ensemble des travaux compris dans le projet de loi, on trouve une dépense de 114 millions ; sur ces 114 millions, la province de Liége obtient 6 millions, c'est à-dire à peu près le quart des travaux A exécuter par l'Etat, et tout au plus la 18ème partie de l'ensemble des travaux compris dans le projet de loi.

Si je ne me préoccupais que de l'intérêt local, je ne devrais peut-être pas appuyer le projet de loi ; je dirais que la|part que l’on fait à la province de Liége n'est pas suffisante. Mais je me préoccupe avant tout des intérêts généraux ; je regarde aussi comme une bonne chose les travaux qui se font dans les autres provinces ; il y a solidarité entre toutes les parties du pays ; il est impossible qu'on fasse prospérer une province, sans que les autres provinces s'en ressentent. Voilà pourquoi je voterai pour le projet de loi ; je crois qu'il est destiné à produire un grand bien, en développant les éléments de richesse que le pays renferme et en resserrant les liens d'union qui font sa force.

M. Orban. - L'honorable M. Malou avait posé la question de savoir si les offres de la ville de Liége étaient acceptées sans condition ; nous avons à cet égard deux réponses ; d'abord celle de M. le ministre des finances qui a dit qu'il n'y avait pas de conditions attachées à l'offre faite par la ville de Liége ; ensuite celle de l'honorable M. Delfosse qui a dit qu'il y avait deux conditions : la première, c'est celle relative à la cession d'un terrain pour la construction d'un entrepôt ; à cela il n'y a pas de difficulté ; quant à l'autre condition, elle nécessite des explications ultérieures.

L'honorable M. Delfosse dit que la seconde condition, relative à la station intérieure, ne résulte pas d'une convention faite entre la ville de Liége et le gouvernement, mais qu'elle résulte d'un arrêté pris par M.de Theux et qui aurait promis cette station intérieure à la ville de Liége.

Mais il me semble que la ville n'a pas le droit de subordonner ses offres. Car, rappelez-vous, messieurs, ce qui s'est passé, lorsque j'ai proposé à la chambre que l'Etat s'engageât, dans la loi en discussion, à exécuter le chemin du fer du Luxembourg, si la compagnie ne l'exécutait pas elle-même. M. le ministre des travaux publics m'a répondu : A quoi bon de pareilles conditions ? Car il n'y aurait de la part de l'Etat qu'un engagement moral. Si une semblable stipulation, inscrite dans une loi, ne constitue qu'un engagement moral, vous serez tous d'accord pour reconnaître qu'une stipulation pareille, inscrite dans un arrêté royal, ne peut pas constituer non plus autre chose qu'un engagement moral. Dès lors, il n'y a pas de droit acquis pour la ville de Liége d'avoir une station intérieure. Le droit ne peut résulter ni de l'arrêté de M. Desmaisières ministre qui ne pouvait pas lier la législature, ni de l'offre de la ville, puisque l'arrêté a été pris sans que la ville s'engageât de son côté ; en un mot, il n'y a pas eu contrat synallagmatique. Voyez dans quelle position se trouverait la ville de Liége, si les choses devaient s'entendre comme le prétend M. Delfosse.

M. Rolin avait proposé un crédit pour l'achèvement des stations, vous l'avez rejeté : dès lors vous vous trouvez pour le moment et aussi longtemps que vous n'aurez pas voté de crédit semblable, dans l'impossibilité de faire aucune station. Et si la ville de Liége n'a pas sa station, c'est-à-dire aussi longtemps que vous n'aurez pas fait l'impossible, elle sera en droit de refuser de donner le subside auquel elle s'engage. Il n'y a pas d'obligation prise à l'égard de la ville de Liége, on ne peut pas accepter son offre aux conditions stipulées dans l'article. Je proposerai de modifier l'article en ce sens : « Sans autre condition que l'abandon des terrains nécessaires pour la construction de l'entrepôt ».

M. Cools. - Je dois d'abord dire que si j'ai interrompu tantôt un peu brusquement l'honorable M. Delfosse, il doit en comprendre le motif ; c'est que je tenais à avoir une explication du gouvernement parce qu'il n'y avait que les paroles du ministre qui pussent constituer un engagement quelconque. Mon intention n'était nullement de trouver mauvais qu'il donnât des explications. Je le remercie de celles que nous avons entendues ; seulement, il me permettra de le dire, elles m'ont paru embrouiller l'affaire et la rendre plus obscure qu'auparavant. Il nous a parlé d'embranchement pour relier la ville au chemin de fer de l'Etat et de station à construire. Ce matin, d'autres membres ont parlé de stations à construire à Anvers, à Namur, à Malincs et dans d'autres villes.

Si les paroles de l'honorable M. Delfosse n'ont pas d'autre portée que celles que nous avons entendues ce matin, nous admettons la proposition ; nous devrions au contraire la combattre, si on voulait en tirer cette conséquence que nous nous lions davantage avec la ville de Liége que nous ne sommes liés avec les autres villes, qu'il y aurait engagement de la part de l'Etat, du gouvernement, de construire sans retard un embranchement à travers la ville pour conduire le railway à l'intérieur de la ville. Il faut que tout cela s'explique. L'honorable M. Orban en a déjà fait l'observation, qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce qu'en acceptant les offres de la ville, nous nous engageons à construire une station et un embranchement ? Si oui, que le gouvernement nous le dise, mais qu'il indique alors en même temps au moyen de quels fonds ces constructions seront faites, car il n'y en a pas dans le projet pour cet objet.

Il s'agit de savoir si nous allons encore voter des dépenses dont nous ne connaissons pas le chiffre. Les expressions de M. Delfosse pourraient avoir un autre sens : non seulement il y aurait engagement de la part de l'Etat de faire tous les travaux indiqués, mais la ville et la province ne payeraient pas avant que tous ces travaux supplémentaires fussent exécutés. Voilà des choses sur lesquelles nous devons savoir à quoi nous en tenir.

Je réitère mes interpellations. Si le gouvernement ne veut pas s'expliquer, nous saurons quel vote nous devrons émettre.

M. Dumortier. - Je suis prêt à parler, mais voilà trois orateurs qui interpellent le gouvernement, et le gouvernement ne répond pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Parlez, je vous répondrai en même temps.

M. Dumortier. - Cette question est encore une fois fort obscure pour tout le monde. Jusqu'à quel point s'engage-t-on ? C'est ce qu'on ne (page 2099) nous dit pas. Qu'est-ce que cette convention passée avec la ville de Liége ? A quoi engage-t-elle le pays ? C'est ce que je me suis demandé.

Si j'examine le projet de loi du gouvernement, je vois que la convention, que les offres faites par le conseil provincial et par le conseil communal de la ville de Liége sont acceptées. Quelles sont les offres du conseil provincial ? Elles sont très simples. Quelles sont les offres du conseil communal ? Elles sont conditionnelles. Il nous importe de connaître quelles sont ces conditions dont on ne nous parle pas. C'est précisément sur ce point que j'appelle l'attention de l'assemblée.

Si l'on ne parle pas des conditions posées par la ville de Liége, dans le projet de loi, au moins dans l'exposé des motifs il en est fait mention ; il y est fait mention d'une délibération du conseil provincial et du conseil communal.

Je lis à la page 31 de l'exposé des motifs de MM. les ministres des finances et des travaux publics : « Dans sa séance du 19 juillet 1847, le conseil provincial de Liége a porté le subside à allouer par la province, pour l'exécution du projet à la somme de 370,000 fr.

« La ville de Liége, par délibération du 19 novembre 1847, a offert de concourir pour 1,000,000 fr.»

C'est donc en vertu d'une délibération du 19 novembre 1847 que nous sommes appelés à voter, que nous acceptons les offres de ville de Liége. Si c'est ainsi, je n'aurai à faire que de simples observations relativement à la réserve qui concerne la station, pour laquelle nous avons besoin d'explications avant de voter, car il s'agit de savoir qu'elles sont ici les conditions.

Si, au contraire, le conseil communal de Liége accorde un million de subside pour obtenir trois millions de dépenses, je crois qu'il serait mieux de refuser le million que d'accepter les deux millions de perte.

Je ne préjuge pas les chiffres, je désire seulement avoir des explications. Mais s'il était démontré que depuis le 19 novembre 1847, d'autres résolutions ont été prises et toutes résolutions diamétralement opposées à l'équité ; s'il était démontré que le conseil communal de Liége, à la suite des délibérations dont on vous parle dans l'exposé des motifs, avait pris d'autres délibérations, il nous importerait beaucoup de les connaître. Eh bien ! jusqu'ici rien de semblable n'a été communiqué à l'assemblée ; les sections demandent à la section centrale si la ville de Liége n'avait point eu de délibérations ultérieures.

Leur attention a été attirée par une brochure qui nous a été distribuée et où se trouve cette phrase :

« Hâtons-nous de constater que le conseil communal n'a pas abandonné toute prudence, et que dans sa séance du 16 novembre 4841 il a posé des réserves fort sages, en n'engageant en rien la ville de Liége par le vote qu'il émettait de contribuer dans l'exécution des travaux projetés ; à cette fin, il a stipulé que la ville conserverait tous ses droits pour le cas où l'exécution des travaux projetés aurait pour conséquence d'accroître les inconvénients des inondations. »

Voilà ce qui résulte d'une brochure qui nous a été distribuée dans le courant de cet examen, et cela est de nature à soulever des craintes et à exiger des explications.

Eh bien ! j'ai cherché vainement dans les documents de la chambre qui nous sont soumis, et dans cette séance du 19 novembre 1847, et je vous déclare que je n'en ai point vu de trace. La section centrale est invitée à faire connaître quelle est la délibération du conseil communal de Liége, dont parle le projet de loi, quels sont les offres que l'on accepta. Que fait-on ? On renvoie à la section centrale la même convention de 1847 et vous la trouverez imprimée en toutes lettres à la page 97 du rapport de la section centrale. C'est encore cette même convention du 19 novembre 1847. Mais, je ne vois là rien du tout qui ressemble à une convention de novembre 1849.

Mais, en étudiant de près toutes les pièces qui nous ont été remises relativement à cette importante discussion, j'ai trouvé dans l'adresse au sénat et à la chambre réclamant le redressement de la Meuse, émanée des charbonniers du bassin de Liége, j'ai trouvé une tout autre délibération, en date du 20 février 1850. Vous voyez, messieurs, depuis 1847 de nouvelles conditions ont été posées par la ville de Liége. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lisez à la page 96 du rapport de la section centrale.

M. Dumortier. - Il y a une lettre du bourgmestre, mais cela ne lie pas le conseil communal. Ce sont les offres du conseil communal et non du bourgmestre que la loi accepte.

C'est comme si un ministre posait un acte, la chambre pourrait le désavouer.

M. Lesoinne. - Il y a un moyen que cette lettre lie le conseil, c'est qu'il la ratifie.

M. Dumortier. - C'est un moyen tardif. Mais je veux préciser les faits.

Je lis en tête de la résolution de février 1850, qu'une délibération du 16 novembre 1849 est maintenue. Voyons d'abord la délibération du 20 février 1850. Elle porte :

« Le conseil décide :

« 1° La délibération du 16 novembre 1849 est maintenue ;

« 2° Néanmoins, le conseil, complétant la résolution susmentionnée, offre au gouvernement un second subside de 500,000 fr., à l'effet de concourir à l'exécution du plan général de dérivation proposé par M. l'ingénieur Kummer ;

« 3° Au moyen de ces deux subsides réunis le gouvernement adoptera en principe l'exécution complète dont il s'agit. »

Ainsi, la délibération du 16 novembre 1849 est maintenue. J'ai voulu savoir ce que c'était que cette délibération et, après beaucoup de recherches, je suis parvenu à me procurer des renseignements évidemment fort sérieux. Voyons cette délibération du 10 novembre 1849, je parle ici encore toujours d'après le « Journal de Liége » : Le 16 novembre le conseil communal se réunit pour prendre une résolution relativement à l'offre qu'il faisait au gouvernement d'un demi-million pour les travaux. Dans ce moment il ne s'agissait que d'un demi-million, ensuite on a ajouté un autre demi-million ; cette résolution met aux offres du conseil des réserves telles que si vous votez la loi purement et simplement comme elle vous est présentée, vous ferez un préjudice énorme au trésor public, c'est-à-dire que vous feriez beaucoup mieux de ne pas accueillir l'offre d'un million faite par la ville de Liége, que de l'accepter pour des dépenses beaucoup plus considérables Voici les réserves que la ville de Liége a insérées dans sa convention ; voyons la résolution du 16 novembre 1849, maintenue par la délibération du 20 février 1850 :

« Art. 1er. Le concours de la ville de Liége est offert au gouvernement à concurrence de 500,000 fr., pour l'aider à faire exécuter les divers travaux proposés par le conseil provincial, à l'effet d'améliorer le cours de la Meuse depuis la fonderie de canons jusqu'à Chokier, savoir :

« 1° Barrage à la fonderie de canons ;

« 2° Ecluse latérale à ce barrage ;

« 3° Mur de quai entre le pont de la Boverie et l'usine Paulus ;

« 4° Travaux à faire dans l'intérêt des usines ;

« 5° Ecluse de 3 mètres d'ouverture, etc.

« Art. 2. Aux travaux dont l'énumération précède, seront ajoutés les travaux suivants :

« A. Murs de quai du bassin d'Avroy, des deux côtés, depuis la tête d'écluse placée à l'origine de la dérivation jusqu'à l'écluse de navigation, au séminaire ; système de murs d'après le projet primitif ;

« B. Prolongement des égouts de St-Jacques et de la Sauvenière, avec vannes ;

« C. Deux ponts tournants en fonte sur l'écluse et sur la tête d'écluse prémentionnées ;

« E. Murs de quai avec corps de garde depuis l'écluse de navigation jusqu'à la Boverie ;

« F. Murs de quai avec corps de garde entre le pont de la Boverie et le port de Cheravoye, y compris le dévasement de ce port ;

« G. Enfin, pavage des quais depuis le port de Cheravoye jusqu'à la rue de la Station, sur une largeur de dix mètres au moins.

« Art. 3. Il sera réservé pour l'établissement du chemin de fer, tant pour les voyageurs que pour les marchandises, un emplacement sur les terrains qui resteront libres par suite du redressement en regard d'Avroy.

« Art. 4. Le gouvernement abandonnera à la ville les terrains nécessaires à la construction d'un entrepôt public.

« Fait et délibéré, etc. »

Telle est, messieurs, la résolution de la ville de Liége.

Or, il est constant que cet arrêté avec tous les travaux qui y sont mentionnés, est maintenu par celui du mois de février 1850. Il est constant que lous ces travaux s'élèveraient à la somme de plusieurs millions de francs, et que la ville de Liége n'est pas trop dégoûtée de nous offrir un million de francs pour faire faire à son bénéfice plusieurs millions de francs de dépenses, outre les 8 millions que vous avez votés. Et cela est tellement saillant, messieurs, qu'un conseiller communal de Liége n'a pas pu s'empêcher de le faire remarquer. Que dit en effet dans cette séance, M. Delmarmolle ? « Réclamer, dit-il, plus pour un subside de 500,000 fr., demander des travaux supplémentaires devant coûter 900,000 fr., c'est s'exposer à voir avorter un projet, c'est opposer une fin de non-recevoir. »

Voilà donc un conseiller qui vient reconnaître en plein conseil, que, tandis que la ville offre 500,000 francs, elle demande des travaux pour 900,000 fr.

Effectivement, messieurs, de quel droit la ville de Liége viendra-t-elle demander à l'Etat la continuation de ses égouts, le pavage de ses quais, de telle ou telle rue ?

De quel droit la ville de Liége vient-elle demander une pareille chose ?

Si, sur les terrains qui resteront libres, il faut paver des rues, la ville de Liége fera ce que font les autres villes, elle les payera. Ce n'est pas à nous à le faire.

Les murs des quais, c'est à la ville à les construire. Demandez à l'honorable bourgmestre d'Anvers, si ce n'est pas la ville qui construit les murs de ses quais. Demandez à l'honorable bourgmestre de Tournay si ce n'est pas la ville de Tournay qui construit les murs de ses quais.

Pourquoi donc serait-ce l'Etat qui construirait les murs des quais de la ville de Liége ?

A Gand, est-ce le gouvernement qui fait construire les quais le long de l'Escaut et de la Lys ?

Pourquoi donc ce privilège pour la ville de Liége ?

Je dis qu'il nous faut des explications bien catégoriques, et que dans un pareil état de choses, il faut adopter la proposition qui vous est faite par l'honorable M. Orban. Il ne faut pas que pour un million ou un demi-million que donne la ville de Liége, nous soyons exposés à des dépenses de 2, 3, 4, 5 millions.

Je dis que Liége ne doit pas avoir plus de privilèges que les autres villes. Elle en obtient déjà de très grands. Je sais que l'honorable M. Delfosse trouve qu'elle en a trop peu, qu'il faudrait y ajouter une dizaine de (page 2100) millions dans l'intérêt de la ville de Liége. Chacun en pense ce qu'il veut ; chacun est convaincu de la légitimité de ses doléances. Mais ce qu'il y a de certain, c'est que l'offre de la ville de Liége est conçue en termes tels que, en définitive, elle maintient toute la délibération du mois de novembre 1849 dont je viens de vous donner connaissance.

On y déclare que cette délibération est maintenue.

« Art. 1er. La délibération du 10 novembre 1849 est maintenue. »

Ce n'est pas tout, un conseiller fait des observations sur les résultats des travaux quant aux inondations ; sur les inconvénients qui peuvent résulter pour la ville de Liége des travaux qu'on va exécuter.

Car il est certain que les travaux ne porteront pas, et ne peuvent pas porter remède aux inondations d'une manière absolue. Il n'y aurait qu'un moyen de faire la dérivation de manière à ne plus avoir des inondations : ce serait de la faire tourner de l'autre côté de la montagne.

Mais comme la ville de Liége a sa vallée, qu'elle n'entend pas y renoncer et elle a raison, il faut qu'elle subisse les conséquences de sa position, qu'elle subisse les inondations qui en résultent.

On se demande cependant ce qui arrivera, s'il n'y est pas porté remède. Ici encore je lis dans le Journal de Liége :

« Une nouvelle discussion s'engage par suite de l'observation présentée par M. Dewildt et appuyée par M. Macors, qu'il n'est pas stipulé assez formellement dans le projet de délibération ci-dessus, que la ville reste dans tous ses droits pour le cas où l'exécution des travaux projetés augmenteraient les inconvénients des inondations au lieu de les diminuer Faisant droit à leur demande, sur laquelle M. Dehasse insiste, on modifie le deuxième considérant en ces termes :

« Considérant que l'administration communale, bien qu'elle soit incompétente pour se prononcer, au point de vue de l'art, sur le mérite d'un projet dont les limites ont été ci-dessus déterminées, et dont l'apprécialion et l'exécution appartiennent au gouvernement, ne doit pas hésiter, etc. »

Vous le voyez donc, on a introduit dans la délibération de 1849, une réserve, pour prévoir le cas où les travaux ne pareraient pas aux inondations, et dans ce cas la ville entend attraire le gouvernement devant les tribunaux et le faire condamner, pour ne pas avoir bien exécuté des travaux qu'elle n'est pas à même d'apprécier. Pourquoi ces deux délibérations ne nous ont-elles pas été communiquées par le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous êtes dans l'erreur. Si vous vouliez me le permettre, je vous l'aurais bientôt démontré ?

M. Dumortier. - Pourquoi n'avez-vous pas parlé ? Je vous y ai convié.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien ! voulez-vous me permettre de parler ?

M. Dumortier. - Très volontiers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous êtes complètement dans l'erreur. C'est fâcheux pour la chambre et pour vous, mais il y a une grande confusion dans vos idées sur toute cette affaire.

M. Dumortier. - Vous m'avez demandé de parler. Il fallait le faire avant moi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne savais pas ce que vous vouliez demander. Je supposais que vous aviez étudié complètement la question.

M. Dumortier. - J'ai étudié la question, je le prouve.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous l'avez mal étudiée. Vous allez en être convaincu immédiatement.

M. Kummer fait un plan comprenant les travaux de canalisation et d'amélioration du cours de la Meuse, au point de vue des inondations. Ce plan est soumis au gouvernement, qui l'agrée en 1847, comme vous savez.

Au mois de novembre 1847, la ville de Liége offre pour l'exécution de l'ensemble du plan un subside de 1 million en y mettant uniquement pour condition l'établissement d'une station intérieure et l'abandon du terrain nécessaire pour la construction d'un entrepôt.

Veuillez remarquer que la ville, en statuant ainsi, appliquait la délibération au plan que vous avez sous les yeux. Vous pouvez voir sur le plan que vous avez adopté, la station intérieure et le terrain pour un entrepôt.

M. Dumortier. - On n'a pas adopté un plan.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez adopté un projet dont vous aviez le plan sous les yeux.

La délibération de la ville s'applique exactement aux travaux que propose M. Kummer. C'est écrit sur le plan : Une station à l'intérieur et le terrain qui est nécessaire pour la construction d'un entrepôt, c'est-à-dire que les terrains qui seront disponibles par suite de la dérivation, seront destinés en partie à cette station intérieure et à l'entrepôt.

Le conseil provincial de Liége vote également un subside de 370,000 fr. applicable à l'exécution de ces travaux.

Les événements de 1848 mettent obstacle à la réalisation des projets du gouvernement.

En 1849, comme on ne pouvait pas exécuter l'ensemble du plan et que les intéressés réclamaient vivement l'exécution de cette partie du projet relative à la navigation, objet secondaire au point de vue de la ville de Liége, parce qu'elle se préoccupe surtout des inondations, on demanda cependant le concours de la ville.

La ville, cédant aux instances des intéressés, offrit un subside de 500,000 fr. pour l'exécution de certains travaux de canalisation. Elle en même temps certains travaux relatifs à l'amélioration de la rivière et comme plusieurs conseillers, dont vous venez d'entendre les paroles, redoutaient que l’exécution partielle des plans, que l'exécution des travaux de canalisation, isolés de la dérivation, ne vînt augmenter les inconvénients des inondations, on inséra dans la délibération des réserves relatives aux inconvénients que cette exécution partielle pourrait faire naître. Maintenant, messieurs, on propose l'exécution entière du plan, et par conséquent, la délibération de 1849 devient sans objet.

M. Dumortier. - Elle est maintenue. (Interruption,) « La première délibération du 16 novembre 1849 est maintenue. » Voilà ce que porte la dernière délibération. (Interruption.) Cela se trouve page 21 du mémoire qui nous a été distribué et qui est intitulé : « Mémoire adressé à la chambre des représentants et au sénat. » (Interruption.) C'est du 26 juin 1851.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous vouliez m'écouter jusqu'au bout, vous verriez que vous êtes dans l'erreur.

Cette délibération s'appliquait à l'exécution partielle du plan. Maintenant on propose l'exécution entière du plan de M. Kummer. La ville maintient l'offre d'un million aux conditions qui ont été exprimées. La province maintient son subside, qui a été donné à toutes les époques sans conditions. C'est ce qui est énoncé dans la lettre du 21 juillet 1851, du bourgmestre de Liége.

Voici maintenant ce que porte la délibération de 1845 :

« Art. 2. La réalisation de l'offre de la ville est subordonnée :

« 1° A l'établissement d'une station intérieure du chemin de fer, tant pour les voyageurs que pour les marchandises, sur les terrains qui seront libres entre le bassin projeté et le redressement de la Meuse ;

«2° A la cession gratuite du terrain nécessaire à la construction d'un entrepôt. »

Dans la délibération de 1849 se trouve l'indication de certains travaux. M. Dumortier paraît croire que ce sont des travaux réclamés par la ville en outre de ceux repris au plan de M. Kummer. Il n'en est rien. Ils font partie du plan général. La ville le demandait, lorsqu'il était question de s'occuper isolément des travaux relatifs à la navigation. Mais, puisque c'est du plan général qu'il s'agit aujourd'hui, tout disparaît ; il est fait complètement droit à la délibération.

Du reste pour lever les doutes de l'opposition, je proposerai de rédiger l'article comme suit :

« Sont acceptées les offres faites par le conseil provincial et par la ville de Liége, par leurs délibérations du 19 juillet et du 19 novembre 1847, de concourir à l'exécution des travaux à effectuer dans la vallée de la Meuse, savoir : par la province, à concurrence d'une somme de trois cent soixante et dix mille francs ; par la ville, à concurrence d'un million de francs, payable par quarts, d'année en année, à partir de celle qui suivra l'adjudication des travaux. »

Nous ne pouvons pas, messieurs, faire à nous seuls une délibération du conseil communal de Liége ; cela n'est pas en notre pouvoir. La délibération est ce qu'elle est ; il faut l'accepter ou la rejeter.

M. Orban pourrait proposer une chose que je verrais accueillir avec plaisir comme député de Liége. Ce serait le rejet du million ; vous seriez ainsi en parfaite sécurité quant aux conditions que vous trouvez onéreuses. Comme ministre, je m'y oppose ; comme ministre, je crois qu'il est bon que le subside offert soit accepté ; il viendra en déduction de la dépense.

M. Loos. - Il me semble, messieurs, que cette discussion est parfaitement oiseuse et même dangereuse.

Elle est oiseuse, parce que nous faisons une loi et que nous n'avons pas à tenir compte des délibérations du conseil communal de Liége. Dans cette loi il est dit que les payements se feront par quarts d'année en année, à dater du jour de l'adjudication des travaux. C'est donc à la ville de Liége si cela lui convient, et s'il ne lui convient pas de payer le subside aux époques déterminés par la loi, les travaux ne se feront pas. J'ai dit que la discussion est oiseuse, parce qu'elle pourrait faire croire à la ville de Liége que nous avons encore à compter avec elle, c'est-à-dire qu'il pourrait dépendre d'une délibération du conseil communal de Liége que la loi s'exécute on ne s'exécute pas.

La section centrale a demandé quelle était l'opinion de la ville de Liége ; elle a vu la lettre du bourgmestre de Liége dont il a été parlé tout à l'heure et qui explique qu'il n'y a pas de restriction au vote du subside d'un million ; cependant, pour qu'il ne pût naître aucune difficulté la section centrale a terminé l'article en disant que le subside serait payé par quarts, d'année en année, à partir de l'adjudication des travaux. Il me semble, messieurs, que cela dit tout et que nous n'avons plus à délibérer sur le point de savoir si l'on exécutera telle ou telle délibération ; on exécutera la loi et le gouvernement n'est pas autorisé à agir en dehors des prescriptions de la loi.

M. Orban. - Messieurs, la nécessité de mon amendement ressort de plus en plus de la discussion. Il est évident, d'après les explications de l'honorable M. Dumorlier et celles de M. le ministre des finances qu'il est absolument nécessaire de déterminer dans quel sens la chambre entend accepter les offres de la ville de Liége.

Il y a des délibérations contradictoires ; il existe une lettre du bourgmestre qui est en contradiction avec les délibérations. Il est donc nécessaire, puisque nous acceptons des offres, que vous déterminiez d'une manière précise quelles sont les offres que vous acceptez. Moi, je vous propose d'accepter ces offres dans le sens qui a été indiqué d'abord pas M. le ministre des finances, c'est-à-dire à la condition de céder à la ville le terrain nécessaire pour la construction d'un entrepôt ; j'ajoute « sans (page 2101) aucune condition, » pour écarter par là-même l’effet que l’acceptation par le gouvernement de l’offre faite par la ville de Liége, emporte pour l’Etat l’obligation de construire une station intérieure à Liége.

M. le ministre des finances me répond ; « Il ne vous appartient pas de changer la délibération de la ville de Liége ; elle est ce qu'elle est ; il ne vous appartient pas, comme pouvoir législatif, de défaire la délibération de la ville de Liége.

Cela est parfaitement vrai ; mais ce qui est dans notre droit, c'est d'accepter la délibération de la ville de Liége, entendue de telle ou de telle manière ; mais ce qui est dans notre droit, c'est de dire à la ville de Liége que nous acceptons son offre, en ce sens qu'elle n'est pas subordonnée à telle ou telle condition.

Nous sommes encore dans notre droit, quand nous disons que les travaux promis à la ville de Liége ne seront exécutés qu'autant que les offres faites par la ville de Liége soient accomplies ; nous sommes donc dans notre droit en ajoutant à l'article 8 cette clause, que les offres de la ville de Liége ne sont acceptées que moyennant les conditions indiquées par la chambre.

Il est impossible que les choses soient entendues d'une autre manière ; car, comme l'a dit l'honorable M. Loos, le subside doit être payé par quarts, une année après l'adjudication des travaux.

Si l'on pouvait dire que l'offre de la ville de Liége est subordonnée à l'exécution d'une station intérieure, il faudrait donc qu'avant de commencer les travaux à la Meuse, la station fût faite ; or, ce matin vous n'avez pas voulu voter des fonds pour des travaux de cette espèce.

Au surplus, vous avez pu remarquer une contradiction singulière dans les explications que vous a fournies M. le ministre des finances, et qui, selon lui, devaient mettre à néant les allégations de M. Dumortier.

Il vous a dit : « On a fait un plan, c'est le plan de M. Eliminer ; il a pour but deux choses : d'abord prévenir les inondations, et puis canaliser la Meuse ; c'est ce plan dont on demande l'exécution. » Et en même temps M. le ministre des finances parle de la station intérieure qui, selon lui, doit être également exécutée, pour qu'il soit satisfait à la délibération de la ville de Liége.

Je me demande dans laquelle des deux catégories de travaux doit être rangée la station intérieure ? Est-ce dans la catégorie des travaux destinés à prévenir les inondations ? Non. Est ce dans ceux relatifs à la canalisation de la Meuse ? Non. Au surplus, il n'y a pas lieu seulement à examiner le plan de M. Kummer, mais encore l'emploi de la somme qu'on vous demande : les 9 millions seront employés en partie pour travaux à la Meuse, en partie pour la construction d'un pont, etc., mais nulle part vous ne trouverez une portion quelconque destinée à une station intérieure.

Ainsi, messieurs, de quelque manière qu'on envisage la question, il faut retrancher l'exécution de la station intérieure des obligations que nous pouvons contracter à l'égard de la ville de Liége en acceptant son subside.

Je n'entends pas que la ville de Liége ne doive pas avoir une station intérieure ; mais ce que je veux seulement dire, c'est qu'il n'y a pas une relation nécessaire entre la construction de cette station et l'affaire dont nous nous occupons ; c'est que la station intérieure ne doit pas être exécutée avant les travaux pour lesquels la ville de Liége offre un subside ; c'est qu'il n'y ait pas obligation pour l'Etat de construire la station intérieure de Liége plutôt que celles de Namur et d'Anvers.

M. le président. - M. Malou a déposé la proposition suivante :

« La province et la ville de Liége contribueront à l'exécution des travaux mentionnés au n° 2 de l'article 7 de la présente loi, savoir : la province à concurrence de 370,000 francs, et la ville à concurrence d'un million.

« Ces sommes seront payées par quarts, d'année en année à partir de celle qui suivra l'adjudication des travaux. »

M. Malou. - Messieurs, je dirai très peu de mots pour développer ma proposition.

On discute depuis longtemps pour savoir quelles sont les conditions et quelles sont les conséquences des conditions stipulées dans les diverses délibérations prises par le conseil communal de Liége. Nous voulons tous que la ville et la province de Liége concourent sérieusement et sans conditions onéreuses pour l'Etat, à l'exécution de ces travaux ; eh bien, pour qu'il n'y ait pas de doute, pour que la discussion ne se prolonge pas, il faut adopter une forme d'après laquelle ce n'est plus la ville qui dicte à la législature des conditions dont la portée ne nous est pas connue ; mais dans laquelle nous décidons que la province et la ville de Liége contribuent à la dépense à concurrence de la somme qu'elles offrent.

En réalité, par la rédaction que je propose, il n'y a pas de changement. Nous demandons seulement qu'il n'y ait pas de malentendu, et qu'on ne vienne pas dire, après le vote de la loi, que la législature s'est engagée à concurrence de 8 millions pour travaux à la Meuse ; qu'il y avait des conditions attachées au subside offert par la ville de Liége ; que, ces conditions n'étant pas remplies, le subside n'est point acquis.

En disant que la législature n'accorde les 8 millions que moyennant le concours de la ville et de la province, nous faisons disparaître tout doute.

Ma proposition n'a pas d'aulre but que de terminer, si c'est possible, cette discussion.

M. Dumortier. - Messieurs, pour le moment, je n'ai rien à dire, en présence de la proposition de l'honorable M. Malou, qui tranche la difficulté ; mais je présenterais des nouvelles observations, si quelqu'un insistait encore, pour nous faire voter une station intérieure et un embranchement indépendamment des huit millions que nous avons déjà votés pour la dérivation de la Meuse.

Je demanderai de nouveau à M. le ministre des travaux publics quelle somme est nécessaire pour cette nouvelle dépense ; car la chambre ne peut pas voter des stations intérieures et des embranchements, sans savoir ce qu'elle vote ; la chambre ne peut prendre d'engagement à l'égard de qui que ce soit. Je ne sais pas pourquoi, à propos d'un million offert par la ville de Liége pour les travaux à la Meuse, on lui donnerait une station intérieure et un embranchement.

Il faut donc que le gouvernement s'explique. Puisqu'il a fait tracer un plan de station et un tracé de raccordement, il faut bien qu'on nous dise ce que cela coûtera, le mystère qui plane sur cette affaire. La discussion n'est pas oiseuse, comme l'a dit l'honorable M. Loos. Il a prouvé lui-même qu'elle ne l'était pas, puisqu'il a été révélé par les délibérations subséquentes que l'Etat devait être entraîné à des dépenses plus fortes que le subside que la ville met à la disposition du gouvernement. Il n'y a pas moyen de parer à cet inconvénient, à moins d'adopter l'amendement de M. Malou.

Il est indispensable que nous sachions ce qu'on entend exiger de nous et pour l'embranchement et pour la station qu'on veut établir. S'il arrivait que cela coutât plus que le million offert par la ville de Liége, nous serions tous d'accord qu'il vaudrait mieux n'avoir pas le million que de faire des dépenses plus considérables. Quand nous faisons pour la ville de Liége des dépenses improductives comme celle de la dérivation de la Meuse, si elle veut encore avoir des travaux dans l'intérêt de son commerce, elle doit y contribuer.

Sans doute il faut lui donner des facilités pour l'établissement de son entrepôt, mais il faut s'arrêter là. Vous avez rejeté l'allocation proposée pour les stations de la capitale, d'Anvers, de Malines et de la plupart de nos villes.

Je ne vois pas pourquoi on s'engagerait pour celle de Liége dans une dépense de plusieurs millions. La nouvelle station sera éloignée de celle des Guillemins ; les maisons sont très chères à l'intérieur de Liége, il faudra en abattre beaucoup ; il faut savoir à quoi nous nous engageons.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant persiste à dire qu'il s'agit de voter dès maintenant les fonds nécessaires à, l'établissement de la station de Liége et au raccordement nécessaire pour qu'il y ait une station intérieure. Il affirme que, par l'acceptation des offres de la ville, nous sommes engagés, envers elle, à construire une station, ou qu'elle l'exigera.

M. Dumortier. - Nous sommes engagés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Veuillez m'écouter. La loi du 1er mai 1834 porte que la ville de Liége sera rattachée au chemin de fer ; elle ne l'est pas ; il a été décidé par un arrêté royal de 1836 qu'il y aurait une station intérieure.

Cette station intérieure n'est guère possible qu'à une condition, c'est qu'on exécute les travaux projetés à la Meuse, parce qu'alors seulement on aura des terrains pour une station intérieure. En présence de ces faits le conseil dit : Je donne un million pour l'exécution de ce plan qui a pour résultat de mettre à la disposition du gouvernement les terrains nécessaires à l'établissement d'une station intérieure ; mais la ville ne demande pas que l'on construise, l'Etat ne s'engage pas à construire les bâtiments de la station, tandis que les stations ne s'exécuteraient pas dans d'autres localités. En un mot, c'est l'emplacement de la station qui est déterminé.

Ainsi que je l'ai dit, en répondant la première fois à l'interpellation de M. Orban, on construira la station à Liége, quand on construira celle d'Anvers ou des autres villes ; il n'y a ni plus ni moins que cela pour la ville de Liége. Seulement quand on construira la station, il faudra la construire dans l'intérieur de la ville.

Le sens de la délibération du conseil communal est celui que je viens d'indiquer : quand on construira la station, ce sera dans la ville sur les terrains disponibles par suite du redressement de la Meuse.

M. Orban. - Il faut séparer les deux questions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Séparez-les, si vous voulez, je les tiens unies parce que le sens commun exige qu'il en soit ainsi. Le plan de M. Kûmmer étant exécuté, il y a des terrains disponibles, alors le conseil communal dit : Je donne un million, pour qu'on exécute ce plan. Il ne dit pas davantage, il ne demande pas qu'on décrète la construction d'une station à Liége ; en adoptant la rédaction qui se réfère à la délibération de 1847, il n'y a pas le moindre doute sur le sens de la délibération du conseil et le vote de la chambre.

Il est impossible d'adopter l'amendemenl de M. Malou. Il porte que la province et la ville contribueront pour telle somme. Il n'y a pas à imposer une contribution à une province et à une commune, il s'agit d'accepter une offre, il faut l'accepter telle qu'elle est faite.

Libre à vous de rejeter l'offre si vous la croyez onéreuse. Evidemment elle est avantageuse, c'est un concours qui pouvait ne pas exister et qui est offert dans les termes indiqués dans la délibération du conseil communal du mois de novembre 1847.

M. Delfosse. - On trouve les délibérations du conseil communal de Liége obscures et contradictoires ; elles sont au contraire fort claires et il n'y a pas entre elles la moindre opposition.

En 1847 il était question de l'exécution entière du plan de M. Kummer destiné à préserver la ville de Liége des inondations et à améliorer la navigation de la Meuse dans la traverse de Liége et en amont jusqu'aux (page 2102) limites du bassin houiller ; le conseil communal de Liége a dit : Pour l'exécution de ce plan, je donnerai un million.

En 1849 il était question d'exécuter seulement la partie du projet destinée à améliorer la navigation ; le conseil communal de Liége a dit : Pour l'exécution de cette partie du plan, je donnerai un demi-million, mais je fais des réserves pour le cas où ce travail aggraverait les dommages résultant des inondations.

La délibération de 1849, prise pour le cas d'une exécution partielle du projet de M. Kummer, doit être considérée comme non avenue, dès qu'il s'agit d'une exécution entière de ce projet.

Le conseil communal de Liége faisait des réserves en 1849, parce que l'on ajournait la partie du projet qui a pour but de mettre la ville à l'abri des inondations ; aujourd'hui le conseil n'a plus de raison pour en faire, parce qu'il a une entière confiance dans le projet de M. Kummer.

Il ne peut plus être question que de la délibération du 19 novembre 1847, c'est la seule qui soit maintenue ; cela résulte de la lettre de M. le bourgmestre et d'ailleurs nous l'affirmons.

Du reste, s'il pouvait rester le moindre doute dans vos esprits, l'amendement que M. le ministre des finances vient de présenter est de nature à dissiper toutes les craintes, même celles de l'honorable M. Dumortier.

Il ne reste donc que la délibération de 1847 qui subordonne l'offre d'un million à deux conditions.

La première condition, la cession gratuite d'un terrai pour l'entrepôt, paraît acceptée par tous.

L'autre condition, l'établissement d'une sation intérieure sur les terrains laissés libres par le redressement du fleuve, rencontre encore des opposants ; on s'effraye des dépenses qui pourraient en résulter.

Mais ces dépenses, qui ont été évaluées à un million en 1842, devront se faire dans tous les cas ; on ne peut raisonnablement prétendre que Liége devrait passer de la station intérieure qui lui a été formellement promise en 1836 et pour laquelle des fonds ont été votés par la chambre en 1842, ce serait un déni de justice inqualifiable.

Il est clair que cette station ne pourra se faire que lorsque la chambre aura voté de nouveau les fonds ; ceux qui avaient été votés en 1842 pour cet emploi ayant reçu une autre destination.

Mais lorsque le gouvernement viendra demander des fonds pour les stations de Bruxelles, d'Anvers et d'autres villes, il n'entrera sans doute dans l'esprit de personne de refuser ceux qui seront aussi réclamés pour la station intérieure de Liége.

On ne saurait trop répéter que la condition mise par la ville de Liége à l'offre d'un million n'est pas l'établissement d'une station intérieure. Liége se repose, à cet égard, sur son droit et sur la loyauté des chambres et du gouvernement. La condition réelle, c'est le choix de l'emplacement, c'est que la station soit établie sur les terrains qui seront libres par le redressement du fleuve, c'est là qu'il convient qu'elle soit, pour le commerce et l'industrie et dans l'intérêt de la grande majorité des habitants. Comme je l'ai dit tantôt, si on l'eût établie au port de Cheravoye, près du pont des Arches, (c'était l'idée de M. de Theux), elle eût coûté beaucoup plus.

On craint que la condition ne devienne plus tard un prétexte pour la ville de refuser le payement du subside. Cette crainte est inconcevable, alors que la section centrale a introduit dans l'article du gouvernement un amendement portant que le subside sera payable par quart, d'année en année, à partir de celle qui suivra l'adjudication des travaux.

Cet amendement, combiné avec celui de M. le ministre des finances, lève toutes les objections. J'espère donc que la chambre n'aura aucun égard aux observations présentées par MM. Dumortier et Orban, et qu'elle écartera les amendements de ce dernier et celui de M. Malou.

- La discussion est close.

M. Orban. - Je me rallie à l'amendement de M. Malou.

- L'amendement de M. Malou est mis aux voix par appel nominal et rejeté par 48 voix contre 13.

Ont voté pour : MM. Dumorlier, Jacques, Malou, Mercier, Orban, Rodenbach, Van Grootven, Vermeire, Cools, de Chimay, de Haerne, de Mérode-Westerloo et de Muelenaere.

Ont voté contre : MM. de Steenhault, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lange, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mascart, Morcau, Moxhon, Pierre, Pirmez, Reyntjens, Rogier, Rolin, Rousselle (Charles), Sinave, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Bruneau, Cans, Cumont, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, De Pouhon et Delehaye.

- L'article tel qu'il a été proposé par la section centrale, et amendé par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.

Paragraphe VI

Article 10

« Art. 10 (art. 8 du projet). Pour couvrir la dépense à résulter des travaux mentionnés à l'article 5, le gouvernement est autorisé à emprunter un capital effectif de vingt-six millions de francs. »

Deux amendements sont déposés à cet article ; l'un par M. Vermeire, ainsi conçu :

« § 2. L'emprunt devra être conclu à la condition que le gouvernement reçoive, pour cinq francs de rente annuelle qu'il accorde, au mons cent francs de capital. »

L'autre par M. De Pouhon, ainsi conçu :

« L'emprunt sera daté d'un amortissement annuel d'un p. c. sur le capital nominal. »

Article additionnel

M. Rolin. - Messieurs, l'honorable M. Veydt était intentionné de présenter à la chambre un amendement qui se rattache à la concession du chemin de de fer de Manage à Wavre.

Une indisposition le retenant chez lui, il me fait prier de vous le présenter en son nom ou plutôt de le faire mien, et je me prête d'autant plus volontiers à son désir que cet amendement a toutes mes sympathies.

M. le président. - Cet amendement se rattache-t-il à l'article en discussion ?

M. Rolin. - Cet amendement trouve naturellement sa place avant l'article dont il vient d'être donné lecture. J'en expliquerai en très peu de mois la raison et la portée.

Voici comment cet amendement est conçu :

« S'il intervient avec l'approbation du gouvernement un arrangement entre la société concessionnaire des embranchements du canal de Charleroy et la société concessionnaire du chemin de fer de Manage à Wavre, le gouvernement est autorisé à proroger la durée de la concession des embranchements jusqu'à l'expiration du terme de la concession du chemin de fer. »

Lorsque le gouvernement s'est déterminé, en 1849, à proposer la réduction des péages du canal de Charleroy, il a compris la nécessité de soumettre la société concessionnaire des embranchements de ce canal à une réduction semblable, parce que, elle aussi, était menacée par l'exécution du chemin de fer de Mons à Manage. La société a consenti à ce sacrifice ; et par là elle me semble avoir acquis des droits à votre reconnaissance.

Or, aujourd'hui, par la concession du chemin de fer de Manage à Wavre, il vient d'être créé à côté d'elle une concurrence désastreuse ; certes, elle n'a pas le droit de s'y opposer ; mais il serait peu équitable, me semble-t-il, de la dépouiller en quelque sorte, sans indemnité d'une propriété légitimement acquise, en la frappant de stérilité.

Je comprends qu'il n'est pas possible de vous demander de confiance l'adoption d'un amendement de cette nature ; mais en le proposant aujourd'hui, mon intention est seulement de le livrer aux méditations du gouvernement et aux vôtres. S'il n'était pas adopté, tout au moins provisoirement, et sans préjuger votre décision définitive, l'honorable M. Veydt ne serait plus recevable à le proposer au second vote.

Je prie en conséquence la chambre de vouloir l'admettre dans ces termes.

M. Rousselle. - Messieurs, je crois qu'il serait extrêmement grave d'introduire, même provisoirement, un amendement d'une pareille portée.

Les motifs sur lesquels l'honorable membre s'est fondé me semblent contraires à la loi de 1832 sur les concessions, laquelle permet de faire des chemins de fer, des voies de communication dans un rayon quelconque des concessions déjà accordées.

L'honorable membre a dit, qu'il y avait justice de ne point ouvrir des voies concurrentes de communication sans accorder des indemnités. Ce principe me paraît extrêmement contestable.

Ne pourrions-nous pas remettre cet amendement jusqu'à demain et le voter demain, s'il y a lieu, après mûr examen.

M. le président. - Le règlement est contraire à l'examen actuel de la proposition de M. Rolin, qui ne se rattache ni aux articles que vous venez de voter ni à ceux qui restent à voter. La discussion est donc ouverte sur l'article 10.

M. Malou. - Est-il entendu, que l'article nouveau, présenté par M. Rolin, pourra être proposé au second vote ?

M. Cools. - Je crois que cet article, s'il n'est pas voté aujourd'hui, ne pourra être admis au second vote.

Il est contraire au règlement d'introduire au second vote des propositions qui ne se rapportent à aucune disposition de la loi.

L'amendement de l'honorable M. Rolin est une disposition à part. Nous pouvons l'introduire aujourd'hui dans la loi à titre d'article additionnel, mais il faut le voter aujourd'hui.

Je demande donc que la chambre se prononce sur l'article en discussion et qu'elle s'occupe ensuite de la disposition proposée par l'honorable M. Rolin. On nous propose de voter cette disposition provisoirement et sans engagement pris pour le vote définitif.

Il me semble qu'à moins qu'on ne nous donne des motifs sérieux conte cette demande, rien ne s'oppose à ce qu'elle soit accueillie par la chambre.

M. le président. - J'engage M. Rolin à réserver sa proposition et à la soumettre à la chambre comme article nouveau lorsque nous serons arrivés à la fin des articles de la loi.

La parole est à M. De Pouhon sur l'article 10.

Article 10

M. De Pouhon. - L'article du projet de loi qui autorise l'emprunt, laisse toute latitude au gouvernement pour en établir les bases et les conditions.

Je me reposerais entièrement sur l'usage qui serait fait de cette faculté, si elle n'exigeait de la part du gouvernement que la volonté de faire (page 2103) l'emprunt suivait le plus grand intérêt de l'Etat, mais on diffère souvent sur les moyens de bien faire. Ainsi, en ce qui concerne l’amortissement, des économistes le considèrent comme un faux calcul ; ils vont même, je pense, jusqu'à trouver absurde de rembourser en détail sauf à emprunter de nouveau. D'autres économistes ont à cet égard une opinion tout à fait opposée.

Je vous avoue, messieurs, que je me préoccupe très peu de ces jugements contraires. J'ai l'habitude de ne consulter que les faits, et je suis depuis longtemps en position de les observer de très près et d'en apprécier les conséquences.

Ce n'est pas le moment de disserter sur la matière, messieurs ; je me bornerai à vous dire qu'il est permis d'avoir des doutes, en Angleterre, en Hollande et surtout en France sur l'utilité de l'amortissement parce qu'il se fait, sur les fonds de ces Etats, des spéculations qui dominent l'action de l'amortissement. Mais en Belgique, l'amortissement est nécessaire, indispensable même, pour arrêter ou modérer la baisse comme pour seconder la hausse, parce que nos fonds nationaux ne donnent pas lieu à des opérations de jeu de bourse.

L'appui de l'amortissement est nécessaire pour faire avancer le crédit belge dans la voie du progrès où il est entré en 1844, et vous trouverez sans doute, messieurs, que les économies aussi honorables qu'importantes, obtenues par les opérations de cette année, présentent assez d'attrait pour que vous ne négligiez pas le moyen qui y conduit à l'aide de circonstances propices.

Je passerai sur d'autres arguments, que je pourrais faire valoir en faveur de l'amortissement pour vous soumettre une considération qui doit être d'un grand poids à vos yeux et qui ne me permettra jamais de voter un emprunt sans dotation d'amortissement.

Au commencement de cette session, j'eus l'honneur de vous dire qu'il fallait faire votre deuil d'une belle situation du trésor ; que dès que l'aisance s'y montrerait, nous viendrions tous demander des travaux publics réclamés par nos commettants, qu'ainsi les besoins du trésor renaîtraient bientôt. Au moment de voter le projet de loi qui nous occupe, vous devez convenir, messieurs, que je n'avais pas tout à fait tort.

Il faut parer à cet inconvénient du gouvernement représentatif. Vous ne pouvez pas former une caisse de réserve, elle coûterait beaucoup et elle exciterait trop tôt la tentation. Le seul moyen efficace et véritablement pratique est dans le rachat successif de la dette publique.

L'amortissement, messieurs, c'est la caisse d'épargne de l'Etat. L'Etat doit s'imposer quelques charges de plus au budget, afin d'alléger son avenir, de s'assurer des ressources nouvelles pour les besoins que le temps n'amène que trop souvent. Vous devez faire pour l'Etat ce que font les particuliers qui ont l'esprit d'ordre et d'économie, ce que vous engagez les particuliers à faire quand nous discutons des projets de caisse de crédit foncier, de caisse de retraite, de caisse d'épargne. Le ministère n'a-t-il pas fait valoir comme le principal avantage de la caisse de crédit foncier, la faculté réservée et l'obligation imposée à l'emprunteur de se libérer insensiblement par annuité ? Prêchons d'exemple, messieurs, dans la direction des affaires financières de l'Etat.

Renoncer à l'amortissement des dettes, c'est préparer un abîme qui pour être éloigné n'en serait pas moins certain ; trop de circonstances dans le cours des temps obligent à recourir à l'emprunt pour qu'il soit permis de ne pas s'imposer quelque réserve permanente. D'ailleurs, la confiance publique vous suivrait-elle si vous vous engagiez dans la voie contre laquelle je cherche à vous prémunir ?

Je quitte ce sujet sur lequel je pourrais m'étendre davantage.

Dans la séance d'avant-hier, M. le ministre des finances établit la supposition que son emprunt fût négocié en novembre ou décembre prochain. L'opportunité est tout dans la réalisation d'un emprunt ; si elle se présentait avant l'époque indiquée, j'engage M. le ministre à la saisir. Il ne faut jamais laisser un emprunt en suspens sans nécessité. Le temps est toujours contre l'emprunteur. Le gouvernement court les mauvaises chances et il profite rarement des bonnes, car les cours des fonds publics ne s'élèvent point dans l'attente d'un emprunt nouveau. Je rappellerai à cette occasion un fait qui s'est passé il y a 4 à 5 ans en Angleterre, où l'on peut puiser de bons exemples dans la pratique des affaires. Un emprunt fut présenté au parlement, voté et négocié en huit jours de temps.

Je me permettrai de recommander à l'attention spéciale de M. le ministre des finances l'expérience acquise en Belgique même. C'est que l'Etat s'est toujours parfaitement bien trouver des emprunts émis par souscription publique. C'est par ce mode qu'il a obtenu de beaux prix, qu'il a pu établir lui-même les conditions des emprunts et que le classement des titres s'est le plus promplement effectué. Le travail de l'émancipation financière de la Belgique s'est opéré si laborieusement par les résistances qu'elle éprouvait, que j'ai peur, je l'avoue, qu'il y soit porté atteinte.

Puisque j'ai la parole sur une question de crédit public, j'en profiterai pour dire quelques mots au sujet de l'emprunt forcé de 1848.

Lorsque l'on vit les titres de cette émission recherchés à 90 p. c. et les 5 p. c. de 1840 et 1842 au-dessus du pair, on s'attendit à voir présenter incessamment un projet de loi pour la consolidation de l'emprunt forcé.

L'Etat est pour cet emprunt sous le poids d'un engagement moral de remboursement au pair. Il était important de l'affranchir de cette obligation. Il l'eût été si pendant un temps moral le cours eût dépassé le pair. Alors les détenter-s ayant la faculté de réaliser le capital avec les intérêts, ne pouvaient plus être admis à réclamer en cas de baisse.

La mesure à prendre était naturellement indiquée. C'était de donner à l'emprunt forcé les avantages qui font rechercher les 5 p. c. anciens, soit : l'ouverture d'un grand-livre, des titres définitifs de 1,000 et de 2,000 fr., l'amortissement, deux coupons d'intérêts par an et le payement des coupons à Paris. Il ne serait resté aucune raison d'infériorité de cet effet vis-à-vis de ceux des emprunts antérieurs et le cours se serait aussi élevé au-dessus du pair.

L'emprunt que le gouvernement se proposait de faire était un grand motif de plus d'adopter la mesure que j'indique.

En ouvrant le marché de Paris à l'emprunt forcé, il s'y serait écoulé beaucoup de millions pour remplir des demandes qui n'ont pu être satisfaites à cause de la rareté des titres de nos anciens emprunts. C'eût été alléger d'autant le marché intérieur et faire de la place pour l'emprunt qui va être voté.

Le temps écoulé sous ce rapport est très regrettable ; les circonstances favorables que nous avons eues depuis trois mois ne se prolongeront peut-être pas, mais si M. le ministre des finances approuvait l'idée, il pourrait dès demain la faire consacrer par une loi.

Je vous recommande mon amendement, messieurs, avec la confiance que son adoption serait éminemment utile.

M. Mercier. - Messieurs, j'appuie les observations faites par l'honorable M. De Pouhon, en ce qui concerne l'amortissement. Je ne puis pas croire du reste, qu'il soit dans les intentions du gouvernement de changer, incidemment, le système d'amortissement qui est en vigueur. Dans une séance précédente, un honorable membre chercha à établir quelle serait la charge qui pèserait sur le pays dans le cas d'une conversion de la dette flottante en dette consolidée ; ses calculs étaient basés sur la création d'un fonds à 2 1/2 p. c ; je regretterais que le gouvernement vît dans ces paroles un conseil ou un encouragement à contracter l'emprunt à cet intérêt ; lorsqu'on emprunte à ce taux, on doit considérablement augmenter le capital nominal de l'emprunt et on se met ainsi dans l'impossibilité de diminuer la charge qu'il impose au pair, par des conversions successives de la dette ; au contraire, en empruntant au moindre capital possible et à un intérêt plus élevé, on parvient quelquefois à réduire la charge de la dette, d'un quart, d'un tiers et même de la moitié.

C'est la marche qui a été suivie en Angleterre et au moyen de laquelle on y a apporté d'énormes réductions à la dette publique. Nous sommes également entrés dans cette voie en 1844 ; l'emprunt de 100 millions de 1831, à 5 p. c, a été réduit à l'intérêt de 4 1/2 p. c, ce qui a procuré au pays une économie de 450,000 francs par an ; nous devons nous réserver la même chance favorable pour l'avenir. Une combinaison financière de même nature, nous a fait obtenir sur une autre partie de la dette le double avantage d'en diminuer en même temps le capital et l'intérêt. D'après le traité du 5 novembre 1842, une dette de 80 millions de florins devait être transférée au grand-livre de la dette publique de Belgique.

Le gouvernement avait stipulé la faculté de racheter cette dette au cours de 50 p. c. Ayant usé de ce droit, il avait à choisir entre deux partis : émettre les titres de la dette 2 1/2 p. c, au-dessus du cours de 50, et réaliser ainsi un capital de 4 à 5 millions de francs, ou bien remplacer le fonds 2 1/2 p. c. par un autre, en opérant une diminution considérable du capital et, en même temps, une réduction de l'intérêt. C'est à ce dernier parti que le gouvernement s'est arrêté, en créant des obligations à 4 1/2 p. c. pour une somme de 40 millions, et en acquittant avec le produit de cet emprunt, les 80 millions de la dette à 21/2 p. c. Il a pu ainsi diminuer de 40 millions de florins, le capital, et de 420,000 francs, l'intérêt annuel. S'il avait, au contraire, maintenu le 2 1/2 p. c, rien de semblable n'aurait pu avoir lieu, et il se serait, en outre, privé des chances de l'avenir.

En effet, le 4 1/2 p. c. peut encore se convertir en un fonds à 4 et même à 3 p. c. ; si un jour on le réduisait à ce dernier taux, l'économie serait de 1,692,000 francs.

Cette hypothèse est loin d'être impossible à réaliser ; nous avons vu, il y a bien peu d'années, dans un pays voisin, la dette 3 p. c. cotée au-dessus du pair ; bien plus, vers la fin du siècle dernier, la rente hollandaise à 2 1/2 p. c. a dépassé également le pair. Par ses institutions de crédit et sa fidélité à remplir nos engagements, la Belgique peut être placée parmi les nations dont le crédit mérite, à juste titre, le plus de faveur et ce qui est arrivé dans d'autres pays, peut aussi se produire chez nous, dans des circonstances favorables. Lorsqu'on emprunte au moindre capital possible et à un taux d'intérêt plus élevé, on se ménage toutes les changes défavorables dont je viens de parler ; on peut espérer d'arriver par des conversions successives, à réduire la dette même de moitié ; en effet, si le 2 1/2 p. c. était un jour coté au pair, l'intérêt de la dette belge pourrait être réduite à la moitié du taux auquel la plus grande partie de nos emprunts a été contractée.

Par ces considérations, j'engage de tout mon pouvoir le gouvernement à ne pas augmenter trop fortement le capital de la dette, en contractant l'emprunt à un intérêt faible et en privant ainsi le pays de tout espoir d'alléger sa dette sans aucun sacrifice.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'apprécie les observations présentées par les deux honorables préopinants. Je n'ai annoncé à aucune époque une détermination quelconque quant à la nature du fond qu'il serait convenable d'adopter pour l'emprunt dont nous nous (page 2104) occupons, et je n'ai pas considéré comme un conseil ou un encouragement ce qui a pu être dit à cet égard il y a quelque temps dans cette enceinte. Mais, messieurs, je pense qu'il est convenable, dans les circonstances actuelles surtout, que le gouvernement soit entièrement libre pour la négociation de cet emprunt. La clause que l'honorable M. De Pouhon propose d'insérer dans la loi, aurait cet effet de désigner nominativement le fond. Cela est clair comme le jour. C'est absolument comme si l'on disait que le gouvernement empruntera en 5 p. c. Eh bien, je crois que c'est estropier le gouvernement surtout, je le respecte, dans les circonstances actuelles.

Je ne puis prendre aucun espèce d'engagement, quant au fond auquel nous donnerons la préférence. Le gouvernement se déterminera à cet égard d'après les circonstances et d'après ce qui conviendra le mieux aux intérêts du trésor.

C'est un motif du même genre, messieurs, qui me fait repousser l'amendement déposé par l'honorable M. Vermeire. L'honorable M. Vermeire propose de dire que le gouvernement n'empruntera pas au-dessous du pair de 5 p. c. Je ne puis pas accepter cette condition. Je ferai tout ce que je pourrai pour emprunter au pair de 5 p. c., mais stipuler cela dans la loi ce serait peut-êlre nous mettre dans l'impossibilité de contracter.

Au surplus, messieurs, des clauses de ce genre sont complètement illusoires, car il est parfaitement connu que, par des avantages indirects qui peuvent être faits au prêteur, même sans porter un véritable préjudice au trésor, il est très facile de contracter nominalement au pair de 5 p. c. sans que ce taux soit obtenu en réalité.

J'engage les honorables membres qui ont déposé des amendements, à les retirer : il ne convient pas de lier le gouvernement par la loi.

L'honorable M. De Pouhon a parlé de l'emprunt de 1848. Il est vrai qu'il y a obligation morale de la part du gouvernement de rembourser l'emprunt ; mais nous n'avons pas cru que le moment fût opportun pour le faire.

Nous avons employé tous les moyens dont nous pouvions disposer, pour que ce fonds se rapprochât le plus possible des autres fonds 5 p. c, et il s'en est rapproché. Le moment de faire une opération à l'égard de ce fonds ne nous paraît pas être venu ; les derniers coupons d'intérêt attachés à cet emprunt sont payables le 1er novembre prochain ; le gouvernement aura à aviser ultérieurement aux mesures qu'il y aura lieu de prendre pour arriver à rembourser l'emprunt forcé.

M. Cools. - Messieurs, je me joins à M. le ministre des finances pour engager l'honorable M. Vermeire à retirer son amendement ; cet amendement est inutile et inexécutable ; il est inutile, en ce sens, comme l'a dit M. le ministre des finances, qu'il y a toujours moyen de l'éluder ; comme on ne décide rien, en ce qui concerne le payement des intérêts, il est évident que la stipulation que l'emprunt devra être contracté au pair pourra toujours être éludée, en faisant, par exemple, courir les intérêts anticipativement.

Il y a un autre motif ; nos fonds oscillent depuis quelque temps autour du pair ; ce n'est que depuis quelques mois qu'ils sont un peu plus élevés. Or les événements qui peuvent arriver d'ici à un temps très rapproché doivent nous préoccuper ; dans la situation où l'Europe se trouve en ce moment, je consentirais bien volontiers à ce que l'emprunt fût contracté même au-dessous du pair, s'il fallait passer par là. Mais je crois que cette nécessité ne se présentera pas.

Ainsi, j'engagerai l'honorable M. Vermeire à retirer son amendement.

Mais j'ai une autre opinion, en ce qui concerne l'amendement de l'honorable M. De Pouhon. J'ai compris les raisons données par M. le ministre des finances, et les paroles qu'il a prononcées, sont très rassurantes ; je suis convaincu que ses intentions ne le sont pas moins.

Cependant, il y a des motifs, d'après moi, pour que nous insérions dans la loi une disposition dans le sens de celle qui est proposée par l'honorable M. De Pouhon. D'abord, M. le ministre des finances dit qu'en déclarant qu'il y a un fonds d'amortissement, nous décidons par là même que l'emprunt sera fait à 5 p. c. Si l'amortissement devait avoir cette portée, il serait dangereux : le ministre doit avoir une grande liberté d'action.

Mais il n'y a absolument qu'un seul fond qui n'est pas d'amortissement, c'est le 2 1/2. Ainsi le gouvernement pourrait toujours, même après l'adoption de l'amendement, contracter tout aussi bien du 5 ou du 4 1/2 que du 3 p. c. Sa liberté ne serait donc guère diminuée.

En disant dans la loi qu'il y aura un fond d'amortissement, on rassure les personnes en grand nombre qui sont effrayées de cet entraînement vers les travaux publics et qui savent que les gouvernements et surtout les gouvernements représentatifs sont toujours disposés à faire des dépenses. Ainsi, la disposition par laquelle vous déciderez qu'il y aura un fonds d'amortissement produira un bon effet.

J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. De Pouhon.

M. Vermeire. - D'après les explications donnée par M. le ministre des finances, je déclare retirer mon amendement.

M. De Pouhon. - M. le ministre des finances dit qu'insérer dans la loi une disposition relative à l'amortissement, c'est indiquer le fonds dans lequel l’emprunt se fera.

En effet, messieurs, c'est un des motifs qui m'ont déterminé à présenter mon amendement, d'empêcher un emprunt en un fonds qui déshériterait l'Etat des bénéfices que l'avenir réserve. Puisque M. le ministre des finances déclare qu'il n'est pas contraire en principe à l'amortissement, je consens à retirer ma proposition ; car il est impossible qu'il ne reconnaisse pas que les circonstances actuelles commandant de faire l'emprunt à 5 p. c, afin d'en alléger les charges au fur et à mesure des progrès du crédit national.

Les citations américaines sont aujourd'hui en faveur. Je vous dirai, messieurs, que le gouvernement des Etats-Unis emprunte en 6 p. c, pour se réserver la faculté de rembourser à volonté.

- L'article 10 est mis aux voix et adopté.

Article 11

« Art. 11. Il est alloué au département de l'intérieur une somme d'un million six cent mille francs (fr. 1,600,000) à rattacher aux budgets de 1832, 1833 et 1834, répartie comme suit :

« 1° Subsides pour travaux d'hygiène publique, ayant spécialement pour objet l'assainissement des villes et communes dans les quartiers occupés par la classe ouvrière : fr. 600,000.

« 2° Subsides pour construction et ameublement d'écoles : fr. 1,000,000.

« Total ; fr. 1,600,000. »

M. Dumortier. - Je demande le renvoi de cet article au budget pur et simple ; il me semble qu'il est très inutile de voter maintenant le budget de 1854 ; si la chambre en 1854 rejetait le crédit du budget, nous n'aurions rien fait.

M. Mercier. - J'engagerai plutôt M. le ministre des finances à comprendre ces sommes dans l'emprunt ; il y a une grande difficulté à comprendre les dépenses extraordinaires dans les budgets ordinaires ; car alors il faut créer des voies et moyens pour ces dépenses qui ne sont que pour deux ou trois ans, ou bien vous vous constituez en déficit. Il y d'autant plus lieu de procéder comme je l'indique, que le gouvernement lui-même avait proposé primitivement lui-même de couvrir ces dépenses extraordinaires par l'impôt.

Je le répète, il y a un véritable inconvénient à porter des dépenses extraordinaires dans les budgets ordinaires.

M. Orban. - J'engagerai également M. le ministre de réserver cette allocation pour le budget.

Ces sortes de demandes sont pour les membres l'occasion de présenter des observations sur l'usage eu sur l'emploi qu'on en veut faire. Nous ne sommes pas préparés pour présenter ces observations, et je ferai remarquer que c'est la première fois qu'une dépense semblable est présentée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous avions d'abord demandé que les allocations pour les écoles et les travaux d'assainissement fussent comprises comme les autres dans le projet. La section centrale a témoigné le désir qu'elles fussent rattachées à trois budgets ; par conciliation, nous nous sommes ralliés à cette proposition.

Quant à nous, il nous serait plus agréable de pouvoir disposer dans un seul exercice de toute la somme ; mais, je le répète, dans un désir de conciliation, nous avons consenti à la répartition sur trois budgets.

M. Delfosse. - M. le rapporteur étant absent, pour cause d'indisposition, je demanderai la permission de donner une explication. La section centrale a introduit cette modification dans le projet, pour ne pas augmenter le chiffre de l'emprunt. On avait introduit de nouvelles dépenses ; le chiffre de 26 millions ne suffisait plus. C'est pour ne pas dépasser ce chiffre de 26 millions, qu'on a proposé de répartir la dépense dont il s'agit en ce moment, sur trois exercices.

M. de Chimay. - Messieurs, j'étais bien décidé à ne pas prendre part à la discussion du projet de loi qui vous occupe. Mais je suis forcé de rompre le silence par les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Delfosse. Il nous a dit que la section centrale s'était décidée à reporter les dépenses dont il s'agit en ce moment, sur trois exercices pour ne pas grossir le chiffre de l'emprunt. Il me semble qu'il aurait fallu se préoccuper d'une question qu'on a complètement laissée de côte, je veux parler de la dépense relative au matériel de l'armée. Je sais que dans une discussion précédente, le ministre a répondu à des observations faites à ce sujet, mais les explications qu'il a données ne sont pas de nature à me convaincre.

Les commissions instituées pourront peut-être établir quelque différence dans l'évaluation des sommes nécessaires pour le budget de la guerre, mais en dehors des dépenses mobiles, variables, il y a celles relatives au matériel ; et, quant à ces dernières, il ne faut pas se faire la moindre illusion, elles sont aussi considérables qu'urgentes. Dès lors, messieurs, et du moment où la législature consacrait des sommes pour des travaux publics, il me semble qu'elle aurait dû affecter une somme quelconque au matériel de l'armée.

On a dit que les dépenses en travaux publics ne s'effectueraient pas immédiatement ; qu'en cas d'éventualités, on pourrait reporter une partie des sommes destinées à ces travaux sur le budget de la guerre. Mais, messieurs, on ne peut pas improviser les nombreux approvisionnements qu'on devrait faire en pareil cas. Il me paraîtrait sage, je le répète, de prévoir et de comprendre un crédit quelconque destiné à parer à ces éventualités. La responsabilité de cette situation est trop grave à mes yeux, pour que je laisse passer cette occasion de la recommander a votre attention.

M. Delfosse. - Je regette que M. de Chimay n'ait pas été présent au commencement de la discussion ; il saurait que M. Osy a demandé quelle serait la somme nécessaire pour mettre dans un état convenable le matériel de notre armée ; on lui a répondu qu'une commission devant (page 2105) être nommée pour examiner les questions relatives à l'armée, il convenait d'attendre le rapport de cette commission.

La chambre n'a pas cru devoir donner suite auxobservations de M. Osy, il y a en quelque sorte chose jugée.

M. Dumortier. - L'honorable M. Delfosse se trompe ; il y a eu demande d'explications, mus il n'y pas eu de proposition. Je partage l'opinion que vient d'exprimer l'honorable prince de Chimay. Nous avons voté des sommes considérables dans des intérêts de localité, il serait sage de s'occuper aussi des intérêts généraux, des intérêts de l'armée ; on se préoccupe toujours de l'éventualité de 1852. Si des événements arrivent dans le sens des préoccupations qui ont déterminé MM. les ministres à nous présenter la loi des travaux publics, sera-t-il temps de s'occuper du matériel de l'armée ? Veuillez-le remarquer, ce n'est pas une de ces questions sur lesquelles les commissions peuvent avoir à statuer, il existe des états sur la situation du matériel de l'armée et les dépenses pour cet objet ne rentrent pas dans les charges ordinaires de l'Etat.

Si les événements qu'on redoute survenaient, il serait trop tard de songer à confectionner le matériel qui nous manque. J'invite le gouvernement, avant le deuxième vote du projet qui nous occupe, à proposer tout ce qu'il croit nécessaire pour donner au pays la sécurité qu'il est en droit d'exiger de son gouvernement en présence des éventualités de 1852.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question que soulèvent les honorables préopinants, a été déjà examinée par la chambre. (Interruption.)

Il vous convient de dire non ; les faits sont là ; une motion semblable faite par l'honorable M. Osy a été écartée par la chambre.

On connaît, au surplus, votre but. Lorsque des impôts vous ont été proposés, vous ne vous êtes pas souvenu de l'armée ; les impôts, vous ne les avez pas votés !...

M. Dumortier. - Vous n'avez pas proposé d'impôts pour l'armée, mais pour les travaux publics.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a proposé des impôts pour rétablir l'équilibre entre nos recettes et nos dépenses et parmi nos dépenses figure apparemment le budget de la guerre. On sait parfaitement faire intervenir l'armée, quand on croit que cela peut être utile, mais quand il s'agit de venir efficacement en aide à ce grand intérêt, que nous nous plaçons très haut, que nous ne déserterons pas, nous ne vous trouvons pas.

M. Dumortier. - Vous n'avez jamais rien proposé pour elle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ah ! quoique vous disiez-vous aurez la responsabilité de vos votes. Qu'a-t-on fait de ce grand intérêt ? Un instrument de parti, un moyen d'opposition ! (Interruption.)

Je protesterai contre votre tactique et vous m'écouterez jusqu'au bout.

M. Dumortier. - Je vous répondrai.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, répondez à ceci : Vous signalez le matériel de l'armée ; est-ce pour la première fois que vous en entendez parler ? Est-ce aujourd'hui pour la première fois que vous apprenez quelles sont les dépenses qu'il faudrait faire pour le mettre en bon état ? Avant l'examen auquel on se livre, n'en avez-vous jamais entendu parler ? Dans cette chambre, il y a plusieurs années, un lieutenant général vous a exposé sa situation, qu'avez vous proposé, qu'avez-vous fait ? Vous étiez au pouvoir. Il vous a déclaré que le matériel exigeait 14 millions, et vous avez réduit les allocations ; voilà vos œuvres !

- Un membre. - Qu'est-ce que cela signifie ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce que cela signifie ! Cela signifie que vous n'avez pas su faire, quand vous étiez au pouvoir, ce que vous exigez aujourd'hui que l'on fasse avant toute espèce d'examen, avant que nous ayons pu constater quelle est la situation véritable du matériel de l'armée. Si vous étiez persuadés qu'il était indispensable de l'améliorer, votre devoir était de vous en occuper, lorsque vous étiez au pouvoir. Mais vous n'apportez cette idée que le jour où vous êtes minorité, le jour où il faut que vous fassiez de l'opposition sur tout et toujours, car l'armée n'est pour vous qu'un instrument d'opposition.

Mais cet instrument tournera contre vous, sachez-le bien : les véritables amis de l'armée, on les connaît ; on sait de quel côté ils sont ! On sait si ce sont ceux qui, après avoir fait de notables économies dans les budgets, sont venus demander des impôts, ou si ce sont les hommes qui, repoussant les économies, repoussant les impôts, repoussant toute proposition qui émane de nous, parce que l'opinion libérale est an pouvoir, viennent dans cette enceinte se déclarer, mais par des paroles seulement, des amis de ce grand intérêt qu'ils ont méconnu jadis en prolongeant la mauvaise situation des finances de l'Etat, et qu'ils méconnaissent encore aujourd'hui par leurs actes, par leurs votes. (Très bien ! très bien !)

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le président. - Vou savez la parole ; mais veuillez rester dans la question.

M. Malou. - Il faut cependant qu'on réponde.

M. le président. - M. le minisire des finances n'a fait que répondre à une interpellation. Il faut mainteraut rentrer dans la quesion.

M. Dumortier. - Vous avez entendu les paroles étranges de M. le ministre des finances et ses accusations.

Mais quand donc a-t-on voulu faire de l'armée un instrument de parti ? Qui donc a fait de l'année un instrument de parti ? Qui donc est venu dire que pour ne pas scinder votre majorité, il fallait réduire le budget de la guerre à 25 millions ? C'est vous ! c'est vous, qui avez fait de l'armée un instrument de parti ! Et vous osez nous adresser ce reproche.

Vous dites que nous avons refusé de voter les impôts que vous avez proposés dans l'intérêt de l'armée. Mais quand donc avez-vous proposé des impôts dans l'intérêt de l'armée ?

Jamais ! vous avez demandé des impôts, mais c'était pour des travaux publics, pour la dérivation de la Meuse, mais jamais pour l'armée. Vous avez demandé des impôts pour des intérêts de localités ; jamais pour l'armée.

Vous ne pouvez donc pas dire que nous avons voulu faire de l'armée un instrument de parti, et que cet instrument tournera contre nous. Qui donc a, par esprit de parti, compromis les intérêts de l'armée 1 Nous, nous les avons défendus, vous les avez sacrifiés !

M. le président. - Je vous prie, M. Dumortier, de rentrer dans la question. Remarquez qu'il ne s'agit pas maintenant de l'armée.

M. Dumortier. - Nous avons posé une question très simple ; on nous répond par des paroles dures, j'ai le droit de répliquer.

M. le président. - Vous avez répondu à ces paroles. Veuillez maintenant rentrer dans la question.

M. de Muelenaere. - Mais, M. le président, M. Dumortier répond au minisire ; il est dans son droit.

M. Rodenbach. - C'est évident !

M. Lesoinne. - Allons, c'est tout !

M. le président. - Ce n'est pas le ministre qui le premier a parlé de l'armée. Il s'est borné à répondre à une interpellation. Il lui a été répliqué. L'incident est terminé.

M. Delfosse. - Il faudrait, à la fin de la discussion, recommencer la discussion générale.

M. Dumortier. - M. le président, ai-je ou non la parole ?

M. le président. - Malgré tout le plaisir que j'ai à vous entendre, je ne puis, M. Dumortier, vous maintenir la parole, si vous persistez à vouloir parler de l'armée ; car il ne s'en agit pas maintenant.

M. Dumortier. - Mais, M. le président, l'honorable prince de Chimay et moi, nous avons demandé au gouvernement, dans des termes simples et modérés, si, quand on s'occupait d'un ensemble de travaux publics, il ne convenait pas au gouvernement de songer au matériel de l'armée. C'était notre droit, c'était notre devoir. À cela, on répond par des accusations violentes et que rien ne justifie : on nous accuse d'avoir compromis les intérêts de l'armée, alors que nous avons toujours été ses défenseurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, en paroles !

M. Dumortier. - L'armée sait bien qui l'a défendue, le jour où l'on a voulu réduire son budget.

M. Lesoinne. - Nous verrons si l'armée peut compter survous.

M. Dumortier. - Certainement on le verra.

M. le président. - M. Dumortier, je vous prie de nouveau de rentrer dans la question.

M. Dumortier. - Il y a plusieurs années, un honorable général... (Interruption.)

M. le président. - M. Dumortier, j'ai grand plaisir à vous entendre ; mais, puisque vous ne voulez pas rentrer dans la question, je suis obligé de vous ôter la parole.

M. Dumortier. - Il n'y a plus de liberté de tribune.

M. le président. - Vous avez la parole sur l'article en discussion ; mais pas sur l'armée.

M. Orban (pour une motion d'ordre). - L'incident est-il clos ou non ? S'il n'est pas clos, on doit laisser parler M. Dumortier.

M. le président. - L'incident est clos !

- L'article 11 est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - Il nous reste maintenant à statuer sur la proposition de M. Veydt. La chambre veut-elle l'adopter avec la réserve proposée par M. Rolin.

M. Allard. - C'est impossible ; il faut une discussion sérieuse ; on ne peut adopter, pour la forme, une disposition qui, peut-être, passerait ensuite sans discussion au second vote. M. Veydt, qui faisait partie de la section centrale, pouvait y faire cette proposition.

M. Malou. - L'heure est trop avancée pour qu'il y ait maintenant une discussion approfondie. Mais il est évident qu'il y aurait discussion au second vote. Je crois donc que nous pouvons, sans rien préjuger, adopter la proposition de l'honorable M. Veydt.

M. Orban. - C'est impossible, car il ne s'agit pas d'un amendement, mais d'une proposition. Or, pour les propositions, le règlement prescrit une série de formalités : autorisation de lecture donnée par les sections ; lecture, développements ; première discussion, prise en considération ; renvoi à une commission ; rapport ; deuxième discussion ; vote. Rien de semblable n'a eu lieu. Nous devons donc écarter cette proposition ; car la chambre, qui n'a pas eu le temps de l'examiner, n'est pas en mesure d'émettre un vote consciencieux et éclairé.

M. Ansiau. - Je crois devoir m'opposer de toutes mes forces à l'amendement que l'on vient de proposer a la chambre au nom de l'honorable M. Veydt.

Cette proposition que l'on jette d'une manière en quelque sorte subreptice, et dont il est impossible de prévoir toute la portée, est de nature à léser gravement les intérêts du bassin du Centre,

D'un autre côté, messieurs, je ne comprendrais pas que la chambre fît si bon marché des intérêts du trésor, puisque l'adoption de cette (page 2106) proposition éloignera de beaucoup l'époque où l'Etat entrera en possession de ces voies navigables, et où il pourra percevoir à son profit les péages considérables que la société concessionnaire perçoit annuellement,

D'un autre côté encore, messieurs, il n'a nullement été stipulé dans l'acte de concession que l'Etat s'interdisait toute autre voie de communication ou de transport. Je ne suis pas préparé, messieurs, à traiter complètement cette question ; mais je crois pouvoir dire que ce serait sacrifier complètement les droits de l'Etat que d'admettre l'amendement dont il s'agit.

M. Delfosse. - On ne peut pas opposer ici la fin de non-recevoir indiquée par l'honorable M. Orban. Il est évident qu'il s'agit, non d'une proposition de loi, mais d'une disposition additionnelle. La chambre peut la rejeter ; elle ne peut pas l'écarter par une fin de non-recevoir.

- La proposition de M. Veydt est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La séance est levée.