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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 avril 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1179) M. Ansiau procède à l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Perceval lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants d'Heestert demandent qu'il soit pris des mesures pour relever l'industrie linière. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques habitants du canton de Fléron demandent qu'il soit pris des mesures pour que le juge de paix de ce canton et son greffier, qui demeurent à Liège, résident au chef-lieu du canton. »

- Même renvoi.


« Le sieur Manche, ancien commissaire de police à la station du chemin de fer du Midi, prie la chambre de lui accorder un maximum de pension. »

M. Faignart. - Je viens appuyer cette pétition qui a pour objet une demande d'augmentation de pension. Le pétitionnaire a des antécédents que bien des personnes envieraient. C'est un ancien militaire, un ancien employé, et la pension dont il jouit est réellement insuffisante.

Je prierai la commission des pétitions de faire un prompt rapport sur cette requête.

M. Rodenbach. - Je me joins à l'honorable M. Faignart pour demander que la commission des pétitions veuille bien faire un rapport aussitôt après la rentrée, après les vacances de Pâques.

- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions avee demande d'un prompt rapport.

Par dépêche du 9 avril, M. le ministre des finances adresse à la chambre les explications demandées sur la pétition du sieur François-Joseph Lambert, ancien géomètre du cadastre, tendant à obtenir la révision de sa pension.

- Dépôt au bureau des renseignements.


Il est fait hommage à la chambre par M. Del Marmol, au nom du comice agricole des cantons de Namur-Nord et d'Eghezée, de quelques exemplaires d'un travail sur les baux à ferme adopté par ce comice.

- Distribution aux membres de la chambre.

Projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget du département de l’intérieur, pour défrichements

Rapport de la section centrale

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant au département de l'intérieur un crédit de 500,000 fr. pour défrichements.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La chambre, sur la proposition de M. le président, décide que le rapport sera envoyé à MM. les membres à domicile.

M. Rodenbach. - Quelles sont les conclusions ?

M. de Man d'Attenrode. - La majorité adopte le projet.

Projet de loi sur le crédit foncier

Discussion des articles

Article 16 (projet de la section centrale)

La discussion continue sur la seconde partie de l'article 11, formant l'article 16 du projet de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on pourrait faire droit aux observations qui ont été présentées dans la dernière séance en inscrivant ces mots dans l'article :

» Le lendemain du jour de l'inscription, le conservateur, après s'être assuré qu'aucune aliénation n'a été transcrite, ni aucune inscription prise au préjudice de la caisse depuis la date du certificat négatif joint à l'appui de la demande, opère, contre récépissé sous seing privé, la délivrance des lettres de gage au notaire qui a reçu l'acte. »

On supprimerait les deux derniers paragraphes.

A l'aide du moyen que j'indique, il y aura parfaite sécurité pour la caisse, pour le conservateur des hypothèques et pour l'emprunteur. On ne sera pas non plus exposé à voir des retards dans la délivrance des lettres de gage, dans le cas où le conservateur des hypothèques ne connaîtrait pas les parties.

Il pourrait exiger certain acte, certaine garantie avant d'opérer la remise des lettres de gage à l'emprunteur qu'il ne connaît pas. En faisant remise des lettres de gage au notaire qui a reçu l'acte, le conservateur qui est en relation avec le notaire, qui connaît sa signature, pourra agir promptement et avec sécurilé.

Je demande aussi le retranchement des deux derniers paragraphes. Pour l'avant-dernier, cela va de soi puisque les mots que je propose doivent y suppléer. Le dernier paragraphe est inutile, ainsi qu'on peut le voir en le combinant avec l'article 25.

M. Delfosse. - Le changement proposé par M. le ministre des finances fait droit aux observations que j'avais présentées hier contre la disposilbn qui autorisait le conservateur à se délivrer récépissé à lui-même. Je me rallie par conséquent à ce changement.

M. Deliége, rapporteur. - La majorité de la section centrale, ici présente, se rallie au changement proposé par M. le ministre des finances.

M. de Muelenaere. - Si j'ai bien compris l'amendement, les lettres de gage seront remises au notaire qui a passé l'acte contre son récépissé sous seing privé. Lorsqu'il s'agira de sommes minimes, je crains que cette disposition n'augmente considérablement les frais : l'acte ne sera pas toujours passé dans la ville où existe le bureau des hypothèques. Le notaire peut avoir sa résidence à plusieurs lieues de là et alors il sera obligé de se transporter au siège du bureau des hypothèques. Il en résultera nécessairement une augmentation de frais.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'observation de l'honorable comte de Muelenacre ne me paraît pas fondée : le conservateur est autorisé à remettre les lettres de gage au notaire qui a reçu l'acte contre son récépissé ; le notaire peut évidemment envoyer son récépissé au conservateur des hypothèques, et comme le conservateur est en relations constantes avec le notaire, qu'il connaît parfaitement sa signature, qu'il est certain de ne pas être trompé, il n'y aura aucune espèce de retard. Le notaire n'exigera pas de son client une indemnité particulière pour donner cette signature.

Si l'on avait pu faire inscrire au pied de la grosse l'acte de décharge de la délivrance des lettres de gage, on aurait paré à cet inconvénient : mais veuillez remarquer que la grosse doit être remise au conservateur la veille du jour de la délivrance des lettres de gage, parce que c'est à la suite de la remise de la grosse qu'il doit s'assurer qu'il n'existe pas d'inscription à la charge du débiteur. C'est pour cela que je propose de faire remettre les lettres de gage au notaire qui a reçu l'acte, contre son récépissé qui vaudra décharge pour le conservateur.

De toute autre manière, l'emprunteur aurait plus de frais à supporter : le conservateur, craignant de remettre les lettres de gage à un tiers qui ne serait pas l'emprunteur, exigerait des formalités pour constater l'identité. La remise des lettres de gage au notaire évitera que l'on soulève toutes ces difficultés.

- La disposition proposée par M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.

Article 12 (projet du gouvernement)

« Art. 12. Si les immeubles sont situés dans le ressort de plusieurs bureaux d'hypothèques, la délivrance des lettres de gage a lieu au bureau dans le ressort duquel se trouve la plus grande partie des immeubles, eu égard à la valeur déterminée conformément à l'article 8. Elle n'est effectuée qu'après l'inscription de l'hypothèque dans les divers bureaux, et chaque conservateur constate l'inscription au pied de la grosse ou d'une expédition de l'acte d'obligation, sous la double responsabilité prévue par l'article précédent.

- La section centrale propose la rédaction suivante :

« Lorsque les immeubles sont situés dans le ressort de plusieurs arrondissements, la délivrance des lettres de gage a lieu au bureau dans le ressort duquel se trouve la partie des biens qui présente le plus de valeur, eu égard à l'estimation faite conformément à l'article 12.

« Elle n'est effectuée qu'après l'inscription de l'hypothèque, dans les divers bureaux et au vu d'un certificat constatant que les vérifications voulues par l'article 16 y ont été faites.

« Ce certificat pourra être consigné au pied de la grosse ou d'une expédition de l'acte d'obligation. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale.

- L'article proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 13 (projet du gouvernement)

Art. 13. Pour obtenir des lettres de gage sur des immeubles grevés, le propriétaire peut autoriser le conservateur des hypothèques à les négocier au cours du jour, et à employer le produit au payement des créances au rang desquelles la caisse doit être subrogée.

« Le payement fait à l'acquit du propriétaire grevé, opère de plein droit la subrogation de la caisse dans les privilèges et hypothèques des créanciers payés. »

- La section centrale propose de rédiger l'article de la manière suivante :

« Lorsque des immeubles sont grèves, le conservateur doit, à la demande du propriétaire, négocier les lettres de gage au cours du jour et en employer le produit au payement des créances, au rang desquelles la caisse doit être subrogée. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne me rallie pas à la rédaction de la section centrale.

M. Moncheur. - Messieurs, les amendements que j'avais présentés à cet article et à plusieurs autres, étaient la conséquence du principe que j'avais proposé à l'article premier, et qui n’a pas été admis ; je retire donc ces amendements.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je propose de rédiger l'article 18 de la section centrale comme suit :

« Lorsque les immeubles sont grevés, la caisse, à la demande du propriétaire, négocie les lettres de gage au cours du jour, et en emploie le produit au payement des créances au rang desquelles elle est subrogée. »

Je maintiens le dernier paragraphe du projet du gouvernement, parce qu'il importe qu'il n'y ait pas de doute sur la subrogation : elle doit (page 1180) opérer de plein droit ; il y aurait doute, si cette mention n’était pas dans la loi.

M. Malou. - Messieurs, si je comprends bien cette disposition et celles qui la suivent, nous nous trouvons maintenant dans un nouvel ordre de privilèges ou, si l'on veut, de dérogations au droit commun, dans l'ordre des privilèges qui peuvent réagir sur les droits de tiers. J'appelle sur ce point l'attention de la chambre.

La caisse, dans le cas prévu par l'article, peut être subrogée aux droits d'un créancier, premier inscrit ; d'après less principes généraux du droit, je pourrais dire d'après les principes de l'équité naturelle, celui qui succède aux droits d'un autre par subrogation n'a que les mêmes droits, et ne peut les exercer que de la même manière.

Or, d'après les dispositions de la loi, lorsque la caisse se subroge aux droits d'un créancier, premier inscrit, elle pourrait, à l'égard de tiers, se prévaloir de toutes les dérogations au droit commun établies par divers articles du projet de loi. Aussi le créancier auquel la caisse est substituée, était obligé de renouveler l'inscription.

Ce créancier est assujetti aux formalités de droit, quant aux offres réelles la consignation, l'expropriation, à l'ordre et à l'exercice de l'action hypothécaire, tandis que, d'après les dispositions qui suivent celle-ci, la caisse serait affranchie de ces formalités.

Je pense qu'il n'y a pas nécessité d'admettre une pareille dérogation, dont les conséquences pourraient être très graves. Quand la caisse se subroge à un créancier, elle doit avoir les mêmes droits que lui et les exercer de la même manière.

Pour qu'il n'y ait aucun doute à cet égard, je propose d'ajouter à l'article en discussion un paragraphe nouveau ainsi conçu :

« La caisse ne peut, en cas de subrogation, se prévaloir à l'égard des tiers, d'aucune des dérogations au droit commun établies par la présente loi. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'arrêter aux observations de l'honorable préopinant. Je demande quel en est le but. En quoi et à qui peut-on nuire ? Quel est le préjudice causé ? Il n'y en a aucun. On ne peut jamais nuire à personne par la disposition proposée. Que fait-on ? On fait indirectement ce que le débiteur a le droit de faire directement. Ce sont là les effets naturels de la subrogation.

Par conséquent, il n'y a aucune espèce de raison, pour ne pas donner à la caisse, devenue créancière par subrogation les droits qu'elle aurait si elle était créancière autrement que par subrogation.

Je maintiens donc la proposition du gouvernement.

M. Malou. - On demande à qui on nuit, mais si l'action de la caisse, exercée d'une manière exceptionnelle par dérogation au droit commun, ne nuit pas aux tiers, ils n'invoqueront pas la disposition ; si elle est de nature à leur nuire, il faut, si vous voulez être justes, qu'ils puissent invoquer le droit commun contre la caisse. Ainsi, par exemple, je reviens sur ce point, le créancier premier inscrit devrait renouveler l'inscription ; s'il négligeait de la renouveler il perdrait la priorité, il perdrait son rang et vous priveriez de ce droit un créancier inscrit en deuxième ligne. Ce créancier peut considérer les formalités expéditives que vous établissez par votre loi pour l'expropriation que l'absence complète de formalités et de garanties, en c qui concerne l'ordre serait de nature à préjudicier à ses intérêts, et cependant si vous n'admettez pas la disposition que je propose, il sera frappé dans ses droits en dehors de tous les principes du droit et de toutes les règles d'équité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois vraiment que l'honorable M. Malou ne se rend pas compte de la disposition ni de la situation. De quoi s'agit-il ? Du propriétaire qui veut emprunter. Il est absolument dans la position de tous les propriétaires qui veulent emprunter ; mais il se trouve qu"il est grevé d'inscription. C'est le cas prévu par la disposition. On autorise à négocier les lettres de gage et à faire servir les produits à rembourser le créancier inscrit en premier rang. Voilà ce qui se passe. Quelle différence y a-t-il entre cette situation et celle où le propriétaire emprunte de prime abord sans rembourser le premier créancier ? Il n'y en a aucune : la caisse devient le nouveau créancier et est placée en lieu et place du créancier. Est-ce que vous prétendez que le nouvel emprunteur peut primer d'autres créanciers postérieurs dont les droits seraient lésés. Mais en quoi ces droits seront-ils lésés ? Par les poursuites éventuelles en expropriation ? C'est un avantage pour lui, car la caisse peut lui communiquer, en réalité, par là, tous les bénéfices de la réforme que vous considérez comme un privilège.

Quel autre inconvénient pourrait exister ? Celui de la dispense du renouvellement de l'inscription au profil de la caisse. Voulez-vous dire que le créancier postérieur pourrait justement, équitablement se prévaloir de ce qu'il ne pourra pas profiter éventuellement d'une erreur, d'une omission ? Est-ce que la justice commande de prévoir le cas où le créancier postérieur pourrait se prévaloir d'une irrégularité, de l'omission de certaines formalités, et peut-on soutenir qu'il serait ainsi privé d'un gain légitime ? D'ailleurs, c'est quand nous arriverons à la disposition relative à l'inscription qu'il y aura lieu d'examiner s’il faut ou non maintenir la proposition du gouvernement.

M. Malou. - Je regrette de devoir prendre une troisième fois la parole sur cette question. M. le ministre ne s'en rend pas un compte exact.

Une propriété est grevée de trois hypothèques, s’élevant aux trois quarts de sa valeur. La caisse se substitue au premier créancier. Il ne s'agit pas d'apprécier les droits de la caisse et du propriétaire emprunteur, je me préoccupe des droits des deuxième et troisième créanciers. Je demande quels sont les effets de la disposition ; elle me paraît déroger au préjudice des tiers, aux dispositions de nos lois générales. (Interruption.)

Le créancier premier inscrit, quand il voulait exproprier son débiteur, devait suivre les formes du droit commun. La caisse qui se substitue à lui est exemptée de cette obligation. Je suppose que la caisse ayant accordé un terme n'ait pas à exercer l'action hypothécaire, que ce soit le deuxième créancier qui doive l'exercer, il devra observer les formalités du droit commun. Si l'expropriation a lieu, soit par l'action du premier, soit par l'action du deuxième créancier, la caisse est affranchie des formalités de l'ordre ainsi que des formalités de l'expropriation, c'est-à-dire que si la caisse n'avait pas été subrogée au premier créancier, le deuxième aurait eu les garanties que la loi générale donne, tandis qu'il en est privé par la loi actuelle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est un avantage qu'on lui fait.

M. Malou. - C'est un avantage pour tous, dites-vous, de changer pour la caisse les dispositions de nos lois et de la dispenser des formalités d'ordre existantes sans en prescrire d'autres ! Permettez à ceux qui auront, comme tiers intéressés, un ordre à régler, un différend quelconque à vider d'avoir une appréciation différente et d'invoquer le droit commun.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu'est-ce qu'on demande ? La réforme des lois d'expropriation ? Tout le monde les trouve vicieuses. Le gouvernement a promis de présenter un projet de loi ; il sera déposé dans le cours de cette session. On proposera une procédure analogue à celle qui est indiquée dans le projet.

M. Malou. - Il n'y en a pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'avez pas cessé de prétendre que l'on accordait à la caisse la faveur d'une loi spéciale sur la saisie immobilière.

Il y a donc nécessité de réformer les lois générales sur ce point. En attendant, on établit une procédure plus simple, plus rapide, plus économique dans la loi qui vous est soumise.

Cette réforme, on la suppose dans l'intérêt de la caisse, et c'est vraiment incroyable ; cette réforme est dans l'intérêt de tous les créanciers, aussi bien dans l'intérêt de la caisse créancière que des autres créanciers postérieurs ; car elle a pour résultat de faire que ces créanciers postérieurs jouissent des bénéfices de la réforme de la loi.

Les hypothèses que suppose l'honorable M. Malou, bien loin de présenter éventuellement un préjudice aux créanciers postérieurs, lui présentent au contraire un avantage. Il est impossible de signaler un préjudice ; je porte le défi d'en signaler un. Il y a au contraire avantage, il y a bénéfice pour tout le monde. Donc il n'y a aucun motif de faire disparaître la disposition du projet de loi.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Malou est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article rédigé comme le propose M. le ministre est adopté.

Article 14 (projet du gouvernement)

« Art. 14. Le propriétaire peut, dans le cas de l'article précédent, et à ses frais, faire sommer les créanciers de se présenter au bureau de la conservation des hypothèques, à l'effet de recevoir les sommes qui leur sont dues, dans les dix jours qui suivront le délai d'un mois à compter de la date de la sommation. Ce délai sera augmenté à raison des distances, conformément à l'article 1033 du Code de procédure civile. Toutefois, si le contrat existant stipulait un terme plus long en faveur du créancier, celui-ci pourrait s'en prévaloir. »

La section centrale a remplacé ce paragraphe de l'article 14 par la disposition suivante, article 19 de son projet :

« Le propriétaire peut, dans le cas de l'article précédent, et à ses frais, faire sommer les créanciers de se présenter au bureau de la conservation des hypothèques, à l'effet de recevoir les sommes qui leur sont dues, dans les dix jours qui suivront le délai d'un mois à compter de la date de la sommation. Ce délai sera augmenté d'un jour à raison de trois myriamètres de distance. Toutefois, si le contrat existant stipulait un domicile pour le payement ou un terme plus long en faveur du créancier, celui-ci pourrait s'en prévaloir. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement se rallie à cette dernière rédaction.

M. Delfosse. - Je crois qu'il faut substituer le mot « lieu » au mot « domicile ». Le lieu stipulé pour le payement peut ne pas être un domicile ; on peut, par exemple, stipuler que le payement se fera à la bourse de Bruxelles.

Le mot « lieu » est d'ailleurs celui dont se sert l'article 1247 du Code civil.

Je demande aussi la suppression du mot « existant », qui est inutile. On dirait : Toutefois, si le contrat stipulait… »

M. Lelièvre. - Je crois devoir faire une observation sur l'interprétation que doit recevoir notre article. Je pense que l’on parle d’une stipulation de domicile pour le payement, il est question d’un domicile en faveur du créancier, en dehors de la ville où réside le conservateur. Ainsi, si la créance était payable dans un domicile élu à Bruxelles, par exemple, le créancier ne pourrait exiger que le payement se fît en ce (page 1181) domicile ; mais il devrait se rendre au bureau du conservateur de la même ville. On n'enlève aucun droit au créancier lorsqu'on l'astreint à recevoir son payement dans le lieu où il a été stipulé, quoique dans un autre domicile.

J'ai cru devoir proposer cette observation, afin qu'il ne puisse exister aucun doute à cet égard. C'est, du reste, en ce sens que la question est appréciée par Pothier, dans un cas qui a quelque analogie avec celui dont il s'agit.

M. Delfosse. - Le mot « lieu » me paraissait plus convenable, parce que c'est l'expression dont se sert le Code civil, mais je n'insiste pas sur ce point, je me borne à demander qu'on fasse disparaître le mot « existant ».

- L'article avec la suppression du mot existant es adopté.

Article 20 (projet de la section centrale)

« A défaut, par les créanciers, de s'être présentés dans les dix jours fixés pour le payement, les sommes qui leur sont dues sont déposées à la caisse des dépôts et consignations. Dans la huitaine, le débiteur fait assigner les créanciers en validité de la consignation, devant le tribunal de l'arrondissement où le bureau des hypothèques est établi ; ce tribunal prononce en dernier ressort et met les dépens à la charge de la partie succombante. »

La section centrale propose de remplacer ce paragraphe par l'article 20 suivant :

« A défaut, par les créanciers, de s'être présentés dans le délai fixé pour le payement, les sommes qui leur sont dues sont déposées à la caisse des dépôts et consignations.

« Dans la huitaine, le débiteur les fait assigner en validité de la consignation devant le tribunal de l'arrondissement où le bureau des hypothèques est établi.

« Le tribunal procède, comme en matière sommaire, et prononce en dernier ressort. »

M. Lelièvre ayant proposé un amendement à cet article, la section centrale, après examen de cet amendement, a proposé de rédiger comme suit le premier paragraphe de son article 20 :

« Les créanciers qui ne se présentent pas dans le délai fixé pour le payement, sont censés refuser les offres, et les sommes qui leur sont dues sont déposées à la caisse des dépôts et consignations. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cette rédaction.

M. Lelièvre. - Je me rallie à la rédaction de la section centrale, qui accueille mon amendement, mais le rédige simplement en d'autres termes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'entends, ainsi que l'honorable M. Lelièvre, le sens de l'article 19. Mais je crois qu'on peut, sans inconvénient, maintenir le mot « domicile », précisément pour mieux rendre sa pensée.

M. Malou. - Je ne combats pas les articles 19 et suivants du projet de la section centrale, bien que je les trouve assez inutiles. La procédure qui existe d'après le droit commun, pour les offres réelles et pour les consignations, n'est pas excessivement compliquée ; et je crois qu'on aurait pu s'y référer.

Je dois seulement faire remarquer qu'ici, sans qu'il y ait intérêt pour la caisse, lorsqu'il s'agit d'un litige entre le débiteur et le créancier, on déroge d'une manière très grave à la compétence judiciaire. On fait prononcer par un tribunal de première instance en dernier ressort, sur des questions qui peuvent intéresser à un haut degré la fortune d'un citoyen.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est certain que contractuellement on peut accepter la clause qui figure dans le projet de loi. Si on peut l'accepter contractuellement, pourquoi n'en ferait-on pas la loi du contrat en l'insérant dans la loi ? Je ne vois à cela aucun inconvénient. Comme il ne s'agit que d'une instance en validité de consignations qui ont été faites, je crois qu'on peut très bien dire que le tribunal décidera en dernier ressort sur cette matière.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 21 (projet de la section centrale)

« § 3 de l'article 14 du projet du gouvernement. La consignation déclarée valable emporte la libération du débiteur et la subrogation de la caisse de crédit foncier dans les privilèges et hypothèques des créanciers. »

La section centrale propose de remplacer ce paragraphe par l'article 21 suivant :

« La consignation, déclarée valable, emporte la libération du débiteur et la subrogation au profit de la caisse dans tous les droits des créanciers. »

- Cet article est adopté.

Article 22 (projet de la section centrale)

« § 4 de l'article 14 du projet du gouvernement. Sur la production du jugement passé en force de chose jugée, le conservateur liquide avec le débiteur. »

La section centrale propose de remplacer cette disposition par un article 22, ainsi conçu :

« Le conservateur liquide avec le débiteur sur la production du jugement passé en force de chose jugée. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cette proposition.

- La proposition de la section centrale est adoptée.

Article 23 (projet de la section centrale)

« Art. 15. Les inscriptions dont la caisse a obtenu le rang par cession ou subrogation sont renouvelées en son nom pour une seule inscription pour le capital nominal des lettres de gage délivrées au propriétaire ou employés à son profit, ainsi que pour deux annuités et les frais éventuels. »

La section centrale propose de remplacer cet article par l’article 23 suivant :

« Les inscriptions dont la caisse a obtenu le rang par cession ou subrogation, sont renouvelées, en son nom, par une seule inscription pour le montant en principal et accessoires des sommes à payer par l'emprunteur. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à la proposition de la section centrale.

-La proposition de la section centrale est adoptée.

Article 24 (projet de la section centrale)

« Art. 16. L'annuité déterminée par l'article premier se prescrit par trente ans à compter du jour de l'échéance.

« Les inscriptions prises au profit de la caisse sont dispensées de tout renouvellement. »

La section centrale propose de substituer à cet article l'article 24 suivant :

« L'annuité déterminée par l'article 4 se prescrit par cinq ans à compter du jour de l'échéance.

« Les inscriptions prises au profit de la caisse sont dispensées de tout renouvellement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis pas me rallier à cette proposition.

M. le président. - M. Osy propose comme disposition transitoire l'amendement suivant :

« L'installation de la caisse du crédit foncier ne pourra avoir lieu qu'après la promulgation d'une nouvelle loi sur l'expropriation forcée. »

Cet amendement formerait un paragraphe additionnel à l'article 16 et remplacerait les articles 18 et 26 du projet du gouvernement.

M. Osy. - Dans la discussion générale, nous nous sommes élevés, d'honorables collègues et moi, contre les privilèges qui se trouvent dans le projet du gouvernement et qui consistent entre autres à faire une loi d'expropriation rien que pour la caisse. Le gouvernement nous a promis, depuis le commencement de la session, qu'il présenterait, sous peu, une nouvelle loi sur l'expropriation forcée ; je pense que pour être justes envers tout le monde, il faut voter cette loi avant que la caisse ne puisse fonctionner.

Le gouvernement nous a dit que tous les particuliers qui donneront de l'argent sur hypothèque pourront insérer dans le contrat les mêmes dispositions qui se trouvent dans la loi. Mais, messieurs, nous devons également songer aux créanciers actuels, dont les créances s'élèvent, comme vous le savez, à près de 800 millions de francs ; ceux-là resteraient, dans tous les cas, sous l'empire des anciennes dispositions. Or, je crois qu'il est juste de mettre tout le monde sur la même ligne, et c'est pour cela que je propose de supprimer le deuxième paragraphe de l'article 16, ainsi que tout l'article 18, et de les remplacer par une stipulation transitoire portant que la loi actuelle ne pourra être mise à exécution que lorsqu'une nouvelle loi sur les expropriations aura été promulguée. De cette manière, il n'y aurait de privilège pour personne, et il ne doit pas y en avoir pour la caisse, puisque la chambre a décidé, sur la proposition de M. le ministre des finances, que la caisse est tout à fait indépendante de l'Etat, que c'est une association mutuelle de propriétaires.

M. Roussel. - Dans la discussion générale j'avais attiré l'attention de la chambre sur la disposition de l'article 16 qui est relative à la prescription. Le gouvernement demande que l'annuité déterminée par l'article 4 se prescrive par 30 ans à compter du jour de l'échéance...

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que l'honorable préopinant me permette de faire une observation sur l'ordre de la discussion.

Il me semble qu'il faudrait d'abord examiner la proposition de M. Osy. Cette proposition est une nouvelle motion d'ajournement. (Interruption.) Qualifiez-la comme vous voudrez, je l'appelle de ce nom. Vous trouverez peut-être le nom mauvais ; mais au fond je ne puis y reconnaître qu'une motion d'ajournement. On voulait d'abord ajourner le projet, on voudrait maintenant ajourner l'exécution de la loi.

La première proposition qui a échoué est reproduite sous une autre forme.

Je pense qu'il faut d'abord statuer sur la proposition de M. Osy, et je demanderai sur cette proposition la question préalable.

M. Osy. - Je trouve que la marche proposée par M. le ministre des finances est très juste, car si ma proposition est admise il devient inutile de discuter les articles 16 et 18. Mais ma proposition n'est pas du tout une proposition d'ajournement ; nous continuerons à discuter et à voter la loi ; seulement elle ne sera exécutée qu'après la promulgation de la loi sur les expropriations, qui nous est promise depuis le commencement de la session et qu'il dépend du gouvernement de présenter. Je n'ai qu'un but, c'est de mettre tout le monde sur la même ligne.

M. le président. - Je crois qu'on est d'accord pour discuter avant tout la proposition de M. Osy. La discussion est donc ouverte sur cette proposition.

M. Delfosse. - Je ne veux pas reprocher à l'honorable M. Osy de manquer de franchise ; je resterai dans les termes parlementaires ; mais (page 1182) je ne puis pas m'empêcher de dire que la proposition qu'il vient de déposer n'est autre chose que la reproduction de sa motion d'ajournement qui a été rejetée à une très forte majorité.

M. de Theux. - Je demande la parole.

M. Delfosse. - Je sais bien qu'il y a un léger changement ; il faut bien modifier un peu une proposition qui a été repoussée pour qu'on puisse la reproduire. Il y a quelques jours, M. Osy demandait l'ajournement de la discussion de la loi ; ce n'est plus l'ajournement de la discussion, c'est l'ajournement de la loi même qu'il propose.

Je demande si la chambre qui a voulu voter la loi malgré l'honorable M. Osy, peut vouloir maintenant que la loi, une fois votée, ne soit pas mise à exécution ; l'honorable M. Osy vient encore nous parler de privilège, mais cette question de privilège a été débattue à satiété.

C'est à cause de cette question que vous avez voté contre l'article premier ; et c'est parce que nous ne partagions pas vos craintes que nous avons voté pour cet article.

La proposition de l'honorable M. Osy a pour but d'ajourner la loi ; sa première proposition avait aussi ce but, mais alors l'honorable M. Osy écartait seulement la discussion, et maintenant il écarte la loi même. A quoi bon discuter actuellement la loi, si ce n'est pour la mettre en vigueur après qu'elle aura été votée ? La chambre en repoussant la première motion de l'honorable M. Osy a voulu, sans aucun doute, que la loi fût mise en vigueur lorsqu'elle serait votée.

J'appuie de toutes mes forces la question préalable qui a été proposée par M. le ministre des finances.

M. Orts. - Messieurs, je vois en réalité que la proposition d'ajournement de l'honorable M. Osy est un mauvais moyen d'arriver au but qu'il se propose.

L'honorable M. Osy désire que, quant aux formalités de la conservation du droit hypothécaire, de l'expropriation et de l'ordre, la caisse reste dans le droit commun. Eh bien, l'honorable membre peut atteindre son but en proposant le rejet du paragraphe final de l'article 16, ainsi que le rejet de l'article 18 tout entier. La loi pourrait après ce vote être mise immédiatement en vigueur, selon la volonté déjà manifestée par la chambre, avec cette modification que, pour l'exercice de ses droits hypothécaires, la caisse restera dans le droit commun.

Cela engagera le gouverment à simplifier, le plus tôt possible, ce que je désire, les formalités du droit commun en matière d'expropriation. Le but qu'a eu en vue l'honorable M. Osy sera atteint, sans que nous ayons l'air de nous mettre en contradiction avec un vote précédent.

Je désire beaucoup que les formalités hypothécaires soient simplifiées pour tout le monde, et je désire fort peu qu'elles le soient seulement pour la caisse.

En résumé, je demande que l'on discute, que l'on vote et que la mise à exécution de la loi telle que nos votes la feront, ne soit suspendue en aucune façon.

M. Osy. - Je suis d'accord avec l'honorable M. Orts ; si on écarte le dernier paragraphe de l'article 16 et l'article 18, la caisse sera dans le droit commun ; et alors le but de ma proposition est atteint.

M. le président. - Pardon, M. Osy ; M. Orts vous a fait remarquer que vous pourriez atteindre votre but en votant contre le deuxième paragraphe de l'article 16 et contre l'article 18.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je persiste à demander la question préalable ; la motion remet en question tout ce qui a été décidé.

M. Osy. - Je retire momentanément ma proposition.

M. le président. - Nous revenons à l'article 16. La parole est à M. Adolphe Roussel.

M. Roussel. - Messieurs, l'article 16 du gouvernement se compose de deux parties ; l'une concerne la prescription ; l'autre, le renouvellement des inscriptions.

Quant à la prescription, j'ai fait valoir dans la discussion générale quelques raisons qui me paraissaient de nature à combattre la pensée manifestée par le gouvernement d'étendre la prescription trentenaire aux annuités de la caisse du crédit foncier.

Pour arriver à cette conclusion, j'avais été amené à examiner la nature générale de la prescription, et j'avais trouvé dans cette nature générale le caractère d'une présomption légale, uniforme pour tout le monde, de telle façon que les annuités en général se prescrivant par 5 ans d'après le Code civil, il me paraissait logique de conserver le droit commun, en ce qui concerne les annuités de la caisse du crédit foncier. M. le ministre des finances m'a répondu qu'ayant affirmé que la prescription doit « en général », d'après sa nature, être suppléée d'office par le juge, j'avais rayé d'un seul trait de plume l'article 2223 du Code civil. M. le ministre s'est émerveillé sur ce que, parlant de la prescription, j'oubliasse une disposition aussi connue que celle-là.

Messieurs, il n'y a rien d'étonnant que je n'aie rien dit de l'article 2223 du Code civil. Cet article constitue lui-même une dérogation aux principes généraux introduits dans le Code civil, par suite d'une erreur résultant des anciennes formes de la procédure romaine. Il était donc complètement oiseux pour moi de mentionner l'article 2223 du Code, tandis que je tirais argument de la nature même de la prescription qui lui est contraire.

Et voulez-vous, messieurs, une preuve concluante de ce que l'observation de M. le ministre des finances à ce sujet manquait de base ? Je vous la fournirai par l'appel à une autorité qui ne sera certainement pas récusée par M. le ministre des finances, parce qu'elle a été mainte fois alléguée par lui dans cette discussion. C’est M. Troplong.

M. Troplong a écrit une longue dissertation sur l'article 2223 du Code civil, pour démontrer que le législateur a eu tort de ne pas permettre, en matière civile, au juge de suppléer d'office la prescription ; que son erreur est provenue de ce qu'il a confondu le système des exceptions en droit romain avec le mode de procédure actuelle ; M. Troplong termine en ces termes (n°87, à la fin) :

« Ces raisons nous déterminent à dire que l'article 2223 est le résultat de préjugés anciens qui n'auraient pas dû passer dans le Code ; qu'il est un emprunt maladroit fait au droit romain ; que toutes les actions étant aujourd'hui temporaires, il serait logique de n'admettre une action fondée sur une obligation éteinte par la prescription qu'autant que le défendeur renoncerait formellement à se prévaloir de ce moyen ; mais que, tant que cette renonciation n'apparaît pas en caractères certains, le juge pourrait suppléer d'office ce moyen consacré par la loi et fondé sur le droit commun. »

J'avais donc raison de soutenir que par sa nature la prescription, non seulement en matière répressive, mais même en matière civile, implique le droit pour le juge de suppléer d'office, et ce, indépendamment du Code civil dont je n'avais pas à m'occuper au moment où je traitais de la prescription dans le sens le plus général du terme.

Permettez-moi, messieurs, d'aborder maintenant la question au fond. Que vous propose M. le ministre des finances ? Il vous propose précisément l'établissement d'une prescription spéciale pour un établissement particulier, de créer un mode de présomption anormale, au point de vue de l'opération dont il s'agit.

Dans l'article 2227 du Code civil le législateur a établi une prescription spéciale pour les annuités, à raison même du caractère juridique qui leur appartient.

Or, que fait M. le ministre des finances ?

Il s'appuie précisément sur le caractère des annuités, qui a déterminé les auteurs du Code civil à établir un temps de prescription plus court pour donner au temps nécessaire pour prescrire une durée plus longue.

Ce mode de remboursement par annuités était connu lors de la promulgation du Code civil. Quand le législateur a écrit, article 2277 du Code : « Tout ce qui se paye par année est prescrit par cinq ans, » le législateur a eu des motifs fondés. Il a voulu forcer le créancier à la diligence, il n'a pas voulu permettre que le créancier laissât écouler un temps trop long, sans que ce temps profite au débiteur. L'article 16 tel qu'il est rédigé encourage l'incurie et la négligence de la caisse. En lui laissant un terme de trente ans pour recouvrer ses créances d'annuités, les oublis, les négligences de la caisse sont encouragés par cette disposition ; il en résultera que les sommes dues pour les annuités s'accumuleront au détriment de tout le monde ; le bénéfice du remboursement par annuité, c'est-à-dire du remboursement insensible, disparaîtra, il me semble ressortir et de la nature de la prescription, et du remboursement par annuités, que la prescription doit offrir le caractère ordinaire de l'article 2277 du Code civil, c'est-à-dire être de cinq ans.

La proposition de la section celrale n'offre aucune apparence d'utilité. Est-il nécessaire de proclamer dans la loi que l'annuité se prescrit par 5 ans, quand la loi commune s'en est exprimée en termes précis et formels ?

Il n'y a rien à faire dans le projet quant à la prescription ; il y a lieu de supprimer la disposition du paragraphe premier, parce que cette disposition est contraire à la nature de la prescription, présomption commune, exclusive de tout privilège en faveur de quelques individus.

Un autre motif pour supprimer cette disposition, c'est que le mode de prescription trentenaire est peu en harmonie avec l'idée du gouvernement quant au remboursement par annuités.

Voilà donc deux arguments concluants contre le premier paragraphe de l'article du gouvernement.

Une seule observation renverse le paragraphe premier de la section centrale : c'est qu'il n'y a pas lieu d'insérer dans une loi nouvelle une disposition de la loi commune.

En ce qui concerne le second paragraphe, commun à la section centrale et au projet du gouvernement, je demande quel motif il y a d'établir au profit de la caisse une dispense de tout renouvellement. Le renouvellement tous les quinze ans a-t-il été réclamé par des motifs particuliers de telle ou telle espèce ? Nullement ; il a élé consacré par des motifs d'intérêt public, d'intérêt général.

Je remarque un signe de dénégation de la part de M. le ministre des finances. Ce signe de dénégation ne peut rien contre la preuve résultant de ce que ce renouvellement est écrit dans ce qui sera bientôt la loi commune. Vous ne comprendriez pas l'insertion d'une disposition semblable dans une loi commune si elle n'était dictée par des motifs d'intérêt général. Ces motifs, vous les trouverez exposés dans la discussion du Code civil.

Quelle raison, d'ailleurs, peut-il y avoir à suspendre au profit de la caisse une mesure qui a été prescrite dans l'intérêt d'une meilleure tenue des registres et pour faciliter les recherches ? Ou le renouvellement est généralement utile ; alors il doit être conservé pour tout le monde. Ou bien il est préjudiciable, et alors il doit être préjudiciable à tout le monde. Ou c'est une formalité inutile ou c'est une formalité utile. Si c'est une formalité inutile, elle doit être supprimée ; si elle est utile conservez-la même pour la caisse du crédit foncier. Il me semble que l'article 16 du gouvernement et l'article 24 de la section centrale (page 1183) pourraient disparaître sans inconvénients pour la caisse qu'il s'agit de fonder. Et, à cette occasion, je dois le déclarer, pour mon compte, je n'emploierai pas de moyens détournés pour la combattre, je n'entends pas la démolir par la discussion des articles.

Pour terminer, je fais observer que ces dispositions peuvent être préjudiciables ; j'engage le gouvernement et la section centrale à y renoncer.

M. Delfosse. - La section centrale propose le droit commun.

M. Roussel. - Il est inutile de l'insérer dans la loi nouvelle pour la prescription des annuités ; mais pour le renouvellement de l'inscription nous ne sommes pas d'accord, la section centrale et moi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant a cru devoir expliquer comment il avait pu énoncer dans la discussion générale que la prescription devait être suppléée d'office par le juge en matière civile.

M. Roussel. - Je n'ai pas dit en matière civile.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'avez pas dit en matière civile. Mais de quoi s'agissait-il donc, s'il vous plaît ? Est-ce que vous ne critiquiez pas la disposition du projet qui, selon vous, dérogeait au principe de la prescription en matière civile ? J'étais d'autant plus coupable à vos yeux, que, suivant vous, je touchais à une chose tellement sacrée que la prescription devait être suppléée d'office par le juge. J'ai pris alors la liberté de faire remarquer que l'article 2223 donnait un démenti aux propositions que vous énonciez devant la chambre. Maintenant l'honorable membre cherche à démontrer que l'article 2223 pourrait bien n'être qu'une erreur législative. Comme nous nous occupons, non de théorie mais de droit positif, je me suis dispensé de suivre l'honorable membre sur le terrain où il s'est placé.

L'honorable membre demande la suppression des deux paragraphes de l'art. 24. Je viens retirer le paragraphe premier, mais par des raisons contraires à celles qui en font demander la suppression à l'honorable préopinant. Il vient d'émettre sur la question de la prescription de l'annuité une opinion que je ne puis partager.

Il prétend qu'il veut laisser la caisse dans le droit commun et qu'il faut appliquer la prescription quinquennale aux termes de l'article 2227 du Code civil ; mais si on appliquait cet article aux annuités dues à la caisse, on sortirait du droit commun, au moins en ce qui concerne la fraction d'annuité destinée au remboursement du capital. (Interruption.) L'honorable M. Roussel qui m'interrompt vient de citer tout à l'heure M. Troplong ; il a peut-être son livre sous les yeux : il peut y lire que, de l'avis de M. Troplong, la fraction du capital comprise dans l'annuité ne se prescrit pas par 5 ans mais par 30 ans.

On léserait donc la caisse, bien loin de lui appliquer le droit commun, si l'on déclarait dans la loi que les annuités qui lui sont dues, sont prescriptibles par cinq ans.

Je demanderai que le premier paragraphe de l'article 24 soit supprimé, afin que la caisse conserve le droit de réclamer ses annuités, d'après le droit commun et partant son capital pendant 30 ans.

M. Roussel. - C'est cela !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est le contraire de ce que disait tout à l'heure l'honorable membre ; je suis charmé de l'avoir si bien convaincu.

En ce qui concerne le deuxième paragraphe de l'article 24, je crois devoir le maintenir, seulement j'y ferai une modification ; je demanderai que la caisse soit dispensée du renouvellement pendant 45 ans, afin qu'il n'y ait pas besoin de mainlevée à l'expiration du terme.

Je le demande, parce qu'il s'agit ici d'un contrat particulier, parce que l'époque du remboursement est fixée par les contrats à un terme de 42 années. Il n'y a aucun intérêt à exiger que le renouvellement ait lieu. Ce ne serait point dans l'intérêt de la caisse ; elle serait astreinte à des formalités et à des frais ; ce ne serait point dans l'intérêt des emprunteurs, ils seraient obligés de supporter ces frais ; ce ne serait pas dans l'intérêt des tiers, puisque le législateur n'a pas à s'occuper des bénéfices éventuels que des tiers pourraient faire au préjudice des créanciers légitimes par suite de l'inaccomplissement d'une formalité qui aurait été prescrite. Ainsi il n'y a, sous se rapport, aucune raison d'exiger le renouvellemet de l'inscription.

Pourquoi le renouvellement de l'inscription est-il prescrit ? L'honorable membre s'imagine que c'est par de graves considérations d'ordre public ; il se trompe complètement. C'est principalement dans l'intérêt de l'administration que le renouvellement des inscriptions est demandé. C'est pour n'avoir pas à multiplier, à maintenir un très grand nombre d'inscriptions sur les registres des conservateurs des hypothèques et éviter que l'on ail à faire des recherches trop longues, trop compliquées et qui exposent à des erreurs.

Il est arrivé que l'on a autorisé à exiger le renouvellement tantôt après dix ans, tantôt après trente ans, que d'autres fois on a laissé subsister indéfiniment les inscriptions. On a eu tour à tour ces législations. Dans le code hypothécaire que vous avez voté, vous avez fixé le terme de ce renouvellement à quinze années. Cela est fondé sur ce qu'il est présumable dans cet espace de temps la libération aurait lieu. On a cru que ce terme, mis en rapport avec les exigences d'une bonne conservation des hypothèques, parerait à tous les inconvénients.

Mais dans le cas particulier qui nous occupa, on peut prolonger ce terme, c'est-à-dire éviter un second renouvellemmt ; car, il ne s'agit pas d'autre chose, en supposant que le système admis par le projet de loi hypothécaire soit définitivement consacré.

J'ajouterai cette considération qui sera de nature à déterminer, sans doute, quelques membres de cette chambre, c'est qu'il a été tenu compte dans le calcul du huitième pour cent, que l'on prélève des frais qui résultent du renouvellement d'inscription, de sorte que la disposition proposée ne préjudicira pas au trésor. Il y aura encore avantage pour le trésor en percevant le huitième pour cent, et en dispensant du renouvellement.

Je pourrais mettre sous les yeux de la chambre des calculs qui établiraient qu'il y aura en définitive bénéfice pour le trésor à procéder ainsi. Je pense que la chambre doit maintenir le second paragraphe de l'article 24, en y ajoutant les mots : « pendant 45 ans. »

M. Lelièvre, rapporteur, se rallie à la proposition, faite par M. le ministre des finances, de supprimer le premier paragraphe de l'article 16-24.

M. Lelièvre. - A mon avis, il est préférable de maintenir la prescription de 30 années. La section centrale a substitué celle de 5 ans par application de l'article 2277 du Code civil. Mais cette disposition n'est applicable qu'aux intérêts des sommes prêtées, tandis que dans l'espèce les annuités se composent de fractions du capital.

D'ailleurs, dans le système de la loi, les intérêts sont capitalisés avec le principal, et dès lors, ils perdent le caractère que suppose l'article 2277 du Code civil. La dette étant éteinte en 42 payements, les annuités constituent de véritables parties du principal lui-même, et dès lors ne sont soumises qu'à la prescription ordinaire.

D'un autre côté, le crédit demande que le créancier ne soit pas astreint à agir dans un aussi bref délai que celui de cinq ans. Sans cela, c'est le porter à traiter son débiteur avec une rigueur que, certes, il n'est pas dans l'esprit de la loi de favoriser.

Je pense donc que d'après la nature des choses et dans l'intérêt même des emprunteurs, il est convenable de maintenir le système du gouvernement de préférence à celui de la section centrale.

Du reste, la proposition du gouvernement replaçant les choses dans les termes du droit commun, je n'ai rien à ajouter sur ce point.

Quant à la seconde partie de l'article, je pense qu'il faut maintenir la disposition, dispensant du renouvellement les inscriptions prises au nom de la caisse.

D'abord, parce que sans cela ce serait aggraver la position du débiteur dont déjà nous avons réglé les obligations dans l'article 4 voté par la chambre. Or, évidemment ces obligations ont été déterminées en vue de l'économie du projet entier du gouvernement et par conséquent pris égard à la dispense du renouvellement des inscriptions.

Au point où est arrivée la discussion, il est impossible d'adopter des dispositions qui aggravent la position des débiteurs ou de la caisse, car évidemment cette position a été fixée par les articles précédents en regard du bénéfice écrit dans notre article qui réduit les frais dus au trésor.

En second lieu, il faut bien convenir que la nature particulière de la créance de la caisse justifie la dispense du renouvellement.

D'abord, il s'agit d une créance qui s'acquitte chaque année et s'éteint ainsi annuellement, répartie pendant 42 ans, terme excédant notablement celui des placements ordinaires. N'est-il pas rationnel qu'une seule inscription suffise pour sauvegarder des droits de cette nature, résultant de la loi et se prolongeant pendant un terme qu'elle-même a fixé ?

Ce n'est pas tout. La créance une fois établie est portée à la connaissance du public qui, à raison de la nature de l'institution, peut s'assurer en tout temps, près des agents de la caisse, si cette créance subsiste encore.

Sous ce rapport, on ne peut confondre la créance dont il s'agit avec une dette ordinaire, et la dispense de renouvellement ne donne pas lieu aux inconvénients que le droit commun a voulu prévenir en prescrivant la nécessité de renouveler les inscriptions.

Je pense donc que sous ce rapport il y a lieu à maintenir l'article tel qu'il est énoncé au projet qui me paraît aussi justifié par la nature spéciale de l'institution que nous fondons ; les opérations de la caisse ont un caractère de publicité qui, en mettant les tiers à même de connaître l'existence de la créance, prévient tout abus possible.

M. Cools. - Je ne veux pas examiner le fond de la question : je crois qu'elle doit être examinée avec attention ; car beaucoup de membres, et je suis de ce nombre, désirent que l'on sorte le moins possible du droit commun. C'est le meilleur parti que l'on puisse prendre, si l'on ne démontre pas qu'il y a sous ce rapport des inconvénients graves.

M. le ministre des finances a demandé quelles raisons il pouvait y avoir pour qu'on obligeât à renouveler l'inscription à telle ou telle époque, que les emprunteurs, les débiteurs n'y ont aucun intérêt : il ne voit pas d'intérêt assez sérieux pour obliger la caisse à opérer le renouvellement de l'inscription. Mais je vois un intérêt général, un intérêt d'ordre, c'est qu'on ne sorte du droit commun que le plus rarement possible.

Cependant je ne veux pas examiner le fond de la question dont pourront s'occuper des orateurs plus compétents que moi.

J'ai demandé uniquement la parole pour faire une observation sur la fin de non-recevoir opposée par M. Lelièvre. Cet honorable membre croit que parce que nous avons voté l'article 4, nous sommes en quelque sorte liés, et que nous n'avons plus la faculté d'examiner s'il y a lieu, pour tout ce qui concerne l'enregistrement et l'inscription, de modifier quelque chose dans le projet de loi.

(page 1184) Evidemment la disposition suivante de l'article 4 : « Un huitième pour cent est versé au trésor public à titre de droits d'enregistrement et d'inscription » est connexe avec l'article 16-24 en discussion et l'article 18-26 qui le suit de près.

Que résulte-t-il de là ? Non pas que nous ne devons pas avoir toute latitude de nous prononcer sur cet article et sur l'article 18-26, mais uniquement ceci, c'est que si nous trouvons qu'il y a des motifs pour introduire des changements dans ces articles, nous aurons à introduire au deuxième vote, dans l'article 4, les changements qui en seraient la conséquence.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'observation de l'honorable M. Lelièvre est parfaitement fondée : il n'a pas dit que cela seul qu'on a voté l'article 4, il est désormais interdit à la chambre d'introduire des changements dans le projet de loi. Mais il a fait remarquer qu'en votant la disposition relative à la quotité qui sera versée au trésor pour droits d'enregistrement et d'inscription, on a nécessairement admis quoique implicitement la dispense du renouvellement des inscriptions ; car, sans cela, il faudrait créer une autre ressource pour payer ces frais de renouvellement. Qui les acquitterait ? Serait-ce la caisse ? Elle n'a rien reçu. Le 8ème p. c. a été versé au trésor.

Il faudrait donc affranchir le renouvellement de tous frais.

Eh bien, si vous dispensez de payer les droits de renouvellement, je vous demande quel motif il peut y avoir pour faire renouveler. C'est ce qu'il m'est impossible d'apprécier : rendons-nous bien compte des motifs du renouvellement de l'inscription. C'est dans des vues d'ordre purement administratif qu'il est prescrit. N'est-ce pas un motif (puisqu'aucun intérêt ne peut être lésé) de dispenser du renouvellement de l'incription ? Evidemment oui.

Si l'on a voulu fonder la caisse, il faut vouloir qu'elle opère avec le plus de sûreté possible. Il ne faut pas qu'elle soit exposée à perdre des créances, parce qu'on aurait négligé de renouveler des inscriptions. Il y a là un danger qu'il faut éviter, qu'il est facile d'éviter, parce qu'aucun motif d'intérêt public ne dicte l'obligation de renouveler les inscriptions.

- - Plusieurs membres. - La clôture.

M. Roussel. - Messieurs, la question est d'une certaine importance. Vous allez le voir, si vous me permettez de répondre.

Il s'agit, messieurs, de la question de savoir si les inscriptions prises au profit de la caisse seront dispensées de tout renouvellement.

Ces inscriptions, prises au profit de la caisse, sont-elles toutes et nécessairement des inscriptions qui doivent avoir une durée de 42 ans ? Non, vous avez établi dans le projet que l'on pourrait en tout temps rembourser, que les obligations seraient toujours remboursables.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On donnera mainlevée.

M. Roussel. - On donnera mainlevée ; mais alors, pourquoi la dispense du renouvellement ?

Je ne m'arrête pas, du reste, à l'objection que je viens de faire et qui est assez grave pourtant pour nous empêcher de voter à la légère des disposiitons comme celles-ci.

L'honorable M. Lelièvre nous dit : L'annuité est une créance sui generis créée par la loi nouvelle. Je réponds : Non, ce n'est pas une créance sui generis créée par la loi nouvelle. Car le mode de remboursement dont il s'agit est connu depuis longtemps.

Il est pratiqué à l'heure qu'il est, il l'était hier par les sociétés et par les particuliers ; il le sera demain encore.

Voici maintenant l'injustice ; c'est que de simples formalités, que vous prétendez gênantes, vous en libérez la caisse du crédit foncier, et que vous les conservez pour les autres sociétés qui ont également admis le remboursement par annuités, sociétés pour lesquelles ces formalités continueront à constituer un embarras.

Vous les conservez aussi pour les particuliers qui voudraient profiter entre eux de ce mode de remboursement que vous prétendez si favorable.

Des deux choses l'une : ou la formalité du renouvellement d'inscription est utile dans un intérêt administratif, utile, par exemple, pour que tous les quinze ans, on puisse renouveler les registres ; ou bien cette formalité est oiseuse, et alors, il n'y a pas de mal à la supprimer pour tout le monde. Mais si elle est réellement utile, pourquoi en dispenseriez-vous la caisse à raison de ses opérations, alors que ces opérations peuvent être faites également par tout le monde ?

Ce n'est pas tout, messieurs, voyez jusqu'où l'on veut nous conduire : on affirme qu'il a été tenu compte du prix du renouvellement dans le 1/8 qui doiteouvrir les frais, et de quoi exempte-t-on ? Précisément de la formalité ; on laisse la caisse soumise à tous les résultats fiscaux. Mais la formalité est l'essentiel. On en convient ; le renouvellement des inscriptions ordonné par la loi civile est une mesure générale, commune, qui doit être appliquée à tout le monde et qui présente son degré d'utilité.

Messieurs, remarquez que cette matière se rattache à tout ce qu'il y a de plus important dans le droit hypothécaire. Qu'est-ce, en définitive, que l'inscription ? C'est la réalisation, comme on l'a fort bien dit, du droit hypothécaire. Qu'est-ce que le renouvellement de l'inscription ? Une formalité introduite dans l'intérêt de la sécurité publique, dans l'intérêt de la facilité administrative et de la connaissance des hypothèques. Cette formalité a été créée, non pas dans tel ou tel intérêt particulier, mais dans l'intérêt de tous.

L'article 24 de la section centrale et l'article 16 du gouvernement sont complètement inutiles pour la caisse du crédit foncier. Ils ne modifient pas considérablement le sort de la caisse ; mais ce qui est fâcheux et préjudiciable, c'est d'établir des dérogations à la loi commune dans des intérêts particuliers, ce que vous ne pouvez jamais en matière civile, même au sujet de formalités légales ; c'est de créer un droit pour les uns et de le refuser aux autres ; et c'est là ce qu'on vous propose.

M. Lelièvre dit vainement qu'il y a concordance entre cet article 24 et les dispositions précédentes. Il n'en est rien. N'existe-t-il pas aujourd'hui de remboursements par annuités ? N'en fait-on pas tous les jours ? Et ne sera-t-on pas obligé par ces sortes de contrat, par la loi hypothécaire nouvelle au renouvellement des inscriptions ? Quel motif, lorsqu'il s'agit d'un mode de remboursement connu depuis longtemps, de privilégier la caisse du crédit foncier ?

Je voterai donc contre le second paragraphe de l'article 24, en félicitant M. le ministre des finances d'avoir renoncé à la première partie de cet article.

M. Malou. - Messieurs, vous avez voté dernièrement une loi nouvelle sur les hypothèques. Vous la modifiez profondément par la disposition que l'on vous propose en ce moment.

Rappelons-nous, messieurs, ce qui s'est passé dans notre pays quant au renouvellement des inscriptions hypothécaires. Une loi du mois de décembre 1828 avait dispensé les inscriptions hypothécaires de tout renouvellement. Quelques années plus tard, les plaintes se sont succédé, sont devenues de plus en plus vives. Dans certaines parties du pays où la propriété est le plus grevée, il était impossible aux conservateurs de délivrer des certificats complets.

En 1844, une longue discussion a eu lieu et l'on a reconnu par une loi la nécessité du renouvellement des inscriptions hypothécaires. On l'a reconnu parce que quand les inscriptions ne sont pas toutes indistinctement soumises à un renouvellement périodique, vous n'avez pas tous les bienfaits de la publicité des hypothèques. Vous créez en réalité une sorte d’hypothèques occultes, en ce sens que le conservateur des hypothèques, pour pouvoir délivrer un certificat négatif, ne doit plus consulter seulement les registres de quinze années, mais parfois ceux de 44 ou de 45 années.

Je crois que l'on pourrait faire droit à l'observation de M. le ministre des finances en ce qui concerne le côté fiscal de la mesure, en prescrivant que les inscriptions seraient renouvelées, mais sans devoir payer le droit.

Je demande qu'on n'abolisse pas incidemment une des dispositions les plus importantes de la loi sur la réforme hypothécaire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il y a une erreur manifeste dans toute cette discussion. On suppose que, d'après le droit commun actuel, il y a lieu, après un certain temps, à renouveler les inscriptions. Je le nie. Le droit commun actuel, c'est la dispense de renouveler les inscriptions. (Interruption.)

Permettez. Je suis dans la vérité. Depuis la loi de 1828, il y a eu dispense de renouveler les inscriptions. La loi de 1842 a disposé que les inscriptions hypothécaires prises avant le 1er juillet 1834, cesseraient d'avoir effet le 1er juillet 1814, si elles n'avaient été renouvelées avant cette époque, et que les inscriptions prises pendant les six derniers mois de 1834 et postérieurement, jusqu'au jour où la loi de 1842 deviendrait obligatoire, seraient renouvelées dans les dix ans, depuis et y compris leur date. Mais elle n'a rien réglé quant aux renouvellements des inscriptions prises ; elle a réservé de statuer ultérieurement sur ce point.

Voilà quel est le droit commun actuel. Vous avez voté une loi sur la réforme hypothécaire, qui introduit un droit nouveau. Cette loi n'est pas encore publiée ; cette loi n'est pas même votée par le sénat ; il est incertain de savoir si les dispositions relatives au renouvellement seront transformées en loi.

M. Dumortier. - Nous devons le supposer.

M. Roussel. - Ne soyons pas inconséquents. Nous avons voté la loi hypothécaire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais je viens de vous démontrer que vous êtes parfaitement inconséquents.

Vous avez raisonné jusqu'à présent dans la supposition que le droit commun actuel exige le renouvellement des inscriptions ; vous en avez induit que le projet contenait à cet égard une dérogation à la législation en vigueur ; je démontre votre erreur et au lieu d'adopter l'article en discussion, vous continuez à le repousser. Soyez donc conséquents et surtout ne parlez plus de dérogation à la loi en vigueur.

Il est vrai que, par un changement de front un peu brusque, ce n'est plus comme violant le droit actuel que vous combattez l'article en discussion, mais c'est parce qu'il ne serait pas en harmonie avec le projet de loi sur la réforme hypothécaire.

Eh bien ! examinons la question à ce nouveau point de vue. Vous oubliez que la loi hypothécaire votée par la chambre a admis des exceptions à la règle qui prescrit le renouvellement après quinze ans. Le droit nouveau, s'il est définitivement consacré, renferme des exceptions au profit de la femme et des mineurs. Les inscriptions prises au profit de la femme et des mineurs ne seraient pas soumises au renouvellement prescrit après quinze ans. Ainsi, par analogie avec ce que vous avez prescrit dans l'intérêt de la femme et des mineurs, vous pouvez, dans l'intérêt d'un établissement d'utilité publique, le prescrire également. Dès lors, je persiste dans ma proposition.

M. de Theux. - Messieurs, il est évident que quand nous ayons voté la loi sur le régime hypothécaire nous voulions faire une loi (page 1185) générale ; il n’entrait pas alors dans la pensée de la chambre de déroger si tôt à cette loi en faveur d'une institution aussi considérable que celle-ci, qui, dans la pensée du gouvernement, est destinée à se substituer presque complètement à tous les prêteurs sur hypothèque. Mais, messieurs, il y a un motif tout particulier pour laisser cette institution dans le droit commun, c'est que, d'après la loi, on est obligé de désigner dans l'inscription le débiteur ancien et l'immeuble grevé ; or tout le monde sait que la désignation de l'immeuble grevé n'est pas une chose très facile à accuser pour le futur, vu les changements de forme et de possession que les inscriptions ne se font pas dans l'ordre cadastral. C'est donc le nom du débiteur possesseur de l'hypothèque qu'il faut rechercher ; or sur un laps de temps de 45 années il y aura souvent des doutes sur le point de savoir quel est le bien hypothéqué.

En renouvelant l'inscription, on fait mention du possesseur actuel de l'immeuble, et l'on peut facilement reconnaître si le bien est grevé ou s'il ne l'est pas. Je suis convaincu que si la chambre adopte la proposition du gouvernement, on s'apercevra dans quelques années que la réforme du régime hypothécaire n'aura pas produit tous les effets qu'on en attendait. Si l'on introduit de nouvelles obscurités dans la législation, on rendra la reconnaissance des dettes hypothécaires difficile.

La chose la plus simple c'est de ne rien stipuler à l'égard de la durée des inscriptions, et de s'en rapporter au droit commun. Si le projet que nous avons vot » n'est pas adopté par le sénat, les inscriptions seront perpétuelles, celles de la caisse comme les autres ; si, au contraire, le sénat adopte les modifications que nous avons apportées au régime hypothécaire, les inscriptions devront être renouvelées tous les 15 ans, et la caisse sera, sous ce rapport, dans les mêmes conditions que les autres prêteurs.

C'est ce qu'il y a de mieux, car si vous établissez un régime spécial pour la caisse, en ce qui concerne la durée des inscriptions, vous introduirez une grande obscurité dans les registres des conservateurs des hypothèques.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. de Theux combat l'article du projet parce qu'on arriverait à avoir de nouvelles hypothèques occultes (interruption), parce que la réforme hypothécaire votée par la chambre ne produirait pas tous les résultats qu'on doit en attendre. Eh bien, l'honorable M. Theux est dans l'erreur et je l'aurai bientôt démontré. Qui est responshble des certificats d'inscription délivrés ? Mais évidemment le conservateur des hypothèques. Or, si le conservateur des hypothèques omettait de mentionner une inscription prise même depuis 45 ans, il serait responsable envers celui à qui le certificat aurait été délivré, il serait responsable de l'omission qu'il aurait commise.

Ce sera absolument comme aujourd'hui ; rien ne sera changé au régime établi par la loi. L'on pourrait, du reste, dans le mode d'exécution, parer à tous les inconvénients, s'il y en a. Qu'y aurait-il, par exemple, d'extraordinaire à ce qu'il y eût des registres spéciaux pour ces inscriptions et pour les inscriptions des mineurs et des femmes ? Vous voyez, messieurs, qu'il est facile de parer à l'inconvénient signalé par l'honorable M. de Theux.

L'honorable M. Malou disait tantôt qu'il y avait eu dans le pays des réclamations au sujet du système introduit par la loi de 1828. Mais quelle était la cause de ces réclamations ? La cause de ces réclamations n'existait pas dans les inscriptions prises en vertu de contrats hypothécaires, elle résultait principalement du système consacré par la loi de 1823, qui assujettissait tous les contrats translatifs de propriété à la transcription, et qui obligeait en même temps les conservateurs à prendre une inscription d'office. Il en résultait que quand un immeuble acquis n'était pas payé comptant, n'était payé qu'au bout de 2 ou 3 ans, l'inscription n'en continuait pas moins pendant 30 ans à moins qu'on ne donnât mainlevée, ce qui occasionnait de grands fais.

C'est pour éviter ces inconvénients qu'on a modifié la législation. Quant à la question du renouvellement des inscriptions à prendre, rien n'a été statué et sous ce rapport M. le ministre des finances a eu parfaitement raison de dire que le droit commun, c'est la dispense du renouvellement.

Le système proposé offre d'autant moins d'inconvénients qu'en France on a admis que toutes les inscriptions ne seraient renouvelées que tous les 30 ans. Et quel inconvénient y a-t-il à la disposition proposée ? Je défie qu'on m'en cite un seul. Quant aux tiers, il n'est pas possible qu'un préjudice quelconque leur soit causé, puisque le conservateur est responsable. On veut, en définitive, soumettre la caisse à une formalité de plus, formalité qui est gênante et qui peut donner lieu à des inconvénients, tandis qu'elle ne présenterait aucune espèce d'avantage.

- La clôture est demandée.

M. de Theux (sur la clôture). - Je voulais simplement justifier ce que j'ai avancé quant à l'incertitude qui pourrait régner sur les charges hypothécaires. Cela est tellement vrai que, dans la commission, l'on a examiné la question de savoir si pour prévenir cet inconvénient, il ne faudrait pas adapter le régime hypothécaire au régime cadastral, et M. le ministre de la justice a si bien reconnu l'importance de la question, qu'il a promis de l'examiner d'une manière spéciale.

- Plusieurs membres. - Ce n'est pas la clôture.

- La clôture est prononcée.

M. le président. - Le premier paragraphe de l’article est retiré et M. le ministre des finances propose de rédiger le deuxième paragraphe de la manière suivante :

« Les inscriptions sont dispensées de tout renouvellement pendant 45 ans. »

- L’article 16, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.

Article 17 (projet du gouvernement)

« Art. 17. La caisse est autorisée à faire opérer ses recouvrements par les agents du département des finances.

« Elle jouit, avec le trésor public, d'un privilège sur les fruits et revenus des immeubles hypothéqués, indépendamment de son action hypothécaire. »

La section centrale propose de supprimer le second paragraphe.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me rallie à cette suppression ; mais je propos : de dire : « La caisse peut être autorisée, » au lieu de : « La caisse est autorisée. »

M. Dumortier. - Je demanderai à M. le ministre des financesquelle est la portée de ce changement ; il n'entend pas sans doute créer par là une nouvelle hiérarchie d'employés. « La caisse, disait le projet primitif, est autorisée à faire opérer ses recouvrements par les agents du département des finances. » M. le ministre des finances propose de dire ? « La caisse peut être autorisée... » Il est donc possible que les recouvrements de la caisse ne soient pas opérés par les agents du département des finances. Dans ce cas, il faudra nommer une nouvelle catégorie d'em ployés, auxquels on donnerait des traitements, traitements qui tomberaient plus tard à la charge du trésor public.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne comprends pas,

M. Dumortier. - Je demanderai à M. le ministre des finances pourquoi il nous propose ce changement ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais c'est afin que le gouvernement soit libre d'accorder ou de ne pas accorder l'autorisation ; il peut dans la suite se présenter des circonstances telles que le gouvernement ne croie plus devoir autoriser la caisse à faire opérer ses recouvrements par les agents du déparcement des finances.

M. de Mérode. - Qui, dans ce cas, sera le maître de cette caisse ?" Dans mon opinion, c'est le gouvernement qui est tout dans cette affaire ; j'aime, dès lors, autant qu'il fasse tout ce qu'il voudra. L'article est inutile.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous ne prouverons plus que la caisse constitue un être à part, ayant des obligations et des droits distincts ; l'honorable préopinant ne veut pas comprendre cela, et je renonce à le convaincre.

- La discussion est close.

Le premier paragraphe de l'article 17, avec le changement proposé par M. le ministre des finances, est adopté.

Article 18 (projet du gouvernement)

« Art. 18. L'action hypothécaire de la caisse n'est suspendue dans aucun cas, nonobstant toute disposition contraire des lois existantes,

« La caisse est affranchie des formes ordinaires de l'expropriation forcée et de l'ordre entre les créanciers.

« Pour arriver à la vente des immeubles affectés à la sûreté de sa créance, la caisse fait notifier au débiteur un commandement dans la forme prévue par l'article 675 du Code de procédure civile.

« A défaut de payement dans la quinzaine, le débiteur est assigné devant le tribunal de la situation des biens ou de la plus grande partie des biens. Le tribunal prononce en dernier ressort ; il ordonne la vente sous l'observation des formes prescrites pour l'aliénation des biens des mineurs.

« Il y a deux appositions d'affiches à quinze jours d'intervalle. La première apposition est dénoncée au débiteur et aux créanciers inscrits, et ils sont sommés de prendre communication du cahier des charges.

« En vertu d'une ordonnance du président du tribunal, sur simple requête, l'acquéreur acquitte les annuités dues à la caisse et les frais faits par elle contre le débiteur, suivant taxe du juge.

« L'acquéreur jouit, pour le payement des annuités non échues, des délais accordés au débiteur originaire.

« En cas de vente par lots, s'il y a plusieurs acquéreurs non coïntéressés, chacun d'eux ne sera tenu envers la caisse, même hypothécairement, que de la part contributive de son prix. Mais il ne jouit d'aucun délai, pour les annuités non échues, en dehors des limites fixées par l'article 7.

« L'excédant du produit de la vente est distribué ainsi que de droit. »

La section centrale propose d'accord avec M. le ministre des finances, quatre articles nouveaux qui forment les articles 26, 27, 28 et 29 de son projet.

Article 26 (projet de la section centrale)

L'article 26 est ainsi conçu :

« L'action hypothécaire de la caisse n'est suspendue dans aucun cas, nonobstant toute disposition contraire des lois existantes.

« La caisse est affranchie des formes ordinaires de l'expropriation forcée et de l'ordre.

« Pour arriver à la vente des immeubles affectés à la sûreté de sa créance, la caisse fait notifier au débiteur un commandement dans la forme prévue par l'art. 675 du Code de procédure civile.

« A défaut de payement dans la quinzaine, le débiteur est assigné devant le tribunal de la situation des biens, ou de la partie des biens qui présente le plus de valeur. Le tribunal ordonne la vente sous l'observation des formes prescrites par la loi du 12 juin 1816 ; son jugement est en dernier ressort.

(page 1186) « L'assignation énoncée au paragraphe précédent est inscrite, par extrait, sur le registre dont il est fait mention en l'article 677 du Code de procédure civile. A partir de cette inscription, le débiteur ne peut plus, au préjudice des droits de la caisse, aliéner les immeubles grevés d’hypothèque, à peine de nullité, sans qu’il soit besoin de la faire prononcer.

« La caisse fait notifier au débiteur, en son domicile réel, et aux autres créanciers inscrits, au domicile élu dans l'inscription, les lieu, jour et heure auxquels il sera procédé à l'adjudication, en laissant les délais déterminés par l'article 72 du Cède de procédure. »

M. le président. - M. Lelièvre a proposé les deux paragraphes nouveaux qui suivent :

« § 7 nouveau. L'adjudication est indiquée par des affiches. Ces affiches sont apposées, vingt jours au moins avant celui de l'adjudication, à la principale porte des bâtiments dont la vente est poursuivie, à la principale porte des communes de la situation des biens et à celle du notaire commis.

« § 8 nouveau. Quinze jours au moins avant celui indiqué pour la vente, celle- ci est annoncée dans un des journaux publiés au chef-lieu de l'arrondissement et, s'il n'y en a pas, dans l'un des journaux imprimés dans la province. »

M. Lelièvre. - L'article en discussion, tel qu'il est rédigé par la section centrale d'accord avec le gouvernement, me paraît présenter une lacune relativement aux affiches qui doivent précéder l'adjudication. Il s'agit ici d'une poursuite contradictoire, dès lors il faut que la loi précise le nombre d'affiches à apposer et les endroits où elles doivent être placées.

Le mode de publicité ne peut être laissé à l'appréciation du poursuivant. D'ailleurs le défaut de règles précises à cet égard amènerait dans chaque expropriation une contestation entre la caisse et le débiteur qui soutiendrait qu'on n'a pas donné à l'adjudication la publicité convenait. Il est donc indispensable de déterminer dans la loi des principes clairs et précis à cet égard.

N'oublions que s'il n'en est pas ainsi d'après la loi du 12 juin 1816, c'est qu'on suppose qu'il est question d'une vente qui se fait de concert entre les majeurs et le tuteur des mineurs. Alors, comme on procède de commun accord, l'on peut se référer au notaire relativement à l'étendue de la publicité, toutes les parties ayant à cet égard des intérêts communs.

Mais lorsqu'il s'agit d'une vente forcée que le débiteur a intérêt d'entraver, il est indispensable que les formalités qui doivent être observées par le créancier soient clairement tracées, afin que dans chaque affaire le débiteur ne puisse arrêter les poursuites en soutenant que des affiches en nombre suffisant ou apposées à trop court délai ne sauvegardent pas suffisamment ses droits. D'autre part, il est naturel que dans une poursuite de cette importance, il existe des règles invariables qui garantissent tous les intérêts.

- L'amendement de M. Lelièvre est appuyé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, nous allons commencer la discussion d'articles qui jusqu'à présent ont déjà soulevé des débats assez vifs. Je crois qu'il y a un moyen de concilier les diverses opinions en présence et de lever les scrupules de quelques-uns de nos honorables collègues ; on pourrait adopter les dispositions que nous proposons comme dispositions transitoires en les faisant précéder de ces mots :

« En attendant la réforme des lois sur la saisie immobiliaire, les dispositions suivantes seront appliquées. »

Cela est conforme aux précédents de la chambre. Dans la loi sur le régime hypothécaire on a introduit des dispositions transitoires, en attendant la réforme de la législation sur quelques points défectueux. Dans la loi sur les faillites on a inséré des dispositions qui dérogent aux lois relatives à la saisie immobilière.

En introduisant dans le projet, la phrase que je viens d'indiquer et en plaçant les dispositions nouvelles aux dispositions transitoires, je crois qu'il n'y aura plus d'opposition.

M. Coomans. - La caisse rentrera dans le droit commun.

M. le président. - M. le minisire propose de dire :

« En attendant la réforme des lois sur les saisies immobilières, etc. »

M. Osy. - Je ne puis me rallier à la proposition de M. le ministre. En attendant la réforme des lois sur l'expropriation, les dispositions proposées seront applicables à la caisse. Voilà, en attendant le vote de la loi, un privilège que vous créez pour cette caisse. Vous aviez proposé, par un article transitoire, de dire que la caisse sera dans le droit commun ou ne sera pas constituée avant le vote du projet de loi sur l'expropriation. Permettez-moi de vous lire quelques lignes du rapport de la section centrale sur l'article que nous discutons et l'article précédent. Elle est d'accord avec nous pour repousser les privilèges.

Voici ce que je lis :

« Comme les 5ème et 6ème sections, la section centrale a cru qu'il n'était pas convenable d'accorder à la caisse un privilège sur les fruits et revenus des immeubles hypothéqués ; qu'il ne fallait pas créer trop de priviléges. »

M. le ministre a retiré les mots : « et pour les frais éventuels ».

On a promis de nous présenter un projet de loi sur l'expropriation, j'espère qu'il arrivera plus vite que celui sur la charité qui est promis depuis deux ans. Si on n'accorde pas de privilège, le gouvernement voulant constituer sa caisse et la faire marcher, s'empressera de présenter cette loi. La caisse sera dans le droit commun de tous les établissements privés et des particuliers qui ont des inscriptions. Si vous n'agissez pas ainsi, c'est une loi inique que vous voterez.

M. le ministre disait qu'il ne convaincrait pas M. de Merode ; mais je suis convaincu que c'est bien une société privée que la caisse du crédit foncier, c'est pourquoi je ne veux pas qu'on lui accorde de privilège. J'engage en conséquence mes collègues à ne pas accorder les privilèges demandés pour la caisse et à attendre la loi d'expropriation.

M. Orts. - Je crois, au contraire, que la chambre ferait bien d'adopter la proposition conciliante de M. le minisire des finances qui fait droit à tous les scrupules assez graves que l'article 26 avait soulevés. Il est une autre raison qui doit engager la chambre à suivre M. le ministre dans la voie dans laquelle il est entré.

Dans le court espace qui s'écoulera d'ici à la présentation du projet de loi sur l'expropriation, la caisse du crédit foncier sera à peine installée, il n'est pas présumable qu'elle aura à exproprier ses débiteurs ; il est probable que c'est le contraire qui se présentera. Je saisirai l'occasion pour signaler à M. le ministre une difficulté qui intéresse la bonne marche des opérations de la caisse. Je crois que le système transitoire qu'il propose, ne mène pas au but qu'il veut atteindre, la rapide réalisation du gage.

Je demanderai s'il ne vaudrait pas mieux substituer une clause d'exécution parée qui permettrait d'arriver à une expropriation plus rapide que l'article 26. Ce n'est pas un motif pour moi de repousser la disposition transitoire que propose M. le ministre ; mais il ferait mieux je pense, de stipuler la clause de voie parée dans les contrats, car la caisse pourrait être entravée dans sa marche par une foule de chicanes qui devraient être renvoyées aux tribunaux ; je le répète, c'est une difficulté que je signale à son attention ; pour le surplus, je voterai la disposition qu'il propose.

M. Vilain XIIII. - M. Orts vient de faire la remarque que je voulais présenter à la chambre. Avec la concession faite par le gouvernement, le vote de cet article devient inutile. En effet M. le ministre a promis de présenter un projet de loi sur l'expropriation, dans cette session. Or la loi qui nous occupe ne peut pas être mise à exécution avant un mois ou deux, on dit près de moi : six mois. Il est impossible qu'on ait à exproprier plus tôt que six mois après cette mise à exécution. Par conséquent, les articles dont nous nous occupons ne peuvent être mis à exécution que dans un an au plus tôt ; car, pour qu'il soit nécessaire de recourir à l'expropriation, il faut que les premiers emprunteurs ne payent pas la première annuité pour laquelle ils se sont engagés. De sorte que les articles proposés sont complètement inutiles. Cependant, je n'y ferai pas d'opposition.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lorsque nous nous sommes occupés des articles 564 et suivant, la même observation pouvait être faite ; cela ne nous a pas empêchés d'introduire une disposition analogue en ce qui concerne les saisies immobilières, que la loi prévoit. Il est probable que les choses se passeront comme le prévoit l'honorable vicomte Vilain Xllll, mais la prudence commande, en instituant une caisse de crédit foncier, de lui assurer des moyens prompts de recouvrement. S'il n'y a pas d'inconvénient dans un sens, il n'y en a pas dans l'autre. Je persiste à demander l'adoption des dispositions.

M. Lebeau. - Je voterai l'article proposé par M. le ministre, avec la certitude de ne pas inscrire un privilège dans la loi. Si j'ai bien compris les explications échangées sur ce sujet dans une autre séance.

La clause de voie parée est facultative et reconnue. Si donc des sociétés indépendantes voulaient la faire insérer dans leurs statuts, comme un moyen de se soustraire aux lenteurs de l'expropriation forcée, rien ne leur serait plus facile. Si donc elles ne l'ont pas fait elles ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes. Je demande quels intérêts sont menacés ici ?

M. Vilain XIIII. - Elles l'insèrent dans chaque contrat.

M. Lebeau. - Si elles le font dans chaque contrat particulier, je demande de quel chef il y a privilège, quels intérêts sont engagés. Est-ce que ceux qui adhéreront à la caisse nouvelle n'admetttront pas très librement, en parfaite connaissance de cause, l'acceptation de la clausse de voie parée ?

Evidemment il n'y a là ni lésion, ni surprise pour personne. Les sociétés libres peuvent inscrire cette clause dans leurs statuts ou à chaque prêt.

Je ne vois pas comment il pourrait y avoir l'ombre d'un privilège dans la proposition telle que l'a restreinte l'honorable ministre des finances. Je la voterai sans aucun scrupule.

M. Delfosse. - Je ferai remarquer à l'honorable vicomte Vilain XIIII qu'il peut se présenter des cas où la caisse serait obligée d'exproprier avant les six mois. Je citerai pour exemple le cas où l'emprunteur détériorerait l'immeuble sur lequel la caisse aurait hypothèque. Dans ce cas la caisse aurait le droit d'exiger le remboursement et d'exproprier l'immeuble, si le remboursement n'était pas effectué.

La disposition transitoire pourrait donc être utile.

Je ne reviendrai pas sur la sempiternelle accusation de privilège reproduite cette fois encore par l'honorable M. Osy. Ici c'est un privilège que je n'hésite pas à admettre, parce qu'il est utile à la caisse, au porteur de lettres de gage, à l'emprunteur et même aux créanciers qui viendront après la caisse. Tous sont intéressés à ce que l'on diminue les frais (page 1187) d'expropriation. Ce privilège, utile aux uns, ne nuit à personne, Pourquoi, s'en effrayer ?

Je comprendrais les scrupules de l'honorable membre si l'on avait maintenu perpétuellement la caisse en dehors du droit commun. Mais comme ce n'est plus qu'une disposition transitoire, tout scrupule doit disparaître. Je ne comprends pas que l'honorable M. Osy persiste dans son opposition.

M. le président. - La parole est à M. de Muelenaere, pour développer un amendement qu'il vient de déposer et qui consiste à ajouter à l'addition proposée par M. le ministre des finances, ces mois : « Jusqu'au 1er janvier 1853. »

M. de Muelenaere. - Messieurs, depuis longtemps on se plaint généralement dans le pays des nombreuses formalités qui entravent la saisie immobilière et des frais énormes qu'entraîne l'expropriation forcée, surtout quand il s'agit de propriétés de peu de valeur. Vous savez, messieurs, que ces propriétés sont à peu près absorbées par ces frais. Le gouvernement a reconnu lui-même la légitimité de ces plaintes, puisqu'il vous propose, dans le projet de loi, d'affranchir la caisse de toutes les formes ordinaires de l'expropriation forcée et de l'ordre.

Messieurs l'amendement que je vous propose est un moyen de concilier autant que possible les opinions les plus divergentes. Je veux que la caisse, sans être entravée dans ses opérations, rentre cependant le plus tôt dans les règles du droit commun. Je veux que les dispositions favorables faites à la caisse puissent être invoquées par tous les intéressés, c'est-à-dire par tous ceux qui seront obligés de recourir à la triste nécessité de l'emprunt.

Je crois qu'en proposant un délai jusqu'au 1er janvier 1853, je laisse au gouvernement et aux chambres tout le temps nécessaire pour s'occuper utilement de cette loi. Nous avons encore à peu près deux sessions entières pour voter ce projet : il est plus que probable qu'il pourra être adopté par les deux chambres et sanctionné par le Roi avant cette époque. Si cependant un motif imprévu venait à se présenter, le gouvernement pourrait proposer un ajournement. Nous serions ainsi de nouveau saisis de cette question, et nous aurions à examiner la cause réelle du retard.

M. Orts. - Je crois que la limite que veut fixer l'honorable M. de Muelenaere aux privilèges que nous voulons accorder à titre transitoire, à la caisse, aurait de grands inconvénients et nous forcerait à voter, de session en session, des lois transitoires. Nous désirons tous une nouvelle loi sur les expropriations ; nous sommes certains que le gouvernement la présentera dans un bref délai ; mais il faudra l'examiner et la voter ; c'est une loi très sérieuse. Je ne songe pas seulement à la chambre, je songe au sénat : il est très possible qu'avec le plus vif désir d'arriver au but qu'on veut atteindre, le sénat et la chambre ne soient pas d'accord sur les moyens, et que la loi ne soit pas volée au 1er janvier 1853. Pourquoi obliger la législature à voter, de session en session, une loi transitoire.

M. Malou. - Je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne pourrait pas consentir à la suppression du paragraphe premier de l'article.

Si j'ai bien compris les explications échangées dans la discussion générale, l'honorable ministre aurait dit que l'on devait maintenir la rédaction du projet, parce que la nouvelle loi sur les faillites n'est pas encore votée ; mais elle le sera demain.

Je crois qu'il y aurait une espèce de contradiction dans l'article, lorsqu'on attend en quelque sorte la révision de la législation sur l'expropriation forcée, qu'il y eût en même temps, dans cette disposition transitoire une disposition qui ne se réfère ni aux lois sur l'expropriation, ni au régime hypothécaire.

Je ne verrais pas d'inconvénient (si l'on donne une explication, je n'insisterai pas) à supprimer le paragraphe.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'observation présentée par l'honorable préopinant est juste. J'y avais moi-même pensé et déjà j'ai démandé à M. le président de ne pas comprendre dans la disposition transitoire le premier paragraphe de l'article.

Le premier paragraphe de l'article 26 subsisterait.

Loisque la disposition reprise à ce premier paragraphe a été introduite dans le projet de loi, comme je l'ai dit dans la discussion générale, c'était en vue de la loi sur les sursis. La loi est réformée : elle n'est pas définitivement terminée ; mais elle le sera demain.

Voici la question qui se présente : Aux termes de l'article 606 du projet de loi sur les faillites, l'action hypothécaire ne peut être exercée si le débiteur paye les intérêts des capitaux prêtés.

Dans le cas particulier qui nous occupe, il s'agit d'annuités qui comprennent une fraction du capital. On pourrait peut-être soulever la question de savoir si cela doit être entendu dans le sens de l'article 606, les intérêts courants des créances garanties. Par conséquent, pour lever tout doute à cet égard, il est bon d'insérer le premier paragraphe de l'article proposé.

M. Malou. - Il est entendu dès lors que cette dérogation du droit commun ne se réfère qu'à l'art. 606 de la loi sur les faillites.

M. Orts. - Il y aurait, je pense, des inconvénients à faire la déclaration que demande l'honorable M. Malou. Car il y a d'autres cas où l’action de la caisse peut être entravée en vertu de la loi existante.

D'après la jurisprudence généralement admise, le juge peut user de la faculté générale qu'il a de donner des délais au débiteur pour se libérer, même en matière de poursuite hypothécaire. Il doit être dans l'intention de la chambre, de ne pas accorder cette faculté à l'égard des poursuites intentées par la caisse du crédit foncier.

M. de Mérode. - Je n'ai qu'un mot dire : On vient de rappeler que les expropriations sont excessivement difficiles dans l'état actuel des choses. Eh bien, il importe de ne pas laisser à la caisse exclusivement l'avantage d'éviter ces difficultés.

C'est un stimulant que l’honorable M. de Muelenaere veut établir pour que ce privilège ne dure pas trop longtemps. Il me semble qu'il y a des motifs sérieux d'adopter sa proposition.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, le gouvernement n'a pas besoin de stimulant pour proposer à la chambre une loi sur les expropriations forcées.

Il y a réellement, qu'on me permette de le dire, quelque chose de très singulier qui se passe ici depuis quelque temps. Il n'y a pas de séance où l'on ne vienne réclamer un projet de loi. L'honorable M. de Muelenaere se plaint de ce que tout le monde, depuis longtemps, réclame contre la loi sur les expropriations forcées. Comment se fait-il que jusqu'à présent personne n'ait pris l'initiative de la réforme de cette loi ; comment se fait-il qu'on ait laissé l'honneur de cette initiative à mon honorable prédécesseur, M. de Haussy, qui, quelque temps avant mon entrée au pouvoir, a nommé une commission ? Car enfin si les réclamations étaient aussi générales, et je le crois, pourquoi n'a-t-on pas donné satisfaction plus tôt aux vœux légitimes du pays ?

L'honorable comte de Muelenaere, je l'ai dit dans une autre occasion, a été en position de provoquer la réforme sur cette matière. Il a été membre de la chambre jusqu'en 1848. Il a été souvent au pouvoir ; pourquoi n'a-t-il pas fait disparaître de nos Codes une loi qu'il regarde à bon droit, comme paralysant le crédit ? D'où lui vient cette tardive ardeur. D'autres honorables membres ont été dans une position analogue ; ils font partie depuis vingt ans de cette assemblée. Et cependant, je le répète, personne n'a pris l'initiative. Tout le monde a cru devoir laisser cette initiative au cabinet libéral qui date de 1847.

J'ai trouvé une commission nommée. Cette commission s'est occupée activement de formuler un projet ; elle s'est mise d'accord sur les principaux points ; j'ai eu moi-même des conférences avec le rapporteur de cette commission, je lui ai écrit plusieurs lettres pour le prier de bien vouloir hâter son travail. Je ne puis pas présenter le projet aussi longtemps que la commission ne l'a pas arrêté. Il est évident que moi qui ai toujours été partisan de cette réforme, et avant mon entrée dans cette enceinte, et depuis que j'y suis, et depuis que je suis au pouvoir, je me hâterai de déposer le projet sur le bureau de la chambre et de le discuter. Car j'ai toujours regardé la loi sur les expropriations forcées comme une des parties les plus vicieuses de notre législation, comme entravant le plus le crédit foncier que nous désirons voir établir.

M. de Muelenaere. - Messieurs, vous voyez qu'en définitive nous sommes parfaitement d'accord avec M. le ministre de la justice. Il déclare qu'il considère lui-même la loi sur les expropriations comme la partie la plus défectueuse de notre législation.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sans doute.

- Un membre. - Tout le monde est d'accord.

M. de Muelenaere. - Est-il un membre qui n’ait entendu des plaintes sur les frais énormes auxquels le Code de procédure soumet les exporpriations forcées.

Messieurs, j'ajouterai deux mots sur le sous-amendement. J'ai proposé de fixer un délai. Je pense qu'il est indispensable d'en agir ainsi ; sans cela, vous ne faites rien. L'amendement proposé par l'honorable ministre des finances, sans un délai, ne me semble avoir aucune espèce de signification.

En effet que dit cet amendement ? Quel sens ont ces mots : « En attendant la révision des lois sur la saisie immobilière ? » Mais il est évident, messieurs, que lorsque vous ferez une loi nouvelle, cette loi nouvelle abrogera expressément la disposition que vous faites aujourd'hui, précisément en l'absence de cette loi. Par conséquent la loi nouvelle deviendra applicable aux formalités à remplir par la caisse du crédit foncier.

Messieurs, ce qui prouve la nécessité de réformer la loi sur les expropriations, c'est, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, que le gouvernement lui-même a reconnu que la loi actuelle est incompatible avec l'existence et la marche de la caisse. Nous voulons développer le crédit foncier. Eh bien, je le répète, le meilleur moyen de donner l'essor à ce crédit, c'est de faire une bonne loi sur les saisies immobilières, sur les expropriations forcées ; c'est de mettre cette loi en rapport avec celle que nous avons déjà votée sur le régime hypothécaire.

C'était par là, messieurs, qu'il fallait commencer. Malheureusement on a commencé par la fin.

Il fallait d'abord réformer cette loi si essentiellement défectueuse, cette loi antipathique au crédit foncier, cette loi que vous reconnaissez vous-même incompatible avec l'existence et le mouvement de votre caisse. Cependant, messieurs, sous une pareille loi, le crédit foncier a pris un grand accroissement. Plus de huit cents millions grèvent aujourd'hui la propriété, et près de 50 millions par année sont placés en prêts hypothécaires. Je vous demande s'il est possible de préjuger ce que serait devenu le crédit foncier en Belgique, quel immense développement ce crédit aurait pu prendre, si nous avions eu une législation moins imparfaite, moins vicieuse ?

Je le répète, c'est par la réforme de cette législation que vous auriez dû commencer.

Quant à moi, je désire vivement que la loi immobilière soit revisée. Je le désire surtout pour que la loi qui régira la caisse hypothécaire ne (page 1188) ne soit pas une loi de privilège et de monopole. Dès lors il faut fixer dans la loi un délai fatal. Si le délai jusqu'au 1er janvier 1853 ne paraît pas assez long, j'aimerais mieux qu'on en proposât un autre, que l'on proposât celui qui paraît nécessaire au gouvernement pour amener la réforme de la législation actuelle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre, avait paru au début rallier presque tout le monde dans cette enceinte. Il est évident qu'elle faisait disparaître ce grief, articulé contre la caisse, qu'on lui faisait une position exceptionnelle, puisqu'en définitive, c'était un état de choses transitoire que l'on créait et que l'on indiquait un terme aussi rapproché que possible pour placer la caisse dans le droit commun.

Maintenant, l'honorable comte de Muelenaere veut insérer une disposition qui ferait cesser à terme fixe, l'exception introduite en faveur de la caisse.

Y a-t-il quelque utilité à procéder ainsi. Je n'en vois pas ; l'honorable M. Orts a fait valoir des considérations très puissantes pour démontrer l'inutilité d'insérer dans la loi une pareille disposition. Car, de deux choses l'une : ou la réforme de la loi générale aura eu lieu ou elle n'aura pas eu lieu. Si elle a eu lieu, l'objection de l'honorable M. de Muelenaere vient à tomber. Si, contraire, la réforme n'a pas eu lieu, il est certain que l'on votera des prorogations. On ne ravira pas à la caisse du crédit foncier la faveur qui lui aura été accordée. Ainsi, en présence de ce dilemme très péremptoire, les objections de l'honorable comte de Muelenaere ne peuvent pas subsister.

L'honorable membre a dit que quand la loi sur l'expropriation aurait été faite, les dispositions qu'on aurait insérées à cet égard dans le projet viendraient à tomber, et que je ne fais pas dès lors une concession bien grande en indiquant un terme après lequel la caisse du crédit foncier entrera dans le droit commun. L'honorable membre se trompe : les dispositions spéciales de la loi auraient continué à exister. (Interruption.) Cela ne fait pas le moindre doute : une disposition spéciale subsiste en présence d'une loi générale contraire à cette disposition. Cela n'est pas contestable.

L'honorable membre est d'accord avec nous sur la nécessité de développer le crédit foncier ; il reconnaît qu'un grand obstacle à ces développements c'est la législation vicieuse sur l'expropriation ; mais, comme l'a fort bien dit M. le ministre de la justice, ce n'est pas à nous qu'il faut imputer les retards que l'on a mis à corriger les vices de cette législation. La réforme est réclamée depuis 20 ans ; nos prédécesseurs n'ont rien fait pour changer la loi ; nous, au contraire, nous avons préparé la réforme, et nous nous engageons à présenter un projet de loi dans le cours de cette session. Les promesses du cabinet seront tenues.

Ainsi, aucune espèce de défiance ne peut s'élever contre lui ; et il est inutile de le mettre en quelque sorte en demeure d'agir.

- L'amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Nous avons maintenant la proposition consignée dans le deuxième rapport de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait faire un article séparé du premier paragraphe de cette proposition.

Le premier paragraphe de la proposition de la section centrale est mis aux voix et adopté. Il formera l'article 20.

M. le président. - Le reste de la proposition commencera donc par ces mots : En attendant la réforme des lois sur la saisie immobilière, les dispositions suivantes seront appliquées : (la suite comme dans l'article.)

- La proposition avec cette addition est mise aux voix et adoptée. Elle forme l'article 27.

Article 28

« Art. 27 (qui devient l'art. 28). En vertu d'une ordonnance du président du tribunal, sur simple requête, l'acquéreur acquitte les annuités dues à la caisse et les frais faits par elle contre le débiteur, suivant taxe dujuge.

« L'acquéreur jouit, pour le payement des annuités non échues, des délais accordés au débiteur originaire.

« En cas de vente par lots, s'il y a plusieurs acquéreurs non coïntéressés, chacun d'eux ne sera tenu envers la caisse, même hypothécairement, que de la part contributive de son prix. Mais il ne jouit d'aucun délai, pour les annuités non échues, en dehors des limites fixées par les articles 6, 7 et 8.

« L'excédant du produit de la vente est distribué ainsi que de droit. »

M. Malou. - Je pense qu'il est entendu que la caisse peut acheter les biens si sa créance n'est pas couverte.

M. Lelièvre. - La caisse pourra évidemment se rendre adjudicataire, d'après les principes du droit commun auquel notre article ne déroge pas.

- L'article est adopté.

Article 29

« Art. 28 (29). Dans le cas prévu par l'article 2169 du Code civil, et après l'accomplissement des formalités qu'il prescrit, la vente des immeubles hypothéqués est poursuivie par la caisse contre le tiers détenteur, conformément aux articles 26 et 27. »

- Adopté.

Article 30

« Art. 29 (30). La caisse peut toujours arrêter la poursuite en expropriation commencée par un autre créancier.

« A cet effet, elle fait assigner la partie saisie, sans commandement préalable, ainsi que le créancier poursuivant, au domicile élu par celui-ci pour la saisie ; le tribunal ordonne la vente conformément à l'article 26.

« Lorsque la poursuite commencée s'étend à des immeubles non hypothéqués au profit de la caisse, elle peut être continuée à l'égard de ces immeubles.

« Si la caisse ne fait pas usage de la faculté qui lui est accordée, elle est néanmoins payée sur le prix de la vente, conformément à l'article 27. Cet article est également applicable au prix à distribuer en cas de purge, par suite d'aliénation volontaire. »

M. le président. - Ici vient une addition proposée par M. Deliége et à laquelle le gouvernement s'est rallié.

- L'article est adopté avec cette addition.

Article 19 (projet du gouvernement)

M. le président. - Nous passons maintenant à l'article 19 du projet primitif, qui est ainsi conçu :

« Art. 19. Les contestations qui pourraient s'élever entre la caisse et ses débiteurs, dans des cas pour lesquels la procédure n'est pas réglée par la présente loi, seront décidées en dernier ressort par deux arbitres, amiables compositeurs, nommés par les parties dans l'arrondissement de la situation des immeubles hypothéqués ou de la plus grande partie de ces immeubles. En cas de partage, il sera procédé conformément aux articles 1017 et suivants du Code de procédure civile. »

- La section centrale propose de remplacer les mots : « ou de la plus grande partie de ces immeubles », par ceux-ci : » ou de la partie de ces immeubles qui présente le plus de valeur, eu égard à l'estimation faite conformément à l'article 12 ».

Elle propose ensuite d'ajouter les deux paragraphes suivants : « Si l'une des parties refuse de nommer des arbitres, ceux-ci sont nommés d'office par le tribunal civil du même arrondissement.

« Le jugement fixe le délai de l'arbitrage, qui sera suivi conformément au Code de procédure. »

Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, M. le président.

M. le président. - Il y a à cet article un amendement de M. Jacques et un amendement de M. Malou.

M. Jacques. - Mon amendement à l'article premier n'ayant pas été adopté, celui-ci devient sans objet. Je le retire.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Malou : (M. le président donne lecture de cet amendement.)

M. Malou. - Messieurs, le changement que je propose consiste simplement, sauf une interversion, dans l'addition des mots « s'ils peuvent compromettre. » D'après la généralité des termes de l'article, l'arbitrage forcé s'appliquerait à toutes les contestations, quelles que soient les parties en cause. Une pareille dérogation ne peut être admise ; et si elle était adoptée en principe, il faudrait trouver un moyen d'exécution.

Je crois donc qu'il faut borner l'article aux contestations dans lesquelles la partie qui est engagée avec la caisse a le droit de compromettre, c'est-à-dire dans le cas où, d'après l'article 1003 du Code de procédure, elle a la libre disposition de ses droits. (Interruption.)

C'est de droit commun, me dit-on ; cela est vrai ; mais lorsque dans la loi vous décidez que toutes les contestations qui naissent entre la caisse et ses débiteurs seront terminées par arbitres, vous dérogez au droit commun. Il n'y a pas de difficulté à ajouter ces mots ; car si vous ne les ajoutez pas, il arriverait que si des biens hypothéqués au profit delà caisse venaient à tomber par succession entre les mains d'un mineur, ce mineur serait amené à compromettre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait adopter provisoirement les mots proposés par l'honorable M. Malou.

M. Lelièvre. - Je propose la rédaction suivante : « Les contestations qui pourraient s'élever entre la caisse et ses débiteurs capables de compromettre, dans des cas pour lesquels la procédure n'est pas réglée par la présente loi, seront décidées, etc. »

M. Malou. - Je me rallie à cette rédaction.

- L'article, ainsi rédigé, est adopté.

Article 20

« Art. 20. La caisse est autorisée, pour tout ce qui concerne le maniement et l'emploi des sommes recouvrées sur ses débiteurs, à confier le service de caissier à la Banque Nationale. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Toutes les opérations de la caisse sont soumises au contrôle de la cour des comptes, par l'intermédiaire du gouvernement.

« Les agents du trésor chargés du recouvrement des annuités et le caissier sont justiciables de ladite cour et soumis, à raison de leur part respective dans les opérations de la caisse, à toutes les obligations qui in-ctimbenl aux comptables de l'Etat.

La caisse possède à leur charge les mêmes privilèges et hypothèques, que le trésor public, et les cautionnements fournis à celui-ci assurent leur gestion envers elle, le tout sauf la préférence du trésor. »

- La section centrale propose de rédiger cet article comme suit :

« Toutes les opérations de la caisse sont soumises au contrôle de la cour des comptes, par l'intermédiaire du gouvernement.

« Les agents du département des finances chargés du recouvrement des annuités et le caissier sont justiciables de ladite cour et soumis, à raison de leur part respective dans les opérations de la caisse, à toutes les obligations qui incombent aux comptables de l'Etat.

« La caisse possède à leur charge les mêmes privilèges et hypothèques (page 1189) que le trésor public, et les cautionnements fournis à celui-ci assurent leur gestion envers elle, le tout sauf la préférence du trésor. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne vois pas d'inconvénient, et j'en fais la proposition, à supprimer le premier paragraphe de l'article. Il est certain, qu'en droit, la chambre pourrait déférer par la loi au contrôle de la cour des comptes des gestions de ce genre ; mais cela ne peut offrir qu'une garantie morale aux intéressés. (Interruption.)

Je soutiens que cela est parfaitement constitutionnel, et ce qui le prouve, c'est la loi de 1846.

Si l'article de la Constitution que l'on invoque avait le sens qu'on lui attribue, on n'aurait pas pu soumettre les comptes des provinces à la cour des comptes. Cela est tellement vrai, qu'avant la loi de 1846, la cour des comptes se refusait à l'examen des comptes des provinces ; la chambre a interprété l'article de la Constitution dans ce sens que la cour des comptes pouvait en connaître.

La disposition, au point de vue de la Consitulion, est donc parfaitement régulière ; mais comme je l'ai déjà dit, elle n'offrirait aux intéressés qu'une garantie morale ; il faudrait que la cour des comptes pût apprécier les actes d'emprunts, les moyens qui ont été employés pour arriver à contracter des obligations ; il est bien certain que la cour ne pourrait pas se livrer à de telles investigations.

Je demande donc la suppression du premier paragraphe. Les autres paragraphes subsisteraient.

A l'article 29 on ajoute une autre disposition, c'est la responsabilité des agents vis-à-vis de la caisse. L'article 29 affecte les cautionnements fournis au trésor à garantir la gestion de ces mêmes agents vis-à-vis de la caisse, sauf la préférence du trésor. Il résulte bien de ces dispositions que les observations qui ont été présentées et desquelles on voulait inférer que les agents qui intervenaient ne présentaient aucune garantie vis-à-vis de la caisse, n'étaient pas fondées.

L'honorable M. Malou, demande à étendre les termes de l'article 29 ; il veut qu'on inscrive dans la loi que les agents, experts, etc., sont responsables vis-à-vis de la caisse. Il n'est pas nécessaire d'insérer cette disposition dans la loi ; car il est inutile d'insérer dans la loi l'article 1382 du Code civil ; aux termes de cet article, tous ceux qui par leur faute, leur imprudence, ou négligence, causent préjudice à autrui, sont tenus à le réparer.

M. Malou. - Messieurs, j'ai deux observations à présenter sur cet article.

Il me paraît d'abord qu'il y a une anomalie entre la disposition de l'article 29 et l'article 25 que la chambre a adopté tout à l'heure. D'après l'article 25 la caisse peut être autorisée à faire opérer ses recouvrements par les agents du département des finances ; elle peut donc avoir d'autres agents ; mais alors même qu'elle utiliserait certains agents du ministère des finances, elle pourrait encore avoir certains agents spéciaux dans certaines localités, dans certaines localités pour certaines opérations. D'après l'article, il n'y aurait de soumis à la cour des comptes que les agents du département des finances. Je pense que, dans l'intérêt de l’établissement, il faut dire : « Les agents de la caisse sont soumis, etc. »

J'apprécie le motif pour lequel M. le ministre a retiré le premier paragraphe, il est impossible que la cour des comptes contrôle les opérations de la caisse ; mais ce qui doit être maintenu, c'est le contrôle de la gestio financière ; au lieu du contrôle des opérations ; la cour dooit avoir le contrôle sur la gestion financière de la caisse ; en voici la raison dans la loi de comptabilité.

(L'orateur cite l'article 51 de cette loi.)

On a dit que la caisse de crédit foncier était un établissement public ; on a dit autre chose encore, mais on a dit cela.

L'esprit de cette disposition n'est pas douteux ; pour que le contrôle de la gestion d'un comptable chargé de plusieurs services soit complet, il faut que tous ses services soient ramenés à l'unité de contrôle ; il faut que toutes les opérations soient soumises à la cour des comptes, non pour leur appréciation morale, mais comme maniement d'écus. Ne pourrait-on pas dire :

« Le compte de la gestion des agents de la caisse est soumis au contrôle de la cour des comptes. »

Ce sont deux observations que je soumets à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'avais été ému des attaques qu'on avait annoncées contre cette disposition au point de vue de la Constitution. Je n'avais, quant à moi, aucun scrupule ; mais, pour faire cesser toute plainte, je consentais à la modifier ; comme M. Malou me vient en aide et reconnaît que la disposition n'est pas inconstitutionnelle, les opposants seront probablement rassurés.

M. Malou. - Je n'ai jamais dit que cette disposition fût inconstitutionnelle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non ; mais d'autres membres de vos amis avaient attaqué le projet à ce point de vue.

Je me rallie à l'opinion de l'honorable membre. Nous modifierons l'article en ce sens que le compte des recettes et des dépenses de la caisse est soumis au contrôle de la cour des comptes.

L'honorable M. Malou a fait une deuxième observation ; pour moi, je ne crois pas qu'il convienne d'étendre à d'autres agents qu'aux employés du département des finances l'action de la cour des comptes ; il y aurait anomalie ; il ne serait pas possible que la cour leur appliquât les dispositions de la loi sur la comptabilité. Je crois qu'il vaut mieux restreindre sa surveillance aux agents du département des finances.

- L'article 21 proposé par M. le ministre est mis aux voix et adopté.

Article 22 (projet du gouvernement)

« Art. 22. La caisse est dirigée et administrée par un conseil d'administration de cinq membres nommés par le Roi. »

La section centrale, sous le n°30, propose la rédaction suivante :

« La caisse est dirigée et administrée par un conseil d'administration, composé d'un président et de quatre autres membres. Ce conseil est nommé par le Roi. »

Le gouvernement s'y rallie.

M. Osy propose l'amendement suivant :

« La caisse est dirigée et administrée par un conseil d'administration composé d'un président nommé par le Roi et de quatre autres membres nommés par les porteurs de lettres de gage.

« La première nomination pour trois ans est faite par le Roi. »

M. Osy. - Comme il a été décidé que la caisse était une société particulière, je l'ai cru surtout quand j'ai vu adopter la disposition portant que les pertes retomberaient sur les porteurs de lettres de gage ; je crois qu'il serait nécessaire d'insérer dans la loi que les porteurs de lettres de gage seront représentés dans le conseil d'administration. Mon amendement est la reproduction de la disposition que vous avez insérée dans la loi relative à la Banque nationale. Le gouverneur est nommé par le Roi, et les directeurs sont nommés, pour les trois premières années, par le gouvernement et ensuite par les actionnaires. Dans le commencement il serait assez difficile de trouver assez de porteurs de lettres de gage pour nommer les membres du conseil d'administration ; c'est pourquoi j'ai proposé la disposition que vous avez insérée dans la loi instituant la Banque Nationale.

Le gouvernement qui rédigera les statuts de la caisse du crédit foncier en exécution de la loi, comme il a rédigé les statuts de la Banque, déterminera la somme pour laquelle on devra être porteur de lettres de gage pour participer à la nomination du conseil d'administration. Il faut que les porteurs qui sont exposés à supporter des pertes aient le mot à dire dans la nomination des administrateurs. Cette disposition est dans l'intérêt des porteurs de lettres de gage.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans la séance d'hier, j'ai eu l'honneur d'exposer à la chambre que l'établissement que l'on constitue a tout à la fois les caractères d'un établissement d'utilité publique et d'une société ordinaire. C'est, en effet, une association composée des propriétaires, qui participent à la caisse, et des porteurs de lettres de gage, qui sont les prêteurs.

J'ai également dit que peut-être il ne serait pas impossible de trouver ultérieurement quelque moyen d'appeler les intéressés à concourir, non pas précisément à l'administration, mais à la surveillance des opérations.

L'honorable M. Osy a pris texte de mes paroles, et a déposé un amendement, par lequel il demande que la première nomination des administrateurs soit faite par le Roi, et les nominations ultérieures par les porteurs de lettres de gage. Je ne puis me rallier à cette proposition. L'honorable membre ne saurait organiser son principe. Comment l'appliquerait-il ? Quel serait le mode d'intervention ? Comment réunirait-il les porteurs des lettres de gage ? Combien faudra-t-il de lettres de gage pour être appelé à cette réunion ? Faudrait-il posséder des lettres nominatives ou au porteur ? Ce sont des questions qu'il faudrait décider avant d'appeler les porteurs de lettres de gage à participer à la nomination des directeurs.

Mais il y a un autre inconvénient : l'honorable M. Osy ne parle que des porteurs de lettres de gage : d'autres intérêts doivent être représentés : Ainsi, les propriétaires, les emprunteurs peuvent avoir des intérêts opposés à ceux des porteurs de lettres de gage. Supposez que, par la suite des temps, les capitaux étant abondants, il y ait lieu à réduire les intérêts, à opérer conversion, on pourrait rencontrer de l'opposition de la part des porteurs de lettres de gage, qui ont naturellement en vue l'intérêt le plus élevé.

Ce que propose l'honorable M. Osy n'est donc pas étudié et ne peut être admis.

Ainsi, que je l'ai annoncé hier, je veux bien déposer dans la loi, non le principe de la participation à l'administration, mais à la surveillance des opérations de la caisse.

Je proposerai donc d'ajouter à l'article un paragraphe ainsi conçu :

« Le mode et les conditions d'intervention des intéressés dans la surveillance des opérations de la caisse seront ultérieurement réglées par arrêté royal. »

De cette manière, le principe étant déposé dans la loi, on aura le temps d'étudier les moyens pratiques d'arriver à cette intervention, il faudra probablement établir divers points de réunion pour les intéressés : l'opération étant faite pour tout le pays, il ne faut pas une seule assemblée à Bruxelles, où seraient convoqués tous les propriétaires ou tous les porteurs de lettres de gage. Puisqu'on a tant parlé de privilège, je puis dire que ce serait là une sorte de privilège pour les personnes qui résident dans la capitale. Il faudra, par exemple, instituer dans chaque arrondissement judiciaire des réunions où les intéressés seraient appelés à nommer des délégués qui constitueraient un conseil de surveillance. Ainsi l'on atteindrait ce but.

D'autres moyens peuvent encore être examinés ; mais il est inutile (page 1190) d'insérer des détails à ce sujet dans la loi. Il suffit, je le répète, d’y poser le principe de l’intervention des intéressés ; il s’écoulera d’ailleurs un temps assez long avant qu’il soit nécessaire de l’appliquer.

M. Osy. - Je suis charmé d'avoir provoqué cette disposition. La difficulté de nommer les directeurs n'est pas aussi grande que le dit M. le ministre. La Banque a 25 raillions répartis dans tout le pays ; les actionnaires viennent bien à Bruxelles pour nommer les directeurs et les censeurs. Los porteurs de lettres de gage pourront faire de même. Je me rallie à la disposition proposée par M. le ministre des finances ; mais je voudrais que le mode d'intervention des intéressés fût déterminé par les statuts.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce que j'ai dit.

M. de Mérode. - Voici donc le mode d'intervention des intéressés renvoyé à un arrêté royal que l'on fera quand on voudra et quand on pourra. C'est vraiment une singulière manière de faire des lois. On dit : nous ne savons comment faire ; c'est égal ; votons la loi. C'est incomplet, votons au plus vite ; le dessert viendra quand on l'aura trouvé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L’honorable preopinant se trompe : la caisse peut parfaitement exister, sans que les emprunteurs ou les porteurs de lettres de gage participent à l'administration ou à la surveillance. Mais il y a utilité à les appeler à contrôler les opérations ; c'est ce qui arrivera. On dépose le principe de cette intervention. Il sera appliqué ultérieurement. D'après quel mode ? Si l'honorable M. de Mérode veut indiquer les moyens, la loi électorale à appliquer, nous l'insérerons dans la loi. L'honorable M. de Mérode me répondra que lui, opposé à la loi, il n'est pas chargé de trouver ces moyens.

Moi qui en suis chargé, je demande le temps de les examiner. J'en ai indiqué plusieurs, il n'y a là rien d'impossible à faire ; mais j'ai signalé des difficultés ; elles sont évidentes, sérieuses. Il faut appeler les intéressés qui sont de deux catégories. Ils seront en très grand nombre. Il faut trouver les moyens de les faire représenter. Y a-t-il nécessité de déterminer le mode et les conditions de l'intervention ? En aucune manière.

Dans la loi sur la banque, vous n'avez rien réglé à cet égard. Vous avez dit que les statuts seraient arrêtés par le Roi. Ils l'ont été et ils déterminent le mode d'intervention des intéressés. C'est la même disposition que nous proposons d'insérer dans la loi.

M. de Mérode. - Pour la Banque, la manière de représenter les actionnaires est connue. On a pu abandonner ceda au gouvernement sur la promesse d'un arrêté royal réglant tout ce qui concerne cette organisation. Mais pour le cas qui nous occupe je ne sais si personne pourrait organiser cette intervention désintéressée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si, si !

M. de Mérode. - M. le ministre des finances n'a rien proposé pour satisfaire l'honorable M. Osy. Il a seulement établi que plus tard on organiserait, et l'honorable M. Osy est obligé de se contenter de cette déclaration, parce qu'il ne peut pas faire autrement. (Interruption.)

- L'article, avec l'addition proposée par M. le ministre des finances, est adopté.

Article 31 nouveau (projet de la section centrale)

La section centrale propose un article 31 nouveau ainsi conçu :

« Ils ne pourront, pendant la durée de leurs fonctions, être membres de l'une ou de l'autre chambre, ni toucher de pension à charge de l'Etat.

« Le membre de l'une ou de l'autre chambre, appelé à faire partie du conseil d'administration de la caisse, cesse immédiatement, s'il accepte, ses fonctions législatives.

« Le membre du conseil d'administration, appelé à faire partie de l'une des deux chambres, n'est admis à prêter serment qu'après avoir déclaré qu'il opte pour ce dernier mandat. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je persiste dans les idées que j'ai émises à cet égard, lorsque nous avons discuté la loi sur la Banque nationale.

Je crois qu'on étend outre mesure les incompatibilités. Mais l'opinion de la chambre est connue ; je n'insiste pas.

M. le président. - M. de Perceval propose de modifier le second paragraphe de l'article comme suit :

« Aucun membre de l'une ou de l'autre des deux chambres ne peut être appelé à faire partie du conseil d'administration de la caisse, qu'une année au moins après la cessation de son mandat. »

M. de Perceval. - Je n'ai que quelques considérations à présenter à l'appui de mon amendement, car il s'explique suffisamment par les termes dans lesquels je l'ai rédigé. Je dois appeler l'attention de l'assemblée sur ce point, c'est que, d'après la rédaction de cet article, on n'applique qu'une partie de la loi sur les incompatibilités parlementaires. C'est là une faiblesse contre laquelle je m'élève au nom de la dignité de la chambre elle-même. Je veux voir disparaître une bonne fois certains abus que nous avons eu à déplorer à ce sujet. Je demande que, dans le cas dont il s'agit, la loi sur les incompatibilités soit appliquée dans toutes ses dispositions. Il n'existe, à mes yeux, aucun motif sérieux pour s'opposer à l'adoption de ma proposition. Je me bornerai à ces courtes observations, parce que je suis persuadé que la chambre a déjà compris les intentions qui m'ont guidé, en lui proposant l'amendement que je soumets à son appréciation.

M. Liefmans. - Messieurs, l'article 31 prévoit le cas où les membres de l'administration à nommer toucheraient une pension à charge de l'Etat. Il prévoit également celui où ils seraient membres de l'une ou l'autre des deux chambres.

Mais il est à remarqur qu'on n'a pas examiné la question de savoir si un fonctionnaire qui ne jouit pas d'une pension, mais qui a un traitement à charge de l'Etat, peut, pendant la durée de ses fonctions salariées, être nommé administrateur de la caisse ?

Je pense, messieurs, que si l'intention de la section centrale était de ne pas s'opposer à ce qu'un fonctionnaire public pût rester fonctionnaire salarié par l'Etat et devenir en même temps administrateur salarié par la caisse, ce serait en quelque sorte établir une provocation au cumul.

Je crois, quant à moi, qu'il faudrait déclarer dans la loi qu'un fonctionnaire public, remplissant des fonctions auxquelles il a été appelé par l'Etat, et pour lesquelles il est rétribué, ne peut pas être en même temps administrateur de la caisse.

En effet, de deux choses l'une : ou les fonctions qu'il exerce pour l'Etat doivent absorber tous ses moments, et alors il sera un mauvais administrateur ; ou bien ses fonctions lui laissent trop de temps disponible, et alors elles pourraient être supprimées, ou bien il ne serait pas juste de lui conserver un traitement parfois très élevé pour ces fonctions qui ne réclament pas des soins assidus.

Quant à l'idée exprimée par l'honorable M. de Perceval, on ne peut qu'y applaudir.

En effet, il n'y a pas de raison pour apporter ici une modification à la loi sur les incompatibilités parlementaires. Si c'est un avantage que l'on fait à un membre du parlement en le nommant au conseil de l'administration de la caisse, il faut que cet avantage ne puisse lui être accordé qu'une année après l'expiration de son mandat. Ceci ne peut souffrir aucun doute.

Messieurs, le premier paragraphe du nouvel article 31, que j'approuve du reste formellement quant au but qu'on se propose d'atteindre, laisse encore quelque chose à désirer. Je voudrais rendre le cumul impossible en déclarant que le fonctionnaire salarié par l'Etat et qui doit tous ses moments à l'exercice des fonctions qui lui sont confiées, ne peut, pendant la durée de ses fonctions, être nommé membre de la caisse du crédit foncier, sans perdre l'emploi et le traitement que le gouvernement lui a conférés. Je pense que ce premier paragraphe ne suffit point, et j'ai l'honneur de proposer formellement de déclarer qu'aucun fonctionnaire salarié par l'Etat ne pourra être en même temps administrateur de la caisse.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la disposition proposée par la section centrale n'est pas une application de la loi sur les incompatibilités, c'est une extension de cette loi. La loi sur les incomptabilités s'occupe de ceux qui touchent un traitement à charge de l'Etat et elle déclare qu'ils ne peuvent pas être membres de l'une ou de l'autre chambre.

Ici il ne s'agit pas d'un traitement à charge de l'Etat, c'est un traitement qui serait payé par la caisse elle-même, par les intéressés. C'est donc par extension des dispositions de la loi des incompatibilités qu'on applique à la même mesure aux administrateurs de la caisse.

On va plus loin même que dans la disposition qui a été introduite contre mon opinion dans la loi du 5 mai 1850, sur la Banque Nationale. Dans la loi du 5 mai, on a appliqué l'incompatibilité au gouverneur de la banque. Mais les administrateurs de la Banque n'ont pas été déclarés incapables d'être à la fois membres de cette chambre et administrateurs de la banque.

On a fait valoir à cette époque que ces administrateurs n'étaient pas nommés par le Roi. Ils étaient cependant nommés par le Roi pour trois ans. Nonobstant cette considération, on ne leur a pas appliqués la règle. Maintenant on veut étendre la disposition à tous les administrateurs. Le motif que l'on donnera, c'est que, d'après le projet de loi, ces administrateurs sont nommés par le Roi. La chambre aura à se prononcer sur ce point. Je persiste, quant à moi, dans mon opinion, qu'il ne faut pas étendre outre mesure les incompatibilités.

On ne peut pas méconnaître l'utilité de la loi sur les incompatibilités parlementaires. Toutes les dispositions n'en sont pas également bonnes aux yeux du gouvernement. Mais la loi sur les incompatibilités, dans son principe, était nécessaire ; elle était vivement réclamée par l'opinion publique.

L'honorable M. Liefmans va plus loin. Il veut interdire par la loi le cumul des fonctions d'administrateur de la caisse avec toute autre fonction publique. Je crois, messieurs, que c'est là une mesure que nous ne pouvons admettre.

En thèse générale, il est bien certain que le cumul n'existera pas. Les fonctions d'administrateur de la caisse, si la caisse prend un certain développement, ne pourront pas être remplies par des fonctionnaires publics, par des personnes qui devraient donner tout leur temps à l'une ou l'autre affaire. Ils cesseraient en réalité d'être fonctionnaires publics en devenant administrateurs de la caisse, puisqu'ils seraient obligés de se consacrer entièrement à ces fonctions.

Mais il y aurait un inconvénient réel à introduire une disposition telle que celle qui est proposée, et il me suffira de le signaler pour que l'honorable M. Liefmans consente à retirer sa proposition.

Pour mettre la caisse en mesure de fonctionner dans les premiers temps, je l'ai déjà dit, il est indispensable que le gouvernement utilise ses agents, pour monter les registres de la caisse, pour faire toutes les opérations préalables, avant qu'on n'ait rien perçu et que, par conséquent, on ne puisse donner aucune espèce l'indemnité. Avant que l'on (page 1191) sache si le huitième pour cent sera suffisant pour couvrir les frais d'administration, il faut que le gouvernement puisse utiliser les agents dont il dispose, pour organiser cette administration. Cette seule considération doit faire repousser la proposition de l'honorable M. Liefmans.

M. Dumortier. - M. le ministre des finances vient de vous dire qu'il ne s'agit pas ici de traitements à charge de l'Etat, mais qu'il s'agit de traitements à charge de la caisse. J'ai demandé la parole pour prendre acte de cette déclaration, afin qu'il soit bien entendu que, dans aucun cas, le trésor public ne sera intéressé dans la question. Ainsi je prends acte de la déclaration de M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Demandez qu'elle soit insérée au procès-verbal.

M. Dumortier. - Je me rallie à la motion de M. le ministre des finances, et je demande l'insertion au procès-verbal. Je demande qu'il soit inséré au procès-verbal que M. le ministre a déclaré qu'il ne s'agissait pas de traitements à charge du trésor public, mais uniquement de traitements à charge de la caisse. J'ai toujours la crainte qu'on ne vienne demander des sommes considérables à l'Etat pour payer les traitements des employés.

On vient nous dire aujourd'hui, pour écarter la proposition de M. Liefmans : Il ne s'agit pas de traitements de l'Etat ; ce sont des traitements de la caisse ; mais plus tard on ne se souviendra plus de cette déclaration et l'on viendra demander des traitements à la charge de l'Etat.

Quant à moi, messieurs, je dis qu'il y a dans la Constitution, un article auquel on n'a point satisfait jusqu'ici, et auquel il est plus que temps de pourvoir. Si on veut supprimer les abus existants, il y en a un auquel il est indispensable de pourvoir ; je veux parler du paragraphe 8 de l'article 139 de la Constitution, qui prescrit qu'une loi sera présentée contre les abus du cumul. Cette loi n'a jamais été présentée, et je profite de cette occasion pour en demander de nouveau la présentation. Puisque MM. les ministres sont si désireux de pouvoir déposer des projets, j'insiste fortement sur la nécessité de faire une loi pour prévenir les abus du cumul.

Il est encore une loi que je désirerais voir présenter, c'est une loi sur la responsabilité ministérielle. Je crois qu'une loi semblable se fera encore attendre longtemps, à moins que l'un de nous n'en prenne l'initiative.

Messieurs, je tiens particulièrement à ce que les abus du cumul ne puissent pas exister. C'est un des plus grands abus de notre ordre social : on voit des personnes occuper 3, 4, 5, 6 fonctions, c'est un immense abus, car au moyen de ces diverses fonctions plusieurs pères de famille pourraient fort bien subsister et en même temps les fonctions ne seraient que mieux remplies.

J'appuie donc la proposition de l'honorable M. Liefmans, et je désire qu'enfin le gouvernement présente cette loi sur les abus du cumul réclamée depuis si longtemps. Si une loi est vivement réclamée par l'opinion publique, c'est avant tout celle-là, sur laquelle l'opinion publique ne cesse de se prononcer chaque jour.

Je le répète en terminant, messieurs, je prends acte des paroles de M. le ministre des finances afin qu'on ne vienne pas un jour nous demander des fonds pour payer les employés de la caisse.

M. Cools. - M. le ministre des finances a donné d'excellentes raisons, messieurs, d'après moi, pour engager l'honorable M. Liefmans à retirer son amendement ; mais je crois que les mêmes raisons existent pour que la chambre n'adopte pas l'autre incompatibilité proposée par la section centrale. Je crois que les membres qui sont favorables au projet de loi doivent s'efforcer de ne pas rendre l'administration de la caisse trop difficile.

Il est certain que, les premières années surtout, les fonctions d'administrateurs de la caisse n'offriront que de très faibles avantages. D'après la loi elle-même, on devra se contenter du huitième pour cent ; or, il s'écoulera une série d'années très longue avant que ce huitième fasse une somme un peu notable.

M. le ministre des finances a indiqué comment il compte s'y prendre dès l'origine : il se propose d'appeler au moins provisoirement quelques agents de l'administration, et c'est là un des motifs principaux pour lesquels la proposition de M. Liefmans ne peut pas être adoptée, mais je ferai encore remarquer que même avec la faculté laissée au gouvernement d'appeler des agents de l'administration aux fonctions d'administrateurs de la caisse, il est douteux qu'il trouve des personnes disposées à accepter les conditions offertes. Il faudra nécessairement appeler des fonctionnaires d'un ordre un peu élevé ; ce sont des fonctions qui demandent beaucoup de connaissances ; or il est douteux que les agents qui conviendraient veuillent se charger de cette mission.

Mais il est une autre catégorie de personnes qui pourraient ici rendre des services ; ce sont des pensionnés de l'Etat, d'anciens fonctionnaires qui pourraient être utiles à la caisse, où le travail ne sera pas très considérable pendant les premières années. Il me semble que c'est un motif pour ne pas admettre l'exclusion proposée par la section centrale.

M. Delfosse. - Je ne puis pas adopter la proposition de l'honorable M. Cools. La section centrale, en introduisant la disposition qu'il vient de combattre, a eu pour but d'empêcher qu'on ne cumulât une pension avec un traitement. Elle ne veut pas que celui qui touche une pension puisse y ajouter un traitement considérable. Nous n'empêchons pas le fonctionnaire pensionné de devenir administrateur de la caisse, mais alors il doit renoncer à sa pension, tant qu'il sera administrateur. C'est une disposition qui a été admise pour la Banque Nationale et il nyv a aucune raison pour ne pas l'admettre ici.

M. Lelièvre. - Je me bornerai à faire une observation concernant la rédaction. Il faudrait dire :

« Les membres de ce conseil ne pourront, pendant la durée de leurs fonctions, etc. »

D'un autre côté, si la proposition de M. de Perceval était adoptée, il y aurait lieu à supprimer le paragraphe 2 proposé par la section centrale, puisqu'il y aurait incapacité prononcée contre les membres des deux chambres qui ne pourront êlre nommés qu'une année après la cessation de leur mandat.

M. Liefmans. - Messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer ne peut pas avoir une bien grande portée. Il ne peut, en effet, dans ma pensée, s'appliquer qu'aux cinq membres formant le conseil d'administration.

Il en résulte qu'aucun des autres fonctionnaires auxquels M. le ministre des finances voudrait avoir recours dans l'intérêt de la caisse ne se trouverait exclu.

Messieurs, j'avais cru que puisqu'on avait exclu toutes les personnes qui touchaient une pension à la charge de l'Etat, il convenait également de ne pas admettre des fonctionnaires exerçant des fonctions salariées. Il me paraît qu'il existe parité de raison. Il faut convenir toutefois qu'il y a de puissants motifs pour interdire aux pensionnaires de l'Etat l'accès au conseil de l'administration de la caisse. L'honorable M. Delfosse l'a fait observer avec justesse ; car, ou bien la personne qui touche une pension est capable encore d'exercer des fonctions publiques, ou bien elle ne l'est pas ; si elle n'en est plus capable, il est inutile et dangereux de la choisir.

Ce serait une faute à mes yeux de prendre une personne qui ne pourrait pas donner des soins éclairés et continuels à l'administration. Il est de l'intérêt de l'institution d'écarter de semblables administrateurs. Si, au contraire, le pensionnaire est encore valide, il n'a plus besoin de pension ; et en acceptant des fonctions salariées, il obtient de nouvelles ressources ; il me semble qu'on doit le considérer comme renonçant à la pension, à cette faveur exceptionnelle accordée seulement aux fonctionnaires qui ne peuvent plus rendre des services, à cause de leur âge ou de leurs infirmités.

Quant aux fonctionnaires publics, je crois qu'ils doivent tous leurs moments aux fonctions qui leur sont confiées, et que, par conséquent, il convient de les distraire aussi peu que possible des services que l'Etat est en droit d'exiger de leur part.

M. le ministre des finances m'a fait observer que très souvent on ne trouverait pas, en dehors de ces fonctionnaires, des personnes ayant les capacités et l'expérience nécessaires pour organiser l'administration de la caisse ; et c'est pour ce motif que M. le ministre désire que l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer soit retiré. Il est bien entendu, a dit M. le ministre, que ce ne sera que dans les commencements que j'aurai recours, et cela provisoirement, exceptionnellement, à des fonctionnaires salariés ; mais, plus tard, a ajouté M. le ministre, lorsque les opérations de la caisse auront pris de l'extension, il sera tout à fait impossible que les administrateurs exercent encore d'autres fonctions, et par le fait l'amendement viendra à tomber, deviendra inutile.

En présence de cette déclaration formelle, messieurs, je pense que la chambre peut avoir tous ses apaisements ; il est bien entendu que ce ne sera qu'exceptionnellement, et au début de l'institution, et cela pour une durée très limitée, qu'on se servira pour l'administration de la caisse des fonctionnaires de l'Etat. Je consens donc à retirer ma proposition, m'en rapportant à la promesse faite par M. le minisire des finances.

Il est inutile, messieurs, puisque la chambre paraît décidée à accueillir l'amendement de l'honorable M. de Perceval, d'entrer dans des développements ultérieurs pour l'appuyer davantage.

M. le président. - La proposition est retirée ; reste l'amendement de M. de Perceval.

M. Delfosse. - Je désire demander une explication à l'auteur de l'amendement.

- Plusieurs membres. - La discussion est close, attendez le second vote.

M. Delfosse - Soit !

L'amendement de M. de Perceval est mis aux voix et adopté.

L'article, ainsi amendé, est adopté.

Article 23 (projet du gouvernement)

« Art. 23. Elle est surveillée par six commissaires, dont deux sont nommés par le Roi, deux par le sénat, et deux par la chambre des représentants.

« La commission est renouvelée par moitié, de trois ans en trois ans. Les membres sortants peuvent êlre réélus. »

La section centrale, adopte, sauf qu'elle commence l'article par les mots : « La caisse ».

M. Osy a proposé un paragraphe 2 nouveau qui est ainsi conçu :

« Les fonctions des membres de la commission sont gratuites. »

M. Osy. - Messieurs, comme il est bien décidé maintenant que c'est une caisse particulière, je ne sais pas ce que des membres de la chambre ont à y voir. Il faudrait se borner à insérer dans le projet la stipu'ation que nous avons mise dans l'article 21 de la loi sur la Banque Nationale, (page 1192) , c’est-à-dire qu'il y aura un commissaire du Roi et que ce commissaire sera payé par la caisse. J'avais d'abord fait une proposition dans ce sens ; dans l'hypothèse que le gouvernement maintint son article 23, j'avais proposé subsidiairement une stipulation conforme à celle qui se trouve dans la loi sur la caisse d'amortissement et celle des dépôts et consignations ; c'est la disposition dont on vient de donner lecture ; mais je préférerais ma première proposition ; si M. le ministre des finances voulait se rallier à cette proposition, alors mon amendement subsidiaire viendrait à tomber.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'admets la proposition de l'honorable M. Osy, qui consiste à déclarer que les fonctions des commissaires sont gratuites ; cela ne pouvait former de doute ; c'était la pensée du gouvernement et de la section centrale.

Mais, je ne puis pas accueillir la proposition, tendante à remplacer les commissaires, dont parle l'article 23, par un commissaire nommé par le Roi, et rétribué par la caisse ; la caisse n'a pas assez de ressources pour étendre ainsi ses dépenses ; il est tout à fait inutile de nommer un commissaire salarié.

D'un autre côté, l'institution a un caractère d'utilité publique qui fait que la législature s'en occupe en ce moment ; qu'elle lui confère certains avantages ; je crois dès lors qu'il convient de maintenir une commission qui soit nommée en partie par la chambre des représentants, en partie par le sénat, en partie par le Roi. Cela donnera une grande garantie morale aux intéressés ; le contrôle de l'autorité publique contribuera à assurer la marche régulière des opérations de la caisse. Sous ce rapport, il y a utilité évidente, incontestable, à conserver la disposition.

M. Osy. - Je maintiens dès lors ma proposition subsidiaire à laquelle M. le ministre des finances vient de se rallier.

M. De Pouhon. - Messieurs, je retire la disposition additionnelle que j'avais présentée.

M. de Mérode. - Je ne puis m'empêcher de dire que cette caisse a tous les caractères imaginables. Elle est particulière, gouvernementale et parlementaire par dessus le marché. Je crains beaucoup que la disposition que nous avons insérée, pour nous assurer que le trésor ne sera pas compromis par la gestion de la caisse, ne serve à rien, et qu'avec ce mélange de particularisme, de gouvernementalisme et de parlementarisme, nous ne puissons pas payer toutes les brioches que fera la caisse.

- L'article est adopté.

Article 24

« Art. 24. A la fin de chaque semestre, le conseil d'administration expose la situation de la caisse à la commission de surveillance. Les situations semestrielles, ainsi qu'un compte annuel, sont publiées par la voie du Moniteur.

« Les commissaires surveillants vérifient, toutes les fois qu'ils le jugent utile, et au moins une fois par trimestre, la gestion du conseil d'administration.

« Ils présentent, chaque année, au gouvernement un rapport sur les opérations de la caisse. »

Il n'y a pas d'amendement.

- Cet article est adopté.

Article 25 (projet du gouvernement)

« Art. 25. Les lettres de gage sont exemptes du timbre et de l'enregistrement.

« Pareille exemption est accordée aux registres et documents quelconques relatifs à l'administration de la caisse.

« Les actes concernant l'expertise prévue par l'article 8 et ceux faits en vertu des articles 11, 12, 13 et 14, sont exempts des formalités de l'enregistrement, à l'exception des actes relatifs à l'instance en validité de consignation. Ceux-ci sont visés pour timbre et enregistrés en débet ; les droits sont recouvrés sur le créancier succombant.

« Tous actes faits au nom de la caisse, en vertu des articles 17, 18 et 19, sont aussi visés pour timbre et enregistrés en débet. »

La section centrale, sous le n°31, propose la rédaction suivante :

« Les lettres de gage sont exemptes du timbre et de l'enregistrement.

« Pareille exemption est accordée aux registres et documents quelconques relatifs à l'administration de la caisse.

« Les actes concernant l'expertise prévue l'article 12 et ceux faits en vertu des articles 15, 16, 17, 18 et 19, sont exempts de la formalité de l'enregistrement, à l'exception des actes relatifs à l'instance en validité de consignation. Ceux-ci sont visés pour timbre et enregistrés en débet ; les droits sont recouvrés sur le créancier succombant.

« Tous actes faits au nom de la caisse, en vertu des articles 25, 26 et 27, sont aussi visés pour timbre et enregistrés en débet. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cet article devra être revu au second vote ; il y a lieu d'y mentionner plusieurs dispositions, notamment celle relative aux actes de délégation qui a été adoptée.

- L'article est adopté, sauf révision au second vote.

Articles 26 et 27(projet du gouvernement)

« Art. 26. Les salaires alloués aux conservateurs des hypothèques pour les différentes formalités à accomplir par eux, en exécution de la présente loi, sont acquittés par les emprunteurs au moment de la délivrance des lettres de gage ou de la liquidation de leur produit. »

- Adopté.


« Art. 27. Les lettres de gage sont assimilées aux effets émis par le trésor public, pour l'application de l'article 139 du Code pénal. »

M. Lelièvre a proposé un amendement consistant à remplacer « la peine de mort » par « les travaux forcés à temps ».

L'article 27, ainsi amendé, est adopté.

Article nouveau (projet de la section centrale)

« Les provinces, les communes, les établissements publics et la caisse des dépôts et consignations sont autorisés à placer leurs capitaux en lettres de gage nominatives, sous les conditions et formalités qui leur sont respectivement imposées par les lois en vigueur pour le placement de leurs capitaux. »

M. Malou. - Je demande que la discussion de cet article soit remise à demain. Cet article est important, d'autres qui sont proposés ne le sont pas moins ; l'heure est trop avancée pour qu'on puisse les discuter et les voter aujourd'hui. (Oui ! oui ! à demain.)

SI. le président. — Il nous reste à voter trois dispositions additionnelles qui seront imprimées, l'article 37 nouveau proposé par la section centrale et l'article 28 et dernier du projet du gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande la parole.

M. le président. - Il est entendu que nous avons en première ligne l'amendement du sénat à la loi sur les faillites, et en second lieu la suite de la discussion du projet de loi relatif au crédit foncier.

- La séance est levée à 4 heures et demie.