(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Delehaye, vice-président. )
M. A. Vandenpeereboom (page 1075) procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance
M. Delfosse. - Hier, pendant que l'honorable M. de Theux parlait, j'ai fait un signe de dénégation qui m'a valu une interpellation de la part de cet honorable membre. Mon signe de dénégation était motivé en partie sur ce que l'honorable M. de Theux attribuait aux conservateurs un rôle qui, d'après le projet de loi, appartient à l'administration de la caisse. L'honorable membre a modifié ce passage de son discours dans les Annales parlementaires. Il a substitué les mots : « administration de la caisse » au mot « conservateur ». Je ne m'en plains pas ; mais je dois bien en faire la remarque, parce que cela rend mon signe de dénégation moins fondé.
- La rédaction du procès-verbal est adoptée.
M. T'Kint de Naeyer fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
« M. Santen, saunier à Lobbes, demande la remise des droits d'accises payés ou portés à son compte de crédit à terme, à raison des sels et saumures qu'il a perdus au mois d'août 1850, par suite du débordement des eaux de la Sambre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
«Plusieurs habitants d'Avecapelle demandent qu'il soit pris des mesures pour relever l'industrie linière. »
M. Clep. - Cette pétition soulève une question extrêmement importante. Il s'agit des souffrances de l'industrie linière. Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
M. Rodenbach. - Appuyé !
- Cette proposition est adoptée.
Par messages d'hier et d'avant-hier, le sénat fait connaître qu'il a adopté les budgets des dépenses pour ordre et des non-valeurs et des remboursements, et un projet de loi ayant pour but de séparer le hameau de Daelgrimby de la commune de Mechelen et de le réunir à celle d'Opgrimby (Limbourg). »
- Pris pour information.
Le conservateur de la bibliothèque royale fait hommage à la chambre d'un exemplaire de l'Annuaire de la bibliothèque royale pour l'année 1851.
- Dépôt à la bibliothèque de la chambre.
La société pour la conservation des monuments historiques et œuvres d'art de la province de Luxembourg fait hommage à la chambre de deux exemplaires de sa première publication.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Verhaegen demande un congé de trois jours pour affaires urgentes.
- Accordé.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Un membre de la droite me disait, il y a quelques jours, qu'il était étonné de cette subite révolution dans mes principes qui me rend favorable au projet de loi. Il me demandait comment moi, qui me suis toujours prononcé contre la trop grande multiplicité des attributions du gouvernement, comment je pouvais prêter la main à une addition si importante à la machine administrative ; comment je pouvais trouver bonne une institution qui, plus que toute autre, doit avoir pour effet de faire perdre aux citoyens l'habitude des efforts personnels et le sentiment de la responsabilité.
Si tel était le caractère du projet de loi, si ses effets devaient être tels, je n'hésiterais pas à le repousser.
Autant que les honorables MM. Pirmez et Julliot, je crois que le gouvernement doit se borner aux fonctions d'un gouvernement, qu'il ne doit ni étendre, ni multiplier outre mesure ses attributions, qu'il doit laisser aux citoyens les fonctions qui leur appartiennent, qu'il ne doit point gêner l'activité individuelle.
Je suis d'accord avec les honorables membres sur ces principes ; mais je n'arrive pas aux mêmes conclusions auxquelles ils arrivent, quoique je parte des mêmes prémisses.
Et ne croyez pas que je compose avec les principes. Je n'admets pas que le gouvernement puisse, sans se nuire, sans nuire à la société, étendre le cercle de ses devoirs et ses attributions, au-delà du cercle que j'ai tracé tout a l'heure.
Si je soutiens le projet de loi, c'est parce que je crois qu'il n'investit pas le gouvernement d'attributions dont il ne doit pas être revêtu ; le gouvernement reste dans le cercle de ses devoirs.
Et de grâce, quelle est la liberté de l'individu que le projet de loi sacrifie à l'action gouvernementale ? Quel est l'effort individuel qu'on veut remplacer par l'activité de l'Etat ? Quelle est la transaction qu'il arrête ? Empêche-t-il quelqu'un de disposer librement de son bien, d'acheter, de vendre là où il veut et aux conditions qu'il veut ? Favorise-t-il telle classe aux dépens de telle autre ?
Oui, vous auriez le droit de dire que l'Etat commet un acte d'intervention arbitraire et injuste, s'il s'agissait d'assurer des avantages à certaines branches de production aux dépens des cousommateurs ou du trésor public. Oui, si vous vouliez pousser le respect des principes jusqu'au puritanisme, vous pourriez dire que le gouvernement sort de son rôle si, comme on l'a fait dans un autre pays, il venait nous proposer de faire, aux dépens du trésor public, des avances à la propriété foncière.
Oh ! si l'institution qu'on nous propose de créer avait ce caractère, je ne viendrais certes pas lui donner mon appui.
Mes honorables amis, MM. Pirmez et Julliot, croient que le projet est entaché de ce vice, et je comprends leur opposition ; mais ce que je ne puis comprendre, c'est que les honorables membres du côté opposé, MM. les comtes de Theux et de Liedekerke, et M. Malou, invoquent les mêmes arguments que mes honorables amis pour combattre le projet de loi. Pour ces honorables membres, de pareils arguments ne peuvent être qu'une arme d'occasion. Je ne puis croire qu'ils soient autant qu'ils le disent les adversaires de l'extension des attributions de l'autorité publique. Leur politique commerciale et industrielle donne un démenti à leurs paroles.
Quelles sont les mesures que les honorables MM. Malou et de Theux ont prises pendant leur passage au pouvoir pour simplifier les rouages de l'administration, pour limiter l'action de l'Etat et donner plus de liberté à l'activité individuelle ?
Je ne connais guère une mesure de cette nature qui porte la signature de ces honorables membres ; mais ce que je sais, c'est que pendant qu'ailleurs de grands hommes d'Etat cherchaient, non pas à faire marcher les citoyens selon leurs vues, mais à les affranchir des vieilles prescriptions qui entravaient les efforts personnels, et comprimaient le sentiment de la responsabilité individuelle, ces honorables membres achevaient, chez nous, la fondation du système des subventions, des faveurs, des privilèges.
Je disais tout à l'heure que l'institution d'une caisse de crédit foncier, telle que l'établit le projet de loi, tombe dans le domaine de l'activité du gouvernement. En effet, que fait le gouvernement ? Pour faciliter le crédit, il augmente la sécurité. Voilà tout ce qu'il fait. Le crédit ne subsiste que par la sécurité. Celui qui a un capital n'est disposé à le prêter que s'il a la confiance que les intérêts lui en seront servis régulièrement et que le capital lui sera restitué. Plus la confiance entre les contractants est grande, moins l'intérêt sera élevé. Si la sécurité est complète, si le capital, en passant dans les mains de l'emprunteur, ne court point de danger, le taux de l'intérêt baisse de tout le montant de la prime d'assurance que perçoit le prêteur aux dépens de l'emprunteur pour le risque que court son capital.
Eh bien, messieurs, la production de cette sécurité, voilà tout l'objet de la caisse du crédit foncier. Où sont là les empiétements sur le domaine de l'activité personnelle et de la responsabilité des individus ?
Si vous croyez que l'Etat ne peut pas se charger d'une pareille tâche, pourquoi ne niez-vous pas aussi son droit de constater les hypothèques ? Pourquoi lui permettez-vous d'intervenir, par l'enregistrement, dans les conventions des particuliers, les actes translatifs de propriété ? Le but que l'Etat veut atteindre par ces services est le même que celui qu'il se propose par l'institution de la caisse de crédit foncier.
Admettez-vous l'utilité de ce crédit ? Je ne saurais croire que vous ne l'admettez pas, que vous pensez que le crédit n'est pas un élément essentiel de la production. Eh bien, si vous admettez cette utilité, il faut admettre aussi qu'il est utile de développer ce crédit. Or comment parviendra-t-on à lui donner ce développement sans que l'Etat intervienne par des agents d'une manière plus ou moins directe ?
Je suppose un cas extrême, celui qui s'éloigne le plus du système du gouvernement, quoique dans la séance d'hier l'honorable M. Malou l'ait confondu avec celui-ci, je suppose un cas analogue à celui créé par la loi de messidor an III.
Je suppose qu'on accorde à tout propriétaire foncier le droit de prendre hypothèque sur lui-même, d'émettre des obligations hypothécaires ayant la forme de billets négociables, c'est-à-dire transmissibles par la voie de l'endossement ; la condition essentielle d'une telle émission ne serait- elle pas qu'elle fût faite sous la garantie de l'agent du gouvernement charge de constater l'existence des hypothèques ? Sans cette intervention du gouvernement, l'obligation présenterait-elle une garantie quelconque ?
Non, quoi que l'on fasse, soit que l'on maintienne le régime actuel soit qu'on cherche, par des institutions perfectionnées, à donner au crédit un essor plus vigoureux, l'intervention de l'Etat est une condition indispensable. Le crédit territorial ne peut exister sans cette intervention.
La seule différence, messieurs, est du plus au moins. Mais si cette intervention est nécessaire, et légitime parce qu'elle est nécessaire pour faire naître le crédit, cette intervention deviendrait-elle illégitime, (page 1076) parce que, puur supprimer les entraves que rencontre le crédit, pour faciliter les transactions, on lui aurait assigné des bornes un peu plus larges ?
Messieurs, mon jugement recule devant une pareille conclusion. Comment !l'Etat aurait le droit, et personne ne le conteste, l'Etat aurait le droit et le devoir, dans le but de créer la sécurité, de créer la confiance, qui est le crédit, de faire constater les hypothèques, et l'Etat n'aurait pas le droit d'étendre, dans le même but, le service qu'il rend, alors que cette extension n'engage point sa responsabilité.
On dit que, malgré toutes les précautions que l'on prendra, malgré la prescription formelle que la caisse forme un établissement distinct de l'Etat, cette responsabilité n'existera pas moins en fait. Eh bien, elle n'existera que lorsque nous aurons des ministres qui méconnaîtront leurs devoirs et les devoirs de l'Etat. Oh ! si nous avons des ministres qui croient que l’Etat doit autre chose à ses administrés qye ce pourquoi il existe, il ne faudrait pas que la caisse fût donée avec les forces de l’Etat pour que sa responsabilité fût engagée en fait. L’industrie cotonnière gantoise n’était pas, que je sache, sous la direction de l’autorité, et l’Etat n’en est pas moins venu à son secours.
Messieurs, je me suis étendu longuement sur les objections qu'on a faites contre le projet de loi, sous le rapport de l'intervention de l'Etat ; j'ai cru que ces objections méritaient une réfutation plus développée que celle que d'honorables membres en avaient déjà faite.
Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur les avantages que présente l'institution et de réfuter quelques-unes des objections qu'on a faites à cet égard dans la séance d'hier.
Je ne me fais pas illusion sur l'influence que l'institution est appelée à exercer, au moins pendant les premières années, sur la production agricole ! Rarement on ira emprunter à la caisse des capitaux destinés à être employés à des améliorations agricoles. Ce n'est pas pour ce qui manque à nos campagnes pour des instruments aratoires plus perfectionnés, des engrais, du bétail, pour tous ces objets enfin qui rendraient aux emprunteurs le plus de bénéfice pour payer l'intérêt des capitaux et récompenser le travail qui les a mis en œuvre, que d'ici à longtemps peut-être, (et Dieu fasse que je me trompe !) l'on s'adressera à la caisse.
Les emprunts ayant cette destination se feront dans les premières années rarement. Le plus grand nombre des emprunts se feront soit pour acheter quelques parcelles de terre, soit pour rembourser des dettes préexistantes ; mais limitée même à cet usage, la caisse ne présentera-t-elle pas de grands avantages ?
On a dit dans des séances précédentes que la facilité du crédit amènera un plus grand morcellement du sol. Permettez-moi, messieurs, de répondre un mot à cette objection, car on a considéré ce morcellement comme un mal.
Messieurs, ce n'est pas l'étendue des exploitations ni la division du sol, mais les relations dans lesquelles se trouvent vis-à-vis les unes des autres les différentes classes de la société qui déterminent le bien-être de la communauté. Ce qui intéresse la société, c'est que la terre produise abondamment, et si de petites exploitations donnent autant de produits échangeables contre d'autres produits que la grande culture, la question est résolue. L'exemple de la Belgique, dans les provinces surtout où la terre est en tout ou en partie l'apanage de celui qui la cultive, démontre que ce résultat peut être obtenu.
Faut-il, je ne dirai pas décourager (ce serait un système abominable), ce désir de la propriété du sol dans celui qui le cultive ; mais faut-il ne point faciliter l'accomplissement de ce désir en augmentant par le crédit son pouvoir d'acheter ? Emprunter pour acheter est ordinairement ruineux pour le propriétaire foncier qui ne fait pas valoir lui-même son bien ; la rente de sa terre est insuffisante pour payer l'intérêt de la somme empruntée ; mais il n'en est pas ainsi du cultivateur qui, stimulé par l'amour de de sa propriété, sait en retirer un profit pour son travail et l'intérêt pour le prêteur.
C'est surtout pour cette classe que l'institution de la caisse sera utile.
L'on a parlé d'achats inconsidérés. Je crois que des achats inconsidérés se font sous le régime actuel, mais ils deviendront bien plus difficiles sous le régime de l'institution que nous allons fonder.
Actuellement un petit cultivateur ayant un tiers du capital nécessaire pour faire une acquisition achète ; les deux autres tiers lui sont prêtés ; comme disait l'honorable M. de Theux à la séance d'hier, bien souvent le bailleur de fonds lui fait crédit pendant deux ou trois années ; et quel est le résultat ? Que l'acquisition n'est pas faite en faveur du petit propriétaire ; car elle devient bientôt la propriété de celui qui lui a prêté des fonds. Souvent on a vu faire des spéculations de ce genre ; les prêteurs accordant du crédit pour s'emparer de la propriété du petit cultivateur.
Messieurs, je crois qu'on n'a pas suffisamment apprécié cette disposition du projet de loi d'après laquelle un emprunteur ne pourra obtenir que la moitié de la valeur d'une propriété foncière non bâtie et le quart d'une propriété foncière bâtie
S'il est vrai que la propriété foncière est la base la plus solide de la fortune publique et privée, il est de l'intérêt de l'Etat, je dirai de l'intérêt de la société, que la propriélé foncière ne soit pas grevée outre mesure. Or, sous le système actuel la propriélé foncière s'obère ; elle s'obère parce que l'emprunteur trouve, non pas à emprunter pour la moitié, mais pour les 2/3 ou les 3/4 de la valeur de sa propriété. Je suis donc heureux que le projet de loi limite l'emprunt dans les bornes que je viens d'indiquer ; la caisse en profitera parce qu'il en résultera pour elle une plus grande sécurité, et l'Etat et la société en profiteront en même temps.
Ceci m'amène, messieurs, à dire un mot de la mobilisation du sol. L'on a parlé de cette institution comme si elle devait avoir pour effet de mobiliser le sol, comme si elle devait avoir pour effet de monnayer le sol en quelque sorte. Messieurs, rien n'est plus radicalement faux que cette accusation : pour que le sol fût immobilisé, il faudrait que le projet de loi admît que la propriété pourrait être grevée pour sa totalité. Ce n'est qu'alors qu'on pourrait dire que le sol est mobilisé.
Au lieu de l'article 7 qui dit : « que les emprunts ne pourront se faire que pour la moitié ou le quart de la valeur, » il aurait fallu dire : « l'emprunt en papier-monnaie hypothécaire ayant cours forcé pourra se faire jusqu'à concurrence de la totalité de la valeur de l'immeuble. » Oh ! si telle avait été la disposition de la loi, on pourrait dire qu'on mobilisait le sol. Jusque-là je puis dire que l'accusation est complètement injuste ; et cependant c'est sur cette accusation que l'honorable M. Osy a fondé principalement son opposition à la loi.
Messieurs, je vous avoue que je n'ai pas pu comprendre comment l'honorable membre, si habitué aux affaires, ait pu se rallier à une pareille accusation, il aurait dû savoir que l'institution que le ministre des finances vient proposer n'est pas une chose neuve en Belgique ; il devrait savoir qu'un grand financier, un homme bien prudent en matière de finances, le roi Guillaume, par sa missive du 24 juin 1821,vint proposer à tous les états provinciaux l'institution d'une caisse de crédit foncier absolument semblable, presque identique au projet de M. le ministre des finances.
L'honorable membre croit-il que le roi Guillaume ait voulu mobiliser le sol de la Belgique ? C'est là, je ne dirai pas un argument en faveur de la loi, mais du moins c'est un argument qui prouve que l'accusation qu'on lance souvent contre ce projet de loi comme étant un produit de la révolution de 1848, et je soupçonne un peu l'honorable M. Osy de partager cet avis, n'est aucunement fondée.
Un autre avantage de l'institution, ce sera l'abaissement de l'intérêt.
Dans la séance d'hier, l'honorable comte de Theux n'admettait point que l'effet de la loi pourrait être un abaissement dans l'intérêt. Le crédit étant rendu plus facile, il y aura, dit-il, une plus grande demande de capitaux, et par conséquent l'intérêt ne baissera pas.
Mais l'honorable membre n'a pas songé que dans l'état actuel des choses, il y a beaucoup de capitaux qui ne peuvent se porter vers le crédit foncier. Il y a beaucoup de capitaux qui restent inactifs, parce qu'ils attendent un placement qui leur convient. Il en résulte que nous voyons souvent une différence considérable entre le taux de l'intérêt des capitaux destinés aux opérations commerciales et des capitaux qui cherchent un placement permanent.
Eh bien, messieurs, je crois que l'effet de la loi sera d'égaliser, dans une certaine mesure, l'intérêt des capitaux. L'intérêt tendra à s'égaliser ; les capitaux qui n'ont qu'une seule destination aujourd'hui trouveront une autre destination à l'avenir, et le résultat de ce fait, que sera-t-il ? Que l'intérêt subira un abaissement, et, si l'intérêt baisse, si l'intérêt des capitaux qui viennent s'engager dans la propriété foncière vient à baisser, quel en sera le résultat ? Ce résultat sera que la propriété foncière verra diminuer sa charge annuelle dans la même proportion que se fera la baisse de l'intérêt.
Je n'ai pas à m'étendre sur les avantages qui résulteront du système d'amortissement. D'autres orateurs et surtout M. le ministre des finances les ont fait ressortir beaucoup mieux que je ne pourrais le faire.
L'honorable M. Malou a nié hier l'utilité que présente sous ce rapport le projet de loi. La dette hypothécaire s'éteint actuellement en 19 ans, a-t-il dit, mais il a oublié de dire que la plus grande partie de la delte ne s'éteint pas du tout, et que la plupart des remboursements qui se font ne s'opèrent qu'au prix de nouveaux emprunts.
Cette extinction de la delte hypothécaire qui doit se faire par l'institution de la caisse foncière, est pour moi la considération la plus puissante. Il n'y en aurait pas d'autre que je voterais le projet de loi, parce que je crois qu'on aura résolu un problème social d'une grande difficulté et qui était extrêmement menaçant.
Permettez-moi de dire un mot, et je finis, d'un dernier avantage que présente le projet.
C'est un principe adopté par tous les hommes d'Etat que les impôts ne doivent frapper que les revenus et ne point atteindre le capital.
Or, qu'arrive-t-il sous le régime actuel, c'est que l'emprunteur a à payer au moment de l'emprunt à l'impôt une somme considérable qui est distraite du capital, qui est détruite pour la production.
En permettant de répartir les droits fiscaux sur une longue série d'années, l'impôt sera prélevé sur le revenu, sur les profits du capital, sur l'épargne.
De bonne foi, messieurs, n'est-ce pas là encore une excellente réforme ?
M. de Pouhon. - L'utilité des banques hypothécaires n’est que relative, elle se mesure en raison des temps et des lieux. Ces institutions ont dû rendre d'importants services en Pologne, en Allemagne, après de longues guerres qui avaient ruiné les propriétaires du sol. Le besoin s'en est encore fait sentir vivement en Europe, après les guerres de la république et de l'empire, quand la paix rendait des centaines de milliers de bras aux travaux des champs. Beaucoup d'oificiers avaient une fortune terriloriale à rétablir, d'autres en virent une à créer dans (page 1077) culture. Les capitaux manquaient ou devaient se louer à des taux d'intérêts trop élevés. On réclama des institutions de prêts hypothécaires, on les appela longtemps en France, les auteurs économistes répandirent ces vœux. Des associations particulières y avaient déjà satisfait en Belgique que l'organisation du crédit foncier y devenait le thème des exigences de la presse et des programmes politiques.
Je ne vois guère d'utilité à sonder les besoins qui se révèlent encore dans les Etats voisins, j'y crois aisément. Mon examen se renferme dans les limites de notre pays.
D'après mes données d'appréciation, je n'hésite pas à avancer qu'il ne reste plus de place en Belgique,en fait d'institution de crédits foncier nécessitant l'intervention de l'Etat, que pour un établissement qui se bornerait à satisfaire les besoins de la très petite propriété, de celle surtout qui est située en dehors des centres de mouvement des capitaux, centres qui leur sont d'ailleurs inaccessibles à raison même de la modicité des sommes à emprunter.
Je connais, à l'extrémité du royaume vers les frontières de Prusse, des populations pauvres attachées à un sol ingrat que les sueurs de l'ouvrier fécondent seules et qui leur procurerait un bien-être relatif s'il était affranchi de l'étreinte de l'usure.
Après une mauvaise récolte, ces pauvres gens sont réduits à emprunter à un terme très court, à l'expiration duquel on les force à donner hypothèque pour une dette considérablement accrue. Quelques années s'écoulent dans l'embarras et la misère, et enfin la chaumière héréditaire passe aux mains des loups-cerviers.
J'imagine que de même que dans nos fanges, d'autres parties des Ardennes, du littoral marilime et de la Campine, présentent les mêmes nécessités. Voulez-vous y pourvoir, messieurs, je m'associerai avec bonheur à votre résolution, car je suis d'avis que la pléthore ne doit pas être au cœur du pays, tandis que la circulation manque aux extrémités.
Je voterai le crédit foncier applicable à ces contrées avec l'idée que l'Etat aura à parer aux mécomptes du système et sous la réserve qu'il négociera lui-même les lettres de gage, afin de faire les avances en argent. Je voterai à titre d'institution rurale. C'est dans ce sens que je présenterai l'amendement que je dois déposer.
Quant aux prêts de sommes importantes, vous aurez fait, messieurs, tout ce que les besoins du pays réclament, quand vous aurez complété la réforme du régime hypothécaire par une bonne loi sur les expropriations.
On dit que ceux-là même qui ont été les plus zélés promoteurs de l'organisation du crédit foncier se montrent plus actifs encore à retenir le gouvernement dans sa résolution de présenter le projet de loi sur les expropriations, projet qui tendrait à réduire la besogne des hommes de loi. Signaler ces soupçons, c'est accélérer la présentation du projet de loi, car j'ai trop de confiance dans le ministère pour croire qu'il puisse être accessible à une pression aussi égoïste.
Je soutiens, messieurs, que la réforme de notre législation hypothécaire est tout ce que les besoins du pays demandent et qu'elle réalisera à elle seule en Belgique l'organisation du crédit foncier.
Les économies du pays s'accroissent d'une manière sensible, on pourrait dire à vue d'oeil. Les capitaux cherchent de l'emploi et s'offrent de 3 à 3 1/2 p. c. l'an sur bonnes garanties mobilières. Ils doivent se frayer de nouvelles voies, l'érection de la Banque Nationale contribue à leur en faire une nécessité. Vous leur en ouvrirez une en achevant l'œuvre de la réforme hypothécaire commencée. Les capitaux se sont éloignés de cette direction à cause des dangers, des frais considérables et des dégoûts qu'elle présente encore ; mais écartez ces obstacles, et vous verrez bientôt les capitalistes prêter à de meilleures conditions que la caisse foncière en projet.
Je suis partisan de l'intervention de l'Etat, partout où il peut suppléer à l'impuissance ou à l'inertie de l'intérêt privé ; je crois qu'il fait bien d'encourager, de stimuler, d'aider, de donner une impulsion utile ; mais il est une position qu'il ne prendra pas avec mon aveu ; c'est celle de créancier et surtout de créancier inexorable comme le commande le système des prêts hypothécaires. N'avez-vous pas tous, messieurs, acquis l'expérience que le plus souvent on se fait des ennemis de ceux à qui l'on a prêté, si l'on n'a pas prêté à fonds perdu ?
Je ne comprends pas que le gouvernement veuille s'attirer bénévolement et sans utilité aucune, des milliers de débiteurs qui, aux échéances des annuités, ne seront pas tous ponctuels à payer.
Est-ce dans les campagnes qu'il fait des avances ? Mais là il est d'usage de payer les loyers et les contributions moins aux termes fixés que suivant les convenances qui dérivent de la moisson et de la vente des produits. Les propriétaires, le fisc lui-même, s'y prêtent, les agents de la caisse foncière du gouvernement devront se montrer inflexibles.
Le cabinet veut créer, comme à plaisir, une source abondante de désaffection, de sentiments hostiles. Il est impossible qu'il ne considère comme un grand mal que le gouvernement apparaisse dans les campagnes sous la forme de recors et qu'il y soit pour beaucoup de débiteurs un sujet d'anxiété continuelle. Il ne peut vouloir que les enfants en bas âge, entendant les terreurs s'exhaler de la bouche de leurs parents au nom du gouvernement représenté par les huissiers, conçoivent et gardent l'impression que le gouvernement est un Croque-Mitaine, un ogre toujours prêt à les dévorer.
Quel est donc le grand intérêt qui puisse, aux yeux du cabinet, compenser de si graves effets ?
S'agit-il de réformer la propriété, de la reconstituer sur de nouvelles bases ? Il ne faudrait pas moins qu'un but aussi gigantesque pour justifier le projet de loi.
Croirait-on augmenter les forces productives du pays ? C'est peut-être un résultat opposé que l'on atteindrait. La mobilisation de la propriété tend au morcellement, et vous savez, messieurs, que la petite culture ne rapporte pas autant que la grande à la consommation générale. Une petite ferme qui s'établit crée des consommateurs de ses produits, l'excédant seul va au marché.
On l'a déjà dit plusieurs fois dans cette discussion ; le morcellement de la propriété a été l'un des nombreux bienfaits de la révolution de 1789. Mais un régime nouveau qui a fait cesser les abus de l'ancien engendre lui-même, poussé dans toutes ses conséquences, des abus à la suite des temps. Il y aurait peut-être lieu de chercher à ralentir plutôt qu'à accélérer, sous ce rapport, les effets du Code civil.
J'ai dit, messieurs, que la mobilisation tend au morcellement de la propriété. En effet, la grande facilité d'emprunter est une séduction dangereuse. Tel propriétaire qui eût résisté s'il avait dû aller chercher des prêteurs, faire connaître ses embarras à plusieurs capitalistes avant d'arriver à celui qui avait ses fonds disponibles, se laisse facilement entraîner s'il a le prêteur sous la main, si le capital se présente en quelque sorte à lui au moment de la tentation.
Dans la première hypothèse, s'il avait voulu sortir d'un embarras temporaire, il se serait peut-être imposé une autre issue : l'économie. Eût-il cédé à une idée de spéculation ? la réflexion eût pu l'en détourner à temps. Dans la seconde hypothèse, le sacrifice est consommé aussitôt que résolu.
Est-ce bien en vue d'améliorations et de spéculations agricoles que se font la plupart des emprunts hypothécaires ? C'est extrêmement contestable.
La propriété rurale a atteint des prix qui ne laissent plus que 2 à 3 p. c. de rente. Emprunter à 4 p. c. c'est un acheminement vers la vente forcée. L'esprit d'ordre et de conservation qui règne dans nos campagnes s'oppose à ce que ce système soit généralement adopté. Je crois que les dépenses que des propriétaires font dans les villes sont une cause plus fréquente des emprunts hypothécaires.
Je pose en fait, et ce fait pourrait être vérifié, que si l'on consultait les prêts hypothécaires qui ont été faits par nos établissements spéciaux depuis leur création, on trouverait que les trois quarts en nombre et en sommes ont servi à tout autre chose qu'à des entreprises agricoles. Pour ma part, j'ai vu passer bien des millions qui venaient s'enfouir dans des entreprises industrielles et dans des spéculations de bourse. Je ne pense pas que ce soit là une tendance que le législateur ait mission de seconder.
Je cherche en vain, messieurs, le mobile qui porte le gouvernement à vouloir ériger par lui-même une institution de crédit foncier malgré tant et de si puissantes raisons qui s'opposent à sa réalisation : raisons politiques ordinairement dominantes pour les hommes d'Etat ; intérêt du trésor, dont, M. le ministre des finances se montre toujours soucieux ; intérêt du crédit public dont il est le gardien naturel ; inviolabilité de la Constitution qui interdit les privilèges en matière d'impôts.
Si la grande raison du gouvernement était dans sa sollicitude pour les emprunteurs hypothécaires, je répéterais qu'il la pratiquerait plus sûrement en complétant la réforme de la législation hypothécaire. Il leur assurerait par ce moyen des ressources plus constantes, plus réelles et des conditions plus favorables.
J'engage M. le ministre des finances à ne pas se faire illusion sur l'applicalion de son système. Les moyens qu'il a sa disposition et qu'il se propose d'employer, ceux qu'il se créera peut-être par une caisse d'épargne, sont de nature à lui donner confiance dans le placement de ses lettres de gage. Mais s'il était borné à ses propres ressources, les opérations de la caisse seraient nécessairement très limités.
Je suppose que l'établissement commence ses opérations par un prêt de cent mille francs, et que des lettres de gage pour une pareille somme soient présentées à un capitaliste à la recherche d'un placement pour quelques années à 3 ou 3 1/2 p. c ; je doute que ce capitaliste prenne ces titres à 4 p. c, quelque confiance qu'il ait dans leur solidité. La raison en est simple, c'est qu'il n'aura pas la certitude de se défaire de ses lettres de gage sans perte si, au bout de quelques années, il avait besoin de rentrer dans son argent.
Je ne veux pas contester d'une manière absolue la possibilité que les lettres de gage ne s'acclimatent dans les portefeuilles des capitalistes et des rentiers. Il y a là une impulsion à donner qui pourrait les faire rechercher.
Je me rappelle les vives appréhensions que me causa en 1848 le cours forcé des billets de banque, appréhensions qui ne furent heureusement pas justifiées. Le cours des billets se maintint ; d'abord qu'ils avaient double garantie, celle de l'Etat et celle des banques qui les avaient émis ; mais la grande cause, c'est que la somme des billets émis ne dépassait pas le niveau des besoins de la circulation, et que le mouvement des caisses publiques et particulières les enlevait à l'instant même où le détenleur voulait s'en défaire. En un mot, c'est que la goutte d'eau ne fit pas déborder le verre.
Trouvez le moyen que vos lettres de gage ne se présentent qu'au fur et à mesure de la demande, et peut-être, les circonstances aidant, pourront-elles se maintenir au pair. Ne vous en flattez pourtant pas trop, car l'immobilité du pair n'est guère possible. Il ne pourra pas être dépassé, puisque la fabrication des titres restera ouverte ; les fluctuations s'établiront donc au dessous du pair.
(page 1078) Un vice réel du projet de loi, c'est qu'il établit un taux immuable d'intérêt pour les prêts et pour les lettres de gage. C'est cependant une chose accessoirement variable. A coup sûr, le taux d'intérêt se modifiera d'ici à quelques années, selon que l'Europe aura la paix ou la guerre, selon que la solution politique en France inspirera confiance ou appréhensions.
Si la baisse de l'intérêt fait encore des progrès, les capitalistes offriront de l'argent à meilleur compte que la caisse du gouvernement, qui présentera ainsi peu d'utilité.
Si, au contraire, les circonstances sont mauvaises, l'argent se raréfiera et l'institution du gouvernement sera arrêtée par l'impuissance de négocier les lettres de gage. C'est cependant dans les temps de crises politiques ou financières que les besoins d'argent font recourir le plus aux emprunts hypothécaires.
Vous le voyez, messieurs, la caisse du crédit foncier ne présentera pas des ressources constantes ; elle devra arrêter ses opérations dans les moments où le besoin s'en fera le plus sentir.
Attirez les capitalistes particuliers dans la voie des prêts hypothécaires en leur accordant les avantages que le projet de loi réserve par privilège à la caisse du gouvernement et ceux-là qui ne doivent pas subordonner leurs avances à la négociation des lettres de gage, prêteront en tous temps en conciliant leurs convenances à celles des emprunteurs tant pour le taux d'intérêt que pour la durée des prêts.
M. le ministre des finances espère, s'il faut en croire son exposé des motifs, arriver à la fusion de la dette hypothécaire du royaume. Cette idée lui sourit. Quant à moi, je n'en vois ni l'utilité ni la possibilité et je m'en effrayerais si je ne la prenais pour un rêve.
Admettons néanmoins non pas une agglomération de 80,000,000, mais seulement la réunion de 200,000,000 de prêts représentés par une pareille somme de lettres de gage. Je voudrais bien savoir où M. le ministre logera ces 200 millions de titres quelle que soit la faveur dont ils puissent jouir. Dira-t-on qu'ils expulseraient des portefeuilles belges une centaine de millions de fonds nationaux ? On se tromperait encore, car si par aventure, nos rentiers et capitalistes s'éprenaient d'un grand engouement pour les lettres de gage, les bas prix auxquels cette concurrence ferait tomber les fonds belges, les rappelleraient pour racheter de ces derniers à bon marché. Alors, ils voudraient revendre leurs titres hypothécaires qui subiraient à leur tour une très grande dépréciation.
Ne croyez pas, messieurs, que l'étranger serait empressé de prendre les fonds nationaux délaissés par les rentiers régnicoles. Nos fonds publics ont captivé la confiance des capitalistes de différents pays, parce que la Belgique est riche, parce que la nation et son gouvernement ont montré de la sagesse dans des circonstances difficiles ; mais cette confiance s'évanouirait si l'on nous voyait nous engager dans des entreprises téméraires comme serait celle qui tendrait à la création et à l'émission de 200 millions de papier hypothécaire.
L'exécution du projet ne coûterait pas au trésor seulement les réductions de droits dont il gratifie les prêts de la caisse de crédit foncier. Nous avons en expectative une économie annuelle de deux millions et demi réalisable en quelques années par les conversions successives de nos 5 et 4 1/2 p. c. Elle est naturellement subordonnée aux événements politiques, mais pour peu qu'ils assurent le statu quo actuel, la réduction de nos 5 p. c. pourrait s'opérer l'année prochaine et produirait un allégement de 800,000 francs au budget. Renoncez, messieurs, à cet avantage ou au crédit foncier par l'Etat.
On attribue au gouvernement, à tort ou à raison, des projets d'emprunts en vue de grands travaux publics. S'il en était ainsi, il faudrait convenir qu'il ne préparerait pas convenablement les voies d'un emprunt en le faisant précéder d'un projet de crédit foncier avec des vues aussi ambitieuses que celles énoncées dans l'exposé des motifs.
M. de Muelenaere. - M. le minisire des finances a reproché aux adversaires du projet de s'être livrés à des excursions vagabondes dans le domaine des théories. Mais, à son tour, M. le ministre des finances a remonté bien haut pour nous démontrer la légitimité de son projet.
La mission que je me suis assignée est beaucoup plus modeste.
J'examinerai le projet de loi en lui-même, au point de vue de son utilité pratique, et je sens que la nécessité m'est imposée d'être très court.
Le passé ne m'inspire aucun regret, et je suis intimement convaincu que pas un seul membre de cette assemblée ne désire le retour d'un autre âge, le retour d'anciennes institutions que le temps et la marche de l'esprit humain ont irrévocablement proscrites.
Je ne veux pas, pour ma part, sanctifier l'immobilité dans les institutions humaines. Je sais trop combien ces institutions sont essentiellement défectueuses de leur nature. Partout où j'entrevois une amélioration réelle, partout où j'aperçois un progrès véritable, je m'empresse de l'adopter.
La Providence, dit M. le ministre des finances, a placé au cœur de l'homme une passion ardente de la propriété ; la possession du champ exploité par ses pères est un objet constant de ses désirs. Ce sentiment presque inné est la base de toute civilisation ; c'est le grand pivot de notre société moderne. Loin de chercher à restreindre ce sentiment, nous devons, au contraire, essayer de le développer, de le rendre encore plus vivace au cœur de l'homme. Nous devons, si je puis m'exprimer ainsi, achever l'œuvre de la Providence.
Je ne m'effraye pas de l'augmentation possible du nombre des propriétaires. Cet accroissement, je le provoque de mes vœux. Je ne recherche point si la subdivision de la propriété peut être considérée comme un mal au point de vue des perfectionnements agricoles. Cette considération toute secondaire disparaît, à mes yeux, devant une considération bien autrement importante.
Chaque propriétaire nouveau est un soldat de plus qui s'enrôle sons le drapeau de l'ordre. Avec des lois aussi essentiellement démocratiques que les nôtres, ce n'est, à défaut de sentiments religieux et moraux, que par la cohésion de tous les intérêts positifs que nous parviendrons à poser une barrière aux passions brutales qui assiègent la société.
Mais lorsqu'il y a quelques années à peine, nous avons vu éclore tant de conceptions fantastiques, lorsque nous avons vu éclore tant d'utopies, aussi excentriques les unes que les autres, et qui cependant ont passionné bien des esprits, il doit nous être permis d'examiner avec soin, je dirai même avec quelque défiance, un projet dont l'homme le plus clairvoyant ne saurait calculer toutes les conséquences.
Le projet de loi dont nous nous occupons est-il nécessaire ou utile ? Ce projet de loi offre-t-il aux propriétaires des avantages réels et incontestables et ne renferme-t-il pas de dangers pour l'avenir ?
Constatons d'abord un fait : c'est qu'en Belgique les capitaux ne font pas défaut à la propriété. Je trouve la preuve irrécusable de cettte attestation dans les documents que le gouvernement lui-même nous a distribués. Avant d'avoir compulsé ces documents, qui aurait osé affirmer, sans crainte de se voir taxer d'exagération, que notre sol était grevé de la somme énorme de 800 millions de francs ?
N'oublions pas d'ailleurs que la nouvelle loi hypothécaire que nous avons votée récemment, donnera au prêteur des garanties complètes pour la conservation de son capital et le recouvrement des intéréts. Cette loi contribuera puissamment à faire affluer l'argent vers la propriété et à diminuer le taux de l'intérêt en raison directe des sûretés qu'elle donne aux prêteurs.
Ce serait d'ailleurs une erreur dangereuse de croire que la législation doit tendre à augmenter la masse des prêts hypothécaires. L'emprunt en lui-même est un mal, un grand mal ; c'est un chancre qui ronge la propriété ; il serait sans aucun doute très désirable que le sol fût libre, complètement affranchi. L'emprunt a toujours le double inconvénient de rendre la propriété moins disponible dans les mains de celui qui la possède, et de s'opposer aux améliorations agricoles précisément en raison de la hauteur des charge, qui pèsent sur la propriété elle-même.
C'est donc un autre but que celui de l'augmentation de la masse des emprunts, que le législateur doit se proposer. Nous verrons plus tard si ce but est atteint par le projet de loi.
Plusieurs orateurs se sont élevés avec une grande force contre les faveurs et les privilèges que la loi accorde à la caisse du crédit foncier.
Au point de vue de notre droit civil, ces dérogations aux principes généraux ne me paraissent pas justifiables. D'après la loi, le conservateur, sans bordereau et sous sa responsabilité personnelle, prend inscription d'office au profit de la caisse ; il s'assure, également sous sa responsabilité, que la créance est régulièrement constatée et qu'elle est à l'abri de tout danger ; il délivre les lettres de gage.
Le tribunal d'arrondissement, dans le cas de l'article 14 du projet, prononce en dernier ressort. Quelle que soit donc la valeur de l'objet, vous supprimez le deuxième degré de juridiction.
Les inscriptions prises en faveur de la caisse sont dispensées de toute espèce de renouvellement. Et cependant, dans le projet de loi sur les hypothèques, que vous avez voté récemment, vous avez eu soin de prescrire le renouvellement dans un but d'intérêt public. Et aujourd'hui déjà, lors même que cette loi n'est pas encore définitivement votée, vous venez la modifier dans une de ses dispositions fondamentales.
La caisse jouit, après le trésor public, d'un privilège sur les fruits et les immeubles hypothéqués, indépendamment de son action hypothécaire. L'action hypothécaire de la caisse n'est suspendue dans aucun cas, nonobstant toute disposition contraire des lois existantes, et la caisse, en outre, est affranchie de toutes les formalités ordinaires de l'expropriation forcée et de l'ordre entre les créanciers.
Je désire, messieurs, que sous le point de vue du droit, que sous le point de vue de l'égalité des citoyens devant la loi civile on veuille bien nous justifier ces dérogations extraordinaires et exorbitantes au droit commun.
Mais malgré toutes ces infractions au droit commun, malgré toutes les faveurs dont on comble la caisse, je me suis demandé quelles étaient les conditions que cette caisse faisait à l'emprunteur.
Jetons, messieurs, un coup d'œil rapide sur ces conditions. L'emprunteur sera tenu de payer les honoraires du notaire et tous les frais afférents à l'acte d'obligation et à la délivrance de la grosse qui doit rester à la conservation des hypothèques. Il devra acquitter les salaires alloués au conservateur des hypothèques, pour les différentes formalilés à accomplir par lui en exécution de la loi actuelle.
L'emprunteur versera au trésor, pendant 42 années au moins, 1 huitième pour cent à titre de droits d'enregistrement et d'inscription, c'est-à-dire jusqu'à sa libération définitive, en supposant qu'elle ait lieu au bout de ce terme, 5 1/4 p. c. de toute la somme empruntée.
Indépendamment de ces charges, l'emprunteur bonifiera à la caisse, pendant le même laps de temps, 4 1/8 p. c. sur tout le capital à titre d'intérêt et de frais de recouvrement et d'administration pour la caisse.
En outre, le payement de l'annuité devra être acquitté avant la fin du cinquième mois du terme semestriel, c'est-à-dire par anticipation. (page 1079) Cette condition, dans la pratique, sera excessivement onéreuse pour l'emprunteur qui ne possède qu'une propriété de médiocre valeur.
Et, en compensation de tous ces sacrifices, que reçoit l'emprunteur ? Du papier ! Des lettres de gage à l'intérêt de 4 p. c, qu'il sera obligé de négocier à ses risques et périls, au cours du jour, c'est à-dire, dans les circonstances ordinaires, au taux de 80 à 90 p. c, donc avec perte de 10 à 20 p. c. sur tout le capital emprunté. Est-il vrai, messieurs, que par une semblable disposition vous affranchissez le crédit foncier des empreintes du passé ? Est-il vrai que vous rendez un service à la propriété, et que vous améliorez considérablement les conditions actuelles de l'emprunteur ? Ce sont là, je pense, autant d'erreurs que de mots. Je crois que nous pouvons affirmer, sans crainte da nous tromper, que l’intérêt des sommes actuellement hypothéquées sur le sol n'est en général que de 4 à 4 1/2 p. c. tout au plus du capital.
Je sais qu'on m'opposera les documents statistiques, et que ces documents accusent un résultat différent. Eh bien, messieurs, je vous déclare que ces documents statistiques que j'ai examinés ne m'ont point convaincu, et par une raison fort simple, c'est que dans la confection de ces documents on a perdu de vue des considérations très importantes, et notamment la considération de ce fait, qui est à la connaissance personnelle de tous les députés des Flandres. C'est qu'il est des provinces entières où il est d'un usage constant de stipuler dans les actes de constitution de rente un intérêt plus élevé que celui qui est réellement payé par le débiteur.
Cet intérêt plus élevé est nécessairement celui qui figure dans les bordereaux d'inscription hypothécaire, parce que le propriétaire doit prendre des garanties pour le cas où il serait obligé de procéder à l'expropriation. Et cependant ce n'est là qu'une pénalité, une disposition purement comminatoire, car l'acte porte en même temps que l'intérêt sera réductible au taux le plus bas, si le débiteur se libère dans le délai stipulé par l'acte, c'est-à-dire régulièrement dans le délai de 40 jours ou même dans le délai de trois mois après l'échéance. Eh bien, messieurs, cette considération a été complètement négligée dans les documents statistiques et cependant, en ce qui concerne les Flandres, et je pense que cela existe également dans les autres provinces, elle aurait eu une influence assez marquée sur le taux moyen de l'intérêt.
Mais, un autre motif que j'ai à faire valoir contre le projet de loi, c'est que par ce projet vous immobilisez en quelque sorte pour tout le pays le taux de l'intérêt des prêts fonciers.
Quelles que soient désormais les améliorations qu'on apporterait plus tard à la loi civile, et il y a sous ce rapport beaucoup à faire, quelle que soit même l'abondance des capitaux, il est évident que l'intérêt exigé par la caisse foncière gouvernementale, par la caisse que le public appellera la caisse du gouvernement, il est évident que cet intérêt deviendra en quelque sorte l'intérêt normal, et que ce seront les stipuations de cette loi...
M. Pierre. - On pourra modifier la loi.
M. de Muelenaere. - Je dis que ce seront les prescriptions consignées dans cette loi qui serviront de base aux transactions qui se feront entre des particuliers. L'honorable membre qui vient de m'interrompre dit qu'on modifiera la loi, ou qu'on en fera une autre ; je lui répondrai qu'il est très désirable qu'on ne soit pas obligé de modifier constamment les lois, et que c'est là d'ailleurs la condamnation du système.
Permettez-moi de réclamer encore un instant votre attention. Si vous voulez que chacun puisse librement user du crédit, que la petite propriété surtout reçoive tout son développement ; si votre caisse a ce caractère de philanthropie et de bienveillance, ce caractère réellement démocratique que vous lui attribuez, si votre projet est en harmonie avec la constitution de la propriété en Belgique, comment se fait-il que vous ayez été fatalement amenés par ce projet à exclure de tout recours possible à la caisse foncière plus d'un tiers de tous les propriétaires de la Belgique ?
Messieurs, je pense que cette assertion ne sera pas contestée. Si elle l'était, la démonstration en serait facile, elle découle tout entière des articles 7 et 8 du projet. Et cependant tous ces petits propriétaires qu'on exclut, ce sont précisément ceux-là qui ont besoin de la bienveillance particulière du gouvernement ; ce sont ceux-là à qui votre concours, votre intervention, votre appui peuvent être utiles.
Soyons de bon compte : lorsqu'un propriétaire possède un fonds de terre quelque peu important ; lorsque cet immeuble est quitte et libre de toute charge, lorsque le propriétaire l'offre en hypothèque sur une première inscription et qu'il ne réclame qu'une somme qui n'excède pas la moitié de la valeur cadastrale, ce propriétaire n'a pas besoin du secours du gouvernement ; il trouvera de l'argent partout ; avec des conditions semblables, il ne sera pas embarrassé de trouver le capital dont il a besoin, et même à des conditions plus favorables d'intérêt que celles que vous lui faites.
Au surplus, il me semble que le moment est très peu opportun pour s'occuper de cette discussion ; je crois même qu'il serait convenable de l'ajourner à une autre époque. Le projet, s'il est actuellement converti en loi, ne peut pas fonctionner sous l'empire des lois existantes ; il ne peut pas être mis en vigueur sous notre législation civile actuelle.
Ce projet est subordonné à l'introduction du nouveau régime hypothécaire, à l'adoption du système d'après lequel tous actes, emportant transmission entre-vifs de droits réels immobiliers, ne pourront opérer à l'égard de tiers que pour autant que ces actes aient été préalablement rendus publics par la voie de la transcription ; jusque-là votre projet est une lettre morte.
Cela résulte d'abord de l'ensemble des dispositions du projet, mais plus particulièrement de l'article 11. Or, la nouvelle loi sur la révision du régime hypothécaire, à l'introduction de laquelle le projet actuel est complètement subordonné, cette nouvelle loi n'a été encore ni examinée, ni discutée, ni votée dans une autre enceinte.
Maintenant, messieurs, je vous demande si des motifs de haute convenance envers un corps qui se trouve sur la même ligne que nous, envers un corps également indépendant et libre dans la sphère élevée où la Constitution l'a placé ; si ces motifs-là ne doivent pas nous imposer le devoir de ne pas préjuger l'opinion du sénat sur toutes les questions importantes et graves que nous avons résolues dans le projet de loi sur les inscriptions hypothécaires.
Il est évident, messieurs, que dans ce projet de loi nous avons apporté à la législation qui nous régit les modifications les plus graves, les plus radicales. Qui peut nous prédire que le sénat, en définitive, adoptera les modifications que nous y avons faites ? Qui peut nous assurer que le sénat ne modifiera peut-être pas ce projet de loi dans une de ses dispositions les plus essentielles ; et cependant, je le répète, la mise à exécution de la loi en discussion dépend de l'adoption du projet de loi sur le régime hypothécaire.
M. le ministre des finances, dans une précédente séance, a invoqué, à l'appui de son projet de loi, l'opinion du congrès agricole qui a été réuni dans la ville de Bruxelles.
Si le gouvernement nous avait proposé la réalisation de presque tous les vœux émis par le congrès agricole, nous n'aurions, je dois le dire, que des éloges à lui donner.
En effet, que demandait le congrès agricole ? La réforme du régime hypothécaire et du système des privilèges.
La révision de la législation sur la saisie immobilière et l'expropriation forcée, la suppression de ces formalités longues et dispendieuses qui sont, aux yeux du congrès, un obstacle insurmontable à ce que celui qui ne possède qu'une petite propriété puisse se procurer une somme quelconque sur hypothèque. Le congrès demandait la révision des lois sur les ventes à réméré, qui lui semblaient préjudiciables, au point de vue des améliorations agricoles. Enfin le congrès avait également émis le vœu qu'on réduisît considérablement les frais énormes qu'entraînent les mutations de propriétés et les prêts hypothécaires.
Il n'est aucun de ces vœux qui déjà n'ait trouvé de l'écho dans cette enceinte ; eh bien, que le gouvernement réalise les vœux émis par le congrès agricole, et évidemment votre caisse foncière devient à l'instant même complètement inutile.
Les capitaux afflueront vers la propriété avec la plus grande abondance, et évidemment l'intérêt baissera en raison même de l'abondance des capitaux et des sûretés que l'on donnera au prêteur. Ce serait, messieurs, en entrant dans cette large voie que le congrès agricole a tracée au gouvernement, que celui-ci favoriserait le crédit foncier d'une manière bien autrement puissante que ne le fera jamais le projet actuel.
Je termine, messieurs, par une dernière considération. Je désire le développement sage, progressif, rationnel du crédit. Je suis convaincu, comme M. le ministre des finances, que la diffusion des richesses doit en être la conséquence. Dans l'état d'organisation de notre société, je ne redoute pas le morcellement de la propriété ; ce morcellement offre, à mes yeux, des avantages politiques d'une nature incontestable. Mais ce que je crains, c'est la confusion de ce qui est du domaine de l'Etat et de ce qui doit rester, selon moi, du domaine des transactions entre particuliers.
Si votre caisse d'ailleurs est appelée aux hautes destinées que vous semblez lui prédire, si elle doit dans un avenir plus ou moins prochain accaparer une partie quelque peu notable seulement des capitaux qui aujourd'hui grèvent la propriété en Belgique, je crains que vous n'ayez fait un bien funeste présent à nos campagnes. Je crains que la caisse foncière ne pousse la classe moyenne de la société vers cette manie de l'agiolage qui a déjà bouleversé tant de fortunes et causé tant de ruines. Nous aurions tous à nous en repentir très amèrement. Ne fût-ce que par cette seule considération morale, il me serait impossible de donner mon adhésion au projet de loi. Bien d'autres raisons politiques et économiques m'imposent également le devoir impérieux de le repousser.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me sens très disposé à rendre grâces à mes adversaires de leur attitude dans cette discussion. Si quelques doutes avaient pu rester dans les esprits, ils seraient maintenant dissipés. Je suis convaincu que les discours de l'opposition que nous avons entendus auront pour effet de ramener ceux qui pouvaient encore hésiter, et qu'ils seront maintenant favorables à l'adoption du projet de loi. En effet, messieurs, les objections ne furent jamais plus futiles en présence d'un objet aussi important ; jamais on ne vit s'attacher à des détails plus infimes, à des choses plus secondaires, plus accessoires en présence d'une pareille proposition.
Le discours que vous venez d'entendre en est surtout une preuve éclatante. Tous les griefs relevés par l'honorable M. de Muelenaere, je les rencontrerai tantôt, dans la discussion ; tous les griefs accumulés par lui, on pourrait consentir à les faire disparaître du projet, que l'institution n'en subsisterait pas moins.
Les discours que nous avons entendus se divisent en général en deux parties bien distinctes ; dans la première, les orateurs s attachent à démontrer que le projet présente les plus grands dangers, qu'il menace (page 1080) d'ébranler le sol, qu'il met en péril la société ; tous les arguments sont réunis pour convaincre les plus timorés sur ce point.
Dans la seconde partie du discours, c'est tout autre chose ; l'institution est insignifiante, l'institution est onéreuse, déplorable, elle aggravera la condition des débiteurs ; personne ne voudra emprunter à cette caisse ; les lettres de gage, on les collera sur les portes, comme M. Malou a vu faire des coupons de l'emprunt forcé en 1831.
Qu'y a-t-il à craindre si on doit arriver à de pareils résultats ?
Les honorables opposants sont sous l'empire de la plus étrange préoccupation ! On croirait, à les entendre, qu'on n'emprunte pas en Belgique ; que l’emprunt n’existant pas, nous allons soffrir aux particuliers des moyens, qu’ils n’ont pas, de se ruiner : et de là vient que M. Malou nous a dit, par exemple : L’emprunt ne mène pas à la propriété, il mène à la ruine ; de là vient que M. de Muelenaere dit à son tour : la législation ne doit pas favoriser les emprunts, et que M. de Theux s'écrie : Vous allez rendre la position des petits cultivateurs beaucoup plus fâcheuse ; ils seront obligés de payer 42 annuités, voire même 45 ; pense-t-on que les petits cultivateurs voudront laisser leur famille obérée pendant 42 ans !
On oublie qu'on emprunte, que les propriétaires fonciers empruntent 54 millions chaque année ; on oublie que la seule transformation de la dette qui existe à un taux supérieur à 4 p. c. procurera au débiteur propriétaire foncier un dégrèvement de 4 millions 500 mille fr. sur la somme qu'il paye annuellement ; 4,500,000 fr. ! c'est-à-dire une somme qui équivaut au tiers du principal de l'impôt foncier. Mais l'honorable comte de Muelenaere nous assure à cet égard que nous étions, nous aussi, tombés dans une grave erreur.
Nous avons cru, d'après les relevés statistiques, que la propriété foncière était grevée d'une somme aussi considérable portant un intérêt de 4, 4 1/2, 5 et même 6 p. c. Quelle profonde erreur ! Les contrats stipulent en général une pénalité, et c'est l'intérêt le plus élevé qui est indiqué dans ces tableaux statistiques. C'est là ce que pense l'honorable M. de Muelenaere.
L'honorable membre se trompe ; l'attention des conservateurs des hypothèques a été appelée sur les clauses qui se trouvent dans les actes, et qui ont la portée qui vient d'être signalée ; on avait fait avec soin le dépouillement des mentions hypothécaires, pour reconnaître le véritable taux de l'intérêt ; et c'est le taux exact qui a été constaté. Il faut remarquer d'ailleurs que la pénalité est bien souvent encourue.
Ainsi, il est hors de doute que les conditions actuelles des emprunts hypothécaires sont très onéreuses.
On craint qu'en les améliorant on n'expose les emprunteurs à la ruine. C'est fort étrange, en vérité.
Comment le débiteur sera-t-il plus exposé à se ruiner avec le système du projet de loi qu'avec les conditions actuelles des emprunts ? C'est ce que l'honorable M. Malou a oublié de démontrer ; il est vrai que cela pouvait paraître assez difficile. La question est de savoir si, sous le régime actuel, avec le taux élevé de l'intérêt et des frais considérables, sous le coup de l'obligation de rembourser à l'échéance, ou de faire un nouvel emprunt, ce qui a lieu presque constamment, c'est-à-dire de supporter de nouveaux frais, de nouvelles dépenses, indépendamment de toutes les clauses secrètes qui se rencontrent dans les contrats de prêt, surtout pour les petits prêts, la question est de savoir si c'est là une situation favorable à la propriélé foncière ? Voilà la question !
En mettant le projet en parallèle avec ce qui existe, peut-on contester qu'il n'en doive résulter pour elle une grande amélioration ?
Et puis, je réponds à l'honorable M. de Theux, qui s'effraye de voir le propriétaire grevé d'obligations pendant 42 ans : N'est-il pas grevé aujourd'hui à perpétuité ! En payant pendant 42 ans, d'après le système du projet, il acquittera le capital et les intérêts ; il sera entièrement libéré ; aujourd'hui il passe sa dette à ses successeurs.
Non, reprend l'honorable M. Malou ; on éteint aujourd'hui la dette en 19 ans. Le bel avantage que vous allez offrir : on éteindra la dette en 42 ans. Erreur ! erreur capitale ! Et d'abord vous tirez une fausse induction du mouvement d'extinction de la dette signalé dans l'exposé des motifs, il y a un mouvement d'accroissement et d'extinction de la dette qui a été constaté. En supposant qu'il se maintienne, on marque l'époque, par pure hypothèse, où la propriété foncière n'usera plus utilement de son crédit, où elle empruntera d'un côté et payera de l'autre, où elle sera obligée d'emprunter une somme égale à celle qu'elle aura à payer.
Dans le système du projet, le débiteur peut se libérer entièrement en principal et intérêts et frais, avec une somme égale et même moindre que celle qu'il paye aujourd'hui annuellement en continuant à rester débiteur du capital.
Ensuite rien ne s'oppose, et l'on ne conçoit pas que ceci ait échappé aux honorables MM. de Theux et Malou, rien ne s'oppose à ce que le débiteur anticipe.
Nous n'avons pas un seul cadre pour tous, comme le prétend l'honorable M. Malou. Le débiteur n'est pas contraint à acquitter sa dette en 42 ans. Du jour où il a un capital disponible, il lui est facultatif d'éteindre par anticipation une partie des annuités : il peut se libérer, quand il le veut, comme il le veut, dans des conditious bien meilleures qu'il ne le peut aujourd'hui.
Mais, ajoute l'honorable M. Malou, vous ne pouvez à la fois faciliter la libération des débiteurs et faciliter les emprunts. Pourquoi pas ? Pourquoi ne ferions-nous pas, tout ou partie des emprunts qui se font aujourd'hui à concurrence de 54 millions, en facilitant la libération de ceux qui sont maintenant grevés ? Le double résultat ne serait-il pas obtenu ? Si l'institution est appliquée, ne pourra-t-elle pas, en offrant des conditions meilleures, faciliter les emprunts qui se font aujourd'hui ?
Si l'institution est admise, ne pourrait-on convertir une partie de la dette hypothécaire actuelle, avec un taux d'intérêt moindre, de meilleures conditions et des facilités plus grandes de remboursement au moyen de l'amortissement ? On pourrait donc à la fois, quoi qu'en dise l'honorable M. Malou, atteindre le double but indiqué dans l'article premier du projet de loi.
Mais, dit l'honorable M. Malou, vous allez mobiliser la propriété foncière. J'ai déjà répondu qu'il n'y avait pas de mobilisation de la propriété foncière qu'auparavant. Le régime de la propriélé sera absolument le même qu'auparavant.
Pour qu'il y eût mobilisation, il faudrait, comme l'a fort bien expliqué l'honorable M. de Brouwer, que celui qui possède une propriété foncière eût le droit d'obtenir pour ce gage hypothécaire, ainsi que l'ont proposé certains écrivains, des billets hypothécaires à cours forcé. On aurait alors, suivant l'expression de l'honorable M. de Brouwer, monnayé la propriété.
Mais si vous offrez uniquement un moyen de rendre les titres (les mêmes exactement) plus mobiles, plus facilement transmissibles, vous n'aurez rien fait quant à la propriété ; vous aurez amélioré les titres hypothécaires. Vous aurez fait, pour les titres hypothécaires, ce que vous trouvez merveilleux pour la dette publique, ce que vous trouvez excellent pour le crédit industriel et commercial. Vous aurez donné à celui qui veut prêter la faculté d'être porteur de son titre, qu'il pourra réaliser facilement, tandis qu'aujourd'hui il ne le peut qu'à grande peine et à grands frais,
L'honorable M. De Pouhon a annoncé un discours sur le projet de loi. Je crois que c'est par erreur. C'est plutôt un discours pour et contre : pour, car l'honorable membre a admis le principe ; mais craignant qu'il ne cache quelque poison, il ne veut en administrer qu'un décillionième. Si la caisse n'est autorisée à émettre des lettres de gage qu'à concurrence de 500,000 fr. et si l'on ne prête pas plus de 10,000 fr. à chaque particulier, l'honorable membre votera pour le projet de loi. Une cinquantaine de prêts à faire ! C'était bien la peine de saisir la législature d'une réforme du crédit foncier !
Ce point concédé, tous les autres motifs qu'il fait valoir condamnent absolument et radicalement l'institution.
Il n'y a pas place en Belgique pour des institutions de ce genre ! Mais d'abord je remarque qu'il y a bien une place en Belgique pour 4 ou 5 caisses hypothécaires constituées par des particuliers dans un but de spéculation. Vous avez la caisse hypothécaire, la caisse des propriétaires, la banque foncière, la banque liégeoise qui font des prêts sur hypothèque. Il y a bien eu place pour ces institutions. Quel est donc leur mérite ? Quels sont leurs avantages ? Quelques-unes sont fondées sur le même principe que celui du projet. Elles émettent des obligations ; elles appellent obligations ce que j'appelle lettres de gage.
Elles disent aux particuliers : Vous qui voulez faire des prêts sur hypothèque, vous pouvez vous affranchir de tous les embarras, de toutes les chances que l'ont court par ces sortes de placement, acceptez mes obligations. Je dis avec non moins de raison : Prenez mes lettres de gage.
La différence, messieurs, la voici : c'est que ces institutions, parce qu'elles sont créées dans un but de spéculation, et je ne les blâme pas de ce chef, ces institutions font payer très cher. Il faut payer des intérêts et des dividendes aux actionnaires, l'emprunteur doit les procurer. Est-ce parce que les services que rendent ces sociétés sont très onéreux, bien que ce soit encore un service, qu'on les trouve excellents ? Pourquoi donc condamner l'établissement projeté, exactement fondé sur le même principe, mais offrant tous les avantages que présentent ces institutions, sans présenter un seul de leurs inconvénients ?
La réforme de la loi sur les expropriations suffira, nous dit l'honorable M. De Pouhon ; il n'en faut pas davantage, et l'honorable M. de Muelenaere serait également satisfait si l'on faisait cette petite réforme. L'honorable M. Malou n'exigerait pas davantage ; tout au plus la voulait-il.
M. Malou. - Si ! si !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez. L'honorable M. Malou a cité un mot de Napoléon qui s'était montré très peu favorable à l'amélioration de cette forme de procédure lente, lourde, pénible qui entrave le créancier, qui l'empêche d'arriver à recouvrer sa créance. On pouvait le croire assez peu sympathique à une réforme.
Messieurs, la réforme de la loi sur l'expropriation qui n'est pas retardée, je ne sais si j'ai besoin de le dire, comme le suppose l'honorable M. De Pouhon, parce qu'il y aurait des hommes d'affaires intéressés à ce que le gouvernement ne présentât pas de projet de loi ; la réforme des lois sur l'expropriation sera, sans doute, très ulile. Mais chacun peut faire cette réforme aujourd'hui. Voilà ce qu'on ne veut pas admettre. Les institutions qui existent peuvent faire, dans tous leurs contrats, les stipulations que j'indique dans le projet de loi. Et c'est pourtant là ce que vous appelez un des privilèges de l'institution.
L'honorable M. de Muelenaere me fait un signe de dénégation ; ne suffit-il pas de stipuler dans un acte de prêt que le prêteur aura le droit, à (page 1081) défaut de payement, de faire vendre l'immeuble dans des formes déterminées ?
Il est certain que cela est licite en Belgique. Cela a été défendu en France ; maïs ici c'est parfaitement licite et cela se fait aujourd'hui constamment.
Le privilège est partout dans le projet suivant nos honorables contradicteurs.
Ce n'était d'abord que le privilège d'expropriation, je viens de le rencontrer.
Mais l'honorable M. de Muelenaere en a découvert bien d'autres. Nous dérogeons au droit civil ! Le conservateur des hypothèques doit, d'après le projet, prendre inscription d'office sous sa responsabilité au profit de la caisse !
Messieurs, la question est de savoir s'il y a quelque inconvénient à imposer au conservateur des hypothèques de prendre, sous sa responsabilité, l'inscription au profit de la caisse ; s'il peut en résulter le moindre préjudice soit pour la caisse, soit pour l'Etat, mais surtout pour des tiers.
Est-ce qu'il n'existe, d'après nos lois civiles, aucun cas dans lequel le conservateur des hypothèques est obligé de prendre inscription d'office au profit de tiers ? Est-ce que cela n'arrive pas constamment, est-ce que le privilège du vendeur ne doit pas être inscrit d'office par le conservateur des hypothèques ? Pourquoi donc, par analogie, ne pourrait-on pas prescrire au conservateur des hypothèques de prendre inscription au profit de la caisse ? Qu'est-ce que cela signifie, en définitive ? On veut éviter un circuit à la caisse.
L'administration pourrait écrire au conservateur des hypothèques en lui envoyant l'inscription dans la forme déterminée par la loi, et le requérir, de faire cette inscription.
Eh bien, c'est pour dispenser la caisse d'entretenir une correspondance inutile avec les conservateurs des hypothèques que la loi elle-même requiert, que la loi elle-même déclare que le conservateur des hypothèques agira en ce sens.
Supposez donc que l'on fasse disparaître cette clause du projet de loi ; le principe subsistera. L'honorable M. de Muelenaere sera satisfait. Mais l'institution sera t-elle changée ? En aucune manière.
Le tribunal, dans le cas de l'article 14 de la loi, est autorisé à statuer en dernier ressort. Voyez le privilège immense ! Mais les parties n'ont-elles pas la faculté de stipuler que des arbitres qu'elles nommeront pour statuer sur leurs contestations, statueront en dernier ressort, quelle que soit l'importance du litige ? Pourquoi donc ne pourrait-on pas, par assimilation de ce qui se fait en pareil cas, autoriser le tribunal à statuer en dernier ressort ?
Mais, je fais encore une concession à l'honorable M. de Muelenaere ; nous effacerons cette disposition du projet. En quoi le principe de la loi sera-l-il changé ?
M. Dolez. - Cela existe déjà en matière d'enregistrement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dolez fait observer, avec raison, qu'il y a dans nos lois, pour d'autres matières, des cas où, quelle que soit l'importance du litige, le tribunal statue en dernier ressort : par exemple, en matière d'enregistrement.
On peut donc parfaitement, dans la loi que nous faisons, appréciant l'utilité, les avantages ou les inconvénients qu'une telle mesure peut présenter, on peut décider, comme nous le proposons, en faveur de la caisse du crédit foncier. Mais après tout, il n'y a là rien que de très accessoire et l'on peut se montrer assez indiffèrent sur l'une ou l'autre solution.
La caisse sera dispensée du renouvellement des inscriptions ! Troisième privilège.
La caisse étant fondée sur un principe particulier qui est celui de l'amortissement, engendrant un contract qui engage l'emprunteur pendant un espace de temps fort long, la loi stipule qu'il y aura dispense de renouveler l'inscription ; on peut soutenir que c'est une conséquence nécessaire de l'opération. Serait-il logique de créer une institution qui doit stipuler le payement d'annuités pendant 42 années et de l'obliger à renouveler l'inscription au terme ordinaire fixé par la loi ? La durée de l'inscription ne presente ici aucun inconvénient ; il n'en résulte aucune atteinte à la liberté de personne ni aucune faveur réelle.
Mais effaçons encore cette disposition ; l'institution sera t-elle changée ? Le principe même sera-t-il énervé ? Il y aura des frais pour l'emprunteur, des formalités à remplir par la caisse, il y aura des risques à courir : sont-ce la les avantages que l'honorable M. de Muelenaere veut conférer aux emprunteurs ?
La caisse aura un privilège sur les fruits des immeubles donnés en gage, après le trésor public. D'abord je fais remarquer que la section centrale n'a pas cru compromettre le moins du monde l'institution en faisant disparaître ce privilege ; elle ne propose pas à la chambre de le consacrer.
Il n'y a, au fond, aucun inconvénient à donner ce privilège à la caisse. C'est une sécurité plus grande, c'est un moyen sommaire de rentrer dans ses fonds, c'est un moyen d'éviter que la caisse soit exposée à des pertes ; mais cela n'a rien d'essentiel, cela ne fait pas une partie nécessaire de l'institution. On peut, et la section centrale l'a proposé, on peut le faire disparaître sans toucher en aucune manière à l'institution.
Enfin l'action hypothécaire de la caisse ne sera suspendue en aucun cas, nonobstant les lois existantes. L'honorable M. de Muelenaere n'a peut-être pas pensé à l'objet que l'on a eu en vue par cette disposition.
Au moment où le projet de loi a été fait, il existait une loi qui n’a pas encore cessé ses effets, et qui permettait d'accorder des sursis aux débiteurs ; il a été jugé que ces sursis paralysaient même les droits des créanciers hypothécaires. Une pareille loi était incompatible avec l'institution ; il était impossible d'admettre que l'action de la caisse pût être paralysée, parce que le débiteur se serait trouvé en état de sursis. De là la disposition. Mais si ma mémoire est fidèle, le Code sur les faillites, qui sera bientôt définitif, a fait disparaître cette loi ; le sursis ne pourra plus être accordé qu'à des conditions entièrement différentes de celles qui existaient antérieurement, et je ne pense pas que l'action hypothécaire pourra être encore entravée dans tous ses effets. Ce prétendu privilège va donc devenir le droit commun.
Il y a enfin, messieurs, une dernière dérogation à la loi ordinaire cm ce qui touche l'ordre, la distribution entre les créanciers. C'est dans un intérêt commun, c'est dans l'intérêt de la caisse et dans l'interêt des autres créanciers que cette disposition est introduite, et encore, comme toutes les autres, elle n'a rien d'essentiel ; on pourrait l'effacer que l'institution ne serait pas changée.
C'était là, messieurs, le corps d'armée de l'honorable M. de Muelenaere. C'est là ce qu'il a énoncé, en apparence de plus fort contre l'institution qu'il s'agit de créer. Vous reconnaîtrez avec moi, je pense, que cela ne peut arrêter personne, puisque l'on peut faire droit à toutes les objections de M. de Muelenaere, en laissant subsister le projet du gouvernement.
L'honorable M. de Muelenaere a répété ce que déjà l'honorable M. Malou avait énoncé que les lettres de gages ne se placeraient point.
Les lettres de gage ne pourront pas atteindre le pair. Nous avons vu ce qui en a été quant aux los-renten ; nous connaissons le cours des obligations des caisses hypothécaires ; le pair n'a été facilement atteint pour les los-renten ; pour les obligations des caisses hypothécaires, c'est tout au plus si ce cours est obtenu. On perd de vue que les los-renten n'avaient qu'un emploi déterminé et que les obligations des sociétés anonymes ne sont pas admises avec faveur par tous les capitalistes. Nous avons, quant aux lettres de gage, l'exemple de ce qui se pratique chez nos voisins ; nous y voyons les lettres de gage presque constamment au dessus du pair ; nous voyons les lettres de gage, au milieu d'une crise épouvantable, comme celle de 1848, se soutenir bien au-dessus du cours des fonds publics ; pourquoi le sort des lettres de gage serait-il différent dans notre pays ?
Les particuliers qui auront obtenu des lettres de gage vont les négocier à tout venant à 30, 40, 50 p. c. au-dessous du cours ! Voilà comme on s'exprime. Eh, messieurs, fiez-vous, je vous prie, au bon sens des particuliers qui prendront des lettres de gage : ils n'iront pas les donner à vil prix, ils sauront parfaitement trouver des prêteurs aux meilleures conditions possibles ; leur intérêt vous en est un sûr garant. Il s'agit, non pas comme dans le cas où l'on veut réaliser les titres d'un emprunt forcé, pour rentrer dans une somme que l'on a été obligé de payer, ce qui place parfois dans la nécessité de passer par les conditions les plus dures, mais il s'agit d'emprunter, comme on le fait aujourd'hui, sauf à donner des lettres de gage au lieu d'un acte notarié. Quelle sera donc la position ? Elle sera ce qu'elle est aujourd'hui : Aujourd'hui, en général, ceux qui veulent emprunter s'adressent au notaire ; le notaire, c'est l'intermédiaire entre celui qui veut emprunter et celui qui veut prêter ; le notaire ayant trouvé le prêteur, fera toutes les opérations qui sont indiquées par la loi ; il offrira le gage hypothécaire, le fera constater, il passera l'acte, et remettra les lettres de gage au prêteur ; celui-ci remettra les fonds qui passeront entre les mains de l'emprunteur.
On suppose que le particulier sera obligé de venir sur le marché, de venir à la bourse négocier ses lettres de gage. Messieurs, il n'en est rien : les notaires négocieront les lettres de gage de la même manière qu'ils passent aujourd'hui les actes d'emprunts sur hypothèque. Celui qui veut prêter sur hypothèque arrive chez le notaire, qui reçoit l'acte, et, l'acte passé, il délivre ses écus. Avec l'institution que nous proposons de fonder, il délivrera ses écus contre les lettres de gage, qui formeront son titre. Au fond, il n'y aura rien de changé.
Mais supposons que les lettres de gage n'atteignent pas le pair à certains moments, l'emprunteur sera-t-il bien malheureux ? Ce sera fâcheux ; il vaut mieux qu'il puisse recevoir le pair, cela est incontestable ; mais quand il négocierait les lettres de gage au-dessous du pair, à 95 à 90, il se trouverait toujours dans des conditions bien meilleures que celles de son emprunt d'aujourd'hui ; il aura négocié à un taux beaucoup plus favorable que celui de l'emprunt qu'il fut actuellement ; cette perte représentant une certaine somme sur le capital, constituera un accroissement de l'intérêt ; au lieu d'emprunter à 4 p. c, il aura emprunté à 4 1/2, 4 3/4 p. c, etc., selon le taux auquel seront négociés ces lettres ; c'est comme s'il avait un tantième d'intérêt plus élevé à payer annuellement ; mais pour un bien grand nombre d'emprunteurs, ne sera-ce pas un sort beaucoup meilleur que celui qui leur est fait maintenant ?
Et pourquoi les capitaux ne se dirigeraient-ils pas vers les lettres de gage ? Ne vont-ils pas aujourd'hui vers les actes notariés ? N'y a-t-il pas des prêts sur hypothèque ? Pourquoi donc ce même argent qu'on applique d'une certaine façon, ne s'appliquerait-il pas comme on le propose dans le projet de loi ? Quels motifs de répulsion aurait le prêteur pour les lettres de gage ? titres bien plus commodes quj les titres hypothécaires (page 1082) qui lui sont remis aujourd’hui ; titres qu’il peut facilement négocier, si le besoin s’en présente ; tandis que le titre hypothécaire ne peut être vendu par lui qu’avec peine, et le plus souvent avec perte.
L'honorable M. de Theux nous disait que l'institution sera dans une position difficile, entraînant une grande responsabilité ; qu'elle aurait 42 millions à recouvrer chaque année, si ce que les honorables M. de Muelenaere et M. De Pouhon appellent les rêves du gouvernement, vient à se réaliser, comme un épouvantail ; l'honorable M. de Theux a pu trouver ingénieux de créer cette recette de 42 millions ; le chiffre au fond ne fait rien à l'affaire ; il y aurait 42 millions à percevoir que cela ne présenterait aucune difficulté ; mais le gouvernement n'a jamais imaginé que la dette qui est constituée à un taux d'intérêt inférieur à 4 p. c, viendrait se convertir ; vous voudrez donc bien en faire la déduction dans vos calculs. Premier point.
Vous aurez une deuxième déduction à faire, c'est la dette qui est constituée sur les immeubles pour une quotité supérieure à celle à laquelle la caisse consent à délivrer des lettres de gage ; et quand, comme le gouvern-ment l'a toujours fait, vous aurez opéré cette réduction, vous ramènerez l'institution à des proportions plus simples, plus vraies et beaucoup plus raisonnables.
L'honorable M. De Pouhon a dit que nous avions la prétention de tranformer la dette ancienne ; s'il avait fait la réflexion que je viens de soumettre à la chambre, il se serait abstenu d'une pareille supposition.
L'honorable M. de Theux, au milieu de ses critiques parfois contradictoires, a bien voulu admettre que le système offrait un avantage aux capitalistes ; qu'il procurait aussi certains avantages pour les emprunts à faire par les industriels et par les commerçants.
L'honorable M. Malou a même fait entendre que le projet pouvait être d'un intérêt presque local, vu que certaines provinces étaient plus grevées que les autres. L'argument est, peut-être, d'un goût un peu équivoque.
Mais quand le système nouveau donnerait des facilités aux industriels et aux commerçants, tout aussi bien qu'aux autres propriétaires fonciers, y aurait-il là quelque malheur, par hasard ? Dans les conditions actuelles, les industriels et les commerçants peuvent, avec plus d'avantages que les agriculteurs, faire usage de leur crédit territorial.
Mais ce n'est point à dire qu il n'y ait pas là des besoins réels, qu'il n'y ait pas là des améliorations à introduire, afin de diminuer les lourdes charges qui pèsent sur les agriculteurs. C'est un motif, au contraire, d'agir sans plus de retard.
D'après l'honorable M. de Theux, les emprunts sur les propriétés bâties sont, relativement aux propriétés non bâties, comme 3 est à 1. L'exposé des motifs fait connaître la situation sous ce rapport. Sur une moyenne de 79,647 prêts par année, s'élevant à 53,789,800, 9,980 prêts, de l'import de 24,124,940 fr., ont eu lieu sur propriétés bâties, et 9,667 prêts de l'import de 29,664,860 sur propriétés non bâties.
En répartissant dans la même proportion la dette de 800 millions, on trouve sur propriétés bâties 358 millions, chiffres ronds, et sur les propriétés non bâties 440 millions. Yous voyez donc qu'il y a là des besoins ; car, en général, dans ce pays surtout, on n'emprunte point pour se livrer à des dissipations, on emprunte par nécessité.
Oui, messieurs, la propriélé foncière non bâtie, la propriété agricole est grevée de 440 millions. (Interruption.)
Vous avez induit, je pense, M. de Theux, de la comparaison des emprunts sur les propriétés bâties avec les emprunts sur les propriétés non bâties, que le crédit profitait actuellement pour la plus grande partie, comme 3 à 1, aux propriétés non bâties ; et vous en avez déduit, comme conséquence ultérieure, que les industriels et les commerçants profiteraient principalement du crédit agricole.
Eh bien, je raisonne dans votre hypothèse et après avoir rétabli les chiffres, je réponds que dans la dette foncière actuelle, 440 millions sont assis sur la propriété non bâtie, non pas qu'on puisse nécessairement induire de là que les 440 millions ont profité exclusivenient à l'agriculture, parce qu'il y a des industriels et des commerçants qui sont possesseurs de propriétés non bâties ; mais je suis autorise à dire, d'après votre propre raisonnement, qu'il y a dans ces 440 millions une somme indéterminée, mais considérable, qui est appelée par les besoins de l'agriculture.
Or, la question est de savoir si vous n'opérerez pas un grand bien en faveur de l'agriculture, en accordant des conditions meilleures à ceux qui veulent emprunter pour les besoins de l'agriculture. La question est de savoir surtout si dans les conditions actuelles du crédit, il est possible d'emprunter pour faire des améliorations agricoles. Je réponds que non, avec tous les agriculteurs, avec tous les hommes qui veulent y réfléchir un seul instant. Les prêts sont faits généralement à court terme ; or, les améliorations agricoles qu'on veut faire, ne peuvent évidemment reproduire le capital que dans un espace de temps considérable. Il faut donc, pour l'agriculteur surtout, il faut que la combinaison de l'amortissement se présente ; le plus grand bienfait à accorder à l'agriculteur, c'est de lui permettre de se libérer par petites fractions, à mesure que, grâce à son travail, il reconstitue son capital.
Voilà le bienfait qu'il faut lui procurer, que seuls vous pouvez lui procurer par l'institution de la caisse du crédit foncier.
Mais, au dire de l'honorable M. de Theux, bien loin d'attirer les capitaux vers la terre, on les en éloigne ; vous offrez des conditions avantageuses aux capitalistes ; il en résultera qu'il vaudra mieux posséder des lettres de gage que des terres. C'est toujours l'honorable M. de Theux qui parle, car les lettres de gage produisent un intérêt de 4 p. c, tandis que la rente est bien moins élevée.
Mais, messieurs, est-ce que la créance hypothécaire ne produit pas aujourd'hui un intérêt plus élevé que la rente de la terre ? Que le titre se nomme acte notarié ou lettre de gage, qu'y aura-t-il de changé ?
Après l'organisation du crédit foncier, comme avant, les hommes continueront à suivre leurs penchants. Ceux-ci emploieront leurs capitaux en acquisitions de fonds de terre ; ceux-là en placements dans la dette publique, d'autres en prêts sur hypothèque. Mais il est vraisemblable, l'expérience faite ailleurs en donne la certitude, que des facilités plus grandes, une sécurité plus complète, attireront plus de capitaux vers les lettres de gage. Il y aura plus de concurrence et partant le taux de l'intérêt tendra à s'abaisser, une masse de petits capitaux, qui ne trouvent pas à se placer trouveront un emploi productif.
On nous a dit, messieurs, que l'institution n'était pas réclamée par le pays. L'honorable M. de Muelenaere vient d'essayer, après l'honorable M. de Theux, de réfuter ce que j'ai énoncé relativement aux vœux émis par le Congrès agricole. L'honorable membre se trompe assurément ; le Congrès agricole (je conçois qu'on veuille écarter cette autorité) a émis, le vœu de voir améliorer ce qu'il a qualifié de crédit agricole ; mais il est incontestable qu'en parlant du crédit agricole, il a entendu parler du crédit foncier. (Interruption.) Et, je le prouve, parce que s'il avait voulu parler du crédit agricole, par opposition au crédit foncier, il aurait indiqué ce qu'il entendait par là ; il aurait signalé les améliorations qu'il croyait possibles. Or, quel a été le sujet traité au Congrès ? C'est celui du crédit foncier.
On a fait l'historique des institutions de ce genre qui existent en Allemagne. Lisez les mémoires de M. de Luesemans sur les institutions de crédit foncier, vous verrez qu'il réclamait ce que nous proposons d'introduire en Belgique. Si ce n'était pas cela, qu'aurait-ce été que le crédit agricole ? Que l'honorable M. de Muelenaere veuille bien nous l'expliquer : il y a peut-être quelque chose à examiner, quelque chose à étudier au point de vue du crédit agricole ; mais ce qui est à faire, je ne le sais pas. La réforme hypothécaire, la réforme des lois sur l'expropriation, ce n'est pas au crédit agricole, c'est au crédit foncier qu'elles s'appliquent. Le crédit agricole, je ne l'ai vu nulle part ; ce qu'on doit entendre par là, c'est-à-dire pour l'agriculteur, des moyens d'emprunt analogues à ceux qui existent pour les commerçants, n'existent, que je sache, dans aucune partie du monde.
Dans les pays où les populations sont plus familiarisées avec les institutions de crédit ordinaire, en Ecosse notamment, les banques profitent aux agriculteurs dans une certaine mesure ; mais elles servent principalement aux commerçants, aux industriels. Quelles sont les causes qui éloignent autant l'agriculteur du crédit ? Qu'est-ce qui fait que l'agriculteur non-propriétaire foncier ne peut trouver le crédit qu'obtiennent les industriels et les commerçants ? Ne serait-ce pas qu'on l'a trop séparé de l'industriel, du commerçant ? N'est-ce pas à cause des privilèges dont on a voulu l'entourer ? Si le cultivateur, qui exerce la première de toutes les industries, avait la qualité de commerçant, s'il était soumis aux mêmes conditions pour ses obligations, s'il devait acquitter ses engagements de la même manière, s'il pouvait être poursuivi avec la même promptitude et par les mêmes moyens, ne se trouverait-il pas peut-être dans une meilleure position sous le rapport du crédit ? Ses obligations, couvertes de deux ou trois signatures comme les billets de commerce, pourraient être reçues soit par les institutions de crédit ordinaire, soit par d'autres analogues qui seraient mises à sa portée. Ce sont là les réflexions, les doutes émis par les hommes qui se sont occupés du crédit agricole.
Après le congrès agricole et les comices agricoles qui ont étudié la matière, ainsi que j'ai eu l'occasion de le prouver, je me souviens qu'un jour un honorable membre de la droite, que je regrette de ne pas voir à son banc, surtout à cause du motif qui l'en tient éloigné, je me souviens que cet honorable membre, chantant les louanges de la politique ancienne et critiquant, comme il convient, la politique nouvelle, faisait le tableau des améliorations qui devaient être introduites dans le pays, et, sans crainte d'effaroucher personne, il s'exprimait ainsi :
« Il faut tâcher de trouver maintenant le capital du défrichement, et pour moi jene vois ce capital que dans lecrédit agricole, le crédit foncier.
« Ne vous effrayez pas trop, messieurs, de ce mot de crédit foncier qui, aux yeux d'un grand nombre, appartient à la langue socialiste. »
M. Dumortier n'a pas réclamé à cette époque.
M. Dumortier. - Je ne sais pourquoi vous m'interpellez ; vous avez peur que je vous parle de socialisme. Je vous prouverai que votre projet n'est pas autre chose.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vous donne un adversaire de plus à combattre, je vous livre l'honorale M. Dechamps.
M. Dechamps. - Quand je combats pour la vérité, je ne compte pas mes adversaires.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je continue ma citation : « Mais vous yerrez, par les explications que je vais donner, que ma proposition n'entraîne aucun des inconvénients qu'on regarde comme attachés à l'établissement du crédit foncier.
« Récemment cette question, longuement discutée à l'assemblée nationale de France, a été repoussée, et je crois que c'est avec raison ; mais (page 1083) ce qu'on a repoussée, en réalité, c'est l'application du crédit foncier pour une somme de plusieurs milliards et avec le cours forcé. Relisez la discussion, et vous vous convaincrez que M. Thiers, par exemple, qui a été pour beaucoup dans le rejet de la proposition, admettait l'institution du crédit foncier, tel qu'il existe en Allemagne.
« Messieurs, cette institution existe en Allemagne depui sun siècle, et savez-vous quel résultat elle y a produit ? »
L'honorable membre développait ensuite les avantages de cette institution : il concluait à autoriser un tout peu de crédit foncier, à concurrence de 8 ou 10 millions.
L'honorable M. T'Kint de Naeyer, qui avait étudié les institutions de crédit foncier, disait à la séance du 12 février 1849 :
« On a parlé, dans la séance d'hier, des lettres de gage. Si nous parvenons à introduire dans notre pays un système d'obligations foncières analogue à celui qui fonctionne si heureusement en Allemagne et en Pologne, les capitalistes rechercheront ce mode de placement, avec beaucoup plus d'empressement encore, lorsqu'ils auront un moyen facile de négocier ces titres, de leur donner, jusqu'à un certain point, la mobilité qui caractérise les valeurs industrielles et commerciales. »
L'honorable M. T'Kint se gardait et je me garde bien aussi d'adopter les théories de l'honorable M. Dechamps ; nous ne sommes pas aussi socialiste que cela. Il résultait manifestement de son discours de cette époque que, ce qu'il entendait par crédit foncier, c'était la création d'un papier-monnaie ; il entendait que le gouvernement délivrât à tous les particuliers, aux associations qui se formeraient, à concurrence de 8 ou 10 millions, des lettres à cours forcé. Mais en proposant ce mauvais expédient que je repousse, l'honorable M. Dechamps faisait un grief au gouvernement de ne pas avoir proposé des établissements de crédit foncier.
Je conseille donc à mes honorables adversaires de réfuter l'honorable M. Dechamps, qui peut-être, en s'exprimant ainsi, rendait les idées du cabinet auquel il avait appartenu.
M. Malou. - Oh ! non !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On aurait pu le penser.
M. Malou. - Vous vous êtes trompé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. de Theux avait commencé son discours par où l'honorable M. Malou a fini le sien ; c'était le grand argument qui étail réservé par l'un pour la péroraison, et par l'autre pour l'exposition : l'intervention de l'Etat.
L'Etat va créer, dit l'honorable M. de Theux, la plus puissante machine électorale qu'on ait jamais imaginée ; car (le car est de moi ; et l'argument est de l'honorable M. de Theux), car l'Etat va être obligé de se faire beaucoup d'ennemis, d'user de rigueur à l'égard de débiteurs, d'exproprier une foule de personnes : la machine électorale, ainsi appliquée ne présentera pas assurément le moindre danger pour l'opposition.
L'Etat va créer une institution qui organisera le droit au crédit ; le mot est très joli ; il appartient à l'honorable M. de Theux ; il est venu après le droit à l'eau qui appartient à l'honorable M. Coomans.
Le droit au crédit ! où donc l'honorable M. de Theux a-t-il vu cela ? Est-ce qu'en créant des conservateurs des hypothèques, il a créé un droit au crédit ? Il a donné aux particuliers un moyen de constater l'état de la dette hypothécaire. L'Etat (et substitue ce mot pour le moment à celui de la caisse du crédit foncier, afin d'être agréable à mes adversaires) l'Etat sera-t-il obligé d'accorder du crédit à quelqu'un ? Accorder du crédit, c'est fournir des espèces. Pense-t-on que l'Etat comme on l'a fait en Angleterre, fasse des avances à ceux qui auront réclamé des lettres de gage.
Pense-t-on que l'Etat même dote la caisse, lui donne une garantie sur laquelle il sera exposé à supporter une perte quelconque ? En aucune manière ; il n'y a, pour personne, droit au crédit ; mais ceux qui voudront user de leur crédit pourront faire constater l'état des immeubles offerts en hypothèque dans les formes déterminées par la loi. Après l'avoir fait constater dans les formes déterminées par la loi, ils trouveront le prêteur.
L'Etat se chargera d'une lourde responsabilité. J'ai déjà répondu à cet argument. Mais il est au moins singulier dans la bouche de MM. de Theux et Malou, lorsque ces deux honorables membres avaient annoncé formellement, au nom du gouvernement, la présentation d'un projet de loi sur les assurances obligatoires par l'Etat.
M. Malou. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Malou a été cette fois plus prudent que l'honorable M. de Theux dans l'expression de sa pensée. L'honorable M. de Theux a combattu le principe d'une manière absolue ; il s'est fort avancé ; l'honorable M. Malou, plus prudent, a dit : Quant à l'intervention de l'Etat, je pactise ; cela dépend des circonstances ; je ne me prononce pas d'une manière absolue. C'est la porte par où va passer toul à l'heure l'honorable M. Malou, je la lui ouvre, si c'est pour cela qu'il a demandé la parole.
M. Malou. - Non ! non !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De quoi s'agissait-il dans le système des assurances par l'Etat ? D'établir une solidarité forcée entre tous les particuliers, une solidarité forcée entre l'individu soigneux qui n'expose pas sa propriété aux chances d'incendie et celui qui est imprévoyant, celui même qui est malveillant ; il s'agissait de créer une armée d'employés pour constater la valeur de tous les objets assurables dans le pays de toutes les propriétés bâties, de tous les meubles ; il fallait les faire expertiser, il fallait, en cas de sinistre, et ils sont nombreux, se mettre en contact avec les particuliers, avoir à lutter contre leurs exigences, contre leurs réclamations.
En présence de telles difficultés, les honorables MM. de Theux et Malou n'hésitaient pas ; ils étaient convaincus qu'il devait en résulter un grand bien pour le pays ; ils affrontaient tous les dangers. Ce projet n'était pas socialiste ; il ne constituait pas une machine électorale bien dangereuse. Mais quant au projet actuel qui se borne à appliquer, à étendre ce qui existe, à donner de simples facilités, à ceux qui veulent emprunter ou prêter, c'est un projet damnable, c'est un projet que compromet la Belgique.
Je persiste, quant à moi, à penser que dans la bouche de ces honorables membres de pareilles allégations, de pareilles objections seront considérées par le plus grand nombre comme étant uniquement invoquées pour l'opportunité de la cause, et n'ayant aucun fondement sérieux.
Il est impossible que les honorables membres puissent croire sérieusement que le projet de loi actuel est de nature à causer la perturbation dont on a menacé le pays, et à engager, de quelque manière que ce soit, la responsabilité du gouvernement.
Restons, messieurs, dans la vérité.
Ce projet de loi est destiné à introduire une réforme utile, des améliorations évidentes ; il est destiné à faciliter l'emprunt sur hypothèque, et le prêt sur hypothèque ; il est destiné à rendre moins onéreuses les conditions dans lesquelles se font aujourd'hui ces sortes de contrais.
Il est destiné, par conséquent, à appeler vers la terre des capitaux qui s'en tiennent éloignés aujourd'hui ; il est destiné à faire ce que vous devez désirer avec nous, à améliorer d'une manière notable la condition des débiteurs hypothécaires, et des propriétaires obérés qui se livrent aux travaux agricoles.
- La séance est levée à quatre heures et demie.