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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 mars 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Ansiau (page 857) procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Le conseil communal d'Aubange demande la prompte exécution du chemin de fer du Luxembourg et, en attendant, l'établissement d'un camp militaire dans la province ou du moins de détachements de cavalerie dans les villages. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Gheel prie la chambre de prendre une mesure pour qu'on ne puisse augmenter la contribution personnelle dec ette commune du chef d'habitation des insensés qui y sont entretenus. »

M. Coomans. - Messieurs le conseil communal de Gheel demande une exception très juste à un principe du projet de loi sur la contribution personnelle. Comme la section centrale chargée de l'examen de ce projet de loi, est sur le point de présenter son rapport, je désirerais que la pétition lui fut directement renvoyée.

Je crains que la commission des pétitions n'ait pas le temps de s'en occuper en temps utile.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Blyckaerts réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement des intérêts et des arrérages d'une rente à charge de la ville de Nivelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi fixant le prix de transport des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat

Discussion des articles

Article 2

« Art. 2. Les longueurs de parcours auxquelles sera appliquée la tarification, seront comptées d'après un tableau à fixer par arrêté royal, le kilomètre étant considéré comme l'unité de distance. »

M. Landeloos. - Messieurs, voici l'amendement que j'ai l'honneur de présenter à l'article 2, ou la disposition additionnelle que je désire voir inscrire dans la loi : « La déduction de la moitié des longueurs qui est accordée du chef des courbes que décrivent certaines lignes, sera portée à deux tiers. »

Messieurs, divers orateurs vous ont déjà entretenus de l'inégalité qui existe entre les diverses lignes. On vous a fait comprendre que, d'après le tableau tel qu'il a été arrêté par la commission et auquel le gouvernement a déclaré se rallier, on établit pour certaines lignes une moyenne de la différence de longueur qui existe entre la route ancienne et le parcours par le chemin de fer. C'est ainsi que, pour le parcours de Bruxelles à Gand, on accorde la moitié de la différence, c'est-à-dire 10 à 12 kilomètres ; pour la route de Bruxelles à Namur, on accorde également une moyenne des distances, c'est-à-dire une déduction de 25 kilomètres. Pour la route de Bruxelles à Liège, on accorde une déduction de 10 à 12 kilomètres.

De ce système il résulte, messieurs, qu'en ce qui concerne les distances réelles, en ce qui concerne le trajet, on paye, au lieu de 8 c. par kilomètre, première classe, d'après le tarif de l'honorable M. Osy, qui a été adopté hier par la chambre, on payera pour Termonde, 11 c. par kilomètre ; pour la deuxième classe on payera 8 1/5 c. au lieu de 6 c. ; pour la troisième classe, on payera 5 1/3 c. au lieu de 4 c.

Pour Namur on payera 11 1/3 centimes pour la première classe, 8 1/3 centimes pour la deuxième classe et 5 1/2 centimes pour la troisième classe. Pour Louvain, la première classe payera 12 1/6 centimes, la deuxième 9 centimes et la troisième, 6 centimes.

Vous voyez, messieurs, que la différence est à peu près d'un tiers en sus, comparativement au tarif qui a été adopté hier par la chambre. Cependant le gouvernement lorsqu'il a présenté le projet, voulait faire une expérimentation : il voulait rendre uniforme le péage, et voir quel aurait été le résultat de cette opération.

Ainsi, pour certaines lignes, le péage aurait été diminué ; pour d'autres, augmenté ; de cette manière le gouvernement aurait pu, au bout d'une année ou après un plus long laps de temps, se décider d'après l'un ou l'autre système.

La proposition que je viens de faire mettrait le gouvernement à même de réaliser sa pensée, car d'après cette proposition, il y aura également diminution de tarif pour certaines lignes et augmentation pour certaines autres. Le gouvernement pourra donc apprécier les effets des tarifs abaissés et ceux des tarifs élevés.

Si mon amendement est adopté, les lignes dont il s'agit payeront encore plus que les autres. Ainsi Termonde payera pour la première classe 9 2/3 c, pour la deuxième classe, 7 1/3 c. et pour la troisième classe, 4 5/6 c., Namur payera 10 1/4 c. pour la première classe, 7 2/3 c. pour la deuxième classe, et 3 1/2 c. pour la troisième classe. Louvain payera 10 5/6 c. pour la première classe, 8 c. pour la deuxième classe et 5 3/8 c. pour la troisième classe.

Je crois donc que la chambre ferait un acte de justice en adoptant ma proposition, qui a, en même temps, je le répète, l'avantage de mettre le gouvernement et la chambre à même de se prononcer entre un abaissement et une augmentation de tarif.

M. Rousselle. - Messieurs, j'ai demandé la parole non pour combattre ni pour appuyer l'amendement qui vient d'être soumis à la chambre : ma pensée est qu'il faut approuver purement et simplement l'article 2 du projet de loi, et qu'il convient de laisser au gouvernement le soin d'arrêter le tableau des distances légales. Je demande seulement que M. le minisire des travaux publics, en publiant le tableau qui déterminera la somme à payer pour chaque parcours, veuille bien y ajouter l'indication de la longueur réelle de la voie ; de manière que quand la chambre aura ce travail sous les yeux, elle puisse connaître les réductions faites sur cette dernière longueur, et apprécier les motifs qui auront porté le gouvernement à déterminer la dislance légale qui servira de base à la perception du péage.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne veux pas vous parler de l'objet de l'amendement de l'honorable M. Landeloos ; je le crois juste et très fondé ; mais mon intention est de parler d'autres anomalies résultant du tarif des distances.

D'abord, quel doit être le principe ? En matière de parcours, on devrait, comme en matière de lettres, adopter le principe, qu'on paye de clocher à clocher. Le voyageur qui a un circuit à faire a déjà un désavantage sur celui pour qui la voie ferrée est directe. Je dis que dans l'exécution, cela n'est pas possible ; au moyen des circuits de vos chemins de fer, on arriverait à ceci : qu'on payerait une somme plus forte pour arriver à une distance moins grande ; il a donc fallu chercher une autre base de tarification, et on l'a trouvée dans la combinaison du rapprochement direct et de la ligne parcourue ; la moyenne donne le prix à payer.

Je crois cependant qu'on pourrait descendre au-dessous de la moyenne, et adopter l'amendement sans donner lieu à l'inconvénient qu'on a signalé.

Je veux parler à la chambre d'autres anomalies qui existent dans le tableau des distances présenté par le gouvernement. D'après ce tableau, une réduction de parcours est adoptée sur toutes les sections du chemine de fer. Je ne vois pas comment il se fait que, sur la route de Jurbise, aucune réduction n'est opérée dans le tableau ; et cependant si vous voulez, arriver à l'uniformité des prix, il faut commencer par l'uniformité des distances. Or, de même que pour d'autres localités, Louvain, Termonde, etc., le détour par Jurbise est de 20 kilom., nous avons 20 kilom. de détour pour venir à Bruxelles ; et l'on nous fait payer ces 20 kilom. comme si nous marchions en ligne droite.

De deux choses l'une : ou vous ne devez décompter le détour à personne ; ou il faut le décompter pour Tournay, comme pour les autres localités ; sinon, l'on aurait deux poids et deux mesures ; ce qui n'est pas possible. Il faut décompter le détour à tout le monde, ou il ne faut le décompter à personne. On ne peut pas logiquement vouloir qu'une seule ligne soit l'objet d'une mesure exceptionnelle, alors que vous avez pris une mesure commune, appliquée à toutes les autres lignes de chemin de fer du pays.

On dira que le chemin de fer de Jurbise à Tournay a été fait par une compagnie. Mais, messieurs, cette compagnie est obligée par la loi de prendre le tarif du gouvernement. Or, le tarif du gouvernement ne se compose pas seulement de la somme à payer, mais aussi de la distance parcourue et de tout ce qui s'y rattache. Ainsi l'objection n'en est pas une.

Je ne fais point de proposition, mais je signale ce fait à M. le ministre des travaux publics qui devra faire la tarification. Je le prie d'étudier la question, et, je le répète, il me paraît éminemment injuste d'avoir deux poids et deux mesures, une ligne exceptionnelle pour laquelle on ne paye point de déduction pour un détour de quatre lieues, et de déduire sur toutes les autres lignes qui ont également quatre lieues de détour. Il faut ou admettre que tout le monde payera la distance parcourue, ou bien que tout le monde aura pour économie la moitié de la distance déduite.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je puis donner à l'honorable M. Dumortier l'assurance formelle, que les observations qu'il vient de présenter seront prises par moi en très sérieuse considération, que je les examinerai avec d'autant plus d'attention qu'elles rentrent complètement dans le système que j'ai défendu dans cette chambre. En effet, une réduction de parcours équivaut pour moi à une réduction de prix. J'ai soutenu que cette réduction de prix devait amener des recettes plus considérables, et j'avais pour moi précisément l'exemple que vient de citer l'honorable M. Dumortier, c'est celui du chemin de Bruxelles à Tournay. Avant que la ligne de Jurbise fût faite, on allait à Tournay par Gand, on faisait faire aux voyageurs un détour considérable et on leur faisait payer neuf francs. Il y avait alors 3,000 voyageurs. Depuis que l'on a raccourci le parcours, que l'on n'a plus fait payer que fr. 7 75 c, on a eu 5,000 voyageurs. On a eu 25 p. c. de plus en recettes.

Je demeure convaincu que si on faisait droit aux observations de (page 858) l'honorable membre qui, je le répète, rentrent complètement dans le système que j'ai défendu, on aurait une recette plus forte avec une circulation plus abondante. Il en est de même des observations de M. Landeloos et peut-être si cet honorable membre y avait réfléchi un peu plus tôt, serions-nous tombés d'accord sur les bases nouvelles de la tarification.

L'honorable M. de la Coste a parlé également d'un raccourcissement de parcours pour Louvain. On accorde à la ligne de l'Ouest une réduction de distance de 12 kilomètres, à la ligne de l’Est 10 kilomètres, à la ligne sur Namur 25 kilomètres et à Charleroy 10 kilomètres. Il est évident qu'il est peu équitable d'excepter de cette réduction de parcours la ligne de Bruxelles vers Tournay.

Mais il y a des raisons qui m'empêchent de me rallier dès à présent à l'amendement de l'honorable M. Landeloos, c'est qu'il importe que le gouvernement examine et pèse les conséquences de la proposition de l'honorable membre. Ainsi il est possible que lorsqu'on en viendra à l'application de ces mesures, on éprouve quelque dilficulté quant à la tarification des stations intermédiaires. Je m'explique.

De Bruxelles à Jurbise il y a déjà, je pense, une distance de 50 kilomètres, soit 10 lieues. De Jurbise à Brugelette il y a encore 2 lieues, de telle sorte qu'il sera assez difficile de combiner l'application du principe avec la tarification à laquelle seront soumises les stations intermédiaires, si l'on prend en considération que la distance de Bruxelles à Ath par la chaussée n'est que de 10 lieues.

Je demande donc que la chambre écarte la proposition des honorables membres, et qu'ils s'en rapportent à l'impartialité et à la sollicitude avec lesquelles le gouvernement examinera de semblables propositions d'un tarif abaissé, expérimentation que ne permettait pas l'amendement de l'honorable M. Osy, tel qu'il a été adopté hier ; car c'était là le tort de cet amendement de ne pas permettre au gouvernement de faire une expérience sur les tarifs réduits. Dans ces circonstances, la chambre devrait se borner à adopter la rédaction de l'article 2, laissant au gouvernement à examiner ce qu'il peut y avoir d'équitable dans les observations des honorables membres.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Destriveaux. - J'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

- Ces rapports seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi fixant le prix de transport des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat

Discussion des articles

Article 2

M. de La Coste, rapporteur. - L'amendement proposé par M. Landeloos est d'accord en principe avec les observations que j'ai eu l'honneur de présenter hier et que par conséquent je ne répéterai pas. Mon intention était de m'en rapporter à la sollicitude de M. le ministre des travaux publics, puisque son opinion étant favorable à la modération de tarif, il devait, comme il vient de le témoigner, abonder dans le sens des observations que j'ai présentées. Si l'honorable M. Landeloos maintient son amendement, je l'appuierai ; dans le cas contraire, je m'en rapporterai aux déclarations de M. le ministre.

Je ne puis pas, néanmoins, accepter l'espèce de reproche d'inconséquence qu'il nous a adressé. Autre chose est le montant du tarif et la base d'application, autre chose est l'égalité proportionnelle et les nécessités financières de l'Etat. Hier, messieurs, j'ai eu soin de faire cette distinction et je ne crois pas avoir à en démontrer la justesse.

M. Rodenbach. - J'engage le gouvernement à examiner sérieusement et avec bienveillance les observations que viennent de présenter plusieurs honorables membres. Parce que les ingénieurs ont commis dans leur tracé des erreurs dont la conséquence a été de faire faire un détour aux voyageurs qui vont de Bruxelles à Gand, à Ostende,à Courtray, à Louvain, détour qui est de 5 et de 10 lieues, ce n'est pas une raison pour leur faire payer un cinquième en sus, indépendamment de la perte de temps qu'on leur impose.

Il me semble qu'en toute justice on doit faire cesser cette anomalie. Si le gouvernement n'adhère pas à l'amendement de l'honorable M. Landeloos, je l'engage à prendre en sérieuse considération les motifs qui l'ont dicté.

M. Cools. - Je ne m'oppose pas à ce que M. le ministre prenne en sérieuse considération les observations de MM. Landeloos et Dumortier, si elles ont quelque chose de fondé ; mais je demanderai à M. le ministre une explication : s'il est bien entendu que cette expérience n'aura lieu qu'après la première année de l'application du tarif que nous avons adopté et que le vote émis hier reste dans son entier.

Hier on a discuté longuement la question de savoir si l'on ferait une expérience tout à la fois avec des tarifs élevés et avec des tarifs réduit ou bien avec des tarifs modifiés uniquement dans l'un des deux sens. La chambre, à une très forte majorité, s'est prononcée pour une expérience avec des tarifs légèrement augmentés. C'est le sens du vote émis sur la proposition de M. Osy.

Maintenant si le gouvernement allait immédiatement changer les bases des calculs en ce qui concerne les courbes, alors qu'il a déclaré, pendant toute la discussion, qu'il maintenait le principe admis jusqu'à présent, sauf à rectifier quelques erreurs d'application, le résultat que nous avons obtenu hier pourrait être complètement annulé ; il pourrait en résulter qu'au lieu d'une augmentation de tarif, nous aurions, en réalité, obtenu une diminution.

Je crois que la chambre doit comprendre combien il importe que le gouvernement ne puisse changer les bases du tarif que plus tard, lorsqu'on aura fait un essai du tarif nouveau, avec le système admis aujourd'hui.

Je demande donc une explication à M. le ministre des travaux publics. S'il a réellement l'intention de changer les bases du tarif, en ce qui concerne les courbes, il conviendrait qu'il formulât une proposition quelconque avant le deuxième vote, pour que la chambre avisât.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai pris aucune espèce d'engagement, en ce qui concerne la proposition de l'honorable M. Landeloos.

J'ai au contraire eu soin de dire à la chambre que cette proposition ne pouvait être acceptée, d'abord parce qu'il faudrait la combiner avec la taxe à laquelle seraient soumises les stations en deçà des relations qu'on voudrait favoriser par un raccourcissement de distance ; ensuite parce que, si l'on accordait une réduction de parcours à la ligne du Midi, il faudrait examiner si l'on ne serait pas exposé à porter atteinte aux résultats de l'expérience que nous voulons faire à l'aide de la proposition de l'honorable M. Osy.

Sur ce deuxième point, je pense néanmoins qu'un raccourcisement de parcours accordé à la ligne du Midi ne compromettrait pas les résultats de l'expérience du tarif proposé par l'honorable M. Osy, puisque les lignes de l'Est, de l'Ouest et du Nord resteraient dans les mêmes conditions.

Quant à la ligne de Tournay, les bases de la tarification appliquées aux distances admises ne changeraient pas.

Il est du reste à remarquer que, par suite de la construction de la ligne de Bruxelles à Tournay par Jurbise, on a obtenu une augmentation de produits de 25 p. c. due d'une part à un raccourcissement de parcours ou à une augmentation de vitesse d'environ 30 à 40 p. c. et d'autre part à une réduction de prix de 13 p. c. en moyenne. L'augmentation de recette est due à ces deux causes. Il est évident que, si l'on admet l'idée de l'honorable membre, puisque la vitesse restera la même, nous pourrons apprécier ce qui sera dû uniquement à une diminution de prix.

M. Bruneau. - Je vous avoue que je ne comprends pas l'amendement de l'honorable M. Landeloos, venant d'un partisan de l'exhaussement des tarifs. Je le comprendrais d'un partisan de l'abaissement des tarifs, et c'est probablement à cause de cela que M. le ministre des travaux publics ne le combat pas dès à présent d'une manière bien vigoureuse.

Mais, en fait, je suis convaincu que si cet amendement était adopté, il ferait disparaître le résultat qui a été poursuivi hier et qui n'aura, en tout cas, pour conclusion qu'une augmentation de 369,000 fr., en admettant que la circulation reste la même qu'aujourd'hui.

Voici, en effet, la portée de l'amendement de l'honorable M. Landeloos : c'est de réduire environ une lieue pour chaque voyageur venant des lignes de l'Est et de l'Ouest, depuis et a- delà de Termonde et au-delà de Louvain. Ce serait donc une réduction de 20, 30 et 40 centimes par voyageur. Or, ouvrez la statistique et vous verrez que la ville de Bruxelles entre pour les deux tiers dans la recette totale ; vous verrez dans quelle proportion les lignes de l'Est et de l'Ouest y entrent également. Par cela seul vous pourrez apprécier la diminution qu'amènerait l'amendement de l'honorable M. Landeloos.

Mais une autre considération, c'est que c'est précisément sur ces deux lignes que la hausse des prix doit se faire sentir. Or, par l'amendement vous annulerez complètement l'exhaussement de tarif que vous avez voté, c'est-à-dire que vous détruirez aujourd'hui ce que vous avez voulu faire hier.

M. Landeloos. - Messieurs, ce qui m'a décidé à présenter l'amendement qui fait l'objet de la discussion actuelle, c'est que l'honorable ministre des travaux publics, pendant tout le cours de la discussion, avait fait entendre qu'il ne changerait rien aux distances légales telles qu'elles étaient établies par le tableau.

En présence de cet engagement formel, il était de mon devoir de présenter un amendement qui avait pour objet d'apporter un changement à l'anomalie qui existe dans ce tableau.

En effet, messieurs, d'après le tableau arrêté par la commission et également adopté par le gouvernement, on nous fait payer pour une perte de temps un tiers en plus.

Il est évident qu'en bonne justice, qu'en bonne équité, il fallait même tenir compte de cette perte de temps, et qu'au lieu de nous faire payer en plus, on devait nous faire payer en moins. Cependant, je concevais qu'il était impossible d'apporter tout à coup, dans le système adopté jusqu'à ce jour, une perturbation générale. C'est pour cette raison que j »ai présenté un amendement qui tendait à accorder deux tiers de déduction, au lieu d'une déduction de moitié.

J'adoptais tout à fait le principe qui a servi de base à la commission lorsqu'elle a arrêté son tableau, j'adoptais également le principe qui avait servi de base au gouvernement.

Messieurs, l'honorable M. Bruneau me fait un reproche de ce que cet amendement soit présenté par un partisan des tarifs élevés. Je pourrais comprendre, dit-il, que cette proposition émanât d'un partisan des bas tarifs.

Messieurs, je ne pense pas qu'en présentant mon amendement, j’ai fait une inconséquence. J'ai fort bien cru adopter en principe que les tarifs pourraient être légèrement augmentés, à l'effet de donner une recette (page 859) plus forte au trésor. Mais jamais je n'ai cru qu'en adoptant ce principe on devait également sacrifier les règles de la justice et de l’équité.

Or, à quoi tend mon amendement ? Il tend à mettre certaines localités dans la même position que certaines autres. Dès lors, je le demande, quelle inconséquence peut-il y avoir dans la présentation de cet amendement ?

Si cet amendement doit avoir pour résultat une diminution dans les recettes, mais c'est parce que, en réalité, il y a eu des injustices faites par la commission à l'égard de certaines localités ; injustices que je veux redresser en partie.

Je crois donc que je suis resté conséquent et qu'il n'y a aucune critique à faire à l'égard du principe de mon amendement.

Cependant, puisque le gouvernement a déclaré et que la chambre a également entendu que ce n'était qu'à titre d'expérimentation que le projet actuel était voté, si le gouvernement s'engage à avoir égard à la proposition que je viens de faire et même à examiner s'il n'y a pas lieu à accorder plus, alors, messieurs, je n'insisterai pas pour que mon amendement soit mis aux voix, et je déclare dès lors le retirer.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'honorable M.Lan-deloos me demande de prendre l'engagement formel de faire droit à sa réclamation.

M. Landeloos. - Non, de la prendre en sérieuse considération.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai commencé par dire que j'aurais examiné avec bienveillance cet amendement, avec d'autant plus de bienveillance qu'il rentrait complètement dans mes vues ; que j'étais convaincu qu'avec une réduction de parcours équivalant à une réduction de prix, j'allais obtenir une recette plus considérable et une circulation plus abondante. Mais j'ai ajouté en même temps que je ne pouvais prendre aucune espèce d'engagement, parce que j'ignorais quelle aurait été, par l'adoption de cet amendement, la position des stations intermédiaires.

D'autre part, l'amendement de l'honorable M. Osy a été adopté par la chambre. La pensée qui l'a fait adopter est une pensée sérieuse. Il importe donc que le gouvernement examine si dans l'application le but que l'on veut atteindre ne viendrait pas à échapper.

Il faut que le gouvernement fasse l'expérience sincèrement, loyalement. Dans ces circonstances, je ne puis adopter l'amendement de l'honorable M. Landeluos ni prendre d'engagements d'aucune espèce.

J'ajouterai une dernière observation, c'est qu'il y a d'autres localités qui sont dans une situation pire que Louvain, qui sont, si je puis m'exprimer ainsi, moins favorisées que Louvain. Je citerai pour exemple la ville de Hasselt. De Hasselt à Liège, si je ne me trompe, la distance n'est pas plus considérable que de Landen à Liège. Cependant les habitants de Hasselt sont obligés, pour aller à Liège, de passer par Landen. Il en est de même pour aller à Bruxelles.

Dès lors la proposition de l'honorable M. Landeloos pourrait recevoir une extension beaucoup plus considérable. Il y a peut-être d'autres localités qui sont dans la même situation.

M. Vilain XIIII. - M. le ministre des travaux publics vient de dire à peu près tout ce que je voulais dire en ce qui concerne la ligne de Hasselt.

Il y a dans la discussion qui occupe la chambre deux questions tout à fait distinctes : il y a la question présentée par l'honorable M. Landeloos, qui demande qu'on change l'état actuel de la législation quant à la courbe des lignes ; et il y a la réclamation de l'honorable M. Dumortier, qui demande que la ligne de Tournay et la ligne de Hasselt entrent dans le droit commun, qu'une injustice soit rectifiée quant à ces deux lignes.

Nous ne demandons pas que le système du gouvernement soit changé. Nous demandons seulement que la ligne de Tournay et la ligne de Hasselt partagent le sort des lignes de Gand, de Louvain, de Charleroy et de Namur. M. le ministre vient de dire que la ligne de Hasselt serait l'objet de sa bienveillante attention, ainsi que celle de Tournay. Je n'ai donc plus rien à ajouter.

M. Cools. - Si M. le ministre veut déclarer qu'il entend exécuter la loi dans le sens qui vient d'être expliqué par M. Vilain XIIII, je n'ai aucune objection à faire ; mais si M. le ministre ne veut pas s'expliquer plus catégoriquement, la chambre doit insister. Je crois voir percer dans les paroles de M. le ministre l'intention de revenir indirectement au système que la chambre a rejeté hier. Or, il me semble qu'il serait peu convenable que le gouvernement, par une simple mesure administrative, pût venir renverser notre ouvrage.

La chambre, hier, a manifesté bien clairement la volonté de faire une expérience avec un tarif légèrement augmenté. Eh bien, il faut que ce vote de la chambre reçoive son exécution.

M. le ministre dit que l'avantage de la proposition de MM. Landeloos et Dumortier consiste en ce qu'elle permettra de faire une double expérience, de faire l'expérience d'un tarif élevé et d'un tarif réduit. Cela est vrai ; mais c'est précisément là le système du projet du gouvernement, système qui n'a point prévalu, dont la chambre n'a pas voulu. Une forte majorité a décidé qu'il faut commencer l'expérience avec un tarif légèrement augmenté ; il faut que ce vole soit maintenu.

M. le ministre dit qu'il ne peut pas prendre d'engagement. Je comprends cette déclaration en ce qui concerne l'amendement de M. Landeloos ; mais nous, majorité de la chambre, nous sommes en droit de demander qu'il prenne l'engagement d'exécuter le tarif tel que nous l'avons voté.

M. Delfosse. - M. le ministre des travaux publics a fait une déclaralion très sage : il a dit qu'il examinerait, qu'il examinerait avec attention, avec bienveillance. C'est tout ce qu'on peut lui demander, aussi M. Landeloos a retiré sa proposition, et les membres qui l'avaient appuvée se sont déclarés satisfaits, on est d'accord. Si M. Cools n'est pas satisfait, qu'il fasse une proposition. L'honorable M. Cools se pose comme l'organe de la majorité ; il dit ; La majorité, c'est moi. Mais où est la majorité ? Elle était hier de quelques voix, et voila que M. Dumortier, M. Landeloos, M. de la Coste et d'autres encore se retirent de ce que M. Cools appelle la majorité, c'est-à-dire qu'ils se retirent de M. Cools.

M. Rousselle. - Moi aussi j'ai voté hier avec la majorité pour augmenter le tarif, afin de faire une expérience avec un tarif modérément plus élevé que le tarif actuel ; mais en votant ainsi, je n'ai pas entendu lier le gouvernement au point qu'il ne lui fût pas possible, en arrêtant le tableau des distances, de redresser les injustices et les anomalies qui existent dans le livret actuellement en vigueur. Il me semble, au contraire, que pour avoir une expérience complètement satisfaisante, il faut que le gouvernement veuille bien examiner attentivement tous les détails de la question, et n'arrête le nouveau tableau des distances qu'après s'être assuré qu'il ne reproduit pas les vices de l'ancien livret. C'est ainsi, je le répète, et ainsi seulement que nous arriverons à une expérience complète et satisfaisante sous tous les rapports.

M. Mercier. - Je ne partage pas l'avis de l'honorable M. Delfosse lorsqu'il prétend que les honorables membres qui ont demandé une réduction du tarif pour des localités où le chemin de fer n'aboutit que par un détour se sont retirés de la majorilé qui a émis le vote d'hier. Je conçois très bien que ces honorables membres demandent une réduction de ce chef ; je dois cependant faire observer que les localités qui se trouvent ainsi dotées d'un chemin de fer sont encore beaucoup plus heureuses que les trois quarts des localités du pays qui n'en ont pas, et qui seraient heureuses d'en avoir en subissant le détour et un prix plus élevé.

Je ne trouve pas qu'il y ait urgence de changer le système qui a été suivi jusqu'à présent et que le gouvernement ne paraissait nullement disposé à modifier. Il avait seulement manifesté l'intention de faire disparaître certaines anomalies s'il en existait ; mais quant au système lui-même, je ne m'étais pas aperçu jusqu'ici que le gouvernement eût la moindre velléité de le changer. Je ne puis que l'engager à persister dans cette opinion, s'il ne veut pas sacrifier l'intérêt financier.

M. Delfosse. - M. Mercier n'a pas compris la portée de mon observation.Tout ce que j'ai voulu dire, c'est que M. Cools a tort de se croire aujourd'hui majorité parce qu'il l'était hier. Plusieurs membres qui ont fait hier partie de la petite majorité que M. Cools invoque, se séparent de lui en ce moment. Ils sont satisfaits de la déclaration de M. le ministre des travaux publics. Libre à M. Cools de ne pas être de leur avis, d'être plus exigeant ; mais alors, il n'a pas le droit de prétendre que la majorité d'hier est avec lui sur le point de savoir si la déclaration est satisfaisante. Il n'a pas le droit de se poser comme l'organe de la majorité.

M. Mercier. - Ces honorables membres restent dans la majorité c'est-à-dire que, comme système, ils entendent qu'on fasse l'expérience telle qu'elle a été décidée hier par la chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sauf exception pour leurs localités.

M. Dumortier. - J'entends l'honorable ministre de l'intérieur dire que nous voulons une augmentation sauf exception pour nos localités. Je ne veux ni augmentation, ni diminution de péage pour ma localité ; je ne demande pas de privilège, je veux la justice pour tous, voilà ce que je demande ; rien autre chose.

Dans la loi que nous votons il y a d'abord un principe qui n'est l'oeuvre ni d'une majorité, ni d'une minorité, mais qui a été adopté à l'unanimité, c'est l'uniformité du tarif. Voilà la donnée première du projet de loi. Eh bien, pour rendre le tarif uniforme il faut deux conditions : il faut l'uniformité des prix et l'uniformité du parcours qui sert de base à la perception du prix. Or, il se trouve que, par une erreur commise lors de la tarification du chemin de fer de Jurbise, on ne tient pas compte du détour que fait Ath, détour plus considérable que celui qu'on fait sur d'autres lignes. Ainsi par les routes ordinaires, il y a de Tournay à Bruxelles, 75 kilomètres par le chemin de fer il y a 97 kilomètres, c'est-à-dire 22 kilomètres déplus. C'est un détour plus grand que celui qu'on fait sur la route de Louvain.

M. Landeloos. - Pour aller à Louvain il y a un détour de 4 lieues sur 5, c'est-à-dire que le parcours est double de la distance réelle.

M. Dumortier. - Vous avez 4 lieues de détour, eh bien, nous en avons 4 1/2 ; peu importe que ce détour porte sur 5 lieues ou sur une plus grande distance. On vous accorde une réduction et on ne nous en accorde pas. Nous demandons une seule chose, c'est d'être mis sur le même pied que tout le monde ; pas de privilège, mais aussi pas de surtaxe.

Nous ne demandons que justice ; nous ne voulons pas de faveur. Ce que nous demandons, c'est l'exécution de la loi du 16 mai 1845 ; car que portait la loi de la concession du chemin de fer de Jurbise ?

« Le tarif des péages à percevoir pendant la durée de la concession, sera établi d'après les bases actuellement en vigueur sur les chemins de fer de l'Etat. »

Or, les bases en vigueur, au 16 mai 1845, sur les chemins de fer, se (page 860) composaient de deux choses ; le prix des péages et, dans la question des distances, les détours pour des courbures plus fortes. Eh bien, à cette époque, on a laissé de côté l’une des deux bases nécessaires pour fixer une tarification. Nous demandons la rectification de cette erreur, nous demandons l'exécution de la loi du 16 mai 1845.

M. Cools. - Messieurs, je me proposais de soumettre une proposition à la chambre. Mais je veux laisser entière la responsabilité du gouvernement comme pouvoir exécutif ; la chambre a décidé hier qu'il convenait de faire l'essai d'un tarif légèrement augmenté ; eh bien, je veux que nous sachions plus tard par l'exécution que le gouvernement donnera à la loi, principalement en ce qui concerne le calcul des courbes, s'il tient compte des volontés de la chambre.

M. le président. - L'amendement est retiré.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Articles 3 et 4

M. le président. - L'article 3 a été remplacé par une des questions de principe qui a été votée hier.


« Art. 4. Les classes de voitures affectées au transport des voyageurs seront au nombre de trois, savoir :

« Première classe : diligence.

« Deuxième classe : char à bancs.

« Troisième classe : waggon.

« Toutefois les convois pourront, suivant les dispositions à arrêter par le ministre des travaux publics, ne pas comprendre, dans tous les cas, les trois classes de voitures. »

M. Bruneau a présenté l'amendement suivant :

« Le paragraphe premier est maintenu.

« A ajouter :

« Les convois sont divisés en deux catégories.

« Les convois de vitesse, composés des deux premières classes de voitures.

«. Les convois ordinaires, composés de voitures des trois classes.

«Toutefois, ces derniers convois pourront ne pas comprendre, dans tous les cas, les trois classes de voitures. »

M. Bruneau. - Messieurs, en votant hier contre les amendements des honorables MM. Vermeire et Osy, j'ai été conséquent avec les opinions que j'avais émises dans la section centrale et dans la chambre sur la question de tarification. Je persiste à penser qu'une augmentation de recette doit résulter autant d'une modification au système d'exploitation que d'une légère élévation du tarif. J'ajoute même que je ne suis pas bien certain que le système adopté amène une augmentation réelle dans la recette ; mais je veux continuer à contribuer, d'après mes convictions, à améliorer les recettes du chemin de fer par le système d'exploitation.

Mon amendement n'a d'autre but que de poser en principe dans la loi ce qui se trouve déjà dans le paragraphe premier de l'article 4. D'après ce paragraphe, le gouvernement a le droit de ne pas composer tous les convois de voitures de troisième classe ; mais il le pose d'une manière beaucoup trop générale ; je voudrais dans la loi une prescription qui étendît un peu ce qui se fait aujourd'hui.

Nous avons aujourd'hui sur certaines lignes des convois composés seulement de voitures de première et de deuxième classe. Le premier paragraphe de l'article 4 donne au gouvernement le pouvoir de maintenir ces convois ; mais je voudrais étendre la mesure, et c'est l'objet de mon amendement. D'après le dernier paragraphe de mon amendement, les convois ordinaires pourront n'être composés que de voitures de deuxième et de troisième classe ; je conçois que pour les convois de marché, on pourrait se borner aux voitures de deuxième et de troisième classe ; eh bien, le gouvernement conserve, d'après cet amendement, la faculté de composer de cette manière des convois ordinaires.

- L'amendement est appuyé.

M. le président ; - M. David propose à l'article 4 le paragraphe additionnel qui suit :

« Les voitures destinées au transport des voyageurs de troisième classe seront fermées. »

M. David. - L'acceptation du tarif de M. Osy établit une augmentation sur le prix moyen du tarif actuel de près de 20 p. c. pour les voyageurs de troisième classe.

Elle n'est que de 14 p. c. pour la première classe et de 11 p. c. pour la deuxième.

Tarif actuel : première classe fr. 0 35 par lieue, deuxième classe fr. 0 27 par lieue, troisième classe fr. 0 167 par lieue.

Tarif de M. Osy : première classe fr. 0 40, deuxième classe fr. 0 30, troisième classe 0 20 ?

Différence en plus : première classe 14.28 p. c., deuxième classe 11.11 p. c., troisième classe 19.76 p. c.

Il n'y a pas de justice dans ce traitement différentiel ; et non seulement îl est injuste, mais il est imprudent, puisqu'il doit éloigner du chemin de fer la classe qui rapporte le plus et dont le transport coûte le moins.

Il n'y a point de rapport entre le prix que l'on demande à un voyageur de troisième classe et à celui de première ou de deuxième classe. Et d'abord, chaque convoi ne transporte en moyenne que 6 voyageurs de première classe ; il en transporte 46 de troisième classe.

Pour transporter ces 6 voyageurs de première classe, il est employé une voiture pesant au-delà de 5,000 kilogrammes et qui a coûté 7,500 francs. Le transport de ces 6 voyageurs, par lieue, produira, d'après le tarif adopté, 2 fr. 40 c.

Les 46 voyageurs de troisième classe produiront, par lieue, toujours d’après le même tarif, 9 fr. 20 c. Ils seront transportés dans deux waggons pesant ensemble 5,600 kilogrammes et avant coûté, en moyenne 8,000 fr. les deux.

Ainsi le capital dépensé pour le transport de 46 voyageurs de troisième classe n'est que de 500 fr. de plus que pour le transport de 46 voyageurs de première classe. Les frais de traction pour les voitures transportant les 46 voyageurs de troisième classe n'excèdent que de 10 p. c. ceux que nécessite la voiture transportant les 6 voyageurs de première classe.

Viennent ensuite les dépenses d'entretien et de renouvellement, qui sont infiniment plus grandes pour les voitures de première classe que pour celles de troisième classe.

Si les diverses classes ont à payer dans la proportion de ce qu'elles coûtent, il s'ensuivrait que les six voyageurs, pour payer dans la proportion dans laquelle payent les 46 voyageurs de troisième classe, devraient non pas payer 2 fr. 40 c. mais au moins 8 fr. par lieu, en tenant compte de tous frais.

Cette différence dans le coût du transport des voyageurs de diverses classes a été perdue de vue par la chambre. Eh bien, puisqu'elle fait payer le voyageur de troisième classe plus cher que celui de première classe, il. n'y a qu'une chose à faire pour quelque peu mitiger cette injustice.

Contrairement à ce qui se fait en France et en Angleterre, nous transportons encore nos voyageurs de troisième classe dans des voitures ouvertes. Le malheureux voyageur, qui va être condamné à payer en dehors de toute proportion avec ce que payeront ceux des deux autres classes, est exposéà toutes les intempéries des saisons. Il y a de pauvres femmes, des femmes avec leurs petits enfants, qui, pendant des heures entières, restent exposées à la pluie, au froid et au vent. L'ouvrier qui voyage en waggon est légèrement vêtu et rien ne l'abrite contre le froid et le mauvais temps, tandis que le voyageur en diligence, qui porte des habits chauds, est même chauffé pendant le voyage. Et cependant, je l'ai dit, l'un paye en proportion beaucoup plus que l'autre, et la chambre est venue rendre encore cette différence plus grande.

Si la chambre veut être juste, elle doit donc rendre la position du voyageur de troisième classe meilleure. Puisqu'elle le force à payer plus cher, qu'elle lui rende, je ne dirai pas le voyage plus confortable, mais moins dangereux pour sa santé ; qu'on ferme du moins, ne fût-ce qu'avec des rideaux, les voitures de troisième classe. Dans un pays plus aristocratique le nôtre, en Angleterre, il est défendu de transparter aucun voyageur dans une voiture ouverte. Nous ne pouvons pas faire moins en faveur des classes pauvres que ce qu'a fait le parlement anglais.

- L'amendement est appuyé.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je prie les honorables membres qui ont déposé des amendements, ou qui seraient disposés à en présenter, à vouloir bien considérer le caractère de la loi que nous discutons ; c'est une expérience que nous voulons faire ; la loi n'a qu'un caractère provisoire. Si nous modifions l'état actuel des choses, nous compromettons le résultat de l'expérience que nous voulons faire. Pour que l'amendement de M. Osy puisse sortir tous ses effets, il faut qu'on ne change rien à ce qui existe.

L'honorable M. Bruneau, par son amendement, veut consacrer l'état actuel des choses ; mais, si je l'ai bien compris, il veut qu'on multiplie les convois de vitesse, et il attend de l'extension sur ce point des résultats favorables pour le trésor.

Il est fort possible que les prévisions de l'honorable membre soient fondées. Cependant je dois faire ici quelques réserves. Dans l'état actuel des choses, beaucoup de convois circulent pour ainsi dire à vide ; certains convois de vitesse n'ont que très peu de voyageurs ; celui d'Ostende n'a eu jusqu'à Bruges, en moyenne, pendant le mois de juin de l'année dernière, que 19 voyageurs par jour, tandis que les convois ordinaires partant de la même ville et composés de trois classes de voitures, ont eu considérablement plus de voyageurs. Le convoi de vitesse de Bruxelles à Gand, qu'a cité l'autre jour l'honorable M. Bruneau, comprend un plus grand nombre de voyageurs, parce que ce convoi se trouve dans une position exceptionnelle. Les deux tiers du mouvement y sont fournis par des voyageurs appartenant aux deux premières classes de voitures. On comprend donc sans peine qu'ayant à choisir entre des convois de vitesse et des convois ordinaires, les uns et les autres au même prix, ils préfèrent les premiers aux seconds.

M. Osy. - Messieurs, quoique le gouvernement n'ait pas obtenu hier le tarif qu'il avait proposé, je suis persuadé que le gouvernement exécutera de bonne foi, comme nous l'entendons tous, la loi actuelle, c'est-à-dire que nous en ferons principalement une expérience d'une année pour connaître les résultats, et si effectivement le tarif légèrement augmenté vaut mieux que celui proposé par le gouvernement. Sous ce rapport, je voudrais appuyer la première partie de la proposition de l'honorable M. Bruneau. Il veut, comme M. le ministre des travaux publics, que tout, autant que possible, reste dans les mêmes conditions que l'exploitation actuelle ; de manière que nous puissions avoir la garantie que le gouvernement en maintenant des convois de grande vitesse ne pourra pas y ajouter de waggons ; car cela changerait tous les calculs qu'on pourrait faire.

Quant à la seconde partie de l'amendement de l'honorable M. Bruneau, je crois qu'il faut laisser au gouvernement la liberté entière de voir si effectivement les communications internationales ne pourraient pas être augmentées par la vitesse et le nombre.

M. le ministre dit qu'il y a très peu de voyageurs par les convois de vitesse de Bruxelles à Ostende ; mais pendant le courant de l'année certainement les voyageurs seront beaucoup plus nombreux ; et si les voyageurs pouvaient transiter avec plus de facilité, nous aurions plus de voyageurs, d'autant plus que, comme je l'ai dit dernièrement, nous ne devons pas perdre de vue que nous devons attirer les voyageurs de l'Allemagne et de la France.

Dès lors je crois que la première partie de l'amendement de l'honorable M. Bruneau nous donne des garanties suffisantes sur ce qui existe.

Il ne me reste plus qu'à dire quelques mots sur la proposition de M. David. Si nous adoptions la proposition de cet honorable membre, tous les calculs seraient changés, car si vous améliorez il y aura déclassement. Ensuite, messieurs, ce serait une dépense énorme. Déjà depuis quinze ans nous avons considérablement amélioré les waggons qui anciennement étaient entièrement découverts ; aujourd'hui au moins ils sont couverts. Je crois que sous ce rapport nous devons engager le gouvernement à ne pas faire mieux que ce qui existe aujourd'hui, car cela porterait préjudice au trésor. Je crois donc que l'honorable M. David ferait bien de retirer son amendement pour cette année ; il sera à même de le reproduire l'année prochaine ; on pourrait l'examiner dans toutes ses parties, et après l'expérience d'une année que nous allons faire.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre un mot à l'honorable M. Osy. L'honorable membre craint un déclassement, si la chambre venait à adopter le sous-amendement proposé par M. David.

Messieurs, la cause du déclassement ne serait pas dans l'adoption de cet amendement, mais la cause première du déclassement serait l'honorable M. Osy qui est venu demander une augmentation sur le prix du transport des voyageurs de troisième classe. L'honorable M. David vient de vous démontrer qu'il résulte de l'adoption du tarif de l'honorable M. Osy, que la première classe payera 14 p. c. de plus à l'avenir que sous le tarif actuel, et que la troisième classe subira une augmentation de 20 p. c.

Je dis que c'est là une injustice commise envers les classes inférieures de la société.

Messieurs, si cela doit opérer un déclassement, je m'en réjouirai, car cela prouvera que la proposition de l'honorable M. Osy, qui a été adoptée hier, ne méritait pas les honneurs de la majorité, même sous le point de vue exclusif du produit.

M. F. de Mérode. - Si on veut améliorer la troisième classe d'une manière notable, qu'on la supprime, qu'on décide qu'il n'y a plus que deux classes, car à force d'améliorer, vous finirez par confondre toutes les classes ensemble et vous compromettrez vos recettes ; les avantages que vous espérez d'une augmentation de tarif vous échapperont.

Dans d'autres pays il n'y a que deux classes de voitures. C'est le système le plus raisonnable dans l'intérêt du trésor et de la majorité des contribuables.

M. David. - La dépense qu'entraînerait l'adoption de mon amendement ne serait pas aussi grande que le dit l'honorable M. Osy. J'ai demandé pour la troisième classe de modestes rideaux ; on peut bien les donner aux voyageurs qui prennent ces voitures, en compensation de l'énorme augmentation de 20 p. c. qu'on leur impose. Loin de retirer mon amendement, je persiste à en demander l'adoption.

M. Mercier, rapporteur. - J'ai demandé la parole pour relever une erreur grave dans laquelle est tombé l'honorable M. de Brouwer ; il prétend que l'augmentation qui va résulter pour la troisième classe est de 20 pour cent, tandis qu'elle n'est que d'un 15ème pour cent, la proposition du gouvernement basée sur la moyenne étant de fr. 0,3 3/4 c, et celle de l'honorable M. Osy étant de fr. 0,4 c.

M. Delfosse. - Vous avez augmenté le tarif pour la troisième classe dans une proportion plus forte que pour les deux autres ; dès lors il convient plus que jamais que les voyageurs qui prennent les voitures de troisième classe ne soient pas exposés aux intempéries de l'air. Qu'objecte-t-on ? Que la mesure jetterait quelque trouble dans les expériences qu'on veut faire. Il est bien de faire des expériences, mais ce qui vaut mieux, c'est d'être juste. Puisque vous surtaxez les voyageurs de troisième classe, faites au moins quelque chose pour eux, entrez dans les vues de l'honorable M. David.

M. Dumortier. - S'il ne s'agit que de donner aux troisièmes classes des rideaux de clôture, je partage l'opinion de l'honorable M. David. Mais déjà cela existe sur plusieurs lignes. Je suis d'avis qu'il n'est pas possible de faire circuler des voyageurs en troisième classe sans rideaux.

Nous sommes donc d'accord.

S'il s'agissait de clôturer les troisièmes classes comme les chars à bancs, vous auriez un déclassement considérable.

En France, la troisième classe est clôturée ; mais elle ressemble à des voitures cellulaires. Si nous mettions des clôtures pareilles à nos voitures de troisième classe, beaucoup de personnes qui vont en waggons, sous prétexte de voir du pays, devraient y renoncer. Ceci est une chose d'application. Je pense qu'il suffit qu'il y ait des rideaux aux voitures de troisième classe en hiver.

Si tel est le but de l'amendement de M. David, il est inutile, puisque cela existe déjà, qu'il ne s'agit que de le généraliser. Nous sommes d'accord sur ce point.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) . - Je n'ai pas besoin de dire que la pensée qui a inspiré l'amendement de l'honorable M. David, est dans les vues du gouvernement. L'intention du gouvernement est d'améliorer les voitures de troisième classe, pour autant que cela ne doive pas compromettre les résultats de l'expérience que la chambre a décidée par l'adoption de l'amendement de M. Osy.

S'il est vrai, comme je le pense, que des voitures de cette classe, sur certaines lignes, aient des rideaux, je ne vois pas pourquoi l'administration ne généraliserait pas cette mesure.

M. Loos. - Ce que demande avant tout le voyageur de troisième classe, c'est le bon marché. J'ai déclaré que je n'étais pas parfaitement libre dans mon vote quand on a mis aux voix la proposition de M. Osy. J'aurais voulu la division, j'ai eu tort de ne pas insister, car j'étais dans mon droit en la demandant. J'aurais voulu voter les chiffres les plus bas pouc la troisième classe et les plus élevés pour la seconde et la première.

Il est de fait que si vous améliorez le waggon de manière à n'avoir plus de distinction entre la troisième et la seconde, il s'opérera un déclassement de la seconde classe vers la troisième. Ce que je voulais, moi, c'était un abaissement de prix pour la troisième classe ; c'est ce que je proposerai, au second vote, tout ce que les voyageurs de troisième classe demandent, c'est de pouvoir voyager à bon marché.

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai un mot de réponse à donner à l'honorable M. Mercier. Il est constant qu'il y a une très grande différence entre le tarif actuel et celui que vous avez adopté sur la proposition de M. Osy..

M. Mercier. - Mais non !

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai les chiffres sous les yeux.

La moyenne du tarif actuel par lieue est pour la première classe de 35 c, pour la deuxième de 27 c. et pour la troisième de 16 c. 7 m., et maintenant vous portez le prix à 40, 30 et 20 c. ; la différence est donc bien, pour la première classe de 14.28 p. c, pour la deuxième de 11.11 p. c. et pour la troisième de 19.76 p. c.

M. le président. - M. de Brouwer, il s'agit des rideaux.

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je ne pouvais pas me laisser taxer d'avoir commis une erreur grossière.

Je n'avais pas d'autre observation à faire.

M. Rousselle. - Si l'honorable membre reconnaît son erreur,, je n'ai rien à dire. (Interruption.)

M. de Brouwer de Hogendorp. - Je ne reconnais nullement mon erreur.

M. Delfosse. - J'ai voté hier contre l'amenelement proposé pas l'honorable M. Osy, je ne voulais d'augmentation de tarif pour aucune des trois classes ; mais si j'avais été de l'avis de l'honorable M. Loos, si j'avais voulu une augmentation pour les deux premières classes, sans la vouloir pour la troisième, j'aurais présenté un sous-amendement. L'honorable M. Loos pouvait atteindre son but en présentant un sous-amendement, tout aussi bien qu'en demandant la division ; je vois avec plaisir que l'honorable M. Loos a le projet de présenter, au second vote, un sous-amendement favorable à la troisième classe des voyageurs.

M. David. - L'honorable ministre des travaux publics vient de nous dire que sur certaines lignes les waggons étaient fermés au moyen de rideaux, qu'il avait l'intention de généraliser la mesure. Ayant pleine confiance dans ses promesses, je retire mon amendement.

- L'amendement de M. Bruneau est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 4 est mis aux voix et adopté.

Article 5 (nouveau)

M. le président. - L'article 5 du projet de la section centrale relatif aux prix différentiels en raison de la vitesse est devenu sans objet par suite du voté émis hier.

L'article 5 nouveau, par suite de l'adoption de la proposition de M. Osy et de l'amendement proposé par M. le ministre des travaux publics à l'article premier est ainsi conçu :

« Le prix de ces trois classes seront établis dans la proportion des nombres 4, 3 et 2 respectivement.

« Les prix du transport par waggon est fixé, pour les voyageurs ordinaires, à 4 centimes par kilomètre, prix qui sera appliqué aux distances, conformément à ce qui est stipulé aux articles 2 et 3, sous les réserves mentionnées aux articles 6, 7 et 8. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 6

« Art. 6. L'unité du prix, pour le tarif des voyageurs, est fixée à 5 centimes ; toute fraction de cette unité qui atteindra 2 1/2 centime, comptera pour une unité et toute fraction moindre sera négligée.»

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cet article avais été adopté dans la prévision de la fixation à 3 c. 3/4 par kilom. du prix du transport en waggon. Mais par suite de l'adoption du système de M. Osy, on n'aura plus que des nombres pairs. Au lieu de 32 c, on payera 35 ; au lieu de 36, on payera 40. On pourrait donc supprimer la fin de l'article, s'il est bien entendu que le tarif sera ainsi appliqué..

M. Delfosse. - On pourrait dire 3 c. au lieu de 2 c. 1/2.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Vous n'aurez jamais de nombres impairs.

M. Delfosse. - Pardon, je suppose que vous ayez 1 fr. 38 c ; la fraction qui dépassera l'unité sera de 3 centimes.

M. Rousselle. - Croyez-vous que cet article ne devrait pas être rédigé ainsi :

« Toute fraction en dessous de cinq et en dessous de dix centimes sera forcée au profit du trésor. »

M. Dumortier. - Il me semble qu'il est extrêmement facile de lever toute difficulté ; c'est de dire : toute fraction qui dépassera la moitié de l'unité de prix comptera pour le prix entier. Vous établissez ainsi une règle fixe pour les trois classes de voitures.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - (page 862) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je proposerai de tenir cet article en suspens pour en revoir la rédaction.

M. le président. - On pourrait adopter la proposition de l'honorable M. Delfosse, sauf à la revoir d'ici au second vote.

M. Delfosse propose de dire : « L'unité du prix pour le tarif des voyageurs est fixée à 5 centimes ; toute fraction de cette unité, qui atteindra 3 centimes, comptera pour une unité, et toute fraction moindre sera négligée. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 7

« Art. 7. En ce qui concerne les relations des stations secondaires, soit entre elles, soit avec les stations principales, comme aussi en ce qui regarde certaines relations de stations principales situées à de grandes distances l'une de l'autre, il pourra ne pas être délivré de coupon unique pour le trajet entier. Dans ce cas, les voyageurs suivent, pour le payement du parcours total, les instructions qui leur seront données par les agents de l'administration dans les bureaux de perception. »

La section centrale propose la suppression de cet article.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cet article devient sans objet. Il peut être supprimé sans inconvénient. Il ne fait, du reste, que consacrer ce qui existe aujourd'hui ; c'est-à-dire que lorsque l'on prend un coupon pour une localité peu importante, et qu'on est en destination pour une autre localité peu importante, comme par exemple, le voyageur qui voudrait aller en diligence de Templeuve à Gingelom, on ne peut pas lui délivrer de coupon. L'administration n'est pas en mesure de le faire.

- L'article est supprimé.

Article 8

« Art. 8. La taxe ne pourra s’appliquer au minimum, savoir : quant à la première classe, que pour un parcours réel de deux lieues comptant avec le kilomètre additionnel pour 11 kilomètres et quant à la deuxième et à la troisième classe, que pour un parcours réel d’une lieue comptant pour 6 kilomètres. »

La section centrale propose de supprimer les mots : « deux lieues comptant avec le kilomètre additionnel pour », et les mots : « une lieue comptant pour ».

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cet article avait été rédigé dans la prévision de l'adoption de l'article 3, qui admettait le principe du kilomètre additionnel.

On pourrait substituer à l'article 8 la rédaction suivante :

« Le minimum de la taxe des voyageurs sera : pour la première classe, de 75 centimes ; pour la deuxième, de 50 centimes et pour la troisième, de 20 centimes. »

C'était la rédaction proposée par la commission instituée par le gouvernement. Elle ne fait, encore une fois, que consacrer ce qui se fait aujourd'huî.

Nous faisons ainsi droit à une observation présentée par l'honorable M. Vermeire, en ce qui concerne le minimum de la taxe des voyageurs de troisième classe, qui auraient été obligés de payer, dans le système du gouvernement, un peu plus de 20 centimes.

- L'article, rédigé comme le propose M. le ministre des travaux publics, est adopté.

Article 9

« Art. 9. Seront exempts de toute rétribution : les fonctionnaires ou agents de l'Etat, voyageant pour le service du chemin de fer, et les employés de la douane qui accompagnent les marchandises en transit. »

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, dans le discours que j'ai prononcé dans la discussion générale, j'ai rappelé au gouvernement qu'il semblait avoir perdu de vue l'article 55 de la loi de comptabilité qui lui fait une obligation de présenter un projet de loi pour régler la comptabilité des recettes des chemins de fer de l'Etat. J'ai déclaré sans hésiter que ces recettes s'opéraient dans l'absence de cette loi d'une manière illégale. Cette allégation assez grave n'a pas été relevée. Le gouvernement ne s'est pas donné la peine d'y répondre, il n'a pas pris l'engagement de prendre les mesures qui lui sont prescrites par une loi constitutive. Il est cependant impossible que l'on reste dans le statu quo, à moins qu'on ne se mette au-dessus de la loi. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de déclarer s'il a l'intention de présenter le projet exigé par l'article 55 de la loi sur la comptabilité publique.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs l'honorable M. de Man demande au gouvernement s'il entre dans ses intentions de présenter un projet de loi destiné à régler la comptabilité des recettes du chemin de fer.

L'honorable membre a prononcé il y a quelques jours à cette occasion un discours qui renferme de nombreuses inexactitudes.

Il n'est pas exact de dire, en effet, que la comptabilité du chemin de fer, en ce qui concerne les dépenses comme en ce qui concerne les recettes, sait en dehors de toutes les règles d'une bonne comptabilité. C'est un premier point qui exige une rectification.

D'abord, quant aux dépenses, le principe que l'on suit au chemin de fer est celui que l'on suit partout ; c'est-à-dire que le principe de l'adjudication publique reçoit son entière exécution pour tous les travaux du chemin de fer. Il n'y a que les dépenses qui sont d'une nature toute spéciale, par exemple, les payements sur états de salaire, les travaux qui doivent se faire en régie, qui soient affranchis de l'observation de cette règle générale. La loi de comptabilité, en ce qui concerne les recettes, a entendu consacrer par une loi spéciale ce qui se rapporte à cette matière.

Je ne crois pas, du reste, qu'on puisse adresser la moindre objection à l'administration du chemin de fer. La régularité la plus complète préside à toutes les opérations qui ont pour objet l'encaissement des fonds au profit du trésor.

Mais il est vrai qu'une loi sur la complabilité du chemin de fer doit être soumise à la chambre. L'honorable M. de Man doit se rappeler qu'un projet sur cette matière a été présenté, mais qu'il n'a pas eu de suite, parce que le principe qu'il consacrait n'a pas paru à mes prédécesseurs de nature à être législalivement consacré.

L'honorable M. Malou est, je pense, un des auteurs de ce projet de loi, qui avait pour objet de placer les agents de l'administration sous le contrôle du département des finances. C'est une matière extrêmement délicate. Plusieurs systèmes sont en présence : on peut faire opérer les recettes par les agents du département des finances, on peut placer les agents comptables du département des travaux publics sous le contrôle du département des finances.

Ce sont là des systèmes compliqués, et l'honorable M. de Man ne doit pas être étonné que, depuis quelques mois que je suis aux affaires, je n'aie pas encore pu arrêter une résolution à cet égard.

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, par l'interpellation que je viens d'adresser au gemvernement, j'ai demandé s'il allait se mettre en mesure de présenter le projet qu'exige l'article 55 de la loi de comptabilité pour régulariser la position des receveurs des chemins de fer et des postes.

M. le ministre, au lieu de parler recettes, s’est étendu sur la question de la dépense. C’est là une manière de déplacer la question. Ensuite, il a parlé en termes confus des obligations que lui impose l’article 55 de la loi de comptabilité. A l'entendre, il m'a semblé n'en pas avoir compris le sens. L'on dirait, en vérité, qu'il ne sait pas le premier mot de cette loi importante, et dont les effets sont surtout salutaires et indispensables pour le département des travaux publics. (Interruption). Je vous ai interpellé quant à la question de régularisation des recettes, et vous vous étendez sur la question des dépenses.

Puisqu'il en est ainsi, je m'en vais entrer dans quelques détails pour faire comprendre l'obligation où se trouve le gouvernement, de présenter un projet de loi.

L'article 7 de la loi de comptabilité pose ce principe important, que tout agent chargé d'un maniement de deniers appartenant au trésor public est constitué comptable de la cour des comptes, qu'aucune caisse ne peut être gérée que par des agents nommés par le ministre des finances, et placés sous ses ordres.

D'après cette disposition, les receveurs du chemin de fer devraient dépendre du département des finances. Mais le même article a prévu des exceptions, et l'article 55 en a étendu les effets aux receveurs des postes et des chemins de fer. Mais c'est à la condition stipulée par le deuxième paragraphe, que l'organisation définitive de ces services ferait l'objet d'une loi spéciale. et cette loi devait être présentée dans la session 1846-1847.

L'ancien cabinet a rempli cette obligation. Mais son projet a disparu avec la dissolution des chambres, et depuis trois ans et demi que le nouveau cabinet a pris la direction des affaires, il ne s'est pas occupé de l'obligation que lui impose l'article 55 de la loi de comptabilité, c'est comme si cet article n'existait pas.

Il me semble cependant qu'il a eu tout le temps d'examiner si les coupons du chemin de fer seront timbrés par les agents du département des finances ou par les agents du département des travaux publics. Et, dans l'hypothèse que M. le ministre soit de l'avis de maintenir le système actuel, mais alors encore, l'article 55 ne lui impose pas moins l'obligation de présenter un projet de loi pour mettre fin au provisoire.

On nous a dit que les recettes se font d'une manière très claire, très régulière. Mais je demanderai à la chambre, et je me demande à moi-même : Qu'en savons-nous ? La cour des comptes elle-même ne reçoit pas de pièces justificatives suffisantes, pour la mettre à même d'exercer son contrôle.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Lisez le dernier cahier des observations de la cour des comptes.

M. de Man d'Attenrode. - Je maintiens que les éléments de contrôle dont la cour dispose sont insuffisants. Je suis persuadé que la recette est telle que vous la déclarez. Mais tant que le département des travaux publics fabriquera lui-même les timbres des coupons de service, qu'est-ce qui prouve que les produits représentent les documents délivrés par le même département ? Voulez-vous établir un contrôle sérieux ? Adoptez le système qui consiste à charger le département des finances d'imprimer son timbre sur les coupons destinés aux transports, et que la direction du chemin de fer soit débitée de la valeur des billets qui lui seront délivrés. C'est alors, et ce n'est qu'alors, que les recettes des chemins de fer seront sous la garantie d'un contrôle convenable.

Au reste, ce n'est pas le moment de discuter cette question, nous en sommes seulement à nous débattre pour obtenir que le gouvernement remplisse une obligation légale.

J'en viens à l'article 9 qui est en discussion. Il s'agit ici de poser des exceptions, d'accorder des exemptions à la loi des péages en faveur des agents de l'administration, qui voyagent pour le service des chemins de fer.

Voyons d'abord ce qui se pratique pour le moment, nous jugerons mieux si les effets de la disposition seront suffisants pour bannir les abus.

Les chefs de l'administration accordent des coupons de service, c’est-à-dire des cartes de circulation gratuite aux fonctionnaires et agents qui ont à voyager.

(page 863) Cette latitude a engendré beaucoup d'abus préjudiciables à nos recettes.

D'abord beaucoup d'employés voyagent avec des coupons de service, bien qu'ils ne voyagent pas pour le service.

Ensuite, au moyen de ces coupons les familles des ingénieurs et des employés de tout grade circulent gratuitement sur nos chemins de fer. Ces messieurs font ainsi voyager leurs femmes, leurs enfants, les sœurs, les belles-sœurs, les cousins, que sais-je encore ?

Voulez-vous savoir, messieurs, quelle est la disposition qui autorise ces abus ? Eh bien, ouvrez le rapport sur le budget des travaux publics pour l'exercice 1850, fait par M. Auguste Dumon, et vous y lirez la note suivante :

« On permet (le gouvernement) le voyage gratuit aux femmes d'employés, dont les maris ont leur domicile réel hors du lieu de leur résidence. »

Il me semble, messieurs, que les femmes devraient avoir le même domicile que leurs maris ; c'est là l'usage ordinaire. L'usage paraît différent aux travaux publics.

Voulez-vous connaître ensuite quels sont les fonctionnaires qui voyagent gratuitement sur nos chemins de fer ? Lisez.

Je m'en vais vous donner quelques extraits de l'état qui est annexé au rapport du budget de 1850, et qui y a été annexé sur ma demande, car je faisais partie de la section centrale.

Il est inutile de vous détailler les fonctionnaires du service de l'exploitation. Ils jouissent presque tous de ce privilège. Ce qui me semble d'abord étrange, c'est d'y voir figurer les tailleurs d'habit des employés des chemins de fer.

Puis vient la douane, je n'ai rien à y redire.

Viennent ensuite les exemptions en faveur des compagnies de chemins de fer étrangères et belges. Chemin de fer du Nord : 20 administrateurs, ingénieurs et agents : chemin de fer rhénan : 7 directeurs et agents ; chemin de fer de Mons à Manage et de Namur à Liège : 7 directeurs et agents ; chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse : 5 administrateurs et agents ; chemin de fer de Jurbise : 18 administrateurs et agents. Il y a ensuite les permissions permanentes ou temporaires déterminées par des considérations particulières, dit le tableau. Ces considérations, je les ignore.

Il en a été accordé à M. A..., membre du conseil général des prisons de France ; à MM. P..., ingénieur en chef pensionné ; à l'ingénieur en chef du Brabant ; à un professeur de l'université de Bruxelles ; enfin à l'inspecteur des plantations et son agent.

Les transports gratuits accordés aux administrateurs, ingénieurs des compagnies étrangères, le sont, afin d'obtenir la réciprocité pour nos ingénieurs.

De sorte que ces messieurs peuvent voyager au loin sans bourse délier. Je ne comprends pas le motif de cette mesure, car qu'est-ce que nos ingénieurs iraient apprendre sur les chemins de fer étrangers ? Ne vous rappelez-vous pas, messieurs, que chaque fois que l'on invoque l'exemple des compagnies étrangères, l'on objecte que ces exemples ne sont d'aucune application à la Belgique !

Au reste, messieurs, la véritable source, la véritable cause des abus dont je me plains, ce sont les nombreux coupons de service que l'on accorde. Je ne connais qu'un moyen de supprimer l'abus, c'est de supprimer le coupon de service. L'abus est inséparable du coupon de service.

Si les fonctionnaires sont obligés à se déplacer, qu'on les indemnise, mais qu'ils acquittent le prix de leur place comme le commun des mortels.

Ce système tend ensuite à déguiser la dépense en procédant par compensation. Nous ignorons la véritable somme des avantages qui sont assurés aux fonctionnaires du chemin de fer.

Messieurs, voulez-vous arrêter les abus ? Ne permettez les voyages gratuits que pour le personnel indispensable à la conduite des voyageurs et des marchandises, et aux douaniers chargés de surveiller le transit.

Je dépose à cet effet un article nouveau qui remplacerait l'article 9.

« Ne sont exemptés d'acquiter le péage que les fonctionnaires et agents préposés à la conduite des voyageurs et des marchandises. »

Au moyen de cette rédaction, je proscris le coupon de service.

Il n'y aurait d'exemption que pour les agents qui convoient les voyageurs et les marchandises ; les douaniers y sont compris, leur commission leur servira de coupon de service.

Les agents qui convoient les trains sont revêtus de leur uniforme, de sorte que leur habit leur sert de coupon.

Je profiterai de mon tour de parole pour faire une observation, qui, d'abord, semble peu importante, mais qui a une certaine valeur pour faciliter le contrôle des agents qui accompagnent les convois.

Autrefois ces agents portaient chacun un numéro ; ce signe distinctif a été supprimé, il est impossible de dénoncer un agent qui contrevient aux règlements, ils sont sous le voile de l'anonyme.

Enfin, messieurs, pourquoi le contrôle sur les coupons ne s'exerce-t-il pas à l'entrée et à la sortie des gares, comme en Angleterre et en France ? Dans ce système, il suffit de deux hommes sûrs, qui veillent à l'entrée et à la sortie.

Ici ce contrôle s'opère pendant la marche des convois, sans ordre, par plusieurs agents ; aussi la fraude est-elle infiniment plus facile.

Je termine en vous recommandant mon amendement. C'est le seul moyen d'empêcher la continuation d'un état de choses préjudiciable au trésor, et veuillez ne pas oublier la prescription constitutionnelle qui dît ; qu'il ne peut y avoir de privilège en matière d'impôts. J'ai dit.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. de Man est sans objet. Les faits qu'il signale constituent des abus, abus qui remontent à plusieurs années et que deux de mes honorables prédécesseurs se sont efforcés de faire disparaître.

Si l'on adopte l'article 10 proposé par le gouvernement, l'exemption ne profitera plus évidemment qu'aux fonctionnaires ou agents de l'Etat, voyageant pour le service du chemin de fer, et aux employés de la douane qui accompagnent les marchandises en transit ; de telle sorte que les personnes auquelles l'honorable préopinant a fait allusion tomberont nécessairement sous l'application de la disposition que l'honorable M. de Man veut introduire dans la loi ; c'est-à-dire que ces personnes seront exclues de la faveur dont elles auraieut abusivement joui jusqu'à présent.

M. Coomans. - J'ai un sous-amendement à présenter à l'amendement de l'honorable M. de Man ; je demande la remise de la discussion de l'article 9 à demain.

- Cette proposition est adoptée.

M. Malou. - Messieurs, le dernier paragraphe de l'article 55 de la loi de comptabilité est ainsi conçu :

« L'organisation définitive de la comptabilité du chemin de fer de l'Etat fera l'objet d'une loi spéciale qui sera présentée dans la session de 1846-1847. »

Lors de la discussion de la loi de comptabilité, c'est au moyen de grands efforts que l'honorable M. d'Hoffschmidt, alors mon collègue au ministère des travaux publics, et moi qui étais au ministère des finances, nous avons obtenu de faire une exception temporaire à la loi de comptabilité, en ce qui concerne le chemin de fer de l'Etat.

En exécution de la disposiitn que je viens de citer, un projet de loi a été présenté à la chambre ; il n’a été ni discuté, ni retiré ; il est tombé par l’effet de la dissolution. Dans cette situation, si l’on veut exécuter la loi de comptabilité, il faut que la chambre soit saisie d’un projet nouveau ; il ne suffit pas, comme on l’a dit tout à l’heure, que les principes du projet qui avaient été présentés avant l’avénement du cabinet actuel, n'aient pas été jugés bons par le cabinet ; mais il faut, d'après la loi, que la chambre soit appelée à se prononcer.

Quand cette discussion viendra, je crois qu'il sera facile d'établir qu'il y a pour le pays un très grand intérêt à introduire dans le chemin de fer le contrôle de l'administration des finances, parce qu'en même temps on introduira plus avant dans l'administration des chemins de fer l'idée financière qui lui a fait quelque fois défaut.

Je ne me prononce pas sur le système ; mais je demande que, conformément aux prescriptions de la loi, la chambre soit appelée à statuer sur le mode et l'étendue du contrôle qu'il importe que l'administration des finances exerce sur toute la comptabilité du chemin de fer, y compris les recettes et les dépenses.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.