(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 781) M. Ansiau fait l'appel nominal à deux heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Hamoir demande que cette commune fasse partie du canton de Ferrières, dont la circonscription comprendrait plusieurs communes du canton actuel de Nandrin. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le minisire de l'intérieur adresse à la chambre 119 exemplaires des quatre volumes composant la statistique agricole de la Belgique, d'après le recensement général de 1846.
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.
M. de Wouters, retenu par indisposition, demande un congé. -
- Accordé.
Par divers messages en date des 23 et 26 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté les projets de loi concernant : 1° le traité avec le Pérou ; 2° le traité avec la Bolivie : 5° le traité avec l'Etat de Nicaragua ; 4° la rectification d'une erreur dans la loi du 6 août 1849 ; 5° la restitution d'un droit d'enregistrement ; 6° la remise en vigueur de l'article 3 de la loi du 21 juillet 1844 ; 7° la délimitation entre les communes d'Attert et de Guirsch ; 8° l'érection de la commune de Rièzes ; 9° l'exploitation des télégraphes de l'Etat ; 10° la délimitation entre les communes d'Autelbas et de Bonnert ; 11° le budget de la guerre pour 1851.
- Pris pour notification.
M. de Bocarmé dépose, au nom de la commission d'industrie, le rapport sur une pétition de plusieurs habitants de Bruges, qui demandent des modifications aux droits d'entrée et de sortie sur les bois de construction pour navires.
M. Allard, au nom de la même commission, dépose le rapport sur une pétition de plusieurs raffineurs de sucre, qui demandent la suspension des articles 5 et 8 de la loi du 18 juin 1845 et le maintien du rendement à 68.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
M. Lelièvre, rapporteur : (Nous publions plus loin ce rapport.) (ce rapport n’est pas repris dans la présente version numérisée).
M. le président. - Nous abordons l'examen des articles qui ont été réservés hier.
La commission, d'accord avec le gouvernement, propose de rédiger ainsi le paragraphe premier de l'article 82 :
« Pour opérer l'inscription, le créancier représente, soit par lui-même, soit par un tiers, au conservateur des hypothèques, l'expédition authentique de l'acte qui donne naissance au privilège ou à l'hypothèque. »
- Cette rédaction est adoptée.
M. le président. - La commission, également d'accord avec le gouvernement, propose la rédaction suivante du paragraphe 9 du même article :
« Le conservateur fait mention, sur son registre, du contenu aux bordereaux et remet au requérant tant l'expédition du titre que l'un des bordereaux certifié, par le conservateur, conforme à l'inscription et contenant la date, le volume et le numéro d'ordre de celle-ci. »
- Cette rédaction est adoptée.
L'article 82 est ensuite définitivement adopté dans son ensemble.
L'article 111 avait été également réservé ; la commission, d'accord avec le gouvernement, a adopté la rédaction proposée par l'honorable M. Delfosse :
Cette rédaction est ainsi conçue :
« Si parmi les créanciers se trouve un vendeur, ayant à la fois le privilège et l'action résolutoire, il aura quarante jours, à partir de la notification à lui faite, pour opter entre les deux droits, sous peine d'être déchu de l'action en résolution et de ne pouvoir plus réclamer que son privilège.
« S'il opte pour la résolution du contrat, il devra, à peine de déchéance, le déclarer au greffe du tribunal devant lequel l'ordre doit être poursuivi.
« La déclaration sera faite dans le délai ci-dessus fixé et suivie dans les deux jours de la demande en résolution…etc. «
(Pour le surplus, la commission maintient les deux derniers paragraphes du projet.)
- L'article 111, ainsi rédigé, est définitivement adopté.
La chambre avait enfin tenu en réserve l'article 112 ainsi conçu :
« Art. 112. Lorsque le nouveau propriétaire a fait la notification ci-dessus énoncée, dans le délai fixé, tout créancier dont le titre est inscrit, peut requérir la mise de l'immeuble aux enchères et adjudications publiques à la charge :
« 1° Que cette réquisition sera signifiée par huissier au nouveau propriétaire, dans les quarante jours au plus tard de la notification faite à la requête de ce dernier, en y ajoutant un jour par cinq myriamètres de distance entre le domicile élu et le domicile réel du créancier le plus éloigné du tribunal qui doit connaître de l'ordre ;
« 2° Qu'elle contiendra soumission du requérant, ou d'une personne présentée par lui, et capable de s'obliger, de porter le prix à un vingtième en sus de celui stipulé dans le contrat, ou déclaré par le nouveau propriétaire. Cette enchère portera sur le prix principal et les charges, sans aucune déduction préjudiciable aux créanciers inscrits. Elle ne devra point porter sur les frais du premier contrat ;
« 3° Que la même signification sera faite dans le même délai au précédent propriétaire ;
« 4° Que l'original et les copies de ces exploits seront signes par le créancier requérant, ou son fondé de procuration expresse, lequel, en ce cas, est tenu de donner copie de sa procuration. Ils devront aussi être signés, le cas échéant, par le tiers enchérisseur ;
« 5° Que le requérant offrira de donner caution personnelle ou hypothécaire jusqu'à concurrence de vingt-cinq pour cent du prix et des charges ; ou qu'ayant consigné une somme équivalente, il notifiera copie du certificat de consignation.
« Le tout à peine de nullité. »
La commission, d'accord avec le gouvernement, proposé de supprimer dans le paragraphe 3 les mots « et capable de s'obliger. »
-L'article, avec ce retranchement, est mis aux voix et définitivement adopté.
M. le président. - Nous avons épuisé les articles qui avaient été réservés ; nous arrivons à l'article 121, où la chambre était restée hier.
M. le président. - L'article 121 est ainsi conçu :
« Art. 121. Si deux ou plusieurs titres soumis à la formalité de la publicité ont été présentés le même jour à la conservation des hypothèques, la préférence se détermine d'après le numéro d'ordre sous lequel la remise les titres aura été mentionnée au registre destiné à cet effet, sans préjudice néanmoins de ce qui est prescrit à l'article 78. »
- La commission, d'accord avec le gouvernement, propose de rédiger cet article de la manière suivante :
« Si plusieurs titres soumis à la publicité ont été présentés le même jour à la conservation des hypothèques, la préférence se détermine, etc. »
- Cette nouvelle rédaction est définitivement adoptée.
L'article 123 a été adopté, au premier vote, sauf rédaction.
La commission, d'accord avec le gouvernement, propose de rédiger l'article ainsi qu'il suit :
« Les conservateurs tiendront, en outre, un registre sur papier libre ; ils y porteront par extrait, au fur et à mesure des actes, sous les noms de chaque propriétaire grevé et à la case qui lui est destinée, les inscriptions, radiations et autres actes qui le concernent.
« Ils indiqueront aussi les registres où chacun des actes est porté et le numéro sous lequel il est consigné. »
- L'article 123, ainsi rédigé, est définitivement adopté.
« Art. 124. Les conservateurs donneront au requérant, s'il le demande, une reconnaissance, sur papier timbré, de la remise des actes ou bordereaux destinés à être transcrits ou inscrits. Cette reconnaissance rappellera le numéro du registre sous lequel la remise aura été inscrite.
« Ils ne pourront opérer les transcriptions et inscriptions dans les registres à ce destinés, qu'à la date et dans l'ordre des remises qui leur en auront été faites. »
- La commission propose de rédiger le paragraphe 2 de la manière suivante :
« Ils ne pourront opérer les transcriptions et inscriptions sur les registres, etc. »
- L'article 124, avec ce changement est définitivement adopté.
« Art. 125. Les conservateurs des hypothèques sont tenus de délivrer des certificats constatant les mutations et concessions de droits réels, (page 782) ainsi que les baux consentis par tous individus indiqués dans les réquisitions écrites qui leur sont faites à cette fin.
« Ils sont également tenus de délivrer à tout requérant copie des inscriptions ou transcriptions existantes, ou des certificats constatant qu'il n'en existe point. »
- Cet article est adopté.
« Art. 126. Ils sont responsables du préjudice résultant :
« 1° De l'omission, sur leurs registres, des transcriptions d'actes soumis à la formalité de la transcription, et des inscriptions requises en leurs bureaux ;
« 2° Du défaut de mention, dans leurs certificats, d'une ou de plusieurs des transcriptions ou inscriptions existantes, à moins que l'erreur ne provienne de désignations insuffisantes qui ne pourraient leur être imputées. »
- La commission, d'accord avec le gouvernement, propose de rédiger cet article comme suit : (Il est donné lecture de cette rédaction.)
- Adopté.
« Art. 127. En cas de purge, l'immeuble à l'égard duquel le conservateur aurait omis, dans ses certificats, un ou plusieurs des droits hypothécaires inscrits, en demeure affranchi dans les mains du nouveau possesseur, pourvu que la réquisition du certificat indique clairement le débiteur à charge duquel les inscriptions ont été prises.
« Néanmoins, cette disposition ne préjudicie pas au droit des créanciers omis, de requérir la surenchère dans le délai utile, et de se faire colloquer, suivant l'ordre qui leur appartient, tant que le prix n'a pas été payé par l'acquéreur, ou tant que l'ordre ouvert entre les créanciers n'est pas devenu définitif. »
- Adopté.
« Art. 128. Dans aucun cas, les conservateurs ne peuvent refuser ni retarder les réalisations ou inscriptions, ni la délivrance des certificats requis, sous peine des dommages et intérêts des parties, à l'effet de quoi procès-verbaux des refus ou retardements seront, à la diligence des requérants, dressés sur-le-champ, soit par un juge de paix, soit par un huissier du tribunal, soit par un autre huissier ou un notaire assisté de deux témoins. »
- La commission a proposé définitivement la rédaction suivante : (Il est donné lecture de cette rédaction.)
M. de Muelenaere. - Je proposerai de remplacer le mot « retardement » par le mot « retard ».
- L'article, ainsi amendé, est adopté.
« Art. 129. Tous les registres des conservateurs, à l'exception de celui énoncé en l'article 123, sont en papier timbré, cotés et paraphés à chaque feuillet par premier et dernier, par l'un des juges du tribunal dans le ressort duquel le bureau est établi.
« Le registre de dépôts sera arrêté chaque jour, comme ceux d'enregistrement des actes. »
- Adopté.
« Art. 130. Les conservateurs sont tenus de se conformer, dans l'exercice de leurs fonctions, à toutes les dispositions du présent chapitre, à peine d'une amende de cinquante à mille francs pour la première contravention. En cas de récidive, l'amende sera double et la destitution pourra même être prononcée selon les circonstances, le tout sans préjudice des dommages et intérêts des parties, lesquels seront payés avant l'amende. »
- Adopté.
« Art. 131. Les mentions de dépôts, les inscriptions et les transcriptions sont faites sur les registres, de suite, sans aucun blanc ni interligne, à peine, contre le conservateur, de cinq cents à deux mille francs d'amende, et des dommages et intérêts des parties, payables aussi par préférence à l'amende. »
- Adopté.
« Art. 132. En cas d'erreur de la part du conservateur, celui-ci peut en opérera ses frais la rectification, en portant sur ses registres, mais seulement à la date courante, une transcription exacte des actes et bordereaux, en la faisant précéder d'une note relatant la première. »
- La commission propose de rédiger cet article de la manière suivante, d'accord avec le gouvernement :
(Il est donné lecture de cette rédaction.)
M. d'Hondt. - Les mots : « Une transcription exacte des actes, etc. », sont évidemment mal sonnants.
Je proposerai donc de supprimer le mot « exacte » ou bien de le remplacer par « textuel » ou « littérale ».
- Adopté.
M. d'Hondt. - Je crois que les mots : « transcription exacte des actes », devraient être remplacés par ceux-ci : « transcription littérale des actes ».
M. Lelièvre. - Qui dit « transcription », entend une transcription exacte : on peut retrancher le mot « exacte » comme inutile.
- Le retranchement du mot « exacte » est prononcé.
La nouvelle rédaction de la commission est ensuite définitivement adoptée avec cette modification.
« Art. 1er. A l'exception du privilège des frais de justice et sauf ce qui sera statué en l'article suivant, tous privilèges et hypothèques existant sans inscription au moment où la présente loi sera obligatoire, devront être inscrits dans l'année qui suivra cette mise en vigueur et dans les formes établies par l'article 80 ci-dessous.
« L'inscription devra, en outre, indiquer l'époque à laquelle remonte le privilège ou l'hypothèque.
« Le mode de'purge établi par le chapitre IX, livre III, littera XVIII du Code civil, continuera d'être observé jusqu'à l'expiration du délai ci-dessus fixé.
« Toutefois, la purge commencée avant cette expiration sera continuée dans les formes établies par les dispositions du même chapitre.
« Le débiteur pourra, dans les cas prévus par le Code civil, demander la réduction des inscriptions prises en exécution du présent article. »
La commission propose à la fin du premier paragraphe de dire, au lieu de « l'inscriptlion devra en outre indiquer, etc. », « l'inscription indiquera ».
M. Delfosse. - J'approuve les changements proposés par la commission, mais il faut en faire un autre. On ne peut pas dire qui suivra cette mise en vigueur, car il n'a encore été rien dit de la mise en vigueur de la loi. On pourra dire : « qui en suivra la mise en vigueur. »
M. de Muelenaere. - Je crois qu'il faut dire : « qui suivra la mise en vigueur ».
Il est évident qu'il s'agit de la présente loi qui est rappelée dans l’article même.
- L'article est définitivement adopté avec les deux amendements proposés.
« Art. 2. Le privilège existant, à l'époque où la présente loi sera exécutoire, au profit des créanciers désignés dans les articles 30 à 33 inclus et qui n'aurait pas encore été inscrit conformément aux dispositions du Code civil, le sera, pour tout délai, dans les six mois qui suivront cette mise en vigueur et dans les formes prescrites par l'article 82. »
M. Delfosse. - Au lieu de : « qui suivront cette mise en vigueur », je propose de dire : « à dater de cette époque ».
- L'article, ainsi modifié, est définitivement adopté.
« Art. 3. Les inscriptions prises conformément aux articles précédents, conserveront aux créanciers leur privilège ou hypothèque et le rang que leur assignaient les lois antérieures. »
M. Delfosse. - Au lieu de : « conformément aux articles précédents », je propose de dire : « conformément aux deux articles précédents ».
- L'article, ainsi modifié, est définitivement adopté.
« Art. 4. Les hypothèques qui n'auraient pas été inscrites conformément à la présente loi, dans le délai ci-dessus déterminé, n'auront effet qu'à compter du jour de l'inscription qui en serait requise postérieurement.
« Les privilèges qui n'auraient pas été inscrits conformément aux articles précédents, dégénéreront en simple hypothèque, qui n'aura rang que du jour de son inscription.
« La disposition de l'article 28 recevra, en ce cas, son exécution. »
M. Delfosse. - Au premier paragraphe, au lieu de : « conformément à la présente loi », je propose de dire : « conformément à l'article premier », et de supprimer les mots : « dans le délai ci-dessus déterminé », et au deuxième paragraphe, au lieu de : « conformé'ment aux articles précédents », on dirait : « conformément aux articles1 et 2 ».
M. de Muelenaere. - Il faut dire : « conformément à l'article premier des dispositions transitoires ».
M. le président. - On peut dire au paragraphe premier : « conformément à l'article premier des dispositions transitoires », et au deuxième paragraphe on dira : « aux articles 1 et 2 ». On comprend qu'il s'agit des dispositions transitoires.
- L'article ainsi modifié est adopté.
L'article 5 est définitivement adopté.
« Art. 6. L'inscription des hypothèques légales des femmes mariées pourra être requise par la femme, ses parents et ceux de son mari jusqu'au quatrième degré inclusivement. Elle pourra, en tout cas, l'être d'office par le procureur du roi près le tribunal de première instance du domicile marital. »
M. d'Hondt. - Bien qu'il n'y ait pas eu d'amendement à l'article 6, je crois cependant qu'il y a lieu d'y revenir un instant. Cet article me semble présenter une lacune en ce qu'il ne fait point mention du juge de paix. Je propose donc de dire : « Elle pourra, en tout cas, l'être d'office par le juge de paix du canton du domicile marital et par le procureur du roi près le tribunal de première instance. »
C'est au reste, messieurs, ce qui a été admis à l'article 69.
M. Lelièvre. - Je pense qu'on peut admettre l'amendement de M. d'Hont sans inconvénient. Il s'agit d'un surcroit de garantie à donner à la femme, et dès lors l'addition proposée me paraît devoir être accueillie favorablement. Cela est nécessaire, du reste, afin de maintenir l'harmonie entre cette disposition et d'autres que nous avons adoptées relativement à la femme.
- L'article modifié, comme le propose M. d'Hont, est adopté.
« Art. 8. Toutes les inscriptions actuellement existantes conserveront leurs effets pendant 15 années, depuis et y compris le jour de leur date. A défaut de renouvellement dans ce délai, ces inscriptions seront périmées.
« Ces renouvellements devront se faire dans les formes prescrites par la loi actuelle. »
- La commission propose de rédiger le paragraphe 2 comme suit :
« Le renouvellement devra se faire dans les formes prescrites par la présente loi. »
- L'article ainsi modifié est définitivement adopté.
L'article 9 est définitivement adopté dans les mêmes termes qu'au premier vote.
« Art. 10. Les hypothèques légales et judiciaires acquises antérieurement à la mise en vigueur de la présente loi ne frapperont les immeubles que le débiteur acquerra par la suite, qu'au moyen d'inscriptions ultérieures requises dans les formes prescrites par la présente disposition législative. Ces inscriptions auront rang à partir de leur date. »
M. Delfosse. - Au lieu de : « dans les formes prescrites par la présente disposition législative », je propose de dire : « dans les formes qu'elle prescrit. »
- L'article est définitivement adopté avec cette modification.
L'article 12 est définitivement adopté sans observations.
M. Delfosse. - A l'article 12 il faudrait dire : « dans l'année de sa mise en vigueur » au lieu de « de la mise en vigueur de la loi nouvelle. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Oui.
- La proposition de M. Delfosse est adoptée.
M. Lelièvre. - Messieurs, c'est ici le lieu de placer comme dispositions transitoires les articles 114 et 115 de la loi.
Toutefois le premier de ces articles devra commencer par ces mots : « jusqu'à ce que d'autres formalités soient établies, la revente par suite de surenchère aura lieu, etc. »
Voici le système de M. le ministre de la justice. On se réfère aux lois de la procédure pour les formalités concernant la surenchère, mais en attendant qu'on puisse reviser les sommes établies par le code de procédure en vigueur, on détermine par forme de disposition transitoire les formalités qui seront observées relativement à la surenchère jusqu'au moment de cette révision.
Tel est l'objet des dispositions transitoires qui devront prendre place après l'article 12 qui vient d'être voté.
La proposition faite par M. le ministre tend à renvoyer au Code de procédure les formalités prescrites pour la surenchère ; elles ne figureront dans la loi en discussion que transitoirement et jusqu'à ce que le Code de procédure en vigueur soit révisé. Il est bien entendu que les dispositions énoncées aux articles 114 et 115 seront les seules qui provisoirement devront être observées, sans qu'on se réfère le moins du monde sur ce point aux formalités établies par le Code de procédure actuel, formalités qui sont remplacées en entier par les articles 114 et 115 en discussion.
L'article 115 formerait l'article 14 des dispositions transitoires.
- L'article 114 est adopté, avec l'addition indiquée par M. Lelièvre.
L’article 115 est également adopté.
Ces articles formeront les articles 13 et 14 des dispositions transitoires.
« Art. 2. La disposition suivante sera ajoutée à l'article 76 du Code civil.
« Art. 76. N° 10... La date des conventions matrimoniales des époux et l'indication du notaire qui les aura reçues ; faute de quoi, les clauses dérogatoires au droit commun ne pourront être opposées aux tiers qui ont contrasté avec ces époux dans l'ignorance des conventions matrimoniales. »
- Cet article est définitivement adopté.
« Art. 1er additionnel. La transcription prescrite par la loi du 3 janvier 1824 est maintenue.
« Sont soumis à l'impôt établi par cette loi, non seulement les actes et jugements qui en sont frappés aux termes de ses articles 3 et 5, mais en outre tous partages d'immeubles, s'il y a retour ou plus-value, et tous actes contenant acquisition par licitation de parts et portions indivises de biens immeubles, au profit de l'un des copropriétaires.
« Le droit proportionnel sera perçu sur l'import du retour et sur le prix des portions indivises qui n'appartenaient pas à l'adjudicataire. »
La commission propose d'ajouter la disposition suivante :
« La transcription des autres actes aura lieu gratis, sauf payement des frais du timbre et du salaire du préposé. »
- L'article est définitivement adopté avec cette addition.
L'article 3 additionnel est définitivement adopté sans modification.
M. le président. - Nous sommes à la fin de la loi.
Nous allons procéder au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
M. Lebeau. - Il me paraît, messieurs, qu'il est impossible de voter sur l'ensemble de la loi sans qu'elle ait été réimprimée. La raison en est dans les nombreuses modifications qui ont été adoptées au second vote.
Nous avons la plus grande confiance dans la prudence et la sagacité des honorables membres qui ont présidé à la discussion de la loi, mais eux-mêmes conviendront que, de la manière dont cette discussion a dû marcher, il a été impossible de bien apprécier une foule de modifications qui ont été adoptées. Or, dans une loi de cette importance, telle ou telle expression peut changer complètement la jurisprudence.
Je crois donc, messieurs, que par suite de la forme tout exceptionnelle qu'ont prise nos débats il y a lieu d'ordonner la réimpression du texte de la loi tel qu'il a été définitivement adopté. Cela ne retardera le vote sur l'ensemble que de 24 ou 48 heures.
M. le président. - Cela aurait pour conséquence que chacun pourrait, après la réimpression, proposer de nouvelles modifications.
M. Lebeau. - Il se peut que les auteurs mêmes des modifications qui ont été adoptées et qu'on prétend n'être que grammaticales, soient les premiers à venir demander des modifications nouvelles. Je n'ai pas vu que l'honorable M. Lelièvre et l'honorable M. Delfosse aient toujours été complètement d'accord ; qui peut répondre que certaines de ces modifications n'ont pas une importance réelle ?
Je le déclare, messieurs, si le vote sur l'ensemble a lieu immédiatement, je serai forcé de m'abstenir.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je ne pense pas, messieurs, qu'il y ait lieu d'admettre la proposition de M. Lebeau. D'abord on pourrait confier au bureau le soin de rectifier les erreurs de rédaction, s'il y avait lieu. Sans cela nous n'en finirions pas. L'adoption de la proposition de M. Lebeau aurait pour résultat de retarder le vote de la loi, ce qui entraînerait cet inconvénient que le sénat ne pourrait pas s'en occuper dans la session actuelle : le sénat se séparera demain, et si nous ne votons pas immédiatement, il ne sera peut-être saisi de la loi que dans un mois ou deux ; par conséquent, le rapporteur ne pourrait pas s'en occuper maintenant.
L'adoplion de la proposition de M. Lebeau aurait donc pour effet d'empêcher que la loi soit votée par les deux chambres dans la session actuelle.
M. le président. - M. le rapporteur disait que ce serait au bureau de rectifier les erreurs de rédaction ; le bureau ne peut faire autre chose que de voir si ce qui a été voté par la chambre se trouve exactement dans la loi. C'est ce qui a lieu pour tous les projets.
Quant à la proposition de M. Lebeau, elle entraînerait la possibilité d'introduire de nouvelles modifications dans la loi. Ce serait une troisième lecture, c'est-à-dire une chose contraire au règlement.
M. Delfosse. - La chambre statuera comme elle le jugera convenable sur la proposition de M. Lebeau, mais je dois faire observer que l'adoption de cette proposition constituerait une modification du règlement.
Les changements de rédaction que j'ai proposés n'ont été adoptés que de l'assentiment de M. le ministre de la justice et de M. le rapporteur ; j'avais eu soin de les leurs communiquer, avant de les soumettre à la chambre, je ne voulais pas engager la chambre dans une série de discussions grammaticales.
M. Lebeau. - Je n'ai pas du tout l'intention de provoquer une troisième délibération ; j'avoue que, pour mon compte, j'en ai assez de ces discussions ; mais je me demande si le dixième des membres de la chambre a saisi la portée'des modifications que l'on qualifie de grammaticales et sur lesquelles, je le répète, l'honorable M. Delfosse et l'honorable M. Lelièvre n'ont pas toujours été d'accord.
On dit que c'est contraire au règlement ; mais tout ce que nous venons de faire est contraire au règlement ; d'après le règlement, vous n'auriez pu modifier que les dispositions qui avaient été amendées au premier vote...
M. Delfosse. - Cela avait été convenu,
M. Lebeau. - On ne pouvait convenir de cela qu'en contrevenant au règlement.
Il ne s'agit pas le moins du monde de remettre la loi en discussion ; il s'agit seulement de se réserver un moyen de revenir sur les changements de rédaction admis séance tenante, que l'on reconnaîtrait comme étant défectueux, et que les auteurs eux-mêmes désireraient ne plus voir dans la loi. (Interruption.)
On me dit que le sénat pourra corriger la loi ; c'est un singulier argument que de dire : Nous pourrions bien avoir commis une erreur, mais le sénat sera là pour la rectifier.
Quant à moi, je suis bien décidé à m'abstenir.
- La chambre, consultée, décide qu'elle procédera immédiatement au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi concernant le régime hypothécaire.
Voici le résultat de cette opération :
83 membres répondent à l'appel nominal.
80 membres répondent oui.
3 membres (MM. Lebeau, David et de la Coste) s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sara transmis au sénat.
Ont adopté : MM. d'Hont, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Dumortier, Frère-Orban, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orls, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rousselle (Charles), Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Man d'Allenrode, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux et Verhaegen.
M. le président. - Les membres qui se sont abtenus sont priés aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Lebeau. - J'ai donné mes raisons tout à l’heure.
(page 784) M. David. - Messieurs, je reconnais que la loi consacre des améliorations, mais je crains qu'elle ne soit une source de charges nouvelles pour les contribuables.
M. de La Coste, rapporteur. - Messieurs, le principe de la loi me paraît bon ; mais, d'un autre côté, il y a quelques dispositions sur lesquelles je ne suis pas suffisamment éclairé et qui pourraient présenter des inconvénients.
M. Malou. - Messieurs, je désire savoir si la commission des finances sera bientôt à même de présenter son rapport sur la convention cotonnière de Gand.
M. Osy. - Messieurs, aussitôt après l'impression des pièces relatives à cette affaire, j'ai réuni la commission permanente des finances ; à la date du 15 février, nous avons demandé à M. le ministre de l'intérieur des renseignements ultérieurs sur la part du crédit d'un million qui avait été employée sous le ministère actuel. Dès que j'aurai reçu ces renseignements, je les communiquerai à la commission qui fera alors son rapport.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai eu l'honneur d'envoyer hier à la chambre les renseignements qui m'avaient été demandés ; la commission est donc à même de faire immédiatement son rapport.
J'ai dû écrire à Gand, pour avoir divers documents qui se trouvaient au gouvernement provincial.
J'ai joint à ces documents quelques explications sur la part qui est échue au ministère actuel dans l'exécution de la convention de Theux-Malou.
M. le président. - M. Vermeire a déposé sur le bureau les amendements suivants au projet de loi :
« Art. 1er. A partir du... les prix de transport des voyageurs et des bagages sur le chemin de fer de l'Etat, seront établis, durant douze mois, d'après les bases ci-après :
« Art. 3. (Supprimé.)
« Art. 5. Les prix de ces trois classes, répartis dans la proportion des nombres 17, 25 et 34, sont réglés comme suit :
« Francs 0.0425 (4 1/4 centimes) pour la troisième classe, par kilomètre.
« Francs 0.0025 (6 1/4 centimes) pour la deuxième classe, par kilomètre.
« Francs 0.085 (8 1/2 centimes ) pour la première classe, par kilomètre.
« Ce prix sera appliqué aux distances, conformément à ce qui est stipulé à l'article 2, et sous les réserves mentionnées aux articles 6, 7 et 8.
« Art. 8. La taxe ne pourra s'appliquer au minimum :
« A la première classe que pour un parcours réel de 10 kilomètres.
« Aux deuxième et troisième classes pour un parcours réel de 5 kilomètres. »
M. Vermeire dépose sur le bureau plusieurs amendements accompagnés d'un tableau assez volumineux relatif au tarif des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution des amendements et du tableau.
M. Vermeire. - Je demanderai à la chambre qu'elle veuille bien renvoyer mes amendements à la section centrale qui a été chargée de l'examen du projet de loi. De cette manière, je crois qu'on parviendrait à abréger la discussion.
M. le président. - On est d'accord sur la distribution des pièces. On demande ultérieurement le renvoi de ces amendements à la section centrale.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la proposition de l'honorable M. Vermeire consiste tout simplement dans un relèvement de tarif. Je ne pense pas que la chambre consente à renvoyer ces amendements à la section centrale qui ne pourrait faire qu'un rapport dans le sens de plusieurs autres propositions qui doivent surgir également dans le cours de cette discussion. Je crois qu'il suffirait que ces amendements fussent imprimés. L'honorable M. Vermeire les a déjà developpés dans le premier discours qu'il a prononcé, de manière que ce serait réellement retarder la discussion que de renvoyer ces amendements à la section centrale qui a présenté à la chambre un système tout à fait différent, et à la suite d'un second rapport.
M. Vermeire. - Les amendements que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau ne comprennent pas exactement les chiffres que j'avais indiqués comme changements dans le premier discours que j'ai prononcé samedi dernier. Ensuite, dans l'amendement je propose de supprimer l'article 3. C'est là un changement très important ; et comme, sous ce rapport, mon système diffère de celui du gouvernement, je pense qu'il serait utile de le renvoyer à la section centrale.
M. Delfosse. - Messieurs, je crois que le renvoi à la section centrale serait inutile. La section centrale s'est occupée de la question, et elle a donné son avis. Il y a eu dans son sein des propositions d'augmentation de tarif. La section centrale ne pourrait que répéter ce qu'elle a déjà dit.
M. Mercier. - Il est fort difficile de se prononcer même sur la question de savoir si les amendements seront renvoyés à la section centrale sans avoir entendu les développements de ces amendements pour en connaître la portée ; la simple lecture ne nous permet pas d'apprécier bien le tarif présenté par l'honorable M. Vermeire. Je voudrais qu'avant tout on maintînt la décision de faire imprimer et distribuer les amendements et qu'on réservât la question de savoir si les amendements seront renvoyés à la section centrale.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution des amendements.
La discussion générale continue.
M. Dumortier. - Il me semble qu'il conviendrait que M. Vermeire pût développer ses amendements ; la chambre pourrait les examiner, et nous connaîtrions alors la portée réelle de ces amendements.
M. le président. - La discussion générale n'est pas close ; on pourra discuter ces amendements lorsque la discussion générale sera close.
- La parole est à M. de Brouwer de Hogendorp.
M. de Brouwer de Hogendorp. - (page 801) Messieurs, je ne crois pas qu'il y ait une meilleure preuve des diflicullés que présentent les questions relatives à la tarification des chemins de fer, que les discours que nous avons entendu prononcer dans les séances précédentes par les défenseurs de la proposition de la section centrale.
Ces honorables membres se sont faits les défenseurs des tarifs élevés ; et à quoi ont-ils fini par aboutir ? A se rallier à une proposition qui, à mon sens, est mal définie et dont ils ignorent eux-mêmes la portée.
Je ne me flatte pas d'apporter dans ce débat de grandes lumières. J'entre dans la discussion guidé par le désir d'aider de mes faibles moyens à donner une solution à cette grave question. Ce ne sont pas, messieurs, des hallucinations qui me guident. J'emploie ce mot parce que l'honorable M. Dumortier, avec son aménité habituelle, me disait, il y a quelques jours, que dans cette question comme dans toutes les autres, j'étais sous le poids d'hallucinations.
Ce ne sont pas, dis-je, des hallucinations qui me guident ; je puis assurer l'honorable membre que mes perceptions sont très réelles, aussi réelles que les siennes. Je puis me tromper dans l'appréciation des faits, mais je n'en invente jamais. Je ne sais pas si l'honorable membre pourrait en dire autant.
Pour moi, je n'invente jamais de faits, comme je n'invente jamais de citations, à l'exemple de certains membres à qui il arrive parfois de citer, pour pouvoir mieux combattre ses adversaires, des passages de discours qui n'ont jamais été prononcés.
M. le président. - Je prie l'honorable membre de ne pas se laisser aller à des récriminations de cette nature. Si nous nous engageons dans des discussions personnelles nous n'en finirons pas. La question que M. de Brouwer se propose de traiter lui fournira par son importance un moyen indirect, mais suffisant, de répondre à des expressions dont il peut avoir à se plaindre. Je l'engage à se renfermer dans l'objet de la discussion.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Je tenais à répondre à l'honorable membre qui m'a adressé l'expression que je viens de relever, expression que je n'ai pas retrouvée au Moniteur, mais que d'autres membres ont entendue comme moi, que je n'ai pas relevée dans le moment, mais que je n'entendais pas laisser passer sans réponse, parce qu'elle est injurieuse.
Je dis donc que j'entre dans ce débat libre de toute préoccupation d'amour-propre et de toute recherche de popularité. Je défends les bas tarifs parce que je crois que les bas tarifs sont les plus avantageux et j'ajouterai les plus productifs. Si j'avais cru que la proposition faite par la section centrale avait un bon côté, je n'aurais pas hésité à venir la soutenir, comme aujourd'hui je viens la combattre.
Je commencerai par vous dire quel est mon point de départ. Je crois que, pour oblenir le maximum de recettes, le tarif doit être établi de manière qu'il détermine le plus grand trafic possible. Ceci me met du premier pas en contradiction avec l'honorable M. Mercier.
Voici ce que disait l'honorable membre dans la séance du 24 février :
« M. le ministre nous a dit qu'il désirait obtenir les produits les plus considérables possible, mais obtenir en même temps le mouvement le plus fort qu'il se pourra. Je pense, messieurs, que ces deux éléments ne peuvent pas atteindre leur maximum sans que l'un soit opposé à l'autre. »
Messieurs, je ne puis admettre ce que disait dans cette circonstance l'honorable M. Mercier. Je crois que l'honorable membre est dans une erreur profonde, et je vais le lui prouver.
Je suppose qu'un chemin de fer coûte, pour frais de premier établissement, 500,000 francs par kilomètre. Je suppose encore que ce chemin de fer ait un trafic de 100,000 voyageurs et de 10,000 tonnes de marchandises par kilom. Que faudra-t-il que produise le transport de chaque voyageur, supposant que les voyageurs et les marchandises produisent une somme égale, pour pouvoir couvrir les dépenses et les intérêts à 5 p. c. de ce chemin de fer ?
Un trafic de 100,000 vayageurs sur un pareil chemin de fer nécessitera par voyageur le payement de 12 centimes et demi pour intérêt du capital employé pour premier établissement. Les dépenses fixes, les dépenses qui restent invariables quel que soit le trafic, seront de 0 c. 36 millièmes. Pour frais de locomotion il en coûtera 0 c. 31 mill. Les autres dépenses variables avec le nombre des voyageurs seront de 0 c. 35 millièmes.
Ainsi le transport d'un voyageur sur un chemin de fer ayant le trafic que je viens d'indiquer coûtera en total, intérêt à 5 p.c. compris, 13 centimes et demi. Mais que ce chemin de fer, au lieu de transporter 100,000 voyageurs, en transporte 500,000, le taux auquel devra être porté le prix de transport, pour obtenir le même résultat, devra-t-il être encore le même ? Non, messieurs ; chaque voyageur ne devra plus fournir que 3 c. 2/10 pour que les frais et les intérêts soient payés. La portion d'intérêt à produire par chaque voyageur-kilomètre sera réduit à 2 c. 1/2 ; les dépenses fixes indépendantes du trafic se répartissant sur 300,000 voyageurs, ne seront plus que de 0 c.07 mill. Les dépenses de locomotion et les dépenses variables seront, comme dans le cas précédent, de 0 c.64 millièmes.
Maintenant, je le demande à l'honorable membre, en fixant la moyenne du tarif, non pas à 3 2/10 centimes, mais à 4 centimes par voyageur et par kilomètre, n'obtiendrai-je pas un produit beaucoup plus grand, ne ferai-je pas des bénéfices beaucoup plus considérables et ayant provoqué, par le bas prix, le mouvement le plus fort, que si j'avais transporté un nombre beaucoup moins considérable sous un tarif élevé ? Vous voyez donc que le maximum des recettes et le maximum du muouvement ne s'excluent pas mutuellement.
El ceci répond également à ce que l'honorable M. Dumortier mettait en avant comme une vérité incontestable. « Une fois que vous transportez à perte, disait-il, plus vous multipliez les transports, plus vous multipliez la perte. » Non ; ce n'est pas là une vérité, c'est une erreur. Si je transporte à perte, plus je transporterai, plus ma perte se réduira. Si, avec un tarif de 3 centimes par voyageur, je suis en perte en transportant 400,000, j'aurai un bénéfice considérable si j'en transporte 700,000.
Je dis, messieurs, que le grand principe pour la tarification des chemins de fer est (erratum, p. 812) d'obtenir le maximum de recettes en diminuant les péages le plus possible, et par conséquent en portant également la circulation au maximum.
Il est impossible cependant de déterminer à priori, d'une manière absolue, jusqu'à quel chiffre cette réduction peut aller. La tarification ne peut se régler que sur l'étude que l'on aura faite de la population, de ses besoins, de sa richesse et de ses habitudes.
Je dis, messieurs, que le point de départ doit être l'étude des besoins, de la richesse et des habitudes d'un pays. Ainsi, je crois qu'il est impossible d'obtenir les mêmes résultats au moyen d'un même tarif dans deux pays différents.
Si en Belgique, par exemple, on avait fixé le prix des diligences à un taux aussi élevé que ce prix fixé en Angleterre, ou même que celui fixé en France, il est probable que le nombre des voyageurs de première classe serait encore moins considérable qu'il ne l'est actuellement.
En voici le motif :
En Angleterre, on voyageait, avant l'établissement des chemins de fer, en diligence à un prix beaucoup plus élevé qu'en Belgique. On payait en Angleterre 2 fr. par lieue pour une place d'intérieur, et 1 fr. monté sur l'impériale.
En France, on payait 72 cent, en diligence, 93 cent, en malle-poste.
En Belgique généralement les prix étaient très bas, on ne payait pas plus de 50 cent, par lieue.
Eh bien, était-il possible de fixer pour les chemins de fer belges un prix aussi élevé que celui que les compagnies ont pu fixer en Angleterre et en France ? Il est évident que vous n'auriez pas eu de voyageurs pour les diligences ou, du moins, que vous n'auriez eu que des classes exceptionnelles qui auraient pris ce genre de voitures.
Mais, messieurs, s'il est du devoir et de l'intérêt de toute administration de chemin de fer de consulter les besoins, les habitudes et la richesse du pays, la chose est d'autant plus nécessaire en Belgique que le service du chemin de fer y est pour ainsi dire un service public. Une société peut adopter un tarif élevé. Un chemin de fer peut donner un résultat rémunérateur avec un tarif élevé comme avec un bas tarif. Mais ce que peuvent faire les sociétés, l'Etat ne le peut pas. Le chemin de fer en Belgique a été établi par l'Etat aux frais de l'Etat ; dès lors, il doit rendre les plus grands services possibles. Le chemin de fer est le bien de tous ; donc il faut qu'il soit exploité dans l'intérêt du plus grand nombre.
Mais, messieurs, si c'est là un devoir de l'Etat, c'est également un acte de bonne politique et de bonne politique commerciale.
Il est avantageux d'exploiter avec de bas tarifs. Tout ce qui a été dit en faveur des tarifs élevés est contraire à l'opinion des hommes les plus compétents en cette matière.
Je ne parlerai pas des ingénieurs belges. On dirait que l'opinion qu'ils ont exprimée est une opinion d'amour-propre. Mais les hommes les plus compétents en pays étrangers ont tous soutenu que les bas tarifs étaient les plus favorables ; et telle est l'opinion, non seulement des ingénieurs, mais des directeurs les plus intelligents des chemins de fer.
Une enquête sur les péages des chemins de fer a été faite en Angleterre. Les hommes les plus au fait en cette matière ont été entendus par la commission nommée par le parlement. Voici, messieurs, ce que disait Robert Stephenson, l'homme qui s'est le plus occupé des chemins de fer dans le monde.
« Les compagnies suivent actuellement les règles d'une politique éclairée, c'est que la réduction des prix de transport produit le revenu le plus élevé. Il y a sans doute un point qu'il ne faut pas franchir, parce que aller au-delà, ce serait réduire le revenu ; mais il y a un sentiment qui prévaut dans les compagnies et qui leur dit que partout où le trafic est grand et où le besoin de voyager existe, elles peuvent augmenter leurs recettes et augmenter leur prospérité en diminuant les tarifs. »
Dans une autre occasion se trouvant devant une commission d'enquête de la chambre des communes, il répond à la question suivante : « Votre opinion est-elle que le prix du transport doit être fixé le plus bas possible pour produire le plus grand bénéfice aux propriétaires ? » - « 11 n'y a point de doute à cet égard, » répond Stephenson.
Permettez-moi de citer l'opinion d'un autre ingénieur qui jouit d'une réputation européenne, M. Cubitt :
« Je désirerais, dit-il, que les chemins de fer fussent exploités avec des péages très bas et uniformes. Je voudrais que les prix fussent amsi bas que peuvent l'admettre la vitesse, la sûreté et l'administration convenable des chemins de fer. »
A ces autorités, messieurs, je pourrais en ajouter bien d'autres, et ce n'est pas seulement en Angleterre, croyez-le bien, que j'irais les prendre ; la France et l'Allemagne m'en fourniraient un nombre considérable (page 802) et pour n'en citer qu'une seule prise parmi les hommes pratiques de France, je dirai que le directeur du chemin de fer de Paris à Rouen, appelé à émettre son avis sur le taux des tarifs, n'hésitait pas plus que les hommes que j'ai cités tout à l'heure à se prononcer contre les péages élevés. (Interruption.)
Cesont là, me dit-on, des opinions individuelles ; les compagnies ne parleraient pas ainsi. Messieurs, les compagnies, je ne dis pas toutes, mais le plus grand nombre, ont mieux fait que parler, elles ont agi dans ce sens. Voyez le Nord. Le Nord a t-il adopté pour le transport des voyageurs et des marchandises le tarif qui a servi de base aux conditions financières de la concession ?
Et pourquoi a-t-il adopté un tarif qui ne lui produit, en moyenne, que 6 c. 6/100 par voyageurs et 10 c. 25/100 par tonne, au lieu du tarif du chemin de fer d'Orléans par exemple ? Pourquoi la plupart des compagnies ont-elles un tarif moins élevé pour les localités les moins éloignées des grandes villes ? Mais c'est bien parce qu'elles ont cru qu'une réduction dans les prix occasionnerait une plus grande circulation qui, à son tour, déterminerait de plus grands bénéfices.
Messieurs, l'histoire des chemins de fer continentaux est assez pauvre en faits propres à prouver l'effet du prix sur le nombre des voyageurs et le chiffre des recettes.
Vous repoussez les faits qui se sont passés sous nos yeux, dans notre pays ; vous repoussez l'expérience faite en Allemagne, sur les chemins de fer de Bonn et de Nuremberg. Vous cherchez un prétexte pour repousser toute expérience. On vous a cité ces faits et vous ne les admettez pas : le chemin de fer de Bonn ne saurait être comparé à aucune section de la ligne belge, car ce chemin de fer a coûté très peu pour premier établissement. Le chemin de fer de Nuremberg est trop court ; chez nous l'expérimentation n'a pas été complète. Eh bien, voyons ce qui s'est passé dans la Grande-Bretagne.
C'est presque à regret et malgré moi que je parle de ce pays, où l'on m'accuse d'aller prendre trop souvent mes exemples. Il est vrai, je me complais quelquefois à dire ce qui se pratique en Angleterre, parce que je crois avec d'éminents publicisles et d'illustres hommes d'Etat, que ce n'est guère que dans ce pays que l'on trouve, pour me servir de l'expression de Léon Faucher, un champ d'expériences assez vaste pour étudier les problèmes qui pèsent sur les sociétés modernes.
Je crois que nous avons de bons exemples à étudier en Angleterre, tant sous le rapport social que sous le rapport commercial et industriel ; mais, messieurs, je vous prie de le croire, je ne veux pas suivre servilement ce qui se fait outre-Manche ; je me complais à y puiser des enseignements afin d'en faire application chez nous d'une manière rationnelle et dans les limites que notre pays comporte.
Ainsi je crois qu'en ce qui concerne les chemins de fer l'expérience de l'Angleterre peut nous être utile.
C'est ce sentiment qui me fait vaincre ma répugnance.
Quoique le prix des transports par chemin de fer ait été dès l'origine fixé beaucoup au-dessous de ce qu'il en coûtait par les anciens moyens de transport (je vous ai dit tout à l'heure ce que coûtait le voyage en diligence), toutes les compagnies, pour augmenter le mouvement et la recette, ont diminué leurs prix dans des proportions considérables depuis leur établissement. Les sept lignes principales qui partent de Londres ont, depuis 1842 jusqu'en 1847, réduit le prix de la première classe de 21 p. c, celui de la deuxième de 23 p. c, et de 25 p.c. le prix de la troisième classe.
Sur le chemin de fer de Londres à Birmingham, la réduction, pendant le premier trimestre de 1844, a été pour la première classe de 17 1/4 p. c. Quels ont été les effets de cette réduction ? C'est qu'il y a eu dans l'année suivante une augmentation de 19 1/2 p. c. sur le nombre des voyageurs. Pour la deuxième classe, la réduction a été, pendant la môme période, de 26 3/4 p. c, et il en est résulté une augmentation dans le nombre des voyageurs, de 61 1/5 p. c. Pour la troisième classe la société a opéré une réduction de prix de 33 1/3 p. c. et elle a obtenu l'année suivante une augmentation de nombre des voyageurs, de 259 p. c.
Mais, messieurs, il n'y a pas eu seulement accroissement du nombre des voyageurs, il y a eu également augmentation dans les recettes ; les recettes de 1845, comparées à celles de 1844, ont présenté une augmentation de 78,000 livres.
Sur le chemin de fer de Birmingham à Manchester et à Liverpool on a fait pendant la même période une réduction à peu près égale à celle que je viens de signaler, et voici, messieurs, les chiffres comparatifs des deux années :
En 1844 il y avait eu sur ce chemin de fer 1,250,000 voyageurs.
En 1845 ce nombre s'est élevé à 2,145,000.
En 1844, les recettes avaient été de 358,000 livres.
En 1S43 elles se sont élevées à 437,000 livres.
C'est une augmentation considérable. Mais, messieurs, il y a un fait plus frappant que celui-là, et ce fait, j'en ai été témoin oculaire.
Entre Birmingham et Shrewsbury, une ligne de chemin de fer est exploitée par deux compagnies ; la concurrence qui existe entre ces deux compagnies a eu pour résultat une réduction de prix considérable. Avant que cette concurrence n'existât, le prix était de 1 sch. 10 pour la première classe, de 1 sch. 4 pour la deuxième classa, et de 10 pence pour la troisième classe.
Le parcours est d'environ 11 milles, à peu près la distance de Bruxelles à Malines. Ces prix furent réduits à 6 pence pour la première classe, à 3 pence pour la deuxième classe et à 1 penny (moins de 10 cents) pour la troisième classe, pour le parcours enlier. Or, voici les résultats comparatifs des hauts et bas tarifs.
Le 2 septembre 1849 une seule société exploite la ligne et transporte 25 voyageurs de première classe, 294 de deuxième classe, et 133 de troisième classe. Ceci se fait sous le régime du tarif élevé.
Le 5 mai 1850, la société ayant baissé ses prix au taux que je viens d'indiquer, transporte 521 voyageurs de première classe, 1,305 de deuxième, et 14,674 de troisième classe.
Depuis lors la compagnie rivale commence son exploitation. Le nombre des voyageurs transportés par l'ancienne société est comme suit :
14 juillet, 404 voyageurs de première classe, 1,355 de deuxième, et 8,087 de troisième classe. Le 8 septembre elle transporte 452 voyageurs de première classe, 1,731 de deuxième, et 10,459 de troisième classe. J'ignore le chiffre des voyageurs transportés par la société rivale ; les deux sociétés ont le même tarif et le même nombre de convois par jour.
Les recettes ont été comme suit :
2 septembre 1840 : 17 1. st. 19 sch. 6 d. ; 5 mai 1850 : 90 liv.st. 9 s. 10 d. ; 14 juillet : 62 liv. st. 8 s. ; 8 septembre : 76 liv st. 10 s. 4 d.
Le fait que je viens de vous citer est bien l'exemple le plus frappant de ce que peut produire un tarif aussi bas que possible dans un district très populeux.
Messieurs, je suis très long, je crains réellement de vous fatiguer.
- - Plusieurs membres. - Non, non ! Continuez, continuez !
M. de Brouwer de Hogendorp. - Maintenant, messieurs, voulez-vous des exemples des effets produits par l'augmentation des prix ? Je ne parlerai pas de nouveau de ce qui a eu lieu en Belgique ; on l'a contesté ; mais voyons ce qui s'est passé sur les chemins de fer étrangers et ce qui n'a été contesté par personne.
Le chemin de fer de Glascow à Paisley et Greenock, qui a une étendue de 25 milles, transportait les voyageurs à raison de 6 pence pour tout le parcours. Précédemment le prix avait été de 1 sch. ; la réduction du prix avait donné lieu à une augmentation de 52 p. c. dans le nombre des voyageurs ; le nombre des voyageurs des deux premières classes s'était réduit dans une assez forte proportion, et cependant la recette brute avait augmenté de 15 p. c. Les administrateurs crurent qu'il leur serait plus avantageux d'augmenter le prix, et ils le portèrent par conséquent de 6 pence à 1 sch. Quel fut le résultat de cette mesure ? Le nombre total des voyageurs diminua de 18 p. c.
Le nombre des voyageurs de la première et de la deuxième classe augmenta de 10 p. c, mais la recette totale diminua de 10 p. c.
On crut trouver un remède à cette diminution de recette, en améliorant les voitures ; on couvrit les waggons, et l'on crut qu'en rendant les voitures plus commodes, on provoquerait une augmentation dans le nombre des voyageurs.
Eh bien, messieurs, l'effet de cette mesure fut que le nombre des voyageurs diminua de 16 p. c. dans la première et la deuxième classe ; le nombre des voyageurs dans la troisième classe augmenta ; mais les recettes totales diminuèrent.
Lorsque la compagnie observa ce déclassement, elle trouva bon d'améliorer les voitures de deuxième classe.
Or, cette mesure eut de nouveau pour effet d'opérer un déclassement, et de ne pas augmenter le nombre des voyageurs ; ce nombre n'augmenta que par suite de la réduction du tarif, et le nombre des voyageurs diminua aussitôt qu'on essaya de relever un tarif qui était relativement beaucoup plus modéré que le nôtre.
Un autre chemin de fer, celui de Dublin à Kingston, réalisait de très beaux bénéfices ; le nombre des voyageurs était considérable ; le prix était extrêmement modéré ; mais les actionnaires s'imaginèrent un beau jour qu'en augmentant légèrement le prix, en le portant de 8 à 9 pence, on parviendrait à obtenir une recette encore plus belle ; cette augmentation de prix du transport eut pour effet une réduction dans le nombre des voyageurs, et une diminution dans le chiffre des recettes s'ensuivit immédiatement.
Il en résulta aussi, ce qui est inévitable, chaque fois qu'on augmentera le prix des voitures des différentes classes ; il en résulta un déclassement, et ce déclassement continua d'exister, alors que la société voulait revenir sur ses pas.
Le chemin de fer de Londres à Croydon, à la première année de son ouverture, avait un tarif très modéré ; il transporta 510,000 voyageurs ; l'année suivante, la société crut pouvoir faire beaucoup mieux en augmentant son tarif ; le nombre des voyageurs descendit à 420,000 ; la treoisième année, on fit une nouvelle augmentation ; la société était en perte ; or, la nouvelle augmentation qui était de 12 1/2 p. c, produisit une nouvelle diminution dans le nombre des voyageurs ; ce nombre ne fut plus que de 329,000.
La quatrième année, on ne toucha pas au tarif ; mais la diminution dans le nombre des voyageurs continua, et le nombre tomba à 258,000. En 1845, la société crut prudent de reveni rsur ses pas : elle diminua le prix du transport de 30 p c, et le nombre des voyageurs, qui était tombé à 258,000, s'éleva immédiatement à 581,000 ; en 1846, sans une nouvelle réduction de prix, le nombre s'éleva à 846,000. La dépense d'exploitation n'augmenta aucunement.
Messieurs, je vous ai cité le chemin de fer de Shrewsbury à Birmingham, où le voyageur est transporté à moins de dix centimes pour une distance de vingt kilomètres. Eh bien, messieurs, les dépenses d'exploitation n'ont été augmentées que dans une proportion excessivement faible. Je me suis donné beaucoup de peine pour rechercher quel était le (page 803) chiffre de cette augmentation, et le secrétaire de la commission m'a fait savoir, par une lettre que j'ai dessous la main, que l'augmentation de la dépense a été presque nulle.
Messieurs, je viens de vous exposer ce qui se passait sur divers chemins de fer en Angleterre ; je prévois qu'on me fera une objection ; on dira : Les tarifs anglais sont excessivement élevés ; par conséquent, l'augmentation sur ces tarifs déjà si élevés peut avoir produit un effet qui peut ne pas avoir lieu chez nous, parce que nos tarifs sont très bas, et qu'une augmentation dans le prix du transport ne peut avoir qu'une très faible influence.
C'est là, messieurs, une erreur complète ; je le disais tout à l'heure ; on se trompe étrangement sur les tarifs anglais...
Je demande pardon à la chambre d'être aussi long ; je regarde cette question comme très intéressante, et j'ai voulu pénétrer au cœur de la question. (Parlez ! parlez !)
Je disais, messieurs, qu'on se trompe sur les tarifs anglais ; voici quels sont ces tarifs ; les tarifs des voyageurs varient en Angleterre, d'après la vitesse des convois. La première classe extraordinaire (l'express) coûte (erratum, p. 812) 18 centimes 4 millièmes ; la première classe ordinaire, 12 centimes 2 millièmes ; la deuxième classe, 9 centimes 9 centièmes ; et la troisième classe 6 centimes 1 centième ; j'ai pris la moyenne, quelques compagnies ont un tarif un peu plus élevé, d'autres ont un tarif plus bas. Généralement, on accorde une réduction d'un quart ou d'un tiers, chaque fois qu'on prend des bulletins de retour. Or, presque tout le monde, en Angleterre, voyage avec des bulletins de retour ; la proportion des voyageurs avec des bulletins de retour, est considérable ; c'est presque la totalité sur quelques chemins de fer.
Eh bien, messieurs, en supposant seulement la réduction d'un quart, le prix de l'express n'est plus que de 13 c. 53 mill., la première classe n'est plus que de 9 c. 01 mill., la deuxième classe de 6 c. 67 m. En comparant nos prix aux pris anglais, il faut tenir compte d'un autre fait.
Nous payons en Belgique pour les bagages. En Angleterre la quantité de bagages qu'un voyageur peut transporter est très considérable. Il est très rare qu'en Angleterre un voyageur paye pour ses bagages. Chez nous, le produit des bagages est égal à 7 p. c. du prix du transport des voyageurs. Il faut donc déduire ces 7 p. c. du prix du transport des voyageurs ; cette déduction ne laisse plus pour les convois de vitesse que 12 c. 59 milli., 8 c. 38 mill. pour la première classe et 6 c. 29 m. pour la deuxième. Cela se rapproche infiniment de notre tarif comme vous voyez.
Mais, messieurs, il y a encore une chose dont il faut tenir compte. Qu'est-ce qui constitue les bénéfices des sociétés ? C'est bien l'argent qui entre dans leurs caisses, et non pas ce qui en sort. En Angleterre, les sociétés payent 12 p. c. à l'Etat, elles payent 5 p. c. du droit de passagers, 4 p. c. de charges locales, 2 p. c. d'income-tax, 1 p. c. de timbre. En déduisant cela du prix des tarifs, les compagnies ne reçoivent réellement pour transport d'un voyageur par convoi de vitesse que 11 c. 08 m. et par convoi ordinaire, première classe, 7 c. 37 m. et deuxième classe 5 c. 53 m.
Il y a un dernier élément essentiel dans la fixation des tarifs qu'il ne faut point perdre de vue, c'est le coût de premier établissement. Je n'en tiens pas compte pour l'Angleterre, je devrais en tenir compte cependant, car l'honorable M. Dumortier, qui prétend que nos tarifs sont si bas, disait lui-même que si nous eussions pu construire nos chemins de fer au même prix que celui de Cologne à Bonn, nous aurions pu transporter les voyageurs à un prix inférieur à celui auquel nous les transportons actuellement.
Mais, messieurs, puisque l'honorable membre veut bien tenir compte de ce coût en ce qui concerne le chemin de fer de Bonn à Cologne lorsqu'il emploie cet argument contre nous, pourquoi n'en tient-il pas compte lorsqu'il s'agit du chemin de fer français ?
Les chemins de fer français ont des tarifs plus élevés que les nôtres, c'est vrai ; mais les chemins de fer français ont coûté beaucoup plus cher que les nôtres pour leur premier établissement ; il y a une différence de 34,57 p. c. Cet élément, qu'il fallait porter en ligne de compte, a été négligé. Cependant les chemins de fer belges, s'ils ont coûté 34,57 p. c. moins cher, peuvent transporter leurs voyageurs en faisant le même bénéfice que les chemins de fer français à un taux réduit dans la même proportion.
Dois-je croire que l'honorable M. Dumortier a involontairement fait l'oubli d'une chose dont il s'est si bien souvenu quand il pouvait l'employer contre nous ? Au surplus il a encore oublié une autre chose : c'est qu'en France les sociétés ont une retenue à faire pour l'amortissement et ont à payer le dixième et des contributions directes à l'Etat. En évaluant les résultats financiers de leurs entreprises, les compagnies françaises ont dû nécessairement tenir compte de ces dépenses, que nous pouvons négliger puisque nous ne devons pas les faire.
L'honorable M. Dumortier oserait-il soutenir que si les compagnies françaises n'eussent point ces charges, que si leurs lignes n'eussent pas coûté 100,000 fr. par kilom.de plus que les chemins de fer belges et que par conséquent elles eussent pu réduire leurs tarifs dans une proportion égale, M. Dumortier oserait-il soutenir, dis-je, que ces réductions n'auraient pont augmenté le mouvement des voyageurs et les bénéfices des compagnies ? L'honorable membre qui prétend si bien connaître la France ne doit pas ignorer que le peuple français a beaucoup plus le goût du déplacement, je ne dirai pas des voyages parce que j'en exclus le déplacement à grande distance, qu'aucun autre peuple et surtout que le peuple belge. Or, l'honorable membre voudrait-il me dire si le mouvement moyen des voyageurs est aussi grand sur les lignes française que sur les lignes belges. Il doit savoir cela, lui qui parle avec une si profonde connaissance de tout ce qui se fait en France, Et s'il n'est pas si grand à quelle cause cela doit-il être attribué ?
Non, le mouvement des voyageurs n'est pas aussi grand sur les lignes françaises que sur le chemin de fer belge. Consultez les rapports des conseils d'administration et vous verrez combien cette différence est grande, et non seulement la différence est grande, quant au nombre des voyageurs, mais même pour presque toutes les lignes qui n'ont pas leur point de départ à Paris, la moyenne des recettes est, malgré leurs tarifs plus élevés, beaucoup au dessous des recettes que nous faisons. Les produits bruts de la ligne de Boulogne ne sont que de 15,700 fr., de Dieppe, 13,900 fr., du Centre, 17,100 fr., de Bâle, 16,000 fr., d'Adrezieux, 13,200 fr., de Montereau, 12,500 fr., de Marseille, 28,100 fr.
Mais l'honorable membre sait cela mieux que moi. Il doit savoir aussi, lui qui a fait une étude si sérieuse du chemin de fer du Nord, que les sections de Dunkerque à Calais ne donnent que 13,300 fr. de recettes par kilomètre, et la ligne de Creil à Saint-Quentin 13,500 fr.
Il y a des lignes qui donnent un produit beaucoup supérieur, je l'avoue, mais je dirai que c'est malgré les tarifs élevés, parce que ces lignes ont leur source d'alimentation dans ce grand centre de population : qu'on appelle Paris ; et ce qui prouve que cette observation est juste, c'est qu'il y a une décroissance progressive des produits à mesure qu'on s'éloigne de Paris. C'est la population de l'immense capitale qui occasionne pour le chemin de fer du Nord un produit plus élevé que pour nos lignes et non point son tarif plus élevé.
Messieurs, je rencontrerai encore une objection, elle est puisée dans les chemins de fer allemands. On dit : Les tarifs allemands sont beaucoup plus élevés que les nôtres. Pourquoi n'adoptez-vous pas les mêmes tarifs ? Notre pays est plus riche que l'Allemagne ; nous pourrions établir des péages aussi élevés que ceux qui ont été adoptés en Allemagne. On confond l'Allemagne avec la Prusse. En Prusse, les tarifs sont plus élevés que chez nous, cela est vrai ; mais en Bavière ils sont de (erratum, p. 812) 0 c. 87 m, 0 c. 58 m. et 0 c. 38 m. pour les trois classes. Mais dans le duché de Baden ils sont plus bas pour la dernière classe. Les waggons découverts n'y payent que 0 c. 28 m. par kilomètre. Et quels sont les chemins qui produisent le plus ? Sont-ce ceux dont les tarifs sont hauts ou ceux dont les tarifs sont bas ?
Ce sont les chemins dont les tarifs sont les plus bas ; ce sont ceux-là qui produisent le plus. (erratum, p. 812) Quelques-uns des chemins de fer d'Allemagne ont besoin de fixer leurs tarifs beaucoup plus haut qu'en Belgique, c'est que la population est moins dense ; il faut se contenter d'un petit nombre de voyageurs ; si on réduisait le tarif, on ne trouverait pas un nombre suffisant de voyageurs pour payer les intérêts du capital engagé ; il a fallu prendre des tarifs plus élevés.
Ces tarifs ont un résultat tout naturel : celui de limiter considérablement le nombre des voyageurs. Pourrions-nous nous contenter d'un nombre analogue de voyageurs ? Pourrions-nous nous contenter du produit qu'on obtient en Allemagne ? Quel est ce produit ? Je ne veux pas prendre la moyenne des recettes sur toutes les lignes. Je vais prendre les dix-huit lignes les plus productives. La moyenne des recettes de ces lignes est de 80 mille francs par lieue, tandis qu'en Belgique il est de 124 mille francs. Voilà le résultat produit par les tarifs élevés et celui obtenu avec les tarifs modérés.
Mais, messieurs, est-il bien démontré, je ne dirai pas que le chemin de fer en Belgique, pour le transport des voyageurs, est en perte ; mas est-il bien démontré que le produit n'est pas assez grand qu'il est moindre en Belgique que dans les pays étrangers ? Je ne crois pas que cette question ait été examinée. Ceux qui se sont prononcés sur nos tarifs et ont prétendu que nos tarifs étaient ruineux, n'ont pas étudié la question ; ils ne se sont pas demandé ce que nos tarifs produisent.
Messieurs, pour juger si un chemin de fer fait plus ou moins de profit qu'un autre sur le transport des voyageurs, il n'y a pas d'autre moyen que de comparer le produit de ces chemins de fer entre eux par convoi-lieue, c'est-à-dire comparer les recettes qu'aura fournies un convoi par kilomètre ou lieue de parcours avec celles faites par un autre chemin de fer pour le même parcours. Je ne crois pas qu'il y ait un moyen plus sûr que celui-là pour pouvoir porter un jugement sur la valeur d'un tarif ; je crois même que c'est le seul moyen.
Notre chemin de fer a produit en 1850 pour chaque lieue parcourue par un convoi 19 francs 69 c. pour voyageurs et marchandises à grande vitesse.
Dans la Grande-Bretagne, sur le chemin de fer qui produit le plus, sur le chemin de fer qui a le plus d'étendue et qui vient aboutir à tous les grands centres de population, à Londres d'un côté, à Manchester et Liverpool de l'autre, le produit par lieue de parcours est pour voyageurs et petites marchandises de 20 francs.
J'ai voulu savoir ce que d'autres chemins de fer établis dans des centres populeux produisent et j'ai trouvé que la ligne qui traverse les districts si populeux des comtés d'York et de Lancastre ne donne que 18 francs par convoi-lieue. Il est de 19 fr. 69 chez nous et l'on vient dire que nous transportons les voyageurs à perte !
Faisons justice, messieurs, de ces exagérations ! En France, sur le chemin de fer du Nord les recettes pour voyageurs et bagages par locomotive-lieue sont de 19 fr. ; en Belgique ce produit est de 17 fr. 50 c. Il y a donc une différence de 1 fr. 50 c, mais le résultat eût été plus avantageux pour la Belgique, si j'avais pu faire le calcul par lieue de parcours de convoi.
En France, je parle du chemin de fer du Nord, les locomotives ont (page 804) généralement en puissance 60 p, c. de plus qu'en Belgique, par conséquent il est rare que les convois y aient une locomotive d'assistance. En Belgique, ce cas est excessivement fréquent.
Messieurs, je bornerai ici mes observations pour aujourd'hui. Si la chambre veut bien m'entendre dans une autre séance, je combattrai les propositions de la section centrale, que je considère comme une des plus grandes erreurs que l'on ait pu produire devant la chambre. J'en dirai un seul mot.
Son système de convois de vitesse faisant au moins 50 kilomètres à i'heure avec des voitures de trois classes, est inexécutable.
Le tarif qu'elle propose pour cette espèce de convois serait réellement ruineux.
Nous n'avons pas le matériel nécessaire pour réaliser ce système. Nous n'avons pas le matériel convenable pour pouvoir établir des convois de vitesse composés de voitures de première, deuxième et troisième classes et (erratum, p. 812) même de convois de première et deuxième classes sur toutes nos lignes et embranchements. Nos locomotives ne sont pas assez puissantes pour cela, et leurs roues motrices n'ont pas un diamètre suffisant. Nos rails ne sont pas assez forts pour cela.
La proposition de faire transporter les voyageurs en même temps que les marchandises n'est pas plus heureuse. Elle augmenterait considérablement les dépenses alors même que l'on ne ferait faire aux convois que quatre lieues à l'heure, mais elles deviendraient immenses s'ils devaient faire cinq lieues. Ce serait obliger les convois de marchandises de marcher avec une vitesse moyenne de 33 à 40 kilomètres à l'heure.
Les honorables membres ont-ils calculé ce qu'il en coûterait, et à la voie pour les arrêts fréquents avec des convois composés de 30 à 33 waggons lourdement chargés, et pour leur passage rapide sur des rails trop faibles déjà pour nos convois ordinaires, et pour frais de locomotion et réparations ?
J'examinerai ces questions lorsqu'on en viendra à la discussion des articles.
Je finis, messieurs, en déclarant que j'ai la conviction intime qu'il serait dangereux de relever le tarif des voyageurs. Est-ce à dire pour cela qu'il n'y a rien à faire pour rendre le chemin de fer plus productif ? Non, je crois que bien des mesures utiles pourraient être prises, et la première, c'est la diminution des dépenses. Il y a beaucoup à faire aussi quant aux marchandises, et peut-être pourrait-on rendre les convois internationaux plus productifs. Mais j'abuse, messieurs, de votre bienveillance à laquelle je suis bien sensible, et je finis.
(page 784) - La séance est levée à 4 heures et demie.