(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 537) M. Ansiau procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau fait connaître l'analyse de la pièce suivante adressée à la chambre.
Pièces adressées à la chambre
« Le sieur François-Marie Bisso, lieutenant au 2ème régiment de ligne, né à Gènes, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
M. le Bailly de Tilleghem demande un congé de quelques jours.
- Ce congé est accordé.
M. de Chimay. - Messieurs, vous me permettrez, en ma qualité d'ancien gouverneur du Luxemhourg, d'ajouter quelques mots aux observations que vous a présentées hier l'honorable M. Jullien, en faveur d'une province qui a droit à mes plus vives sympathies.
Je ne partage pas toutefois l'opinion du préopinant sur la valeur stratégique de la ville de Bouillon. Je pense que si nous avions la guerre, il en serait de cette ville comme de plusieurs autres de la même catégorie ; il faudrait les abandonner sous peine de compromettre inutilement leurs garnisons.
En temps de paix, je conçois les nombreux avantages que procure une garnison, et je suis peut-être, à cet égard, sur un meilleur terrain que mon honorable collègue, car je ne réclame pas tout à la fois les bénéfices de l'armée en protestant contre les dépenses qu'elle entraîne.
Lorsque j'avais l'honneur de gouverner le Luxembourg, j'ai moi-même fait des instances pour obtenir qu'on y envoyât de préférence de la cavalerie ; je crois qu'il y aurait un triple avantage, au point de vue militaire, au point de vue de la sécurité publique, et enfin sous le rapport agricole.
Vous connaissez tous, messieurs, la situation d'Arlon. En cas d'attaque, un ou deux bataillons d'infanterie seraient bien vite enveloppés et perdus. La cavalerie, au contraire, pourrait facilement se replier sur le corps d'armée chargé d'opérer dans la province.
En cas de désordre intérieur, la cavalerie rendrait également des services bien plus efficaces, dans un pays où les centres de population sont très éloignés les uns des autres. Non seulement la présence d'un ou deux escadrons profiterait à l'agriculture, par suite des engrais, si rares dans ce pays ; mais les élevéurs, mieux éclairés en ayant sous les yeux les chevaux dont l'armée a besoin, apprécieraient mieux ce qu'ils ont à faire pour éviter les mécomptes dont nous parlait l'honorable M. Jullien. Aujourd'hui, messieurs, en présence de nos règlements et de la limite d'âge, il y a évidemment très peu de marge pour le choix des commissions de remonte, et a cet égard, je ne puis m'associer au blâme que M. Jullien nous a signalé, et auquel je suis sûr qu'il reste étranger.
Je n'aime pas à inculper à la légère, et sans être chargé de la défense des agents du gouvernement, je suis convaincu qu'ils remplissent loyalement et consciencieusement leur devoir.
Il ne faut pas oublier non plus, messieurs, que l'élève du cheval est encore très coûteuse en Belgique. Je ne pense pas que, dans l'état actuel, on puisse fournir des chevaux de 5 ans, réunissant d'ailleurs toutes les conditions requises, pour moins de mille francs, ce qui dépasse nos crédits. Il faut cependant le reconnaître, il y a progrès dans les acquisitions faites dans le pays, espérons que ce progrès continuera.
M. de Steenhault. - J’ai demandé la parole, messieurs, pour appuyer les réclamations qui vous ont été adressées hier, par l'honorable M. Jullien, relativement à la remonte de la cavalerie. Les faits dont il s'est plaint ne se sont pas seulement passés dans le Luxembourg, ils se sont reproduits dans beaucoup d'autres localités.
L'honorable M. Jullien était en dessous de la vérité quand il vous a dit que 237 chevaux sur 486 avaient été achetés à l'étranger. Il résulte d'une note qui émane de la cour des comptes, et que voici, que ce n'est pas 237, mais bien 322, qui ont été pris à l'étranger.
Il est pour moi évident que jusqu'à présent ce système a été pour ainsi dire un parti pris, et je suis d'autant plus fondé à le croire qu'il est arrivé, et vous pouvez, messieurs, consulter le Moniteur, qu'on annonçait une adjudication de chevaux, le même jour que l'on faisait appel aux éleveurs belges et par conséquent avant que l'on pût connaître le résultat obtenu par les commissions de remonte.
M. Servaes, commissaire du Roi. - Le budget de 1850 alloue au département de la guerre les crédits nécessaires pour l'achat de 471 chevaux de selle.
Au mois de mars dernier, le déparlement de la guerre mit en adjudication publique la fourniture de 200 de ces chevaux, et il réserva les 271 autres pour être achetés dans le pays.
A cet effet, il institua, dans chaque régiment de troupes à cheval, une commission d'officiers présidé par les chefs de corps qui eut ordre d'acheter tous les chevaux de selle indigènes qui lui seraient présentés et qui réuniraient les conditions voulues.
Ces commissions eurent non seulement mission d'acheter les chevaux propres au service de leur corps, mais aussi d'en acquérir pour les autres régiments : cuirassiers, guides et lanciers, et de les diriger sur les corps pour lesquels les achats auraient été effectués.
Quant aux régiments de chasseurs à cheval, ils avaient reçu plus de chevaux lors de la remonte de 1848, et par conséquent, le nombre qu'ils devaient recevoir en 1850 était très restreint.
Bien que ces commissions aient fonctionné jusqu'à la fin de 1850, elles n'ont pu acheter que 103 chevaux.
Vers la fin du mois d'août dernier, lorsque le ministre de la guerre eut reconnu l'impossibilité de compléter la remonte au moyen d'achats faits dans le pays, il fut obligé de faire une commande supplémentaire de chevaux étrangers aux clauses et conditions du contrat de l'adjudication du mois de mars.
Cependant, il réserva un certain nombre de chevaux afin de pouvoir faire continuer les achats dans le pays, et en ce moment encore, il reste 4 chevaux à acheter par le premier régiment de chasseurs, en garnison à Mons.
M. Jullien. - J'ai demandé la parole pour présenter à la chambre le corollaire des observations de M. le commissaire du gouvernement,en relevant une erreur qu'il a commise. D'après le budget de 1850, on devait acheter, non pas 471 chevaux, mais bien 486 chevaux. Ce fait est indiqué dans les développements mêmes du budget. Or, de l'aveu de M. le commissaire du gouvernement, on n'a acheté que 103 chevaux ; consé-uemment l'on a acheté à l'étranger 383 chevaux, au lieu de 257, chiffre que j'avais indiqué hier. C'est là un résultat plus déplorable encore que celui que j'ai signalé.
M. de Denterghem. - Il est une chose, messieurs, à laquelle il faut faire attention. On a rencontre dans une partie du pays des chevaux qui ne répondent pas entièrement aux qualités qu'on en exige. C'est parce que l'on a mal choisi la localité. Il arrive que, dans une partie du Luxembourg ou dans les Ardennes.on cherche des chevaux de grosse cavalerie, et l'on a tort, car on ne peut y trouver que des chevaux de train, pour l'artillerie légère ou pour la cavalerie légère. Si une commission générale pouvait parcourir le pays et acheter à des jours indiqués les chevaux dont l'armée peut avoir besoin, on pourrait rencontrer les chevaux de différentes catégories dont on a besoin. Mais quand on se borne à acheter telle ou telle qualité de chevaux dans telle ou telle partie du pays au hasard, il est évident qu'on n'atteindra aucun résultat.
Je demande donc qu'à l'avenir, si l'on veut acheter encore des chevaux dans le pays, on puisse le faire.
M. Servaes, commissaire du Roi. - Je dois répondre à l'honorable M. Jullien qu'effectivement le budget porte 486 chevaux de selle à acheter, mais dans ces 486 chevaux sont compris 15 chevaux de haute école pour l'école d'équitation à Ypres ; ceux-là on ne peut pas les faire acheter dans le Luxembourg.
Quant aux commissions chargées d'acheter les chevaux dans le courant de l'année, on a donné à chaque chef de corps l'autorisation d'acheter des chevaux pour les régiments de cuirassiers, de guides et de lanciers. Les chasseurs à cheval n'avaient pas besoin de chevaux parce qu'en 1848 on leur avait donné par escadron 15 chevaux de plus qu'aux lanciers.
J'ajouterai que les chefs de corps n'ont pu se procurer que 6 à 7 chevaux de grosse cavalerie pendant l'année 1850.
M. de Theux. - Messieurs, si mes informations sont exactes les marchands de chevaux français viennent constamment acheter des chevaux en Belgique. Je pense donc que le département de la guerre pourrait, en prenant des précautions, parvenir aussi à en trouver dans la Belgique une quantité plus grande que celle qui a été demandée jusqu'à présent. Dans le courant de l'année, les chevaux ont été à très bas prix.
M. Servaes, commissaire du Roi. - Messieurs, je me permettrai de faire remarquer que, depuis 15 ans, pas un seul cheval de irait n'a été acheté à l'étranger. Nous savons que la Belgique en produit plus qu'il n'en faut pour les besoins de l'armée. Il serait à désirer qu'on pût en faire autant pour les chevaux de selle. Il faut espérer qu'on pourra un jour se procurer également ces chevaux dans le pays ; mais jusqu'à présent, on n'a pu trouver que le tiers au plus du nombre dont on avait besoin. En 1848, on en a obtenu la moitié, parce que bon nombre de particuliers se défaisaient alors de leurs chevaux de luxe.
Quant aux chevaux que les marchands français viennent acheter dans le pays, principalement dans le Luxembourg, ce sont des chevaux non pas de 5 ans, mais de 2 à 3 ans et dont le plus grand nombre doit servir pour le trait. Quelques-uns, quand ils atteignent l'âge de 5 ans, peuvent être employés à la selle. En 1849, le département de la guerre a acheté un certain nombre de chevaux de selle, quinze, je crois, et quand on les a soumis au manège, on a dû en faire passer 7 au service de trait parce qu'on n'avait pu plier leur encolure de manière à les rendre propres à la cavalerie.
M. de Chimay, rapporteur. - J'ai demande la parole pour compléter les explications que vient de donner M. le commissaire du gouvernement, en ajoutant que si les marchands français viennent acheter des chevaux dans notre pays pour la cavalerie, c'est qu'en France le système de remonte est différent. Le gouvernement français, reconnaissant l'impossibilité de se procurer en nombre suffisant des chevaux n'ayant pas moins de 4 et pas plus de 6 ans, comme l'exigent les règlements, a créé des dépôts de remonte pour lesquels on achète des chevaux de (page 538) 2 à 3 ans, qu'on y dresse jusqu'à l'âge de 5 ans pour les répartir entre les différents services de l'armée.
Voilà pourquoi les marchands français peuvent acheter chez nous des chevaux pour la remonte, tandis que nous, qui sommes renfermés dans les strictes exigences du service, nous ne pouvons pas trouver les chevaux qu'il nous faut.
- L'article 21, « Pain, 1,347,332 fr. 14 c », est mis aux voix et adopté.
« Art. 22 Fourrages en nature : fr. 2,081,000. »
M. Osy. - Messieurs, je viens m'opposer à la partie du programme du gouvernement qui se rapporte à cet article. A l'ouverture de la discussion du budget de la guerre, on nous disait que les 400,000 fr. que la section centrale propose de porter en majoration à l'article 22, on les trouverait sur les excédants des exercices 1850 et 1851. Messieurs, moi qui depuis deux ans, avec beaucoup d'honorables collègues de la gauche, avons toujours critiqué les crédits supplémentaires, vous pensez que ce n'est pas aujourd'hui que je me tairai. J'ai dit que je les combattrais toujours quand il s'agirait de dépenses prévues qu'on pourrait comprendre dans les budgets au moment de la discussion.
Aujourd'hui, c'est tout à fait le cas : lors de la discussion du budget de la guerre en section centrale, nous connaissions le prix des fourrages, nous savions que la ration forte était portée à 1,04 et la ration légère à 93 centimes.
Ayant vu dans les journaux que l'adjudication était faite à des prix bien plus élevés, nous avons demandé à M. le ministre de la guerre un tableau des besoins extraordinaires de ce service. Vous voyez à la suite du rapport que M. le ministre nous a fait connaître qu'il aura besoin d'une augmentation de 500,000 fr., qu'il peut cependant se contenter de 400,000 fr., parce qu'il n'achètera qu'à la fin de l'année les chevaux dont il aurait besoin dans le courant de l'année.
La section centrale, après avoir reçu ce renseignement, a trouvé convenable, à l'unanimité, de majorer de 400,000 fr. le chiffre de l'article 22.
Aujourd'hui, le gouvernement nous propose de procéder de la manière la plus irrégulière ; il demande que cette augmentation de dépense soit couverte par le transfert des économies réalisées ou à réaliser sur les divers articles des budgets de 1850 et de 1851. Or, il s'agit d'une dépense prévue qui doit être portée au budget.
Je concevrais la proposition du gouvernement si le prix des fourrages était plus élevée que l'année dernière. Mais il n'en est rien. D'après le tableau qui a été distribué, à la demande de l'honorable M. Malou, la ration des fourrages, de 1835 à 1850, a été de 1 fr. 27 c. pour les fortes rations et de 1 fr. 13 c. pour les rations légères. Les adjudications de cette année sont de I fr. 30 c. et de 1 15 c. Ainsi, à 2 centimes près, c'est la moyenne du prix des fourrages pendant les quinze dernières années.
Je dis donc qu'il serait régulier de porter au budget les 400,000 fr. nécessaires.
Pour que le ministre intérimaire de la guerre qui, lorsqu'il n'était pas ministre, s'opposait à ce que les dépenses prévues lors du vote du budget fussent couvertes au moyen de crédits supplémentaires, se refuse à porter cette somme au budget, il faut qu'il y ait une raison cachée ; car c'est contraire à toute comptabilité et à la vérité.
Lorsque j'étais dans l'opposition, on m'a soutenu dans ce système. Si l'on m'abandonne, je dis qu'il n'y a plus de système.
Je demande que l'article soit augmenté de 400,000 fr.
M. Delehaye. - Les 400,000 fr. sont compris dans le chiffre de 2,081,000 fr., proposé d'accord avec la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. le général Brialrnont, ministre de la guerre, a proposépour le service des fourrages une allocation de 2,081,000 francs, répondant au chiffre de l'année dernière.
A l'époque où le budget a été présenté, au commencement de 1850, on ne connaissait pas quels seraient les prix des fourrages pour 1851. Ce n'est que postérieurement à la présentation du budget que l'adjudication des fourrages a révélé des prix supérieurs à ceux de l'année 1850.
Dès lors, messieurs, l'éventualité d'une augmentation dans les dépenses pour les fourrages dut être prévue ; et en présence de cette éventualité, M. le ministre de la guerre fit des réductions sur le budget de 1850. (Interruption.)
J'expose les faits tels qu'ils sont ; nous n'avons rien à cacher ; nous n'avons aucun intérêt à rien dissimuler.
En présence de ces augmentations aà prévoir, M. le ministre de la guerre fit, je le répète, des réductions sur le budget de 1850 : il vendit un certain nombre de chevaux. Il pensa qu'au moyen des réductions qu'il ferait sur le budget de 1850, il parviendrait à couvrir la différence en plus que présenterait le budget de 1851 du chef des fourrages. C'est un résultat qu'il a obtenu.
Le budget de 1850, on peut le constater dès à présent, laissera un excédant disponible considérable. Voilà, messieurs, comment les choses se sont passées.
Le ministre de la guerre ne demanda pas d'augmentation au budget de 1851. Il voulut par là témoigner de son désir sincère d'introduire des économies dans ce budget.
Aujourd'hui, messieurs, d'après ce que nous savons d'une manière certaine du budget de 1850, on pourrait trouver sur cet exercice, la somme nécessaire pour couvrir la différence résultant de l'augmentation du prix des fourrages.
En second lieu, le ministère prend l'engagement de retrouver, ainsi que l'a annoncé M. le général Brialrnont, sur divers articles du budget de 1851, une partie de la somme nécessaire pour couvrir, au besoin, la différence provenant de l'augmentation du prix des fourrages.
Nous ne demandons pas qu'un article de la loi autorise le gouvernement à faire l'opération que je viens d'indiquer. Ce n'est que par la suite, vers la fin de l'exercice actuel, lorsque le gouvernement aura constaté si, oui ou non, il y a insuffisance du chiffre des fourrages, qu'il viendra vous demander l'autorisation de faire l'opération qu'il a en vue, et qui consistera à reporter sur 1851 les économies qui ont été faites en 1850 ; et si ces économies ne suffisent pas, à transporter de certains articles du budget actuel, qui ne seront pas entièrement absorbés, les sommes nécessaires sur l'article fourrages, afin de couvrir la différence.
Voilà le système qui a été annoncé et développé par l'honorable général Brialmont ; et nous n'avons aucune espèce d'arrière-pensée en nous ralliant à ces considérations.
M. Delehaye. - Ainsi, le gouvernement ne se rallie pas à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande que le budget soit voté tel qu'il a été présenté.
M. Malou. - es explications données par M. le ministre de la guerre ad intérim sont très claires sans doute : mais son système ne me paraît cependant ni meilleur, ni plus admissible.
On vous propose de ne pas porter au budget une dépense qui est reconnue nécessaire dès à présent. Je pense qu'on ne niera pas la nécessité, pour 1851, d'employer pour l’achat des fourrages une somme de 2,481,000 francs, et on vous demande de ne porter que 2,081,000 fr.
On dit, messieurs, que l'on est animé du désir de faire des économies. Nous sommes tous animés de ce désir. Si la dépense disparaissait par cela seul qu'on ne vote pas la somme au budget, on ferait une économie.
Ici on vous propose, non pas de réaliser une économie, mais seulement de ne pas porter au budget une dépense reconnue nécessaire de l'aveu de tous.
Messieurs, ce système, je ne veux pas le qualifier en fait, la qualification que je pourrais y appliquer serait peu parlementaire ; mais en droit, ce système est non seulement contraire à la Constitution, qui nous oblige à porter au budget toutes les dépenses reconnues nécessaires, il est également en opposition avec les principes de la loi de comptabilité et avec tous les précédents de l'administration et du gouvernement.
La dépense est-elle nécessaire, oui ou non ? Si elle n'est pas nécessaire, ne la votons pas ; mais si elle est reconnue nécessaire, portons-la au budget.
On dit qu'on a fait des économies, qu'il y a des excédants disponibles sur le budget de 1850 et que cette année, comme toujours, il restera probablement des excédants disponibles sur certains articles ; mais qu'importe ? Ce qui n'a pas été dépensé en 1850 est resté au trésor ; ce qui sera économisé en 1851 restera également au trésor, de sorte que, en réalité, tout ce qu'on nous demande c'est de nous placer dès à présent et gratuitement, sans aucun motif, dans la nécessité de voter une fois de plus une loi de crédit supplémentaire.
Toutes les administrations qui se sont succédé se sont attachées à réduire le nombre des crédits supplémentaires. On ne peut pas toujours les éviter ; avec les meilleures intentions du monde, quelque bien raisonnées qui soient les prévisions du budget, on n'arrivera jamais, pour certaines dépenses, à éviter complètement les crédits supplémentaires ; mais ici il s'agit, dès à présent, de décider qu'on devra plus tard présenter une loi spéciale, provoquer la nomination d'une commission et faire perdre du temps à la chambre pour voter un crédit supplémentaire, alors que la nécessité de la dépense est parfaitement constatée.
Messieurs, je n'attacherais pas une grande importance à ce chiffre s'il ne s'agissait pas d'un principe ; je dirai plus, si MM. les ministres pouvaient nous donner un motif plausible, un motif quelconque, indiquer un intérêt sérieux, autre chose enfin qu'une petite question d'amour-propre. (Interruption.) Je reprends l'interruption. Vous vous serez dit, peut-être, qu'il fallait que le chiffre apparent du budget, celui qu'on montre au public, fût moins élevé pour 1851 que pour 1850, et c'est pour ce motif que vous voulez nous amener à ne pas porter au budget une dépense reconnue nécessaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Malou vient de poser en fait ce qui est en question. Il s'agit de savoir si, en réalité, la dépense pour fourrages aura lieu, si elle aura lieu entièrement. (Interruption.) Supposons que le gouvernement ne juge pas nécessaire de conserver ou d'acheter dans le cours de l'année 1851, le nombre de chevaux pour lesquels on veut augmenter l'allocation ; dans ce cas, la dépense présumée ne se fera pas. C'est une hypothèse....
Cela est possible. (Interruption.) Il dépend du gouvernement de prendre une résolution à ce sujet ; il dépend du gouvernement de décider qu'on n'achètera pas, cette année, le nombre de chevaux de trait, par exemple, qui est supposé. S'il en était ainsi, la dépense ne s'effectuerait pas.
Il est bien certain, d'un autre côté, que si le gouvernement achète tous les chevaux présumés nécessaires, l'allocation présentera une insuffisance de 400,000 fr. Que vous a dit le gouvernement en présence de cette éventualité ?
Il a dit que, pour le cas où le crédit qu'il sollicite serait insuffisant de cette somme de 400,000 francs, parce que le fourrage est à un prix plus élevé, il viendrait demander un transfert, non pas précisément un crédit supplémentaire, contre lequel s'élevait l'honorable M. Osy dans les sessions précédentes, mais le transfert d'une somme restée disponible.
(page 539) M. le ministre de la guerre l'a annoncé à la chambre ; il a dit : Dans les derniers mois de l'année 1850, j'ai prévu une augmentation dans le prix des fourrages ; je me suis mis immédiatement à l'œuvre afin de préparer une somme plus considérable d'excédant sur le budget de 1850 pour l'appliquer au budget de 1851, et je me réserve de demander un transfert de cette économie, réalisée précisément en vue de ce surcroît de dépense.
Tel a été le raisonnement de M. le général Brialmont ; voilà ce qu'il a fait connaître à la section centrale et dans les notes qu'il a communiquées.
Il a ajouté que si cet excédant sur le budget de 1850 ne suffisait pas, il tâcherait de faire encore d'autres économies pour couvrir l'excédant de dépenses du budget de 1851.
En d'autres termes, voici ce que l'on a entendu annoncer à la chambre : S'il y a là un excédant de dépense, nous nous engageons à faire des économies pour le couvrir éventuellement. Au fond, comme on le voit, l'affaire n'a pas la moindre importance, et le mode indiqué ne sert qu'à attester les bonnes intentions du cabinet, au point de vue des économies.
Les honorables MM. Malou et Osy prétendent que cela est irrégulier, que cela est contraire à la loi, voire même à la Constitution.
Il n'en est absolument rien : la Constitution suppose qu'il peut y avoir des transferts, puisqu'elle décrète que les transferts ne peuvent être opérés qu'en vertu d'une loi. Eh bien, lorsque le besoin d'un transfert se fera sentir, nous proposerons un projet de loi tendant à l'autoriser, et nous resterons ainsi dans les termes de la Constitution. Quant à la loi de comptabilité, en quoi y serait-il dérogé par la mesure que nous proposons ? Rien ne serait plus facile que de faire cesser tout scrupule à cet égard ; une disposition insérée au budget permettrait d'appliquer les excédants disponibles de certains articles du budget de 1851 à l'insuffisance éventuelle de l'article fourrages. (Interruption.) Mais, messieurs, je m'étonne vraiment des réclamations que j'entends de la part de l'honorable M. Malou. Il est bien évident que si nous voulons appliquer quelque chose à couvrir cette insuffisance, d'après l'indication que je donne, ce ne peut être qu'un excédant du budget même de 1851 ; et c'est parce que nous prévoyons cet excédant que nous pourrions proposer de l'appliquer à couvrir cette dépense éventuelle.
J'ai indiqué un moyen pour faire cesser toute espèce de critique ; ce moyen est appliqué depuis longtemps, du reste, et consacre par le vote de différents budgets. Le budget des travaux publics, qui vient d'être voté par vous, contient une disposition formelle qui autorise M. le ministre des travaux publics à appliquer les excédants de certains crédits à l'insuffisance de certains autres.
Cela s'est donc fait pour le département des travaux publics. Ce département projetait quelque réorganisation ; on présumait que certaines dépenses qui sont faites à l'administration du chemin de fer pourraient être faites éventuellement à l'administration centrale du département. On demandait en conséquence l'autorisation de pouvoir imputer un article sur l'autre, et la chambre y a consenti. C'est précisément ce que vous avez autorisé chaque année pour le département des finances, et vous avez agi de la sorte dans l'intérêt d'une bonne administration.
On autorise à imputer d'un article sur l'autre, on pourrait le faire ainsi sans aucun inconvénient pour le département de la guerre.
Messieurs, en France, la comptabilité est excellente, c'est une comptabilité modèle. En France, le budget comprend-il cette minutie d'entraves, ces restrictions qui existent dans notre budget ? En aucune manière. Le budget est voté chapitre par chapitre, les articles de ces chapitres peuvent être transférés de l'un à l'autre. Ce que j'indique n'aurait pas d'autre résultat. On pourrait, je le répète, autoriser, sans inconvénient, le département de la guerre à imputer de l'un article sur l'autre. Nous ne le proposons pas, parce que la dépense est éventuelle et qu'il y aura d'autres moyens d'y pourvoir. (Interruption.)
M. Cools. - Pourquoi chercher tous ces moyens détournés ? Il y a un moyen direct.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'an passé, qu'a fait le ministre de la guerre ? Il a vendu un certain nombre de chevaux, et il a diminué sa dépense, et vous dites qu'il est impossible que le gouvernement agisse de la même manière en 1851, soit en ne vendant pas, soit en n'achetant pas la quantité dont il a le droit de disposer !
L'honorable M. Cools me dit : Pourquoi ces moyens détournés ? Où est, je vous prie, le moyen détourné ? La dépense est encore éventuelle ; il n'est pas nécessaire de la porter au budget ; le gouvernement s'engage, en tous cas, à faire les économies nécessaires pour couvrir cette dépense. Quel est le système que veulent substituer à celui-là nos honorables contradicteurs ? Ils disent au gouvernement : Nous vous donnons une allocation plus forte que celle que vous demandez. Mais pourquoi ne pas nous laisser tenter les économies que nous espérons ? Pourquoi ne pas nous laisser chercher à réduire les crédits mis à noire disposition. iNous voulons essayer de combler cette différence, nous voulons nous efforcer de faire des économies, et c'est là surtout l'intention qui a dirigé le gouvernement. Il n'y a évidemment d'autre intérêt engagé ici, que celui de bien constater notre désir de maintenir les dépenses dans les limites les plus rigoureuses. A part cela, nous n'avons aucun motif de refuser ce que l'on veut nous imposer.
M. Lebeau ; - Je n'aurais pas pris la parole dans cette discussion d'un intérêt extrêmement subalterne, si un appel ne m'avait pas été fait, en ma qualité de membre de la gauche et de la section centrale, par l'honorable M. Osy.
Je pense que personne ne me contestera la qualité de membre de la gauche, parce que, fidèle à d'anciennes convictions, je suis en dissidence avec une partie de ses membres sur la question de notre organisation militaire.
Comme membre de la section centrale, je suis obligé de donner quelques explications, pour qu'on ne s'imagine pas que cette proposition ait l'importance qu'on paraît vouloir lui donner, à en juger, notamment, par la chaleur avec laquelle l'honnorable ministre des finances vient de parler.
Comme économie, la question n'a aucune importance. Maintenant, comme augmentation de dépense, elle ne m'inspire pas grande défiance quand elle se présente sous le patronage de M. Osy.
Lorsque je ne connaîtrais pas les motifs qu'il a parfaitement déduits pour justifier la proposition de la section centrale, je n'y verrais encore, à l'énoncé seul de cette proposition, qu'une régularisation, la condamnation d'une tentative d'irrégularité.
Je prends le dernier argument de M. le ministre des finances, je vais faire voir où il nous conduirait.
Le gouvernement, par cela même qu'il est en possession d'un budget, n'est assurément pas tenu de le dépenser jusqu'au dernier sou.
Le gouvernement est armé d'un budget, mais il ne le dépensera pas en prodigue, en aveugle ; il ne fera usage du budget que pour autant que les besoins du service l'exigent. Les éventualités diverses qui se produiront pendant l'exercice peuvent influer, non sur l'emploi d'un seul, mais sur l'emploi de plusieurs articles, peut-être de presque tous. Ainsi nous avons voté une somme considérable pour la solde des hommes ; s'il convient au gouvernement, si les circonstances permettent de n'appeler que les trois quarts des soldats, il y aura évidemment, du chef de la solde, un boni, une économie. M. le ministre des finances serait-il fondé à dire pour cela, dès aujourd'hui : Laissez-moi imputer ce boni, que je crois probable, pour faire face à un autre service, pour lequel je demande moins qu'il ne faudra ; laissez-moi, non seulement la faculté d'imputer des économies à opérer sur tel article, en faveur de tel autre, de l'article fourrages, par exemple, ou de l'article pain, de l'article couchage, etc. ? Abandonnez tout cela à mon libre arbitre, je vous apporterai des économies.A la vérité le boni ordinaire sera fort amoindri, absorbé peut-être.
Savez-vous ce que c'est que cela ? C'est la ruine du budget, la ruine de la spécialité, qui en fait la base, le caractère, la garantie. C'est la liberté donnée au gouvernement de transférer comme il lui plaît. Voilà, sans nulle exagération, où nous conduirait, par une déduction logique, le système de M. le ministre des finances.
On n'a rien dit, en section centrale, de ce qu'on nous dit en séance publique. On a dit : Les besoins sont prévus ; ils sont de 400,000 francs supérieurs au chiffre des prévisions de notre projet. Mais nous ne portons pas ces 400,000 fr., parce que nous avons un boni sur l'exercice précédent, et c'est sur ce boni que nous prendrons ces 400,000 fr.
Il ne s'agissait pas alors de ce que vient de dire M. le ministre, des économies à faire sur l'exercice actuel : on parlait de faits accomplis, on parlait d'un actif sur un vieux budget, de la ressource qu'il offrait, c'est-à-dire que, de gaieté de cœur, plutôt que d'élever purement et simplement le chiffre au niveau des besoins reconnus, on annonçait l'intention de recourir à des crédits supplémentaires, à des crédits supplémentaires sans l'ombre de raison, de nécessité, pour des dépenses qu'il était possible d'apprécier et de comprendre dans le budget de l'Etat. Si vous ne votez pas aujourd'hui, messieurs, les 400,000 francs, vous les voterez probablement dans trois ou quatre mois, mais sous la forme de crédits supplémentaires, ou plutôt de transferts.
Je ne puis pas supposer qu'on y mette de l'amour-propre d'aucun côté ; la question est indifférente, encore une fois, comme chiffre. Elle n'a de valeur que comme irrégularité, que comme un mauvais précédent de comptabilité.
Si les ministres ont à demander des crédits supplémentaires ou des transferts pour les besoins du service, qu'ils viennent les demander, ces crédits supplémentaires, il les obtiendront.
Je pense que, moins que personne, M. le ministre des finances devrait être partisan des transferts. C'est un mal nécessaire, mais que la nécessité seule justifie, mal plus grave encore quand le transfert a lieu d'un exercice à l'autre ; ce n'est pas le droit commun, en fait de comptabilité, ce ne peut être que l'exception ; on doit prévenir ce mal quand on le peut. Il serait insensé, je le répète, d'en faire, en quelque sorte, le droit commun du budget. La loi, si récente encore, sur la comptabilité, a eu en vue de restreindre l'exception au plus strict nécessaire !
Dans beaucoup de circonstances, la cour des comptes s'en était plainte, comme d'un fait qui complique la comptabilité, qui rend les vérifications plus difficiles et peut aisément donner lieu à beaucoup d'erreurs.
Si je pouvais supposer qu'il y a, de notre côté, un atome d'amour-propre engagé dans cette question, je n'insisterais pas ; je voterais avec le ministère, même au prix d'une irrégularité. Je n'entends pas lui faire une guerre de chicanes et de détails, dans un débat si grave, où je n'ai dû me séparer de lui que pour de graves questions, de graves intérêts. A mon sens, ce serait une puérilité que de descendre à de pareils moyens quand le sujet du dissentiment est placé si haut. Mais quand on lui adresse presque de tous les côtés de cette chambre l'invitation de ne pas insister, je ne comprends pas qu'il hésite à accepter le chiffre proposé par la section centrale.
M. Manilius. - Nous assistons à un spectacle vraiment étrange ; c'est la première fois que je vois l'opposition exciter le gouvernement à (page 540) la dépense, l'obliger à prendre plus de fonds qu'il ne lui en faut. C'est d'autant plus étonnant que le gouvernement s'en explique très clairement, notamment le ministre qui fait fonctions de ministre de la guerre. Il vient de dire qu'il y a un excédant considérable sur l'article fourrages du budget de l'exercice 1850 ; c'est-à-dire qu'on avait demandé beaucoup plus de rations qu'il n'y avait de chevaux pendant l'exercice ; c'est-à-dire que des chevaux sont passés à la réforme, à l'infirmerie, ou sont morts, ou ont été vendus. On a expliqué que le nombre des chevaux doit encore diminuer, parce qu'en 1848 on a fait une très forte remonte, on a acheté plus de chevaux qu'il n'en faut sur le pied de paix ; si la paix continue, il est évident que le nombre des chevaux doit diminuer encore, et par conséquent, s'il a été moins considérable en 1850, il le sera moins encore en 1851.
Le gouvernement vous dit : Je n'ai pas besoin des 400,000 fr. que m'offre la section centrale, parce que je crois que je n'aurai pas besoin de consommer le tout. Si, contre mes prévisions, je n'ai pas assez, je ne demanderai pas de crédits supplémentaires, mais je prendrai sur d'autres articles qui présenteront des excédants. Cela a toujours été si bien compris, que quand un ministre est venu annoncer de pareilles choses, il a été bien accueilli, tout le monde a été satisfait.
Je répète donc que c'est un spectacle étrange que nous donne ici l'opposition.
J'ai entendu parler d'amour-propre à propos de cette discussion, je renvoie le reproche à ceux qui l'ont articulé. Ce ne peut être que par amour-propre que nos adversaires persistent à vouloir donner au gouvernement plus qu'il ne demande ; j'en excepte l'honorable M. Lebeau qui a toujours voté pour les plus gros chiffres ; car pour les autres, il n'est pas de réductions qu'ils n'aient appuyées dans les sessions précédentes, et sur les fourrages, et sur tous les autres articles.
Qu'on ne parle donc pas d'amour-propre là où il n'y a pas lieu d'appliquer de semblables paroles.
M. Osy. - Si on avait proposé, en décembre, d'augmenter l'allocation pour les fourrages, j'aurais compris qu'on s'y opposât, parce que le gouvernement pouvait dire : Les adjudications ne sont pas faites ; je ne sais pas à quel prix elles auront lieu ; mais aujourd'hui que les adjudications ont eu lieu, et M. le commissaire du gouvernement nous en a fait connaître le prix, je ne comprends pas, la dépense étant connue, que nous n’en portions qu'une partie au budget, nous réservant de couvrir la différence par des crédits supplémentaires qui ne doivent avoir pour objet que des dépenses imprévues. Cela ne s'est jamais fait.
M. le ministre des finances nous dit : Mais la dépense est éventuelle ; si vous lisez la note de M. le général Brialmont, la différence n'est pas de 400,000 fr., mais de 514,000 fr. Mais à la suite de sa note, il ajoute qu'il la réduit de 114,000, fr. parce qu'il n'achètera un certain nombre de chevaux que vers la fin de l'année. Maintenant, il y a des chevaux manquants, voulez-vous en réduire l'effectif avant que la commission que vous devez nommer ait fixé le chiffre de la cavalerie, du train et de l'artillerie ? Si le gouvernement n'achète des chevaux que vers les mois de novembre ou décembre, ces 400,000 fr. sont une dépense certaine qu'on ne pourra pas éviter.
On évitera les 114,000 fr., mais pas les 400,000 fr.
Lorsque M. le ministre des finances nous parle de la situation financière, il calcule toujours qu'il y a deux millions disponibles sur l'ensemble des budgets. Ces deux millions seront absorbés par les crédits supplémentaires qu'on sera obligé de demander.
Nous savons tous que les grandes inondations qui ont eu lieu l'an dernier nécessiteront des travaux qui absorberont des sommes considérables. Les sommes restant disponibles sur l'ensemble des budgets seront donc aborbées par des crédits supplémentaires.
Pour que M. le ministre se refuse à porter au budget une dépense prévue et certaine, il doit y avoir un amour-propre déplacé.
Je désire avoir le budget le plus réduit possible, sans désorganiser l'armée. Mais je ne puis être d'accord avec M. le ministre sur la réduction proposée. Pour moi, le budget, fût-il réduit à 27,300,000 fr., sera toujours un budget de 27,700,000 fr., quoique les 400,000 fr. ne soient pas votés.
C'est, je le répète, un amour-propre déplacé, et un mauvais système de comptabilité.
Pour la cour des comptes, est-il agréable d'avoir des crédits supplémentaires pour des affaires certaines ?
Le gouvernement devra demander un crédit supplémentaire de 200,000 francs pour excédant des dépenses des fourrages en 1850. Mais ce ne sera que, dans la session prochaine que vous connaîtrez le crédit supplémentaire nécessaire pour l'année 1851. Ou les fournisseurs ne seront pas payés, ou il y aura confusion dans les écritures de la comptabilité, car un transfert est illégal. Il faut une loi pour faire un transfert.
Je dis donc qu'il n'y a pas une bonne raison pour repousser la proposition de la section centrale, et qu'on ne peut se dispenser de voter ces 400,000 fr. bien connus et constatés.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande pour quel motif on fait intervenir ici l'amour-propre du ministre. Je crois que le rôle que j'ai pris est extrêmement modeste ; m'étant borné à déclarer que j'acceptais et que je défendais le budget présenté par mon honorable prédécesseur, ni plus ni moins.
Si nous voulions y mettre de l'amour-propre, nous ferions remarquer qu'alors même que l'augmentation de 400,000 fr. serait introduite dans le budget, il resterait une réduction de 300,000 fr. opérée par le général Brialmont. Il y aurait là de quoi satisfaire notre ambition qui, je le reconnais, je le confesse, a été de témoigner de notre désir d'introduire des économies dans le budget de la guerre. Y avons-nous réussi ? Nous sommes-nous attachés à des réductions permanentes ? C'est ce que l'avenir démontrera. Mais la réduction de 300,000 fr. atteste, dans tous les cas, notre bonne volonté.
Ceux qui désirent que le gouvernement, sans porter aucune espèce d'atteinte à la force organique de l'armée, à la bonne organisation de l'armée, réalise certaines économies devraient l'encourager dans cette marche qui consiste à opérer sur d'autres articles certaines réductions pour les appliquer, s'il est nécessaire, à l'augmentation de dépense provenant du prix plus élevé des fourrages.
Si vous portez toute la somme au budget, il va de soi que l'administration ne fera pas les mêmes efforts pour obtenir des économies. (Interruption.)
Messieurs, il suffit d'avoir occupé une position quelconque dans l'administration pour savoir qu'il en est ainsi. Si vous adoptez l'augmentation, il est à craindre que tous les articles ne soient absorbes et que l'opération que le général Brialmont avait en vue ne puisse se faire.
Du reste, la chambre peut agir comme elle le jugera convenable, sans craindre de blesser notre amour-propre, qui est complètement satisfait par le vote émis dans la séance de samedi. Nous n'avons rien à désirer au-delà. La chambre décidera pour le reste.
M. Mercier. - Tout le monde veut des économies en général, et même spécialement sur le budget de la guerre, lorsque celles-ci sont compatibles avec la défense et la sécurité du pays. Mais pour faire des économies, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des moyens irréguliers. Or, messieurs, quelle serait la conséquence du système proposé par le gouvernement ? Comme les budgets présentent chaque année, ou du moins ont présenté jusqu'ici environ un million et demi ou deux millions d'économie, il s'ensuivrait que le gouvernement serait autorisé à venir chaque année vous présenter des budgets de dépenses avec des chiffres d'un million et demi à 2 millions au-dessous des véritables nécessités du service, sous prétexte qu'il trouvera le moyen d'opérer des transferts de l'exercice précédent. Eh bien, je demande si une telle manière d'agir ne serait pas excessivement irrégulière.
Très souvent, dans cette chambre, on a critiqué les transferts alors même qu'on ne les demandait que par une nécessité absolue.
M. le ministre des finances nous dit que ce que le gouvernement propose s'est fait récemment au budget des travaux publics. Messieurs, il y avait à ce budget deux dépenses identiques, deux articles de dépenses pour le personnel ; l'un concernait l'administration générale, l'autre l'administration extérieure. M. le ministre des travaux publics nous déclarant qu'il avait l'intention de réviser l'organisation actuelle qu'on a démontrée être défectueuse, a demandé à la chambre la faculté de confondre à certains égards ces deux articles. C'était là une exception à la règle générale, mais une exception parfaitement motivée, une exception exigée par des considérations de service.
De même, lors de la discussion du budget des finances, nous n'avons pas fait obstacle à une demande semblable que nous faisait M. le ministre des finances. Beaucoup d'employés de son département sont en disponibilité. Il y a eu un remaniement des différents services. Le nombre des employés en disponibilité diminue successivement. On ne peut prévoir avec exactitude quelle sera la dépense nécessaire pour cette catégorie d'employés ni dans quel service ils seront replacés ; on a donc compris pour ce cas exceptionnel la nécessité d'opérer des transferts d'un article à l'autre. Il y avait là encore un but d'utilité que personne ne pouvait contester ; il ne s'agissait d'ailleurs que d'une mesure temporaire et exceptionnelle.
Ici il n'existe rien de semblable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il s’agit d’un budget transitoire.
M. Mercier. - La circonstance que le budget serait transitoire est tout à fait indiférente dans la question. Le gouvernement a lui-même indiqué quel était le nombre de rations nécessaires. IL se trouve qu’il a établi les prix au-dessous de ce qu’ils sont aujourd’hui ; l’élévation des prix ne change rien au nombre des rations voulues.
L'honorable M. Brialmont a fait une seule promesse, c'est de chercher à économiser cent quatorze mille francs, c'est-à-dire qu'au lieu d'une augmentation de 514,000 francs, il lui suffisait d'en obtenir une de 400,000 fr., c'est à ce chiffre qu'il a limité l'économie sur le nombre des rations.
Le gouvernement veut obtenir les 400,000 fr. nécessaires par des transferts d'un budget déjà en cours d'exécution, et d'un budget qui n'est pas même voté ; ce serait là l'opération la plus irrégulière en fait de comptabilité.
En principe, les transferts ont toujours été critiqués par la chambre ; elle ne les a jamais admis que comme exception. Les règles d'une bonne comptabilité exigent que les dépenses prévues soient portées au budget de chaque exercice ; il faut, par conséquent, augmenter l'article en discussion en raison de l'élévation du prix des fourrages. Le gouvernement a indiqué lui-même quelles sont ses prévisions.
On vient aujourd'hui nous dire qu'il y a encore certaines autres éventualités d'économie que celles qui ont été annoncées par l'honorable général Brialmont. Qu'on les précise ; s'il y a encore 50,000 fr., par exemple, à retrancher des 400,000 qu'on le dise ; mais il est de notre devoir de porter au budget toute la dépense prévue.
(page 541) M. Malou. - M. Malou. - Messieurs, je n'ai que peu de mots à ajouter à ce que vous venez d'entendre.
Nous ne posons pas en fait ce qui est en question. Nous prenons pour point de départ ce que M. le ministre de la guerre a déclaré à la section centrale, c'est-à-dire qu'en faisant toutes les économies possibles, d'après les adjudications qui avaient eu lieu, il est nécessaire d'accorder au gouvernement, sur le budget de 1851, une somme en plus de 400,000 fr.
Voilà notre point de départ ; et la note qui se trouve à la page 26 du rapport de la section centrale ne peut donner lieu à aucune espèce d'équivoque.
Messieurs, on a beaucoup parlé de transferts et de crédits supplémentaires.
Les crédits supplémentaires peuvent être quelquefois un mal nécessaire ; mais les transferts, non pas d'un article à un autre article du même budget, mais d'un exercice à un autre, sont un mal qu'on crée gratuitement.
Le gouvernement depuis quatre ou cinq ans a renoncé, sur les instances de la cour des comptes, à autoriser aucun transfert d'un exercice à un autre. C'est cependant ce qu'on vous propose de faire.
On ajoute qu'il y a des excédants sur le budget de 1850, parce que M. le ministre de la guerre n'a pas dépensé tout le crédit qui lui était alloué.
Mais si on avait voulu attacher un sens sérieux à ce que l'on vous demande, on vous aurait dit s'il y avait, oui ou non, un excédant sur l'exercice de 1850. Il résulte au contraire du rapport qui vous a été fait qu'il y a une augmentation de déficit d'à peu près deux millions ; de sorte qu'aujourd'hui on vous propose d'imputer une dépense sur un déficit. C'est payer ses dettes au moyen de ce qu'on n'a pas.
Je n'ajoute qu'un seul mot : c'est une question de régularité, de comptabilité, et pour ma part je n'y attache aucun autre sens.
M. de Chimay, rapporteur. - Messieurs, je dois en première ligne un mot de réponse à l'honorable M. Manilius, qui a semblé tout à l'heure accuser l'opposition de pousser le gouvernement dans la voie des dépenses. Je ferai observer à l'honorable membre que la première démarche, en ce qui concerne l'augmentation de 400,000 fr., a été faite par la section centrale, dans laquelle figurait principalement des membres de la majorité même. Par conséquent, je ne puis accepter le reproche qui a été adressé à la minorité dont j'ai l'honneur de faire partie.
Quant au fait en lui-même, je regrette de devoir faire intervenir ici le nom de l'honorable général Brialmont. Mais enfin puisqu'il a été cité à différentes reprises par le gouvernement, je crois pouvoir aussi m'en servir.
Que s'est-il passé dans la section centrale ? Nous avons, en effet, reçu les diverses rectifications qui ont été annoncées au budget. Mais si vous avez la bonté d'ouvrir le rapport à la page 15, vous y verrez que la quatrième section avait fait des observations relativement au crédit demandé pour les fourrages ; elle pensait qu'en présence de l'augmentation des prix, le gouvernement ne pourrait satisfaire aux exigences du service avec le crédit primitivement demandé. Nous avons consulté M. le général Brialmont. Or, qu'a-t-il répondu ? Il nous a dit que les prix des fourrages en 1851 étaient effectivement beaucoup plus élevés qu'ils ne l'avaient été en 1849 et 1850 ; qu'une augmentation de crédit lui était nécessaire, mais qu'il espérait la couvrir au moyen d'économies. Que s'esl-il alors passé ensuite ?
« Un membre, reproduisant les observations faites dans les sections, demande que le ministre soit mis en demeure de présenter le chiffre exact du crédit nécessaire pour couvrir les dépenses de ce littera, afin que dès aujourd'hui ces dépenses figurent au budget. La section centrale s'associe à cette manière de voir et invite le ministre à lui faire connaître d'une manière positive le véritable état des choses. Le ministre, déférant à ce vœu, a communiqué le tableau qui figure aux annexes sous la lettre D. Il résulte de ce tableau que le chiffre du littera doit être majoré d'une somme de 400,000 francs. »
Je ne me soucie pas plus que l'honorable.M. Lebeau de faire de la politique rétrospective ; mais j'ai eu l'honneur hier de faire ressortir combien les économies prétenduement faites étaient fictives. En résumé, on ne semble vouloir tenir compte d'aucun des faits qui se sont accomplis l'année dernière. On ne vous dit pas, par exemple, que le camp de Beverloo a été levé beaucoup plus tôt que les années précédentes. Il y a donc eu de ce chef une économie qui ne se reproduira pas en temps normal.
Je vous ai fait observer aussi qu'on avait fait des économies par suite de congés temporaires accordés à un grand nombre de militaires.
Mais il est impossible de continuer ce système, je vous l'ai dit hier, les troupes ne suffisent plus en ce moment aux plus rigoureuses exigences du service. Comment M. le ministre de la guerre actuel pourrail-il prendre l'engagement de maintenir un état de choses essentiellement désastreux pour l'armée ? C'est impossible.
Je répète donc, messieurs, que nous devons admettre le crédit de 400,000 fr. Pour rester en dehors de la politique, je ne dirai pas qu'on a trop cédé au désir de créer des chiffres pour les besoins de la cause ; mais si on avait maintenu le chiffre tel qu'il était, on n'aurait pas pu dire à la chambre qu'on ne voulait réduire que 1,300,000 en 3 années ; il aurait fallu dire qu'il s'agissait d'une réduction de deux millions. Je n'inculpe les intentions de personne, mais c'est là le résultat, et je maintiens que le budget de cette année aurait dû être de 27 millions 100 mille et quelques francs.
Par conséquent, je dis que la chambre doit voter les 400,000 fr. dont il s'agit parce qu'ils seront absorbés par les besoins réels constatés aujourd'hui et auxquels il faut satisfaire sous peine de jeter la perturbation dans tous les services de l'armée.
Que la chambre soit bien convaincue qu'il ne s'agit pas ici d'une mauvaise querelle cherchée au gouvernement, qu'on me pardonne cette expression ; mais nous sommes dans la vérité des faits.
M. Delfosse. - Messieurs, on a donné à ce débat des proportions qu'il ne comporte pas. La question est très simple : il n'y a ici ni question de régularité, ni question de comptabilité ; il y a une question d'appréciation d'un chiffre.
Vous savez tous, messieurs, qui les chiffres d'un budget sont éventuels ; la dépense peut varier à raison d'événements plus ou moins probables. C'est ce qui explique la nécessité dans laquelle le gouvernement se trouve souvent de demander des crédits supplémentaires, et sur ce point, je dois une réponse à l'honorable M. Osy.
L'honorable M. Osy s'est trompé lorsqu'il a cru que ses amis de la gauche se sont toujours opposés aux crédits supplémentaires. Il y a une distinction à faire : je me suis souvent opposé, avec l'honorable M. Osy, aux crédits supplémentaires qu'on venait demander pour des dépenses facultatives, pour des dépenses qu'il dépendait du gouvernement de ne pas faire ou d'ajourner jusqu'à ce que la chambre eût pu être consultée ; mais jamais je ne me suis élevé (ce n'eût pas été raisonnable) contre les crédits supplémentaires demandés pour des dépenses obligatoires, pour des dépenses urgentes, pour des dépenses qu'il ne dépendait pas du gouvernement d'éviter ou d'ajourner. Voilà une distinction que l'honorable M. Osy a perdu de vue.
Ainsi, messieurs, mettant de côté toutes ces prétendues questions de comptabilité, de régularité : il y a ici une appréciation à faire, le gouvernement ne demande pour les fourrages, que 2,080,000 fr. ; la section centrale nous déclare que ce chiffre ne sera pas suffisant et qu'il faut l'augmenter de 400,000 fr. ; le gouvernement nous dit d'un autre côté qu'il n'est pas sûr que l'augmentation soit nécessaire. (Interruption.) Le gouvernement, par l'organe de M. le ministre des finances, nous a dit qu'il n'était pas bien sûr qu'on aurait constamment, toute l'année, le nombre de chevaux indiqué. M. le ministre des finances ne nous a pas dit, mais je viens d'apprendre qu'on n'a pas mis en adjudication tous les fourrages nécessaires au camp de Beverloo et qu'on se reserve de faire une partie de la dépense en régie. Le chiffre de la dépense n'est donc pas connu, pourquoi dès lors donner au gouvernement une somme plus forte que celle qu'il demande ?
Le gouvernement demande 2,080,000 francs ; je suis tout disposé à les accorder, mais je ne vois pas la nécessité d'accorder 400,000 fr. de plus ; il est évident que si vous donnez 400,000 fr. de plus, le gouvernement sera moins porté à réaliser des économies sur l'ensemble du budget : les hommes sont ainsi faits ; quand ils ont beaucoup d'argent à leur disposition, ils ne cherchent pas à économiser. Croyez-le bien, si vous accordez les 400,000 fr. il est moins probable qu'il y aura des économies. Comme je désire qu'il y en ait, je ne préfère donner que ce qu'il nous demande.
Plus tard, peut-être, il se présentera des questions de régularité, des questions de comptabilité ; si le gouvernement n'a pas besoin des 400,000 francs, il n'y aura rien à régulariser ; s'il en a besoin, alors se présentera la question de comptabilité, la question de régularité, et nous les résoudrons conformément à la loi.
Si le gouvernement vient dire : « J'ai fait des économies ; je demande un transfert, » nous verrons s'il y a lieu d'accéder à cette demande ; s'il n'y a pas lieu d'accéder, il faudra voter des crédits supplémentaires (je raisonne toujours dans l'hypothèse où le crédit ne serait pas suffisant) ; j'ai dit tout à l'heure mon opinion sur les crédits supplémentaires pour des dépenses que le gouvernement n'a pas pu éviter.
Au fond, je tiens peu à la résolution qui sera prise par la chambre, car on a beau dire, il y aura sur le budget actuel une économie de plus de 400,000 fr., comparativement au budget précédent. Indépendamment de l'économie de 302,000 francs proposée par M. le général Brialmont, il y en a une autre qui a été proposée sur le même budget par M. le général Chazal, et qui était de plus de 100,000 francs.
Si, par suite du prix des fourrages, vous augmentez le budget d'une somme de 400,000 francs, cela ne fera pas disparaître les économies opérées par les deux derniers ministres de la guerre ; car, sans ces économies, le budget aurait dû être augmenté de 800,000 francs, et non de 400,000 francs.
L'honorable M. de Chimay se trompe étrangement lorsqu'il prétend que les économies proposées sont fictives.
Je le répète, on donne à la question des proportions qu'elle n'a pas. Elle est extrêmement simple. Je suis disposé à voter le chiffre du gouvernement ; mais si la chambre préfère celui de la section centrale, les réductions proposées par le général Brialmont et par son prédécesseur n'en seront pas moins réelles.
M. Cools. - Je voulais répondre à l'honorable M. Delfosse, mais une des dernières phrases qu'il a fait entendre me dispense presque de prendre la parole. En effet, l'honorable membre a déjà préjugé quelle sera la décision de la chambre : il a déclaré, à la suite de l'honorable M. Rogier, qu'il ne tient guère au chiffre qui sera adopté ; il me semble résulter de là que l'honorable membre sent que la question est trop bien comprise par la chambre, pour qu'elle n'adopte pas la proposition de la section centrale. En effet, messieurs, c'est une simple régularisation et il ne s'agit pas du tout ici d'une question s'appréciation : si nous tenons compte des déclarations du gouvernement sur la force de l'armée et des besoins qui en résultent quant aux dépenses de fourrages, il est évident que le chiffre de 2,080,000 fr. est au-dessous des besoins réels.
(page 542) Maintenant laissons de côté toutes ces considérations futiles, tous ces petits excédants qu'on veut réunir pour couvrir l'insuffisance ; allons droit au but, reconnaissons que la régularité, les règles d'une bonne comptabilité exigent que nous adoptions la proposition de la section centrale.
M. Vilain XIIII ; - Je demande à la chambre la permission de lui rappeler un précédent tout récent. C'était le 22 novembre dernier, lors de la discussion du budget des affaires étrangères, à l’article 31, « primes pour construction de navires ». M. le ministre des affaires étrangères n'avait demandé que 20,000 fr. Quand il s'est agi de voter ce crédit, M. le ministre s'est levé et a dit que, d'après les déclarations de constructeurs de navires qu'il avait reçues depuis la présentation de son budget, cet article devait être plus élevé et qu'il se réservait de demander plus tard un crédit supplémentaire. L'honorable M. Osy, avec cette ardeur de régularité financière que nous lui connaissons, se leva immédiatement et fit remarquer que cela n'était pas régulier, qu'il fallait que M. le ministre des affaires étrangères, puisqu'il était fixé sur la somme dont il avait besoin, demandât immédiatement l'augmentation qui lui paraissait nécessaire. M. le ministre se rendit sans difficulté à cette invitation et demanda un crédit de 95,000 francs, qui fut voté immédiatement. Il est à remarquer encore que le budget des affaires étrangères présente tous les ans des excédants de dépense, de sorte qu'il eût été très possible, en demandant un crédit supplémentaire, d'opérer un transfert sur ces excédants de dépenses.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour demander à M. le commissaire du Roi de nous dire quel est l'excédant que présente le budget de 1850 ; puisqu'on nous propose de prendre une partie de la dépense sur cet excédant, il serait très intéressant de le connaître.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je répondrai d'abord à la question par laquelle l'honorable préopinant a terminé son discours. Je dirai que, d'après un tableau que j'ai sous les yeux, l'excédant présumé sur le budget de 1850 peut être évalué dès maintenant à 421,000 fr. ; de sorte que si l'on voulait ne pas affecter les ressources de 1851, on trouverait moyen de couvrir sur 1850 l'insuffisance éventuelle du crédit affecté aux fourrages.
Je tiens à dire en deux mots comment le gouvernement a été amené à ne pas demander, dès l'abord, 400,000 fr. d'augmentation pour les fourrages. Lorsque M. le général Brialmont est arrivé au département de la guerre, nous l'avons engagé à rechercher s'il ne pourrait pas introduire des économies à la suite de celles que M. le général Chazal avait déjà opérées. Il s'est livré à des investigations et nous a apporté certaines réductions qui figurent au budget. Mais, postérieurement, il y a eu une adjudication de fourrages.
Or, l'élévation des prix a été telle que M. le général Brialmont, après avoir opéré une réduction de 300,000 fr. sur divers articles du budget, s'est trouvé en face d'une augmentation et a dû constater la nécessité de 400,000 francs de plus. Toutefois, pour couvrir cette augmentation il s'est efforcé de réduire les dépenses du budget de 1850, et vous voyez, en effet, qu'il a obtenu, sur l'ensemble de ce budget, une économie de 421,000 francs. Voilà ce qu'a fait M. le général Brialmont ; voilà ce que nous avons continué de faire. D'ailleurs, messieurs, remarquez-le bien, il s'agit ici d'un budget transitoire ; le budget que nous votons aujourd'hui n'est certainement pas définitif ; il devra varier pour l'année prochaiue ; il pourra, je l'espère, être basé sur des éléments fixes et stables ; le budget actuel ne peut pas être considéré comme un budget régulier.
Je reconnais la justesse des observations qui ont été présentées au point de vue de la régularité ; mais c'est précisément parce que nous votons un budget purement transitoire, que la chambre pourrait, sans s'écarter des règles d'une bonne comptabilité, suivre le système que nous indiquons. Au surplus, si la chambre ne vent pas l'adopter, nous n'avons aucune raison de nous opposer à la décision qu'elle croirait devoir prendre, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, la chambre décidera selon qu'elle le jugera convenable.
- Le chiffre de 2,481,000 fr., proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
« Art. 23. Casernement des hommes : fr. 581,000. »
- Adopté.
« Art. 24. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 64,000. »
- Adopté
« Art. 25. Frais de route et de séjour des officiers (projet primitif) : fr. 91.000. »
Réduction proposée par le gouvernement : fr. 6,000. Reste : fr. 83,000.
M. Osy. - La section centrale a fait une observation à laquelle je me rallie quant aux frais de route et de séjour des officiers. Ces frais de route sont encore établis d'après un tarif qui date de 1833. Cependant depuis cette époque de grands changements sont survenus dans nos moyens de transport : nous avons maintenant des chemins de fer dans presque toutes les directions du pays. J'engage donc le gouvernement à soumettre cette question de la révision du tarif de 1833 à l'examen de la commission qui sera nommée ; car il sera peut-être possible de réaliser encore quelques économies sous ce rapport.
- Le chiffre de 63,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 26. Transports généraux : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Chauffage et éclairage des corps de garde (chiffre primitif) : fr. 58,000.
« Amendement du gouvernement : fr. 56,000. »
- Ce dernier chiffre est adopté.
« Art. 28. Remonte : fr. 312,970. »
- Adopté.
« Art. 29. Traitements divers et honoraires (chiffre primitif) : fr. 187,248 08.
« Amendement du gouvernement : fr. 157,248 08. »
- Ce dernier chiffre est mis aux voix et adopté.
« Art. 30. Frais de représentation : fr. 22,000. »
Le gouvernement a proposé à cet article une réduction de 10,000 fr. ; cette réduction a été rejetée par la section centrale.
M. Delfosse. - Messieurs, la section centrale me paraît ici sans excuse ;elle veut donner pour frais de représentation plus que le gouvernement ne demande. Le gouvernement nous propose une réduction de 10 mille francs, et la section centrale, généreuse à l'excès, lui offre ces 10 mille francs. Je m'oppose de toutes mes forces à cette augmentation.
M. Osy. - Messieurs, à l'article 30 concernant les frais de représentation, nous avons été d'avis d'accepter l'économie proposée par le gouvernement.
Depuis nombre d'années, nous avons trouvé que les frais de représentation ne devaient plus être aussi considérables. Déjà le gouvernement nous propose des réductions sur les sommes allouées à cet objet. Eh bien, messieurs, je crois que la somme est encore trop forte. Je crois qu'il faudra finir par ne donner des frais de représentation qu'aux inspecteurs généraux qui commandent le camp de Beverloo et qu'il sera convenable de s'arrêter là. Aujourd'hui je voterai la réduction proposée par le gouvernement et j'engage celui-ci, lors de la formation du budget pour 1852, de voir si on ne pourrait pas réduire davantage cet article,
M. de Chimay. - Messieurs, la section centrale ne peut pas accepter les récriminations violentes que vient de lui adresser l'honorable M. Delfosse.
M. Delfosse. - Il n'y a rien eu de violent.
M. de Chimay. - Nous n'avons pas été mus par le désir d'augmenter les dépenses du budget, mais je dois faire observer à la chambre que l'un des membres de la majorité, M. Osy, vient de vous expliquer comme quoi lui-même a proposé des réductions. Je crois qu'il convient de faire une exception au profit du commandant du camp de Beverloo. Je pense que l'honorable baron Osy comprendra que cette exception devrait s'appliquer aussi à l'inspecteur général. Il est un fait qu'il est impossible de méconnaître, c'est qu'un officier supérieur a des frais considérables à faire, qu'il a des dîners à donner et qu'il ne reçoit pas une trop large indemnité pour ses frais de représentation qui, dans ce moment-ci, ne dépassent guère la somme de 250 à 300 francs par régiment.
Je crois qu'à cet égard on ne doit pas renouveler le reproche qui nous a été fait ; ce n'est pas un acte de prodigalité qui a mû la section centrale, elle n'a fait qu'émettre une opinion sur un acte de justice.
M. Delfosse. - Et moi, je maintiens ce que j'ai dit.
M. de Chimay. - Et moi aussi.
M. Thiéfry. - Le ministre de la guerre avait réduit cet article de 10,000 francs. La majorité de la section centrale n'a pas admis cette réduction, elle vous propose d'allouer 22,000 francs ; moi au contraire, j'estime que toute la somme doit disparaître du budget.
Les frais de représentation sont des indemnités que l'on donne aux généraux en certaines circonstances.
Sont-elles dues ? Est-il équitable de les allouer ? Telle est la question que nous avons à examiner.
L'origine des frais de représentation dans notre pays date de 1815. Un arrêté du -24 mars, dans la prévision de la guerre contre la France, accorda cette indemnité qui ne devait être payée qu'en campagne.
Le 19 mai 1832, un autre arrêté les a alloués aux généraux de l'armée active, c'est-à-dire de l'année eu campagne, parce que, dans cette situation, il est d'usage d'augmenter la solde.
Elles sont données aux généraux pour qu'ils reçoivent à leur table les officiers des régiments qu'ils inspectent ; ils apprennent ainsi, dit-on, à mieux connaître leurs subordonnés.
Or, je le demande, est-ce parce que l'on dînera une fois à la table da son général que l'on en sera bien connu ? Non, messieurs, ce n'est pas à table que l'on apprécie un militaire, c'est quand il est à la tête de sa troupe. C'est donc sur le terrain et à la caserne qu'un général doit se rendre pour juger du mérite de ses officiers. C’est parce que la commission ne s'occupera pas de ces détails que nous devons ici exprimer notre opinion. Ce sont réellement des bagatelles que l'on devrait faire disparaître du budget, car elles font dire que l'on conserve les gros traitements.
- L'amendement de la section centrale est mis aux voix, il n'est pas adopté.
La proposition du gouvernement est ensuite mise aux voix et adoptée.
(page 543) « Art. 31. Pensions et secours : fr. 65,000.
« Charges extraordinaires : fr. 5,670.
« Total : fr. 70,670. »
M. Osy. - Messieurs, ici la section centrale ne peut pas comprendre qu'on accorde des secours aux militaires étrangers qui se trouvent dans le pays. Ces militaires sont surveillés par la police, nous avous cru qu'il vaudrait beaucoup mieux que ce fût le budget de la justice qui comprît cette dépense que le budget de la guerre. J'engage donc le gouvernement à examiner cette question et à faire ce transfert lorsqu'il présentera le budget de 1852.
Messieurs, ayant la parole, je dois dire quelques mots sur les pensions militaires ; la loi qui régit ces pensions doit être révisée par la commission que le gouvernement doit nommer. Depuis 1842, les pensions militaires se sont augmentées de neuf cent mille francs, de 1,600,000 fr., elles se sont élevées à près de 2,500,000 fr. Il est évident que dans un pays qui depuis vingt ans n'a pas eu de guerre, il faut qu'il y ait eu des avancements extraordinaires pour que les pensions pussent s'élever à un pareil chiffre.
Nous aurions voulu connaître le nombre des officiers pensionnés ; nous l'avons demandé au ministre de la guerre, mais nous n'avons eu que la liste des officiers pensionnés pendant l'exercice 1850 ; cela se conçoit, ceux qui ont été mis à la pension antérieurement étant payés par le département des finances. Je ne citerai qu'un fait. Nous avons en Belgique 55 généraux pensionnés ; à Bruxelles, 52.
En France, il n'y en a que 323, et cependant la France a eu à pensionner des militaires qui ont fait les campagnes de l'Empire et d'Afrique. Vous voyez que la disproportion est énorme. Quand nous discuterons le budget des finances l'année prochaine, je demanderai des renseignements précis à cet égard.
Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il y a quelque chose à faire ; la loi des pensions militaires doit être révisée comme l'a été la loi des pensions civiles. C'est sur l'âge et sur le montant des pensions qu'il faudra trouver moyen de faire des économies ; tout en engageant des maintenant le gouvernement à mettre à la pension le moins grand nombre possible d'officiers, je demanderai s'il ne serait pas convenable de soumettre cette loi à l'examen de la commission qui sera nommée par le gouvernement.
M. Servaes, commissaire du Roi. - Je dois faire remarquer à l'honorable M. Osy que déjà le département de la guerre est entré en correspondance avec celui de la justice pour faire transférer au budget de l'exercice 1852, pour ce dernier département, les subsides alloués aux réfugiés politiques. Je lui ferai également observer que les crédits nécessaires à cet objet sont déjà réduis à 4,170 francs, et qu'ils diminuent successivement. Le nombre de ces subsidtes est d'ailleurs très restrein.
Quant aux généraux pensionnés qui habitent Bruxelles, je puis assurer à l’honorable préopinant que leur nombre ne peut s'élever à 52. Il est vrai qu'après avoir obtenu leur pension, la plupart des officiers généraux choisissent Bruxelles ou ses environs pour résidence. Mais il serait possible que, parmi ceux-ci, l'honorable preopinant eût compris les colonels pensionnés auxquels on a accordé le grade honoraire de général-major.
Je ne puis, pour le moment, donner la statistique des généraux pensionnés qui habitent la capitale, mais, eu égard au nombre total existant actuellement, je pense pouvoir affirmer qu'il ne s'élève pas au chiffre annoncé par l'honorable M. Osy.
M. E. Vandenpeereboom. - Puisqu'on a parlé, à l'occasion de la discussion des articles du budget, de diverses questions à soumettre à la commission qui sera chargée de l'examen de tout ce qui est relatif à notre établissement militaire, je demanderai à la chambre de me permettre de lui présenter quelques observations relatives au mode de recrutement aujourd'hui en vigueur.
Tous ceux qui se sont occupes de l'application de nos lois de milice ne peuvent s'empêcher de réclamer la prompte réforme de la répartition du plus lourd de nos impôts, le complet redressement de la plus criante des injustices distributives.
Tant que le mode actuel de recrutement existera, parlons moins haut et moins fièrement de la perfection de nos lois : disons q-ue ces mots de notre Constitution : « les Belges sont égaux devant la loi, » ne sont qu'un cruel mensonge.
Y a-t-il égalité devant la loi, quand l'un doit servir personnellement pendant cinq ans et que l'autre peut se libérer à prix d'argent ? Y a-t-il égalité, quand le service personnel de l'un prive toute une famille de son principal soutien et la plonge dans la misère, tandis que la libération de l'autre coûte à ses parents une poignée d'or prélevée sur leur superflu, leur luxe, ou leurs plaisirs ?
Que si l'on me disait : Cette reforme est une utopie, je répondrai : Sous le régime constitutionnel, et pour tout ce qui concerne les classes laborieuses, quand une réforme est équitable elle est nécessaire, quand elle est nécessaire elle doit être possible, quand elle est possible elle est urgente.
Serions-nous d'ailleurs les premiers à marcher vers cette amélioration de la condition des classes peu favorisées de la fortune ? En Prusse, l'impôt du service militaire est trop lourd sans doute, mais il est plus équitablement reparti qu'en Belgique. En Angleterre, l'armée de terre est complètement formée par l'enrôlement volontaire.
Si je ne me trompe, le but à atteindre est digne de nos efforts. Tout nous y pousse, et la criante injustice de ce qui existe et les premiers pas que nous-mêmes nous avons faits daur cette voie. La gendarmerie, ce corps d'élite, la douane organisée militairement, sont recrutées par enrôlements volontaires. Il ne s'y manifeste jamais de vide, les places vacantes sont vivement sollicitées. Un ministre de la guerre a déclaré dans cette enceinte que la moitié des soldats et sous-officiers sous les armes sont des remplaçants ou des volontaires.
Je ne veux pas abuser des moments de la chambre en lui exposant les divers systèmes mis en avant pour arriver à la réalisation de cette grande mais inévitable réforme. Les formules ne manquent pas : il en est qui seraient parfaitement applicables à une modification, soit partielle, soit radicale de nos lois en vigueur. Il existe un grand nombre d'excellents écrits, dus à des hommes spéciaux et compétents et qui peuvent être consultés avec fruit par ceux qui auront à s'occuper de la solution de cette importante question.
Nous avons beaucoup fait pour la liberté, et nous laissons subsister la servitude militaire. Nous avous aboli la loterie d'argent, et nous autorisons la loterie du service militaire. Nous avons des caisses de prévoyance, et nous arrachons à l'ouvrier, père de famille, son fils, son gagne-pain. Nous parlons du crédit foncier, et nous enlevons au petit cultivateur son plus précieux capital, le travail de ses enfants. J'en ai la conviction profonde, rien d'efficace ne sera fait pour les classes laborieuses, sans la révision de la loi du recrutement, cette source de tant de misère et de souffrances.
Je prie donc M. le ministre de l'intérieur de vouloir considérer la question du recrutement comme un des points à soumettre à la commission. Je pense que plus d'un de mes collègues serait prêt à s'associer à ce vœu, et je suis heureux que l'honorable ministre ait bien voulu, dans la discussion générale, nous donner quelque espoir que ce vœu ne sera pas stérile.
- L'article 31 (pensions et secours, 63,670 fr.), est mis aux voix et adopté.
« Art. 32. Dépenses imprévues : fr. 14,985 46. »
- Adopté.
« Art. 53. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 1,792,000. »
M. Pierre. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, je ne vous ai pas habitues, messieurs, à me voir demander ou appuyer des dépenses nouvelles. J'ai constamment été d'avis, et je le suis encore aujourd'hui, que la plus sévère économie doit présider à l'administration des diverses branches du service de l'Etat. Une telle opinion de ma part n'exclut cependant pas un sentiment que je place au-dessus de toutes ies considérations économiques : c'est celui de l'équité distributive. Dans l'état actuel de notre législation, les veuves et les orphelins des gendarmes n'ont point droit à la pension. C'est là une lacune regrettable. J'attire la haute attention du gouvernement sur ce point qui me paraît digne de sa sollicitude. Les gendarmes sont des fonctionnaires d une utilité incontestable pour la sécurité publique. Il serait de la plus stricte justice d'admettre à la pension leurs veuves et leurs orphelins. Pourquoi les priverait-on de ce bénéfice dont jouissent les veuves et les orphelins de tous les autres fonctionnaires ? Il va de soi que les gendarmes seraient de ce chef soumis à une retenue, comme le sont ceux-ci ; et il n'y a nul doute qu'ils ne se soumettent volontiers, je dirai même avec empressement, à cette retenue, qui assurerait le sort de leur famille. Autant je m'eleverai avec force et énergie contre la prodigalité des grosses pensions, que signalait à l'instant l'honorable baron Osy, autant je soutiendrai la proposition, toute d'humanité, que je viens de produire.
- L'article 53 est mis aux voix et adopté.
M. Delehaye. - Un amendement a été introduit à l'article 22.
- Plusieurs voix. - Le gouvernement n'a pas insisté.
- Cet amendement est confirmé.
M. Delehaye. - Nous passons au vote de l'article unique de la loi ainsi conçu :
« Le budget de la guerre, pour l'exercice 1851, est fixé à la somme de 26,787,000 fr., suivant le tableau ci-annexé. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget du département de la guerre ; en voici le résultat :
81 membres sont présents.
5 membres (MM. de T'Serclaes, Malou, Coomans, de Liedekerke et de Theux) s'abstiennent.
76 membres prennent part au vote.
74 membres votent pour l'adoption.
2 membres (MM. Jacques et De Pouhon) votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Rolin, Roussel (Adolphe), (page 544) Rousselle (Charles), Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vaudenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debroux, de Chimay, de Decker, de Denterghem, Delfosse, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Soer, de Steenhault, Destriveaux et Delehaye.
M. Delehaye. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à en donner les motifs.
M. de T’Serclaes. - Messieurs, mon vote aurait été acquis au projet de budget, présenté par l'honorable général Brialmont. Mais n'ayant pas pris la parole dans la discussion, j'ai cru devoir saisir l'occasion du vote pour protester de toutes mes forces contre le projet de réorganisation de l'armée, projet que je considère comme éminemment dangereux et impolitique à tous égards.
M. Malou. - J'aurais voté volontiers le chiffre du budget de la guerre. Mais je ne pourrais, même par un vote afîirmatif du budget, m'associer à l'acte posé récemment. Je crois, comme l'honorable préopinant, qu'on est entré dans une voie dangereuse et impolitique.
Je crois d'ailleurs (je dois le dire très franchement) que l'opinion que j'ai toujours défendue est définitivement destinée à une mystification.
M. Coomans. - J'ai déjà annoncé plusieurs fois dans la discussion du budget de la guerre que je ne pourrais voler ce budget tant qu'il serait basé sur notre système actuel de recrutement. Tel est le motif de mon abstention.
A cette occasion, je déclare que j'adhère aux excellentes observations qu'a présentées l'honorable M. E. Vandenpeereboom.
M. de Liedekerke. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de T'Serclaes.
M. de Theux. - Je me suis abstenu, pour qu'on ne pût inférer, même à tort, d'un vote afîirmatif, que j'ai, en aucune manière, abandonné l'opinion que j'ai exprimé dans la discussion générale et dans la discussion sur l'article premier.
M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Messieurs, notre mandat nous impose toujours l'obligation de travailler à la suppression des dépenses inutiles. Ce devoir est devenu plus impérieux encore dans les circonstances présentes, alors que le budget de la défense nationale se trouve réduit à la formule d'une question de finance.
J'en viens à l'objet de mon interpellation, qui touche à la force organique de l'armée.
Il n'y a pas longtemps, le gouvernement déclarait, à une section centrale du budget de la guerre (en 1849), que le nombre des détenus militaires s'élevait à 1,381.
Ce renseignement serait de nature à affecter péniblement la réputation de moralité de nos soldats, si nous n'en savions la cause.
Cette cause, le gouvernement l'a reconnue, ce sont quelques dispositions vicieuses du Code pénal militaire que nous a léguées l'ex-gouvernement.
Cette situation affligeante et onéreuse pour le trésor public nous a été indiquée, il y a dix ans, par l'honorable M. Verhaegcn ; il en a pris l'honorable et utile initiative.
Qu'a fait l'administration pour en sortir ? Sous le ministère de l'honorable général Dupont, un projet a été présenté ; une section centrale, dont je faisais partie, en a été saisie.
Mais peu après, le projet a été retiré et refait à deux reprises différentes par ses deux successeurs. L'honorable général Chazal a présenté, depuis la dissolution, un projet ; une commission spéciale a été nommée par le bureau pour l'examiner.
Le but de ma motion d'ordre est de la prier de hâter son examen, de lui rappeler que la solution de cette question est très urgente.
Car j'espère bien que la chambre ne clôturera pas sa session sans avoir discuté ce projet de loi, qui intéresse si fort le trésor public et la force organique de l'armée.
Qu'on n'oublie pas qu'il s'agit d'arracher à l'atmosphère des prisons de jeunes soldats qui y perdent leur honneur et trop souvent leur moralité.
J'espère que l'un des membres de la commission voudra bien nous dire quand son rapport pourra être déposé sur le bureau. Notre attente a été longue et trop longue.
M. Orts. - Pour répondre à l'interpellation que l'honorable préopinant adresse à un membre quelconque de la commission, je déclare que si la commission ne s'est pas réunie, c'est qu'elle n'a pas été convoquée ; et si son président ne l'a pas convoquée, c'est pour ne pas interrompre le travail que poursuit activement la commission chargée de l'examen du projet de révision du Code pénal civil. La composition des deux commissions est à peu près la même.
M. de Theux. - Ce n'est pas un motif pour suspendre l'examen du projet de révision de Code pénal militaire, qui devrait avoir la priorité ; car le nombre de nos prisonniers mijitaires est infiniment trop considérable. Il y a de malheureux jeunes gens qui croupissent en prison, à la fleur de l'âge, pour des fautes disciplinaires. Le projet de loi que le gouvernement a présenté a pour objet de renoncer à une législation reconnue défectueuse par tous les ministres qui se sont succédé au département de la justice. Il en résulterait de grands avantages pour la réputation de moralité de notre armée et une grande économie pour l'Etat.
Je demande donc que M. le ministre chargé du portefeuille de la guerre veuille insister pour que l'examen de ce projet se fasse sans délai de manière que la chambre puisse, dans cette session, en aborder la discussion. Ce projet, messieurs, ne peut être long à examiner, ni dans le sein de la commission ni dans le sein de la chambre. C'est encore un motif de plus pour lui donner la priorité.
M. Roussel. - Je ne puis admettre ce que vient de dire l'honorable M. de Theux relativement à la priorité à accorder au projet de révision du Code pénal militaire. La commission saisie du projet de révision s'occupe très activement de ce travail. L'examen de ce projet est d'autant plus indispensable, que tant qu'il ne sera pas discuté, il arrêtera en partie dans ses travaux la commission que M. le ministre de la justice a instituée pour la réforme du Code d'instruction criminelle. La commission du Code pénal civil doit donc absolument hâter ses travaux, de manière à pouvoir vous présenter, avant la fin de la session, un travail complet.
Remarquez, messieurs, que le projet donl parle M. de Theux ne concerne pas seulement un ou deux articles du Code pénal militaire, mais qu'il s'occupe d'un assez grand nombre de dispositions.
Vous ne pouvez, pour l'examen de ce projet, interrompre les travaux de la commission qui examine la révision du Code pénal civil. Il est en voie d'exécution sérieuse,et nous devons nous y livrer avec d'autant plus d'assiduité que les questions qu'il soulève sont plus délicates, plus controversés et d'une solution plus difficile.
M. de Theux. - Alors je fais une motion, je demande que le bureau compose une nouvelle commission pour l'examen du projet de loi présenté par M. le minisire de la guerre. Ce projet ne demande qu'un court examen, tant dans le sein de la commission que dans le sein de la chambre. Et il est impossible de subordonner son examen à la révision du Code pénal civil. Je demande que le bureau soit chargé par la chambre de nommer une commission qui soit libre d'y consacrer tout son temps.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce n'est pas la manière dont sont composées les deux commissions qui peut arrêter l'examen du projet dont parle l'honorable M.de Theux ; car je pense que le personnel de ces deux commissions est presque entièrement différent.
Si je me rappelle bien, c'est l'honorable M. Moncheur qui a été nommé rapporteur du projet de révision du Code pénal militaire.
Le travail de révision du Code pénal civil est un travail de très longue haleine, et le travail relatif à la révision du Code pénal militaire est un objet qui peut se vider en quatre ou cinq séances. Je pense qu'il suffira de recommander aux membres qui composent la commission chargée d'examiner ce dernier projet, d'y apporter quelque hâte pour qu'en peu de temps nous soyons à même de le discuter.
M. Delehaye. - M. le rapporteur sera invité à présenter son travail le plus tôt possible.
Messieurs, le premier objet à l'ordre du jour de demain serait la discussion du projet de loi sur les hypothèques. Mais la section centrale n'a pas terminé son travail ; elle doit encore se réunir demain. Je propose donc de postposer cet objet, et de nous occuper d'abord du projet de loi relatif à la rectification d'une erreur dans la loi du 6 août 1849, puis du Code pénal maritime, du projet relatif aux sociétés de secours mutuels et du traité avec le Mexique.
M. Jullien. - M. le rapporteur du projet relatif au régime hypothécaire m'a dit qu'il était prêt à engager la discussion demain. M. le ministre de la justice de son côté est prêt.
Je ne verrais dès lors aucun inconvénient à ce que demain, à l'ouverture de la séance, on entendît le rapport de l'honorable M. Lelièvre, et à ce qu'on commençât immédiatement la discussion.
M. de Theux. - Je prie la chambre de ne pas mettre à l'ordre du jour de demain le projet de révision du régime hypothécaire. La chambre vient de s'occuper d'une très grande discussion. Le projet relatif au régime hypothécaire est très volumineux ; il a une importance immense, les plus grands intérêts de la société s'y rattachent. Nous ne pouvons aborder un pareil projet sans préparation.
Un autre motif péremptoire, c'est que la discussion sur ce projet ne peut s'ouvrir tant que la commission n'a pas émis ses vues d'ensemble sur les modifications proposées par M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les modifications que j'ai proposées ne touchent pas aux grands principes consacres par le projet primitivement déposé. Ce sont plutôt des changements de rédaction que de nouveaux principes.
Messieurs, les grands principes que consacre le projet sont au nombre de trois : d'abord c'est la nécessité de la transcription pour tous les actes translatifs de propriété ; en second lieu, c'est la suppression de l'hypothèque légale pour autant que cette hypothèque existe indépendamment de l'inscription ; enfin, c'est la suppression de l'hypothèque judicaire. Voilà les trois grands principes introduits nouvellement dans la législation et sur lesquels une discussion pourrait s'ouvrir dès demain ou dès après-demain si on le préfère. Quant à moi, je suis à la disposition de la chambre.
(page 545) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Depuis l'ouverture de la session, la chambre n'a pas encore abordé la discussion de lois importantes. La discussion générale sur le régime hypothécaire peut très bien s'ouvrir demain.
M. Delehaye. - Il n'est pas certain que vous aurez demain le rapport. On pourrait fixer l'ouverture de cette discussion à après-demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En ce cas, je demande qu'on n'aborde pas demain l'examen de projets qui pourraient donner lieu à de longs débats pour que la discussion de la loi sur les hypothèques n'éprouve plus aucun retard.
- La chambre décide qu'elle s'occupera après-demain de la discussion du projet de loi sur les hypothèques.
La séance est levée à 4 heures et demie.