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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 février 1850

Séance du 9 février 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 711) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et demi.

(page 711) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et demi.

La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« L'administration communale de Steenhuyse-Wynhuyse prie la chambre de modifier les dispositions qui règlent les frais d'entretien des indigents. »

« Même demande de l'administration centrale d'Essche-Saint-Liévin. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Regnaert, commissaire de police à Thourout, demande une indemnité du chef des fonctions de ministère public, qu'il remplit près le tribunal de simple police du canton. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants d'Andenne demandent qu'il ne soit pas donné suite à la pétition ayant pour objet la dissolution de la garde civique de cette ville. »

- Même renvoi.


« Le sieur Herpain, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


Dépêche de M. le ministre de la justice, accompagnant l'envoi d'une note contenant des explications détaillées sur la question relative aux traitements des secrétaires des commissions administratives des prisons secondaires.

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi modifiant la loi du 27 juillet 1842 sur les distilleries

Rapport de la section centrale

M. Deliége, au nom de la section centrale du budget des voies et moyens, dépose le rapport sur les modifications proposées à l'article 21 de la loi du 7 juillet 1842 sur les distilleries.

La section centrale, par 5 voix contre 2 abstentions, s'est prononcée pour la proposition de M. le ministre des finances.

Projet de loi augmentant l’impôt foncier

Rapport de la section centrale

M. Van Grootven, au nom de la même section centrale, dépose le rapport sur la proposition de loi relative à l'augmentation de l'impôt foncier.

La section centrale, par 5 voix contre 2, conclut au rejet.

La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports.

Motion d'ordre

Inondations à Liége

M. Delfosse. - Chacun de vous a lu dans les journaux le récit des calamités qui ont désolé la ville de Liège et ses environs.

Les eaux y ont fait d'affreux ravages. Beaucoup de familles se trouvent sans ouvrage et sans pain ; pour beaucoup de familles, l'aisance s'est changée tout à coup en misère et en ruine.

A de tels maux nul ne saurait rester insensible. Ils imposent des devoirs au gouvernement et aux chambres. Je croirais, messieurs, vous faire injure si je doutais un instant de votre sollicitude pour des populations si cruellement éprouvées.

Les victimes de l'inondation recevront, j'en suis convaincu, des secours prompts et efficaces.

Si le gouvernement, qui a déjà fait un envoi de fonds bien faible, dont toutefois je le remercie, n'a pas à sa disposition des ressources suffisantes, qu'il réclame le concours des chambres ; ce concours lui est assuré. Jamais, dans une chambre belge, on n'a fait en vain appel aux sentiments d'humanité.

Je n'en dirai pas davantage, messieurs. Vous ne me permettriez pas de parler en ce moment des mesures à prendre, sinon pour empêcher les inondations, ce qui n'est pas au pouvoir de l'homme, au moins pour les rendre moins terribles. Mais vous reconnaitrez avec moi, par ce qui s'est passé, combien les députés de Liège avaient raison de désirer vivement et de demander avec instance la dérivation de la Meuse.

Si l'on n'y prend garde, une grande partie de la ville de Liège sera un jour emportée par les eaux.

M. Destriveaux. - J'imiterai la réserve et le laconisme de mon honorable collègue et ami.

Lorsqu'on parle des malheurs de la ville à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir et d'une foule de communes qui l'entourent, il m'est impossible de garder le silence . Ces malheurs sont épouvantables. La mesure n'en est pas encore connue. Nous avons trouvé dans le cœur de nos collègues une vive et honorable sympathie. J'espère, avec l'honorable M. Delfosse, que cette sympathie ne s'arrêtera pas à des paroles et à quelques secours passagers.

Dans cette grande infortune de la ville de Liège, le dévouement de tous a été égal. En présence du danger, personne n'a senti la crainte, on n'a écouté que la voix de l'humanité. On a parlé d'une grande mesure. Il en est de passagères, de nécessaires, qui s'évanouissent avec le mal. Il en est de durables et qui peuvent prévenir le mal. La leçon a été terrible; c'est une leçon providentielle ; et, à côté de ce fatal événement, comme si tout devait nous servir d'enseignement, on a observé que les travaux qui déjà ont été faits ont en eux-mêmes le moyen de préservation.

Des travaux ont été fails vis-à-vis Coronmeuse et la commune d'Herstal. Eh bien, il est une observation matérielle qu'on ne peut révoquer en doute, dans son existence et dans les conséquences qu'elle démontre: c'est que les caves mêmes n'ont pas été envahies par l'eau; c'est qu'en présence du fléau dévastateur et à la puissance duquel rien ne pouvait résister, une simple précaution a établi contre le danger la sécurité et la sûreté même. La sécurité n'a pas été trompée, puisque la sûreté était requise.

Je n'en dirai pas davantage. Ici ce ne sont pas de froides démonstrations. Je parle à vos cœurs, il est impossible que je ne sois pas entendu.

M. de Luesemans. - Je ne voudrais pas atténuer par mes paroles les sympathies que celles des honorables députés de Liège ont dû exciter dans vos esprits. Je les partage d'autant plus, qu'une autre partie du pays s'est trouvée exactement dans le même cas, et que là aussi de grands désastres sont à réparer; je me permets d'appeler l'attention de la chambre sur les maux qu'ont occasionnés les inondations dans les vallées de la Dyle et du Demer.

A mon tour je dirai que les députés de Louvain avaient raison, il y a très peu de temps, lorsque dans cette enceinte ils ont réclamé de M. le ministre des travaux publics, à l'occasion du crédit demandé pour les travaux de ces rivières, la légère augmentation de 50,000 fr. qui leur a été refusée.

J'espère que le gouvernement prendra en considération les inondations récentes dont ces vallées ont été les victimes, et qu'il voudra, en songeant aux intérêts élevés de la ville de Liège, ne pas oublier les intérêts non moins élevés des vallées de la Dyle et du Démer.

M. Moncheur. - Messieurs, puisque l'on attire l'attention du gouvernement et des chambres sur les désastres causés par les dernières inondations, je ne puis m'empêcher de faire un appel à votre sympathie sur les malheurs qui sont venus fondre sur beaucoup de riverains de la Meuse, à Namur et aux environs, par suite de ces inondations.

Les désastres el les dégâts, messieurs, ont été considérables sur plusieurs points. J'espère que, le gouvernement n'oubliera pas ces riverains dans les mesures réparatrices qu'il croira pouvoir prendre en cette circonstance.

Je profite de cette occasion pour faire remarquer au gouvernement que des travaux, qui ne seraient ni difficiles ni coûteux à établir, pourraient préserver à l'avenir des contrées entières d'un désastre complet, en semblable occurrence.

J'espère que M. le ministre des travaux publics ne perdra pas cet objet de vue.

M. Lelièvre. - Je m'associe à ce que vient de dire l'honorable M. Moncheur, et je prie le gouvernement de faire droit à ses observations.

M. Vilain XIIII. - En m'associant aux paroles des honorables députés de Liège, je prierai le gouvernement de ne pas oublier que les populations riveraines de la Meuse, dans le Limbourg, ont autant souffert que les populations riveraines de Liège. Ces populations n'ont pas de journaux, elles n'ont pas d'écho dans la presse. Mais j'ai reçu des lettres qui font un tableau affligeant du sort de ces populations. Douze digues ont été rompues dans la province de Limbourg le long de la Meuse. Sept villages ont été et sont encore en ce moment sous les eaux. Jusqu'ici nous n'avons que des malheurs matériels à déplorer dans le Limbourg; mais on a dû prendre des moyens extrêmement actifs pour faire parvenir des vivres aux habitants de ces villages et pour leur faciliter des communications avec la terre ferme.

En m'associant donc aux réclamations des députés de Liège, je prierai M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre des travaux publics de porter également la sollicitude du gouvernement sur ces populations malheureuses.

Du reste, je sais que M. le ministre des travaux publics a déjà pris des mesures pour faire réparer immédiatement les dégâts qui ont été occasionnés aux digues.

Il n'y a que des éloges à donner, dans ces tristes circonstances, aux administrations locales, aussi bien qu'à tous les employés des ponts et chaussées; tout le monde a fait son devoir devant le danger, et je ne doute pas que le gouvernement, le danger passé, ne fasse également le sien.

M. Rodenbach. - Messieurs, il y a également des inondations et des dégâts sur les bords de la Lys, de l'Escaut et autres rivières en Flandre. Mais il ne s'agit pas seulement de cette année : tous les ans nous avons des débordements et des dégâts considérables.

Je n'ai cessé de réclamer de grands travaux et je réitère encore aujourd'hui mes réclamations à cet égard, afin que le gouvernement y pourvoie promptement.

(page 712) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les désastres dont on vient d'entretenir la chambre, n'avaient pas échappé à la sollicitude du gouvernement. En ce qui concerne particulièrement la ville de Liège et les environs, le gouvernement s'est hâté d'envoyer un premier subside, forcément restreint, pour parer aux besoins les plus urgents. D'autres localités ont également à souffrir des inondations. Ces faits, messieurs, malheureusement, sont fréquents, sans qu'il y ait de la faute de personne. Les localités parcourues par des rivières jouissent des avantages que leur procurent ces cours d'eau, mais elles sont exposées aussi aux inconvénients des inondations. Mon collègue des travaux publics s'est hâté d'envoyer des ordres afin de constater les dégâts et de les réparer le plus promptement possible.

Le gouvernement se fera un devoir de pourvoir aux besoins les plus urgents qui auront été constatés. Si le concours de la législature est nécessaire, le gouvernement s'empressera de le lui demander, et je ne doute pas que ce concours ne lui soit assuré.

Mais, messieurs, tout en ayant une sympathie très profonde et très vive pour les victimes des désastres qui nous sont signalés, nous devons, dans cette circonstance, agir avec une certaine réserve. Nous devons, d'abord, je le répète, faire constater les dégâts, les désastres, les malheurs particuliers, y pourvoir dans la mesuré de nos ressources, de la manière la plus prompte possible, et seulement ensuite demander à la législature le concours financier dont le gouvernement pourrait avoir besoin. Comme vous le voyez, les désastres, quoiqu'ayant sévi d'une manière plus forte sur un point, se sont cependant étendus à d'autres localités du royaume. Il faut les constater partout. Il faut traiter toutes les localités avec la même sympathie, la même justice. Mais en attendant l'action du gouvernement et des chambres, nous recommandons aux autorités locales et aux particuliers de continuer à montrer le même zèle, le même dévouement, car ici encore l'action du gouvernement, s'il était réduit à ses seules forces, serait insuffisante. Il faut qu'il soit secondé par l'énergique concours des communes et des particuliers.

M. de Mérode. - Ce qui vient d'être dit sur les désastres des inondations prouve combien il est important de ne pas dissiper les dépenses de l'Etat, de ne pas réduire ses recettes mal à propos, de ne pas créer des ouvrages fastueux comme le canal latéral à la Meuse qui chargera Je pays de 9 à 10 millions et de réserver les moyens du trésor public pour les besoins les plus urgents, pour les précautions les plus convenables contre les dangers lorsqu'il est possible de les prévenir. Voilà, messieurs, la morale financière de la motion.

- La clôture est demandée.

M. Deliége. - Messieurs, j'ai quelques mots à dire...

- Des membres. - On a demandé la clôture.

M. Deliége. - Je serai très court.

M. le président. - La clôture est demandée; vous avez la parole sur la clôture.

M. Deliége. - Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire sur la clôture; je demande que la discussion ne soit pas close, attendu que, tout en acceptant la promesse sympathique du gouvernement, je dois faire remarquer, en deux mois seulement, que la ville de Liège se trouve dans des conditions tout à fait exceptionnelles. Vous remarquerez, messieurs...

- Des membres. - La clôture!

M. le président. - Puisqu'on insiste, je dois mettre la clôture aux voix.

M. Delfosse (contre la clôture). - Je demande qu'on entende les quelques mots que mon honorable ami, M. Deliége, veut prononcer. Il est impossible qu'on laisse sans réponse les paroles cruelles qui viennent d'être proférées par l'honorable comte de Mérode. Comment ! on nous reproche le canal latéral à la Meuse, alors qu'il est démontré que ce sont ces travaux qui ont préservé un grand nombre de nos concitoyens du fléau des inondations!...

- La clôture de la discussion est mise aux voix; après une double épreuve, il y a doute; la discussion continue.

M. le président. - La parole est continuée à M. Deliége.

M. Deliége. - Messieurs, je ne puis que protester contre les paroles de l'honorable comte de Mérode. Il est cruel, comme vient de le dire mon honorable ami M. Delfosse, de venir, en ce moment, reprocher à la ville de Liège le canal latéral qui a servi à préserver les localités qui l'avoisinent. Je ferai observer que la ville de Liège se trouve dans une position tout à fait exceptionnelle; que jamais à aucune autre époque il n'y a eu autant de dommages; que jamais à aucune autre époque les désastres n'ont été aussi grands.

Déjà au commencement de la semaine, je me suis rendu au ministère de l'intérieur, et j'ai fait à M. le ministre le tableau bien imparfait de ces désastres dont j'ai été dimanche le témoin oculaire.

Je ne tâcherai pas d'esquisser de nouveau ce tableau de peur de passer pour un exagéré; je supplie le gouvernement de prendre tous les moyens nécessaires pour venir en aide à tant d'infortunes, déjà si cruellement éprouves par la triste maladie qui a frappé Liège il y a à peine quelques mois, et pour prévenir le retour de semblables malheurs.

M. de Mérode (pour un fait personnel). - Messieurs, je ne me suis nullement exprimé d'une manière cruelle. Sans une interprétation malveillante qu'on donne à mes paroles, je défie personne de trouver la moindre cruauté dans ce que j'ai dit. J'ai fait remarquer que, pour aider les habitants d'une partie du pays, quand ils sont frappés d'un fléau, il faut avoir des ressources, qu'il faut les mettre en réserve, qu'il ne faut pas les gaspiller. Voilà ce que j'ai dit, J'ai cité pour exemple le canal latéral à la Meuse; on vient d'assurer que ce canal a produit de bons résultats à l'égard des inondations, qu'il a préservé en partie la ville de Liège...

M. Lesoinne. - On n'a pas dit cela.

M. de Mérode. - L'honorable M. Deliége l'a dit.

M. Lesoinne. - Allons donc! il n'a point dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne peut pas avoir dit cela, puisque le canal est en aval.

M. de Mérode. - Il a dit : La ville de Liège ou les environs.

Le canal latéral à la Meuse n'a nullement préservé la ville de Liège des inondations. Je reconnais que quelques travaux accessoires faits dans la Meuse ont pu être favorables à quelques communes comme celle d'Herstal citée par l'honorable M. Destriveaux; mais quant au canal en lui-même, il n'est nullement un préservatif des inondations. Et je proteste contre le reproche de cruauté qu'on m'adresse parce que j'ai rappelé la nécessité de la prévoyance. Mais si la prévoyance est de la cruauté, je ne me justifie plus.

M. Delfosse. - J'avais mis beaucoup de réserve dans mes premières paroles et je puis dire qu'elles avaient rencontré un assentiment unanime dans la chambre. J'ai regretté et je regrette encore , surtout pour l'honorable comte de Mérode, qu'il soit venu troubler cet assentiment par l'incident qu'il a jeté dans la discussion.

Je maintiens, je dois maintenir qu'il était cruel de venir dans un pareil moment nous reprocher les travaux du canal latéral à la Meuse.

M. Lesoinne. - Je répondrai à l'honorable M. de Mérode que le canal latéral à la Meuse était une nécessité commerciale pour nous; mais je ne veux pas traiter cette question en ce moment. Messieurs, les dangers des inondations de la Meuse, pour la ville de Liège, étaient connus et prévus depuis longtemps. Déjà, depuis plusieurs années, des négociations avaient été entamées à ce sujet entre la province et la ville de Liège, d'une part, et le gouvernement, de l'autre. L'honorable M. de Mérode lui-même a réclamé pour avoir la dérivation de la Meuse.

Quand nous faisons un appel aux sympathies de nos collègues en faveur d'une grande partie de nos concitoyens qui souffrent cruellement du fléau qui vient de les frapper, nous sommes certains de ne pas les trouver sourds. Lorsque plusieurs de nos honorables collègues des Flandres sont venus demander des mesures pour assurer l'écoulement des eaux qui inondaient une grande partie de ces provinces, je me suis empressé de me joindre à eux; j'attends de ces honorables collègues la même sympathie aujourd'hui que nous réclamons leur concours.

M. Thibaut. - Je me bornerai à demander au gouvernement, soit que l'intervention de la législature doive être réclamée pour remédier aux désastres dont on vient de l'entretenir, soit que cette intervention ne devienne pas nécessaire, que la distribution des secours ait lieu avec la plus sévère et la plus impartiale justice. Il y a eu des malheurs partout, ce n'est pas seulement la ville de Liège et la ville de Louvain qui ont eu à souffrir des inondations; sur le cours de toutes les rivières un peu importantes il y a eu de grands malheurs ; si on fait quelque chose pour quelques localités, il faut en agir de même à l'égard de toutes celles qui ont souffert.

M. Bruneau. - J'appartiens à une localité traversée par une rivière qui occasionne des inondations tous les ans ; je pourrais donc aussi venir réclamer en son nom comme on le fait pour beaucoup d'autres parties; mais ces inondations et les malheurs et dégâts qu'elles entraînent n'ont rien de comparable à l'effrayante catastrophe, aux malheurs extraordinaires qui ont affligé la ville de Liège et ses environs.

On ne doit réclamer l'intervention de la législature que dans les malheurs extraordinaires et non dans les accidents ordinaires. S'il était vrai qu'il suffit de quelques bonniers inondés pour pouvoir réclamer auprès de la chambre, ce serait à n'en pas finir.

Je le répète, l'intervention de la législature ne doit avoir lieu que pour les calamités extraordinaires. Tout le cours de la Meuse se trouve dans ce cas exceptionnel cette année. C'est sous ce point de vue seulement qu'on doit attirer l'attention du gouvernement sur les mesures d'urgence à prendre pour parer à ces calamités, sans y comprendre, quant à présent, des faits qui se présentent tous les ans.

- Plusieurs voix. - La clôture! la clôture!

M. Mercier. - Je demande la parole contre la clôture; je ne puis pas laisser sans protestation les principes que vient d'avancer l'honorable M. Bruneau. Celui qui est frappé isolément par une calamité résultant des inondations qui ont affligé une foule de localités du pays sera-t-il moins digne d'intérêt que celui qui aura subi la même calamité en commun avec beaucoup d'autres individus? Assurément non, c'est cependant ce qui résulterait de la distinction que vient de faire l'honorable membre.

Du reste, le gouvernement, je n'en doute pas, agira selon les règles de l'équité et traitera de la même manière tous ceux qui se trouveront dans la même position, abstraction faite des localités.

- La discussion est close.

Projet de loi sur les denrées alimentaires

Second vote des articles

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ferai d'abord une observation sur la formation du tableau. Je désire qu'on y ajoute une colonne pour les droits de sortie, une autre pour les dispositions particulières. Dans la première, on mettra les mots « libres à la sortie » pour éviter toute (page 713) espèce d'équivoque. Dans la seconde, on insérera la disposition suivante adoptée hier par la chambre : « Le gouvernement déterminera les signes distinctifs qui feront reconnaître les diverses catégories de bétail. » Je pense qu'on ne verra pas d'inconvénient à régler ainsi le tableau. (Adhésion.)

M. de Theux. - Si l'on ne met pas un droit quelconque à la sortie, pourra-t-on également constater la sortie ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui. J'ai répondu hier à cette observation qu'avait faite l'honorable M. Bruneau.

Comme il existe dans la loi de 1822 une disposition générale qui frappe du droit d'un p. c. tous les objets non dénommés, on aurait pu croire cette disposition applicable. Ma proposition a pour but d'éviter tout doute. La sortie sera néanmoins déclarée, parce que toute exportation doit être précédée d'une déclaration.

M. de Theux. - Dans ce cas, je n'ai plus rien à dire.

- La fixation du droit sur le froment à 1 fr. les 100 kil. (proposition de la section centrale à laquelle le gouvernement s'est rallié) n'étant pas considérée comme amendement par la chambre, la discussion est ouverte sur l'article suivant du tarif.

Farines, son, fécules, etc.

« Farines et moutures de toute espèce, son, fécule et autres substances amylacées, pain, biscuit 5 fr. (Droits proposés : par le gouvernement 2 fr. 50 c. ; par la section centrale 3 fr. 50 c.)

M. Thibaut. - La chambre a rejeté, à la majorité d'une voix, le droit de 3 fr. 50 centimes qu'avait proposé la section centrale. Il me semble que, dans cette circonstance, il est désirable que la chambre émette de nouveau un vote sur ce point. Selon moi, le droit de 3 francs, accepté par la chambre au premier vote, n'est pas en rapport avec le droit d'un franc accepté pour 100 kilog. de froment.

Je ne reproduirai pas les arguments qu'on a fait valoir dans la première discussion. Je rappellerai cependant que l'honorable M. de Brouckere qui a refusé d'admettre le droit d'un franc sur le froment, s'est prononcé pour le droit de 2 fr. 50 c. sur la farine. C'est une preuve évidente que ce droit est en rapport avec celui de 50 centimes sur le froment et que le droit de 3 fr. n'est pas en rapport avec le droit d'un franc sur le froment.

Remarquez que, dans l'arrêté royal du 51 décembre 1848, le gouvernement, dont nous connaissons parfaitement les doctrines, avait déclaré que, sur la farine, il y aurait un droit de 2 fr. 50 c. C'était évidemment un droit fiscal. Nous devons faire, dans ce droit, la part de l'avantage que l'importateur peut avoir à amener en Belgique de la farine plutôt que du froment, ensuite la part du droit de 50 c. qui était imposé sur le froment.

Dans le droit de 2 fr. 50 c. on peut considérer 1 fr. comme équivalant au droit sur 100 kilog.de froment ou sur 200 kilog.de seigle. Il y a donc d'après l'arrêté royal de 1848, une différence de 1 fr. 50 c. qui constitue le bénéfice que l'importateur pourrait avoir à apporter de la farine plutôt que du froment. Ainsi quand on accepte le droit de 1 fr. sur le froment, il faut, pour être conséquent, accepter le droit de 3 fr. 50 c. sur la farine.

Si vous ne le faites pas, il est à craindre que nos voisins ne trouvent avantage à importer de la farine plutôt que du froment. Il en résultera que la main-d'œuvre sera perdue pour la Belgique, et que le déchet du froment, qui est fort utile pour l'agriculture, nous sera également enlevé.

Je n'insiste pas. Il me semble que la chambre ne peut pas adopter le droit de 3 fr. 50 c. après avoir adopté le droit de 1 fr. sur le froment.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Bien loin d'appuyer cet amendement, je reproduis la proposition du gouvernement. Je propose le droit de 2 fr. 50 cent., qui suffit largement. Le droit de 3 francs est prohibitif; il est donc parfaitement inutile de voter l'amendement de l'honorable M. Thibaut, en vue d'avoir un droit prohibitif. Le droit de 3 fr. est prohibitif

En effet, que valent 100 kilogrammes de farine? Que représente votre droit? Tout est là. 100 kilogrammes de farine valent 30 à 35 francs. Le droit de 3 francs plus les additionnels est un droit de 10 p. c. Il est donc évident que le droit est prohibitif.

L'honorable M. de Mérode nous a engagés à conserver nos recettes. Je demande les 45 mille francs qu'on veut m'enlever.

M. Thibaut. - Il y aura compensation par la perception des droits sur le froment.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nullement, puisque vous dites qu'il y en a dans le pays plus qu'il n'en faut et qu'on n'en importera pas.

Du reste par l'importance des deux droits, vous voyez que vous ne pouvez compenser l'un par l'autre. Cette perception de 45 mille fr. sera très probablement perdue, si l'on veut élever le droit de manière à en faire un droit prohibitif.

Sous l'empire du droit à 2 fr. 50 c. les importations sont tombées à 1,500,000 kil. Quelles avaient été les importations en 1848? 9 millions de kilog.

Ainsi avec le simple droit de 2 fr. 50 c. que vous voulez porter non seulement à 3 fr. mais à 3 fr. 50 c, les importations tombent à l,500,000 kilog.; et vous pouvez espérer qu'on importera encore lorsque vous aurez élevé les droits davantage. Cela est inconciliable.

D'ailleurs c'est une contradiction formelle de vouloir prétendre qu'il y a lieu à protéger la meunerie belge par le droit exorbitant que vous indiquez et de supporter que le produit restera le même. Il y a contradiction à vouloir que les produits restent les mêmes et à empêcher les produits d'entrer. Je ne puis faire une recette qu'à la condition qu'il entre quelque chose,

J'insiste donc, dans l'intérêt du trésor, pour obtenir que la recette, qui a été faite, jusqu'à présent et qui s'élève à 45,000 fr., nous soit conservée.

M. Coomans. - Messieurs, il ne convient pas que nous nous servions de deux poids et de deux mesures dans la balance législative. Je vais démontrer qu'on en use quelquefois, et notamment que l'honorable ministre des finances doit, s'il veut être conséquent, admettre l'amendement de l'honorable ami qui siège à ma gauche.

J'ai appuyé hier la proposition de l'honorable M. Loos relativement au riz. Or, messieurs, quelle protection cette proposition accorde-t-elle aux moulins pour le riz, c'est-à-dire au travail industriel dans deux ou trois villes? Le riz en paille ne payerait, d'après l'honorable M. Loos, que 10 c. par 100 kilog.

M. Osy. - Par pavillon belge.

M. Coomans. - Peu importe; je m'occupe de la protection accordée à l'industrie.

- Une voix. - Parlez des farines.

M. Coomans. - Je suis dans la question...

Je suis dans les moulins, nous parlerons des pavillons ensuite, si on le désire.

Ainsi le riz en paille des Indes orientales payerait 10 c. et le riz pelé 4 francs 50 c; protection industrielle en faveur de trois moulins : 4 fr. 40 c.

Cette protection n'est pas la seule que contienne la proposition de l'honorable M. Loos. Elle renferme encore une protection très considérable pour la navigation, et une autre protection très considérable pour la marine. Messieurs, j'ai été aussi surpris que charmé de voir d'honorables libre-échangistes, et entre autres l'honorable M. Cans, se lever en faveur de la proposition de l'honorable M. Loos.

M. Cans. - Quand cela?

M. Coomans. - Avant-hier, quand l'honorable M. Loos a déposé son amendement.

M. Cans. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Coomans. - Quand M. le président a demandé si la proposition était appuyée, l'honorable M. Cans s'est levé. (Interruption.) Moi, je n'ai pas l'habitude de me lever pour des propositions que je désapprouve, et si j'avais prononcé des discours contre les droits différentiels, si j'avais dit que les droits différentiels sont un régime ruineux pour le pays, je ne viendrais pas appuyer une semblable proposition. Ici je ne m'adresse pas à l'honorable M. Cans seul, je m'adresse à tous ceux qui ont appuyé et soutenu la proposition de M. Loos qui est en définitive une exagération des droits différentiels, tant attaqués dans cette enceinte. Pour ma part je l'accepte, car j'ai toujours préconisé les droits différentiels, je les trouve même trop faibles, mais j'ai le droit de regarder comme une inconséquence ou comme une conversion l'appui que des libre-échangistes donnent à la motion de l'honorable M. Loos.

Messieurs, je rentre au moulin. La proposition de l'honorable M. Loos n'établit pas seulement une protection industrielle de 4 fr. 40 c. en faveur des moulins à riz, lorsque cette denrée nous vient de l'Inde asiatique; il en établit une de 6 fr. pour les riz autres que ceux des Indes orientales. En effet, en paille ces derniers riz payent 1 fr., et pelés 7 fr.; protection en faveur des 3 moulins à riz, 6 fr. par 100 kilog.

El quelle est la protection que nous demandons en faveur des moulins agricoles? Nous demandons 2 fr. 50 c, nous, les protectionnistes, alors que des libre-échangistes accordent ou demandent 6 fr. Evidemment, l'honorable M. Loos, qui a fait sa proposition, l'honorable M. Osy, l'honorable M. Veydt, l'honorable M. Cans, qui l'ont appuyée, doivent voter notre amendement, sous peine d'être inconséquents, j'allais dire d'être injustes. Pourquoi, messieurs, les moulins à riz jouiraient-ils d'un privilège relativement aux autres, d'une faveur douanière efficace que vous n'accordez pas aux moulins de campagne? Est-ce parce qu'ils ne sont que trois, qu'ils ont cet honneur précieux? Mais nous parlons en faveur de 50,000 à 60,000 moulins peut-être, et sous un régime où les majorités font la loi, ce sont bien nos moulins qui devraient l'emporter.

L'honorable ministre des finances attribue à la taxe que nous avons perçue sur les farines en 1849, la diminution qui a eu lieu dans les importations. Mais l'honorable ministre n'a pas réfléchi que la même diminution a été remarquée dans les importations de grains. Mous avons importé moins de farine, non parce qu'il y avait un droit d'entrée, mais parce que nous avons importé également moins de grains, c'est-à-dire parce que la consommation éprouvait des besoins moindres. Voilà la véritable explication de la diminution des importations de farines dont l'honorable ministre argumente contre nous.

L'honorable ministre répond que, si nous élevons les droits, il n'entrera plus de farines du tout. Je doute fort qu'il en soit ainsi. Je pense qu'il en entrera encore. Il en entrera peut-être moins; c'est notre vœu. Je voudrais qu'il n'entrât plus de farines en Belgique, pour des motifs qu'on a suffisamment développés et justifiés l'autre jour au point de vue de l'hygiène publique. Mais il entrerait encore des farines au droit de 3 fr. 50 et peut-être à un droit plus élevé. S'il en entre moins, comme le droit sera plus élevé, la recette pourra rester la même, elle pourra augmenter, dirai-je, de même que le produit du droit d'un fr. sur les céréales sera plus élevé que celui du droit à 50 c.

(page 714) Messieurs, pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, il est évident que, pour être justes et logiques, nous devons accorder aux moulins agricoles une protection égale à celle que nous donnons aux moulins anversois et gantois. Je désire qu'on m'explique pourquoi il faut accorder une protection industrielle de 6 fr. pour des moulins a riz, alors que l’on ne veut accorder qu'une protection industrielle de 1 fr. 50 c. aux moulins à farine belges.

M. Cans (pour un fait personnel). - L'honorable M. Coomans m'a fait un reproche de m'être levé...

M. Coomans. - Non, je vous ai fait mon compliment.

M. Cans. - Je n'accepte pas ce compliment.

M. Coomans. - Vous le méritez.

M. Cans. - Quand je me suis levé pour appuyer l'amendement de l'honorable M. Loos, c'est que j'ai cru remarquer que, dans le moment où il a été présenté, il aurait pu ne pas rencontrer l'appui d'un nombre de membres suffisant pour qu'il put être développé. Je me suis donc levé afin de compléter le nombre de cinq membres requis pour que l'amendement put être mis en discussion. Mais je n'avais pas caché à l'honorable M. Loos mon intention bien formelle de voter contre sa proposition. Si l'honorable M. Loos était ici, j'en appellerais à son témoignage.

J'invoque d'ailleurs celui de l'honorable M. Delfosse, qui m'a entendu manifester l'intention de repousser l'amendement. J'ai voulu que la discussion fût entière.

Ainsi, je n'ai pas été le moins du monde inconséquent avec moi-même, et je voterai contre la proposition de l'honorable M. Coomans en faveur de ses moulins, comme j'aurais voté contre la proposition de l'honorable M. Loos.

M. Delfosse. - Ce que M. Cans vient de dire est parfaitement exact.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Coomans a annoncé, en commençant, qu'il allait me démontrer que je devais nécessairement appuyer sa protection.

M. Coomans. - C'est vrai, j'ai commis un oubli. Si vous le permettez, je compléterai ma démonstration.

(erratum, page 718) L'arrêté royal du 31 décembre 1848, rédigé librement par l'honorable ministre des finances, accorde aux moulins à riz une protection industrielle supérieure à celle que le gouvernement consent à donner aujourd'hui aux moulins à farine. J'en conclus que, pour être juste, pour ne pas faire, entre les moulins à riz et les moulins à farine, une distinction arbitraire, l'honorable ministre devrait accorder au moins 3 francs de protection à la moulure du blé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre, qui avait omis de démontrer que je devais appuyer sa proposition, donne maintenant pour raison que l'arrêté royal du 31 décembre 1848 accordait aux moulins à riz une protection plus forte que celle qu'il veut concéder aux moulins à farine. Eh bien, messieurs, le tarif de l'arrêté de 1848 est basé sur le tarif de la loi de 1844 relative aux droits différentiels. Le gouvernement n'a fait que maintenir la protection telle qu'elle existait. Pour indiquer maintenant le rapport qu'il y a entre le pelage du riz et la mouture du grain, il faudrait que l'honorable membre déterminât quel est le déchet du riz en paille pour obtenir du riz pelé.

M. Coomans. - Il est à peu près le même que sur la mouture du blé.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce qui est à déterminer.

Mais quand il serait vrai que le tarif de 1844 aurait accordé une protection exagérée au pelage du riz, il n'en résulterait pas le moins du monde qu'il y a lieu de priver le trésor de la ressource qu'il peut obtenir au moyen d'un droit sur les farines. Voilà ce qu'il faudrait démontrer, et l'honorable M. Coomans ne l'a pas fait. Il se borne à dire que le droit étant plus élevé, nous obtiendrons une recette égale pour une importation moindre; mais rien n'est moins exact en législation douanière et surtout ici, puisque j'établis que le droit est prohibitif, c'est-à-dire que les circonstances étant les mêmes, il n'y aura aucune importation. (Interruption.) L'honorable membre peut constater les faits : sous l'empire de la libre entrée, il a été importé 9 millions de kilog. et avec le droit de 2 fr. 50 l'importation s'est réduite à 1,500,000 kil.

L'honorable membre objecte qu'il est aussi entré moins de grains en 1849 qu'en 1848, mais la différence n'a pas été aussi forte ; l'importation des céréales n'est pas tombée, je pense, dans la proportion de 9 millions à 1,500,000.

Au surplus, l'honorable membre ne répond point à cette considération tirée de la valeur de la marchandise : s'il est vrai que 100 kilog. de farine ne valent que 30 à 33 francs, le droit de 3 francs est de plus de 10 p. c; or, ce droit empêchera vraisemblablement toute importation. Du reste, l'honorable M. Coomans a avoué que c'est là son désir. Il se préoccupe donc fort peu des intérêts du trésor, car si l'importation cesse, et c'est ce qui arriverait avec le droit de 3 fr. 50 c, le trésor perdra les 45,000 fr. qu'il a reçus jusqu'ici.

M. de Haerne. - Je trouve aussi que ceux qui ont approuvé le droit protecteur pour le riz pelé doivent, pour être conséquents avec eux-mêmes, admettre un droit plus élevé en faveur de la meunerie belge que celui qui a été adopté au premier vote. Je ne m'étendrai pas sur cette considération, parce que je la crois assez concluante par elle-même.

M. le ministre des finances vient de présenter quelques observations en sens contraire, mais il s'est exprimé en termes dubitatifs puisqu'il a dit lui-même qu'il ne connaît pas le déchet du riz en paille...

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit que d'honorable M. Coomans aurait dû établir la proportion et qu'il ne l'avait pas indiquée.

M. de Haerne. - Ainsi, dans l'opinion de M. le ministre des finances, le pelage du riz donne un déchet plus considérable que la mouture du grain.

Je penche aussi en faveur de cette opinion; mais je ferai remarquer que nous ne demandons pas, à beaucoup près, pour la meunerie une protection aussi élevée que celle qui a clé accordée au pelage du riz. Si donc il y a une différence quant aux déchets, il y a aussi une différence dans les droits et nous sommes dès lors conséquents avec nous-mêmes. Je voulais appeler l'attention de la chambre sur ce point, que M. le ministre des finances admet au moins notre principe.

Messieurs, cette question du déchet mérite votre attention, et voici pourquoi. Lorsque j'ai eu l'honneur de parler la première fois en faveur d'un droit assez élevé sur les farines, j'ai dit que j'entendais protéger par là, d'abord la santé publique et puis l'agriculture et l'industrie. Si le droit sur les farines n'est pas en rapport avec le droit sur les céréales, si le droit sur les farines est trop bas, il est certain que les farines entreront à la place des céréales. Ici il s'agit encore de déchet, il s'agit de la différence qu'il y a entre les céréales et les farines quant au poids, quant au fret. Pour ce qui regarde le fret, il y a un désavantage pour l’introduction des céréales comparativement à l'introduction des farines. Ce désavantage joint à celui qui résulte de l'augmentation du droit sus te froment doit favoriser l'importation des farines, si le droit n'est pas proportionnellement augmenté sur celles-ci. M. le ministre des finances vient de dire que les prix des farines sont tels que l'importation ne sera plus possible; mais remarquez bien que la différence entre le fret des farines et le fret des céréales, exercera une très grande influence sue les prix, qui d'ailleurs ne resteront pas toujours les mêmes,

Vous savez qu'il arrive beaucoup de farines des Etats-Unis ; or les farines ne pesant qu'environ la moitié de ce que pèsent les céréales, il est évident qu'il y a un immense avantage sur le fret des farines, à raison de la distance. Si donc le droit que vous établissez sur les farines n'est pas assez élevé pour compenser la différence résultant du fret et de l'augmentation du droit sur les grains, il est certain qu'on remplacera, dans les importations, les céréales des Etats-Unis par les farines de ce pays.

Un droit trop faible sur les farines nuirait donc à la fois et à l’agriculture et à l'industrie. Il faut donc que le droit sur les farines soit majoré dans la même proportion que sur les grains.

Avec le droit que nous proposons la proportion restant la même entre le tarif des farines et celui du froment, je pense qu'on introduira encore des farines, lorsque les prix le permettront.

La quantité sera moindre, je l'admets, mais le revenu croîtra en proportion de l'augmentation du droit. Il en sera de même pour les grains, pour lesquels nos adversaires mêmes admettent presque tous que le droit n'est pas réellement protecteur : puisque le droit est doublé, il est évident qu'une importation, qui ne serait que la moitié de ce qu'elle s été précédemment, donnerait un revenu égal à celui qu'on a obtenu sous le régime antérieur.

Qu'on ne dise donc pas que le trésor y perdra! Je crois plutôt qu'il y gagnera.

M. Lesoinne. - Messieurs, je n'ai que quelques mots à dure.

On espère que le droit sur les farines, tel qu'on le propose, rapportera quelque chose au trésor. Eh bien, ma famille est intéressée dans un moulin à vapeur, et je déclare que le droit proposé par l'honorable M. Thibaut est un droit prohibitif.

M. Thibaut. - Je demande à répondre quelques mots à M. le ministre des finances qui pense qu'en élevant le droit sur la farine à 3 fr. 50 c, nous ferions éprouver au trésor une perte de 45,000 fr. Messieurs, l'introduction des denrées alimentaires n'a lieu que lorsque le besoin s'en fait sentir, et elle a toujours lieu dans cette circonstance. Si l’on importe moins de farines, on importera plus de froment et réciproquement. S'il y a diminution de recette sur les farines, vous aurez une augmentation de recette sur les grains. C'est évident.

Il y a d'ailleurs une autre compensation : c'est le plus de main-d'œuvre qu'on donne à nos nationaux, en favorisant l'entrée des grains, préférablement aux farines, main-d'œuvre qui, lorsque les farines viennent de l'étranger, est réservée aux étrangers.

Je persiste donc avec confiance dans mon amendement.

M. Osy. - Messieurs, le droit de 3 francs pour les farines est combattu par l'honorable M. Thibaut qui propose de revenir au chiffre de 3 fr. 50 c., et par le gouvernement qui veut revenir au chiffre de 2 fr. 50, parce qu'il prétend que le droit de 3 francs est un droit prohibitif et que le trésor ne percevra plus rien.

Mais, messieurs, il a été reconnu dans la discussion que la loi n'est pas une loi fiscale ; c'est une loi destinée à donner une légère protection à l'agriculture, et à maintenir à bon compte la nourriture du peuple. Voilà le but de la loi. Je ne puis dès lors m'associer à ce que vient de dire M. le ministre des finances, à savoir que le trésor va perdre une somme de 45,000 francs, parce qu'on n'introduira pas de farines, Si on n'introduit pas de farines, on introduira peut-être du grain.

Nous devons également une protection à nos meuniers. Le gouvernement a toujours considéré que les meuniers avaient besoin de deux francs; nous devons maintenir ce principe. Dans le tarif du 31 décembre 1848, le droit sur le froment était de 50 centimes, et nous avons décrété 2 fr. 50 pour les farines : droit protecteur, 2 francs. Aujourd’hui que nous avons porté à un franc le droit sur le froment, nous devons pour être conséquents fixer à trois francs le droit sur les farines.

(page 715) Si je voulais recourir à notre tarif, je vous prouverais, messieurs, que nous avons eu sur certains objets des droits tellement élevés qu'ils sont prohibitifs. Quand vous avez fait le traité avec la France, vous avez été obligés d'augmenter les droits sur les fils de lin, droits qui sont prohibitifs. Aujourd'hui il n'entre plus du tout de fils de lin.

Je prétends qu'une protection de deux francs n'est pas exagérée pour la meunerie. Je reste dans la proportion de la loi du 31 décembre 1848. J’espère que l'amendement de l'honorable M. Thibaut, pas plus que celui de M. le ministre des finances, ne sera adopté par la chambre.

- La discussion est close.

Le chiffre de 3 fr. 50 c, proposé par M. Thibaut, est mis aux voix et n'est pas adopté.

Le chiffre de 3 francs (amendement de M. Osy) est mis aux voix et définitivement adopté.


Bestiaux

M. le président. - Nous arrivons à l'article Bestiaux.

« Taureaux, bœufs, vaches, taurillons et bouvillons, 4 centimes par kilog. du poids brut. »

- La chambre, consultée d'abord sur la question de savoir s'il y a lieu de maintenir le droit au poids, au lieu du droit par tête, admet définitivement la tarification au poids.

M. le président. - Viennent maintenant les 4 centimes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on a compris dans la catégorie à 4 c. les taurillons. Il paraît indispensable de les soumettre seulement au droit de deux centimes comme les génisses. Ceci est dans l’intérêt de l'agriculture...

M. de Bocarmé. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On désire que les animaux jeunes soient introduits dans le pays. Si c'est là ce qu'on veut, il faut favoriser l'introduction des taurillons; si l'on veut avoir des reproducteurs, qui manquent aussi, il faut favoriser l'entrée des taurillons.

Ce motif paraît déterminant pour assimiler les taurillons aux génisses quant au droit, et pour ne les frapper que d'un droit de 2 centimes.

M. de Bocarmé. - J'avais demandé la parole pour déclarer que je ne voyais aucun inconvénient à l'adoption de la proposition de M. le ministre des finances.

M. Faignart. - Je viens appuyer la proposition de M. le ministre des finances; j'avais un amendement rédigé dans ce sens, pour ranger les taurillons dans la catégorie des génisses.

M. David. - Par les mêmes raisons que vient de faire de faire valoir à M. le ministre des finances, je proposerai d'ajouter : les bouvillons. On regarde cette espèce de bétail comme bête de boucherie; il n'en est pas ainsi; nous avons 800 communes qui n'ont pas d'autre moyen de faire leurs labours et de rentrer leurs récoltes que les attelages de bœufs; pour avoir des bœufs, il faut avoir des bouvillons. Il nous en coûte beaucoup plus de les élever que de les acheter par-delà les frontières, de sorte que dans l'intérêt de l'agriculture, dans l'intérêt de 800 communes, je demande que les bouvillons soient compris dans la catégorie soumise au droit de deux centimes.

M. de Bocarmé. - J'ai demandé la parole pour dire qu'à mes yeux il y a une grande différence entre les avantages qu'on peut tirer de l’introduction des génisses et ceux que présente l'introduction des bouvillons. En effet, la génisse sert à perpétuer et à améliorer l'espèce du pays; l’autre, cela se comprend, ne peut amener le même résultat.

La proposition de l'honorable M. David n'est donc pas, selon moi, admissible : elle nuirait à l'élève du bétail et à l'agriculture en Belgique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous sommes d'accord pour soumettre les taurillons aux mêmes droits que les génisses.

Maintenant, je demande la suppression de ces mots : « Moins de deux ans. » Ce serait un grand embarras pour la perception, tandis qu'en abandonnant au gouvernement le soin de déterminer les signes distinctifs de chaque catégorie, on aura toutes les garanties qu'on veut obtenir. On a dit que les signes de la dentition étaient concluants, que cela pouvait suffire pour déterminer l'âge du bétail.

Voici ce que dit M. Taër qui est le premier agronome moderne...

M. David. - On lui a élevé une statue en Allemagne!

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On lui a élevé une statue, soit. Et voici ce qu'il dit, Principes d'agriculture, t. IV :

« Chez les bêtes à cornes, les dents sont un indice de l'âge beaucoup moins sûr que chez les chevaux et les moutons. Le plus souvent des huit dents incisives de la mâchoire inférieure que le veau apporte avec lui en naissant ou qui lui poussent d'abord après, il perd les deux du milieu entre le 12ème et le 18ème mois, (les bêtes de six dents de lait n'ont donc pas deux ans, comme le disait M. Faignart), et ces deux dents sont aussitôt remplacées par deux plus larges. Après la deuxième année les deux voisines changent de même et ainsi de suite, chaque année une fois. Si les veaux reçoivent une très bonne nourriture, ce changement s'avance; dans le cas contraire, il est retardé, et en général la nature observe moins régulièrement les périodes dans le bétail à cornes; ce qui fait que, dans la jeunesse des bêtes de ce genre, ce signe est extrêmement trompeur.

« Il est plus ordinaire de prendre les anneaux des cornes pour signe de l’âge; mais ce signe n'est également pas assuré. »

Ce que dit M. Thaër est confirmé par tous les auteurs qui ont écrit sur la matière et par des renseignements officiels fournis par les vétérinaires les plus instruits du pays et notamment par M. l'inspecteur-vétérinaire de l'armée, vice-président de l'Académie de médecine.

Que résulte-t-il de là ? Qu'il n'y a pas de signes propres à faire connaître l'âge exact, précis d'une jeune bête à cornes, que l'âge de deux ans, ni plus ni moins, n'est indiqué par aucun signe distinctif qui le caractérise autrement que l'âge de 12, 18 et 30 mois, que par conséquent eu inscrivant la limite de deux ans dans le tarif on impose au gouvernement une obligation qu'il ne saurait exécuter.

C'est à cause de cela que le gouvernement demande à pouvoir déterminer ce qu'il faut entendre par génisse dans le sens du tarif. Il donnera ensuite des instructions aux employés, afin d'assurer la perception du droit.

Si on dit une génisse de deux ans, on pourra en présenter qui auront six mois, un mois, quinze jours de plus; comment constater le fait? Par la dentition? Mais voici l'homme qu'on cite comme le plus compétent, qui n'est pas de cet avis.

Quel inconvénient trouvez-vous à laisser au gouvernement le soin de déterminer l'ensemble des signes distinctifs à l'aide desquels on reconnaîtra dans quelle catégorie l'animal doit être rangé? Il est impossible, à moins d'exiger l'extrait de l'acte de naissance de l'animal, de maintenir l'âge formel indiqué dans la loi. Malheureusement, l'état civil des animaux n'est pas encore institué.

M. de Bocarmé. - Je pense qu'en effet, à quelques mois près, on ne peut pas facilement préciser l'âge du bétail. Je dois cependant me refuser à accepter, comme tout à fait exacte, l'opinion de Thaër, produite par l'honorable ministre des finances : d'après cette note, l'auteur dit que des bêtes de dix-huit, même de douze mois, ont quelquefois les deux dents du centre renouvelées; cela doit être regardé, non comme règle, mais comme une chose tout à fait exceptionnelle; à deux ans, les premières dents d'adulte chassent les dents de lait et les remplacent; voilà la règle. Du reste, j'avoue qu'il n'y a pas, bien que la méthode soit la même, autant de certitude que pour les chevaux; il y a quelquefois une différence en plus ou en moins de deux à trois mois : mais dans l'opinion émise par Thaër, je soutiens qu'il y a exagération. Quant aux cercles qu'on remarque à la base des cornes, ce signe est encore plus incertain que l'autre, et il ne se montre guère qu'après deux ans. En résumé, l'honorable ministre, j'en suis certain, finira par se servir de l'avis de ceux qui lui dirent que le contrôle qui offre le plus de garantie est celui qui s'établit par l'inspection des dents.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On veut inscrire dans la loi : « génisse de moins de 2 ans »; c'est ce dont je demande la suppression, parce qu'une telle énonciation aurait un caractère, permettez-moi de le dire, tout à fait absurde, car cela ne peut rien signifier; vous ne donnez pas le moyen de déterminer l'âge de la génisse, ce qui fait la difficulté. C'est pour ne pas énoncer une prescription qu'il est impossible d'exécuter que je propose le retranchement.

Il est impossible de dire à quelques mois près si la génisse à deux ans. Comment donc exécuter votre loi? il s'agit de déterminer les signes caractéristiques de la génisse, par l'application du tarif, vous êtes d'accord avec le gouvernement, cela a été énoncé ; bornez-vous à dire; le gouvernement indiquera l'ensemble des moyens propres à reconnaître ce que vous qualifiez génisse.

M. de Mérode. - Génisse, cela signifie jeune vache; les meilleurs signes pour reconnaître b génisse de deux ans, ce sont les dents ; ce n'est pas d'une exactitude mathématique, mais c'est la meilleure indication ; vous devez l'admettre puisque vous ne pouvez pas en trouver d'autre.

M. Faignart. - M. le ministre des finances propose la suppression des mots : « de moins de deux ans ». Mais je demanderai à M. le ministre à quel âge il veut fixer le droit?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'âge ne peut être exactement déterminé; il faut n'appliquer la disposition qu'aux animaux jeunes; et c'est pourquoi nous demandons de pouvoir fixer les signes propres à faire reconnaître une génisse.

M. Faignart. - Mais M. le ministre reconnaît-il que le droit doit être appliqué aux génisses de moins de deux ans?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le droit doit être appliqué aux génisses, mais il est impossible de dire quelles sont celles qui ont deux ans, plus ou moins.

M. Faignart. - Cependant cela est extrêmement important; car, remarquez-le bien, une bête de quatre ou cinq ans, qui n'aura pas eu de veau, n'en sera pas moins une génisse; elle pourra peser cinq à six cents kilogrammes, et elle ne serait donc imposée que d'un droit de deux centimes?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle ne sera pas dans les conditions voulues.

M. Faignart. - Dites donc alors que vous voulez vous arrêter à l'âge de deux ans.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je veux déterminer ce que c'est qu'une génisse. (Interruption.) Veuillez m’écouter un instant et vous me comprendrez. Vous énoncez dans la loi qu'on appelle génisse toute bête qui a moins de deux ans. Eh bien, un individu présentera un (page 716) animal à la frontière, et prétendra qu'il a moins de deux ans; de là contestation, procès. Si, au contraire, le gouvernement a le pouvoir de déterminer les signes comme il le demande, par un arrêté royal, dès que la bête présentera les signes déterminés, toute contestation deviendra impossible.

M. Faignart. - Les signes de l'âge de deux ans...

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les signes qui constituent la génisse.

M. Faignart. - Mais, messieurs, il se présente ici un danger, et un danger très grave. On dit : les signes qui constituent la génisse; mais il est évident, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'une bête peut être génisse jusqu'à quatre et cinq ans ; à cet âge, elle a acquis une valeur consîdérable, et elle peut être livrée à la boucherie. Le gouvernement devrait donc fixer l'âge de deux ans et déterminer comment il l'entend ; mais si vous voulez admettre au droit de deux centimes toute génisse quelconque, vous n'aurez plus de génisses de deux ans ; la plupart de celles qu'on présentera seront propres à être livrées à la consommation. Or, la loi que nous discutons a pour objet d'introduire le bétail propre à l'agriculture, et c'est pour ce motif que je voudrais présenter un amendement, dans le but de faire entrer les taurillons dans la même catégorie. Ce que vous faites ne profitera donc pas à l'agriculture ; car au lieu d'introduire des bêtes de deux ans, à élever dans le pays, on ne présentera que des bêtes grasses qui, sous la dénomination de génisses, ne payeraient que le droit de deux centimes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous sommes d'accord qu'il ne faut admettre au droit réduit que les bêtes jeunes.

M. Faignart. - De deux ans ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous le voulez ; mais si vous le dites dans la loi, vous créez une source de procès. Il faut laisser au gouvernement le soin de déterminer les signes distinctifs propres à faire reconnaître la génisse, puisqu'il est impossible de fournir et partant d'exiger la preuve qu'elle a moins de deux ans.

M. de Bocarmé. - Si l'on disait dans la loi: « les génisses dont l’âge ne dépasse pas deux ans », on ferait disparaître toute difficulté; car les génisses qui ont atteint deux ans possèdent certainement les marques de leur âge.

M. David. - Les honorables MM. de Bocarmé et Faignart craignent qu'on n'introduise dans le pays des génisses qui auraient même quatre à cinq ans. Pour lever ce scrupule, je proposerai de rétablir le mode pratiqué anciennement pour constater l'âge du jeune bétail, c'est-à-dire d'exiger que les jeunes bêtes aient encore (erratum, page 718) quatre dents de lait pour être admises au droit de deux centimes. Ce signe est le plus exact. C'est généralement à l'âge de 2 1/2 ans que le jeune bétail perd les deux dents de lait qui bientôt doivent être remplacées par les deux premières mitoyennes; il arrive cependant que ce signe de l'âge n'apparaît que 2 ou 3 mois plus tard; je pense donc que ce serait le moyen le plus sûr de constater l'âge approximatif de deux ans que voudraient faire inscrire dans la loi les honorables membres auxquels je réponds; du reste, l'indication de l'âge, d'après l'état des dents, est le mode pratiqué dans tous les pays où il existe une législation douanière sur le bétail.

- La discussion est close.

M. le président. - Plusieurs propositions ont été faites.

La première tend à ranger les taurillons dans la catégorie des génisses. Je mets cette proposition aux voix.

- La proposition est adoptée.

M. le président. - On propose en second lieu de ranger également les bouvillons dans la même catégorie.

- Cette proposition est rejetée.

M. le président. - Maintenant, au sujet de la dénomination, M. le ministre des finances propose de retrancher les mots « de moins de deux ans ». M. de Bocarmé propose de dire : « les génisses dont l'âge n'excédera pas deux ans ». Enfin, M. David propose de dire « les génisses qui ont encore leurs dénis de lait ». Laquelle de ces propositions veut-on voter d'abord?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Toutes les formules qui sont proposées reviennent absolument au même; on reste exactement dans les mêmes conditions.

Je désire bien faire comprendre ceci : c'est que l'on est d'accord de n'admettre au droit de 2 centimes que les génisses... (Interruption.)

M. le président. - La discussion a été close.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On est d'accord que ces génisses ne doivent pas avoir plus de deux ans. Eh bien, l'arrêté royal déterminera les signes distinctifs auxquels on reconnaîtra les génisses qui doivent être placées dans cette catégorie.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. de Bocarmé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Après les explications données, il est inutile.

M. le président. - M. de Bocarmé renonce-t-il à son amendement?

M. de Bocarmé. - Non, M. le président ; parce que mon amendement est positif, et que la proposition de M. le ministre ne l'est pas.

- L'amendement de M. de Bocarmé est mis aux voix et adopté.


Articles 1 à 4

La chambre adopte définitivement la suppression, à l'article premier, des mots : « À partir du 15 février 1830 », ainsi que les articles 2, 3 et 4.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans la colonne d'observations du tableau, je propose de dire, à l'article bétail : « par kilogramme du poids brut des animaux sur pied. »

- Cette proposition est adoptée.


Article additionnel

M. le président. - La chambre doit aussi statuer sur la disposition suivante proposée par le gouvernement et qui forme amendement :

« Le gouvernement déterminera les signes distinctifs d'après les que les animaux doivent être rangés dans l'une ou l'autre de ces catégories, »

- Cette disposition est définitivement adoptée.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

80 membres ont répondu à l'appel nominal.

52 membres ont répondu oui.

19 membres ont répondu non.

9 s’abstiennent.

En conséquence, le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Osy, Pierre, Pirmez, Reyntjens, Rogier, Schumacher, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Bruneau, Cools, Dautrebande, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Meester, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt. Frère-Orban, Jacques et Jouret.

Ont voté le rejet : MM. Lesoinne, Moncheur, Orts, Sinave, Vilain XIIII, Anspach, Cans, Clep, Coomans, David, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Renesse, de Theux, Dumortier, Faignart, Fontainas et Verhaegen.

Se sont abstenus: MM. Mercier, Rodenbach, Tesch, Vanden Berghe de Binckum, A. Vandenpeereboom, Van Renynghe, Dechamps, de Haerne et de Mérode.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Mercier. - Je n'ai pas voté contre le projet parce qu'il y a doute sur le régime qui serait en vigueur si la loi n'était pas adopté. Je ne l'ai pas adopté parce que l'agriculture ne me paraît pas protégée par le tarif qui a été admis, dans la même proportion que les autres industries du pays.

M. Rodenbach. - Je n'ai pas voté contre le projet de loi parce qu'il renferme quelques dispositions favorables à l'agriculture. Je n'ai pas voté pour le projet parce que plusieurs de ses articles sont contraires à mon opinion.

M. Tesch. - Je me suis abstenu parce que la loi, (erratum, page 724) bien que conforme à mes principes, ne me semble en rapport ni avec notre système d'impôts ni avec notre système économique et commercial.

M. Vanden Berghe de Binckum. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Mercier. J'ai trouvé que la loi ne vaut rien en ce qui concerne les céréales, mais je la trouve bonne en ce qui concerne le bétail.

M. A. Vandenpeereboom. - Je n'ai pas voté contre, parce que la loi fait quelque chose pour l'agriculture, et que le régime qu'elle établit est en tout cas meilleur que celui de la législation actuelle.

Je n'ai pas voté pour, parce que la loi ne fait pas assez, et surtout parce que le tarif concernant les droits d'entrée sur le bétail étranger n'accorde pas à l'élément le plus essentiel du progrès agricole une protection suffisante et efficace.

M. Van Renynghe. - Je n'ai pas voté contre la loi parce qu'elle fait quelque chose pour l'agriculture ; je n'ai pas voté pour, parce qu'elle ne fait pas assez.

M. Dechamps. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Tesch.

M. de Haerne. - Je n'ai pas voté contre la loi, parce qu'elle renferme des dispositions que j'approuve. Je n'ai pas voté pour la loi, parce qu'elle en renferme d'autres que je ne puis admettre. Telle est notamment celle qui permet en tout temps la libre sortie, contre laquelle je me suis élevé toujours de toutes mes forces. Cette disposition, en cas de disette, et d'après les explications données par le ministère, sera fatale au pays. Elle sacrifiera l'intérêt des consommateurs à l'intérêt du commerce et elle pourra donner lieu à des troubles et à des révoltes. La libre sortie des grains pourrait amener la famine que je veux éviter avant tout et à tout prix.

M. de Mérode. - Je me suis abstenu pour les mêmes raisons que l'honorable M. Mercier.

Ordre des travaux de la chambre

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, comme il se pourrait que nous ne fussions plus en nombre à la fin de la séance, je propose à la chambre de décider maintenant que la prochaine réunion aura lieu jeudi à 2 heures.

-Cette proposition est adoptée.

M. Delfosse remplace M. Verhaegen au fauteuil.

Projet de loi sur le régime des aliénés

Discussion des articles

Chapitre III. Des asiles provisoires et de passage et du transport des aliénés.

Articles 18 et 19

« Art. 18. Les autorités communales pourvoiront au placement provisoire des aliénés en attendant leur transfert dans les établissements spéciaux qui leur sont destinés. »

- Adopté.


(page 717) « Art. 19. Los aliénés indigents, à leur passage par une commune étrangère pour se rendre au lieu de leur destination, seront logés par les soins des autorités communales, soit dans les hôpitaux ou hospices de la localité, soit dans tout autre local convenablement disposé à cet effet.

« Dans aucun cas, ils ne pourront être déposés dans une prison, ni conduits avec des condamnés ou des prévenus. »

- Adopté.


M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la chambre est inattentive et fort peu nombreuse, et n me semble qu'il est impossible de continuer en ce moment l'examen d'un projet de loi aussi important. D'un autre côté, il y a fort peu de chose à l'ordre du jour de jeudi. Je demande donc que la suite de cette discussion soit renvoyée à jeudi.

M. le président. - Trois amendements viennent d'être déposés; on les ferait alors imprimer et distribuer.

M. Thiéfry. - Je n'ai qu'une seule observation à faire. Je suis l'auteur des trois amendements qui ont été déposés sur le bureau. J'en ai déjà parlé à M. le ministre de la justice et à l'honorable rapporteur de la section centrale ; nous ne serons pas divisés sur cet amendement.

M. le président. - Voici les trois amendements qui ont été déposés sur le bureau par M. Thiéfry :

« Art. 21, § 3. Les asiles provisoires et de passage seront inspectés une fois au moins par trimestre, par le bourgmestre de la commune dans laquelle ils sont situés et par le juge de paix du canton. »

« Art. 28. Conformément à l'article 131 de la loi communale. »

« Art. 30. L'article 5 de la loi du 15 pluviôse an XIII, relative à la tutelle des enfants admis dans les hospices, est applicable à la présente loi, pour ce qui concerne les commissions administratives des hospices d'aliénés. »

Ces amendements seront imprimés et distribués.

- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée. En conséquence, la chambre ajourne à jeudi prochain la suite de la discussion du projet de loi concernant le régime des aliénés.

La séance est levée à 3 heures.