(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 376) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Plusieurs propriétaires et fermiers, habitants de la Hesbaye, demandent que les céréales étrangères ne puissent concourir aux adjudications publiques pour la nourriture de l'armée ni d'aucun établissement de l'Etat, et prient la chambre de rejeter le projet de loi sur les denrées alimentaires et d'établir un droit d'entrée minimum de 1 fr.50 c. par hectolitre. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Des distillateurs d'Anvers présentent des observations contre la proposition tendante à réduire le chiffre de la restitution des droits accordée à l'exportation des boissons alcooliques fabriquées dans le pays.
« Mêmes observations de plusieurs distillateurs de diverses localités.
M. Rodenbach. - Je demande le renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition tendante à modifier le drawback sur les distilleries.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs habitants de Tournay demandent une réduction sur les péages des canaux de Mons à Condé, et plus spécialement de Pommerœul à Antoing. »
M. Dumortier. - Messieurs, la pétition dont on vient de faire l'analyse est très grave et se rapporte directement à la matière que l'on discute en ce moment. Je demanderai qu'il en soit donné lecture, non maintenant, mais lorsqu'on arrivera à la discussion du chapitre sur les péages des canaux. Je demande aussi qu'elle reste déposée sur le bureau pendant toute la discussion.
- Cette proposition est adoptée.
« Le comité du deuxième district agricole du Hainaut demande le rejet du projet de loi sur les denrées alimentaires, et le rétablissement de la loi de 1834. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Le sieur Gille, échevin à Walcourt, demande une indemnité du chef des fonctions de ministère public qu'il remplit près le tribunal de simple police du canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Pasque demande une indemnité ou une récompense pour avoir fait mettre l'Etat en possession d'une somme importante. »
- Même renvoi.
« Le sieur Pasque réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la liquidation d'une rente à charge du gouvernement. »
- Même renvoi.
« L’administration communale de Papignies prie la chambre d'allouer au budget les fonds nécessaires pour l'exécution des travaux de canalisation de la Dendre ou d'y employer le cautionnement déposé par la société concessionnaire du canal latéral à la Dendre. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Kerkom demandent le rejet du projet de loi sur les denrées alimentaires et prient la chambre de traiter l'agriculture comme le commerce.
« Même demande de plusieurs habitants de Haelen. »
M. le président. - Ces pétitions seront déposées sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
M. Faignart. -Je croyais que les autres pétitions de même genre avaient été renvoyées à la section centrale, qui a examiné le projet de loi.
M. le président. - Diverses pétitions ont été renvoyées à la section centrale; mais celle-ci a terminé son travail.
M. Faignart. - Je demande que toutes les pétitions qui nous sont arrivées depuis le dépôt du rapport et celles qui nous arriveront encore avant la discussion du projet de loi, soient renvoyées à la section centrale pour qu'elle en fasse l'objet d'un nouveau rapport.
C'est, du reste, ce qui avait été décidé par la chambre.
M. Coomans. - Cette décision, si j'ai bonne mémoire, a été prise l'autre jour sur une proposition que j'ai eu l'honneur de faire à la chambre. Il a été décidé que la section centrale ferait rapport non seulement sur les pétitions déjà présentées, mais encore sur toutes celles qui pourraient ultérieurement nous être adressées.
M. Rousselle. - Je pense que ce serait déroger entièrement aux usages de la chambre et que ce serait perpétuer la mission de la section centrale.
Lorsqu'une section centrale a fait son rapport, sa mission est terminée. Ce serait lui donner un travail excessivement pénible que de l'obliger à s'assembler tous les jours jusqu'au moment de la discussion de la loi, et cela pour examiner des pétitions.
Messieurs, il est libre à chaque membre de prendre connaissance des pétitions qui nous sont adressées, et qui sont déposées, soit au greffe, soit sur le bureau. La section centrale a donné le bulletin des pétitions qui nous sont arrivées jusqu'au dépôt de son second rapport. Le travail des membres de la chambre sera donc peu difficile, car il ne s'agira, pour connaître toutes les pétitions, que d'examiner le petit nombre de celles qui nous seront encore envoyées jusqu'au jour de la discussion.
M. Coomans. - Je rends hommage au zèle dont la section centrale a fait preuve, et, certes, ce n'est pas mon intention de vouloir abuser de sa bonne volonté. Mais je répondrai à l'honorable M. Rousselle qu'il y a des précédents dans le sens de la proposition que vient de faire, l'honorable M. Faignart et qui, du reste, a déjà été adoptée par la chambre, sans la moindre opposition.
Le travail d'une section centrale ne finit pas lors du dépôt du rapport. Les sections centrales pour les propositions sur les sucres, pour le projet de loi sur les faillites, ont continué leurs opérations après le dépôt des rapports. Vous en avez tous gardé le souvenir.
Du reste, le motif principal qui m'avait fait faire cette proposition l'autre jour, ce n'était pas de mettre en relief le nombre déjà assez grand des pétitions qui nous sont parvenues, nombre qui aurait été beaucoup plus grand si nous l'avions voulu. Mais c'était surtout pour faire parvenir à la connaissance de la chambre le contenu de quelques pétitions en langue flamande, langue qui n'est pas comprise par tous nos honorables collègues.
Je voulais encore appeler l'attention de la chambre sur un point essentiel, c'est que beaucoup de ces pétitions ne se bornent pas à demander une augmentation de droits d'entrée sur les denrées alimentaires. La plupart ont une signification plus grave, une portée plus haute. Les pétitionnaires demandent l'égalité des travailleurs belges devant la douane; ils demandent que la législature se décide dans le sens de la protection ou dans celui du libre échange, c'est-à-dire qu'elle élève les droits d'entrée sur les denrées alimentaires, ou qu'elle abaisse ceux qui frappent les vêlements, les ustensiles, et tous les objets dont se servent les campagnards. Il ne s'agit pas seulement d'élever à tout prix le droit sur les denrées alimentaires. Ces pétitions renferment des considérations d'un autre genre, qui méritent d'être connues de cette assemblée. Quelle que soit voire décision, messieurs, je vous engage à prendre les pétitions en considération très sérieuse.
M. Faignart. - Je ne demande que la confirmation de la décision de la chambre.
M. Lebeau. - Il serait bon que le rapporteur de la section centrale s'expliquât nettement. Je ne comprendrais pas que l'on donnât à la section centrale un mandat malgré elle.
M. Rousselle. - Si la chambre décide que la section centrale s'occupera de nouveau des pétitions, celle-ci s'empressera de se conformer à la volonté de la chambre. Mais je ne sais si la chambre doit imposer cette tâche à la section centrale.
Depuis que j'ai l'honneur de faire partie de la chambre, je n'en ai pas encore vu d'exemple.
M. Manilius. - Je pense que ces pétitions ont, en général, le même caractère. Nous allons avoir un rapport sur un grand nombre de (page 377) pétitions déjà renvoyées à la section centrale. Je demande que les pétitions qui nous sont arrivées depuis que la section centrale a commencé à s'occuper de son rapport, et celles qui nous arriveront désormais, soient déposées sur le bureau, où chacun pourra en prendre connaissance.
- Cette proposition est adoptée.
Par dépêche du 26 décembre, M. le ministre de la justice transmet les explications demandées sur une requête du sieur Brun, notaire à Andennes, tendante à obtenir l'abolition de la défense faite aux notaires de passer un acte en conséquence d'un autre avant que celui-ci n'ait été enregistré.
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, M. le ministre des finances a déposé, dans la séance d'hier, un projet de loi qui autorise le gouvernement à pourvoir aux fonctions de caissier de l'Etat, jusqu'au jour où ce service sera définitivement réorganisé.
Par une convention signée le 24 de ce mois, la Société Générale s'est engagée à continuer provisoirement ce service.
Le tantième de recette et les remboursements stipulés par les conventions antérieures, entre le gouvernement et la Société Générale, sont remplacés par une indemnité fixe, calculée à raison de deux cent mille francs par an.
Moyennant cette indemnité, le caissier de l'Etat aura à payer tous les frais d'administration, de matériel, de transports et de virements de fonds.
C'est une première amélioration que votre commission aime à constater ; elle fait droit aux réclamations qui se sont fréquemment élevées dans le sein de la législature, et notamment lors de la discussion des budgets du ministère des finances pour les exercices 1849 et 1850.
Votre commission vous propose, messieurs, à l'unanimité, l'adoption du projet de loi, qui a un caractère d'urgence. En effet, les pouvoirs du gouvernement doivent, conformément à la loi du 15 mai 1846, être renouvelés avant le 31 décembre prochain.
- Sur la proposition de M. T'Kint de Naeyer, la chambre décide que le projet de loi sera discuté à l'ouverture de la séance de demain.
M. Manilius dépose le rapport sur le projet de loi relatif au contingent de l'armée pour 1850. Il propose de mettre ce projet à l'ordre du jour de demain.
- Cette proposition est adoptée.
M. Manilius. - Messieurs, la section centrale du budget de la guerre m'a chargé de vous faire un rapport verbal sur la demande d'un crédit provisoire de 5 millions pour ce département. Le 22 de ce mois vous avez décidé que vous n'examineriez le budget de la guerre qu'après les vacances et dès lors il est impossible de retarder la discussion sur le crédit demandé. Ce crédit est indispensable au service régulier de l'armée : nous sommes au 27 décembre, et le 1er janvier l'armée serait sans solde.
La section centrale vous propose donc, à l'unanimité, d'adopter ce crédit sans rien préjuger quant au budget de 1850. Il ne s'agit pas d'un crédit global, c'est un crédit provisoire à dépenser sur le pied du budget de 1849.
La section centrale vous propose, messieurs, de discuter immédiatement ce projet.
- Des membres. - Demain.
- D'autres membres . - Après la loi du contingent.
M. de Chimay. - Il me semble que le crédit provisoire n'a aucune corrélation avec la loi du contingent. On pourrait voter immédiatement le projet. Il n'y a pas de discussion possible.
M. Manilius, rapporteur. - Si vous remettez la discussion à demain, vous devrez faire imprimer le rapport; en discutant immédiatement, vous évitez les frais d'impression. On ne parle que d'économies, en voilà une qui ne présente aucun inconvénient; je ne vois pas de motif pour la négliger.
- La chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement du projet.
Les deux articles du projet sont successivement adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit provisoire de cinq millions de francs, à valoir sur le budget des dépenses de l'exercice 1850 dudit département.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 77 membres présents. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, Desoer, de T'Serclaes, Devaux d'Hont, Dumon (Auguste), Dumortier, Faignart, Fontainas, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rolin, Rousselle, Sinave, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debroux, Dechamps, de Chimay, de Decker et Verhaegen.
M. le président. - Avant de passer à l'ordre du jour sur la demande de l'orateur, je donnerai à la chambre connaissance d'une proposition, sous forme d'amendement à la proposition de loi présentée par M. Bruneau, qui a été transmise au bureau.
(Nous donnerons cette proposition.)
M. Sinave. - Si la chambre veut le permettre, je donnerai quelques développements à ma proposition.
M. Lebeau. - Il ne faut pas scinder la discussion du budget des travaux publics. Mieux vaut indiquer un jour pour développer la proposition.
M. Delfosse. - La proposition de M. Sinave doit être considérée comme amendement au projet de loi présenté par M. Bruneau, elle sera discutée en même que ce projet.
- L'amendement déposé par M. Sinave sera imprimé et distribué.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 2.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, l'objet que je me propose de discuter devant vous est important à deux titres : il intéresse le trésor, il intéresse le service administratif d'une branche considérable du département des travaux publics. Il s'agit de savoir si, dans l'intérêt de l'administration, il doit y avoir un double service, une double direction, ce qui n'existe dans aucune administration du département des finances. Il s'agit de savoir si le ministre des travaux publics parviendra à voir clair dans l'administration du chemin de fer.
Messieurs, c'est sur ces bancs qu'ont surgi, il y a trois ou quatre ans, les observations, les critiques qui ont amené les mesures que le ministre des travaux publics se propose de prendre par des arrêtés organiques;, qu'il se propose de soumettre à la signature du Roi et qui doivent résulter de diverses modifications apportées aux chiffres des articles du budget.
Messieurs, j'ai quelque droit d'élever la voix dans cette discussion puisque je suis un de ceux qui ont fait ces critiques, et il en est encore d'autres que moi qui les ont faites; car l'honorable M. de Brouckere, que je regrette de ne plus voir dans cette enceinte, émettait la même opinion ; il critiquait le ministre de n'avoir pas une action suffisante sur l'administration des chemins de fer; je disais avec lui : « Le ministre responsable que nous avons devant nous n'est pas le ministre effectif des chemins de fer; le véritable ministre des chemins de fer, c'est le chef d'une administration constituée en dehors du département. Nous demandions au gouvernement de modeler son système d'administration d'auprès le système établi au département des finances; nous lui disions : Mettez-vous en rapport direct avec vos chefs de service, comme le ministre des finances est en rapport direct avec les chefs de service des douanes.
Nous lui disons : Faites rentrer sous votre action immédiate ce qui est constitué en ce moment en dehors de votre département, et vous deviendrez un ministre réel, un ministre dirigeant réellement le service des constructions qui continue encore et de l'exploitation des chemin de fer.
Le gouvernement a reconnu le fondement de ces critiques, le fondement de ces observations, et peu après la constitution du cabinet actuel, l'honorable M. Frère-Orban, qui était ministre des travaux publics, n'a eu rien de plus pressé que de proposer des modifications qui consistaient à renforcer le contrôle de cette partie du service de son département.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y avait aucun contrôle.
M. de Man d'Attenrode. - Il y en avait un, puisqu'il y avait une division de contrôle pour laquelle nous consacrions environ 40,000 francs. (Dénégations de la part de M. le ministre des finances.)
Cette division savait à peu près ce qui se passait au chemin de fer. (Nouvelles dénégations de la part de M. le ministre des finances.)
Enfin vous ne nierez pas, M. le ministre, qu'il y avait une division au département qui s'occupait du chemin de fer : elle s'en occupait d'une manière insuffisante; j'en conviens, elle n'avait pas les pièces suffisantes pour assurer son contrôle. Ceci est encore incontestable, je pense.
M. Frère-Orban, ministre des travaux publics, voulant donc renforcer le contrôle qui existait à son département, demanda un crédit de 30,000 francs. Cette demande de crédit souleva des réclamations, elle fut l'objet des critiques de l'honorable M. Tielemans, rapporteur de la section centrale, dont les écrits attestent les connaissances administratives. Elle fut critiquée dans toutes les sections, elle ne fut admise dans aucune, si mes souvenirs me servent bien, et comme il arrive assez souvent, la chambre, réunie ici, ne donna pas raison aux observations des sections, et le crédit passa.
Qu'est-il advenu de ce crédit? Le gouvernement n'en a pas fait usage. Mais la demande de ce crédit suffit pour prouver que nos observations avaient quelque fondement.
Nous avions dit, je le répète, au ministre des travaux publics : Constituez le service du chemin de fer, comme le sont les divers services constitués au département des finances, comme l'est notamment l'administration des douanes, qui offre quelque analogie avec celle du chemin (page 378) de fer, puisqu'elle a, comme celle-ci, un service nombreux, réparti dans tout le pays. Quels sont les éléments constitutifs du service des douanes ?
Ceci est nécessaire à définir pour éclairer ce débat. Un nombreux personnel éparpillé dans le pays. Où vient aboutir ce service actif? A des services provinciaux qui sont en rapport direct avec le ministre. Mais le ministre ne pouvant suffire à l'examen de toutes ces affaires, a, derrière lui, une division qu'on appelle quelquefois direction et un service d'inspection bien constitué. Voilà ce qu'il faut à un ministre pour diriger un service avec fermeté, pour le diriger d'une manière utile pour le pays.
Voyons maintenant comment est organisée l'administration des chemins de fer? C'est d'abord un personnel nombreux répandu dans le pays, aboutissant à quatre grands services : transports, locomotion, entretien et perception. Mais remarquez-le, messieurs, ces services ne correspondent pas directement avec le ministre, ils viennent se concentrer à une direction qui a pour chef un directeur, qui est, en réalité, le ministre non responsable de l'administration des chemins de fer.
Dans cette organisation le ministre responsable ne connaît que ce que le sous-ministre veut bien lui apprendre.
Que disons-nous donc? Nous disons : Constituez-vous d'après les règles adoptées pour l'administration des douanes; faites rentrer ce chef trop prépondérant sous votre main; établissez un fort service d'inspection et vous aurez tout ce qu'il vous faut pour diriger d'une manière convenable et avec connaissance de causes le service du chemin de fer.
Que nous propose maintenant l'honorable M. Rolin, qui semble être sur le point de faire éclore enfin cette réorganisation que nous attendons depuis longtemps? Il maintient tout ce qui existe. Il maintient la direction existante en dehors du département. La seule chose qu'il change, c'est qu'il la décapite; il fait passer la tête à son département. Que fait-il encore? Il organise une seconde direction avec un contrôle. Mais cela ne suffit pas encore. Il organise encore un service de deux inspecteurs généraux. Un inspecteur ne suffit pas, il lui en faut deux : un inspecteur du service technique et un inspecteur du service commercial.
Je suppose qu'il en est ainsi, je dis : je suppose, car il aurait fallu plus de quelques heures pour se rendre parfaitement compte de cette réorganisation...
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - L'honorable M. de Man a pu l'examiner à loisir, car j'en ai donné connaissance à la section centrale dont il fait partie.
M. de Man d'Attenrode. - Je répondrai à M. le ministre des travaux publics que j'ai exprimé en section centrale le désir de la voir saisir de ses projets d'arrêtés, mais on ne nous en a montré que des fragments. Je ne les ai eus en ma possession qu'à la fin, après en avoir fait la demande formelle ; j'ai fait cette demande, parce que si on avait refusé d'y satisfaire, j'étais décidé à vous informer de cette circonstance.
Le fait est que je n'ai eu que peu d'heures pour les examiner. (Interruption.) Je dis que s'il a fallu au gouvernement deux ans pour les concevoir, il faut à un représentant plus d'un jour pour les examiner avec quelque fruit.
Qu'a fait l'honorable M. Rolin? Il a adopté les indications qui avaient été données dans cette chambre; il a adopté le système de son honorable prédécesseur l'honorable M. Frère, il fait de tout cela un ensemble qui constitue une direction centrale considérable et une autre direction en dehors du département.
Je le déclare en toute franchise, je ne conçois pas l'utilité de ces deux directions, cela ne se voit nulle part. J'ai consulté des hommes versés dans les sciences administratives, car je suis loin de me fier à mes lumières, tous m'ont dit qu'ils n'y comprenaient rien. Les chefs mêmes de l'administration centrale ne comprennent pas comment ce véhicule marchera avec ses rouages multipliés.
Je désirerais donc que M. le ministre nous expliquât son système, qu'il nous dît, par exemple, s'il compte correspondre directement avec ses chefs de service ou par l'intermédiaire de cette direction laissée hors de son département.
Si cette direction perd son chef, il faudra lui en donner un autre ; puisqu'elle existe, il faudra bien lui donner une fêle. Tout est donc maintenu, sauf qu'il y aura un autre directeur.
Je pose donc à M. le ministre la question de savoir s'il compte correspondre avec les chefs de service directement ou par l'intermédiaire de ce nouveau directeur.
Je lui demande qu'il nous explique comment fonctionneront ces deux directions juxtaposées, et qui auront les mêmes attributions. Car je ne vois là-dedans qu'une chose qui est très claire, quand on se rend un peu compte des instruments dont le gouvernement dispose, c'est que le résultat de tout ce plan, s'il se réalise, ce sera l'organisation du conflit. Le conflit existait déjà; il grandira, il sera encore plus réel. Je ne vois donc pas une amélioration dans cette réorganisation.
J'en viens, messieurs, aux résultats financiers, et voici comment j'apprécie le résultat financier de cette opération.
Je ne procéderai pas comme M. le ministre des travaux publics, qui compare toujours ses propositions du budget de 1850 avec les chiffres du budget de 1849. Mon système est différent; j'agis d'une autre manière. Voici comment je procède : je compare les propositions de crédits faites pour l'exercice 1850, aux crédits qui ont été accordés pour l'exercice 1847.
En effet, c'est peu avant le commencement de l'exercice 1848 qu'est arrivée aux affaires une nouvelle administration, qui a inauguré un système nouveau, qui nous a fait de nouvelles propositions; et depuis lors il n'y a plus rien de fixe au ministère des travaux publics, en matière de budget.
Messieurs, je suis peut-être de ceux qui s'occupent le plus de l'examen de ces budgets ; eh bien, je vous le déclare, à la manière dont les budgets sont agencés depuis deux ans, il y a de quoi dépister le limier le plus exercé ; et d'ici à quelque temps on n'y verra plus que du feu.
Examinons d'abord le crédit réclamé par l'article 2, destiné à l'administration centrale; la chambre a alloué au budget de 1847, pour ce service, un crédit de 237,070 fr. Que nous propose-t-on pour l'exercice prochain? Un crédit de 325,350 fr. Il en résulte donc une augmentation de 86,280 fr. (Interruption.)
Il est vrai, je me hâte de le reconnaître, que M. le ministre des travaux publics explique que cette augmentation est due à un transfert. Je ne demande pas mieux que de m'éclairer, de trouver des solutions satisfaisantes. Mon habitude n'est pas de donner un uniforme aux chiffres et de les faire jouer dans un certain sens pour appuyer mes observations. Si j'ai tort, je le reconnaîtrai franchement. Je dis donc qu'il est incontestable que le crédit demandé pour 1850 à l'article 2 présente une augmentation, sur le crédit de 1847, de 86,280 fr.
Je reconnais que M. le ministre des travaux publics donne dans la colonne d'observations du budget des explications d'où il résulte que l'augmentation n'est pas réellement de 86,280 fr., puisqu'il opère au moyen de transferts de certains articles à l'article 2; mais ces transferts s'élèvent à 60,000 fr. Il est donc constant, messieurs, qu'il y a pour l'exercice 1850 une augmentation réelle de 26,280 fr. sur le crédit qui a été alloué pour 1847.
Je viens d'ailleurs, messieurs, de contester la nécessité d'une partie de ces transferts. Savez-vous, messieurs, ce que cela me prouve? C'est que puisqu'on peut diminuer certains crédits, détacher une partie du personnel de certains services, ce personnel est peut-être inutile et pourrait être mis en disponibilité.
J'en viens maintenant au crédit qui concerne cette fameuse direction qui fait l'objet de toutes nos contestations; cette direction constituée en dehors du département, cette direction que l'on maintient dans cette condition.
Quel est le transfert que l'on détache du crédit destiné à cette direction? C'est un transfert de 16,950 fr., soit en chiffres ronds 17,000 fr.
Quel est le chiffre que nous avons alloué en 1847 pour la direction du chemin de fer? 207,800 fr. Quel est le crédit qu'on nous demande pour l'exercice 1850? Et je tiens compte du transfert de 17,000 fr.; je l'ai déduit. On nous demande 240,857 fr. Je soustrais de cette somme le crédit de 1847 et je trouve pour 1850 une augmentation de 25,057 fr.
M. le ministre des travaux publics a énuméré les économies nombreuses qu'il a faites. J'avoue que je ne sais trop où des économies nombreuses ont été faites. Nous nous sommes plaints souvent, je me suis plaint hier encore, du luxe de l'état-major des ponts et chaussées, de l'état-major des chemins de fer. Est-ce sur cet état-major que portent les réductions? Pas du tout, l'on maintient l'état-major ; l'on maintient le service galonné. Nous allons avoir un directeur pour la direction qui reste en dehors, un directeur en chef pour la direction constituée en dedans; nous aurons 5 sous-directeurs, des inspecteurs nombreux. Si l'économie ne s'opère pas sur ces hommes, elle doit s'opérer sur la démocratie des bureaux.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - On améliore la condition des fonctionnaires les moins rétribués, et on diminue le traitement des fonctionnaires les plus élevés.
M. de Man d'Attenrode.- Je demanderai alors où l'on trouvera le crédit nécessaire pour donner un traitement au directeur qui remplacera celui que l'on fait passer à la direction centrale. Le chef de la direction qui est constituée en dehors passe avec son traitement à la direction centrale.
Puisque la direction extérieure est maintenue; il faut bien qu'elle ait un chef. Or, M. le ministre ne nous propose pas de crédit pour payer ce nouveau directeur. Où le trouvera-t-on? Il faudra bien qu'on le trouve au moyen des réductions qu'on prélèvera sur d'autres traitements.
Messieurs, je n'en dirai pas davantage. J'ai cherché à m'expliquer le plus clairement qu'il m'a été possible. La question est un peu abstraite et j'hésitais réellement à me lever pour vous l'exposer. Mais comme je savais que j'ai une part de responsabilité dans ce qui va arriver, j'ai tenu à m'expliquer. Au reste j'attends le jugement de la chambre. Quoi qu'il arrive j'ai mis ma responsabilité à couvert.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - L'honorable M. de Man vient de vous dire qu'il est un de ceux qui se sont occupés le plus longtemps et le plus activement de l'étude de l'administration des travaux publics. Je dois lui déclarer que je ne le félicite pas sur le succès de ses études; puisque malgré ses méditations si sérieuses, malgré son habileté....
M. de Man d'Attenrode. - Je ne prétends pas avoir de l'habileté.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - J'aime à vous en reconnaître.
M. de Man d'Attenrode. - Vous êtes trop bon.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Puisque, malgré ses méditations et son habileté, il n'est point parvenu, pour me servir de ses propres expressions, à y voir goutte.
(page 379) M. de Man d'Attenrode. - C'est ce qui reste à démontrer.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - C'est ce que j'entreprends de démontrer à l'instant même.
Le discours que vient de prononcer l'honorable membre est tissu de contradictions. Après avoir posé les principes qui devaient guider le ministre dans l'organisation de son département, après l'avoir en quelque sorte félicité d'avoir mis à profit les idées qu'il paraît avoir émises depuis longtemps, il vient aujourd'hui lui faire un crime de traduire ces idées en faits; il ne veut pas qu'elles soient mises en action; et ce qui l'inquiète, c'est de voir décapiter une administration qui lui a toujours paru trop puissante, et d'en voir transporter la tête du service extérieur au service du département; il s'inquiète surtout de savoir comment cette tête sera couronnée, et où le ministre des travaux publics trouvera les fonds nécessaires pour rétribuer les services qu'il entreprend de créer.
L'honorable M. de Man a eu raison de vous le dire, la réorganisation du département des travaux publics intéresse le pays sous un double rapport, celui de l'économie et celui de la bonne administration. C'est ce double but que j'ai voulu atteindre, et, quoi qu'en dise l'honorable préopinant, je ne regrette pas le temps que j'ai mis à étudier ces difficiles questions. Si lui, si habile, si versé dans ces études qui paraissent avoir absorbé tout son temps, déclare n'être pas parvenu à y voir clair, le ministre des travaux publics, arrivé inexpérimenté aux affaires, doit lui paraître excusable d'avoir voulu, avant d'agir, s'éclairer et par les discours de l'honorable membre lui-même, et par des leçons plus précieuses encore, celles de l'expérience.
Il se peut sans doute encore que je n'aie pas fait pénétrer la lumière et l'ordre dans ce chaos; il se peut que, dans la réorganisation des services de mon département, j'aie commis des erreurs graves; je ne suis pas assez aveuglé sur mon propre mérite pour m'en croire exempt ; mais ce que je puis dire c'est que cette réorganisation est une œuvre de réflexion, de conscience, et j'ajouterai surtout d'humanité. Que l'honorable M. de Man veuille bien me croire. Il ne sera pas dit que, pendant le temps que j'aurai été placé à la tête du département, j'aurai retranché une partie quelconque de la faible rémunération des fonctionnaires placés au bas de l'échelle administrative pour augmenter d'autant les traitements de ce qu'il appelle l’état-major galonné.
M. de Man d'Attenrode. - L'expression est très exacte : ils sont complètement galonnés.
M. le président. - Je prie M. de Man de ne pas interrompre.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je vous mets au défi de citer un seul fonctionnaire de l'état-major qui se serait engraissé, par mon fait, de la sueur du fonctionnaire pauvre et faible.
M. de Man d'Attenrode. - Je proteste contre cette manière de discuter. Vous devez vous adresser au président ou à l'assemblée.
M. le président. - M. de Man n'a pas la parole, je le prie de nouveau de ne pas interrompre.
M. de Theux. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Le règlement, messieurs, prescrit aux orateurs de s'adresser à la chambre ou au président. On ne peut pas s'adresser à un membre individuellement. Je remarque que plus d'une fois cette manière de discuter qui consiste à s'adresser, en quelque sorte, avec personnalité à un seul membre, a amené des explosions très regrettables dans cette enceinte. Il est tout à fait contraire au règlement de prendre à partie un membre de l'assemblée et d'en faire, en quelque sorte, le point de mire de tout un discours.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je ferai remarquer à l'honorable comte de Theux que, jusqu'au moment où M. de Man m'a interrompu, c'est à la chambre que je me suis adressé. Il n'y a pas , que je sache, dans ce que j'ai dit jusqu'ici, un seul mot blessant ou injurieux pour M. de Man.
M. de Man d'Attenrode. - Vous tournez mon habileté en ridicule.
M. le président. - Si l'honorable M. de Man veut continuer ses interruptions nonobstant mes avertissements réitérés, je serai obligé de le rappeler à l'ordre.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - C'est donc une blessure d'amour-propre dont l'honorable M. de Man vient se plaindre. Ce dont je me plains, moi, c'est d'une accusation qui a dû me blesser au cœur, c'est d'une accusation d'injuste et d'inhumaine préférence donnée à des fonctionnaires richement rétribués aux dépens de ceux qui souffrent la misère et la faim.
C'est cette accusation que j'ai repoussée avec une vivacité dont je n'ai nul regret, nulle honte et dont je ne fais nulle excuse à personne.
Je reprends, messieurs, la discussion qui a été mal à propos interrompue.
On me reproche de créer un double service, une double direction, et, immédiatement auparavant, on venait de dire que, dès avant 1847 et avant l'inauguration de l'administration qui est maintenant au pouvoir, on avait fait remarquer que le vrai ministre des travaux publics ne siégeait pas à la Place Royale, que ce ministre n'était autre que le chef du service extérieur qui ne laissait voir au ministre apparent et responsable que ce qu'il lui plaisait de ne pas lui laisser ignorer.
Cette critique était exagérée sans doute, comme tant d'autres, mais elle ne laissait pas que d'avoir un fondement sérieux. Il était vrai de dire que le ministre n'avait pas les moyens nécessaires pour s'éclairer et sur le mérite des propositions qui lui étaient soumises et sur la bonne et fidèle exécution des ordres émanés de son autorité. Quel était donc le remède? Ce remède était indiqué par le bon sens le plus vulgaire : c'était de commencer par créer au département un service de contrôle. Ce contrôle était d'une nécessité tellement évidente qu'on ne peut s'étonner que d'une seule chose, c'est qu'il n'eût point été établi depuis de longues années. On comprend, en effet, que pour que le ministre puisse mettre sa responsabilité à couvert, il faut bien qu'il soit mis en état de s'éclairer et sur le bon emploi des fonds mis à sa disposition par les chambres, et sur la juste application des tarifs et sur l'exact renseignement de toutes les recettes opérées; je ne comprends pas qu'une administration puisse exister sans ce moyen de surveillance.
Que fit mon honorable prédécesseur? Il demanda à la chambre une allocation de 30,000 francs pour l'établissement d'un contrôle au département, et comme l'honorable M. de Man vient de vous le dire, cette proposition excita d'abord quelque inquiétude dans les sections. Il fallut que la discussion publique vînt la dissiper. Elle la dissipa en effet; et après que la nécessité de l'adoption de cette mesure eût été mise en lumière, pas une seule voix ne s'éleva pour la combattre; le contrôle fut décrété. Il s'agissait de le mettre en action.
Tout le monde sait que mon honorable collègue et ami ne manque point de la fermeté et de la vigueur nécessaires pour l'exécution des mesures qu'il croit nécessaires ou utiles au service; mais il comprit, lui aussi, qu'avant d'établir un service nouveau, il importait de régler mûrement son mode d'action, afin de ne point créer un rouage inutile, une œuvre incomplète.
Il fut interrompu par son passage à un autre ministère, et j'arrivai, comme on vous l'a dit, inexpérimenté au département. J'eus donc aussi, à mon tour, à me livrer à cette étude ; et je pensai qu'il valait mieux de laisser se prolonger, pendant une année, l'état de choses actuel, que de créer un service qui aurait été mal organisé et qui aurait porté de mauvais fruits pour l'avenir.
Cette étude me donna bientôt une conviction nouvelle, c'est qu'il ne suffisait point au ministre d'avoir à son département un contrôle des recettes et de matières, s'il n'avait, en même temps, sous la main des inspecteurs qui lui permissent en quelque sorte d'avoir l'œil au-dehors, et de voir ce qui se passait dans le service extérieur, autrement que par les yeux de l'agent même chargé de l'exécution du service.
On a quelquefois appelé cette surveillance extérieure, un espionnage. Mais, messieurs, tout le système administratif n'est autre chose qu'une organisation de surveillance qui monte depuis le plus bas degré de l'échelle jusqu'au plus élevé. Que dis-je? le régime constitutionnel lui-même est la plus haute expression de la défiance, ou, pour me servir d'une expression plus noble et plus juste, la plus complète organisation du contrôle à tous les degrés.
De là la création de cet état-major galonné dont a parlé l'honorable M. de Man.
Mais suffisait-il de créer au département un service d'inspection et de contrôle? Oui, messieurs, pourvu que l'on conservât au centre une administration distincte du service extérieur, soit qu'on l'appelât division, comme aujourd'hui, soit qu'elle fût érigée en direction.
Mais une idée nouvelle a surgi ; ou plutôt une idée ancienne s'est présentée de nouveau ; le moment a paru opportun pour la réaliser: c'était de réunir dans une même main et dans un seul centre d'action l'administration supérieure du chemin de fer et celle des postes.
Les liens nombreux par lesquels le transport des hommes et des choses se rattache au transport des correspondances suffisent pour faire comprendre l'utilité d'imprimer une direction unique à ces diverses branches de service; et de là, l'idée de placer sous une direction supérieure, unique, les deux directions spéciales qui existent aujourd'hui au département sous les noms de division du chemin de fer et division des postes.
Reste la question de la décapitation de la direction extérieure.
Deux idées différentes se présentaient. L'une, celle qui a été préconisée par l'honorable préopinant ; l'autre, celle qui est écrite dans l'arrêté organique de l'administration centrale.
La première consistait, suivant l'expression de M. de Man, à transférer la tête même de l'administration extérieure au département ; rien n'était plus simple.
Dans ce système, M. le ministre avait la direction placée sous la main; et de plus, il avait à côté de lui des inspecteurs, par les yeux desquels il voyait ce qui se passait au dehors; il avait un contrôle qui lui permettait de surveiller et l'application des tarifs et les recettes.
Mais que serait-il arrivé? C'est que dans les mains de ce directeur ainsi placé au département, auraient été confondus tous les pouvoirs; c'est qu'alors, plus que jamais, ce directeur unique, chargé en même temps de l'initiative des propositions et de leur examen, de la conception des ordres et de leur exécution, aurait été le ministre véritable sous le couvert de la responsabilité du ministre apparent.
Etait-ce là, messieurs, ce qu'on devait désirer? Je ne le crois pas. A mon sens, un principe élémentaire de toute administration, c'est qu'il y ait deux agents différents, l'un qui propose, l'autre qui avise sur le mérite des propositions; l'un chargé de l'exécution du service, l'autre qui en surveille la bonne et fidèle exécution. Telle est, à mon avis, la base d'une organisation sage et raisonnable.
Mais, a-t-on dit, ces deux directions superposées n'ont d'exemple dans aucune autre administration.
Que l'honorable préopinant qui m'a fait cette objection, me permette de lui dire qu'il a prouvé par là qu'il n'a pas été plus heureux dans (page 380) l'étude qu'il a faite de l'organisation du département des finances que dans celle de l'organisation du département des travaux publics.
Le directeur de l'exploitation au dehors, qu'est-il autre chose que les directeurs des contributions et des douanes dans les provinces? Au-dessus de ces directeurs territoriaux, si vous voulez les appeler ainsi, se trouve placé au centre, un directeur général, éclairant le ministre, suppléant à l’insuffisance de ses lumières et de son expérience. On voit que c’est le même système que celui que j’ai appliqué à l’organisation de mon département.
Mais, dit-on encore, le service du chemin de fer se trouve divisé dès à présent en service des routes, service de locomotion et entretien du matériel, et service des transports et perceptions. Pourquoi donc ceux qui sont placés à la tête de ces services ne correspondraient-ils pas directement avec le ministre, sans qu'il soit besoin de placer à leur tête un directeur distinct de celui qui siège au département?
On ne voit pas qu'il faut, dans tous les cas, qu'il existe, quelque part que ce soit, un fonctionnaire entre les mains duquel se concentre l'exécution du service extérieur ?
Pense-t-on, par hasard, qu'il conviendrait d'abandonner l’exploitation en quelque sorte à l'aventure, de la laisser s'éparpiller entre des mains différentes, sans unité d'action, au péril d'introduire ainsi dans le service extérieur ce désordre et cette anarchie que l'on prétend régner au sein même du département?
Je n'ai point été de cet avis, et je soumets très volontiers cette idée à la sagesse de la chambre; elle prononcera entre le système de l'honorable M. de Man et le mien.
L'honorable préopinant a pensé que l'organisation projetée causera un surcroît considérable de dépenses. Et pour justifier cette assertion, il a comparé le budget de 1849 à celui de 1847.
Or, après avoir établi cette comparaison, et après avoir retranché les transferts qui ne constituent pas, à coup sûr, une dépense nouvelle, il est arrivé à ce résultat, qu'entre ces deux budgets il n'existe qu'une différence de 26,000 fr. C'est avec une augmentation réelle de 26,000 fr. que j’entreprends de créer (vous l'avez entendu) un double service d'inspection et deux autres services dont je parlerai tout à l'heure.
On s'est étonné que l'inspection du chemin de fer puisse nécessiter l’emploi de deux inspecteurs différents, l'un pour la partie technique, l'autre pour la partie commerciale et des transports ! Mais croit-on que ce soit chose si simple que d'inspecter à la fois toutes les parties de ce double service? Où trouverez-vous l'homme qui ait à la fois, et le talent et le temps nécessaire pour surveiller par lui-même, directement et utilement, toutes les parties de l'exploitation. Evidemment il vaudrait mieux ne pas créer un service pareil, que de créer en même temps l'impossibilité d'y suffire.
Viennent ensuite deux autres services dont l'honorable M. de Man n'a pas dit un seul mot et dont la nécessité se trouve cependant complètement démontrée dans les développements fournis à l'appui du budget : l’un est un bureau de comptabilité des articles d'argent, l'autre un bureau de contrôle du timbre d'affranchissement pour les postes.
On a dit, messieurs, et c'est la dernière objection à laquelle je croie nécessaire de répondre ; on a dit qu'en transférant les services extérieurs au département, je proclame par cela même l'inutilité de ces services, et que dès lors il faut les supprimer.
L'honorable préopinant y a-t-il songé? Nous transférons au département l'inspection des ponts et chaussées. Pense-t-il, par hasard, qu'on puisse convenablement supprimer ce service? Il existe à l'administration des ponts et chaussées trois inspecteurs divisionnaires. Je me propose de les réduire à un seul; c'est ainsi que je multiplie le personnel de l'état-major galonné. L'honorable préopinant pense-t-il que ce seul inspecteur soit encore de trop?'
Quant à moi, messieurs, si j'ai un scrupule au fond de la conscience, c'est d'avoir poussé le système des suppressions trop loin.
Nous transférons au département l'inspection des postes. L'honorable préopinant pense-t-il qu'un service tel que, celui des postes puisse en quelque sorte être abandonné à lui-même sans inspection?
Si l'honorable M. de Man n'a pas vu clair dans cette organisation, je regrette de devoir le lui dire, mais c’est que son attention aura été distraite. En présence des explications si détaillées, si claires que j’avais données à la section centrale, j’avais espéré qu’il serait impossible de se méprendre sur nos intentions.
Je terminerai, messieurs, en disant à l'honorable M. de Man que s'il ne me reste que l'inquiétude de savoir où le ministre prendra les fonds nécessaires pour pourvoir au service nouveau qu'il se propose d'établir, je le prie de se tranquilliser. J'aime mieux de sa part une inquiétude de cette espèce, que s'il était inquiet de savoir ce que le ministre fera des fonds mis à sa disposition.
M. Mercier. - M. le ministre des travaux publics veut bien convenir que l'organisation de son département, telle qu'il se propose de l'établir, peut encore renfermer des vices. Son opinion n'est donc pas complètement arrêtée. Je pense des lors qu'il est encore opportun de soumettre quelques observations, sinon sur les détails de cette organisation puisque nous ne les connaissons pas, mais sur des bases essentielles qui nous sont révélées par les chiffres du budget.
L'organisation actuelle du département des travaux publics a été l'objet de critiques multipliées. Ces critiques se sont particulièrement produites lors de la discussion du budget de 1848, elles embrassaient toute l’administration centrale, et particulièrement les services des ponts et chaussées, des mines et du chemin de fer ; je ne parlerai pas des deux premiers, car les mesures prises ou projetées à leur égard, me paraissent de nature à faire cesser les vices signalés; il n'y aura plus d'administration centrale en dehors du ministère.
Ce qu'on reprochait avec raison à l'organisation actuelle, à celle à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, c'était de soustraire la direction des affaires à l'action immédiate du ministre, c'était d'entraîner une double correspondance, donnant lieu à des retards, d'exiger un double personnel, et par conséquent une double dépense, enfin de faire naître des conflits et de l'hostilité entre les fonctionnaires supérieurs de l'administration ; je reconnais d'abord, d'après les explications; que vient de donner M. le ministre des travaux publics, que dans l'organisation qu’il projette, il y a amélioration ; mais je dois ajouter que je trouve cette amélioration insuffisante; je parle spécialement du service du chemin de fer.
Pour ce service et celui des postes dont l'administration rentre au ministère des travaux publics, il sera institué des inspecteurs sous les ordres immédiats du ministre: c'est là une amélioration, parce que le ministre, qui précédemment n'était en définitive éclairé que par un seuil fonctionnaire relativement aux affaires du chemin de fer, le sera désormais par deux inspecteurs qui parcourront les différentes lignes et lui feront leurs rapports directement. Cependant il restera en dehors du ministère des travaux publics une administration centrale du chemin de fer.
Nous avons vu la composition du personnel de cette administration dans un tableau annexé au rapport de la section centrale, présenté par (erratum, page 423) M. Tielemans, sur le budget de 1848. D'après ce tableau cette administration comprenait 120 employés donnant lieu à une dépense de 201,000 francs. M. le ministre se propose de prendre certains éléments de cette administration centrale pour les transférer au ministère. Je suis d'opinion que pour faire disparaître une anomalie fâcheuse pour le service il fallait transférer l'administration centrale tout entière au département des travaux publics.
C'est par ce moyen seulement que le ministre aurait toutes les garanties désirables d'une bonne administration ; un directeur général sous ses ordres, des inspecteurs voyageant constamment sur toutes les lignes,, et lui rendant compte directement de leurs tournées; tous les chefs de service du chemin de fer lui adressant leurs rapports, et enfin un conseil d'administration avisant sur toutes les affaires importantes ; voilà comment je conçois l'administration centrale.
Laisser subsister une seconde administration centrale hors du ministère, administration qui sera le véritable centre des affaires et vous perpétuez en grande partie les vices qu'on a reprochés à l'organisation actuelle, c'est-à-dire un retard inévitable dans l'expédition des affaires, une dépense inutile et les conflits administratifs.
J'ai pu juger par ma propre expérience, lorsque j'étais à la tête du département des finances, combien les rapports avec le département des travaux publics sont parfois lents; non par la faute des personnes, mais par suite des vices de l'organisation de cette administration.
Ces défectuosités sont loin de disparaître entièrement par les modifications que M. le ministre des travaux publics se propose d'introduire dans son département.
Il y a évidemment double emploi quand deux fonctionnaires ont les mêmes attributions, à la seule différence que l'un, celui qui est en dehors du ministère, est éclairé par les rapports des chefs de service et que l'autre, celui qui est à côté du ministre, n'est éclairé que par le premier sauf la surveillance des inspecteurs, qui sont admis dans les deux systèmes. La véritable administration centrale sera donc celle qui restera hors du département; que ce soit le directeur actuel de l'exploitation ou tout autre fonctionnaire que l'on place à la tête de l'administration centrale au ministère, peu importe, celui qui sera au ministère sera par la force des choses le moins au courant des affaires.
On a dit que l'administration, telle que je propose de l'établir, ne serait pas conforme à celle qui existe au département des finances ; c'est une erreur; l'analogie existe bien réellement.
Les grandes administrations financières doivent avoir des directeurs dans chaque province, à cause de l'importance de leur service et de l'étendue du territoire sur lequel se porte leur action; ces directions ont des attributions distinctes; dans bien des cas, elles doivent prendre des décisions qui ne comportent aucun retard; il y a tout intérêt à ce qu'elles soient rapprochées des administrés qui souvent sont entendus par les directeurs dans les cas où la décision des affaires ne leur appartient pas; ces directions ont d'ailleurs des attributions qui leur sont conférées par la loi, il y en a neuf pour chaque administration dans le royaume.
Mais, si un directeur pouvait suffire, l'idée de créer un autre directeur, son supérieur correspondant avec lui, cette idée ne se présenterait à l'esprit d'aucun administrateur. En tenant compte de la différence de service, il y a une analogie frappante entre les chefs des administrations financières en province, et les chefs de service pour chaque ligne du chemin de fer, dans leur position vis-à-vis de l'administration centrale.
Le directeur de l'exploitation est maintenant en correspondance avec ces chefs de service. Pourquoi le directeur général, qui sera institué au département des travaux publics n'aurait-il pas lui-même des rapports directs avec ces chefs de service, au lieu de passer par l'intermédiaire inutile (page 381) de sa doublure au-dehors et d'être obligé d'attendre le rapport de ce dernier avant de soumettre ses propositions au ministre sur chaque affaire? Il y a là évidemment un échelon de trop.
Il n'est rien de plus urgent que les décisions relatives au chemin de fer; car si une réclamation n'est pas instruite avec une grande célérité, elle reste sans effet par la nature même des choses. Pourquoi donc laisser subsister des complications qui retardent nécessairement les décisions à prendre?
Le directeur de l'exploitation n'est renseigné que par les chefs de service et parfois aussi par les chefs de station pour certaines de leurs attributions. Je demande pourquoi le directeur ou le ministre ne recevrait pas les rapports des chefs de service du chemin de fer, comme les directeurs généraux des administrations financières ou le ministre reçoivent ceux des directeurs des provinces? Rien, à mes yeux, ne peut justifier le maintien d'une administration centrale ailleurs que sous les yeux du ministre.
Il y a là, je le répète, un véritable double emploi, une entrave plutôt qu'un rouage utile ; une cause de lenteurs, de dépense et de fâcheux conflits.
Je termine en émettant le vœu que M. le ministre des travaux publics entre plus avant dans la voie des améliorations en n'organisant qu'une seule administration centrale pour le service du chemin de fer.
M. Dechamps. - Je n'ai pas compris le motif du ton d'irritation qui, tout à l'heure, régnait dans cette discussion purement administrative et dans laquelle nous n'avons à échanger que des opinions ayant pour but des améliorations à réaliser.
Mon honorable ami, M. de Man, a demandé à M. le ministre des explications sur les arrêtés de principe relatifs à l'organisation de l'administration centrale. Il l'a fait avec une certaine vivacité de paroles nées d'une conviction respectable ; il y a mêlé certaines critiques qu'il était en droit de faire, puisqu'elles étaient dans sa conscience ; mais je ne crois pas que mon honorable ami, M. de Man, ait mérité le reproche un peu dur que M. le ministre lui a adressé, en prétendant qu'il n'a étudié la question qu'il a traitée que d'une manière distraite et de façon à faire croire qu'il n'y a rien compris.
Cette question est fort compliquée, M. le ministre le sait aussi bien que personne. Pour ma part, pendant tout le temps que j'ai été au département des travaux publics, je l'ai étudiée avec soin et le temps seul m'a manqué pour faire paraître les projets que j'avais préparés et que j'ai soumis à l'examen éclairé de M. le ministre des travaux publics.
Je ne veux pas établir maintenant une discussion sur ce point; elle serait prématurée, car pour nous rendre compte des principes défendus par M. Rolin, il faut que nous connaissions les arrêtés d'exécution qui n'ont pas encore paru.
Cette discussion peut paraître prématurée; mais puisqu'elle a été entamée, je crois utile de soumettre à M. le ministre certains doutes et de provoquer peut-être d'autres explications de sa part.
Il y a deux griefs que se renvoyaient le département des travaux publics et l'administration des chemins de fer. Le département des travaux publics: le ministre se plaignait avec raison d'avoir des moyens de contrôle insuffisants sur l'administration des chemins de fer placés en dehors du département. L'administration du chemin de fer avait un autre grief à certains égards fondé. Elle se plaignait de la lenteur que le département mettait à toutes les affaires.
L'administration du chemin de fer disait au ministre: «Lorsque je vous fais une proposition, je ne puis l'accompagner d'un rapport complètement détaillé. Vous soumettez cette proposition au chef de division, lequel, ne pouvant connaître tous les motifs qui l'ont dictée, soulève tout naturellement, et c'est son devoir, des doutes, des objections. Pour les éclaircir, le ministre les communique au directeur du chemin de fer qui doit, lui-même, souvent en référer aux chefs de service. Huit jours, quinze jours se passent ainsi en controverse sur des questions qui demandent une solution prompte; on objecte, on contrôle mais on ne marche pas. » . Voilà le grief de l'administration des chemins de fer contre le département; il y a exagération peut-être, mais le fond est vrai.
D'un autre côté le ministre avait raison de se plaindre, parce qu'il avait une action insuffisante, souvent paralysée, qu'il ne pouvait pas assez couvrir sa responsabilité, parce qu'il n'avait pas de contrôle qui lui permît de savoir exactement ce qui se passait au chemin de fer, surtout relativement aux recettes.
Deux systèmes de réorganisation furent discutés. Le système que l'honorable M. Frère-Orban avait voulu faire prévaloir, c'était de conserver le service du chemin de fer tel qu'il était constitué et de renforcer au département l'action de surveillance et de contrôle, par l'adjonction d'un bureau pour la vérification des recettes, pour le contrôle, pour le magasin central, etc. Ce système était fort simple, et je le préfère de beaucoup à celui qui a prévalu, parce qu'il renverse moins ce qui existe et parce qu'il coûte moins.
Il en est un autre plus complet que je préférerais et dont j'ai déjà entretenu la chambre dans une session précédente. C'est le système de la centralisation. C'était de transporter au département des travaux publics la direction des chemins de fer, de la placer dans les mains du ministre, mais en plaçant à côté de cette direction générale une inspection fortement organisée, relevant directement du ministre, pour être son moyen permanent de surveillance et de contrôle, et au-dessus de la direction et de l'inspection, le conseil général présidé par le ministre.
M. Mercier vient de défendre ce système; c'était aussi celui que j'avais formulé dans un travail que j'ai confié à l'examen do M. le ministre.
Pour ma part, je crois que cette organisation est suffisante et que l'inspection générale et le conseil de direction établis au département, forment un mode de contrôle plus actif, plus puissant que celui qui résulterait d'une seconde direction superposée à la direction des chemins de fer.
Si ce mode de contrôle paraissait insuffisant, peut-être pourrait-on y suppléer, en essayant d'un système que j'ai trouvé exposé dans un rapport présenté par MM. Masui et Dandelin, à M. le ministre, et qui se trouve déposé sur le bureau. Ce système, je n’ose pas le défendre, parce que je ne l’ai pas assez étudié ; mais je n’admets pas qu’on puisse le qualifier de système d'anarchie, comme vient de le faire M. le ministre.
Ce système consiste à diviser le chemin de fer en plusieurs services territoriaux. Les chefs de ces services correspondraient directement avec le ministre. Il y aurait, par exemple, un service distinct pour les lignes du Nord et de l'Est, un autre pour le chemin de fer de l'Ouest, un troisième pour le chemin de fer du Midi, ou toute autre division territoriale autrement combinée.
M. le ministre disait tout à l'heure que c'était là de l'anarchie, parce que l'absence d'unité se faisait sentir dans ce système. Mais, messieurs, les chefs du service extérieur correspondraient directement avec le ministre pour toutes les questions importantes, et avec la direction générale établie au département pour les affaires d'urgence et de service courant. L'impulsion uniforme partirait du ministère organisé comme je viens de le dire.
Messieurs, je suppose un moment que les chemins de fer belges soient exploités par des compagnies, comme en France, comme en Angleterre, et qu'au lieu d'appartenir à une seule compagnie, il appartînt à plusieurs ; que l'une de celles-ci exploitât le chemin de fer du Nord et de l'Est; une autre, le chemin de fer de l'Ouest ; une autre, le chemin de fer du Midi. Croit-on qu'il en résulterait plus d'inconvénients et moins d'unité d'exploitation qu'il n'y en a en Angleterre ou en France? Evidemment non, puisque dans ces pays les différentes lignes sont exploitées isolément, tandis que, dans le système que j'expose, les divers services organisés par lignes aboutiraient à un centre commun : l'administration centrale et le ministre. Un avantage évident serait attaché à ce système, ce serait l'émulation et la concurrence qui s'établirait entre ces chefs de service, de manière à obtenir avec le moins de dépenses le plus de recettes.
Ce système, je ne le défends pas, je l'expose; j'y vois des avantages et je n'aperçois pas les grands inconvénients que M. le ministre y trouve. Il est possible que je me trompe, car j'avoue que je ne l'ai pas étudié à fond; j'ai lu ce matin l'exposé de ce système dans les rapports que M. le ministre a déposés sur le bureau ; je l'indique pour que la chambre le connaisse et puisse en faire plus tard l'objet d'une discussion.
Messieurs, si j'ai bien compris M. le ministre, le système nouveau consisterait dans la fusion de tous les autres. Ainsi, j'ai dit, tout à l'heure, qu'il y avait deux systèmes : celui qui consiste à établir un bureau de contrôle au département, et celui auquel on a donné le nom de système de centralisation, et consistant à transférer la direction extérieure au département avec une inspection parallèle à cette direction et aboutissant au ministre. Voilà les deux systèmes qui, jusqu'à présent, avaient été défendus.
Que fait M. le ministre des travaux publics? Il additionne tous ces systèmes et il les réunit ensemble. Ainsi il laisse le chemin de fer tel qu'il est avec sa direction extérieure et tous ses inconvénients ; il établit au département une administration centrale des chemins de fer et des postes, ce que je ne critique pas ; il crée deux inspecteurs : l'un pour le service technique, l'autre pour le service commercial. Il laisse la division des chemins de fer au département telle qu'elle est, sous le nom de direction ordinaire, et il y joint le bureau de contrôle et de vérification des recettes. C'est-à-dire qu'on maintient les rouages anciens, en y ajoutant des rouages nouveaux.
il est possible que ce système soit le meilleur; l'expérience le démontrera. Aussi je n'émets que des doutes que je soumets à la chambre et à M. le ministre des travaux publics. Mais, je le répète, je crains deux choses : je crains que ce système de deux directions superposées, flanquées d'inspections et d'un bureau de contrôle, ne soit une organisation de conflits, sans donner au ministre une action plus forte sur le chemin de fer que celle qui existait. L'administration sera plus compliquée ; au lieu des économies que le système de centralisation promettait, on aura une dépense plus forte ; les tiraillements administratifs continueront, et l'unité que l'on cherchait, on ne l'aura pas obtenue. Ce sont mes craintes ; je désire qu'elles ne se réalisent pas.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, la discussion vient de s'élargir par les observations que vous ont présentées les deux honorables préopinants, et la chambre comprendra mieux que jamais combien est grave la question que nous sommes sur le point de résoudre par la publication des arrêts organiques.
Comme on l'a dit, tout le monde est depuis longtemps d'accord sur la nécessité de réorganiser l'administration du chemin de fer. Aucun des ministres qui se sont succédé au département n'a varié sur ce point. Tous, j'en ai la preuve sous les yeux, se sont occupés de la question ; mais aucun ne s'est cru suffisamment éclairé pour la résoudre. L'honorable préopinant est de ce nombre; il le reconnaît.
(page 382) Trois systèmes se sont trouvés en présence ;
Le premier est celui qui a été développé pur l'honorable M. Mercier ; le second est le système qui vient d'être développé par l'honorable M. Dechamps; le troisième est celui que je me propose de mettre à exécution.
Ces divers systèmes ont un point de départ commun : à savoir que pour que le ministre exerce son action d'une manière sérieuse, efficace, pour que sa responsabilité ne soit pas un vain mot, pour qu'il puisse voir et diriger par lui-même, il faut qu'il soit établi au département un contrôle, un service d'inspection.
Reste à savoir comment doit être organisée la direction même.
Le système de l'honorable M. Mercier est évidemment le plus simple, celui qui ferait disparaître complètement toute cause de lenteurs; il consiste à prendre tout simplement la direction telle qu'elle existe au dehors, à la transférer avec tout son personnel au département et à placer à côté de cette direction un service d'inspection et de contrôle.
Dès lors plus d'intermédiaires entre le directeur du chemin de fer et le ministre; plus de correspondances inutiles; décisions promptes succédant presque immédiatement aux propositions.
Sous ce rapport, on ne peut se dissimuler que ce système paraît séduisant.
Mais, il me semble, messieurs, que le côté faible qu'il présente doit sauter aux yeux de tout le monde ; c'est le système d'aujourd'hui aggravé. Ce sont tous les vices qu'on reproche à l'organisation actuelle portés jusqu'à l'excès.
On se plaint de ce que le directeur du chemin de fer est le vrai ministre, réglant l'exploitation par lui-même et se contrôlant lui-même. Et pour remédier à cet excès d'autorité, on débarrasserait le directeur de l'intermédiaire qui existe entre lui et le ministre! On livrerait le ministre à son influence exclusive, toute puissante!
Je regretterais vivement, messieurs, que ce que je dis pût être considéré comme l'expression d'une accusation ou d'un blâme, contre le directeur de l'exploitation. Je rends au contraire toute justice à son activité, à son dévouement, à ses lumières. Mais je raisonne en principe; et à ce point de vue, le vice que je viens de signaler dans le système de l'honorable M. Mercier m'a paru tellement saillant que je n'ai pas cru pouvoir m'y arrêter.
Vainement on croirait que le ministre serait armé contre toute espèce de séduction par l'inspection qu'il aurait sous la main. Car l'inspection veille au dehors, mais n'agit point au-dedans. Il faut bien que, indépendamment de l'agent qui propose et qui exécute, et indépendamment de celui qui rend compte et de l'exécution et des besoins du service, il y en ait un qui avise sur le mérite des propositions, à moins d'attribuer ces fonctions au premier, ce qui serait dangereux, ou au second, ce qui serait impossible.
Le deuxième système, que vient de développer l’honorable M. Dechamps, n'est autre que le système défendu par Masui, au sein de la commission de réorganisation, instituée au département.
M. Dechamps. - C'est le système que j'avais moi-même minuté.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - C'est une erreur. Vous avez eu la bonté de me communiquer votre projet d'organisation, qui n'avait rien de commun avec celui-là. Dans ce second système, on espère tout à la fois remédier aux inconvénients du premier, et parer à l'inconvénient de deux directions superposées, faisant double emploi l'une avec l'autre ou s'entravant l'une l'autre, et au lieu d'une direction d'exploitation unique ayant au-dessus d'elle une direction administrative, on établit cinq directions à l'extérieur.
C'est l'idée qui est formulée dans un projet d'organisation que j'ai eu l'honneur de soumettre à l'honorable M. de Man d'Attenrode avec le mémoire présenté à l'appui.
Ce second système présenterait plusieurs avantages qui devaient sourire au premier abord.
On disait que trois directeurs de ligne formeraient une sorte de pépinière, dans laquelle le ministre pourrait en tout temps choisir le directeur unique placé à l'administration supérieure. On disait en outre, non sans raison, que l'on créerait ainsi une émulation constante entre les divers directeurs de ligne, qui tâcheraient de se surpasser l'un l'autre. Les défauts de ce second système étaient nombreux. Ils m'ont arrêté et déterminé à préférer l'idée déposée dans l'arrêté organique.
On ne peut disconvenir que la direction unique d'exploitation qui existe aujourd'hui fonctionne bien sous le rapport matériel. Certes, je suis loin de dissimuler les imperfections qu'on lui reproche, et auxquelles on tâche de remédier à mesure qu'elles se révèlent ; mais il n'en est pas moins vrai que le service, en général, marche bien et qu'on ne peut adresser à la direction que des éloges.
Détruire cette unité, ne serait-ce pas s'exposer à des perturbations, à des dangers même? Les reproches qu'on élève maintenant ne deviendraient-ils pas beaucoup plus fréquents et plus fondés si, au lieu d'une direction unique d'exploitation, on avait une direction multiple ?
Que deviendrait la responsabilité ainsi divisée? Qu'on remarque bien en effet, messieurs, que, dans ce système, l'on est forcé de reconnaître que l'exploitation n'est pas susceptible d'être divisée d'une manière absolue, selon les lignes et le territoire: mais qu'indépendamment des directions de lignes, il faudrait une direction commune de matériel et une direction commune de constructions.
Je vous le demande, messieurs, une telle division ne serait-elle pas de nature à laisser des inquiétudes pour l'économie, la régularité et la sûreté du service ?
Le système qui est déposé dans l'arrêté organique obviera à ces inconvénients. Il conserve la direction unique avec ses avantages actuels; mais cette direction unique sera soumise à un contrôle efficace, sérieux; les propositions subiront l'épreuve d'une double discussion.
Il y aura encore quelque fois à regretter les lenteurs inséparables de toute administration; mais l'inconvénient de ces lenteurs ne saurait être mis en balance avec l'avantage qu'on peut attendre d'une discussion éclairée; et les lenteurs mêmes dont on parle, il ne faut point qu'on s'en exagère les conséquences. Elles seraient graves si la direction d'exploitation était transférée au département, parce que l'intérêt de la bonne exécution du service exige une impulsion instantanée, parce que la nature spéciale de ce service exige que l'ordre soit aussitôt exécuté que donné. Mais le ministre n'a rien de commun avec cette exécution directe.
Les mesures qui lui sont soumises, création des dépenses nouvelles, approbation de cahiers de charges et d'adjudications, décisions sur les réclamations de toute nature qui s'élèvent, ne sauraient souffrir considérablement d'un retard de quelques jours, nécessité par une instruction et une discussion à deux degrés.
Je comprends, messieurs, qu'une compagnie qui n'aurait à rendre compte de ses affaires qu'à elle-même pourrait introduire plus de simplicité dans son organisation, mais il n'en est point ainsi lorsqu'il s'agit d'une administration publique qui doit rendre compte de ses actes, non seulement à elle-même, mais au pays tout entier. Et même en ce qui concerne les compagnies, l'exemple d'Angleterre est là pour démontrer combien il est nécessaire qu'une surveillance active, puissante, de tous les instants, s'exerce sur la direction d'un chemin de fer. Tout le monde sait que les compagnies anglaises ont été victimes d'une exploitation qui avait, pendant longtemps, joui du crédit le plus étendu.
Lorsqu'il s'est découvert que cette confiance avait été trompée, que les bénéfices qu'on avait pompeusement annoncés étaient fictifs, il a fallu créer des comités d'investigation extraordinaires, qui fonctionnent depuis plusieurs années pour réviser tous les comptes et tous les actes des administrations précédentes, et pour porter la lumière dans le chaos du passé.
Or, si cette nécessité a été reconnue par les compagnies privées, combien n'existe-t-elle pas plus forte, plus impérieuse pour une administration publique dont le chef supérieur, le ministre, n'est rien moins qu'immuable, et qui doit rendre compte à vous-mêmes, messieurs, de la manière dont elle a géré les affaires du pays ?
Telles sont, en résumé, les raisons qui m'ont déterminé à préférer le système qui est déposé dans l'arrêté organique, à ceux que les honorables préopinants ont exposés à la chambre.
M. Mercier. - Messieurs, je suis obligé de déclarer que les raisons données par le ministre des travaux publics, contre le système que j'ai expliqué, ne m'ont nullement convaincu. J'ai aussi écouté très attentivement ce qui a été dit d'un autre projet qu'il a combattu, et qui consisterait à créer des directions sur différents points du chemin de fer. Je n'oserais me prononcer immédiatement sur ce dernier système; mais il me semble, à la première vue, qu'il n'y aurait pas lieu de l'adopter. Du moment qu'il n'est pas indispensable au service de créer diverses directions, il faut renoncer à cette combinaison qui entraînerait nécessairement plus de dépense; or, cette nécessité ne m'est nullement démontrée. L'honorable M. Dechamps n'a d'ailleurs fait qu'indiquer ce système en exprimant des doutes sur les avantages qu'il peut présenter.
M. le ministre des travaux publics est dans l'erreur quand il suppose qu'il n'y aurait pas un contrôle suffisant, des garanties complètes d'une bonne administration, si l'on ne formait qu'une seule direction centrale au ministère même.
Cette erreur provient sans doute de ce que l'on a en vue les inconvénients de l'organisation actuelle, sans réfléchir aux nouveaux moyens d'action qui seraient mis entre les mains du ministre. S'il s'agissait d'opérer le transport de la direction du chemin de fer au ministère, sans créer un bon système d'inspection, je préférerais moi-même me rallier à l'opinion de M. le ministre; mais l'inspection est un ressort puissant qui aujourd'hui n'existe pas pour lui.
On a dit que le directeur général était en quelque sorte un ministre du chemin de fer qu'il exerçait nécessairement plus d'autorité que le chef même du département : cela est possible dans l'étal actuel des choses; car en fait le ministre ne peut guère être éclairé que par lui; il ne peut y avoir qu'un contrôle insuffisant au département. Ce contrôle ne s'appuyant pas sur une inspection régulièrement établie, le ministre ne peut savoir que ce que le directeur de l'exploitation juge convenable de lui communiquer: il n'a pas d'autre correspondance que la sienne dans l'ordre hiérarchique.
Mais cette situation serait bien différente dans l'organisation que je conseille; le ministre recevrait directement des chefs de service du chemin de fer tous les rapports qu'ils adressent aujourd'hui au directeur de l'exploitation ; il pourrait donc suivre tous les jours le mouvement des affaires ; en outre, il aurait deux agents supérieurs qui seraient constamment en tournée sur le chemin de fer, qui recevraient de lui leurs ordres de service et lui rendraient compte de leur inspection. Le directeur général serait nécessairement investi de sa confiance : car enfin, s'il n'en était pas ainsi, il ne pourrait se conserver dans ce poste important; (page 383) cependant le ministre trouverait encore une nouvelle garantie dans l'établissement d'un conseil d'administration auquel seraient soumises toutes les affaires d'intérêt majeur.
J'ai la conviction profonde qu'au moyen de l'organisation que j'ai indiquée, non seulement on éviterait une correspondance inutile avec la perte de temps qu'elle occasionne, un double personnel, l'accroissement de dépense, qui en est la conséquence, et ces conflits si regrettables et si nuisibles à la marche des affaires, mais que le ministre serait infiniment mieux éclairé qu'il ne pourra l'être avec deux administrations superposées, et que, dans son système, beaucoup de choses échapperont encore à son action, à sa surveillance.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je n'ai à faire qu'une seule observation, c'est que, alors même qu'on décréterait en principe le système que l'honorable M. Mercier vient de développer, il faudrait nécessairement que le service du matériel, le service des transports, et le service des recettes vinssent aboutir à un agent quelconque, qui serait là sur les lieux, et qui imprimerait son action à toutes les parties du service. Or c'est cet agent que nous nommons directeur. Ainsi, vous auriez beau transférer la direction au département; la force même des choses ferait revivre, sous un nom quelconque, l'unité que vous auriez détruite.
M. Mercier. - Un mot seulement. Cet agent n'est pas plus sur les lieux que le directeur général qui serait attaché au département; tous deux se trouvent à Bruxelles.
- La discussion est close.
M. Delfosse (sur la position de la question). - M. le ministre des travaux publics a déclaré hier que son intention n'était pas d'augmenter le traitement du secrétaire général. Par suite de cette déclaration, la section centrale peut retirer la proposition qu'elle a faite de réduire l'article 2 de 600 francs. Puisque M. le ministre n'entend pas se servir de l'allocation portée à cet article , pour élever le traitement du secrétaire général à 9,000 francs, les observations de la section centrale deviennent sans objet ; elles étaient, du reste , fondées comme je l'ai dit hier, sur une pièce émanée du département des travaux publics.
Il est donc bien entendu que le traitement du secrétaire général restera fixé à 8,400 fr.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Actuellement.
M. Delfosse. - Vous ne voudrez sans doute pas l'augmenter plus tard, sans l'assentiment des chambres.
La section centrale proposait en outre de transférer le traitement de l'inspecteur général des mines, de la colonne des charges permanentes à celle des charges temporaires; la section centrale maintient cette proposition.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je crois que les explications qui ont été échangées entre les membres de la section centrale et le ministre ont fait disparaître tout malentendu. Le tableau annexé aux développements du budget indique la moyenne des traitements attribués aux employés du département; mais ainsi qu'il a été dit dans les explications fournies à la section centrale, le ministre non seulement n'est pas intentionné de donner aux fonctionnaires de son département le maximum, mais il ne leur donnera pas même la moyenne, aussi longtemps que les ressources du budget seront insuffisantes.
Quant au secrétaire général, je ne suis nullement intentionné, et ne l'ai jamais été, d'élever son traitement, dès l'année 1850, au maximum déterminé par l'arrêté d'organisation, mais bien de lui continuer le traitement dont il jouit maintenant.
M. Delehaye. - Messieurs, il résulte de la déclaration faite par M. le ministre des travaux publics, que la somme de 600fr., dont la section centrale demande le retranchement, ne sera pas dépensée par lui. Je ne vois pas dès lors de nécessité de la voter au budget. Si le ministère venait à changer, le successeur du ministre actuel des travaux publics pourrait ne pas tenir compte de la déclaration faite par celui-ci, et pourrait faire emploi de la somme. Je crois donc qu'il y a lieu d'adopter la proposition de la section centrale, qui conclut au retranchement de la somme.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - C'est une erreur de croire que l'on a porté 600 fr. en plus au budget pour permettre au ministre de donner un supplément de pareille somme au secrétaire général, sauf à ne pas faire emploi de la somme pendant l'exercice courant. Ce n'est pas ainsi que cela a été entendu. Nous avons établi le chiffre moyen de tous les traitements des fonctionnaires, mais si la moyenne était uniformément appliquée à tout le personnel que l'organisation comporte, il serait impossible d'organiser les services de la manière que nous nous proposons de le faire. La somme de 600 fr. ne peut pas être retranchée sans affecter les besoins des services compris dans l'organisation.
M. Le Hon. - Je voulais savoir si la clôture de la discussion a porté sur tous les éléments de l'article 2. J'ai entendu parler longtemps et exclusivement des divers systèmes d'administration centrale du chemin de fer; mais à l'article 2 se rattache une question relative à l'inspection des mines; le débat est-il réservé sur ce point?
M. le président. - Voici de quoi il est question : la section centrale propose de transférer le traitement de l'inspecteur général des mines à la colonne des charges permanentes à celle des charges temporaires.
M. Le Hon. - C’est-à-dire qu'on veut, de permanente qu’elle était, rendre provisoire une inspection générale. Néanmoins, en fait, on maintient au budget de 1850 la fonction et le traitement. Le vote ne portera donc que sur le mode de l'allocation pour l'exercice prochain. La discussion étant close, je me réserve de présenter des observations contre ce changement dans la discussion du budget de 1851.
M. le président. - Je mets aux voix l'article 2, traitements des employés et gens de service.
La section centrale propose de porter aux charges ordinaires 305,750 francs, et aux charges extraordinaires, 17,000 fr.
M. Dumon, rapporteur. - D'après les explications de M. le ministre, l'augmentation de 600 fr. pour les fonctions de secrétaire général n'étant pas comprise dans le chiffre porté à son budget, il y a lieu de rétablir dans l'allocation les 600 fr. que la section centrale avait distraits par erreur et de porter la somme des charges ordinaires à 306,350 fr. et celle des charges extraordinaires à 17,000 fr.
M. Delfosse. - La section centrale ne propose plus qu'une chose, de faire passer 9 mille fr. des charges ordinaires aux charges extraordinaires. Cet amendement doit être mis d'abord aux voix.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - La chambre a compris que je n'ai pu me rallier à la proposition de la section centrale, de transférer 9,000 fr. de la colonne des charges ordinaires à celle des charges extraordinaires. La question qui divise la section centrale et le gouvernement est celle de savoir si les fonctions d'inspecteur des mines doivent être conservées d'une manière permanente, ou bien s'il convient de ne les maintenir qu'au profit du titulaire actuel. Je dois déclarer de nouveau que, dans ma conviction, l'inspection des mines ne saurait être supprimée sans inconvénient.
M. Le Hon. - Messieurs, je pense que la question que soulève l'amendement de la section centrale doit être posée dans des termes très généraux, pour ne pas emporter un préjugé définitif sur cette question. En adoptant la formule particulière et restreinte que propose M. le ministre des travaux publics, nous aurions à prononcer entre le maintien d'un rouage administratif et le service purement personnel d'un fonctionnaire.
Je pense qu'il convient de réserver cette résolution, qui n'est pas sans importance dans l'intérêt d'une bonne administration, en matière de mines. Il faut, me paraît-il, formuler en ces termes la motion de la section centrale : « Distraira-t-on la somme de 9 mille francs des charges ordinaires pour la porter aux charges extraordinaires? »
- L'amendement de la section centrale est mis aux voix et adopté. L'article ainsi amendé est également adopté.
« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et employés de l'administration centrale : fr. 18,100 fr. »
- Adopté.
« Art. 4. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achat et réparations de meubles etc.
« Charge ordinaire : fr. 40,000 fr.
« Charge extraordinaire : fr. 10,000 fr. »
- Adopté.
« Art. 5. Commission des annales des travaux publics. Frais de route et de séjour des membres de la commission : fr. 1,100 fr. »
- Adopté.
« Art. 6. Commission des annales des travaux publics. Publication du recueil, frais de bureau etc. : fr. 3,900 fr. »
- Adopté.
« Art. 7. Commission des procédés nouveaux. Frais de route et de séjour des membres de la commission : fr. 600 fr. »
- Adopté.
« Art. 8. Commission des procédés nouveaux. Matériel, achat de réactifs, appareils, etc. : fr. 1,400 fr. »
- Adopté.
« Art. 9. a. Entretien ordinaire des routes d'après les baux existants et ceux à intervenir en 1850 : fr. 1,458,625 fr.
« b. Travaux en dehors des baux d'entretien, reconnus indispensables ou rendus nécessaires par des causes de force majeure. Payement de terrains cédés à la grande voirie, par suite de l'adoption de nouveaux plans d'alignement : fr. 200,000 fr.
« c. Etudes de projets, frais de levée de plans et achats d'instruments, matériel et impressions : fr. 10,000 fr.
« d. Travaux d'amélioration et construction de routes : fr. 949.975 fr.
M. de Renesse. - Messieurs, le chapitre actuellement en discussion me fournit l'occasion de rappeler à l'honorable ministre des travaux publics la demande adressée au gouvernement, depuis quelques années, par les (page 384) autorités communales et les habitants des cantons de Sichen-Sussen-Bolré et de Bilsen, de la province de Limbourg, pour la construction d'une route de Riempst vers Hallembaye,
Les études de cette route sont achevées depuis un certain temps ; l'enquête favorable à cette voie de communication, a indiqué la direction qui paraît être la plus utile aux intérêts des différentes localités qui, depuis plusieurs années, ne cessent d'en réclamer la construction.
L'utilité de cette route, déjà reconnue, en 1829, par le gouvernement des Pays-Bas, est devenue, aujourd'hui surtout, incontestable, depuis que toutes les communes de cette partie du Limbourg ont été privées de leur marché le plus rapproché, celui de la ville de Maestricht, à proximité de laquelle sont situées toutes les communes de ces cantons.
Cette route serait, en partie, le prolongement naturel de la route de Maeseyck vers Tongres, la relierait à une partie de la province de Liège, établirait une communication plus directe, pour les communes de différents cantons du Limbourg, vers la ville de Visé, vers une partie de l'arrondissement de Verviers, et avec la ville de Liège.
J’espère que M. le ministre des travaux publics pourra me donner quelque espoir que la construction de cette route ne sera plus indéfiniment ajournée.
La province de Limbourg, dont le conseil provincial a recommandé l'exécution de cette route à l'attention du gouvernement, interviendra pour une certaine part, dans les frais de construction, ainsi que les communes intéressées.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je ferai observer à l’honorable préopinant que l'instruction relative à cette route n'est pas achevée. Trois directions différentes ont été proposées. Après que j'aurai été mis en mesure de choisir entre les trois, il sera fait un appel aux communes intéressées pour qu'elles déclarent dans quelle proportion elles seront disposées à contribuer dans les frais de construction.
M. Veydt. - Messieurs, j'ai abordé l'examen du budget des travaux publics avec le désir de pouvoir y apporter de nouvelles réductions. La tâche n'est pas facile, après celles dont M. le ministre a pris l'initiative, et après les réductions, plus considérables, opérées sur le budget de 1849. D'ailleurs, je ne veux réduire les chiffres que lorsque j'ai la certitude de ne porter par là aucune atteinte à la régularité d'un service public, ni à des positions justement acquises.
Il est cependant deux ou trois réductions possibles, suivant moi, sans offrir ni l'un ni l'autre inconvénient.
La plus importante concerne le littera D de l'article 9. Le rapport de la section centrale présente la décomposition du chiffre de 949,975 fr., que demande le gouvernement.
Une partie en est destinée à des dépenses déjà faites, dont le payement a été échelonné sur plusieurs exercices et qu'il s'agit de solder. Cela doit avoir lieu. Une autre partie concerne des constructions de routes décrétées en principe et qui vont être mises en adjudication : je ne fais, non plus, aucune difficulté de l'admettre. Mais la troisième part, qui est la plus forte, n'a aucune destination déterminée ; son emploi est inconnu, et il faut encore s'occuper d'études pour savoir ce qu'on fera de ce crédit. Pour le moment, M. le ministre n'en sait rien ; il n'a d'engagement, ni d'obligation envers aucune localité.
C'est ce motif qui me porte à croire que la dépense de 387,975 francs pourrait être ajournée, du moins pour 1850. Je ne vais pas au-delà et je n'ai en vue que l'équilibre si faiblement garanti entre les recettes et les dépenses de cet exercice.
Toutefois, avant de faire une proposition, je désire connaître les observations de l'honorable ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je ne puis me rallier à l'idée qui vient d'être indiquée par l'honorable M. Veydt. Je crois qu'il n'est pas de dépense plus féconde que celle qui est consacrée à la construction des routes. Si j'ai tant de fois défendu le chemin de fer, je crois par compensation devoir prendre en ce moment la défense des routes ordinaires.
Il est certain que les localités qui sont déshéritées sous ce rapport et qui ne participent pas directement aux avantages des voies ferrées ont droit à toute la sollicitude du gouvernement.
La construction de nouvelles routes est d'ailleurs un des plus grands bienfaits pour l'agriculture.
Je crois donc devoir m'opposer de toutes mes forces à ce que l'idée indiquée par l'honorable M. Veydt soit adoptée ; et j'espère que lui-même voudra bien y renoncer.
M. Veydt. - Personne de vous, messieurs, n'aura envisagé ce que j'ai dit comme émanant d'un sentiment peu favorable au développement des voies de communication; je m'en suis, au contraire, constitué le défenseur dans toutes les occasions.
Mais, exclusivement pour 1850, je suis plus préoccupé de la situation financière, et je voudrais ne laisser passer aucun moyen de faire en sorte que cette situation soit moins tendue. Pour elle, quatre cent mille francs de dépenses ajournées, c'est beaucoup. Pour la voirie, quatre lieues de route, construites avec la part contributive de l'Etat, c'est fort peu de chose, eu égard à l’étendue du royaume.
Qu'on ne s'y trompe pas, c'est là le fond de l'observation que la lecture du rapport de la section centrale m'a suggérée. Je n'irai pas plus loin; je ne fais aucune proposition tendante à réduire le chiffre.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - On se trompe, lorsqu'on croit que, par cette réduction, on ne priverait le pays que de quatre lieues de routes nouvelles; car jamais l'Etat ne construit une route à l'aide de ses seules ressources. Il ne les construit qu'avec le concours des provinces, des communes et même des particuliers, quand ceux-ci ont un intérêt direct à l'établissement d'une communication nouvelle.
Ce ne serait donc pas une dépense de 400,000 fr. seulement„ mais bien de plus d'un million dont vous décréteriez la suppression. Ce ne serait pas seulement quatre, mais plus de douze lieues de routes nouvelles, dont la construction serait ajournée en 1850.
- L'art. 9 est adopté avec le chiffre proposé par le gouvernement.
« Art. 10. a) Plantations sur les routes. Plantations nouvelles et entretien de celles existantes : fr. 39,700 fr. »
M. de Bocarmé. - J'ai demandé la parole, messieurs, pour engager M. le ministre des travaux publics à ménager les intérêts de l'agriculture à l'occasion des plantations sur les routes de l'Etat. Des personnes irrécusables m'ont cité ce fait, que des arbres ont été plantés si près des propriétés riveraines que cela eût donné lieu à des attaques judiciaires entre des voisins ordinaires, et si beaucoup sont moins susceptibles, alors que le gouvernement fait planter à moins de deux mètres, qui est la distance légale, c'est que bien des personnes, à tort ou à raison, redoutent une lutte qu'ils considèrent comme inégale.
J'engage l'honorable ministre des travaux publics à se défier des précédents en ce qui concerne la plantation sur les routes du peuplier du Canada; de tous les arbres, c'est celui qui fait le plus de mal par l'âcreté de ses feuilles, et, si je puis me servir de ce mot, la voracité de ses racines que les fossés d'accotement les plus profonds ne parviennent pas à intercepter; en outre, dans sa fougue végétative, plus que les autres essences, il intercepte, il consomme l'air vital et, par là, autant que par l'ombre, il étiole les végétaux ; et les céréales, après avoir prospéré au printemps, s'affaiblissent et tombent avant la maturité; alors, à une grande distance des routes, elles ne donnent qu'une récolte presque nulle en grains et de mauvaise qualité en paille : cela des deux côtés de la voie, mais d'autant plus vers le nord que l'ombre y est plus permanente et plus prolongée : on doit préférer pour les chemins publics, là où chaque arbre est en contact avec d'autres végétations, le saule, le bois blanc, les variétés de l'orme, le chêne, etc., selon la nature du sol.
Le peuplier du Canada, bien qu'il compense, par la rapidité de sa croissance ce qu'il a de médiocre en qualité, est très redouté des agronomes ; il pourrait l'être aussi des voyageurs, car recevant, comme tous les arbres des chaussées, de fréquentes blessures, elles amènent des défectuosités, des décompositions qui, s'augmentant par les attaques des vers rongeurs, les rendent très susceptibles de se briser vers le pied.
Parmi beaucoup d'autres, je puis citer la distance de Mons à Tournay par St-Ghislain où, sur une grande partie de son prolongement, il existe des peupliers du Canada, déjà d'une assez forte taille; j'ai parcouru cette route peu après un ouragan, et je puis affirmer qu'elle était jonchée de branches déchirées et d'arbres entiers abattus ; on conçoit, dans ce cas, à combien d'accidents les voyageurs et les voitures, qui donnent plus de prise, sont alors exposés.
J'aurai atteint mon but si M. le ministre des travaux publics, usant de ce qu'il sait déjà, ou bien de ce que je lui signale, stimule l'administration spéciale dans le sens d'éviter les dangers pour les voyageurs, et d'amoindrir les pertes de l'agriculture, autant qu'il sera possible.
- Le littera a est adopté avec le chiffre de 59,700 fr.
« Art. b. Sommes à valoir pour frais de surveillance extraordinaire : fr. 1,500. »
- Adopté.
« Art. 11. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'État : fr. 52,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Construction dans la cour de l'hôtel du ministère de l'intérieur d'un bâtiment destiné au placement des bureaux d'expédition, charges extraordinaires : fr. 11,500. »
- Adopté.
« Art. 13. Canal de Gand au Sas-de-Gand. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 29,348. »
M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, je prends la parole pour demander quelques explications à M. le ministre des travaux publics relativement au recreusement du Moervaert.
La loi du 20 juin 1846, en décrétant la construction du canal de Schipdonck, a décidé en principe le recreusement du Moervaert. Cette partie de la loi semble être restée dans l'oubli. Cependant son importance ne peut pas être contestée ; les discussions qui ont eu lieu à la chambre à une autre époque en font foi.
Voici, messieurs, en quels termes s'exprimait la section centrale qui a (page 385) été chargée d'examiner le projet de loi et dont les conclusions ont prévalu :
« Avec la commission spéciale, le conseil des ponts et chaussées et le gouvernement, la section centrale est d'avis que la Moervaert doit être recreusé pour faciliter l'écoulement vers le bas Escaut de la partie des hautes eaux de la Lys, qui, ne pouvant passer par la nouvelle dérivation, devra continuer à être évacuée par le canal de Terneuzen. »
Le Moervaert n'est pas d'ailleurs, messieurs, une voie de communication nouvelle. Il existe depuis un temps immémorial ; le dernier recreusement a été effectué en 1772, je pense; on y a fait à différentes époques quelques travaux de draguage, mais sans jamais obtenir des améliorations sérieuses. Aujourd'hui le lit du canal est considérablement exhaussé. L'envasement est tel que la navigation est complètement interrompue. Les bateaux doivent descendre toute la Durme jusqu'à Thielrode et remonter l'Escaut; il en résulte un détour que l'on peut évaluer à plus d'un jour de retard.
De grands intérêts sont engagés dans la question. Il s'agit, en premier lieu, de compléter le système de travaux qui a été adopté pour faciliter l'écoulement des eaux de la Lys et de l'Escaut, et dégager ainsi le bassin de Gand. Le canal de Schipdonck ne peut avoir aucune in fluence sur les inondations qui affligent périodiquement cette partie de la province. Le Mervaert traverse les terrains les plus sablonneux des arrondissements de Gand et de Saint-Nicolas. Ce n'est qu'à force d'engrais qu'il est possible d'y obtenir de bons résultats. Or, dans l'état actuel du canal qui n'a pas, je pense, 70 centimètres de profondeur, les petites barques destinées au transport des engrais ne peuvent plus y naviguer, au moins pendant huit mois de l'année.
Les propriétaires découragés renoncent aux améliorations qu'ils avaient projetées ; aussi le travail fait-il défaut dans la plupart des populeuses communes qui s'élèvent sur les bords du canal.
L'interruption de la navigation sur le Moervaert n'est pas moins préjudiciable au commerce qu'à l'agriculture. C'était en effet la voie de communication la plus prompte et la plus économique entre Lokeren, Gand et plusieurs communes dont la population moyenne est de 4 à 5 mille âmes.
Au point de vue même du trésor, il n'est pas rationnel de faire figurer annuellement au budget les dépenses qui résultent de l'entretien des écluses, des ponts, etc., alors que le canal doit forcément rester improductif et sans utilité.
Je suis persuadé, messieurs, qu'il entre dans les intentions de la législature, que la loi du 26 juin 1846 soit complètement et loyalement exécutée. Il suffira sans doute d'appeler sur ce point l'attention de l'honorable ministre des travaux publics, et j'espère que la session ne se passera pas sans qu'il prenne les mesures nécessaires pour faire droit aux justes réclamations que je viens d'exposer.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, il est très vrai qu'à l'occasion de la loi qui a décrété le creusement du canal de Schipdonck, on a reconnu la nécessité de recreuser aussi le Moervaert. Malheureusement la législature n'a pas voté les fonds nécessaires pour cet ouvrage additionnel.
Les fonds alloués n'ont été calculés qu'en raison des besoins de la construction du canal de Schipdonck. C'est pour ce motif que jusqu'à présent cette partie du projet n'a reçu aucune exécution.
Nous avons examiné la question de savoir s'il y avait lieu de demander pour cet objet un crédit spécial. Le conseil des ponts et chaussées avait émis l'avis qu'il fallait attendre que le canal de Schipdonck fût achevé, avant que l'on pût se prononcer sur la nécessité du recreusement du Moervaert.
Cependant l'ingénieur en chef de la Flandre orientale est d'un avis contraire ; et les considérations qu'il a fait valoir m'ont déterminé à soumettre la question à un nouvel examen.
M. de T'Serclaes. - Je demanderai si l'intention de M. le ministre est de pétitionner prochainement les fonds nécessaires à ce travail.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je dois déclarer que je suis hors d'état, en ce moment, de demander des fonds spéciaux pour cet ouvrage. J'examinerai si un crédit spécial ne pourra pas être porté, dans ce but, au budget de 1851.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 14. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc.
« a. Travaux d'entretien ordinaire : fr. 12,585.
« b. Reconstruction en maçonnerie des bajoyers en fascinages de l'écluse n°17, à Loozen (première moitié) : fr. 35,750.
« c. Reconstruction de la maison pontonnière à Neerhaeren : fr. 3,050.
« d. Remplacement du pont-levis de Bilsen par un pont tournant. Complément de la dépense : fr. 9,100.
« e. Remplacement du pont-levis d'Heysden par un pont tournant. Première moitié : fr. 8,800.
« f. Construction d'un garde-corps en fer à la prise d'eau de Hocht : fr. 970.
« g. Dévasement aux abords de l'écluse de Hocht : fr. 1,000.
« Total : fr. 71,255. »
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Depuis que le budget a été soumis à la section centrale, il a été reconnu que deux sommes avaient été demandées par erreur ; celle de 3,050 fr. portée sous le littera C, et celle de 970 fr. portée au littera F. Ces deux objets sont compris dans l’entreprise des travaux d’entretien, de grosses réparations et d'amélioration à exécuter au canal pendant un terme de six années qui a pris cours le premier mai de cette année.
Je demande donc que le chiffre de cet article soit diminué de 4,020 fr., ce qui le réduit à 67,235 fr.
- Le chiffre de 67,235 fr. est adopté.
« Art. 15. Canal de Pommerœul à Antoing. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 96,489. »
- Adopté.
« Art. 16. Sambre canalisée. Entretien et travaux de draguage : fr. 103,782. »
- Adopté.
« Art. 17. Canal de Charleroy à Bruxelles.
« a. Travaux d'entretien ordinaire et d'amélioration : fr. 55,000.
« b. Pavage de diverses parties de trottoirs pour le halage, charges extraordinaires : fr. 10,000.
« c. Frais de navigation du soir : fr. 5,700 fr. »
- Adopté.
« Art. 18. Service de l'Escaut.
« a. Travaux d'entretien ordinaire dans la Flandre orientale : fr. 6,848.
« b. Travaux d'entretien ordinaire dans la province de Hainaut : fr. 10,000.
« c. Etablissement de ponts de halage dans la Flandre orientale, charges extraordinaires : fr. 2,680 fr.
« d. Entretien du débarcadère établi au quai du Rhin, à Anvers : fr. 1,000 francs.
« e. Construction d'un nouveau débarcadère au même quai, charges, extraordinaires : fr. 12,000 fr. »
- Adopté.
« Art. 19. Service de la Lys.
« a. Travaux ordinaires dans la Flandre occidentale : fr. 17,300.
« b. Travaux ordinaires dans la Flandre orientale : fr. 10,400.
« c. Réparations des ponts de Wervicq et de Warneton, charges extraordinaires : fr. 1,400.
« d. Reconstruction du pont tournant établi sur l'écluse de Menin, charges extraordinaires : fr. 7,500.
« e. Amélioration du cours de la rivière et du chemin de halage dans la traverse de Courtray, reconstruction des quais de la rive gauche (premier tiers de la part de l'Etat), charges extraordinaires : fr. 30,000.
« f. Etablissement de six ponts de halage sur des ruisseaux affluents, charges extraordinaires : fr. 1,860. »
M. de Denterghem. - Messieurs, je désire appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité de faire un règlement complet et définitif en ce qui concerne la Lys. Dans l'état actuel des choses, il est impossible aux propriétaires riverains d'entretenir les talus de la rivière, et il en résulte pour eux une perte considérable. On leur a interdit cet entretien sous prétexte de ne pas entraver la navigation,, mais il en résulte précisément que la navigation pourrait être interrompue par les éboulements qui sont parfois très fréquents.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Un règlement a été mis en vigueur en ce qui concerne la navigation de la Lys. Quant à l'entretien, il n'y a pas lieu de faire un règlement spécial plutôt pour la Lys que pour toute autre rivière.
M. de Denterghem. - On a eu l'intention de faire quelque chose à cet égard.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Une seule partie du règlement a été réservée, c'est celle qui concerne le halage.
M. de Denterghem. - C'est précisément dans cette partie qu'il est question de l'entretien des talus.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je fixerai mon attention sur l'objet que l'honorable membre veut bien me signaler.
- L'article 19 est adopté.
« Art. 20. Service de la Meuse, dans les provinces de Liège et de Namur.
« a. Entretien et travaux aux chemins de halage : fr. 20,000.
« b. Travaux d'amélioration, charges extraordinaires : fr. 200,000. »
M. Moxhon. - La province de Namur est assurément celle qui a le moins obtenu des largesses du gouvernement dans la répartition des travaux publics, et elle ne cesse de protester contre l'influence qui a présidé à la création d'un chemin de fer parallèlement à une rivière canalisée, le chemin l'éloigné de dix lieues de la capitale.
Aussi longtemps qu'elle n'aura pas une voie navigable, facile, vers la France et surtout vers la Hollande, il lui sera impossible de se défaire avec avantage des produits minéraux que recèle son sol. Cependant un (page 386) fleuve superbe la traverse et offrirait les moyens de transport naturel les plus avantageux, si ce n'était que la navigation se trouve entravée par des barres en gravier qui dans les étés secs sont à peine recouverts de quelques pouces d'eau.
Un ingénieur de mérite, dont la mort récente a laissé un grand vide dans le corps du génie civil, avait conçu un système approprié au régime des eaux de la Meuse. Ce système simple consiste à donner aux eaux du fleuve une pente régulière en formant des rétrécissements au moyen de jetées en moellons bruts. L'établissement d'une passe de ce genre procure incontinent, sans l'auxiliaire d'autres travaux, un mouillage d'environ un mètre dans les plus basses eaux.
Si je suis bien renseigné, l'évaluation de tous les travaux à exécuter à la Meuse pour l'amélioration de la navigation de la frontière néerlandaise à la frontière française était primitivement de 4,000,000 de francs. Hors de cette somme, vous avez, par des crédits annuels de 200,000 francs, accordé jusqu'ici celle de 1,800,000 francs.
On peut déjà sans beaucoup d'efforts apprécier si l'évaluation de feu l'ingénieur Guillery était sérieuse et sincère. Sur ce point, je crois pouvoir vous assurer que la moitié des barres en gravier qui obstruaient le cours du fleuve ont été enlevées, que toutes les jetées construites dans le cours de huit années attestent leur solidité, puisqu'on voit leur couronnement se couvrir d'herbes et de plantes aquatiques. Comme vous le voyez, messieurs, pour parfaire tout le travail d'amélioration de la Meuse, il faudrait encore une somme considérable. Si on continue les travaux exclusivement avec les allocations annuelles sur le budget ordinaire, il faudra encore probablement dix à douze années avant leur achèvement, et aussi longtemps qu'une seule barre restera intacte, tout le fruit d'un long et dispendieux travail sera perdu, puisque dans les basses eaux la navigation se trouve interrompue pour le transport des matières pondéreuses. C'est ainsi que les hauts fourneaux de Liège ne pouvant pendant plus de cinq mois de l'année se pourvoir du minerai qui leur est nécessaire, se voient forcés de s'approvisionner pour l'année entière pendant les hautes eaux.
Le chemin de fer de la vallée de la Meuse sera bientôt livre à la circulation. Il est, comme chacun sait, parallèle à la rivière et va lui faire concurrence. Si la navigation n'est pas améliorée au plus tôt, le batelage ne pourra lutter contre ce terrible ennemi, et pourtant toute défectueuse qu'est aujourd'hui la navigation de la Meuse, elle emploie, d'après les documents officiels, pour les batelages seuls, cinq mille ouvriers et six cents chevaux de trait. Le matériel servant au transport des marchandises n'est pas évalué à moins de quinze millions.
Le gouvernement ni les chambres n'entendent pas, je suppose, voir s'anéantir une pareille valeur et une somme aussi considérable de travail. Eh bien, pour que cela ne soit pas, il faut aviser au plus tôt à trouver un million pour l'enlèvement de toutes les barres qui obstruent le fleuve. J'ai la certitude qu'avec cette somme on y parviendra. Quant aux travaux de halage, on peut, sans inconvénients graves, les ajourner ; et pour me servir d'une expression vraie, quoique triviale, il faut aller au plus pressé.
Quelle que soit la pénurie du trésor, la dépense que je propose est urgente, M. le ministre des travaux publics doit le reconnaître ; elle maintiendra les recettes que fait l'Etat sur les péages de la Meuse, et tout en provoquant la circulation d'une somme importante elle créera une nouvelle valeur au profit de l'Etat ; et cette valeur, il la perdra indubitablement, s'il ne vient soutenir le courage des énergiques et infatigables bateliers de la Meuse qui, nous ne devons pas l'oublier, dans les moments les plus difficiles, n'ont cessé de donner l'exemple de l'ordre et du dévouement aux institutions que le pays s'est données.
M. de Theux. - Messieurs, nous voyons, par le rapport de la section centrale, que M. le ministre des travaux publics a promis une note des dépenses du service de la Meuse, qui serait déposée sur le bureau. Je crois, messieurs, que la question des travaux de la Meuse est d'une importance telle qu'il importe que chaque membre de l'assemblée puisse facilement prendre connaissance des faits qui y sont relatifs. Or, il est matériellement impossible que chacun de nous consulte une semblable note, quand elle est simplement déposée sur le bureau. Je voudrais donc que, pour la discussion du budget prochain, M. le ministre des travaux publics, voulût bien faire imprimer une note des dépenses faites et des résultats obtenus, ainsi que des dépenses à effectuer et des résultats qu'on en espère.
Je sais qu'il existe dans le corps des ponts et chaussées des discussions très vives et des systèmes tout à fait opposés, quant aux travaux d'amélioration de la Meuse : les uns prétendaient, comme M. Guillery, que les travaux faits actuellement ont une grande utilité et conserveront cette utilité d'une manière permanente, tandis que d'autres soutenaient tout à fait le contraire. Comme nous avons déjà voté 1,800,000 francs, et que, d'après l'honorable préopinant, il y aurait encore 2,800,000 francs à voter, ce qui serait peut-être encore loin du chiffre total, je crois, messieurs, qu'il serait bon que chacun de nous pût s'éclairer d'une manière complète relativement à ces travaux.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je n'ai, personnellement, aucune objection à faire contre l'impression de la note dont il s'agit, mais je ferai remarquer à la chambre qu'elle est très volumineuse, et que l'on a souvent exprimé le désir de ne pas voir grossir inutilement les impressions des documents.
Quant aux résultats obtenus au moyen des fonds portés annuellement au budget pour l’amélioration de la navigation de la Meuse, je crois pouvoir les résumer en très peu de mots : l'expérience a donné gain de cause aux idées de M. Guillery et j'ai entendu tout à l'heure avec plaisir l’honorable M. Moxhon reconnaître qu'en effet de bons résultats ont été obtenus. Des passes navigables s'exécutent annuellement, et au moyen de ces travaux l'on a obtenu une profondeur d'un mètre, là où la Meuse ne présentait auparavant qu'une profondeur de 16 à 20 ou 25 centimètres. Il faut que ces travaux soient continués, mais je ne puis pas promettre à M. Moxhon, comme il en a témoigné le désir, qu'il sera demandé un million à la législature pour obtenir en une seule année une amélioration, que le chambres, dans des temps meilleurs, ont entendu repartir sur un certain nombre d'exercices. Depuis 1840, une somme de 200,000 fr. a été annuellement portée au budget; jusqu'à présent il a été dépensé ainsi 1,800,000 fr.; on continuera à suivre cette voie aussi longtemps qu'il y aura nécessité et que la législature voudra bien voter les fonds.
- L'article 20 est adopté.
« Art. 21. Service de la Meuse dans la province de Limbourg.
« a. Entretien du chemin de halage de la rive gauche et des travaux de défense, exécutés à la même rive, depuis 1830 : fr. 40,000.
« b. Réparations éventuelles aux rives, charge extraordinaire : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 22 Service de la Dendre.
« a. Travaux d'entretien ordinaire dans la province de Hainaut : fr. 3,000.
« b. Travaux d'entretien ordinaire dans la Flandre orientale : fr. 6,688.
« c. Exhaussement des bajoyers et des portes de l'écluse de navigation de Termonde, charges extraordinaires : fr. 10,000.
« d. Exhaussement de la digue bordant le fossé capital de ladite place, charges extraordinaires, : fr. 6,445.
« e. Enlèvement d'atterrissements et d'alluvions, charges extraordinaires : fr. 8,000.
« f. Plantations sur le chemin de halage, dans la commune de Wespelaere, charges extraordinaires : fr. 255.
« g. Indemnité pour la manœuvre du moulin de Grammont : fr. 846. »
M. Delescluse. -Messieurs, le chiffre porté au budget pour la Dendre ne concerne que l'entretien et les réparations ordinaires. S'il fallait conclure de là que le gouvernement est intentionné de laisser la rivière dans l'état où elle se trouve actuellement, ce serait une chose bien déplorable. En effet, messieurs, l'état actuel de la Dendre est réellement insuffisant depuis la construction du chemin de fer de Jurbise, et surtout depuis l'ouverture du chemin de fer de Manage. Cette rivière, messieurs, ne permet qu'une navigation de deux jours par semaine, et souvent il ne passe, par chaque jour de navigation, que 6 ou 7 bateaux qui ne contiennent guère plus de 80 tonneaux. Cet état de choses est tout à fait insuffisant.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il est dans l'intention de demander à la chambre un crédit spécial pour rendre permanente la navigation qui, jusqu'ici, n'est qu'intermittente sur cette rivière.
Je crois qu'il y a un moyen de se procurer les fonds nécessaires. Les études sont faites depuis longtemps, et je pense qu'il faut saisir l'occasion de procurer cette amélioration aux populations de la vallée de la Dendre qui, directement, n'ont eu aucun avantage des grands travaux exécutés par l'Etat; le réseau du chemin de fer n'y passe pas; il en est de même des routes ordinaires.
M. Ansiau. - Messieurs, les observations que je me proposais de présenter à la chambre, relativement à la Dendre, viennent d'être résumées par l'honorable préopinant; je puis donc me dispenser de prendre la parole.
M. Van Cleemputte. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour ajouter quelques observations à celles que vient de faire l'honorable Delescluse et que j'approuve entièrement.
Messieurs, il est certain que la vallée de la Dendre, qui est une des contrées les plus importantes du pays, se trouve dans un état d'abandon complet depuis des années. Je n'ai pas, sans doute, à me plaindre des dispositions du gouvernement à son égard. Plusieurs grands projets avaient été conçus. Malheureusement ces projets ne pourront recevoir d'exécution d'ici à longtemps.
En attendant, je demande au moins que le gouvernement fasse ce qu'il est possible de faire. Je crois qu'avec une somme très peu importante, on pourrait rendre la rivière de la Dendre complètement navigable; je crois aussi que, moyennant un faible sacrifice, il serait possible de mettre les prairies qui bordent la Dendre à l'abri des inondations qui arrivent trop fréquemment, et qui causent des dommages considérables aux propriétaires riverains.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il est disposé à porter au budget prochain une somme plus importante que celle qui y figure maintenant.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je désirerais pouvoir faire droit aux réclamations des honorables préopinants. Je reconnais que cet objet mérite toute sa sollicitude. Aujourd'hui plus que jamais il devient nécessaire de songer à améliorer le cours de la Dendre ; car le chemin de fer de Jurbise lui a amené des transports considérables qu'il (page 387) serait déplorable de ne pas pouvoir utiliser dans l'intérêt des populations riveraines de celle rivière. Mais pour le moment le gouvernement est dans l'impossibilité complète de satisfaire au désir qui vient d'être exprimé. Deux projets avaient été conçus; l'un, pour la construction d'un canal latéral à la Dendre; l'autre, pour la canalisation de cette rivière.
Ce dernier travail, beaucoup moins considérable que le premier, nécessiterait néanmoins une dépense de deux millions. Les honorables membres comprendront qu'il a été impossible de porter cette somme au budget. Il faut un crédit spécial, et pour pouvoir le solliciter, il faut que le trésor public soit dans une situation plus prospère.
M. Van Cleemputte. - Messieurs, il est loin de mes intentions de demander que le gouvernement songe aujourd'hui à l'exécution de travaux aussi importants que ceux dont vient de parler M. le ministre des travaux publics. Mais je demanderai au moins que, dans des limites étroites, le gouvernement fasse de ce qu'exige impérieusement la navigation de la Dendre qui a acquis beaucoup d'importance, par l'établissement du chemin de fer de Jurbise et de celui de Mons à Manage. Le mouvement commercial par la Dendre étant considérablement augmenté, le produit des écluses augmentera dans la même proportion. Je crois qu'en améliorant la navigation sur la Dendre, le gouvernement ferait une chose utile, même au point de vue du trésor public.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - J'examinerai de nouveau la question.
- L'article 22 est adopté.
« Art. 23. Service du Rupel.
« a. Entretien ordinaire : fr. 8,000.
« b. Construction de huit épis et prolongement d'un ouvrage de même nature, charges extraordinaires : fr. 30,000.
« c. Enlèvement du banc de Niel, charges extraordinaires : fr. 2,000 fr. »
- Adopté.
« Art. 24. Service de la Dyle et du Demer.
« a. Entretien ordinaire : fr. 13,000 fr.
« b. Achèvement du barrage avec portes de flot en construction à Malines, et travaux d'amélioration à entreprendre sur divers points du Démer, charges extraordinaires : fr. 50,000. »
- M. Delfosse remplace M. Verhaegen au fauteuil.
M. de Luesemans. - Messieurs, le gouvernement réclame, pour le service du Demer et de la Dyle, une somme de 63,000 fr. Cette somme se compose de 13,000 fr., pour frais d'entretien ordinaire (charge permanente) et de 50,000 fr., pour frais extraordinaires (charge temporaire).
Je crois, messieurs, que le crédit demandé par le gouvernement est insuffisant. Je n'aurai, je l'espère, pas de peine à l'établir.
Le Demer et la Dyle sont deux rivières qui occupent un terrain considérable. Sur presque tout le parcours de ces rivières, des inondations continuelles ont eu lieu depuis nombre d'années. Ces inondations qui causent un préjudice considérable à l'agriculture, qui détruisent le plus souvent les récoltes les plus magnifiques sur pied et qui empêchent, par conséquent, le cultivateur de recueillir le fruit de longs et pénibles travaux; ces inondations proviennent surtout de la négligence de tous les gouvernements qui se sont succédé.
Il résulte de plusieurs mémoires écrits sur cette matière, et notamment d'un ouvrage remarquable dû à M. Vifquain sur les voies navigables de la Belgique, que depuis le gouvernement autrichien, qui avait eu soin de faire opérer le curage en temps utile par un délégué des états du Brabant, ni le gouvernement français, ni le gouvernement hollandais, ni le gouvernement belge ne se sont occupés de la navigation du Demer, non plus que des moyens qu'on pouvait employer utilement pour empêcher les inondations intempestives causées par ces rivières.
Loin de là, messieurs, le gouvernement hollandais s'était déchargé de ses obligations sur la province du Brabant; il avait prétendu que la province était obligée de faire faire les curages et tous les travaux d'entretien.
Cette charge fut considérée à bon droit comme trop onéreuse par les états de la province. Aussi dès 1836 le conseil provincial insista pour que le gouvernement se chargeât de la direction des deux rivières et exécutât les travaux accumulés par 40 années de négligence.
En 1846, après beaucoup d'hésitations, le gouvernement reprit le service du Démer et de la Dyle; il mit à l'étude les travaux à exécuter pour opérer les améliorations indispensables.
Pendant que les ingénieurs se livraient à l'étude et à l'examen des questions diverses dont le déplorable état de la rivière nécessitait l'examen, chaque année le conseil provincial du Brabant retentit des plaintes nombreuses que firent valoir les représentants des localités intéressées se rendant l'écho des réclamations sans nombre que leurs commettants leur adressaient.
Les travaux à exécuter pour ces deux rivières devaient tous tendre vers un triple but : d'abord, il fallait favoriser la navigation; ensuite, empêcher les inondations intempestives d'été, et en troisième lieu ne pas entraver les inondations, les irrigations nécessaires, profitables, fertilisantes pour l'agriculture, qui ont lieu en hiver. Le gouvernement, je dois le dire, comprit jusqu'à un certain point sa mission et ses devoirs. Aussi, en 1845, il sollicita, et les chambres lui accordèrent, un crédit de 60 mille fr. C'était peu de chose, mais les parties intéressées considérèrent cette première allocation comme un principe posé dans la loi, qui devait porter ses fruits. Le gouvernement ne tarda pas à reconnaître que le crédit de 60 mille fr. était insuffisant, et les années 1846, 1847, 1848 et 1849, il éleva constamment les allocations à 100 mille fr.
Cette somme pouvait être considérée comme étant en rapport avec les ressources du pays, mais elle n'était, à coup sûr, pas trop considérable, comparée aux travaux qu'il s'agissait d'exécuter et qu'on estimait,, si je ne me trompe, à un million au minimum.
De nombreux travaux furent dès lors exécutés. Je constaterai ici que, malgré les hésitations du gouvernement, malgré l'exiguïté relative des ressources, malgré la lenteur inévitable des travaux, les riverains ont considéré la détermination du gouvernement comme un bienfait et un commencement de réparation des maux dont elles avaient depuis trop longtemps souffert.
Je ne puis cependant me dispenser de vous parler d'une observation sérieuse que je considère comme devant être prise en très grande considération, c'est que des travaux de cette nature, entrepris sur des points nombreux, ont besoin d'être achevés le plus promptement possible, sur toute la ligne, car si le gouvernement les abandonne après avoir posé les premiers jalons, il est évident non seulement qu'ils ne sont d'aucune utilité, mais qu'ils peuvent au contraire être nuisibles, car ils empêchent le libre écoulement des eaux, ou les précipitent avec une trop grande violence et entravent la navigation au lieu de la favoriser.
Ainsi depuis Malines jusqu'au barrage de Werchter, et depuis ce dernier point jusqu'à l'écluse d'Aerschot, on a fait de nombreux redressements du cours du Demer ; la pente est devenue plus rapide en raison même de la distance que l'on avait rachetée ; la chute est telle que le passage des écluses, notamment à Aerschot, est devenu difficile, dangereux et coûteux; il est même souvent impossible malgré les plus violents efforts.
Un autre travail a été fait; on a élargi le plafond de la rivière, on a relevé considérablement les digues ; il en résulte que quand il y a peu d'eau dans la rivière, comme elle se précipite vers l'aval, elle manque bientôt en amont, et les bateaux sont arrêtés. S'ils attendent que l'écluse d'amont envoie une plus grande quantité d'eau, ils sont entravés, presque arrêtés par l'extrême force du courant; sous ce rapport, un des buts qu'on a voulu atteindre en décrétant les travaux, c'est-à-dire de favoriser la navigation, se trouve manqué; et les plaintes deviennent plus vives que jamais. Mais ce n'est pas tout. Il résulte encore de la rapidité de la pente que les propriétés voisines, des écluses sont sujettes à immersion, et que celles qui sont situées en aval ne peuvent plus être inondées en hiver; or, on sait que les prairies situées dans la vallée du Demer et notamment celles qui se trouvent en amont d'Aerschot sont périodiquement inondées par les eaux limoneuses charriées par les affluents du Demer ; le but agricole est donc encore loin d'être atteint, et il ne le sera que si le gouvernement persévère énergiquement dans la voie où il est entré, et pousse avec vigueur les travaux entrepris.
C'est ici le lieu de vous entretenir d'une proposition faite en 1848, au sein du conseil provincial du Brabant, et relative aux inondations de la-Dyle.
« Attendu, disaient ses auteurs, que les travaux d'élargissement et d'endiguement, faits à la Dyle, ne pourraient avoir d'heureux résultats pour les villages de Wespelaer, Bortmeerbeek, Hever, Muysen, et, que pour autant que l'on soit parvenu à empêcher les eaux de la marée de faire irruption dans les campagnes par les affluents de cette rivière, le conseil du Brabant prie sa députation de bien vouloir faire , auprès du gouvernement, d'instantes démarches pour obtenir l'établissement d'éclusettes au confluent de quelques-uns de ces cours d'eau avec la Dyle. ».
Cette proposition fut examinée sérieusement par le conseil provincial ; un rapport, que j'ai sous les yeux, fut fait au conseil; les conclusions de ce rapport, qui tendaient à l'adoption de la proposition, furent définitivement adoptées.
Le conseil provincial alla plus loin : il adopta une autre proposition additionnelle de la deuxième section, tendante « à charger la députation permanente d'insister pour que les travaux en voie d'exécution sur le Demer et la Dyle fussent poussés avec le plus d'activité possible et avec un système d'ensemble qui empêchât des dégradations momentanées aux propriétés riveraines, n'interrompît pas la navigation, et qui, enfin, en procurant pour l'avenir plus de facilité pour la navigation et l'écoulement régulier des eaux, ne conduisît pas à l'assèchement, c'est-à-dire à la ruine des prairies. »
La députation permanente du conseil provincial a eu soin de se mettre en rapport avec le gouvernement et de lui transmettre le vœu que le conseil l'avait chargée de formuler; le gouvernement s'occupa de cette affaire ; et dans la session de cette année, la députation permanente rendit compte de ses négociations avec le gouvernement, des réponses qu'elle en avait reçues. J'ai sous les yeux le rapport fait au conseil provincial par un de ses honorables membres à la suite de cette communication. Il me semble en résulter que la question soumise au gouvernement n'a pas été complètement saisie par le fonctionnaire des ponts et chaussées dont le gouvernement a reçu à son tour un rapport. Ce rapport concluait en indiquant comme seul moyen de remédier aux inondations, la création d'associations de wateringues et l'endiguement des affluents, ouvrage que l’auteur du rapport prétend incomber non pas au gouvernement mais aux parties intéressées.
(page 388) Il y avait là, messieurs, une double erreur, qui n'échappa pas au conseil provincial.
Il est bien évident que l'institution de wateringues, créée d'ailleurs par l'arrêté royal du 30 septembre 1848, doit restreindre son influence au régime intérieur des propriétés, mais ne s'étend point aux travaux à exécuter dans le corps même des rivières; celles-ci restent soumises à la police du gouvernement qui en est propriétaire, et a par suite l'obligation de les entretenir et de les améliorer.
Quant à l'endiguement des affluents, il aurait pour résultat d'empêcher les inondations d'été, mais en même temps il entraverait les irrigations ou inondations d'hiver, si nécessaires à l'amélioration et à la fertilité des prairies riveraines.
Quoi qu'il en soit de cette réclamation, messieurs, que je recommande à toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics, elle n'est pas de nature à entraver les travaux commencés, d'après le plan général du gouvernement. Ce n'est pas pour s'opposer en rien aux intentions de celui-ci qu'elle a été formulée, elle se lie au contraire au plan général.
Aussi, le gouvernement ne méconnaît pas la nécessité de continuer les travaux. Quand les parties intéressées s'adressent à lui, il admet volontiers qu'ils doivent être continués sur toute la ligne; qu'il y a même une certaine urgence à les faire ; mais jusqu'à présent, malgré les réclamations nombreuses, répétées dans plusieurs pétitions déposées sur le bureau et où l'on a parfaitement établi la nécessité d'un crédit supérieur, les travaux complémentaires ne s'exécutent pas.
Le gouvernement réclame une somme de 50 mille francs pour 1850, tandis que, pour les années qui ont précédé, c'était cent mille francs qu'on avait demandés et qui avaient été accordés sans la moindre objection de la part de la législature, pénétrée de l'importance de l'objet auquel ils devaient s'appliquer.
Voici comment, en 1849, M. le ministre des travaux publics s'exprimait, en réponse à une demande qui lui avait été faite par la section centrale. Je trouve dans le rapport de l'honorable M. Bruneau, alors rapporteur de la section centrale, ce qui suit :
« La dépense à faire pour terminer les travaux jusqu'à Diest, établir les ouvrages d'art nécessaires, construire trois nouveaux barrages de manière à avoir en toute saison une navigation facile, et d'un tirant d'eau suffisant pour les bateaux de 100 tonneaux, s'élèvera approximativement à 500,000 fr. »
Les dépenses faites jusque-là s'élevaient à 499,333 fr.
Le gouvernement était donc fixé dès 1849 sur la nature des travaux à exécuter et même sur le montant de la dépense que ces travaux auraient occasionnée. Il était fixé, puisqu'il ne se borne pas à des indications et à des évaluations globales, mais il spécifie même les travaux qu'il va faire exécuter, et pour lesquels il demande un à-compte de 100,000 fr. sur les 500,000 fr. dont il aura besoin :
« Dans cette dépense, ajoute-t-il, est comprise celle à faire pour approprier les barrages d'Aerschot, de Teslelt et de Sichem. »
Et comme si ces explications n'étaient pas encore suffisantes, il continue :
« Les nouveaux barrages seraient établis : le premier à Rivieren, entre Werchter et Aerschot ; le second à Rommelaer, entre Aerschot et Hasselt, et le troisième, entre Sichem et Diest. »
Maintenant le gouvernement peut-il exécuter ceux des travaux non encore faits avec les 50,000 francs qu'il réclame? Je crois que c'est parfaitement impossible. Et d'abord les développements du budget de 1850 annoncent que, loin que le chiffre de 50,000 fr. puisse être employé en entier à l'objet dont nous nous occupons, il doit servir à couvrir une partie du déficit qui résulte de ce que le gouvernement a dépensé l'année dernière une somme plus considérable que celle qui avait été allouée.
En effet, messieurs, le crédit alloué l'année dernière était de 113,000 francs, et lors de la distribution des nouveaux développements au budget de 1850, il y avait, en sommes payées ou engagées, pour 162,530 fr. 59 cent.
Le déficit est donc de 49,550 fr. 59 c.
Cette insuffisance doit être couverte jusqu'à concurrence de 39,333 fr. 34c, qui représentent la partie non encore réalisée du subside de 59,000 fr., pour lequel, aux termes de la convention du 20 novembre 1845, la ville de Malines s'est engagée à contribuer dans les travaux entrepris dans cette localité; mais alors il reste encore un déficit de 10,217 fr. 25 c à couvrir au moyen de cette somme de 50,000 fr. portée au budget actuel. Le crédit, au lieu d'être de 50,000 fr. pour les travaux extraordinaires, ne sera donc que de 39,782 fr. 75 c, somme évidemment insuffisante pour couvrir les frais des travaux qui devront nécessairement et immédiatement être exécutés.
Aussi, messieurs, je ne puis me dispenser de faire remarquer que le langage tenu par M. le ministre dans les développements au budget de 1850, est bien différent de celui que nous avons rapporté plus haut et que j'ai extrait du rapport de la section centrale pour le budget de 1849.
Là M. le ministre précisait les travaux qui étaient à faire; ici, au contraire, il se borne à reconnaître que le déficit de fr. 10,217-25 devra être prélevé sur le crédit demandé, puis il ajoute :
« Le surplus de ce crédit sera utilisé à l'exécution de travaux d'amélioration à entreprendre sur divers joints du Demer, qui seront ultérieurement déterminés par le gouvernement. »
Le vague de cette réponse, autant que l'exiguïté du crédit ont jeté une espèce de découragement parmi les populations si gravement intéressées dans le prompt achèvement des travaux, et plusieurs pétitions adressées à la chambre attestent l'émotion produite dans cette occurrence.
La chambre a renvoyé les pétitions à la section centrale, et on a ordonné le dépôt sur le bureau.
Dans la section centrale un membre a demandé que le gouvernement voulût s'expliquer sur le parti qu'il avait adopté et proposa de porter au budget 100,000 francs au lieu de 50,000. M. le ministre a répondu que s'il n'avait pas proposé le même chiffre que l'an dernier, c'est que son département n'était pas saisi de projets pour l'emploi d'un crédit de 100,000 francs.
Je ferai remarquer cependant que, l'année dernière, il avait indiqué les travaux à exécuter, entre autres le barrage de Rivieren et deux autres. Et cette année, il ne parle plus que d'améliorations à indiquer ultérieurement.
J'avoue, messieurs, que je ne m'explique pas cette dernière réponse; j'avoue que devant les évaluations de l'année dernière, portées à cinq cent mille francs, et qui, par conséquent, s'élèvent encore à quatre cent mille francs aujourd'hui, il me semblait qu'il n'eût pas été difficile à M. le ministre des travaux publics de se faire représenter des projets pour l'emploi d'un crédit de cent mille fr., qu'il pourrait, je puis l'affirmer, très utilement employer pendant 1850, en travaux non seulement utiles, mais de la plus grande urgence.
Le gouvernement poserait non seulement un acte profitable aux riverains, mais il ferait encore un acte de bonne administration. Il est en effet à remarquer, messieurs, que les produits du Demer, qui allaient en diminuant chaque année avant le commencement des travaux, vont au contraire en augmentant, et si les améliorations continuent, ces produits pourraient fort bien indemniser directement l'Etat de ses sacrifices, sans compter les bénéfices indirects qu'il retirera de l'amélioration et de la plus-value de propriétés aujourd'hui si maltraitées.
Je livre cette dernière observation à l'appréciation du gouvernement, elle m'a été suggérée par le tableau que j'ai trouvé dans les développements du budget.
Je pense, messieurs, qu'il est indispensable, dans l'intérêt de l'agriculture, de la navigation, par conséquent du commerce et de l'industrie, que le chiffre de 100,000 fr., qui a été alloué depuis plusieurs années comme étant un chiffre normal, soit de nouveau porté au budget. Je regrette que la chambre ne soit plus en nombre pour statuer. Je proposerais formellement ce chiffre.
Je le crois indispensable à l'achèvement des travaux avec cet ensemble dont le gouvernement a la clef, et sans lequel les entreprises partielles ne sont que des palliatifs plus nuisibles qu'utiles.
Je crois le chiffre indispensable pour rendre à la sécurité de nombreuses populations de bateliers, pour qui leur industrie est l'unique ressource, et de cultivateurs à qui les trop fréquentes inondations enlèvent, en un jour, le fruit d'une année de peines et de labeur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, un crédit de 2 millions de francs a été ouvert au département de l'intérieur par la loi du 18 avril 1848, pour aider au maintien du travail.
Aux termes de l'article 5 de cette loi, un compte spécial de son exécution doit être présenté aux chambres avant le 31 décembre 1849. Je viens satisfaire au vœu de cette disposition par le dépôt du rapport.
- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce rapport, qui sera-imprimé et distribué.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je ne répondrai pas aux critiques de détails qui ont été présentées contre l'exécution de tel ou tel ouvrage exécuté au Demer. Ces critiques viennent à l'appui des raisons qui m'ont déterminé à ne porter au budget de cette année, qu'une somme extraordinaire de 50,000 fr. pour amélioration de cette voie navigable. Cette somme suffira pour achever le barrage en construction et pour entreprendre la construction d'un nouveau. Mais avant de proposer une somme plus forte, il m'a paru qu'il était nécessaire d'avoir devant soi un projet d'ensemble de tous les travaux que réclame cette rivière.
M. de Man d'Attenrode. - Ce projet existe.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Ce projet n'existe pas.
M. de Man d'Attenrode. - Il existe ; je l'ai vu. Je le prouverai demain. La chambre n'est plus en nombre.
- L'honorable membre sort de la salle.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je suis fâché que l'honorable M. de Man s'absente, alors que je veux le convaincre qu'il est dans l'erreur. J'ai sous les yeux la réponse de l'inspecteur général des ponts et chaussées à la demande de renseignements que je lui ai adressée à cet égard. C'est sur l'avis de ce fonctionnaire qu'il n'a été demandé au budget de cette année qu'une somme de 50,000 francs pour dépense extraordinaire, sauf à demander une somme plus forte au budget du prochain exercice.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.