(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 363) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Clément, adjoint-commis de première classe au bureau des postes à Anvers, né en Belgique de parents étrangers, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Léopold-Edouard Van Steenwinckel, caporal au 10ème régiment de ligne, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger sans l'autorisation du Roi. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lameere, ancien commis de première classe des accises, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension et le payement des termes échus. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La députation permanente du conseil provincial de Liège demande que la législature décrète le principe de la discussion publique et orale, de la part des intéressés ou de leurs mandataires, tant devant le conseil des mines que devant la députation permanente, lorsque celle-ci est chargée de donner son avis sur des demandes en concession de mines. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dom prie la chambre de décider si les musiciens militaires peuvent faire des entreprises, exercer un commerce ou une industrie sans être soumis au droit de patente. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants du canton de Wellin prient la chambre d'allouer au budget la somme nécessaire pour l'exécution de la route de Rochefort à Gribelle par Wellin et Hautfays. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
» L'administration communale de Nivove demande l'exécution du projet de canalisation de la Dendre, étudié par l'ingénieur Wellens, et prie la chambre de porter au budget la somme nécessaire à ces travaux ou d'y employer le cautionnement déposé par la société concessionnaire du canal latéral à la Dendre. »
« Même demande des administrations communales de Lessines et de Rebaix, et des membres du conseil communal de Brugelette. »
- Même décision.
« Plusieurs cultivateurs d'Achel déclarent adhérer aux observations présentées par les propriétaires et cultivateurs de Maeseyck, contre le projet de loi sur les denrées alimentaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Plusieurs habitants de Pesches demandent la libre entrée des denrées alimentaires.
« Même demande de plusieurs habitants de Frasnes. »
- Même décision.
« Le sieur Vandicq, commissaire de police de la ville de Soignies, demande que sa juridiction soit étendue à toutes les communes du canton de Soignies et qu'on lui accorde un traitement du chef du surcroît de travail que lui occasionnent les fonctions de ministère public près le tribunal de simple police. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des fabricants et négociants en toiles demandent que l'administration de la prison de Saint-Bernard limite la fabrication de toiles blanches ou russias aux besoins de l'exportation et que la fabrication pour la consommation intérieure soit mise en adjudication publique.
M. Van Grootven. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi tendant à allouer un crédit supplémentaire de 2 millions pour augmenter la fabrication des russias dans la prison de Saint-Bernard, et le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
- Cette proposition est adoptée.
« La chambre de commerce et des fabriques de Courtray demande que la fabrication des toiles dites russias qui se fait à la prison de Saint-Bernard soit limitée à l'intérieur de cet établissement. »
M. E. Vandenpeereboom. - Je demande la même décision pour cette pétition.
- Adopté.
« L'administration communale d'Aerschot prie la chambre d'allouer au budget les fonds nécessaires pour activer les travaux en cours d'exécution du Demer. »
M. de Luesemans. - Comme cette pétition se rattache au budget des travaux publics, dont nous allons nous occuper, j'en demande le dépôt sur le bureau.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Breyne, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
- Ce congé est accordé.
Par dépêche du 24 décembre, M. le ministre de la justice adresse à la chambre deux demandes de naturalisation ordinaire avec renseignements y relatifs.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
Par dépêche du 20 décembre, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 110 exemplaires du rapport de M. Dumont sur la carte géologique de la Belgique.
(page 364) - Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
Il est fait hommage à la chambre par M. Metz, président de la chambre des députés du grand-duché de Luxembourg, de 400 exemplaires d'un projet de loi concernant la construction d'un chemin de fer par le grand-duché de Luxembourg. »
- Distribution aux membres de la chambre.
M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur la proposition de loi de l'honorable M. Bruneau concernant les denrées alimentaires.
- Plusieurs membres. - Les conclusions?
M. Rousselle. - La section centrale propose de supprimer le mot « provisoirement » qui se trouve dans l'article premier, de proroger le délai qu'il fixait au 1er février, au 15, et d'élever à 1 fr. le droit de 50 c. qui se trouve dans la loi du 31 décembre 1848, pour toutes les céréales autres que l'orge et la drêche (orge germée).
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre décide qu'elle s'en occupera après le budget des travaux publics.
M. le président. - La seconde proposition est de M. Pierre. Elle est ainsi conçue :
« Léopold, Roi des Belges, etc.
« Art.1er. Par modification au paragraphe 3 de l'article premier de la loi du 27 juin 1842 (Bulletin officiel, n. 464), les conditions du vide, imposées aux distilleries agricoles n'employant que cinq hectolitres et au-dessous de matières par jour, sont supprimées. »
« Art. 2. La réduction de 15 p. c, accordée pour ces distilleries, par le paragraphe premier de l'article 5 de la même loi, est portée à 30 p. c »
- La parole est à M. Pierre pour développer sa proposition.
M. Pierre. - Messieurs, pur forme d'un amendement au budget des voies et moyens pour 1850, M. le ministre des finances propose de modifier le paragraphe premier de l'article 21 de la loi du 27 juin 1842 sur les distilleries.
La proposition est renvoyée à l'examen de la section centrale de ce budget.
En voyant toucher à la législation sur cette matière, je me suis demandé si ce n'était point une occasion favorable d'aviser à d'autres modifications dont l'expérience a mis à jour la nécessité. C'est ce qui m'a déterminé à vous présenter un projet tendant à modifier deux dispositions de la même loi qui portent préjudice aux distilleries agricoles.
Dans notre séance du 30 mars dernier, l'honorable M. Moxhon, au nom de la commission d'industrie, a déposé un rapport sur une pétition par laquelle les améliorations faisant l'objet de ma proposition étaient réclamées pour les distilleries agricoles.
La commission proposa, par l'organe de son rapporteur, le renvoi à M. le ministre des finances, avec prière de réviser la loi.
Sur l'observation de plusieurs membres, qu'en faisant un pareil renvoi, il n'était point dans les usages et les convenances parlementaires d'adresser une prière au gouvernement, le renvoi pur et simple fut prononcé le 19 avril suivant.
Il y a ici, messieurs, une chose qu'il ne faut pas perdre de vue et sur laquelle je me permets d'attirer toute votre attention. La commission d'industrie engageait, priait même, pour me servir de son expression, M. le ministre de réviser la loi dans le sens de cette pétition. Elle en reconnaissait dès lors le mérite et la légitimité.
Qu'un scrupule de forme ait fait obstacle à ce que la chambre admît les conclusions telles que les avait formulées la commission, c'est là un fait d'une importance très secondaire et qui doit peu nous préoccuper. Toujours est-il que le fond de ces conclusions subsiste. Rien n'est venu en amoindrir la justesse ni la valeur. Serait-il équitable de ne pas en tenir compte?
La commission avait examiné attentivement et d'une manière approfondie la question soulevée par la pétition. Ce n'était pas sans des motifs graves qu'elle avait résolu de demander la modification sollicitée, que je propose.
La vérité me force à le dire, et je suis en cela d'accord avec la commission , c'est une question de vie ou de mort pour les distilleries agricoles : de sa solution dépend réellement leur existence.
Partout la sollicitude publique se tourne à bon droit vers l'agriculture, la véritable industrie-mère; dans toutes les sphères l'on s'ingénie à trouver pour elle des moyens plus efficaces de prospérité et d'encouragement, et, cependant, malgré les sympathies qu'elle inspire, malgré les efforts que l'on tente pour la relever, est-il possible de nous dissimuler que sa situation laisse beaucoup à désirer? Il ne peut donc s’offrir à nous aucun moment plus opportun pour remédier à la condition inégale et désavantageuse qui est faite à ces exploitations essentiellement agricoles, comparativement aux grandes distilleries, aux distilleries industrielles proprement dites.
Notre commission d'industrie l'a reconnu et démontré à l'évidence. Le moindre doute à cet égard n'est plus permis. Voici au surplus les considérations puissantes qu'elle a produites pour motiver son appréciation :
« La réclamation qui vous est soumise soulève une question vitale pour l'existence des distilleries agricoles, qui ont résisté jusqu'à présent à la lutte inégale qu'elles soutiennent contre les grandes distilleries, sous le régime de la loi du 27 juin 1842.
« Votre commission d'industrie a l'honneur de vous exposer quelle est la position respective des deux modes de distillation, sous le régime de la législation actuelle.
« Les grandes distilleries, dites urbaines, agissent en toute liberté, quant à la capacité des vaisseaux qu'elles emploient, soit pour la distillation, soit pour la macération des matières.
« Les petites distilleries obtiennent une remise de 15 p. c. sur les droits d'accise, mais à la condition :
« 1° De n'employer qu'une seule chaudière, soit pour la rectification, soit pour la distillation, en un mot, pour parfaire toute l'opération distillatoire ;
« 2" De n'avoir que des cuves d'une contenance de cinq hectolitres au plus.
« Or, il est reconnu que l'activité de la fermentation des matières est en raison de la capacité des vaisseaux dont on fait usage, et que de l'activité de la fermentation dépend le développement d'une certaine quantité plus ou moins considérable de produits alcooliques. Aussi les distilleries montées sur une grande échelle obtiennent d'ordinaire un produit qui dépasse de 6 p. c. celui des distilleries agricoles, sur une quantité donnée de matières mises en distillation.
« Les grandes distilleries dans les villes arrivent encore à un produit plus considérable, en employant, pour rafraîchir les cuves, soit des fonds de tonneaux ou résidus de bières, soit des eaux sucrées provenant des raffineries, matières que les distillateurs s'y procurent à vil prix. La production peut alors dépasser jusqu'à 7 3/4 p. c. celle obtenue par les petites distilleries agricoles.
« Outre les avantages résultant du mode de fabrication, cinq de nos grandes villes protègent la distillation intra-muros; cette protection peut être évaluée à 2 1/2 c. par litre.
« La ville de Bruxelles la porte jusqu'à 5 centimes, aussi par litre.
« Depuis la mise en vigueur de la loi du 27 juin 1842, c'est à peine si un dixième des distilleries agricoles a pu se maintenir en présence des conditions de production favorables, accordées aux grandes distilleries urbaines, et dès maintenant on peut prévoir que, dans un avenir peu éloigné, les distilleries agricoles auront complètement disparu, si une réforme dans la législation actuelle ne leur vient en aide. »
Quand des intérêts aussi importants que ceux de l'agriculture sont en jeu, quand surtout il est constaté qu'ils sont lésés d'une manière notable et éprouvent un grand préjudice sous l'empire de la législation existante, comme vous l'a dit et déclaré la commission d'industrie, n'y a-t-il point urgence de porter remède à un tel état de choses? N'y aurait-il pas à la fois péril et iniquité en la demeure ?
Vous penserez donc, j'ose l'espérer, messieurs, qu'il est temps de faire disparaître l'inégalité qui frappe les agriculteurs. Elle ne tarderait pas à amener inévitablement le chômage, la fermeture même du petit nombre de leurs distilleries qui nous reste. Celles-ci méritent d'autant plus notre sollicitude qu'elles n'ont pu se soutenir jusqu'aujourd'hui qu'à l'aide de longs et pénibles sacrifices, dont le terme doit être enfin arrivé.
Vous l'avez entendu tout à l'heure, un dixième à peine des établissements de cette catégorie qui existaient avant la loi dont j'ai l'honneur de vous proposer la réformation, a pu résister ; les neuf autres dixièmes ont succombé sous ses effets désastreux.
Si le cultivateur ne peut vendre ses produits ou ne peut les vendre qu'à vil prix, comme cela est actuellement, la justice ne nous convie-t-elle pas à lui laisser au moins le moyen d'en tirer un autre parti ?
La confiance que j'ai en l'équité du gouvernement ne me permet point de douter qu'il hésite un seul instant à s'associer à cette mesure réparatrice.
- La proposition de M. Pierre est appuyée. La discussion sur la prise en considération est remise après les vacances de janvier.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bu/eau un projet de loi ayant pour objet de régler le tarif des voyageurs sur le chemin de fer.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué, ainsi que l'exposé de motifs qui l'accompagne.
La chambre en ordonne le renvoi aux sections.
(page 365) La discussion générale est ouverte.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, avant de commencer la discussion du budget des travaux publics, je désire arrêter un instant l'attention de la chambre sur les résultats qui ont été obtenu pendant l'exercice de cette année.
La chambre sait que le budget de 1849 présente sur celui de 1848 une différence en moins de 1,218,630 fr. 50 c. Cette diminution provient, en partie, de travaux qui ont été exécutés en moins, mais elle a aussi en très grande partie sa cause dans des économies réelles, sérieuses, qui ont été obtenues tant sur le personnel que sur la dépense de diverses branches du service et notamment sur le service du chemin de fer.
Bien loin que les crédits votés avec la diminution que je viens de dire, aient été dépassés, il est à prévoir qu'ils laisseront au 31 décembre un excédant disponible d'au-delà d'un million.
La chambre sait, par la note préliminaire qui a accompagné le budget de 1849, qu'une économie, qui ne s'élève pas à moins de 355,612 fr., a été annoncée comme devant être réalisée immédiatement sur le personnel, et que les économies éventuelles, à résulter de l'extinction des charges temporaires, consistant en traitements de disponibilité, ont été évaluées à 122,333 fr.
La réorganisation des divers services, dépendant du département des travaux publics, n'a pas eu lieu jusqu'à ce jour. Nous avons pensé qu'il fallait procéder à cette œuvre avec beaucoup de maturité et de réflexion ; mais en même temps que nous avons voulu nous entourer de toutes les précautions possibles pour commettre le moins d'erreurs possible, nous avons regardé les allocations qui nous avaient été accordées par les chambres, comme une limite extrême qu'il ne nous était pas permis de dépasser; aussi est-il à prévoir que les allocations même pour le personnel nous laisseront un excédant disponible de plus de 40,000 fr.
Le service du chemin de fer présente une économie très notable. Bien qu'en 1849 nous atteindrons un chiffre de recettes plus élevé d'un million environ que celui de 1848, les dépenses seront inférieures à celles de 1848 de 486,741 fr. Ainsi, l'exploitation de 1849, comparée à celle de l’année dernière, donnera un million de recettes en plus, et un demi-million de dépenses en moins.
Je dois ajouter que cette économie n'a point été obtenue aux dépens ni de l'entretien, ni même de l'amélioration du railway. Il y a eu même renouvellement de billes, même renouvellement de rails, même augmentation du matériel, en un mot, le chemin de fer a été amélioré dans la même mesure qu'en 1847 et en 1848.
Nous prévoyons que l'année 1850 nous donnera encore une augmentation de recettes notable. Il est permis d'espérer que cette augmentation sera d'un million et demi, telle qu'elle figure au budget des voies et moyens; mais en supposant que cet espoir ne se réalise pas, j'ose du moins dire que j'ai la certitude morale qu'elle sera d'un million. Cependant nous ne demandons pas, pour les frais d'entretien et d'exploitation, une somme supérieure à celle qui a été réellement dépensée en 1849 et si, comme nous le croyons, nos prévisions ne sont pas en défaut, nous aurons un produit net, supérieur de 300,000 fr.au moins, et peut-être de 800,000 fr. à celui que nous avons eu pendant la meilleure des années précédentes. (Interruption.)
Je répondrai un mot, un seul mot, à cet éternel reproche que l'honorable M. de Man vient de m'adresser de nouveau, que nos prévisions pour 1850 ne méritent pas plus de confiance que pour 1849. Lorsqu'il s'est agi de fixer le chiffre probable des recettes du chemin de fer pour le présent exercice, deux opinions se sont trouvées en présence : la mienne était qu'une fois que la révolution de février aurait cessé d'exercer son influence sur le mouvement du commerce et de l'industrie, les recettes reprendraient leur cours naturel et augmenteraient de 1 million à 1,100,000 fr. environ par année; d'après l'autre opinion (celle qui a été inscrite au budget des voies et moyens), l'effet de la révolution de février une fois arrêté, les recettes devaient reprendre leur mouvement ascensionnel à partir du point où elles étaient restées en 1847. C'est ainsi que les recettes probables de 1849 ont été évaluées à un million de plus que celles de 1847; mais je crois que personne ne trouvera étonnant que les recettes n'aient pas augmenté de 2 millions, de 2 1/2 millions en un seul exercice.
Quoi qu'il en soit, messieurs, je pense que la chambre ne peut qu'accueillir avec satisfaction ce résultat, que je puis lui annoncer, que bien que les recettes du chemin de fer en 1849 soient encore inférieures d'un million et demi environ à celles de 1847, néanmoins, le produit net n'y est inférieur que d'un demi-million environ, et qu'il y a toute raison d'espérer qu'il y sera de beaucoup supérieur en 1850.
Quant aux postes, je puis dire aussi que les prévisions du gouvernement n'ont pas été en défaut. Bien que le nouveau régime postal, qui a considérablement diminué les taxes, soit en vigueur depuis six mois, jusqu'à présent nos revenus n'en ont pas souffert.
Même en faisant abstraction du produit des timbres-poste vendus et non employés, le produit total de l'année ne laissera pas, sur l'année écoulée, un déficit de plus de 50,000 fr., et cependant la chambre sait qu'aux réductions de taxes résultant de la dernière loi postale, sont venues se joindre des réductions très considérables résultant des conventions faites avec la France et l'Espagne.
Pour les lettres de France, la taxe, comme on le sait, a été réduite uniformément à 40 centimes; pour l'Espagne, elle l'a été de 2 francs et demi à 1 franc, et pour l'Angleterre, elle le sera incessamment de moitié. Une convention analogue a été faite avec la confédération helvétique et n'attend plus que l'échange des ratifications pour entrer en vigueur.
D'autres conventions sont en voie de négociation avec les Pays-Bas, le Luxembourg, la Prusse et l'Autriche.
Mais les diminutions de recettes qui sont résultées de ces conventions et celles auxquelles nous devons encore nous attendre, ont été compensées par l'extension de nos relations postales avec l'étranger, et par l'accroissement de revenu que nous a procuré le transit des correspondances échangées entre l'Angleterre et Hambourg, l'Angleterre et Lubeck, l'Angleterre et les Pays-Bas. Le remboursement des offices étrangers aura produit pour l'exercice 1849 une augmentation de 100 mille francs. Et je ne crains pas de me tromper en annonçant de ce chef une augmentation nouvelle de 100 mille francs pour l'exercice prochain.
En même temps, messieurs, que ce résultat a été obtenu quant aux recettes, nous avons amélioré le service de la poste autant qu'il était possible de le faire dans les limites du budget. On avait exprimé, dans le sein de cette chambre, le désir que les boîtes fussent multipliées dans les campagnes. Les communes ont été instruites que des boîtes étaient à leur disposition, à la seule condition de pourvoir à leur placement et à leur entretien. 89 boites ont été distribuées de cette manière; 67 boîtes en fonte ont été placées dans diverses villes; deux nouveaux bureaux ambulants ont été créés ; le service des carrioles a reçu une notable extension ; et l'hôtel de la rue de la Montagne a été converti en hôtel de poste sur les économies du matériel.
Dans le but d'arriver à un résultat complètement satisfaisant, nous vous demandons, au budget actuel, une augmentation d'allocation de 90 mille francs, dont nous nous réservons de vous expliquer l'emploi, lorsque nous serons arrivés à ce chapitre du budget.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale?
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Non, M. le président.
La section centrale ne propose que deux amendements, au sujet desquels je m'expliquerai, quand nous arriverons aux articles auxquels ils se rapportent.
M. le président. - La discussion continue sur l'ensemble du projet du gouvernement.
M. Vermeire. - Messieurs, la question des chemins de fer, chaque fois qu'elle se reproduit dans cette enceinte, a le mérite de fixer tout particulièrement l'attention de la chambre. C'est que les nombreux intérêts qu'elle embrasse sont envisages de différentes manières. Ainsi, les uns déplorent les sommes dépensées pour l'établissement de cette nouvelle communication, parce que les résultats obtenus n'équivalent point aux frais occasionnés. Les autres, au contraire, et c'est le plus grand nombre, voient dans l'établissement des chemins de fer la cause principale de l'augmentation des transactions commerciales tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ; de la multiplication du travail industriel; et, en un mot, ils croient y découvrir la véritable source de la prospérité nationale. Tous enfin sont fiers d'avoir vu la Belgique marcher à la tête du continent européen pour établir sur son sol cette nouvelle voie de circulation, laquelle, au dire d'un savant ingénieur (Belpaire, Traité des dépenses d’exploitation au chemin de fer), dont la Belgique s'honore à juste titre : « est un de ces faits importants, qui se produisant à de longs intervalles, font époque dans l'histoire de la civilisation du monde, et sont à la fois les précurseurs et la cause première d'une profonde transformation sociale. »
Les chemins de fer, messieurs, en général, produisent beaucoup de bien. Toutefois, il me semble que le moment est arrivé pour la Belgique où, d'impérieuses nécessités, enfantées par une situation financière qui se délabre de plus en plus, exigent que, conformément à la loi du 1er mai 1834, les chemins de fer puissent se suffire à eux-mêmes, et ne plus avoir besoin de venir puiser annuellement au trésor public, de nouvelles ressources qui couvrent des déficits sans cesse renaissants.
Notre devoir est donc, messieurs, de tâcher de trouver les moyens qui équilibrent les recettes et les dépenses de cette vaste exploitation. Aussi est-ce vers ce but que j'ai dirigé mes recherches. Cependant je dois l'avouer, ce n'est point sans quelque crainte que je me suis engagé dans cette voie tortueuse, qui ressemble tant à un labyrinthe inextricable ; mais le désir de voir un jour l'exploitation des chemins de fer affranchie de toutes les difficultés qu'on lui suscite sans cesse, à cause de son déficit, m'encourage dans cette entreprise. Je tâcherai donc de démontrer que les chemins de fer de l'Etat ne se trouvent point dans une position désespérée, et qu'il est probablement possible d'atteindre le but tant désiré.
Voici le compte de premier établissement du chemin de fer belge :
Situation au 1er janvier 1848.
Capitaux employés pour frais de premier établissement (Compte-rendu de l'exploitation des chemins de fer pour 1847) :
Etablissement des sections décrétées : 121,495,249 fr. 85
Construction des bâtiments et dépendances : 12,193,040 fr. 55
Dépenses générales, de conduite et de bureau : 5,144,351 fr. 32
Matériel des transports : 21,329,236 fr. 80
Soit 160,161,878 fr. 82.
(page 366) A déduire le produit des ventes et rétrocessions de terrains compris pour l'établissement du chemin de fer : fr. 1,171,634 fr. 24.
Reste : 158,990,244 fr. 28.
Sommes payées pour intérêts, amortissements et frais des capitaux empruntés : fr. 76,381,578 fr. 53
A déduire, sommes amorties : fr. 18,083,022 41
Reste intérêts et frais : 58,298,556 12
Soit sous-total : fr. 217,288,800.
Les frais d'exploitation du 1er mai 1834 au 31 décembre 1840 s'élèvent à fr. 10,626,477 09.
Idem de 1841 à 1847 inclus : fr. 43,368,235 54
Ensemble : fr. 53,994,712 63
Soit sous-total : fr. 271,283,513 03
Les recettes de 1835, jusqu'au 31 décembre 1847, s'élèvent à fr. 90,002,454 70.
Coût du chemin de fer au 1er janvier 1848 : fr. 181,281,058 33
Les lois des 21 avril et 24 mai 1848 (Moniteur, n°113 et 147) mettent à la disposition du département des travaux publics, extraordinairement, une somme de 7,005,611 fr. 58.
Sur cette somme il a été imputé :
En 1848, fr. 2,494,802 76
En 1849, fr. 1,682,051 24
Ensemble : fr. 4,176,854.
Il est dû pour intérêts en 1848 : fr. 7,306,363 73.
Les frais sur un capital de 10,407,735 40 s'étant élevés, en 1847, à 203,856 80, ils montent proportionnellement pour 7,306,363 73, à fr. 142,098 73.
Sous-total : fr. 7,448,462 46
Les frais d'exploitation, pour 1848, s'élèvent à fr. 8,580,556 89.
Sous-total : fr. 16,029,019 35
Les recettes de 1848 sont de 12,152,651.
Déficit 1848 : fr. 3,877,368 35.
Sous-total du déficit : fr. 189,335,280 68
Exercice 1849,
Intérêts comme pour 1848 : fr. 7,448,462 46
Dépenses probables pour 1849, les mêmes que pour 1848 : fr. 8,352,113.
Ensemble : fr. 15,800,575 46.
Recettes des dix premiers mois de 1849 : fr. 10,951,602
Recettes probables des deux derniers mois. : fr. 2,000,000
Ensemble : fr. 12,951,602.
Déficit pour 1849 : fr. 2,848,975 46
Déficit total : fr. 192,184,254 14
D'après le compte général du chemin de fer, il coûte de premier établissement : fr. 158,990,224 28
Sommes imputées jusqu'au 1er septembre 1849, sur les crédits alloués par les lois des 21 avril et 24 mai 1848 : fr. 4,176,854.
Valeur actuelle du chemin de fer : fr. 163,167,098 28
Perte nette pour le trésor : fr. 29,007,155 86.
Intérêts compris ou, en d'autres termes, si les intérêts et frais qui, ensemble, s'élèvent, jusqu'au 1er janvier 1848, à fr. 58,298,556 12, et pour 1848 et 1849, à fr. 14,896,924 92, soit fr. 73,195,481 04, sont de 5 p. c, le chemin de fer aurait produit, au-delà des frais d'exploitation, jusqu'à ce jour, un intérêt de 3.01 p. c.
De manière que, si les chiffres que je viens de produire, puisés à des sources officielles que j'ai eu soin d'indiquer, sont exacts et bien posés, le chemin de fer, s'il appartenait à une société particulière, aurait donné un intérêt annuel de 3 p. c. et dans la supposition que 5 p. c. valent le pair, les actions vaudraient aujourd'hui 60 p. c. ce qui, comparativement, aux autres chemins de fer exploités par des compagnies particulières, se trouve être dans| une position plus favorable. Ainsi le chemin de fer de Cologne dont les actions sont de 250 thalers en frs. 937 50 valent fr. 400. - Celles du chemin de fer du pays de Waes d'un capital nominal de fr. 500 valent fr. 270.
Des chiffres nombreux ayant été donnés récemment encore pour évaluer le coût réel du chemin de fer, j'ai cru devoir produire les miens, afin de les soumettre à l'appréciation de ceux qui s'occupent principalement de cette question.
Je dois cependant prévenir une objection. On me dira peut-être : Le déficit de 29 millions que vous accusez, doit avoir existé, du moins en partie, depuis bien des années; il serait donc juste que vous teniez compte des intérêts composés dus sur ce déficit. Ma réponse est 1° si le chemin de fer eût appartenu à une société particulière, celle-ci n'aurait distribué annuellement pour dividendes et intérêts que les sommes obtenues en dehors des frais d'exploitation, et ainsi ce déficit disparaissait complètement ; 2° une société particulière n'aurait point transporté gratuitement à prix réduits des marchandises et valeurs, comme le fait le chemin de fer de l'Etat.
Or, ces transports gratuits et à prix réduits ajoutés mensuellement pour mémoire aux tableaux des recettes, mais qui ne figurent point parmi elles, se sont élevés pour 1848 à 1,400,000 fr. Somme qui certes couvre, et bien au-delà, les intérêts des capitaux perdus annuellement.
De ce qui précède il résulte donc que les besoins annuels du chemin de fer se résument en ;
1° Intérêts des capitaux employés. : fr. 7,500,000.
2° Dépenses d'exploitation : fr. 8,500,000.
Ensemble : fr. 16,000,000.
Les recettes pouvant s'élever à fr. 14,000,000.
Il resterait un déficit de fr. 2,000,000.
C'est donc à cette insuffisance que l'on doit pourvoir :
l° En économisant sur les frais d'exploitation;
2° En assurant une plus forte recette par une augmentation imperceptible des divers tarifs;
3° En augmentant la recette par un service exact et régulier.
Pour reconnaître plus facilement les objets sur lesquels on peut économiser avec fruit, l'on devrait savoir au juste les éléments dont se compose le prix de revient de l'unité du coût du trafic. Celui-ci se compose de deux éléments essentiels, dont l'un est mobile, l'autre immobile. Le mobile, celui qui se compose d'une progression relative à l'exploitation même, tels qu'entretien de la route, traction, charriage ; et l'immobile ou l'invariable qui comprend les intérêts des capitaux, les frais d'administration, etc.
Il est vrai que ce dernier est plus difficile dans son application, puisque l'objet sur lequel la répartition doit se faire est ignoré d'avance, et que le coût augmente ou diminue selon que cet objet est plus ou moins nombreux.
On ne pourrait donc appliquer ce coût que sur une année ordinaire telle que 1847.
(page 367) Il est à regretter que le compte rendu de 1848 ne soit pas encore publié; on pourrait peut-être y trouver de nouvelles diminutions sur les frais d'exploitation comparativement à ceux des années précédentes.
M. le ministre des travaux publies qui, dernièrement, a annoncé à la chambre l'intention de publier un ouvrage sur cette matière, composé par une commission qui en est spécialement chargée, rendra un grand service au pays en le faisant paraître au plus tôt.
Une deuxième économie, qui ne me paraît pas sans importance, pourrait être introduite dans le prix des objets nécessaires à l'exploitation du chemin de fer. - Ce serait l'exacte et sévère exécution des cahiers de charge d'adjudication de ces objets, et la condition essentielle de la garantie du payement dans le mois qui suit l'approbation de la fourniture effectuée par à-compte de 2 ou 3,000 francs au lieu de 5,000 fr., car, si d'une part, les intérêts de l'administration sont sauvegardés par des mesures répressives, il est juste d'autre part que le payement s'opère aussitôt les conditions remplies.
Cette clause appellerait un plus grand nombre de concurrents aux adjudications, et ferait conséquemment diminuer les prix d'achat.
La cour des comptes elle-même insiste principalement sur la nécessité de n'imposer des clauses onéreuses aux entrepreneurs que quand les besoins du service l'exigent impérieusement.
Voici comment elle s'exprime à cet égard : « L'importance que la cour attache à l'exécution ponctuelle des contrats, importance qu'elle croit avoir suffisamment démontrée, fera sans doute comprendre au gouvernement la nécessité de prescrire à tous les agents chargés de la rédaction des cahiers de charges et conditions, de n'insérer dans ceux-ci que des clauses d'une nature telle, que le gouvernement ne doive pas les modifier dans l'exécution des travaux ; de ne fixer des délais d'achèvement qu'après avoir mûrement consulté les besoins du service; enfin d'éviter les clauses onéreuses qui ne seraient pas commandées par une nécessité bien constatée. Si ces agents étaient bien pénétrés que toute clause onéreuse, et non indispensable au service, est de nature à porter préjudice aux intérêts du trésor, le gouvernement se trouverait très rarement dans le cas, soit de proroger les délais assignés à l'achèvement des travaux entrepris, soit de faire remise partielle ou totale des amendes encourues pour achèvement tardif.
Aussi le principe admis par le département des travaux publics, que les délais fixés pour la fourniture des objets, dans les cahiers de charges d'adjudication ne sont plus en quelque sorte considérés comme clause obligatoire des contrats, mais se modifient après l'adjudication dès que le retard ne cause point de préjudice à l'Etat, doit influer très onéreusement sur les prix d'adjudication, puisque ceux qui sont dans le secret que l'administration se dispense d'appliquer l'amende, son intention, en insérant cette clause dans le cahier des charges, n'étant point d'appliquer sans nécessité cette mesure de rigueur, ont toute avance sur ceux qui croient que toutes les clauses sont ponctuellement exécutées; si tant est qu'ils ne parviennent à écarter entièrement ces derniers et à former ainsi un monopole qui doit tourner exclusivement au détriment de l'exploitation.
Je crois qu'en changeant le cahier des charges sous ce double rapport l'on parviendrait à obtenir une économie annuelle d'au moins fr. 250,000.
Je ne m'occuperai pas beaucoup de la question des tarifs, surtout en ce qui regarde le transport des voyageurs. Le dépôt que vient d'en faire M. le ministre des travaux publics sur le bureau de la chambre n'en permet pas encore un examen attentif et sérieux. - J'aime à croire qu'il sera conçu de telle manière que, tout en uniformisant les péages pour toutes les lignes, il produira une augmentation de recette, pour cette branche du service, d'au moins fr. 1,000,000.
Quant aux tarifs du transport des marchandises, je crois avec M. le ministre des travaux publics qu'il est très difficile de connaître dès à présent son influence sur les recettes, attendu qu'il ne fonctionne pas encore depuis assez longtemps.
Cependant, je pense que le chiffre, pour être productif sous le rapport du bénéfice, est trop bas. Si le prix de revient de l'unité du trafic était connu, il ne me paraîtrait point difficile de démontrer que l'on transporte à perte; et que conséquemment, plus on transporte, plus on perd.
Je crois qu'en principe on doit prendre les recettes sur les marchandises qui peuvent les payer sans inconvénient. Ainsi toutes les matières pondéreuses tels que : minerai, charbon, chaux, briques, pierres, fontes, engrais, matières premières pour l'industrie, dont la valeur ne dépasse pas 25 fr. par 1,000 kilog. doivent, d'après moi, être expédiées à un prix inférieur à celui d'autres marchandises ayant plus de valeur, en prenant toutefois en considération que ce prix ne vienne point altérer d'autres sources de revenus pour l'Etat. Quant à ces dernières marchandises, je pense que, avec la garantie d'une prompte expédition et de livraison, on pourrait en faire une classification à part. Le commerce, bien souvent aujourd'hui, ne réclame que contre la tardive remise des marchandises à destination. Bien que l'article 11 du livret réglementaire porte « que les marchandises transportées à petite vitesse partiront au plus tard vingt-quatre heures après l'inscription, » il ne s'ensuit pas que les marchandises arrivent plus vite, car il arrive souvent que des marchandises partant de Gand ou de Termonde, en destination de Charleroy ou de Namur, n'y parviennent que le quatrième ou le cinquième jour après leur expédition et stationnent souvent à Malines, à Bruxelles et à Braine-le-Comte, où elles attendent d'autres marchandises pour former un convoi. L'expéditeur, en ce cas, ne peut pas réclamer, parce que le départ a eu lieu dans les vingt-quatre heures, mais l'arrivée n'étant point garantie, l'administration du chemin de fer n'est point en défaut.
Je pense donc qu'on devrait diviser les tarifs actuels de la manière suivante :
1er tarif. - Matières pondéreuses, fr. 0,055 par cent kilog. et par cinq kilomètres.
Sont dénommées pondéreuses toutes matières pesantes dont la valeur au poids n'excède point fr. 25 les mille kilog. ou le mètre cube, remise à destination endéans les cinq jours.
2ème tarif. - Toutes les autres marchandises fr. 0.06 par lieue et par cent kilogrammes, remises à destination endéans les 48 heures de l'inscription.
Augmenter le prix du tarif n°1 de 5 centimes par chaque catégorie de 10 à 100 kilog., en ce sens que ce qui paye aujourd'hui 55 centimes en payerait 60 et ce qui rapporte 1 franc rapporterait 1 franc 5 centimes.
Laisser tel qu'il est le tarif pour les transports internationaux, la Belgique ayant besoin d'entretenir, sur l'échelle la plus vaste possible, ses relations avec les pays qui nous avoisinent, afin d'y déverser ses produits manufacturiers et de production.
Ce changement de tarif pourrait, dans ma manière de voir, rapporter au moins une somme de fr. 750,000, sans en aucune manière grever outre mesure l'industrie et le commerce.
Il est très important que les tarifs pour les matières pondéreuses soient quelque peu augmentés, car le prix n'étant point en rapport avec celui de la navigation sur plusieurs de nos canaux, je crains que la stagnation pour la navigation ne se reproduise en 1850, si tant est que le tarif est maintenu à son taux actuel.
Je ne veux point discuter le mérite du nouveau tarif en ce sens qu'il transporte 100 kilog, au même prix relatif que 1,000,000 de kilog. Je connais les arguments qu'on peut faire valoir pour ou contre ce système. Toutefois, si le chemin de fer était exploité industriellement par une société particulière, je pense que le système inverse prévaudrait, et que celui qui peut occuper plus activement l'exploitation, lui procure certes plus d'avantages, dont il est juste qu'il participe proportionnellement. Du reste, c'est ce dernier principe qui est généralement admis par l'industrie privée, dans ses diverses relations.
Je termine, messieurs, en concluant que si mes prévisions, que je crois justes et raisonnables, se réalisent, le manquant annuel du chemin de fer serait couvert, et cette belle exploitation, à l'abri de toute critique ultérieure, se suffirait à elle-même conformément aux prescriptions de la loi du 1er mai 1834.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, vous devez avoir remarqué, par le discours que vous venez d'entendre, que des personnes également capables, ayant les mêmes chiffres sous les yeux, et recherchant la vérité avec une égale bonne foi, diffèrent souvent de conviction sur les conséquences qu'il faut en tirer.
Combien de fois n'avez-vous pas entendu dire, dans cette enceinte, que le chemin de fer avait coûté au pays 220 millions au minimum, et qu'il causait annuellement à nos finances un déficit de 6, 7, 8 millions, on ne savait à quel chiffre s'arrêter !
Eh bien, messieurs, voici que tout à l'heure l'honorable préopinant vous disait qu'ayant consulté, dépouillé les chiffres officiels, il était arrivé à cette conviction que le chemin de fer n'avait coûté à la Belgique, en y comprenant toutes les pertes du passé, pas plus de 192 à 195 millions. Il établit par chiffres que le revenu annuel du chemin de fer est de 3 p. c. année commune. Le déficit annuel, selon lui, ne s'élève qu'à une somme de 2 millions.
Combien nous sommes loin des assertions que vous avez entendu répéter, il y a peu de jours encore! N’ai-je pas eu raison démettre la chambre en défiance contre les chiffres prétendument officiels qu'on lui mettait sous les yeux? Que s'il est vrai que l'on se trompe aisément sur les données du passé, combien plus aisément encore on se trompe sur les calculs de l'avenir ! Je prie donc la chambre de n'accueillir qu'avec une demi-confiance les brillants résultats qu'on lui promet sans hésiter, pourvu qu'on adopte tel système pour les dépenses, tel autre système pour les recettes.
On escompte d'avance, avec une admirable précision, les produits de telle réforme; on obtiendra un million au moyen de telle mesure; 700,000fr. au moyen de telle autre, et dès lors toutes les dépenses du chemin de fer seront couvertes. Au lieu de devenir onéreux pour l'Etat, le chemin de fer va devenir une source de revenus... Illusions dont on se berce avec complaisance et qu'on présente hardiment comme des réalités.
Je crois, messieurs, que les comptes qui ont été établis par l'honorable M. Vermeire approchent de la vérité ; mais il y a cependant deux points qu'il a négligés et que je signale à son attention. Il vous a dit avec raison que les transports faits gratuitement par le chemin de fer s'élèvent à des sommes considérables, à plus d'un million par an pendant les deux années qui viennent de s'écouler.
Mais, serait-il vrai de dire que ces transports gratuits ne constituent, en aucune manière, un revenu pour l'Etat ? Si les troupes sont transportées à un prix de 50 p. c. inférieur au tarif ordinaire, les 50 p. c. (page 368) qui viennent en dégrèvement d'un autre budget, ne sont-ils pus un revenu réel, une économie ? Lorsque le service des prisons se fait à 25 p. c. du prix ordinaire, direz-vous que le chemin de fer ne procure de ce chef aucun bénéfice au trésor? Soit qu'une somme soit versée directement dans les caisses do l'Etat, soit qu'un autre budget soit dégrevé d'une dépense, le résultat n'est-il pas exactement le même? C'est un mauvais système, je veux l'admettre; aussi ai-je proposé, par le projet de loi que je viens de déposer sur le bureau, de le modifier dans une certaine mesure.
Mais que le système soit bon ou mauvais, alors que nous cherchons à établir jusqu'à quel point le chemin de fer constitue une charge pour le trésor, n'est-il pas juste de porter ces éléments en ligne de compte? Si, d'un autre côté, par humanité, par bienfaisance, le chemin de fer transporte gratuitement les indigents, les ouvriers qui se déplacent pour chercher du travail, n'est-il pas vrai que, de ce chef encore, il est productif d'un revenu?
Si l'Etat avait à venir à leur secours d'une autre manière, les finances n'en seraient-elles point affectées?
Concluons, messieurs, qu'il est juste et rationnel d'ajouter au produit du chemin de fer une partie quelconque des transports qu'il effectue gratuitement.
Un second point qui a été négligé par l'honorable membre et que j'ai déjà eu plusieurs fois occasion de signaler à la chambre, c'est celui-ci : que depuis plusieurs années on porte au budget une somme considérable pour l'amélioration de la voie, pour l'augmentation du matériel.
Si vous voulez avoir une idée de l'importance de ces sommes, j'aurai l'honneur de vous faire remarquer qu'au budget de 1847, vous voyez figurer pour renouvellement de billes et rails une somme de 1,422,731 fr. et pour renouvellement de matériel une somme de 772,568 francs. Or, ces sommes ne constituent point à proprement parler, des dépenses d'exploitation. Par conséquent lorsqu'on veut établir le revenu net, ce n'est pas la dépense totale qu'on doit comparer aux recettes, mais la dépense diminuée des sommes consacrées à l'amélioration de l'exploitation, à l'accroissement du capital.
Et en effet que font les compagnies particulières? Après avoir établi le revenu net par la balance des recettes et des dépenses d'exploitation proprement dites, elles portent une partie quelconque de leurs bénéfices à la réserve, pour parer éventuellement aux nécessités du renouvellement et de l'amélioration de leur capital industriel.
Mais il y a plus. En supposant que les résultats de l'exploitation fussent exactement tels que l'honorable député de Termonde nous les fait connaître, y aurait-il alors encore lieu de déplorer pour la Belgique et l'établissement du chemin de fer et les sommes qu'il a coûté au pays? Non certes. 3 p. c. ne constituent pas un revenu si peu considérable que les chemins de fer belges doivent être considérés comme inférieurs à ceux des pays étrangers.
J'ai eu occasion de le dire l'autre jour à la chambre, le revenu annuel des chemins de fer en Angleterre est de 3 p. c. ; en France de 2 1/2 p. c; en Allemagne de 2 et quelques dixièmes p. c. Ainsi la Belgique est même au-dessus de la moyenne.
Oh ! certes, parmi les chemins de fer étrangers, il y en a qui donnent un revenu beaucoup plus considérable. Mais si nous aussi nous prenions comme point de comparaison une seule partie de notre railway, la meilleure, la plus productive, alors ce ne serait plus à 5, mais bien à 6, 7, et 8 p. c, que le revenu de nos chemins de fer devrait être évalué.
Chez nous comme ailleurs, les mauvaises lignes font compensation avec les bonnes, et de là vient que l'ensemble de notre réseau ne donne pas un revenu supérieur à celui que l'en obtient sur un ensemble de réseaux dans d'autres pays.
Est-ce à dire qu'il ne faille pas chercher à améliorer les recettes, à diminuer les dépenses? Loin de moi cette pensée. Je crois avoir prouvé par des actes que ce n'est pas ainsi que je l'entends.
Je le répète, en 1840 nos recettes se sont augmentées d'un million, et nos dépenses ont été diminuées d'un demi-million. Si, comme je l'espère, on obtient une nouvelle augmentation de recettes d'un million en 1850, sans aucune augmentation de dépenses, et tout en continuant de renouveler et d'améliorer la voie et le matériel dans la même mesure qu'on l'a fait en 1847 et en 1848, il me semble qu'il y aura lieu de s'applaudir de ce résultat.
Je ne pense pas, avec l'honorable préopinant, que le moyen d'arriver à ce but soit de modifier les cahiers de charges.
Certes, je suis de l'avis de la cour des comptes qu'il faut modérer les clauses des cahiers de charges, et tenir strictement la main à leur exécution.
Mais, ainsi que je l'ai dit dans ma réponse aux observations de la section centrale, jamais il n'y a eu de déviation du cahier des charges, si ce n'est quant aux délais endéans lesquels les fournitures ou les travaux devaient être exécutés. Et pourquoi, dans les dernières années, a-t-on usé d'une modération exceptionnelle? Parce qu'il entrait dans les vues du gouvernement et des chambres de ménager, autant que possible, la ressource du travail.
Ces circonstances exceptionnelles venant à disparaître, le gouvernement s'empressera de revenir à la règle des contrats. Mais ce n'est pas à dire que j'attende, ainsi que l'honorable préopinant, du plus ou moins de rigueur dans l'exécution des cahiers des charges et l'observation des délais, une augmentation de revenu d'un million ou d'un million et demi. Je n’ose espérer un si grand résultat d'une si petite cause.
Quant aux payements, je suis d'accord avec lui, qu'il faut les faire avec la plus grande régularité et la plus grande promptitude. Mais il n'est pas, que je sache, un industriel qui, sous ce rapport, ait eu à souffrir.
Si l'honorable préopinant en connaît, qu’il me les adresse, et ils obtiendront satisfaction immédiate.
Nous ne voulons pas qu'un seul entrepreneur ait à souffrir sous ce rapport.
L'honorable préopinant attend un excellent résultat d'une réforme de tarifs. Il pense que le tarif pour les grosses marchandises est trop bas ; c'est une thèse qu'il a soutenue l'an dernier, alors qu'il plaidait la cause des canaux, avec l'intérêt desquels, on doit le reconnaître, il s'est parfaitement identifié.
Je conviens qu'en effet, au point de vue de ceux qui ne veulent pas que le chemin fie fer fasse concurrence aux canaux, il est à désirer que le tarif du chemin de fer soit relevé. Mais je ne prêterai pas les mains à ce système. Je crois que le tarif des matières pondéreuses n'est pas trop bas. Ce n'est pas chez moi le résultat d'une opinion préconçue, mais bien celui d'une observation attentive des faits. Je ne fais d'ailleurs que m'inspirer de l'exemple des sociétés particulières que l'on ne peut supposer ennemies de leurs propres intérêts. Voyez ce qu'elles font et ne craignez pas de faire comme elles.
Ces compagnies croient-elles par hasard qu'aux conditions de notre tarif le plus bas, le transport se fait à perte? On vante sans cesse la compagnie du chemin de fer du Nord. Pourquoi donc répudierait-on ses exemples?
Ignorez-vous, monsieur, que la compagnie du chemin de fer du Nord transporte le charbon aux deux tiers du prix de notre tarif? (Interruption.) Ah! vous plaidez la cause des canaux! je vous comprends; mais alors permettez-moi de tenir en défiance les conseils que vous nous donnez pour la prospérité des voies ferrées. Sans doute ce serait un excellent moyen, pour faire prévaloir les voies navigables, de rendre le chemin de fer moins accessible. Mais, encore une fois, je ne prêterai pas les mains à cette combinaison.
Vous avez prophétisé tout à l'heure que nos tarifs causeront la ruine du canal de Charleroy. C'est ce que je ne puis admettre : car la réduction de péages que les chambres ont votée pendant leur dernière session a rétabli entre le canal et la voie ferrée le même rapport qui existait auparavant.
Mais, croyez-vous d'ailleurs qu'il y ait une autre voie navigable en Belgique où les péages soient aussi élevés que sur le canal de Charleroy? Croyez-vous que le chemin de fer puisse concourir avec une autre voie navigable?
Non, ce n'est pas en écartant du chemin de fer les matières pondéreuses, ce n'est pas en mettant le chemin de fer sous clef, en laissant les waggons dans les remises, que vous augmenterez les recettes; c'est, au contraire, en augmentant les transports et l'activité. Travailler à la prospérité commerciale et industrielle, c'est travailler à la prospérité du chemin de fer.
Ne croyez pas d'ailleurs que nos voies navigables seront délaissées parce que le chemin de fer recevra quelque accroissement de transport. Les exemples sont là pour démontrer le contraire. Voyez la Sambre canalisée, le canal de Charleroy même; voyez toutes nos voies navigables.
Ne remarquez-vous pas qu'elles semblent solidaires de nos voies ferrées et que le mouvement ne peut s'accroitre ni languir d'un côté sans qu'il s'accroisse ou languisse en même temps d'un autre.
Nos voies navigables ont perdu en 1848 quand nos chemins de fer perdaient; elles se sont relevées en 1849 quand les chemins de fer se relevaient et, chose remarquable, les unes et les autres à peu près dans la même proportion. Le chemin de fer peut donc repousser le reproche que vous lui faites de se poser en concurrent et en rival des voies navigables, puisqu'il se développe en même temps qu'elles aux époques de prospérité et décline comme elles dans les époques calamiteuses.
Je partage, du reste, l'opinion de l'honorable membre que le chemin de fer doit, à ceux qui en font usage, célérité et exactitude; et je suis loin de croire que nous ayons atteint sous ce rapport la perfection; mais si l'on peut citer des cas exceptionnels où les marchandises, au lieu d'être remises en deux fois 24 heures, ne l'ont été qu'au bout de quatre jours, je puis dire qu'en général le chemin de fer tient ses engagements, et le peu de réclamations qui se produisent à cet égard en sont la meilleure preuve. Je provoque les plaintes; que le commerce s'adresse au ministre; et si le ministre ne lui rend pas justice, qu'il en appelle aux chambres. Mais vous ne pouvez pas citer un seul cas où nous n'ayons pas fait droit à ses plaintes.
Nous avons fait des économies sérieuses, mais nous ne nous flattons pas d'être arrivés à la dernière limite ; nous pensons, au contraire, qu'il reste beaucoup à faire; nous persévérerons dans cette voie et nous espérons que nos successeurs y persévérerons comme nous et avec plus grand succès que nous. C'est par des efforts persévérants et non par des réformes brusques, ou à l'aide de quelque spécifique, qu'on peut espérer d'améliorer les résultats financiers de l'exploitation.
M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur une question qui me paraît mériter la sollicitude du gouvernement.
Il y a quelques années, une compagnie obtint la concession d'un réseau de chemins de fer à construire dans la province de la Flandre occidentale. Toutes les lignes qui le composaient devaient être exécutées et exploitées dans un délai déterminé par la loi de concession.
La compagnie, dirigée par des hommes de talent et d'action, (page 369) s'empressa de mettre la main à l'œuvre; toutes les lignes furent étudiées; celle de Bruges à Courtray fut exécutée.
Mais des circonstances nées des événements ne permirent pas à la compagnie concessionnaire de terminer avant le terme fixé toutes les lignes concédées. Un nouveau délai fut donc accordé par la législature.
Le chemin de Courtray à Bruges par Roulers fut livré à la circulation le 15 juillet 1847, mais depuis cette époque aucun travail n'a été entrepris sur les autres lignes; cependant d'immenses travaux restent à exécuter, et si la compagnie ne se hâte de les entreprendre, il est certain dès aujourd'hui qu'elles ne pourront être terminées à l'époque fixée. Les contrées que le chemin de fer devait parcourir ont accueilli avec enthousiasme la loi de concession ; mais à cet enthousiasme succède aujourd'hui le découragement qu'un espoir déçu doit faire naître.
Il serait superflu, messieurs, d'énumérer ici les avantages que l'exécution de ce chemin de fer doit procurer aux localités qu'il est destiné à relier entre elles, ainsi qu'au chemin de fer de l'Etat.
Ces contrées, éloignées du centre du pays, éprouvent, plus vivement que d’autres provinces du royaume mieux situées, le besoin de ces communications rapides et faciles qui contribuent avec tant de puissance au développement de la richesse agricole et industrielle. La position qui leur est faite aujourd'hui rend impossible la vente des produits de leur sol si riche, toute concurrence avec les localités dotées d'un chemin de fer ; le haut prix des transports, la difficulté des communications ne permettent pas d'y implanter des industries nouvelles, et les industries anciennes, qui jadis fournissaient à la classe ouvrière des moyens d'existence, tendent à se déplacer et à prendre racine dans des localités voisines des chemins des fer.
C'est ainsi, messieurs, qu'il est vrai de dire que les chemins de fer sont plutôt un mal qu'un bien pour les localités qui en sont privés, car les bienfaits indirects que ces chemins leur procurent ne compensent pas le désavantage qu'ils leur occasionnent.
Avant la construction du chemin de fer de l'Etat, nos provinces se trouvaient dans des conditions de concurrence plus égales qu'aujourd'hui; car aujourd'hui toute lutte industrielle est impossible entre les villes dotées d'un chemin de fer et celles qui en sont privées, et cependant toutes ont payé leur part dans les dépenses que ce grand travail a nécessitées, toutes, même celles qui, par suite de son exécution, se trouvent placées dans des conditions infiniment plus défavorables qu'autrefois.
Loin de moi, messieurs, la pensée de contester la haute utilité du grand travail national que notre pays a exécuté. Partisan dévoué du chemin de fer, j'en apprécie tous les avantages ; c'est parce que je les apprécie que j'en voudrais voir jouir toutes les villes de quelque importance du royaume et que j'ai cru devoir attirer spécialement l'attention du gouvernement sur le chemin de fer concédé de la Flandre occidentale.
Je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics comprendra toute l'importance de cette voie ferrée, et je le prie de vouloir bien faciliter, par tous les moyens en son pouvoir, l'exécution de cette communication si utile et se montrer favorable, au besoin, aux propositions acceptables que la compagnie concessionnaire peut lui avoir faites ou pourrait lui faire ultérieurement
M. David. - Messieurs, j'ai une confiance pleine et entière dans le talent, le zèle et le caractère ferme et loyal de M. le ministre des travaux publics. Je me plais à faire ici tout d'abord cette déclaration. Aussi les considérations que je vais avoir l'honneur de présenter à la chambre n'auront-elles rien de personnel pour lui. Je sais qu'il est accablé de besogne de cabinet et qu'il se trouve dans l'impossibilité regrettable et absolue de donner par lui-même une sévère impulsion à toutes les branches des diverses administrations de son département. Si M. le ministre pouvait se transporter partout où sa présence serait utile, s'il pouvait tout voir par lui-même; bien certainement il est une masse d'abus qui ne se commettraient pas et une foule de dépenses inutiles qui seraient évitées. Mais nous sommes obligés de prendre les choses telles qu'elles sont et de chercher à les améliorer avec les éléments que nous possédons actuellement. Mes observations générales tendront à ce but.
La situation du trésor me paraît fort peu satisfaisante, et celle des contribuables, pour la majeure partie d'entre eux, gênée; il me semble donc que ce n'est pas le moment de penser à des aggravations d'impôts et qu'il faut absolument recourir à des économies. Or, sous ce rapport, le budget des travaux publics me paraît, après celui de la guerre, le plus important de tous et, jusqu'à un certain point, le plus susceptible de réductions. Je vais rechercher le moyen d'arriver à quelques réductions efficaces qui soient de nature à ne pas entraver la marche du service et à ne pas arrêter les constructions nouvelles.
Messieurs, les travaux ordonnés et exécutés par les soins du département des travaux publics, les canaux, les routes, les chemins de fer n'ont et ne devraient avoir d'autre but qu'un but d'utilité publique, le transport des personnes et des choses, vite, commodément, et surtout le plus économiquement possible.
Pour arriver à ce résultat, il faudrait commencer par construire à bon marché. Mais, je suis peiné de devoir le dire, l'administration, en toutes circonstances, s'éloigne de ce but, en oubliant cette condition essentielle de la construction à bon marché.
Toutes les constructions, de quelque genre que ce soit, visent et tournent au luxe, au grandiose et au monumental; elles finissent par coûter au pays 25, 40, 50 p. c. de plus que si elles étaient construites avec simplicité, quoique solidement. Ce luxe ne rapporte pas une obole de plus en péages et en revenus.
Voyez les nouvelles écluses, les maisons des éclusiers, les ponts de routes, les ponts, les stations et les salles d'attente des chemins de fer et vous remarquerez que les pierres sont travaillées et sculptées jusque dans les fondations, à peu près comme le marbre, les boiseries sont ouvrées de main de maître, et les peintures paraissent être sorties du pinceau de véritables artistes. Je ne pense pas que ce luxe puisse augmenter le revenu du chemin de fer.
J'engage donc M. le ministre des travaux publics à exiger dorénavant de la simplicité et de la solidité pour les constructions à venir. Tantôt j'aurai l'honneur de lui indiquer le moyen que je crois le plus propre à atteindre ce but.
Le luxe, le monumental dans les constructions faites par l'Etat, ont d'autres inconvénients encore que celui de graver inutilement le trésor public et les contribuables, c'est un mal qui gagne de proche en proche.
Les provinces, les communes, les administrations de bienfaisance, etc., malgré leurs finances obérées partout, suivent l'exemple que leur donne le gouvernement, et pour peu que la commission des monuments continue à toujours choisir les plans dispendieux, il deviendra impossible de construire une église, un presbytère, une école de village sans compromettre l'avenir financier des localités où seront érigés des édifices publics.
Le mal provient en grande partie de ce que chaque ingénieur veut faire passer son nom à la postérité par l'exécution d'un travail remarquable, sans s'inquiéter de ce que coûtera au pays cette petite satisfaction de son amour-propre.
Messieurs, d'après ce qui précède, on pourrait me croire l'ennemi des beaux-arts; nullement : je veux seulement que l'on ne fasse du luxe, du grandiose que quand les ressources, le permettent; je veux qu'on s’en abstienne, et qu'on se contente du simple, du commode et du solide quand l'état des finances l'exige.
J'arrive au moyen d'opérer ces réformes dont je voulais tout à l'heure entretenir la chambre et qui aurait pour but d'amener des réductions sous le rapport des constructions à élever; ce moyen, je le crois bien simple, le voici :
Quand une direction, un emplacement sont définitivement adoptés, quand le nivellement, les travaux préparatoires en un mot sont terminés, mettez au concours entre tous les ingénieurs et conducteurs les plans et devis de la construction à entreprendre. Nommez une commission impartiale et désintéressée; je répète impartiale et désintéressée ; qui soit chargée d'examiner les divers plans et devis ; qu'elle donne la préférence à celui qui réduira le plus de solidité et d'élégance, au prix le plus bas. Accordez une prime de 3 p. c. sur la différence du coût en plus entre le plan adopté et celui montant à la plus forte somme. Accordez une prime de 1 1/2 p. c. au plan qui vient immédiatement après, si la différence en plus de son chiffre avec celui du premier plan admis comme je l'ai indiqué plus haut ne dépasse pas 10 p. c.
Comme il pourrait y avoir connivence, il faudrait par contre que vous punissiez de la perte d'un quart, d'un tiers ou d'une moitié de son traitement l'ingénieur qui aura fourni des plans et devis dépassant de 17, 34 et 50 p. c. les estimations des plans et devis admis comme je viens de le dire.
En outre, une mesure disciplinaire me paraît nécessaire pour réprimer des abus plus graves. Eh bien, rayez de l'administration ceux qui fournissent des plans incomplets, après l'exécution desquels les travaux supplémentaires, complémentaires, extraordinaires, additionnels, que sais-je moi? je ne connais pas la longue nomenclature de tous ces travaux, viennent à augmenter les dépenses de la construction principale; les travaux de ce genre sont les plus ruineux, ils se font souvent sans adjudication et finissent même assez souvent par équivaloir à la dépense principale.
J'arrive maintenant au personnel.
Malgré ce que vient de nous dire M. le ministre des travaux publics sur les réductions déjà opérées, je crois encore le personnel trop nombreux, et je déduis ma manière de voir de ce que tous les grands travaux d'établissement de routes, canaux et chemins de fer sont maintenant achevés et qu'il me paraît qu'un personnel de surveillance, pour ainsi dire, pourrait suffire désormais.
Ce personnel nombreux ne coûte pas seulement beaucoup d'argent en traitements, en appointements et en émoluments ; mais il est encore la cause qu'une masse de travaux sont entrepris, qui ne le seraient pas. Voici comment ces choses se passent, je pense :
Ces messieurs des ponts et chaussées et du chemin de fer veulent, à la fin de l'année, avoir gagné leurs appointements ; eh bien, pour cela que faut-il? Il faut présenter un état de ce qu'on a fait. C'est ainsi qu'arrivent de tous côtés des propositions de travaux de réparation, d'agrandissement, d'embellissement, etc., etc., travaux qui le plus souvent pourraient être différés et qui, plus souvent encore, ne sont pas nécessaires du tout.
Il y a donc à payer d'abord les appointements d'un personnel superflu, et ensuite tous les travaux que ce personnel provoque.
Ces inconvénients ont certainement frappé M. le ministre des travaux publics, car il projette de réorganiser les services. Vous sentez, messieurs, d'après ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire, que j'approuve complètement cette réorganisation, mais ce que je ne puis approuver (page 370) complètement, c'est le mode d'y procéder. Je ne pense pas qu'une administration puisse bien s'exécuter elle-même; je pense que, pour obtenir une réorganisation qui convienne à la chambre et au pays, il serait nécessaire que la commission de réorganisation fût composée de membres que le sénat, la chambre des représentants et le gouvernement nommerait par tiers.
Ici encore il n'y a rien personnel à M. le ministre des travaux publics; ce haut fonctionnaire, accablé de besogne, ne peut pas entrer dans les détails qu'exige un aussi grand travail : il doit s'en remettre aux rapports, aux explications plus ou moins péremptoires que lui donnent les bureaux.
Messieurs, en opérant d'après les indications que je viens d'avoir l'honneur de donner, je crois pouvoir affirmer qu'il sera possible de réaliser d'assez notables économies; je les poursuivrai de tout mon pouvoir, en donnant toutefois à M. le ministre le temps nécessaire pour les réaliser.
(page 374) M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, mon intention est de traiter la question du budget des travaux publics à un point de vue très général; je désire cependant commencer par relever quelques objections que M. le ministre des travaux publics vient d'adresser à un honorable député de Termonde.
Cet honorable membre, après de longs calculs, a établi que la perte annuelle sur le chemin de fer est, pour cette année, de deux millions, si je ne me trompe.
M. le ministre des travaux publics a accueilli cette déclaration avec bonheur, il y a trouvé une contradiction avec les calculs de l'honorable M. Dumortier.
Je m'en vais, à mon tour, faire une estimation des pertes que le chemin de fer de l'Etat occasionne au trésor public. Je ne me suis pas livré à des calculs cette année, mais j'ai vérifié les résultats de l'exercice 1846, il y a deux ans ; et je l'ai fait avec des documents officiels qui m'ont été fournis par le directeur de la dette publique.
Eh bien, j'ai acquis la conviction qu'à cette époque le produit du chemin de fer comparé avec ses dépenses obligatoires et légales, présentait un déficit de 3 millions.
Voilà donc des calculs qui produisent des résultats différents; il y en a un quatrième, c'est celui qui résulte des calculs de M. le ministre des travaux publics: d'après ses calculs, le produit du chemin de fer présenterait un bénéfice de 3 p. c. an trésor public. Qu'est-ce que tout cela prouve? C'est qu'il y a sur les résultats financiers de l'exploitation des chemins de fer, sur la manière de faire son compte, autant d'interprétations que de personne. Quelle en est la cause? C'est que le gouvernement n'établit pas annuellement un compte saisissable et clair des opérations de l'entreprise de l'exploitation des chemins de fer par l'Etat. Si ce compte était présenté il n'y aurait pas autant d'opinions que de personnes. Puisqu'il s'agit ici de comptes rendus, je profiterai de cette circonstance pour demander comment il se fait que le compte d'exploitation du chemin de fer de 1848 ne soit pas encore publié, qu'il ne nous ait pas été remis pour servir de base à l'examen du budget.
Je demanderai aussi pourquoi l'article 5 de la loi du 1er mai 1834 qui oblige le gouvernement à présenter chaque année un compte détaillé des opérations du chemin de fer, c'est-à-dire de sa construction, est resté lettre morte, car on ne peut considérer comme un compte détaillé des opérations du chemin de fer les chiffres globaux qu'on nous a présentés, chaque année, dans les comptes rendus par l'administration. J'ai fait à cet égard mes observations dans le sein de la commission des finances; j'ai ainsi mis ma responsabilité à couvert. Mais je tiens à insister devant la chambre sur la déclaration que le gouvernement n'a fourni jusqu'à ce jour aucun compte détaillé.
Il me reste à répondre à une autre observation de M. le ministre des travaux publics.
L'honorable M. Vermeire s'est plaint, d'après une note insérée dans le cahier d'observations de la cour des comptes, de l'inexécution des clauses des contrats. M. le ministre a répondu que les facilités accordées ne portaient que sur les délais, comme si cette non-observation des cahiers des charges avait peu d'importance. Quant à moi, je crois, avec la cour, que ces déviations sont très importantes. La condition d'un délai trop rapproché écarte les entrepreneurs, qui n'osent pas se fier aux tolérances de l'administration, parce que si cette clause était strictement observée, ils pourraient faire des pertes considérables.
Il en résulte que la concurrence est presque nulle, que les prix sont plus élevés, que le trésor subit des pertes considérables. Ces déviations aux contrats annulent en un mot les effets bienfaisants de l'article 21 de la loi de comptabilité.
Quant aux critiques dont le tarif des marchandises a été l'objet, M. le ministre a répondu que le tarif du chemin de fer du Nord n'était pas plus élevé que le nôtre. Je répondrai que, pour apprécier les deux tarifs, il faut se rendre compte des circonstances dans lesquelles se fait l'opération des transports ; il est impossible d'établir de comparaison entre le tarif des marchandises sur une ligne aussi étendue que celle de Valenciennes à Paris et celui du transport de Mons ou Charleroy à Bruxelles. Plus la distance est éloignée, plus il y a de chances de faire le transport avec bénéfice.
M. le ministre s'est plaint de ce que le député de Termonde avait déclaré que le tarif du 1er septembre avait nui aux produits des voies navigables. Je répondrai qu'ici encore il n'y a pas de comparaison à faire entre le chemin de fer de l'Etat belge et le chemin de fer du Nord, car le chemin de fer du Nord a voulu faire concurrence à un canal qui ne lui appartenait pas, au canal de Saint-Quentin; tandis qu'en Belgique le gouvernement s'est fait concurrence à lui-même; il a nui considérablement aux produits d'un canal qui lui appartient, du canal de Charleroi; il a fait comme le particulier qui, ayant des pavés à transporter et possédant un tombeau et une voiture suspendue, choisirait sa voiture suspendue pour transporter ces matières pondéreuses. C'est là un système absurde, dont je n'ai pas encore compris la portée.
J'en viens maintenant à l'objet du discours que je me proposais de prononcer.
Le crédit total demandé au budget des travaux publics s'élève à fr. 15,844,468-56.
Si j'en soustrais deux crédits demandés peur les mines et les postes qui sont de fr. 1,866,117-00, il reste pour les travaux publics 14,978,351-56. Ce crédit se partage en deux subdivisions, l'une comprend le personnel, l'autre l'entretien et l'exécution des travaux nouveaux. Le crédit, demandé pour traitement et salaires est de 5,765,720 fr. ; il reste donc pour entretien et travaux nouveaux fr. 9,212,622-56.
Le crédit absorbé pour le personnel est donc de 75 p. c. du crédit total. Je trouve que c'est beaucoup trop pour un pays de 4 millions d'habitants.
C'est beaucoup quand on songe qu'outre un corps nombreux d'ingénieurs civils, nous avons en outre un corps d'ingénieurs militaires et un corps d'ingénieurs des mines. C'est du luxe quand on songe que lorsque le gouvernement à quelques constructions de bâtiments à faire pour le chemin de fer ou pour les prisons, il a recours à des architectes non-fonctionnaires. Je me suis plaint en maintes circonstances de ce luxe de personnel attaché immuablement au budget du département des travaux publics, organisé comme si nous avions à fournir des ingénieurs à l'Europe entière. Aussi la Belgique en a envoyé dans plusieurs Etats; mais il est probable qu'ils sont revenus depuis que les affaires sont en stagnation.
Je me suis plaint dans le passé de cet état de choses sans résultats suffisants; je renouvellerai aujourd'hui mes plaintes, sans résultats, je le sais, sans pouvoir faire adopter aucune conclusion. Mais je sais qu'il faut de la patience pour réussir; quand on a une conviction, ce n'est pas en un jour qu'on la fait partager. On ne fait pénétrer un clou dans un mur qu'au moyen de nombreux coups de marteau. Je sais me résigner à attendre ; j'attends que l'opinion publique m'ait donné raison.
Le développement de notre personnel des ponts et chaussées provient de plusieurs causes. La première, c'est que nous avons fait partie du grand empire français; l'empire avait un corps d'ingénieurs; il s'est perpétué sous le régime des Pays-Bas et sous celui de 1830. Ces traditions sont en grande partie cause de la disproportion de quelques-unes de nos institutions avec notre pays.
En voici une autre cause. La loi du 1er mai 1854 a décrété la construction d'un grand système de voies ferrées par l'Etat; nous ne nous sommes pas contentés de cela ; la législature s'est laissé aller à des constructions qui ont coûté des sommes considérables et des dépenses trop simultanées, et ce sont ces dépenses exagérées qui ont amené les embarras financiers où nous nous trouvons; une autre cause enfin, c'est le monopole du transport par chemin de fer qu'exerce le gouvernement, et ce qui est bien étrange à dire, c'est qu'il exerce ce monopole sans y avoir été autorisé par une loi.
Cela demande une explication.
Quand nous avons voté le grand système de chemin de fer de 1834, la loi n'avait pas décidé que le gouvernement exploiterait cette grande voie. C'est seulement en 1835 que l'honorable M. de Theux, ministre de l'intérieur, est venu demander à la chambre l'autorisation de fixer les tarifs par arrêté royal. Le gouvernement disait à la législature : Pour vous proposer des tarifs, nous devons savoir ce que vaut le chemin de fer. Ce n'est qu'en l'exploitant que nous pouvons le savoir. Cette demande n'était pas dans le projet de loi; elle était formulée dans l'exposé de motifs d'une manière peu explicite.
Beaucoup d'orateurs s'y opposèrent, ils voyaient dans cette tolérance l'abandon définitif de l'exploitation au gouvernement.
Personne ne parla en faveur du monopole; si la majorité ne formula pas de vote contre le monopole, c'est qu'il ne s'agissait que d'une tolérance pour un an. Cet état de choses a été prorogé d'année en année ; chaque fois quelques membres protestèrent contre la voie où l'on s'engageait, la chambre laissait faire, parce qu'il ne s'agissait de rien de définitif. Enfin, en 1838, le ministre reconnut lui-même qu'une loi était indispensable pour que l'Etat continuât à exploiter : voici en quels termes il s'exprime dans l'exposé des motifs du projet de loi tendant à renouveler l'autorisation pour l'administration de régler les péages :
Cet exposé est du 10 mai 1838 :
« En accordant les fonds nécessaires à l'exploitation par le budget, les chambres ont décidé explicitement que l'exploitation continuerait à se faire par le gouvernement. Mais cette prorogation implicite ne peut suffire. Le gouvernement croit une disposition expresse nécessaire. »
Voilà comment s'exprimait le gouvernement, en 1838, en présentant un projet de loi dont le but était d'autoriser le gouvernement à fixer les tarifs.
Il reconnaissait que la loi seule pouvait conférer au gouvernement le pouvoir d'administrer les transports dans le pays. Mais cette déclaration ne fût suivie du dépôt d'aucun projet. On en est arrivé jusqu'aujourd'hui à vivre au jour le jour; à tel point que cette question a été perdue de vue, et que la plupart croient que le gouvernement est autorisé définitivement et régulièrement à exercer le monopole des transports sur nos chemins de fer. Je viens de vous démontrer le contraire.
Depuis lors, il paraît que les embarras de la construction n'ont pas suffi à l'activité du gouvernement. Il a voulu être non seulement charretier, mais directeur de messageries, commissionnaire, et d'après le projet de loi que l'on nous a distribué ce matin, il veut être tisserand, lueur, fabricant.
Le monopole des transports peut plaire à MM. les ministres, ils disposent ainsi comme ils l'entendent d'une force de plusieurs milliers de chevaux.
Cela plaît à leur amour-propre; ils peuvent accorder des transports de faveur, disposer d'une multitude de places rétribuées, cela augmente leur puissance.
Mais cela n'est pas avantageux au trésor public, et aux contribuables chargés de l'alimenter.
(page 375) Il y a dans notre gouvernement, on ne peut le méconnaître, une tendance très grande vers la centralisation; il veut intervenir dans trop de choses. Or, cette intervention progressive est la cause de l'augmentation continuelle de nos budgets de dépenses.
Quand il s'est agi de faire nos lois constitutives, nos lois communales et provinciales, la Belgique a voulu beaucoup de liberté, un pouvoir décentralisé. Eli bien, la tendance du gouvernement belge est de regagner par le système d'administration des travaux publics la part d'influence que lui ont fait perdre les organisations provinciales et communales.
On a entouré la gestion financière des communes de formalités nombreuses; il n'en est pas de même quand il s'agit de dépenser les crédits accordés au département des travaux publics.
Il faut moins de formalités, moins de temps pour dépenser un million au département des travaux publics qu'il n'en faut pour dépenser mille francs dans une commune.
Je suppose qu'il soit question de bâtir une école dans une commune : on exige des plans, des devis estimatifs, des autorisations, des avis de maintes autorités, des adjudications régulières et finalement un compte bien établi ; mais quand il s'est agi de bâtir une station comme celle de Gand, par exemple, on ne communique à la chambre ni plans ni devis ; quant aux comptes, il n'en est jamais question.
C'est ainsi que j'ai été fort surpris de voir un beau jour cette station toute construite, comme sortie de terre, avec les fonds que j'ai votés probablement, sans m'en douter, pour cet objet. Et ici je dirai en passant que si cette construction doit avoir coûté beaucoup d'argent, elle laisse désirer infiniment sous le rapport du goût; on dirait une légère dentelle jetée sur deux tas de pierre bien lourds.
Messieurs, les monopoles abandonnés à l'Etat ne conviennent qu'aux peuples-enfants, qu'aux peuples privés de notions suffisantes pour diriger leurs intérêts, et qui par conséquent en abandonnent le soin à leurs gouvernants.
Mais cet abandon ne se fait pas sans le sacrifice d'une partie de leur liberté, et, je dirai plus, de leur honneur.
Car quel est le résultat de la pratique de ce système? C'est l'abaissement du caractère national.
Les individus perdent toute idée d'initiative, tout sentiment d'énergie; ils sont dépourvus des qualités qu'exigent les grandes entreprises.
Chacun attend son salut du gouvernement, et comme le gouvernement n'est pas tout-puissant, il en résulte de grandes déceptions, de grands mécontentements, qui menacent l'existence même de la chose publique.
Je le répète, le système centralisateur avilit la nation qui le subit.
Chacun tend la main pour obtenir une faveur, une place, une part du budget, sans songer que cette aumône altère le caractère d'indépendance de celui qui la reçoit.
Quelle en est encore la conséquence? C'est qu'une partie de la nation est dans le budget, et que l'autre partie est hors du budget, comme le disait si spirituellement l'honorable M. Pirmez.
C'est que la moitié de la nation vit aux dépens de l'autre moitié, et que la première partie tend sans cesse à augmenter par le fait du gouvernement lui-même qui croit bien à tort augmenter sa puissance.
Car l'impôt augmente en proportion des besoins toujours croissants du trésor public, et le résultat final de tout cela, c'est la menace de la banqueroute et le commencement de la dissolution de la société, nous en avons un terrible exemple sous les yeux dans notre voisinage.
Venons à des explications.
Le gouvernement belge s'est emparé du monopole des transports sur les chemins de fer. Quel en est Le résultat? Est-il avantageux pour nos finances? Je ne le pense pas.
Je soutiens de plus que cette administration des transports par l'Etat, que le concours onéreux de ses agents constituent un service moins régulier, moins ponctuel que si ce service était dirigé par des compagnies.
Le gouvernement prétend exercer le monopole des transports et de la fixation des tarifs. Qu'en résulte-l-il ? Une perturbation effrayante dans nos voies et moyens. Le gouvernement a publié le tarif du 1er septembre. Qu'en est-il résulté? L'abaissement des péages sur le canal de Charleroy et sur la Sambre canalisée. Et si mes renseignements sont bons, vous allez voir arriver du Hainaut des réclamations nombreuses pour obtenir le même abaissement sur le canal de Condé et sur celui de Pommeroeul. Ce tarif a jeté la perturbation dans tous les centres de production et si nous sommes obligés de faire une nouvelle loi, comme je le pense, pour la fixation des péages des canaux et rivières, je crains très fort que le budget des voies et moyens n'en ressente encore de fortes atteintes.
Puisque l'honorable M. Frère-Orban se trouve dans cette enceinte, j'en profiterai pour lui rappeler une citation d'un de ses discours où il a en quelque sorte reconnu l'incapacité du gouvernement à exploiter le chemin de fer d'une manière avantageuse.
Voici ce que disait en 1848 l'honorable ministre des finances, alors ministre des travaux publics :
« Chaque localité veut une exploitation spéciale; chaque contrariété à l'occasion soit d'un voyage, soit d'un transport de colis, est attribuée au chemin de fer. On réclame des recettes très considérables, et des tarifs très bas, des convois nombreux et peu de dépenses; et tout cela à condition d'avoir égard, non seulement, en fait de personnel, à toutes les recommandations qui assiègent les ministres, à toutes les sollicitations en fait d'industrie, mais aussi de restreindre les frais, sans tenir compte du développement des transports. »
Sous trouvons dans ce court passage le résumé des causes qui font de notre voie ferrée une charge pour le trésor. Cet aveu est précieux à conserver.
Je vous le demande, messieurs, si un gouvernement est incapable de résister à toutes les obsessions particulières, soit des membres de cette chambre, soit de l'industrie, comment voulez-vous que, dans de telles conditions, un chemin de fer soit administré d'une manière avantageuse? Et quand je dis avantageuse, je ne réclame pas de bénéfice pour le trésor. Tout ce que je demande, c'est que le chemin de fer fasse ses frais qu'il soit administré dans l'esprit des auteurs de la loi du 1er mai 1834.
Car nous avons voulu que le chemin de fer couvrît ses dépenses ; si nous avions pu présumer que la loi de 1834 amènerait une perte pour le trésor, plusieurs membres de la chambre, et je suis de ce nombre au lieu d'émettre un vote favorable, l'eussent combattue.
Messieurs, c'est cette conviction que l'Etat est incapable d'exploiter un chemin de fer sans perte pour le trésor public, qui a engagé les hommes les plus sérieux de France à s'opposer au rachat des chemins de fer par l'Etat. Voici ce que l'honorable comte Daru, ancien pair de France, qui fait autorité en cette matière, écrivait à cet égard à un de mes amis :
« Je redoute l'exploitation par l'administration publique. Il me semble que ces affaires ne sont jamais aussi bien faites quand on n'est pas intéressé, que lorsqu'on l'est. Je crains les bas tarifs. Je ne sais pas trop pourquoi le trésor irait enfouir ses ressources dans les œuvres de l'industrie, mobiles, changeantes comme le progrès des arts industriels. «
Messieurs, on a déjà cité dans cette enceinte Michel Chevalier. Il y a dans son ouvrage sur l'organisation du travail, publié l'année dernière, des passages qui concernent directement le chemin de fer belge. Ces passages sont intéressants de la part d'un homme dont les ouvrages exercent de l'influence en Europe.
« Pour le transport à bon marché des personnes, l'exploitation belge surpasse à peu près toutes les compagnies du monde; mais pour la perfection et l’économie relatives du service, la célérité et la ponctualité, la gestion des compagnies a l'avantage, dans le plus grand nombre des cas, sur celle de l'Etat. »
Voici encore un passage qui concerne notre pays :
« Quant aux chemins de fer, les lignes du gouvernement belge résolvent le problème pour ce qui est du bon marché, mais pour ce qui est de la rapidité, elles sont peu satisfaisantes. » Je lis plus loin : « Lorsque l'Etat a le monopole des voies de transport, on lui en demande de toute part. Cédant à des critiques, il en entreprend plus que ses moyens ne le permettent, plus que la raison ne le conseillerait, quand même il aurait plus de capital, et on gaspille ainsi des sommes énormes. Un autre inconvénient du monopole des voies de communication au profit de l'Etat, c'est qu'après les avoir construites il est fort à craindre qu'il ne les administre mal. »
Un peu plus loin, Michel Chevalier cite ce qui est arrivé à des Etats de l'Amérique du Nord qui ont voulu construire et exploiter des chemins de fer.
La crise financière qui en est résultée a été suivie d'une véritable débâcle financière. Je me résume.
Les chemins de fer ont été décrétés sous la condition formelle que cette entreprise ne deviendrait pas une charge pour le trésor. Ce que je demande, c'est l'exécution de la loi du 1er mai 1834.
Je proteste contre la déclaration qui a été faite il y a un an dans cette chambre, que le service des transports devait être rangé parmi ceux que l'Etat doit à la société, tels que ceux de la justice, de la guerre, etc.
L'Etat ne peut faire usage du trésor que pour des services que les entreprises privées ne peuvent rendre.
Je demande que ceux qui usent du chemin de fer contribuent à couvrir les frais que leur service occasionne.
Tant que le gouvernement s'obstinera à laisser le trésor obéré par le service des transports, je refuserai mon vote à tout nouvel impôt. Il est juste qu'avant de solliciter de nouvelles ressources, il commence par exonérer le trésor de la charge que lui impose le service des transports.
Nous ne sommes pas assez riches pour faire des largesses semblables à ceux auxquels il convient de voyager.
Si l'Etat, comme je le crois, est incapable de diriger avec fruit l'entreprise commerciale, industrielle des transports, qu'il abandonne l'exploitation à l'industrie privée.
Je commence à me sentir disposé à adopter l'opinion de ceux qui croient qu'il y aurait avantage pour le pays à ce que l'exploitation de nos chemins de fer fût mise en adjudication, fût abandonnée à des compagnies avec de bons cahiers de charges, posant des limites à l'élévation des tarifs. Si l'on prenait ce parti, les compagnies devraient se charger de l'achat et de l'entretien du matériel, elles devraient se charger des traitements du personnel et aussi des pensions qui sont loin d'avoir atteint le maximum. Nous aurions ainsi une somme assez ronde pour faire face aux intérêts des capitaux engagés et à l'entretien de la voie. Car je n'entends pas que l'Etat aliène nos voies ferrées.
Ce que je demande, c'est que le gouvernement étudie la question de la fusion du corps des ingénieurs civils avec celui des ingénieurs militaires et celui des ingénieurs des mines. Il y aurait là une très grande économie. Nous avons, outre ces trois corps, des écoles qui les alimentent ; nous avons uns école des mines, une école du génie civil, une école militaire. Je demande une seule école polytechnique un seul corps d'ingénieurs.
(page 376) Messieurs, je vais vous prouver que cette opinion n'a rien d'absurde, Qu'est-ce qu'ont à faire, en temps de paix, nos ingénieurs militaires? Peu de chose, n'est-ce pas? Ils pourraient donc très bien consacrer leurs loisirs à faire des plans, à tracer des nivellements pour des chemins de fer, des routes, des canaux et autres constructions semblables. En temps de guerre, ils ne pourraient plus s'occuper de travaux civils, j'en conviens. Mais quand il s'agit de se défendre contre l'ennemi, on ne s'occupe pas ordinairement de creuser des canaux, de construire des chemins de fer.
Je termine ici, messieurs, et je recommande ces observations à l'étude de MKM. les ministres.
(page 370) - M. Delehaye remplace M. Delfosse au fauteuil.
M. Toussaint. - Messieurs, je profite de la discussion générale du budget des travaux publics, pour appeler, ainsi que mon honorable collègue d'Ypres, l'attention de la chambre et du gouvernement sur le contrat resté inexécuté, par lequel la compagnie concessionnaire des chemins de fer flamands s'était engagée à construire, outre le tronçon principal, divers embranchements et notamment celui de Lichtervelde par Thielt vers Deynze. Ces embranchements faisaient une partie essentielle du travail tout aussi bien que le tronçon principal; ils sont nominativement compris dans la loi ; et même ce n'est qu'après une discussion approfondie dans cette enceinte, et par suite d'un amendement signé de dix députés qui a demandé deux séances des plus intéressantes délibérations, que l'un de ces embranchements, celui précisément dont je m'occupe, a été décrété.
Les honorables députés de Gand, l'honorable M. d'Elhoungne à leur tête avec notre honorable vice-président M. Delehaye, ont alors éloquemment établi combien il était important pour la résurrection ou la transformation du travail linier en Flandre, que, par l'embranchement de Thielt, la Flandre centrale tout entière fût mise en rapport avec la métropole manufacturière du pays, la ville de Gand et avec la métropole commerciale, la ville d'Anvers.
Par l'inexécution de cette partie du contrat, la Flandre centrale se trouve privée de tous les avantages qu'elle était appelée à en recueillir; et lorsque la crise alimentaire est venue, les tristes prophéties de plusieurs membres de cette chambre ne se sont que trop bien réalisées. A cause de l'isolement dans lequel la Flandre centrale a été maintenue, le mode arriéré de travail s'y est maintenu également, et la crise alimentaire et ses suites y ont sévi avec la mortelle violence que vous savez...
Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics de bien vouloir apprendre à la chambre ce que le gouvernement a fait pour assurer l'exécution du chemin de fer flamand, spécialement en ce qui concerne les embranchements, et plus particulièrement celui de Thielt.
Je demanderai ensuite au gouvernement comment il s'est fait qu'on a laissé dépenser le cautionnement d'un million, qui s'appliquait à l'ensemble des travaux à effectuer, qu'on l'ait laissé dépenser à une seule partie du chemin de fer, sans prendre de garanties pour l'autre partie.
Je demanderai également au gouvernement s'il est de son intention de laisser prélever soit des intérêts, soit des dividendes sur l'exploitation d'une partie de la route avant que la compagnie ait rempli toutes les obligations qu'elle a contractées.
Messieurs, en traitant récemment une question qui concernait les banques, dépositaires des caisses d'épargnes, la législature a eu soin de stipuler que tant que les obligations de ces compagnies, à l'égard de l'Etat, ne seraient pas complètement remplies, les actionnaires ne percevraient ni intérêt ni dividende.
Il me semble qu'il faut prendre une mesure analogue envers la compagnie du chemin de fer de la Flandre, afin de l'amener à exécuter les promesses qu'elle a faites.
On avait fait une première faute en détournant la grande voie ferrée sur le côté septentrional de notre frontière, ce qui l'empêchait de desservir la partie la plus peuplée de la Flandre. On a fait une deuxième faute en laissant construire le chemin de fer flamand sur la partie occidentale et en le laissant desservir deux villes secondaires au lieu de le conduire directement de Deynze par Thielt et Roulers sur Ypres et Poperinghe dans la direction du port français de Dunkerque : ligne autrement féconde et productive en effets commerciaux et résultats pécuniaires que la pauvre ligne que l'on a exécutée... Ces deux fautes constituent des griefs au détriment de la contrée que je suis plus spécialement chargé de représenter dans cette enceinte. J'espère qu'on ne commettra pas la troisième faute de laisser inexécutés, au préjudice de cette même contrée, des engagements solennellement contractés.
J'attendrai sur ces divers points les explications que M. le ministre des travaux publics voudra bien, je l'espère, nous fournir.
Puisque j'ai la parole, j'appellerai l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité, en attendant qu'il fasse quelque chose pour cette partie du pays, d'établir à Deynze une salle d'attente quelconque pour les voyageurs de la ville d'Audenarde et de la ville de Thielt (Interruption.) Nullement monumentale, mais seulement convenable, où l'on ne soit pas dans le voisinage d'une pompe et enseveli sous les ballots. Ce serait d'autant plus nécessaire que les voyageurs doivent quelquefois attendre le passage du convoi pondant une demi-heure ou trois quart d'heure.
Pour en venir plus particulièrement à la discussion générale, moi aussi j'appellerai l'attention du gouvernement sur la nécessité de réduire les dépenses du chemin de fer et de faire de cette question l'objet de ses études constantes. Quant aux recettes je suis profondément convaincu qu'il y a moyen d'augmenter les produits du chemin de fer sans nuire aucunement à l'industrie. C'est en élevant quelque peu les tarifs pour les premières places de voyageurs. Les voyageurs qui arrivent des pays voisins sont tout étonnés de la modicité excessive de nos prix quant aux premières places; ils en sont même désagréablement surpris. (Interruption.) Je ne m'en dédis point; car cette modicité déraisonnable des prix des premières places constitue à leurs yeux une faute d'administration, et une faute d'administration frappe toujours désagréablement des esprits intelligents.
Je suis également d'avis, messieurs, qu'il n'est pas nécessaire de faire des constructions si monumentales, qu'il n'est pas nécessaire de mettre ce luxe dans des choses d'utilité. Le chemin de fer n'a pas pour but l'enseignement des beaux-arts par les monuments : si vous vouliez entrer dans cette voie, il n'y aurait plus de limite aux dépenses les plus extravagantes, et aux sacrifices des contribuables, auxquels il faut bien aussi songer quelque peu.
Je bornerai là mes observations, me réservant de présenter, dans la discussion des articles, celles qui me seraient suggérées ultérieurement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) dépose :
1° un projet de loi ayant pour objet l'institution d'une Banque nationale;
2° un projet de loi ayant pour objet l'organisation du service de caissier de l'Etat ;
3° un projet de loi transitoire, autorisant le gouvernement à pourvoir au service de caissier de l'Etat jusqu'au jour où ce service sera définitivement organisé ;
4° un projet de loi allouant un crédit provisoire au département de la guerre.
- Plusieurs membres. - Lisez le premier projet.
- D'autres membres . - Les deux premiers?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voici le projet relatif à l'institution d'une Banque nationale :
« Art. 1er. Il est institué une banque sous la dénomination de Banque nationale.
« Son siège est à Bruxelles.
« Art. 2. Elle établira des comptoirs dans les chefs-lieux de province et, en outre, dans les localités où le besoin en sera constaté.
« Un comité d'escompte sera attaché à chaque comptoir dans les villes où le gouvernement le jugera nécessaire, après avoir entendu l'administration de la banque.
« Art. 3. La durée de la banque est fixée à 25 ans.
« Le terme peut être prorogé par la loi, sur la demande de la majorité de l'assemblée des actionnaires.
« Art. 4. Le capital social est de vingt-cinq millions, divisé en vingt-cinq mille actions, en nom ou au porteur, de mille francs chacune.
« Art. 5. La banque commencera ses opérations lorsqu'une somme de quinze millions aura été versée.
« Art. 6. Il y aura un fonds de réserve destiné :
« 1° A réparer les pertes sur le capital social;
« 2° A assurer aux actionnaires tous les ans un dividende équivalent à 5 p. c. de leur mise.
« Le tiers au moins des bénéfices annuels excédant 6 p. c, servira à constituer la réserve.
« Art. 7. Le sixième de ce même excédant est attribué à l'Etat.
« Art. 8. Les opérations de la banque consisteront :
« 1° A escompter ou acheter des lettres de change et autres effets ayant pour objet des opérations de commerce, et des bons du trésor dans les limites à déterminer par les statuts;
« 2° A faire des avances de fonds sur des lingots, ou des monnaies d'or et d'argent ;
« 3° A se charger du recouvrement d'effets qui lui seront remis par des particuliers ou des établissements ;
« 4° A recevoir des sommes en compte-courant, et, en dépôt des titres, des métaux précieux, et des monnaies d'or et d'argent ;
« 5- Enfin, à faire des avances en compte-courant ou à court terme sur dépôt d'effets publics nationaux ou d'autres valeurs garanties par l'Etat.
« Les statuts fixeront le maximum de la somme qui pourra recevoir cette dernière destination.
« Art. 9. Il est formellement interdit à la banque de se livrer à d'autres opérations que celles déterminées par l'article 8.
« Elle ne peut emprunter; elle ne peut faire des prêts, soit sur hypothèque, soit sur dépôt d'actions industrielles.
« Elle ne peut prêter sur ses propres actions ni les racheter.
« Elle ne peut prendre aucune part, soit directe, soit indirecte dans des entreprises industrielles, ni se livrer à aucun genre de commerce autre que celui des matières d'or et d'argent.
« Elle ne peut acquérir d'autres propriétés immobilières que celles strictement nécessaires au service de l'établissement.
(page 371) « Art. 10. La banque fera le service de caissier de l'Etat aux conditions déterminées par la loi.
« Art. 11. S'il est institué une caisse d'épargnes, le service en sera fait par la banque. Ce service sera distinct et indépendant dos affaires de la banque. Son organisation fera l'objet d'une loi.
« Art. 12. La banque a le privilège d'émettre des billets au porteur. Le montant des billets en circulation sera représenté par des valeurs facilement réalisables.
« Les proportions entre l'encaisse et les billets en circulation seront fixées par les statuts.
« Art. 13. Le gouvernement, de commun accord avec la banque, déterminera la forme des coupures, le mode de leur émission et leur quantité pour chaque catégorie.
« Art. 14. Les billets seront payables à vue aux bureaux de la banque à Bruxelles. Le gouvernement est autorisé à les admettre en payement dans les caisses de l'Etat.
« Art. 15. Pour faciliter les virements de fonds, la banque peut créer des mandats, à quelques jours de vue, dans la proportion à régler par les statuts.
« Art. 16. La banque peut être autorisée par le gouvernement à acquérir des fonds publics.
« La réserve énoncée à l'article 6 recevra cette destination.
« Art. 17. L'administration de la banque sera dirigée par un gouverneur et six directeurs.
« Art. 18. Il y aura, en outre, un comité de censeurs et un conseil d'escompte.
« Art. 19. Le gouverneur est nommé par le Roi, pour cinq ans.
« Art. 20. Les directeurs et les censeurs seront élus par l'assemblée générale des actionnaires.
« Néanmoins la première nomination des directeurs sera faite par le gouvernement pour le terme de trois ans.
« L'ordre des sorties et les renouvellements ultérieurs seront réglés par les statuts.
« Art. 21. Il y aura un commissaire du gouvernement pour surveiller les opérations et notamment l'escompte et les émissions de billets.
«Son traitement sera fixé par le gouvernement de concert avec l'administration de la banque.
« Il sera supporté par elle.
« Art. 22. L'administration de la banque adressera au gouvernement, tous les mois, un état présentant la situation de l'établissement et celle de ses comptoirs d'escompte. Cette situation sera publiée, chaque trimestre, dans le Moniteur.
« Le résultat des opérations et le règlement des dividendes seront publiés semestriellement par la même voie.
« Art. 23. Les statuts de la banque seront arrêtés d'après les principes consacrés par la présente loi.
« Ils seront soumis à l'approbation du Roi.
« Ils ne pourront être modifiés que sur la proposition de l'assemblée générale et du consentement du gouvernement.
« Art. 24. Le gouvernement a le droit de contrôler toutes les opérations. Il peut s'opposer à l'exécution de toute mesure qui serait contraire, soit à la loi, soit aux statuts, soit aux intérêts de l'Etat.
« Art. 25. Aucune autre banque ne pourra à l'avenir être instituée que par une loi.
« Dispositions transitoires.
« Art. 26. La banque retirera de la circulation les billets ayant cours forcé.
« Jusqu'au payement intégral de la créance à résulter de ce retrait, le gouvernement pourra autoriser la banque soit à faire usage de ces mêmes billets, soit à les remplacer par ses propres billets avec le caractère de monnaie légale.
« La somme de ces émissions ne pourra, dans aucun cas, excéder le montant des billets retirés et non remboursés.
« En attendant ce remboursement, les garanties, privilèges et hypothèques constitués par la loi du 20 mars, et par celle du 22 mai 1848, continueront à subsister.
« Art. 27. L'article 9 de cette loi est rapporté.
« Le comptoir d'escompte sera dissous lors de l'installation de la banque nationale.
« Le gouvernement est autorisé à rembourser, à la même époque, les billets émis pour faciliter le service du trésor en vertu de l'article 7 de la loi du 22 mai 1848.
« Art. 28. L'installation de la banque nationale aura lieu dans les six mois de la publication de la présente loi. »
Voici le projet qui a pour objet de régler le service de caissier de l'Etat :
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à confier à la banque nationale, le service de caissier de l'Etat.
« Art. 2. En cette qualité, la banque sera considérée comme comptable de l'Etat et soumise à toutes les obligations prescrites par la loi sur la comptabilité, et par la loi organique de la cour des comptes, qui ne sont pas incompatibles avec les principes qui régissent les sociétés anonymes.
« Art. 3. Elle établira une agence dans chaque chef-lieu d'arrondissement judiciaire, et, en outre, dans les localités où le gouvernement jugera une agence nécessaire dans l'intérêt du trésor et du public.
« Art. 4. Elle sera responsable de sa gestion et de celle de ses agents. Il n'y a d'exception que pour le cas de force majeure, dont l'existence et l'application aux fonds reçus pour le compte de l'Etat, seraient dûment constatées.
« Art. 5. Les agents de la banque seront nommés par le Roi, sur une liste double de candidats présentés par le conseil d'administration de l'établissement.
« Ils ne pourront prétendre à une pension à la charge du trésor.
« Ils fourniront à la garantie de leur gestion envers le caissier, un cautionnement, soit en immeubles, soit en fonds nationaux.
« Art. 6. Les journaux et autres registres, relatifs au service du trésor, seront tenus d'après un mode à arrêter par le gouvernement. Les journaux seront cotés et paraphés par un membre de la cour des comptes.
« Les agents de la banque soumettront les caisses, les registres et journaux à l'inspection des fonctionnaires délégués à cet effet par le Ministre des finances.
« Art. 7. Il sera alloué à la banque, pour faire le service de caissier, une indemnité qui ne peut excéder deux cent mille francs annuellement.
« Au moyen de cette indemnité, elle fera face à tous les frais d'administration, de matériel, de transport et de virements de fonds.
« Art. 8. Les dispositions de la loi du 5 septembre 1807 qui règlent le privilège et l'hypothèque légale du trésor public, sur les biens des comptables, sont applicables au caissier de l'Etat.
« Art. 9. La convention à intervenir entre le gouvernement et la banque nationale, sera révisée tous les cinq ans.
« Art. 10. Le gouvernement déterminera l'époque de la mise à exécution de la présente loi. »
Enfin, messieurs, voici le troisième projet :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à pourvoir aux fonctions de caissier de l'Etat, jusqu'au jour où ce service sera définitivement organisé en vertu d'une loi. »
Ce dernier projet a un caractère d'urgence, sur lequel je n'ai pas besoin d'insister.
Dans l'exposé des motifs, j'ai l'honneur de faire connaître à la chambre que, par une convention intervenue entre le gouvernement et la Société Générale, celle-ci s'engage à continuer provisoirement le service de caissier de l'Etat. Le gouvernement s'est réservé le droit de faire cesser l'effet de cette convention dans un très bref délai, pour que l'on puisse exécuter la loi nouvelle très promptement. Le gouvernement a également stipulé qu'au lieu des diverses indemnités que recevrait la Société Générale, elle ne recevra plus, pour le temps pendant lequel elle continuera provisoirement ce service, qu'une indemnité calculée sur le pied de 200,000 fr. par an.
Je pense qu'une commission pourrait être nommée pour l'examen du projet transitoire.
- La chambre, consultée, décide que le projet de loi transitoire sera renvoyé à l'examen d'une commission à nommer par le bureau ; que le projet de loi, portant demande d'un crédit provisoire au département de la guerre, sera renvoyé à la section centrale du budget de la guerre; et que les deux autres projets de loi seront renvoyés à l'examen des sections.
M. Vermeire. - Messieurs, je serai bref dans ma réponse à la dernière partie du discours de M. le ministre des travaux publics.
Messieurs, autant que qui que ce soit, je suis partisan des tarifs les plus bas possible pour le transport , tant des voyageurs que des marchandises sur le chemin de fer. Dans le discours que j'ai prononcé au début de la séance, j'ai engagé M. le ministre à augmenter imperceptiblement les tarifs pour le transport des marchandises. Je n'ai été guidé en cela par d'autre mobile que par celui de l'exécution de la loi du 1er mai 1834 qui veut que le chemin de fer se suffise à lui-même.
Pour que le chemin de fer puisse se suffire à lui-même, il faut nécessairement qu'il y ait augmentation de recette; or, je pense qu'avec une augmentation imperceptible des tarifs, cet accroissement de recettes pourrait être obtenu. En effet, si les chiffres que j'ai posés sont exacts, il n'y a qu'un déficit de 2 millions. Pour obtenir ce manquant, j'ai demandé une légère augmentation de 10 p. c. sur toutes les recettes indistinctement.
J'ai dit ensuite que je tenais surtout à ce que les tarifs du chemin de fer ne fissent pas une concurrence désastreuse aux canaux parallèles, Déjà, à une autre époque, j'ai prouvé que le tarif du chemin de fer est encore inférieur au tarif des transports sur le canal de Charleroy ; et ce qui me confirme davantage dans cette appréciation, c'est une pièce dont j'ai reçu communication à l'instant même et qui émane d'un des principaux administrateurs de la plus grande société houillère du centre. Voici ce que cet administrateur écrit à son agent à Bruxelles, en date du 20 de ce mois :
« Monsieur,
« C'est le 31 de ce mois qu'expire la location des bateaux. Jusqu'à présent ce genre d'opérations a donné une perte considérable à la société, ce qui lui a fait prendre le parti, dans sa dernière assemblée, de ne plus louer de bateaux pendant l'exercice de 1850. Elle verra quel résultat elle obtiendra en frétant des bateaux selon ses besoins, et elle pense que ce résultat sera moins défavorable...»
(page 372) Cette société est propriétaire d'un grand nombre de bateaux; ce seront donc autant, de bateliers, peut-être autant de pères de famille privés de leur existence. Si la navigation laissait quelque marge, il est certain que de pareilles mesures ne seraient pas prises.
J'avais encore avancé, messieurs, que souvent les marchandises ne parvenaient pas à destination dans le délai voulu. Ces circonstances se sont reproduites assez fréquemment et surtout dans ces derniers temps; mais je dois ajouter que j'en ai prévenu la direction des chemins de fer et qu'on m'a donné une réponse très satisfaisante, de manière que je crois que l'inconvénient, dont je m'étais promis de me plaindre précédemment, disparaîtra complètement.
M. Julliot. - Messieurs, l'année dernière, j'ai voté contre le budget des travaux publics, parce que, après avoir demandé une solution favorable à une des trois questions que j'avais soumises à M. le ministre des travaux publics, je fus repoussé sur les trois points à la fois.
Cette année, je serai plus sobre, je me bornerai à poser deux questions.
D'abord je demanderai à M. le ministre des travaux publics qui, aujourd'hui même, nous a fait l'honneur de nous dire que, pour exploiter son chemin de fer, il puisait son instruction dans l'exploitation faite par les compagnies concessionnaires, je demanderai s'il ne croit pas utile de faire étudier la question de l'exploitation du chemin de fer par l'intérêt privé en adjugeant cette exploitation à des compagnies, sous toutes les garanties nécessaires, avec un contrôle sévère et continu du gouvernement.
Et si cette question déjà était étudiée, je voudrais savoir quelle est l'opinion du cabinet sur le principe ; si par exemple il ne trouverait pas favorable de confier cette industrie à ses maîtres.
En second lieu, je demanderai à M. le ministre, qui sait, comme moi, que depuis 1831 la Belgique a contracté des dettes pour 21 millions de rente, ne trouve pas aussi que nous ne devons plus faire d'emprunts pour construire des travaux publics aux frais de l'Etat et que, se plaçant à ce point de vue, ce ministre, qui ne reste à son poste que par le plus généreux dévouement à son pays, ne trouve pas utile de faire étudier la question de la suppression du département des travaux publics, en divisant ses attributions entre les ministères de l'intérieur et des finances, afin de prévenir les tentations ultérieures de dépense ruineuse dont seront infailliblement tourmentés ses successeurs éventuels; car tant que ce département restera debout, il faudra lui fournir de l'occupation, et vous ne pouvez l'occuper qu'en recourant à la ressource déplorable des emprunts. Je demanderai donc, en un mot, si cette création qui nous a coûté si cher, et qui ne date que de 1837, n'a pas fait son temps et si ce serait un si grand malheur de compter un ministre de moins. Cette idée, messieurs, m'effraye d'autant moins que, si je pouvais voir gouverner convenablement le pays sous la direction d'un seul ministre, je n'en réclamerais pas deux.
La réponse que je recevrai dictera mon vote sur le budget des travaux publics.
M. le président. - La parole est à M. de Chimay.
M. de Chimay. - M. le président, n'y a-t-il pas d'autres orateurs inscrits dans la discussion générale?
M. le président. - Vous êtes le dernier orateur inscrit.
M. de Chimay. - En ce cas, pour ne pas prolonger la discussion générale, je présenterai mes observations à l'occasion du chapitre du chemin de fer.
- La discussion générale est close. On passe aux articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service.
« Charge permanente : fr. 315,350.
« Charge temporaire : fr. 8,000. »
M. le président. - La section centrale propose une modification à cet article ; le gouvernement s'y rallie-t-il?
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Non, M. le président. La section centrale pense qu'il n'y a pas lieu de porter le chiffre du traitement du secrétaire général des travaux publics à 9,000 francs, parce qu'il est de 8,400 francs dans les autres départements.
Je crois que la section centrale s'est trompée.
Dans tous les départements, excepté celui des finances, quoique le traitement normal du secrétaire général ne soit que de 8,400 francs, il peut être porté à 9,000 francs. C'est ce que nous avons également vu consacrer par l'arrêté d'organisation du département des travaux publics.
Le traitement normal du secrétaire général sera de 8,400 francs, mais il pourra être porté à 9,000 francs. Je crois, en effet, qu'il est utile de laisser certaine perspective d'amélioration de position à celui qui est appelé à exercer ces pénibles et importantes fonctions.
On peut dire que, pour un secrétaire général, il n'y a ni repos, ni trêve, à moins qu'il n'obtienne un congé pour cause de maladie.
Je pense qu'il est juste et utile de ménager à ces fonctions où la vie s'use vite, la perspective d'obtenir au moins une légère amélioration de traitement on récompense de longs services.
Comme l'opposition de la section centrale n'a été fondée que sur l'exemple de ce qui se pratique dans les autres départements ministériels, je pense que l'explication que je viens de donner, la fera revenir de l'opinion qu'elle a émise.
M. de Man d'Attenrode. - Je n'entends m'occuper en ce moment que de la question soulevée par M. le ministre des travaux publics. Quant à la discussion assez longue à laquelle doit donner lieu l'article 2, j'entends parler de l'organisation qui semble arrêtée par M. le ministre, vu l'heure avancée, si on l'entame aujourd'hui, je tiens à ce qu'elle ne soit pas close, qu'on puisse la continuer demain. Il s'agit dans cet article de voter une augmentation considérable résultant de ces projets d'arrêtés organiques; ces arrêtés, je n'ai pu en avoir communication qu'hier à 3 heures; il m'a été impossible de les examiner; je demande à pouvoir les étudier d'ici à demain pour émettre une opinion et un vote sur l'importante organisation que nous attendons depuis trois ans.
Quant au traitement du secrétaire général du département, nous avons été étonnés en section centrale de voir porter son traitement à 9 mille fr. Par l'arrêté organique de 1846, les traitements des secrétaires généraux ont été fixés uniformément à 8,400 fr.; une seule dérogation, si je ne me trompe, a été faite à cette disposition pour le département de la justice par un paragraphe additionnel portant que quand ce fonctionnaire aura plus de neuf ou dix ans de grade, son traitement pourra être porté à 9 mille fr.
Je ne pense pas que le secrétaire général du département des travaux publics, qui a fait une carrière rapide, en soit cependant à pouvoir invoquer la disposition que je viens de rappeler ; quand on réduit tous les traitements, quand on met des employés en disponibilité, on peut bien considérer comme suffisant le traitement de 8,400 francs, surtout quand on pense qu'il y a de malheureux commis qui sont dans le dénuement.
Cela provient de ce qu'on a fait trop de nominations, et que le ministère a compris avec raison qu'il fallait s'arrêter dans cette voie, arrêter les promotions. Mais la position de ces malheureux employés n'en est pas moins fort pénible; il est à ma connaissance qu'on a fait une souscription pour donner des moyens d'existence à un expéditionnaire.
En présence de pareils faits, l'on propose de porter de 8,400 à 9 mille francs le traitement d'un secrétaire général. C'est ce que la chambre ne fera pas.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Evidemment l'honorable M. de Man n'a pas compris mon intention. Je ne veux point attribuer, dès à présent, un traitement de 9,000 fr. au secrétaire général de mon département. Ainsi, toutes les observations que M. de Man vient de présenter à ce sujet tombent par cela seul à faux. Le chiffre que j'ai proposé est le maximum du traitement affecté aux fonctions de secrétaire général du département des travaux publics. Vous venez de dire qu'il n'y en a aucun autre exemple que celui du département de la justice. Je vous répète qu'il en est de même dans tous les départements, celui des finances seul excepté.
M. de Man d'Attenrode. - Après combien d'années de grade?
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Tantôt après quelques années de grade, tantôt sans cette condition.
M. de Man d'Attenrode. - La discussion a répandu du jour sur la question.
Si je n'avais pas compris M. le ministre , c'est que M. le ministre ne s'était pas exprimé de manière à se faire comprendre. La section centrale ne l'avait pas compris plus que moi.
Ce qu'il demande, c'est de porter à son projet d'organisation un maximum de traitement que peut avoir le secrétaire général de son département. Mais j'observerai que, d'après les arrêtés organiques de 1846, ce maximum n'excède 8,400 que pour le département de la justice. Faut-il aussi le portera ce chiffre pour le département des travaux publics? Si on l'admet, je demanderai au moins que l'on détermine le laps d'années de service après lequel le secrétaire général pourra obtenir le maximum. Que M. le ministre prenne l'engagement que le maximum ne pourra être accordé qu'après 9 ou 10 ans de grade. Ainsi, il reste à M. le ministre de s'expliquer à cet égard ; s'il en était autrement, il serait possible que le traitement du fonctionnaire dont il s'agit fût porté au maximum dans six mois.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - On persiste à dire que ce n'est qu'au département de la justice qu'il peut être attribué au secrétaire général un maximum de traitement de 9,000 francs. Je répète que c'est une erreur. L'article 5 de l'arrêté du 21 novembre 1846 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur, permet de porter le traitement du secrétaire général à 9,000 francs, après 10 années de grade.
M. de Man d'Attenrode. - Ah ! après dix années de grade!
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je ne propose pas de porter le traitement du secrétaire général de mon département au maximum dès cette année. S'il y avait au budget un article portant à 9,000 francs le traitement actuel du secrétaire général, je comprendrais l'observation.
L'article 11 de l'arrêté organique du ministère des affaires étrangères contient la même disposition qui est également reproduite, quant au secrétaire général du département de la guerre, par un arrêté en date (page 373) du 28 juin 1847, qui n'exige point, comme condition, l'exercice de ces fonctions pendant un certain nombre d'années.
M. A. Dumon, rapporteur. - Il est vrai que quand la section centrale a pris la détermination de vous proposer la réduction de la somme demandée pour le secrétaire général du département des travaux publics, elle croyait que l'intention de M. le ministre était de porter dès à présent de 8,400 fr. à 9 mille le traitement de ce fonctionnaire. C'est cette circonstance qui a fait que la section centrale n'a alloué que 8,400 fr. Elle était autorisée à verser dans cette opinion, car l'annexe n°1 fournie à l'appui du budget porte le traitement moyen du secrétaire général à 9,000 fr. C'est ce document à la main qu'on a proposé la réduction du chiffre porté au budget. Si M. le ministre ne demande pour cette année que 8,400 fr., il est d'accord avec la section centrale qui a voté le crédit pour cette année, sans préjuger la question d'avenir qui n'a pas été soulevée.
M. Delfosse. - Les embarras financiers nous ont mis dans la dure nécessité de réduire un grand nombre de traitements; nous avons diminué les traitements de la cour des comptes, ceux des commissaires d'arrondissement, etc., etc., etc. Le moment serait certes mal choisi pour augmenter le traitement du secrétaire général.
Si nous avions à revoir l'organisation des administrations centrales, ce devrait être dans le but d'alléger et non d'accroître les charges publiques, qui ne sont déjà que trop lourdes.
Non seulement je m'oppose à l'augmentation immédiate du traitement dont il s'agit, mais je demande qu'on n'inscrive pas dans l'arrêté d'organisation que ce traitement sera augmenté après un certain nombre d'années. Réservons-nous d'examiner plus tard ce que la situation financière permettra de faire dans l'intérêt des fonctionnaires qui compteront un certain nombre d'année de services ; il est inutile de prendre dès à présent un engagement sur ce point.
Comme M. le rapporteur vous l'a fort bien dit, la section centrale a dû croire que l'intention de M. le ministre était de porter immédiatement le traitement du secrétaire général à 9,000 fr. On lit, en effet, à l'annexe 1, page 62 des développements, ce qui suit :
« Dépense moyenne à résulter de la nouvelle organisation (c'est-à-dire de celle que M. le ministre des travaux publics doit publier sous peu) :
« Secrétaire gênerai, 9,000 fr. »
Si la section centrale s'est trompée sur l'intention de M. le ministre des travaux publics, c'est donc une pièce émanée du département des travaux publics qui a causé l'erreur.
Je fais remarquer à M. le ministre des travaux publics qu'il ne s'est pas expliqué sur les propositions de la section centrale relatives à l'inspecteur général des mines.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - L'année dernière, lorsqu'il s'est agi de la conservation des fonctions de l'inspecteur des mines, j'ai dit à la chambre que je pensais qu'il valait mieux conserver ce fonctionnaire au traitement de neuf mille francs, que de le mettre en disponibilité avec un traitement égal aux deux tiers de son traitement actuel et par conséquent de huit mille francs.
En proposant, cette année, de maintenir l'inspecteur des mines, et de le transférer au département, j'ai prévenu la section centrale que mon désir était de ne réduire son traitement que de 1,500 francs.
Je lui ai en même temps rappelé l'engagement que j'avais pris l'année dernière, en déclarant que je ne m'en écarterais pas, à moins que la chambre ne m'y autorisât.
Deux questions ont été soulevées : d'abord celle de savoir s'il y avait lieu de conserver les fonctions d'inspecteur des mines d'une manière permanente, ou bien de ne conserver que le titulaire actuel, en attendant que ses services pussent être utilisés d'une autre manière ; ensuite, celle de savoir quel traitement il convenait d'allouer au titulaire conservé à titre définitif ou provisoire.
La section centrale estime que les fonctions d'inspecteur des mines doivent être supprimées. Je ne crois pas pouvoir me rallier à cette opinion.
Comme vous le savez, messieurs, tous les services du département des travaux publics assortissent à deux directions générales: l'une qui comprend les ponts et chaussées et les mines ; l'autre comprenant le chemin de fer et les postes.
Je pense que, pour rester fidèle aux principes qui servent de base à cette organisation, il convient que chacune de ces administrations ait à sa tête un inspecteur qui puisse éclairer le ministre sur ce qui se passe au-dehors. Ce n'est point le directeur qui pourra remplir cet office. Ce fonctionnaire administre, mais n'inspecte point. Il est utile que ces fonctions ne soient point confondues: car c'est dans leur division que réside la garantie. C'est ce qui se pratiquera dans les ponts et chaussées, à l'administration du chemin de fer et à celle des postes. C'est ce qui doit se pratiquer également pour les mines.
Vainement objecte-t-on le peu d'importance de cette administration, le petit nombre des agents extérieurs.
Bien que cette administration n'ait pas une importance égale aux autres, elle n'en doit pas moins, comme les autres, converger vers un centre. C'est pour cette raison que je crois qu'un inspecteur des mines sera à tout jamais nécessaire. Il le sera d'autant plus, qu'à la tête de la direction se trouve placé un fonctionnaire qui n'appartient pas aux mines. On doit reconnaître, en effet, par cela même, la nécessité de placer l'homme le plus considérable de l'administration des mines à côté du ministre, pour l'éclairer sur toutes les questions d'art, qui pourront se présenter.
Ainsi, quant à cotte première question, j'insiste pour qu'elle soit décidée conformément aux propositions que j'ai faites à la chambre.
Quant à la seconde, si je demande que le traitement de l'inspecteur ne soit diminué que de la moitié de la différence entre le traitement normal et le traitement actuel, c'est uniquement poursuivre une règle adoptée d'une manière générale, pour ne pas consacrer une exception purement personnelle.
J'ajouterai qu'une grande partie des émoluments dont il jouissait lui a été retranchée. Ainsi il perd, par son transfert au département, les frais de bureau qui constituaient jusqu'à un certain point un bénéfice, et ses frais de voyage sont diminués dans une proportion très notable.
M. A. Dumon, rapporteur. - Il est désirable d'apporter le plus d'économie possible dans le département des travaux publics. C'est ce qui a déterminé la section centrale à proposer de supprimer les fonctions d'inspecteur général des mines. Le service auquel appartient ce fonctionnaire est un des moins importants du département des travaux publics : il ne comprend qu'un très petit nombre de sous-ingénieurs chargés de faire des tournées et d'ingénieurs auxquels ils convergent et qui font également des tournées. Ils adressent leurs rapports aux deux ingénieurs en chef placés à la tête des deux divisions territoriales qui existent pour ce service.
Le nombre si faible des agents qui concourent à ce service a donné lieu de penser à la section centrale que le ministre pourrait être suffisamment éclairé par les rapports de ces fonctionnaires.
Il y a de plus à la tête de cette administration un directeur général des ponts et chaussées et un directeur des mines.
On a donc pensé que le ministre pourrait facilement déléguer l'un ou l'autre, lorsqu'il croirait utile qu'une inspection fût faite par un fonctionnaire de l'administration centrale.
C'est par ce motif que la section centrale a pensé que l'inspecteur des mines ne pouvait être maintenu en principe.
Quant au reste, pour montrer qu'il ne s'agit pas ici de question de personne, ni d'un acte blessant pour le titulaire actuel, un certain nombre de membres ont pensé que ces fonctions pouvaient être maintenues, mais seulement comme fonctions temporaires. M. le ministre a proposé à la section centrale d'augmenter le chiffre alloué l'année dernière pour le traitement de l'inspecteur général des mines; il a proposé, comme je viens de le dire, de porter ce traitement à 10,000 et quelques cents francs, ce qui formerait une moyenne entre le traitement qu'il a reçu cette année et le traitement qu'il recevait précédemment. La section centrale a cru que ce n'était pas dans un moment où l'on se plaignait de l'état de nos finances, où l'on cherchait les moyens de faire toutes les économies possibles, qu'il y avait lieu de revenir sur le vote de l'année dernière. Cette décision n'a rien d'injurieux pour le titulaire, puisqu'il s'agit uniquement de lui maintenir le traitement dont il jouit aujourd'hui.
Je pense donc qu'il y a lieu de se rallier aux propositions de la section centrale, qui sont de maintenir les fonctions d'inspecteurs des mines, mais à titre personnel, pour le titulaire actuel, de ne pas porter son traitement comme charge permanente au budget et de maintenir l'allocation de l'année dernière.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, il est 4 heures et demie. Il s'agit d'une demande de crédit qui est augmentée de 86,000 fr.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Par suite de transferts.
M. de Man d'Attenrode. - Par suite de transferts, c'est exact pour 60,000 fr. ; mais l'augmentation n'en est pas moins de 86,000 fr. pour l'article 2.
Il me semble qu'il y a lieu d'examiner attentivement une matière aussi importante, et comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, personne n'a eu le loisir de lire les arrêtés d'organisation ; ils viennent d'être déposés sur le bureau. Je demande formellement que l'examen de cette question soit remise à demain, et je désire être inscrit en tête des orateurs qui parleront sur l'article 2.
M. le président. - Vous avez chargé le bureau de nommer la commission qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif au service de caissier de l'Etat. Le bureau a composé cette commission de MM. Delfosse, T'Kint de Naeyer, Loos, de Man d'Attenrode, De Pouhon, Mercier et Cans.
- La séance est levée à 4 heures et demie.