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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 juillet 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1759) La séance est ouverte à midi et demi par l'appel nominal et la lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Les pièces suivantes sont adressées à la chambre.

« L'administration communale d'Ixelles réclame l'intervention de la chambre pour qu'il soit mis une fin aux difficultés survenues entre l'Etat et la Société du Luxembourg. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Peers demande un congé pour motif de santé.

- Accordé.


M. Toussaint, retenu chez lui par indisposition de l'un de ses enfants, demande un congé.

- Accordé.


M. le président. - Le bureau a nommé la commission chargée d'examiner le projet de loi qui autorise le gouvernement à fixer les droits de chancellerie pour visa de passeports et légalisations de pièces; ce sont MM. Lebeau, de Theux, Le Hon, Dechamps, Osy, de T'Serclaes et de Perceval.

Cette commission pourra se réunir demain.

Projet de loi attribuant aux tribunaux de commerce la connaissance des contestations liées au transport de marchandises par le chemin de fer

Rapport de la commission

M. Orts. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée de l'examen du projet de loi relatif à la compétence des tribunaux de commerce en matière d'action dirigée contre le chemin de fer de l'Etat.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La discussion du projet est mise à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi qui modifie la loi du 27 septembre 1835, sur l'enseignement supérieur

Discussion des articles

Titre II. Des moyens d'encouragement

Article 33

La discussion continue sur l'article 33.

M. de Theux. - Messieurs, mon nom a été cité, à l'occasion de l'article qui nous occupe, tant dans la presse que par l'honorable ministre de l'intérieur dans la séance d'hier. Messieurs, je suis sensible à cet honneur; c'est pour moi une marque de confiance. Je demande seulement la continuation de cette marque de confiance pour moi et mes collègues de 1835, jusqu'à la discussion et le vote de la loi de 1835 inclusivement.

Depuis l'élaboration du projet de loi par la commission instituée par le gouvernement à la fin de l'année 1835 jusqu'en 1835, date de la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur, il s'était passé des faits importants.

Jusqu'en 1833 personne n'avait profité de la liberté de l'enseignement quant aux études supérieures. Ce n'est que plus tard et après que la commission eut arrêté les bases de son travail, qu’il fut question de l’établissement de deux universités libres, l'une à Bruxelles, l'autre à Malines, dont le siège fut plus tard transféré à Louvain.

C'est en présence de ce nouveau fait que la discussion s'ouvrit au mois d'août 1835. Alors, messieurs, j'étais au ministère de l’intérieur, et j'avais pour collègue au ministère de la just.ee un autre membre de la commission, l'honorable M. Ernst. C'est de commun accord avec cet honorable collègue, qu'avant toute discussion, j'ai déposé, sur le bureau de la chambre, une série d'amendements parmi lesquels figurait l'article 36 de la loi de 1835, tel que nous l'avons adopté.

On a, messieurs, accordé une grande autorité à la parole de mon honorable collègue et on a eu raison; car, en cette matière, il était tout à fait compétent. Eh bien, messieurs, il n'a pas hésité à s'associer à moi pour la présentation de cet amendement. Car ce n'est qu'après en avoir délibéré mûrement avec lui que j'ai fait ce dépôt.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez adopté la proposition de la section centrale.

M. de Theux. - Peu importe. Nous l'avons présenté comme amendement au projet du gouvernement. C'est une preuve que nous ne méconnaissions ni l'autorité des faits ni l'autorité de la discussion en sections.

Dans le projet préparé par la commission de 1833, il avait été fait un pas dans la voie qui a été parcourue plus tard. Elle a pensé, quant aux bourses de voyage, qu'elles pourraient être conférées par le gouvernement, sans distinction du lieu où les élèves ont fait leurs études. Quant aux médailles et aux bourses de voyage, elle a admis un principe contraire : elle avait décidé que les médailles et les bourses de voyage ne pourraient être accordées qu'aux élèves des universités de l'Etat. La section centrale avait proposé que, par extension du principe appliqué aux bourses de voyage, ce même principe serait appliqué aux bourses d'études et aux médailles. C'est à ces deux dispositions que le gouvernement s'est rallié.

En ce qui concerne les médailles, on a été plus loin : sur la proposition de l'honorable M. H. de Brouckere, on a adopté que les étrangers mêmes pourraient concourir pour l'obtention des médailles. Mais en ce qui concerne les bourses d'études, les membres de la chambre qui siégeaient dans la commission (nous étions quatre dans ce cas) ont-ils fait opposition à l'amendement de la section centrale adopté par le gouvernement? Aucunement. L'honorable ministre de l'intérieur, alors membre de la chambre, lui non plus, n'a pas fait opposition au nouveau système proposé par la section centrale et adopté par le gouvernement.

Une seule observation a été présentée dans la discussion de cet article; elle l'a été dans les mêmes termes par les honorables MM. Devaux et Ernst. Ils ont fait cette observation que si plus tard les universités libres instituaient des médailles ou des bourses, exclusivement pour leurs élèves, le gouvernement devrait se réserver la faculté de demander également au budget les mêmes faveurs exclusivement pour ses universités.

Voilà la réserve qui a été faite.

L'honorable M. Devaux disait même que quoique le projet de la commission se justifiât naturellement, cependant il reconnaissait qu'il y avait du bon dans le système de l'amendement, que le premier avait pour objet de favoriser les établissements, mais que le deuxième avait pour objet de favoriser les études en général. ll n'y avait donc aucune opposition au changement de système.

Je dis que la première opinion de la commission de 1835 disparaît en présence des faits qui se sont passés avant l'adoption de la loi, et en présence de la discussion de la loi et des votes qui ont été émis.

Mais, dit-on, des bourses spéciales ont été depuis lors instituées près des universités. Cet argument ne doit pas être tourné contre nous; mais il doit être tourné contre la proposition du gouvernement.

Où a-t-il été institué des bourses spéciales pour une université? A Gand, université de l'Etat. A Bruxelles un subside spécial a été accordé, par le conseil provincial. Il est employé en partie en ce sens qu'un certain nombre d'élèves serait dispensé du payement des frais d'inscription. Si l'on veut considérer ce fait comme une bourse, je dis qu'il y a des bourses affectées exclusivement à l'université de Gand et à l'université de Bruxelles.

Eh bien, la position de l'enseignement de l'Etat et de l'enseignement libre reste exactement la même. Je n'ai pas besoin de rappeler les considérations particulières qui ont pu déterminer, soit la ville de Gand, soit le conseil provincial du Brabant, à agir ainsi; ces autorités ont pu avoir en vue un intérêt local; mais le gouvernement et la législature ne doivent pas s'arrêter à des vues d'intérêt local, leurs vues doivent porter bien plus haut; ce n'est point l'intérêt de la ville de Gand, de la ville de Liège que nous devons prendre ici en considération. Ce n’est pas même l'enseignement exclusif des universités de l’Etat, mais c'est l'enseignement, ce sont les études en général. Or, il est évident que 60 bourses offertes à tous les jeunes gens doués d'intelligence et d'application sont un puissant stimulant pour les quatre universités et pour les études privées, dont on s'est tant préoccupé dans cette discussion. Dès lors je dis que l'emploi le plus rationnel, le plus utile de ces bourses, est celui qui a été décrété par la loi de 1835.

Mais, messieurs, d'après ce qui a été dit dans la discussion, il est évident que c'est surtout contre Louvain que la disposition est proposée, il ne faut pas se le dissimuler. [Interruption.) Mais veuillez remarquer, messieurs, que l'université contre laquelle la proposition est dirigée est la seule qui n'ait point de bourses spécialement affectées aux jeunes gens qui la fréquentent, tout jeune homme qui a obtenu une bourse de fondation conférée même par les administrateurs des anciennes bourses de Louvain, ont pleine et entière liberté d'étudier partout où il leur convient de le faire. Eh bien, messieurs, le gouvernement a disposé des anciennes bourses au détriment de Louvain, et non content de cela, il veut (page 1760) aujourd'hui exclure l'université de Louvain de la participation aux 60 bourses instituées par la lui,

Mais cette objection de l'existence des anciennes bourses à Louvain, dont on a disposé, comme je viens de le dire, cette objection vient-elle seulement d'être découverte? Non, messieurs, cette circonstance était connue lors de la discussion de la loi de 1835. Alors déjà on disait que l'université établie provisoirement à Malines et qui devait être transférée à Louvain aussitôt que la loi serait votée, on disait, quand il s'agissait de fixer le traitement des professeurs : « Mais il faut accorder un traitement très élevé aux professeurs des universités de l'Etat, attendu qu'il existe auprès de l'université de Louvain des bourses nombreuses. » Et alors nous répondions : « Il existe beaucoup de bourses d'anciennes fondations, mais elles ne sont pas exclusivement affectées à l'université de Louvain, les jeunes gens qui les obtiennent peuvent étudier là où il leur convient d'étudier. »

Ainsi, messieurs, il n'y a rien de nouveau dans cette objection; c'est la reproduction de ce qui a été dit dans l'ancienne discussion. L'honorable M. Quirini de Louvain allait plus loin que l'honorable M. de Luesemans; il prétendait qu'on ne pouvait pas disposer, pour d'autres établissements, des bourses fondées à Louvain; il prétendait que les jeunes gens devaient étudier à Louvain. Il avait tort; nous l'avons dit et nous avons toujours maintenu notre opinion et jamais il n'en a été dévié; les jeunes gens qui avaient des bourses ont toujours étudié à l'université où il leur convenait de la faire.

« Mais, dit M. le ministre de l'intérieur, les particuliers peuvent fonder des bourses auprès des universités libres, à la condition que ceux qui en jouiront fréquenteront exclusivement ces établissements. »

Je n'hésite pas à répondre non. Si des particuliers fondaient des bourses exclusivement destinées à l'université de Bruxelles ou à celle de Louvain, le gouvernement n'approuverait pas ces fondations.

Il est arrivé que le conseil provincial de Brabant a accordé une somme dont l'université de Bruxelles dispose. Il en a été fait de même par le conseil communal de Gand. C'est là une affaire de budget local. Si ce principe répugne au gouvernement, eh bien, qu’il raye cet article du budget provincial du Brabant; qu'il raye aussi du budget communal de la ville de Gand la disposition spéciale relative aux bourses affectées sur ce budget à l'université de Gand; il est en droit de le faire; nous ne l'y convions pas. Nous-mêmes nous avons approuvé ces délibérations; nous ne demandons pas que nos successeurs agissent autrement.

Un autre argument tout aussi puissant que celui de l'opinion de la commission de 1833 a été produit. « Il a été usé, dit-on, avec partialité du droit qu'avait le gouvernement de conférer les 60 bourses. L'université de Bruxelles en a eu beaucoup moins que celle de Louvain; pour que cet abus ne se renouvelle plus, nous enlèverons les bourses aux deux universités.» C'est absolument l'histoire de l'Huître et des Plaideurs.

On se sert absolument du même argument pour enlever aux études privées le droit de jouir de bourses. Ce droit, que nous n'avons jamais contesté ni en principe ni en fait, leur sera enlevé aussi !

Messieurs, nous n'admettons pas l'argument tiré de la prétendue partialité qui aurait présidé à la collation des bourses. Et, en effet, d'après quelle base la loi de 1835 autorise-t-elle la collation des bourses? D'après trois bases : le manque de ressources chez les élèves qui postulent une bourse; leur aptitude extraordinaire à l'étude, et enfin l'avis du jury d'examen.

Les anciennes administrations auxquelles on a fait allusion se sont-elles écartées de ces trois bases? Voilà ce qu'il s'agit de vérifier.

Si la loi avait dit que les bourses seraient également distribuées entre les quatre universités, sans doute le calcul qui a été présenté serait concluant; les anciennes administrations devraient être condamnées.

Mais il n'en est pas ainsi. Si l'on veut tenir compte et du nombre d'élèves qui ont fréquenté les deux universités libres pendant une période de 11 années ; et du nombre de grades académiques obtenus par les élèves des deux établissements ; et du nombre total de bourses tant légales que de fondations qui ont été conférées par le gouvernement, on devra reconnaître que cette collation sous les administrations anciennes n'a pas été partiale. Quant à moi, je ne crains pas de le dire, jamais un sentiment de partialité ne m'a animé dans la distribution des bourses ; j'aime à croire qu'il en a été de même de la part de mes successeurs.

Je pousse la chose si loin que si cela pouvait être agréable à la chambre ou à quelques- uns de ses membres, je consentirais à ce qu'une enquête fût faite sur l'ensemble des bourses conférées par le ministre, sur l'ensemble des avis des jurys d'examen, sur les demandes de bourses et le nombre des élèves des université: ; je consens à ce que cette enquête soit faite et mise sous les yeux de la chambre. Si un fait de partialité a été commis, je dois le déclarer tout haut, c'est entièrement à mon insu. Mais si l'on tient compte de l'ensemble des circonstances, l'université de Louvain a été loin d'être favorisée. Voilà l'opinion que j'ai conservée des faits qui sont à ma connaissance.

Du reste en demandant le maintien de l'ancienne disposition nous n'entendons prescrire aucune règle au gouvernement; qu'il consulte les avis du jury d'examen ; qu'il consulte les faits et qu'il décide selon qu'il jugera plus conforme à l'équité et à l'encouragement des bonnes études ; je m'en rapporte à sa décision.

Je ferai remarquer seulement en passant, à l'appui de ce que je viens de dire, que d'après la statistique que vous a présentée M. Le Hon, j'aurais été partial en faveur de Bruxelles en 1838 et en faveur de Louvain en 1840. Je repousse, dans l'un et l'autre cas, toute idée de partialité.

M. le ministre dit : Adjugez-moi les 60 bourses pour mes universités; si vous voulez m'allouer des fonds au budget de l'intérieur, je pourrai en disposer en faveur des études privées. Je ne pense pas que cette mesure soit adoptée par la chambre, car ce serait une double dépense. Il serait plus franc de doubler le nombre des bourses, de les porter à 120 : 60 pour les universités de l'Etat, 60 pour les études libres. Inscrire cela dans la loi serait plus régulier et plus simple.

Une autre objection consiste à dire que l'inscription des bourses est faite au titre : université de l'Etat. Comment les études libres veulent-elles y prendre pari? C'est une erreur de fait ; jamais on n'a inscrit tant de bourses, ni dans le projet de 1834, ni dans la loi de 1835 au titre des universités de l'Etat ; dans le projet de 1833 un chapitre spécial était consacré partie aux universités de l'Etat, partie aux études libres ; dans la loi de 1835 on a fait le contraire de l'assertion que je combats; cette loi est divisée en 4 titres : le 1er des universités de l'Etat; le 2° encouragements aux études, sans distinction du lieu où les études sont faites; le 3° des grades académiques, le 4° des dispositions transitoires.

M. le ministre dit : « Les bourses sont peu de chose quant à l'encouragement des universités; ce qui importe, c’est le bon choix des professeurs des universités, l'excellente direction à donner à l'enseignement; c'est ainsi que nous comptons mettre notre université au-dessus des universités libres. »

Je ne crains pas de le dire, M. le ministre de l'intérieur est ici en contradiction avec lui-même. Je dirai que tout moyen de contrôle a disparu par l'établissement du système de jury par adjonction.

Dans la loi de 1835, avec le jury central, vous aviez un moyen de comparaison. Les élèves des diverses catégories se présentaient simultanément devant le même jury. La valeur des élèves, si tant est que par les élèves on puisse apprécier la valeur des établissements, ce qui est une règle qui est loin d'être absolue, car il y a ici beaucoup d'exceptions à faire ; la valeur des élèves était si facilement appréciable, qu'il est admis par tout le monde que les camarades des récipiendaires portaient eux-mêmes la décision du jury avant qu'il ne l'eût prononcée; qu'ils disaient déjà : Celui-ci sera simplement admis, celui-là le sera avec distinction; tellement la chose était évidente pour quiconque avait assisté à l'examen; il était rare que le jugement du public universitaire, des camarades des récipiendaires, fût trompé.

On dit, messieurs, qu'au moyen des bourses on n'entend pas augmenter le nombre des élèves ni établir une supériorité de réputation pour les universités de l'Etat. Je crois, messieurs, qu'on se trompe grandement quand on dit cela. Il est évident que les 60 bourses de 400 fr. seront occupées par 60 élèves, et par 60 élèves des plus distingués du pays. Ces bourses seront très fortement courues, et encore j'ai ici à appeler votre attention sur un fait nouveau qui s'est présente depuis la discussion de 1835; le voici:

La loi actuelle établit le grade d'élève universitaire. Elle établit des jurys qui vont apprécier le mérite des élèves de tous les collèges du pays et du moment que vous aurez 60 bourses de 400 fr. à offrir, pensez-vous qu'on ne fera pas comprendre aux meilleurs élèves de tous les collèges qu'il faut aller demander ces bourses à Gand et à Liège? N'aurez-vous pas ainsi les prémices de l'enseignement moyen? Ensuite, si un élève se distingue dans une université libre, si après un premier et un second examen, on vient lui offrir une bourse de 400 fr., croyez-vous que cet élève ne désertera pas la plupart du temps l'établissement libre pour jouir de la bourse, et devenir le privilégié du gouvernement, avec l'espoir que ce sera un titre plus tard à l'obtention d'une place? Ce sont de ces choses que le simple bon sens indique.

Je dis, messieurs, qu'avec ces 60 bourses dé 400 fr., on peut faire un grand tort à la réputation des établissements libres, et que si on les augmentait encore, on pourrait dire que les établissements libres sont en quelque sorte déflorés.

Il est évident, messieurs, que les jeunes boursiers, qui déjà se sont distingués par leur application, ont un intérêt tout nouveau à continuer dans la même voie pour maintenir la jouissance de la bourse d'une part, et d'autre part le manque de fortune les oblige à faire des efforts extraordinaires pour occuper plus tard une profession libérale ou un emploi public. C'est là que vous trouverez d'ordinaire le plus d'application, le plus d'assiduité.

Messieurs, si ces moyens sont adoptés, le gouvernement pourra se faire illusion sur le succès de ses universités, mais le public ne se fera pas illusion sur les causes.

Mais, dit-on, vous avez posé des précédents législatifs. La loi sur l’instruction primaire a condamné le système de la loi de 1835.

Messieurs, il n'en est rien. Je soutiens au contraire que cette loi maintenu le système de la loi de 1835, et je vais le prouver en peu de mots.

J’écarte d'abord la première objection qui a été tirée du rejet d'un amendement présenté par un honorable collègue qui voulait qu'indépendamment du subside accordé à l'école communale, la commune fût obligée de payer les frais d'écolage de tous les élèves qui voudraient suivre une autre école. Ici, messieurs, il n'y a aucune identité. Dans ce système, la commune était exposée à une double dépense ; elle devait, dans tous les cas, continuer à faire les frais de l'école communale, et, en outre, elle aurait payé les frais d'écolage dans d'autres écoles. C'était une charge qui pouvait devenir très onéreuse pour les communes, et moi-même j'ai voté contre, mais uniquement par le motif que j'ai indiqué.

On objecte ensuite la disposition de l'article 28 de la loi, par lequel sont accordées des bourses aux élèves instituteurs qui fréquentent les écoles normales et supérieures.

(page 1761) Mais veuillez bien remarquer d'abord, messieurs, que dans cette disposition il n'y a rien d'exclusif. Les mêmes bourses sont attribuées à tous les élèves qui fréquentent une école offrant des garanties morales et religieuses. Ainsi le même droit est accordé aux juifs, aux protestants qui fréquentent une école normale ou supérieure fondée par leurs coreligionnaires. Car vous avez attribué des bourses aux écoles normales fondées par les évêques et qui ne sont pas des écoles de l'Etat.

Messieurs, dans la loi de l'instruction primaire, vous avez adopté cette base que l'instruction religieuse était obligatoire. Cette base adoptée, vous avez laisse la faculté au père de famille d'envoyer ses enfants dans telle école que bon lui semblait, juive, protestante, catholique, à son choix ; parce qu'en effet il n'existe pas en Belgique de pères de famille qui n'ont pas de culte. Nous ne connaissons pas d'athées en Belgique. S'il y en avait eu un grand nombre, mais il est bien certain qu'on eût aussi alors établi des écoles où aucun culte n'eût été enseigné, pour que le père de famille athée pût les laisser fréquenter par ses enfants. Car en définitive, s'il y avait un grand nombre d'athées, il faudrait bien en arriver là ; on ne pourrait les empêcher de jouir des droits politiques et civils et les priver de l'enseignement.

Je dis donc que la loi de 1842 a consacré le principe du libre choix pour l'élève, de la même manière que la loi de 1835. Car, comme je l'ai dit, en fait il n'y a pas de père de famille qui ne professe un culte à l'endroit de ses enfants et qui ne les envoie à l'école de l'une ou l'autre profession.

Mais l'article 29 de la même loi dit que la bourse qui peut être attribuée à l'élève qui s'est distingué dans les concours, peut l'être à tout élève, quelle que soit l'école qu'il a suivie, sans obligation de suivre une école déterminée. Voilà la consécration du principe.

Je dis donc que vous ne trouvez rien dans la loi sur l'instruction primaire qui soit en désaccord avec la loi de 1835 sur les universités de l'Etat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est nier le texte de la loi.

M. de Theux. - C'est expliquer le texte de la loi et non le nier. Je prétends que ma démonstration est parfaitement exacte. Mais je dis que vous niez le texte de l'article 29, quand vous dites que les deux lois sont en contradiction.

Le gouvernement, dit-on, se montre très modéré en ne proposant pas d'abolir les frais d'inscription aux universités de l'Etat.

Vraiment je m'étonne, que le gouvernement n'invoque pas les mêmes motifs pour subventionner une presse gouvernementale; car à la manière dont il fait valoir, en faveur de l'enseignement aux frais de l'Etat, le principe qu'il doit empêcher la propagation des mauvaises doctrines, il pourrait dire : Le gouvernement est attaqué par une presse libre, qui lui fait souvent opposition.

Il est de l'intérêt de l'Etat de pouvoir se défendre par une presse gouvernementale subventionnée aux frais de l'État.

Cet argument est identique. Ce sont des moyens d'éclairer, d'enseigner l'un comme l'autre. Seulement celui de la presse est plus efficace que l'autre.

Vous pourriez en arriver à un système qui a déjà été préconisé par des écrivains.

Pour nous, nous regrettons que le gouvernement ait, par sa proposition, fait porter la discussion sur le point des bourses; car il est évident que là où le public ne devait voir qu'une amélioration des études, il doit voir aujourd'hui une espèce de lutte politique.

Voilà où la question est descendue.

A ce point de vue il n'était pas de l'intérêt des universités de l'Etat de soulever cette question. Ces universités pourraient avoir à souffrir de cette disposition de la loi, en ce qu'elle pourrait susciter contre elles les partisans de la liberté d'enseignement qui seraient appuyés par l'opinion qui cherche à réduire les dépenses de l'Etat. Là la lutte pour les universités de l'Etat pourrait devenir extrêmement sérieuse.

Pour nous, nous avons défendu dans cette discussion les droits de la liberté et les droits des universités de l'Etat. Nous ne voulons pas de monopole; nous n'en voulons pas plus pour les établissements libres que pour les établissements de l'Etat.

Je dois le déclarer, quel que soit l'intérêt que nous portions à l'université de Louvain (je parle sans détour), je ne voudrais pas de monopole pour cette université. Je regarderais comme un grand malheur qu'elle n'eût pas de concurrent.

Voilà mon opinion.

Ce que nous voulons c'est seulement de l'impartialité. Ce que nous désirons c'est qu'on n'établisse pas dans la loi un principe d'une lutte entre l'enseignement public aux frais de l’État et l'enseignement privé. Je crois que c'est le vœu d'un bon citoyen et je dirai aussi d'un ami des universités de l'Etat.

M. le président. - L'amendement suivant vient d'être déposé par M. de Haerne, en remplacement de l'article 33 :

« Il est créé des bourses en faveur de jeunes Belges peu favorisés de la fortune et qui, se destinant aux études supérieures, font preuve d'une aptitude extraordinaire à l'étude.

« Le nombre et le montant de ces bourses, ainsi que les sommes pour y faire face, sont déterminés annuellement dans le budget du département de l'intérieur.

« Les bourses sont décernées ou maintenues sur l'avis du jury d'examen.

« Elles n'astreignent pas les titulaires à suivre les cours d'un établissement déterminé. »

M. de Haerne. - Il y a dans cet amendement un paragraphe qui change complétement l’ensemble de l'article en discussion. Pour le reste, il renferme la même disposition que l'article 33 de la loi de 1835.

Dans la discussion générale, ainsi que dans la séance d'hier, M. le ministre de l'intérieur, dont nous avons pu apprécier plus d'une fois, dans cette circonstance, les intentions conciliantes, s'est placé, à propos de la question des bourses, sur un terrain sur lequel nous pourrions, je pense, finir par nous entendre. Il a dit qu'il ne refuserait pas tout encouragement à donner sous la dénomination de bourses aux élèves des établissements privés, mais que c'était au budget qu'il faudrait porter les sommes à allouer à cet effet.

Je pense qu'il convient de généraliser ce raisonnement, de l'appliquer aux bourses de l'enseignement de l'Etat comme aux bourses de l'enseignement libre.

Avant d'entrer dans les développements de cette question, je prie la chambre de vouloir bien me permettre de faire quelques observations relativement au débat qui a eu lieu dans la séance d'hier.

Quant aux bourses, je dois dire avec plusieurs préopinants, notamment celui que vous venez d'entendre, que notre intention est qu'elles soient accordées au talent individuel constaté par le jury, et non à des établissements particuliers, quels qu'ils soient. C'est sur ce principe libéral que repose mon amendement.

On dit que 30 bourses près de chaque université c'est peu de chose. Mais je vous prie, messieurs, de remarquer qu'outre les 30 titulaires qui jouissent d'une bourse, il y a un grand nombre d'élèves qui espèrent en jouir. Je crois que ce n'est pas exagérer que compter 3 ou 4 aspirants pour un seul titulaire. Or il en résulte que la création par la loi de, 60 bourses attachées aux établissements de l'Etat attirera à chacun d'eux une centaine d'élèves. C'est évidemment faire un tort considérable à la liberté.

Je veux bien que le principe des bourses soit consacré par la loi pour l'enseignement supérieur en général, tant pour l'enseignement libre que pour l'enseignement de l'État. Mais je voudrais que cela fût réglé par le budget.

Il y a plusieurs motifs qui me semblent devoir nous engager à entrer dans cette voie.

D'abord celui que je viens d'avoir l'honneur d'indiquer, eu suivant le raisonnement émis à plusieurs reprises par M. le ministre de l'intérieur.

Ensuite, il faut remarquer aussi que les capacités ne se présentent pas toujours en nombre égal. Par conséquent, il ne convient pas de fixer le nombre des bourses par la loi. Cela ferait supposer qu'il pourrait en être accordé à des élèves incapables, alors que les capacités feraient défaut.

On pourrait se demander, ainsi que l'a fait l'honorable M. Pierre par son amendement, s'il ne conviendrait pas d'accorder des bourses de 600 et de 400 francs; et quel devrait être le nombre de chaque catégorie de bourses.

Un autre motif qui me paraît prépondérant, déterminant dans la matière, c'est qu'on n'est pas fixé encore sur le nombre des bourses de fondation qui pourraient être attachées à des établissements officiels.

Dès lors, il est évident qu'on ne peut pas dire d'avance quel est le nombre de bourses qu'il faudrait créer pour l'enseignement de l'Etat, car enfin, si le nombre de bourses de fondations dont le gouvernement pourrait disposer en faveur des établissements de l'Etat doit être plus ou moins considérable, il est évident qu'alors il y aurait lieu de diminuer le nombre de bourses à créer par la loi. C'est là un motif qui me paraît péremptoire pour ne pas écrire dans la loi d'une manière fixe le nombre de bourses qui sera accordé aux élèves des universités de l'Etat.

M. Delfosse, rapporteur. - Le gouvernement n'est pas oblige de les donner.

M. de Haerne. - Alors pourquoi les créer? Le gouvernement les donnera, s'il peut les donner.

Cette marche, messieurs, est d'ailleurs conforme à celle que l'on suit pour l'encouragement des arts, des sciences et de l'industrie.

Voici donc l'amendement que j'ai l'honneur de proposer : il consiste à rétablir l'article 33 de la loi de 1835, sauf à y ajouter un paragraphe, qui est le deuxième de ma proposition et par lequel je demande que le nombre et le montant des bourses, ainsi que la somme nécessaire pour y faire face, soient déterminés annuellement à l'article du budget de l'intérieur qui concerne l’enseignement supérieur.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je ne tiendrai la chambre que cinq minutes.

La plupart des défenseurs du projet de loi me semblent s'être mis à côté de la question. Ils ont toujours raisonné comme si les adversaires du projet de loi demandaient le partage égal des bourses entre les quarts universités, ou au moins, comme s'ils réclamaient pour les universités libres un droit réel dans le partage des bourses. Or, messieurs, il n'en est rien, au moins quant à moi.

M. de Theux et d’autres membres. - Ni quant à nous.

M. H. de Brouckere. - Nous ne demandons qu'une seule chose, c'est que la loi ne prononce pas une exclusion injuste contre les universités libres. Nous voulons, en d'autres termes, que les droits du gouvernement, relativement à la collation des bourses, ne soient point limites par la loi.

Voici, messieurs, la rédaction que je propose; c'est le premier paragraphe de l’article 35 :

« 60 bourses de 400 fr. peuvent être décernées annuellement par le gouvernement à des jeunes Belges peu favorises de la fortune et qui, se destinant aux études supérieures, font preuve d'une aptitude extraordinaire à l'étude. »

(page 1762) Ainsi, messieurs, le gouvernement accordera les bourses à qui bon lui semblera. Si le gouvernement croit pouvoir, sous sa responsabilité, mettre des conditions à la collation des bourses, il y mettra des conditions; s'il croit pouvoir, sans être injuste, accorder les 60 bourses aux élèves des universités de l'Etat, il accordera les 60 bourses à ces élèves exclusivement, sauf, toujours, à la majorité de la chambre, le droit d'exercer telle censure que bon lui semblera, lorsque viendra la discussion du budget de l'intérieur.

En un mot, messieurs, nous faisons pour le gouvernement plus qu'il ne demande, nous lui accordons un droit non limité alors qu'il limite lui-même son droit. Nous disons seulement ceci : c'est une injustice de condamner d'avance les universités libres ; c'est une injustice de mettre le gouvernement dans l'impossibilité d'accorder une bourse à un jeune homme, si méritant qu'il soit, alors que ce jeune homme se trouvera dans une position telle qu'il ne pourra pas aller étudier aux universités de l'Etat. C'est une injustice, c'est une chose qui, je le dis franchement, révolte ma raison et mes sentiments et que je ne voterai pas.

M. Delfosse, rapporteur. - Messieurs, deux honorables représentants de Louvain, l'honorable M. de Luesemans, dans la séance de samedi, et l'honorable M. de Man, dans la séance d'hier, ont traité fort longuement la question des anciennes fondations de bourses. Je me garderai bien de suivre ces honorables collègues dans les détails d'une question qui n'est pas à l'ordre du jour et dont la discussion approfondie nous prendrait un temps que nous pouvons mieux employer.

Je m'étais borné, dans le rapport, à résumer en quelques lignes les opinions émises au sein de la section centrale, et à demander que le gouvernement activât, autant que possible, les travaux de la commission qui est chargée d'examiner cette importante question; nos honorables collègues de Louvain me permettront de ne pas accepter la lutte qu'ils m'ont offerte, avant que cette commission, qui sera sans doute entourée de tous les documents nécessaires, ait publié son rapport. Alors, mais alors seulement la discussion pourra être utile et nous conduire à une résolution mûrement réfléchie et sagement motivée. Car, messieurs, nous ne voulons rien autre chose ; nous demandons qu'on laisse à chacun ce qui lui appartient, qu'on donne à chacune qui lui est dû, et l'honorable M.de Man a été mille fois injuste lorsqu'il nous a supposé d'autres intentions.

Il ne s'agit pas en ce moment des anciennes fondations; il s'agit des bourses créées par l'Etat ; il s'agit de savoir si ces bourses pourront être accordées indistinctement aux élèves des universités de l'Etat et à ceux des universités libres.

Comme question d'argent, M. le ministre de l'intérieur l'a dit, cette question est très secondaire. Qu'est-ce, en effet, pour une université que 6,000 fr. de plus ou de moins? Mais comme question de principe, elle a une extrême importance ; elle porte non seulement sur l'enseignement supérieur, mais aussi sur l'enseignement primaire et sur l’enseignement moyen.

Après les discours de M. le ministre de l'intérieur et de nos honorables collègues MM. Lelièvre et Le Hon, on peut considérer cette question comme épuisée et il me reste fort peu de chose à dire.

On ne se doutait guère, en 1830, lorsque le parti catholique réclamait la liberté de l'enseignement, qu'il viendrait un jour demander, au nom de cette liberté, à avoir des boursiers de l'Etat dans les établissements placés sous sa direction. Je vous avoue, messieurs, que cette prétention me paraît étrange. On veut qu'un élève intelligent et studieux qui manque de fortune puisse obtenir une bourse de l'Etat tout en conservant le droit de choisir l'établissement où il ferait ses études ; c'est vouloir que l'Etat subsidie indirectement les établissements libres, car on contribue à la prospérité d’un établissement en lui donnant des élèves subsidiés, tout comme en lui accordant des subsides directs.

M. de Mérode. - Qui est-ce qui paye les impôts ?

M. Delfosse. - Je répondrai tout à l'heure à cet argument, qui est très frivole.

Peut-on raisonnablement exiger que l'Etat qui soutient à si grands frais ses universités probablement parce qu'il est convaincu que l'enseignement qui s'y donne est le meilleur et le plus national, peut-on exiger que l'Etat fournisse à ses dépens des élèves aux établissements libres sur lesquels il n'exerce aucune espèce de contrôle? M. le ministre de l'intérieur l'a dit avec raison, à ces établissements l'Etat ne doit que la liberté, il ne leur doit ni subsides, ni élèves subsidiés.

Messieurs, si la doctrine de nos honorables contradicteurs était vraie, il ne faudrait pas seulement l'appliquer aux élèves, il faudrait l'étendre aux professeurs, Vous dites à un élève qui est intelligent et studieux et qui manque de fortune : « Je vous donne une bourse, et vous pourrez étudier partout où vous voudrez. » Pourquoi ne pas dire au professeur qui est savant et studieux et qui manque de fortune : « Je vous donne un traitement, et vous pourrez enseigner partout où vous voudrez. » De même que vous n'exigez pas de l’élève qui obtient une bourse qu'il aille étudier à l'université de Gand ou à celle de Liège, vous.ne devez pas non plus exiger du professeur qui reçoit un traitement, qu'il aille enseigner à Gand ou à Liège. Vous devriez le laisser libre, comme l'élève, de se rendre, s'il le préfère, à Bruxelles ou à Louvain. Si vous respectez les convictions de l'élève au point de ne pas mettre de condition à la libérable que vous lui faites, vous devriez respecter au même degré les convictions du professeur, (Interruption de M. de Mérode.)

Je crois, M. de Mérode, que mes raisonnements sont au moins aussi solides que les vôtres. Vous disiez tantôt : « Les bourses sont payées avec l'argent des contribuables ; il faut qu'elles profilent à tous; il faut qu'elles soient données à ceux qui étudient à Bruxelles ou à Louvain, comme à ceux qui étudient à Liège ou à Gand. » (Nouvelle interruption de M. de Mérode,)

Il paraît que M. le comte de Mérode veut absolument qu'on soit de son avis. Si c'est là de la tolérance, je ne m'y connais plus. C'est de la tolérance à la manière de M. de Mérode, qui a aussi une manière à lui de comprendre la liberté d'enseignement. Si on laissait faire l'honorable comte, cette liberté deviendrait bientôt un monopole au profit de l'université de Louvain. Je veux, moi, la liberté pour tous, pour Liège, pour Bruxelles, pour Gand comme pour Louvain.

L'honorable comte de Mérode nous dit que c'est avec l'argent des contribuables que se payent les bourses. Mais il n'y a pas d'institution publique qui ne soit payée avec l'argent des contribuables. Le culte est payé par les contribuables ; profite-t-il à ceux qui ne professent aucun des cultes salariés par l'Etat? La royauté est aussi payée par les contribuables; est ce que la royauté profile aux républicains?

La raison que l'honorable M. de Mérode trouve si forte est donc, comme je le disais tantôt, extrêmement frivole.

Il y a encore un argument qui a paru produire quelque effet sur un certain nombre de membres de la chambre : c'est que si l'on ne donne des bourses qu'à ceux qui étudient à Gand ou à Liège, il y aura une inégalité dont les habitants de Bruxelles et de Louvain seront victimes. Les habitants de Bruxelles et de Louvain seront, dit-on, dans ce système, privé par le fait de toute participation aux bourses.

Les habitants de Bruxelles et de Louvain seront, messieurs, dans ce système, placés absolument sur la même ligne que les autres habitants du royaume qui n'ont pas une université de l'Etat dans le lieu de leur résidence ; les habitants de Bruxelles et de Louvain pourront tout comme les habitants de Mons et d'Arlon, par exemple, obtenir des bourses, s'ils veulent, comme ceux de Mons et d'Arlon, étudier à l'université de Gand ou à celle de Liège. Les habitants de Bruxelles et de Louvain auront, en outre, cet avantage, que s'ils n'obtiennent pas une bourse ou que s'ils la refusent, parce que la condition qu'on y met ne leur convient pas, ils trouveront une université à leur portée, avantage que n'ont ni les habitants de Mons ni ceux d'Arlon.

L'inégalité dont on fait tant de bruit est donc chimérique.

Messieurs, je comprends l'opinion de ceux qui repoussent la proposition du gouvernement et celle de la section centrale dans l'intérêt de l'université de Louvain ; je comprends l'opposition de l'honorable M. de Mérode. L'honorable comte est ici conséquent avec lui-même, l'honorable comte dévie rarement du but qu'il veut atteindre. Pour y arriver il emploie quelquefois des moyens différents, opposés même; mais ici l'honorable membre est et il restera, j'en suis sûr, conséquent avec lui-même; l'honorable M. de Mérode demandera pour l'enseignement moyen et primaire ce qu'il demande aujourd’hui pour l'enseignement supérieur; il demandera, pour tous les degrés de l'enseignement, que l'élève qui montre d'heureuses dispositions et qui manque de fortune obtienne des subsides de l'Etat, tout en conservant le choix de l'établissement où il fera ses études. Mais ceux qui ne partagent pas l'opinion de l'honorable M. de Mérode, ceux qui ne voudront de son système ni pour l'enseignement moyen, ni pour l'enseignement primaire, ont tort, grand tort de s'opposer en ce moment à la proposition du gouvernement.

Vous avez beau dire, si vous proclamez aujourd'hui le principe que l'élève universitaire qui obtient une bourse peut étudier où bon lui semble, vous devrez, sous peine d'inconséquence, appliquer ce principe à l'enseignement moyen; vous devrez donner plus tard des bourses aux élèves de l'enseignement moyen, sans y mettre pour condition qu'ils feront leurs études dans les établissements dirigés ou subsidiés par l’Etat ; il faudra que vous les laissiez libres de choisir. Ils pourront préférer les établissements privés, même ceux des jésuites. (Interruption de M. de Mérode.)

Vous êtes conséquent, M. de Mérode; mais je m'adresse à ceux qui n'ont pas vos convictions, qui voteront aujourd'hui avec vous pour se séparer de vous lorsqu'il s'agira de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen.

Si vous repoussez, messieurs, la proposition du gouvernement, il faudra encore décider plus tard, sous peine d'inconséquence, que l'enfant pauvre auquel vous donnez l'instruction gratuite, aura le choix de l'école où cette instruction lui sera donnée.

Si l'élève universitaire qui obtient une libéralité de l'Etat ne peut être astreint à la condition de suivre les cours d'un établissement déterminé, à plus forte raison celui qui réclame l'instruction gratuite comme dette de l'Etat, doit-il être plus libre encore. Vous devrez donc modifier la loi sur l'instruction primaire, vous devrez introduire dans cette loi une disposition que l'ancienne chambre a repoussée à une immense majorité. (Interruption.)

L’honorable M. H. de Brouckere, qui m'interrompt , disait tantôt, qu'on ne demande pas que le gouvernement soit tenu d'accorder des bourses aux élèves des universités libres ; mais seulement, que le gouvernement conserve la faculté d'en donner.

Messieurs, cette objection n'est pas sérieuse. Il est clair que si la loi donne au gouvernement la faculté de décerner des bourses aux élèves des universités libres, le gouvernement devra, sous peine d'être accusé de partialité, faire une répartition à peu près égale entre les quatre universités, comme cela a eu lieu jusqu'à présent. Si le gouvernement ne le faisait pas, vous l'accuseriez hautement de partialité et vous seriez dans votre droit.

(page 1763) L’honorable M. de Theux a produit un argument que je n'aurais pas attendu d'un esprit aussi judicieux; l'honorable membre a dit que le système que nous combattons se trouve inscrit dans la loi sur l'instruction primaire; le gouvernement, a dit l'honorable membre, est autorisé par cette loi à donner des bourses aux élèves des écoles primaires supérieures ou des écoles normales, sans distinction des écoles dont ils sortent.

Eh bien, c'est justement ce que nous demandons ; nous ne demandons pas que le gouvernement, lorsqu'il accorde des bourses, fasse une distinction entre les établissements dont les élèves sortent; nous demandons seulement que ceux qui les obtiennent soient tenus de suivre les cours d'une université de l'Etat. Et pourquoi le demandons-nous? C'est parce que le gouvernement a un contrôle sur ces universités, c'est parce qu'il n'en a pas sur les universités libres, c'est parce que l'Etat ne doit pas accorder de subsides, sans se réserver le moyen d'en connaître l'emploi, de s'assurer qu'on n'en fait pas un usage hostile à nos institutions.

Si, comme l'a dit l'honorable M. de Theux, l'Etat accorde des bourses aux élèves des écoles normales dirigées par l'épiscopat, c'est que ces écoles se sont soumises au régime d'inspection de la loi; le contrôle que l'Etat exerce par là explique, s'il ne justifie pas, le fait invoqué par l'honorable M. de Theux, et l'honorable membre ne peut rien en conclure en faveur de son système.

Je n'en dirai pas davantage, messieurs; je vois que la chambre est impatiente de passer au vote. (Aux voix ! aux voix t)

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture!

M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. Voilà trois orateurs qui parlent successivement et m'enlèvent mon tour de parole.

- Un membre. - Vous y avez renoncé.

M. Dumortier. - M. de Brouckere ayant parlé dans le sens dans lequel je voulais parler, j'ai dit que je préférais entendre M. Delfosse pour lui répondre et alterner la discussion, comme le veut le règlement. (Interruption.) Il est insolite de n'entendre que des orateurs qui parlent en faveur d'un système. Toute la séance d'hier a été occupée par des défenseurs du projet de la section centrale. Je demande qu'on puisse dire un mot contre le projet du gouvernement. Il est conforme à la jurisprudence de la chambre de ne jamais clore qu'après un discours contre le projet du gouvernement.

M. Le Hon. - Je demande la parole contre la clôture; je ne serai pas si long que M. Dumortier.

M. Dumortier. - C'est que vous ne serez pas interrompu.

M. Le Hon. - Je veux relever quelques faits et rappeler à l'assemblée un souvenir de quelques minutes. Dans cette séance qu'a-t-on entendu ? Trois orateurs contre le projet et le rapporteur. Moi j'étais inscrit aussi, je me préparais à répondre à ceux qui voulaient réfuter mon discours; ils se sont tus; j'ai renoncé à la parole, j'y renonce encore.

M. Lelièvre. - Je pense, messieurs, que la discussion est parvenue à un point où il est permis de la clore, la question qui doit être résolue étant suffisamment éclaircie.

Remarquez que déjà, dans la discussion générale, les orateurs et notamment l'honorable M. Dumortier ont traité la difficulté soulevée par l'article 33; dans la séance de samedi dernier, les trois orateurs qui ont été entendus se sont prononcés contre cette disposition; hier deux orateurs, MM. de Man et de Mérode ont été entendus dans le même sens. Enfin, dans la séance de ce jour trois orateurs ont encore eu la parole en faveur du système que défend l'honorable M. Dumortier, et le rapporteur seul a défendu le projet. Je pense donc, messieurs, que l'on ne peut nous reprocher de vouloir étouffer un débat qui me paraît éclairci et dont aucun motif d’utilité ne justifie la prolongation.

M. Coomans. - Je conçois que l'honorable préopinant, qui a prononcé deux ou trois discours sur l'article 33, désire que la clôture soit prononcée ; mais il y a toujours quelque chose de violent dans une clôture prononcée avant que la discussion soit épuisée. Je crois qu'il est peu convenable de faire de la tribune une sorte de steeple-chase, de Croix de Berry, où les premiers arrivés auraient seuls le droit de se faire entendre. Je ne parle pas pour moi, je sacrifie volontiers les observations que je me proposais de présenter; mais je désire entendre encore des orateurs pour et contre.

M. de Mérode. - Probablement il y aura majorité en faveur du projet du gouvernement. (Interruption.) C'est mon opinion : elle doit être tolérante envers la minorité. L'honorable M. Dumortier n'a pas parlé; il me semble qu'on devrait permettre à M. Coomans, à un orateur habitué à donner des raisons d'une certaine valeur de parler une fois sur une question aussi importante que celle-ci. Je ne me plains pas, j'ai parlé deux fois.

- La chambre, consultée, ferme la discussion.

M. le président. - Quatre amendements sont présentés à l'article 33 : l'amendement de M. Julliot, qui supprime les bourses universitaires, sauf à les maintenir aux élèves qui les ont obtenues jusqu'à la fin de leurs études.

Celui de M. Pierre qui porte le taux des bourses de 400 à 600 frimes.

Celui de M. de Haerne qui reproduit l'article 33 de la loi de 1835, en ajoutant un paragraphe portant que le nombre des bourses et le montant des sommes nécessaires pour y faire face sont déterminés annuellement au budget de l'intérieur.

Enfin celui de M. H. de Brouckere, qui substitue à l'article 33 du projet le paragraphe premier de l'article 33 de la loi de 1835.

Auquel de ces amendements veut-on donner la priorité ?

M. de Haerne. - Je me rallie à l'amendement de M. de Brouckere.

M. de Brouckere. - Il me semble que ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de suivre pour le vote l'ordre dans lequel M. le président vient d'indiquer les amendements.

M. Delfosse, rapporteur. - L'amendement de M. de Brouckere est le rejet de l'article du gouvernement

M. de Brouckere. - Je ne demande pas seulement le rejet de l'article du gouvernement. D'après l'article 33 de la loi de 1835, qui resterait en vigueur dans le cas où l'article en discussion serait rejeté, le gouvernement doit prendre l'avis des jurys d'examen; d'après mon amendement, il ne serait tenu à prendre l'avis de personne, il accorderait les bourses sous sa seule responsabilité.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Julliot qui est ainsi conçu :

« Les bourses universitaires à la charge de l'Etat sont supprimées. Néanmoins celles qui, en ce moment, sont occupées par des élèves ne seront supprimées qu'au fur et à mesure de la cessation des études de ces boursiers. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas besoin de dire que je ne repousse pas l'article entier. J'adopte la réserve qui le termine; les bourses seront continuées aux jeunes gens qui en jouissent; il y aura un article transitoire à faire.

- L'amendement de M. Julliot est mis aux voix. Il n'est pas adopté,

L'amendement de M. Pierre ayant pour objet de porter le taux des bourses d'études de 400 fr. à 600 fr. est mis aux voix; il n'est pas adopté.

L'amendement de M. H. de Brouckere (voir plus haut) auquel M. de Haerne se rallie est mis aux voix par appel nominal et rejeté par 46 voix contre 55.

Ont voté pour l'adoption : MM. Boulez, Coomans, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Theux, de T’Serclaes, Dumortier, Faignart, Jacques, Mercier, Moncheur, Orts, Prévinaire, Rodenbach, Thibaut, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (E), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII et Verhaegen.

Ont voté contre : MM. Delescluse, Delfosse, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, De Royer, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Frère-Orban, Dumon (A.), Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mascart, Moreau, Moxhon, Pirmez, Rogier, Rotin, Rousselle, Sinave, Thierry, Dequesne, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne et Debroux.

- L'article 33 du projet de la section centrale, auquel le gouvernement se rallie, est mis aux voix et adopté.

- M. Henri de Brouckere remplace M. Verhaegen au fauteuil.

Titre I. De l'enseignement supérieur aux frais de l'Etat

Chapitre III. Des professeurs
Article 11

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande à introduire un changement dans l'article 11 de la loi de 1835. Cet article a donné lieu à diverses interprétations dans l'application. La rédaction nouvelle que je propose a pour but de faire disparaître les doutes qui ont surgi à l'occasion de cet article.

Aux tenues de l'article 11 « toute nomination de professeur indique la faculté à laquelle il appartient et le cours qu'il est appelé à donner. » Quelques professeurs ont cru avoir, en vertu de cet article, le droit de refuser de faire certains cours dont ils invoquaient le texte de leur arrêté de nomination, qui ne les astreignait pas à donner les cours que le gouvernement les appelait à faire. Le gouvernement a contesté aux professeurs de pareilles prétentions. Mais pour y mettre un terme, dans l'avenir, je propose de rédiger l'article 11 comme suit :

« Toute nomination de professeur indique la faculté à laquelle il est attaché et la science qu'il est appelé à enseigner.

« Tout changement dans les attributions d'un professeur fait l'objet d'un arrête royal pris sur l’avis de la faculté. »

Rien n'est changé à la position des professeurs, si ce n'est qu'il est entendu pour tout le monde que le gouvernement peut charger le professeur de tel cours qu'il jugera utile, après avoir entendu la faculté.

L'article a été communiqué à divers membres de la section centrale et notamment à son honorable rapporteur.

- L'article 11 nouveau, présenté par M. le ministre de l’intérieur, est mis aux voix et adopté.

Titre IV. Dispositions transitoires

Article 68

« Art. 68. Pendant les deux premières années, à partir de la publication de la présente loi, le jury institue pour la collation du titre d'élève universitaire aura égard aux lacunes qui peuvent exister dans l'organisation de quelques établissements d’enseignement moyen; il pourra même pendant cette période dispenser les récipiendaires d'un examen sur le langue allemande ou sur la tangue anglaise et sur certaines parties des branches historiques et mathématiques. Dans ce cas il ne pourra y avoir lieu qu'à la simple admission.

(page 1764) M. Dolez. - Je comprends à merveille la disposition transitoire telle qu'elle est proposée. Cependant je ne puis me rendre bien compte du motif pour lequel on refuse à l'élève auquel s'applique cette disposition, la distinction qu'il peut avoir méritée par la manière dont il subit son examen. Quel est le point de départ de cette disposition ? C'est qu'il serait injuste d'assujettir l'élève à un examen auquel l'enseignement qu'il a reçu ne l'a pas préparé.

Pour être juste, il faut faire disparaître la mesure de rigueur qui est annoncée à la disposition que j'admets du reste , sauf la dernière phrase.

M. Delfosse, rapporteur. - Je trouve l'observation de l'honorable M. Dolez très fondée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est très juste.

- La suppression des mots « dans ce cas il ne pourra y avoir lieu qu'à la simple admission », est mis aux voix et prononcée.

L'article 68 moins ces mots est mis aux voix et adopté.

Article 69

« Art. 69. Pendant l'année 1849, les récipiendaires pour la candidature en philosophie et pour la candidature en sciences, pourront être dispensés de prendre le titre d'élève universitaire, à condition que les premiers subissent un examen sur le grec et le latin, au lieu de le subir sur l'histoire de la littérature ancienne et les seconds sur l'algèbre jusqu'aux équations du second degré inclusivement, la géométrie élémentaire et la trigonométrie rectiligne. Le gouvernement pourra étendre l'exemption du grade d'élève universitaire, même pendant les deux sessions de 1850, aux récipiendaires qui prouveront avoir commencé leurs études universitaires avant le 1er janvier 1849. »

M. Delfosse, rapporteur. - Lorsque le projet de loi a été déposé, on supposait qu'il serait adopté avant la première session de 1849. Le retard apporté au vote de ce projet nécessite ici quelques modifications.

Au commencement de l'article, après les mots « pendant l'année 1849 » il faudrait ajouter « et pour la première session de 1850. »

Plus loin au lieu de « même pendant les deux sessions de 1850 » il faudrait dire : « même pour la dernière session de 1850 et la première de 1851. »

Enfin, il faudrait à la fin de l'article substituer à la date du 1er janvier 1849 celle du 1er juillet 1849.

M. Devaux. - On propose par cet article de dispenser de prendre le titre d'élève universitaire, à la condition de subir un examen sur le grec et le latin. Cela est en rapport avec le programme de la candidature en philosophie, tel qu'il était arrêté dans le projet du gouvernement. Mais la chambre ayant, sur la proposition de la section centrale, compris le latin dans l'examen de candidat en philosophie, il est inutile qu'on subisse un examen sur le latin. Il faut donc retrancher ici les mots : « le latin ».

- Les amendements présentés par MM. Delfosse et Devaux sont adoptés.

L'article 69 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.

Article 70

« Art. 70. Ceux qui, dans leur examen de candidature en droit, ont été interrogés sur l'économie politique moderne sont dispensés de cet examen pour le doctorat dans la même faculté. »

- Adopté.

Article additionnel

La chambre passe à la discussion sur l'article additionnel suivant, présenté par M. Lelièvre.

« Pour les deux sessions qui suivront la publication de la présente loi, les examens pour les grades de candidat et de docteur en droit ne comprendront que les matières sur lesquelles ils doivent porter en vertu des dispositions antérieures. »

M. Lelièvre. - La disposition que je propose est éminemment équitable. Il n'est pas possible d'astreindre les élèves qui déjà sont préparés à recevoir les divers grades dans la faculté de droit à se conformer aux exigences de la loi nouvelle. Ce serait réellement les entraver dans leur carrière et les obliger à étudier de nouvelles matières sur lesquelles ils n'ont pas dû s'attendre à subir un examen. Du reste les articles 68, 69 et 71 renferment des dispositions analogues relativement à d'autres facultés. Il me paraît juste de les étendre aux étudiants en droit.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a déposé l'amendement suivant :

« Les élèves qui se présenteront au jury pendant la session de 1849 pourront, sur leur demande, être interrogés conformément à la loi de 1835. »

M. Delfosse, rapporteur. - Je pense que l'amendement de M. Lelièvre ne s'applique qu'aux examens en droit, tandis que l'amendement de M. le ministre de l’intérieur est général, il s'applique à tous les examens. A ce point de vue, l'amendement de M. le ministre de l'intérieur vaut mieux.

M. Lelièvre. - Mon amendement diffère de celui proposé par M. le ministre de l'intérieur, en ce que celui-ci ne propose l'exemption que pour une session, tandis que, de mon côté, je pense qu'elle doit être établie pour deux sessions. Ce temps me paraît nécessaire pour que les élèves soient à même de se préparer à l'examen sur les nouvelles matières prescrites par le projet; il est important de donner à cet égard des facilités et un délai convenable aux récipiendaires. Du reste, tel est l'esprit de la loi que nous discutons, comme le prouve l'article 71. Je pense donc que mon amendement introduit une disposition méritant votre sanction. Je me rallierai, du reste, à la rédaction proposée par M. le ministre, si celui-ci adopte le système que je viens d'exposer relativement à l'exemption pour deux sessions.

M. le président. - Ainsi M. Lelièvre se rallie à l'amendement de M. le ministre de l'intérieur ; seulement il demande que l'exception s’étende à deux sessions.

M. Deliége. - Je pense qu'il faut étendre la disposition contenue dans l'amendement à deux sessions au moins.

En effet, ceux qui devraient pouvoir se présenter à l'examen de docteur aux Pâques prochaines, et qui ont commencé leurs études sur le doctorat en droit, immédiatement après les vacances de Pâques de 1848, n'ont pu suivre le cours de droit civil approfondi, que pendant un an et demi; dès lors, il leur sera impossible de satisfaire aux prescriptions de la loi en discussion, aux termes de laquelle il faut avoir suivi un cours de droit civil approfondi pendant trois ans.

Vous ne pouvez pas, sous peine de reculer d'un an ceux qui se présenteront à la session prochaine du jury ou à la session de Pâques, exiger d'eux qu'ils subissent un examen sur le droit civil et que cet examen soit mis en rapport avec un cours de trois ans.

Je demande, en conséquence, messieurs, que la disposition transitoire soit générale, comme le propose M. le ministre de l'intérieur, et qu'elle soit étendue au moins à deux sessions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à cette proposition. Nous sommes d'accord.

M. Delfosse, rapporteur. - Il faudra alors faire un article à part, qui trouvera sa place entre les articles 76 et 77.

M. le président. - On décidera ultérieurement la place que l'article doit occuper.

La disposition serait ainsi conçue :

« Les élèves qui se présenteront devant le jury pendant les deux sessions qui suivront la publication de la présente loi, pourront, sur leur demande, être interrogés conformément à la loi de 1835. »

M. Orts. - Je demanderai si cette disposition, que j'approuve entièrement, donne aux élèves la faculté de passer en une seule fois. l'examen de docteur en droit, qui est aujourd'hui divisé en deux parties?

M. le président. - Conformément à la loi de 1835.

M. Orts. - Ainsi pour la forme comme pour le fond.

- L'article est adopté.

Article additionnel

M. Deliége. - Je crois, messieurs, qu'il faut introduire ici une autre disposition transitoire : il y a des matières qui font partie de l'examen de docteur, d'après la loi de 1835, qui suivant le projet de loi en discussion ne feront plus partie non seulement de l'examen de docteur, mais encore des matières d'enseignement. Telles sont, par exemple, le droit coutumier, les questions transitoires, etc. Ces matières disparaîtront donc de l’enseignement. Il me semble qu'il serait impossible de les exiger de ceux qui passeront leur examen à Pâques, car ils ne pourront plus les suivre et étudier avec fruit, puisqu'elles ne sont plus enseignées dans les universités; je pense donc que la chambre devrait adopter une disposition ainsi conçue :

« Dans les deux prochaines sessions, les examens seront dégrevés des matières qui, d'après la présente loi, ne feront plus partie de l'enseignement. »

Il est impossible que l'élève qui passera son examen de docteur à Pâques soit interrogé sur des matières qui ne seront plus enseignées dans les universités.

M. le président. - Je mettrai aux voix le principe de cet amendement. On pourra ensuite s'occuper de la rédaction.

M. Devaux. - Je ne m'oppose pas au principe de l'amendement, mais il faudra le rédiger avec précaution. Il est vrai que des matières disparaissent, mais souvent elles sont remplacées par d'autres et ne disparaissent que nominalement.

Il faudra qu'au deuxième vole on revoie aussi ce qui concerne le tarif. La loi institue plusieurs examens spéciaux ; quelques-uns ne devraient pas être payés, mais d'autres devront l’être; il faudra préparer une disposition à cet égard.

M. Delfosse, rapporteur. - Lorsqu'on veut que les élèves puissent être interrogés conformément à la loi de 1835, on doit vouloir que dan- ce cas ils payent d'après la loi de 1835; c'est la conséquence.

M. Orts. - Voici un paragraphe final que j'ai l'honneur de proposer à la chambre et qui rend l'idée de l'honorable M. Deliége :

« Toutefois, ces élèves ne seront pas interrogés sur les matières d'enseignement supprimées sans équivalent dans la présente loi. »

- L'amendement de M. Deliége, formulé tel que vient de le proposer M. Orts, est mis aux voix et adopté.

Article 71

« Art. 71. Pour les deux sessions qui suivront la publication de la présente loi, l'examen de candidat eu médecine ne comprend point la pharmacologie cl les éléments ue pharmacie.

« Ceux qui, dans leur examen de candidat en médecine n'ont pas été interrogés sur la pharmacologie et les éléments de pharmacie sont examinés sur ces matières lors de leur premier examen de docteur.

« Pour les deux sessions qui suivi ont la publication de la présente loi, le premier examen de docteur en médecine ne comprend point l'anatomie pathologique.

« Ceux qui, dans l'examen de candidature en médecine, ont été interrogés sur l'hygiène, sont dispensés de répondre sur cette matière dans le second examen de docteur. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale.

(page 1765) - L'article 71 est adopté.

Article 72

« Art. 72. Les docteurs en médecine qui, à la date de la présente lui, ne possèdent pas les diplômes de docteur en chirurgie et de docteur en accouchements, sont autorisés à subir les examens spéciaux et pratiques sur les opérations chirurgicales et les accouchements, conformément à la loi du 27 septembre 1835. »

M. Dumortier. - Il est bien entendu sans doute que c'est pour acquérir des diplômes de docteur en chirurgie et en accouchements, que les personnes dont il s'agit dans cet article sont admises à subir des examens.

M. Delfosse, rapporteur. - Messieurs, il y a entre la loi que nous allons voter et la loi de 1835 cette différence que, d'après la loi de 1835, on pouvait obtenir séparément les grades de docteur en médecine, en chirurgie et en accouchements ; ces trois grades vont être inséparables; comme il y a des personnes qui n'ont obtenu sous la loi de 1835 que le grade de docteur en médecine , il faut bien les autoriser à obtenir les deux autres grades. C'est le but de la disposition qui est en discussion.

M. Dumortier. - Cette explication me suffit; je n'insiste pas.

- L'article 72, mis aux voix, est adopté.

Article 73

« Art. 73. Les brevets, diplômes et certificats de médecin militaire, d'officier de santé, de chirurgien de ville et de campagne délivrés en Belgique, en conformité des lois et arrêtés en vigueur avant le 1er juillet 1835, sont assimilés aux diplômes de candidat en médecine pour le cas où les titulaires voudraient acquérir le grade de docteur. Le paragraphe 2 de l'article 39 de la loi du 27 septembre 1835 ne leur est pas applicable.

- Adopté.

Article 74

« Art. 74. Les pharmaciens diplômés depuis cinq ans au moins, avant la publication de la présente loi, peuvent obtenir le grade de docteur en sciences naturelles, en subissant l'examen requis pour ce grade. Ils sont dispensés de tout autre examen préparatoire,

M. le président. - M. Lelièvre a présenté un amendement à cet article.

M. Lelièvre. - L'amendement que j'avais déposé avait pour objet d'assimiler aux pharmaciens qui seraient admis en vertu de la loi nouvelle, les pharmaciens diplômes depuis cinq ans, et cela sous le rapport des droits et prérogatives du doctorat. La chambre n'ayant pas admis cette dernière disposition, lors de la discussion de l'article 65, mon amendement devient sans objet. Je le retire en conséquence.

- L'article 74 est adopté.

Article 75

« Art. 75. Les élèves pharmaciens actuellement inscrits en cette qualité par les commissions médicales provinciales, sont autorisés à subir jusqu'au 1er janvier 1851, les examens de pharmacien devant le jury institué par la présente loi, conformément aux dispositions rendues en vertu de la loi du 12 mars 1818.

M. Delfosse, rapporteur. - Il est un point sur lequel je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

Pour devenir pharmacien, on devra subir trois épreuves ; les deux premières supposent des connaissances que possède celui qui a obtenu le grade de candidat en sciences naturelles. Quelqu'un m'a écrit pour demander que les candidats en sciences naturelles soient dispensés des deux premières épreuves imposées aux pharmaciens, qu'ils ne soient tenus, s'ils veulent devenir pharmaciens, qu'à subir la troisième épreuve.

On pourra réfléchir à ce point d'ici au second vote. C'est une réserve que je fais, pour qu'on ne m'oppose pas, lors du second vote, une fin de non-recevoir.

M. le président. - C'est entendu.

- L'article 75 est adopté.

Article 76

« Art. 76. Est dispensé de l'examen prescrit par le paragraphe 4 de l'article 65, celui qui a obtenu le titre de candidat notaire avant la publication de la présente loi. »

Plusieurs amendements sont présentés à cet article par MM. Lelièvre, de Perceval, etc.

Le premier est ainsi conçu :

« Le gouvernement pourra dispenser du grade de docteur en droit requis par l'article 66 de la présente loi, les suppléants de juge de paix et les commis-greffiers de la cour de cassation actuellement en fonctions.

Le deuxième porte :

« Celui qui, à l'époque de la publication de la présente loi réunira les conditions requises par les dispositions en vigueur pour être reçu candidat-notaire, pourra dans les six mois se faire admettre en cette qualité, conformément aux lois actuellement existantes. Dans ce cas il jouit de la dispense ci-dessus énoncée. »

Un troisième amendement, proposé par M. Dumortier, reproduit le premier en y ajoutant les greffiers de juge de paix.

M. Lelièvre. - La disposition que je propose de concert avec plusieurs de nos honorables collègues me paraît justifiée par des considérations pressantes d'équité. Des suppléants près les justices de paix sont en fonctions depuis nombre d'années. N'est-il pas juste qu'ils puissent obtenir la place du titulaire sans devoir subir les épreuves prescrites par le projet? Leur qualité de magistrats suppléants motive cette dispense. Lorsqu'ils ont été nommés pour remplacer les juges de paix, on a dû nécessairement s'assurer de leur capacité, qui est présumée avoir été constatée.

Il en est de même des commis-greffiers près la cour de cassation actuellement en exercice. Cette qualité et l'aptitude qu'ils ont acquise permettent de croire qu'ils sont à même de remplir dignement les fonctions de greffier. Je pense donc qu'il y a lieu à autoriser le gouvernement à dispenser de la nécessité d'obtenir le grade de docteur en droit les fonctionnaires auxquels s'applique mon amendement.

M. Dumortier. - J'accepte l'amendement de M. Lelièvre, il est de toute justice de faire droit à ses observations; mou amendement rentre à peu près dans les mêmes termes que le sien, avec cette différence que j'ai ajouté les greffiers de justice de paix. Ne faisons pas une loi qui ferme la carrière de juge de paix aux greffiers qui pourraient y aspirer, tout en laissant au gouvernement le droit de nommer qui il voudra. La section centrale a cherché à rendre plus facile la transition entre l'ancien système et celui de la loi nouvelle. Je demande qu'à l'amendement de M. Lelièvre et de ses collègues on ajoute les greffiers de justice de paix. Beaucoup se sont préparés à la carrière de juge de paix en prenant ces fonctions modestes; il ne serait pas juste de leur fermer cette carrière quand ils ne sont plus en âge de retourner sur les bancs de l'école.

Le gouvernement n'aura là qu'une latitude de plus pour ses choix.

Puisque vous faites des dispositions transitoires pour respecter les droits acquis, vous ne pouvez pas sans injustice refuser de les étendre aux fonctionnaires dont il s'agit.

Je me rallie donc à l'amendement de M. Lelièvre en ajoutant les greffiers de juge de paix.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le projet de la commission exigeait le grade de docteur en droit pour un plus grand nombre de fonctions que celles prévues par le projet du gouvernement; j'ai restreint les propositions de la commission. La section centrale a de nouveau restreint les propositions du gouvernement, et je me suis rallié à ces amendements ; il me serait impossible de me rallier à la proposition de M. Dumortier : autant vaudrait supprimer l'article.

Il faut réserver, dans l'intérêt de l'enseignement, à ceux qui ont dépensé leurs capitaux, leur temps et leur intelligence pour acquérir des connaissances certaines de fonctions publiques.

M. Orts. - Il faudrait supprimer les commis-greffiers près la cour de cassation, car ceux qui sont actuellement en fonctions sont docteurs en droit aux termes de la loi du 4 août 1832. Outre que la disposition transitoire à leur égard serait inutile, elle ferait croire que la chambre ne connaît pas la loi de 1832.

M. Lelièvre. - D'après l'observation de M. Orts, je consens à la suppression de cette partie de l'amendement.

- L'amendement, en ce qui concerne les suppléants de juge de paix, est mis aux voix.

Aptes une troisième épreuve déclarée douteuse, il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :

72 membres répondent à l'appel.

35 répondent oui.

37 répondent non.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. de Man d'Attenrode, de Mérode, de Perceval, Destriveaux, de Theux, d'Hont, Dumortier, Faignart, Jacques, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Mercier, Moxhon, Rodenbach, Rousselle, Thiéfry, Van Cleemputte, A. Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van Iseghem , Van Renynghe, Vilain XIIII, Ansiau, Boulez, Cools, Coomans, H. de Baillet, de Bocarmé, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, et H. de Brouckere.

Ont répondu non : MM. Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Meester, de Pilleurs, de Royer, de T’Serclaes, Devaux, d’Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, A. Dumon, Jouret, Lebeau, Le Hon, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rolin, Sinave, Dequesne, Vanden Berghe de Binckum, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Vermeire , Allard, Boedt, Bruneau, Cans, Cumont et de Breyne.

M. le président. - Reste la partie de l'amendement de M. Dumortier qui concerne les greffiers de juge de paix.

- Cet amendement est mis aux voix, il n'est pas adopté.

L'article 76 du projet est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Nous passons à l'amendement relatif aux candidats-notaires dont j'ai donné lecture.

M. Lelièvre. - Des motifs sérieux ont dicté mon amendement. Ceux qui à l'époque de la présente loi, réuniront les conditions nécessaires pour être reçus candidats-notaires, ne peuvent être astreints convenablement à se conformer aux prescriptions de la loi nouvelle. Ne devant aujourd'hui, pour obtenir ce titre que subir l'épreuve telle qu'elle est requise par les dispositions en vigueur, il est juste que la loi que nous discutons ne trouble pas cette position. Il serait peu équitable de forcer en pareil cas des jeunes gens à faire de nouvelles études et à se déplacer pour fréquenter des cours universitaires, alors que depuis plusieurs années ils se sont livrés à la partie du notariat sous la foi de la législation en vigueur. Je propose en conséquence de leur donner la faculté d'obtenir le titre de candidat-notaire pendant les six mois qui suivront la publication de la présente loi (page 1766) en se conformant aux lois existantes. Dans ce cas, ils seront aussi dispensés de subir l'examen tel qu'il est prescrit par le projet en discussion.

M. Dumortier. - Je viens appuyer ces observations. Il est évident qu'il y a des droits acquis que nous ne pouvons méconnaître. Nous ne faisons pas une loi de réaction !

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je conçois qu'il y ait des droits acquis pour les candidats qui ont subi l'examen prescrit par la loi du 25 ventôse an XI. Mais je ne puis admettre de semblables droits pour ceux qui se destinent au notariat, mais qui n'ont pas encore subi cette épreuve préparatoire.

Quelles sont les conditions nécessaires pour être admis à cet examen? Je n'en connais aucune, tout le monde peut s'y présenter. Il résulterait donc de l'amendement, s'il était adopté, que tous les jeunes gens qui voudraient se soustraire aux obligations qui leur sont imposées par le projet de loi, en auraient la faculté en se présentant à l'examen dans le délai de six mois; cet amendement paralyserait donc pendant longtemps les effets salutaires que l'on doit attendre des dispositions que vous avez adoptées; je dois donc le repousser.

M. Devaux. - Je voulais faire la même observation Nous avons reconnu que, dans l'intérêt de la société, il était utile d'exiger un examen plus rigoureux des personnes qui se destinent aux fonctions de notaire. L'amendement, en ajournant cet examen, aurait un effet contraire ; car il provoquerait les jeunes gens peu préparés à se présenter devant les chambres des notaires qui seraient d'autant plus indulgentes que la loi serait plus rigoureuse dans l'avenir. Ainsi, pendant deux ans peut-être, on appellerait à la candidature au notariat des jeunes gens moins préparés qu'aujourd'hui.

Si l'on veut rendre plus difficile la collation du grade de candidat-notaire, il ne faut pas adopter l'amendement proposé.

M. Dumortier. - Il me semble que les deux honorables préopinants perdent de vue la manière dont les choses se passent quant aux notaires.

D'ordinaire, les jeunes gens qui travaillent chez un notaire, et qui ont les années de stage exigées pour obtenir un notariat vacant, ne se présentent devant le jury que lorsqu'ils ont à en solliciter un qui soit à leur convenance.

J'ai vu des stagiaires qui étaient clercs de notaire depuis dix ou quinze ans, et qui n'avaient pas subi l'examen de candidat notaire, parce qu’aucun notariat à leur convenance ne s'est trouvé vacant. Vous allez leur fermer la carrière. Cela est-il juste? Je ne puis le croire. Laissez-leur un temps moral pour passer leur examen. Alors vous ne les prendrez pas au trébuchet de la loi. Car remarquez que cette disposition a été proposée par la section centrale. Elle n'est donc pas connue des intéressés. Fixez un délai qui leur permette de se mettre en règle.

On vous dit : Il y en aura trop. Mais les chambres de notaires apprécieront la capacité des récipiendaires. Mais s'il y a des stagiaires capables qui n'ont pas jusqu'ici demandé le grade de candidat-notaire, parce qu'ils n'en ont pas senti la nécessité, il serait injuste de leur interdire aujourd'hui la faculté de l'obtenir, parce qu'ils n'ont pas des connaissances qui jusqu'à présent n’avaient pas été exigées par la loi.

M. Lelièvre. - Messieurs, le fondement de ma proposition me paraît évident, et j'ai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire l'honorable M. Dumortier. Remarquez que pour pouvoir, dans l'état des choses, être reçu candidat-notaire, il est indispensable d'avoir l’âge requis par la loi pour être promu au notariat, et en outre il faut avoir fait le stage conformément aux lois et règlements en vigueur. Or, celui qui réunira les conditions au moment où la présente disposition sera obligatoire, a évidemment une position à laquelle l'équité ne permet pas de porter atteinte. Est-il juste, en pareille occurrence, de forcer un jeune homme à se livrer à des études nouvelles, alois qu'il a dû compter que celles qu'il a faites étaient suffisantes pour obtenir le titre de candidat-notaire ?

Du reste, ce n'est pas lorsqu'on a atteint l'âge de 25 ans et lorsqu'on a étudié la science du notariat pendant plusieurs années, ce n'est pas dans cet état de choses que l'on a dû s'attendre à voir aggraver sa position.

Je pense donc, messieurs, qu'il y a lieu d'adopter mon amendement qui a pour appui des motifs d'équité irréfragables.

M. Deliége. - Je crois qu'il n'y a pas de graves motifs pour adopter l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.

Voici pourquoi : c'est que les examens que l'on subit aujourd'hui pour être reçu candidat-notaire et ceux qui sont réglés par le projet de loi, sont à peu de chose près les mêmes. En effet, sur quoi les chambres de notaires examinent-elles aujourd’hui les aspirants au grade de candidat-notaire ? Sur le droit civil et sur les lois organiques du notarial. Aux termes du projet de loi, les examens porteront sur le droit civil, sur les lois organiques du notariat et sur les lois financières qui s'y rattachent. ; Or, en fort peu de temps, on pourra connaître les lois financières qui se rattachent au notariat, puisque le candidat-notaire doit avoir fréquenté pendant plusieurs années d'étude d'un notaire où l'on contrôle chaque jour les perceptions que font les receveurs des droits d'enregistrement , où par conséquent on doit déjà faire une certaine étude des lois financières qui ont trait à la pratique du notariat.

Je crois donc que les aspirants au notariat ne se trouveront pas dans une position telle que nous ne puissions accepter les conditions requises par le projet de loi en discussion.

- L'article additionnel proposé par M. Lelièvre est mis aux voix; il n'est pas adopté.

Article additionnel

La chambre passe à la discussion sur la disposition additionnelle proposée par M. Delfosse.

M. Delfosse, rapporteur. - Les articles dont je demande l'abrogation sont ceux qui exigent un certificat de capacité. J'ai fait remarquer précédemment que l'examen devant le jury doit tenir lieu du certificat de capacité.

M. Orts. - L'abrogation de l'article 38, si je m'en rappelle bien le texte, pourrait être dangereuse, car elle supprimerait quelque chose de plus que le certificat de capacité, c'est le certificat de moralité.

M. Delfosse. - Nous avons considéré le certificat de moralité comme tout à fait inutile : le gouvernement ne nomme à aucune fonction sans s'enquérir de la moralité de celui qui la sollicite. On n'exige pas de certificat de moralité de ceux qui se présentent pour une place de conseiller ou de juge; le gouvernement, avant de nommer à ces importantes fonctions, n'en recherche pas moins quels sont les antécédents et la conduite des candidats. Ce que le gouvernement fait pour toutes les fonctions, il le fera naturellement pour les fonctions de notaire. Il n'ira pas nommer aux fonctions de notaire un homme immoral.

- La proposition de M. Delfosse est mise aux voix et adoptée.

Article 77

« Art. 77. Les articles 64 et 65 ne sont pas applicables à ceux qui exercent ou ont acquis le droit d'exercer une fonction ou un état en vertu des lois et règlements en vigueur.

- Adopté.

Motion d’ordre

M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour adresser une interpellation au gouvernement. Je prierai M. le ministre de l'intérieur de nous dire s'il se croit en mesure d'organiser le nouveau système de jury d'examen pour le mois d'août prochain. Il faudra que le sénat ait le temps d'examiner le projet, et s'il y introduit des amendements, nous devrons revenir. Nous pourrions être amenés ainsi à adopter la disposition transitoire votée par le sénat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est impossible de fixer dès à présent le jour où la loi pourra être mise à exécution; cela dépend de la discussion et du vote au sénat; mais déjà le gouvernement prépare les mesures administratives nécessaires pour que la loi puisse être mise à exécution à la prochaine session du jury. Si la loi revenait amendée du sénat, cela deviendrait impossible, à moins qu'on ne reportât l'ouverture de la session du jury à une époque plus éloignée ; mais je crois, messieurs, que nous n'avons pas à prévoir des amendements du sénat, si surtout la loi est adoptée ici a une très grande majorité, comme l'a été le grand principe qui lui sert de base.

Maintenant j'appellerai l'attention de M. le président sur un article additionnel que j'ai présenté.

M. de Man d'Attenrode. - Il me semble, messieurs, qu'il serait prudent de voter le projet transitoire adopte par le sénat. Si le sénat n'a pas terminé à la fin du mois, nous serons obligés de revenir.

- Plusieurs membres. - Nous reviendrons.

M. Devaux. - Messieurs, c'est bien assez de ce qui s'est passé au sénat ; il ne faut pas, je crois, pour les convenances, qu’on en revienne sur ce projet de loi. Le sénat a le temps d’examiner et de voter la loi ; le sénat ne met pas, d’ordinaire, tant de temps à discuter les lois, qu'il aille épuiser le mois à terminer celle-ci. Malmenant combien faut-il de temps pour mettre la loi à exécution ? Quelles sont les mesures à prendre à cet égard ? la composition des jurys ; c’est l'affaire de 24 heures. Les locaux ; ils sont aux universités Qu'y a-t-il à faire? Quelques mesures réglementaires que le gouvernement peut préparer, de manière qu'il n'y ait plus qu'à les publier avant l'ouverture de la session du jury. Il n'y a donc rien qui doive retarder la mise à exécution du jury.

Cependant, messieurs, l'honorable M. Deliége doit, je pense, dans l'intérêt de quelques élevés, présenter un amendement qui reculerait la première session du jury a une date un peu plus avancée que celle qui est fixée dans le projet de loi.

Il y a aussi un article additionnel à voter sur les bourses qui sont actuellement accordées.

Article additionnel

M. Deliége. - Messieurs, je proposerai un article additionnel ainsi conçu :

« Par dérogation à l'article 44, la deuxième session du jury d'examen aura lieu cette année, le 21 août. »

Messieurs, aux termes de la loi de 1835, la session du jury devait commencer cette année le 21 août. D'après le projet en discussion, la session devra commencer le 6. Cette disposition peut avoir passé inaperçue de quelques étudiants, qui, par conséquent, ne seraient pas prêts pour le 6. On dira qu'il y a peu de temps entre le 6 et le 21; cependant, messieurs, un délai de 15 jours peut être précieux à la veille d'un examen.

Je crois donc qu'il est de toute justice de postposer la deuxième session du jury au 21 août prochain.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à l'amendement de M. Deliége, et je pense qu'il fait droit à l'observation de l'honorable de Man : de cette manière, le sénat aura plus de temps pour examiner la loi.

M. de Man d'Attenrode. - Je me déclare satisfait de l'amendement de M. Deliége.

L'amendement de M. Deliége est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

(page 1767) M. le président. - Voici un autre article additionnel présente par M. le ministre de l'intérieur.

« Le gouvernement pourra continuer à accorder des bourses de l'Etat aux jeunes gens qui jouissent actuellement de cette faveur, quel que soit le lieu où ils font leurs études. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article premier

M. le président. - Il reste à voter sur la première disposition qui doit être modifiée de la manière suivante par suite des changements introduits dans le projet.

« La loi du 27 septembre 1835, concernant l'enseignement supérieur, est modifiée de la manière indiquée ci-après dans les articles 3, 5, 11, 17, 19, 20, 21, 28, 30, 33, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 53, 55, 58, 59, 61, 62, 63, 65, 68, 69, 70, 71, 72 et 73; elle sera réimprimée au Bulletin officiel, avec les présentes modifications. »

Il est bien entendu que, s'il y a des erreurs, on y reviendra au second vote.

- La disposition est mise aux voix et adoptée.

Titre III. Des grades, des jurys d'examen et des droits qui sont attachés aux grades

Chapitre III. Des droits attachés aux grades
Article 68

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il y a lieu d'opérer dans l’article 68 un léger changement, qui résulte de l'introduction de la langue flamande dans l'examen de l'élève universitaire. Au lieu de dire : sur la langue allemande ou anglaise, il faut dire : sur la langue allemande, anglaise ou flamande.

- Cette addition est adoptée.

M. le président. - A quel jour la chambre entend-elle fixer le second vote ?

- Des membres. - A demain.

- D’autres membres. - A vendredi.

M. de Theux. - Je demande l'observation pure et simple du règlement ; je demande que le second vote soit fixé à vendredi.

- La chambre, consultée, fixe le second vote à vendredi prochain.

Fixation de l’ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L'ordre du jour appelle en premier lieu la discussion du projet de loi sur la restitution des intérêts des fonds provinciaux.

M. Lebeau. - Je demande que le reste de la séance soit utilisé par le vote de projets de lois qui ne doivent donner lieu à aucune controverse.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Par exemple, le crédit supplémentaire au budget des dotations.

M. Rousselle. - Messieurs, si le projet dont il s'agit, et qui figure en première ligne à l'ordre du jour, doit soulever une controverse, alors je demanderai qu'il soit mis le premier à l'ordre du jour de demain. Les conseils provinciaux sont assemblés ; ils doivent s'occuper prochainement de leur budget de 1850. Si le projet était adopté, il leur arriverait une somme qu'ils devraient prendre en considération pour la fixation de leur budget.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est bien entendu que le projet de loi dont a parlé l'honorable M. Rousselle reste en tête de l'ordre du jour de demain. (Oui ! oui!)

- La chambre, consultée, décide qu'elle passera à la délibération du projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget des dotations.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des dotations

Vote de l'article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Le crédit de 4,000 francs, ouvert à l'article 7 du chapitre IV du budget des dotations, exercice 1849, pour pension accordée et pensions à accorder éventuellement aux membres et employés de la cour des comptes, est augmenté de 3,757 francs, et fixé par conséquent à 7,757 francs.

« Cette augmentation sera prélevée sur l'excédant de ressources prévu au budget de l'exercice 1849. »

- Personne ne demandant la parole, on passe à l'appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 66 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.

Ont adopté : MM. Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Pitteurs, De Pouhon, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dumortier, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, Thiéfry, Dequesne, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Breyne, Debroux, de Denterghem, de Haerne et de Brouckere (Henri).

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics pour le canal latéral à la Meuse et les canaux de Zelzaete et Schipdonck

Discussion des articles

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Les crédits de trois millions cinq cent mille fr. (3,500,000 fr.), de deux millions (2,000,000 l'r.) et de huit cent mille francs (800,000 fr.), successivement ouverts au département des travaux publics, par les lois des 16 mai 1845, 22 mars et 18 mai 1848, pour la construction du canal latéral à la Meuse de Liège à Maestricht, ont augmentés de huit cent mille lianes (800,000 fr.) »

- Adopté.


« Art. 2. Les crédits de sept cent vingt mille francs (720,000 fr.) et de quatre cent trente-cinq mille francs (435,000 fr.), successivement ouverts au département des travaux publics par les lois du 28 mars 1847 (article 4) et du 17 avril 1848 (article 2), pour la construction de la deuxième section du canal de Selzaele à la mer, comprise entre Damme et St-Laurent, sont augmentés de quatre cent mille francs (400,000 fr.) »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Les crédits de cinq cent mille francs (fr. 500,000), de deux cent cinquante mille francs (fr. 250,000) et de quatre cent mille francs (fr. 400,000), successivement ouverts au même département par les lois du 18 juin 1846 (article 2, paragraphe premier), du 28 mars 1847 (article 2) et du 17 avril 1848 (article premier), pour la construction d'un canal de dérivation des eaux de la Lys à ouvrir entre Deynze et Schipdonck, sont augmentés de cinq cent mille francs (fr. 500,000). »

M. Dumortier. - Permettez-moi de faire observer que les crédits qu'on va adopter s'élèvent à une somme de 1,700,000 francs. Pareille chose ne devrait se faire qu'après mûr examen, en sachant avec quoi on payera. On nous parle de déficit et nous l'augmentons ; ces dépenses pourraient être ajournées à des temps meilleurs, quand les ressources du budget pourront les couvrir. Je prie MM. les ministres de nous faire connaître avec quoi ils comptent couvrir les dépenses dont il s'agit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant ne paraît pas avoir lu l'exposé des motifs du projet de loi en délibération.

Il y est énoncé que les dépenses de cette nature ont été couvertes jusqu'à présent à l'aide de ressources extraordinaires, d'emprunts définitifs ou temporaires. Le gouvernement n'a pas cru que les circonstances fussent opportunes pour continuer le même système; et le budget de 1849 présentant un exédant de recettes, on a proposé d'imputer provisoirement sur cet exédant les dépenses dont il s'agit; c'est la première fois que des dépenses de cette nature au lieu d'être payées en augmentant le déficit ou la dette consolidée, le sont à l'aide d'un excédant disponible.

L'honorable membre dit : On nous parle de déficit et on propose de l'augmenter. J'ai démontré, je pense, qu'on indique les ressources au moyen desquelles la dépense sera couverte et qu'on ne propose pas d'accroître le déficit. L'honorable membre prétend-il qu'il faille créer des bons du trésor, recourir à un emprunt? Il s'agit de travaux exécutés depuis un grand nombre d'années, de dépenses faites en exécution de la loi et qu'il est impossible de ne pas acquitter.

M. Dumortier. - J'ai parfaitement lu les développements du projet de loi, quoi qu'en dise M. le ministre, comme d'ailleurs je le fais toujours, et je n'ai rien vu qui me donne la moindre garantie quant au payement des l,700 mille francs dont il s'agit.

M. le ministre vient de dire que provisoirement on imputera la dépense sur l'excédant de 1849; mais ce provisoirement sera remplacé par un définitif; c'est le définitif que je veux connaître. Provisoirement, pour me servir d'une expression triviale, je dirai qu'on fait un trou pour en boucher un autre.

Je ne suis pas disposé à contribuer toujours à des dépenses nouvelles quand on propose des impôts nouveaux pour combler les déficits. Si nous avons un excédant, gardons-le pour réduire la somme des bons du trésor, ce sera infiniment plus sage.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de faire remarquer que l'honorable préopinant se trompe quand il dit qu'on fait un trou pour en boucher un autre.

Il s'agit d'une ressource extraordinaire que présente le budget de l'exercice 1849. Si les recettes telles qu'elles ont été arrêtées par la chambre se réalisent, il y aura des fonds suffisants pour acquitter toutes les dépenses.

- Une voix. - Si !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous ne pouvez pas raisonner autrement. Vous avez arrêté les recettes, si ces recettes se réalisent, vous avez de quoi couvrir la dépense. Il est possible, dit-on, qu'elles ne se réalisent pas : c'est pour cela que l'imputation est provisoire; si les recettes ne se réalisent pas, il sera temps alors de créer des ressources nouvelles, de revenir aux expédients anciens.

Quant à la dépense, elle n'est pas nouvelle, elle se rapporte à 1845 et 1846 ; ce sont des dépenses décrètes par la chambre, il s'agit d'exécuter des contrats passés en exécution des lois. Nous ne pouvons pas nous dispenser de le faire. On peut dire qu'il est fâcheux que ces travaux aient été entrepris sur des devis incomplets qui ont été dépassés, mais toutes ces observations ne peuvent pas faire qu'on n'exécute pas les obligation prises.

M. Van Hoorebeke. - J'avais demandé la parole pour présenter à peu près les mêmes observations que M. le ministre des finances. Il y a plusieurs années que les dépenses dont il s'agit ont été décidées ; ainsi le canal de Zelzaete a été décrété en 1842. J’ajouterai que l’année dernière, le gouvernement avait demandé 800 mille fr., la section centrale a proposé de réduire le crédit à 400,000 fr. mais il a été entendu qu’on ne le réduisait qu’à la condition que le gouvernement présenterait une nouvelle demande de crédit à la session actuelle ; pour compléter celui qu’il demandait alors. C’est sous cette réserve que le gouvernement s’est rallié à la proposition de la section centrale, la chambre et le gouvernement sont enchaînés par les engagements pris vis-à-vis des propriétaires qui ont été expropriés et qui attendent les indemnités qui leur sont dues depuis plusieurs mois.

(page 1768) M. Rousselle. - Messieurs, je crois aussi que les crédits demandés et pour le canal de Selzaete et pour la dérivation des eaux de la Lys entre Deynze et Schipdonck doivent être adoptés, parce qu'il y a des votes de principe émanés de la législature et qu'il faut exécuter.

Mais dans la loi soumise à la chambre, il y a un autre crédit. C'est celui pour le canal latéral à la Meuse. Ce canal a été décrété par une loi. Il faut aussi l'exécuter. Mais parmi les travaux qu'on nous propose aujourd'hui se trouve une partie qui me paraît préjuger la question d'exécution de la dérivation de la Meuse.

- Plusieurs membres. - C'est une erreur !

M. Rousselle. - Si je me trompe, je prie la chambre de m'excuser. Je ne m'attendais pas à ce que cet objet, qui était le neuvième à l'ordre du jour, fût mis aujourd'hui en discussion.

Mais j'ai lu, dans l'exposé des motifs, qu'on faisait un travail pour se relier à la dérivation de la Meuse.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre est dans l'erreur. C'est une question qui a été décidée en 1846.

M. Rousselle. - Cependant, je lis dans l'exposé des motifs :

« Le tableau ci-annexé, n°1, établit quelles sont, à la date de ce jour, les sommes payées et les engagements pris, tant en ce qui concerne les parties belge et néerlandaise du canal, qu'en ce qui concerne le redressement de la Meuse au droit de Coronmeuse, entrepris dans le but de mettre l'embouchure du canal latéral en harmonie avec le projet de dérivation de ce fleuve. »

Ainsi, vous préjugez dans l'exécution de vos travaux qu'on fera la dérivation de la Meuse.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Nullement !

M. Rousselle. - Je demande une explication sur ce point; car je désire qu'on remplisse les engagements contractés, mais qu'on n'en prenne pas d'autres.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Comme le dit l'exposé des motifs, les travaux ont été modifiés de manière à pouvoir s'harmoniser avec la dérivation de la Meuse, dans la supposition que la dérivation s'exécute un jour, Mais cette modification ne préjuge nullement la question de la dérivation. Cette question reste entière.

M. Rousselle. - Je suis satisfait de cette explication.

M. Dumortier. - Quand j'ai pris la parole tout à l'heure, mon intention n'a été nullement de chercher à empêcher la chambre de remplir les engagements pris par les lois antérieures. Mais ce qui me paraît déplorable, c'est qu'en matière de travaux publics nous ayons toujours été induits en erreur par les plans qui nous ont été présentés.

J'ai toujours regretté, je regrette et je regretterai toujours cette manière de faire.

Ainsi, quand on a présenté le projet de loi relatif à la construction du canal latéral à la Meuse, le devis n'était que de 5,500,000 francs. Les dépenses faites jusqu'à ce jour s'élèvent à 7,531,711 fr. 35 c, c'est-à-dire à plus du double. Je demande si de pareilles choses continueront à se faire en Belgique, si l'on continuera de présenter des projets de loi de dépenses qui s'élèvent ensuite à plus du double.

Je l'ai déjà dit, je voudrais que l'on fît un petit bout de loi portant que tout ingénieur dont le devis serait dépassé de 25 p. c. serait destitué sans droit à la pension. C'est le seul moyen d'empêcher les ingénieurs de tromper les ministres et par suite les chambres; car les ingénieurs trompent les ministres, qui sans le vouloir induisent les chambres en erreur.

Il faut faire autre chose encore. Quand vous avez voté un projet de loi de dépense de trois millions et demi, on vient vous dire : Vous vous êtes engagés à faire ces travaux; il faut bien les payer, quel que soit le chiffre auquel s'élève la dépense.

Je dis que vous ne vous êtes pas engagés à pareille chose, que vous vous êtes engagés à l'exécution des travaux jusqu'à concurrence d'un chiffre déterminé et non pour un chiffre indéterminé.

Dans l'espèce, un ingénieur hollandais fait la dépense comme il l'entend; cela ne doit pas être.

Je pourrais citer tel projet présenté à la chambre avec un chiffre extrêmement bas et qui, en définitive, a coûté des sommes énormes. Il est des travaux qui ont coûté à l'Etat 30 millions, et qui ont été présentés comme ne devant coûter que 2,283 mille francs. Je demande si un tel état de choses peut durer. Je demande qu'une bonne fois ces vérités soient entendues et qu'on ne laisse plus le trésor public à la merci des ingénieurs. Car si cet état de choses était maintenu ce ne serait plus vous, ce seraient, en réalité, les ingénieurs qui voteraient le budget.

M. Mercier. - Les travaux dont il est question dans le projet de loi sont en cours d'exécution ; ils sont même sur le point d'être achevés. Il est donc impossible de refuser les crédits demandés. Cependant, je ne puis m'empêcher de déplorer qu'un ingénieur de l'Etat fasse des devis aussi inexacts. Pour le canal latéral à la Meuse, le devis était de 3,500,000 fr. De l'aveu de M. le ministre des travaux publics, la dépense s'élève déjà à 7,431,711 fr. 33 c; elles s'élèveront probablement à un chiffre plus élevé.

J'ai de la peine à croire que l'ingénieur chargé de ce travail ne soit pas répréhensible. J'engage le gouvernement à se faire rendre un compte exact du véritable état des choses; il ne faut pas que la chambre puisse être trompée dans une proportion aussi énorme. On comprend une différence de 25 p. c. Mais de 100 p. c. et plus! c'est ce qui ne me parait pas excusable.

M. de Man d'Attenrode. - Demandez une enquête.

M. Mercier. - J'ai assez de confiance dans le gouvernement pour être persuadé qu'il la fera. Une justification complète est indispensable.

M. le ministre des finances, en répondant tout à l'heure à l'honorable M. Dumortier, a cru devoir faire observer que c'est la première fois qu'une dépense extraordinaire de cette nature est imputée sur des crédits ordinaires. Je ferai remarquer, à mon tour, que si nous n'avions pas introduit dans le mode de comptabilité un changement qui a mis 3,700,000 francs à sa disposition, le gouvernement aurait été obligé de demander la création de bons du trésor pour le crédit de 1,700,000 fr. qu'il sollicite; car il n'aurait pas ces 3,700,000 francs à sa disposition.

Je n'en fais pas un crime à M. le ministre des finances. Je fais seulement remarquer que, comme il fallait bien faire face à cette dépense, il l'aurait fait au moyen de bons du trésor, sans cette circonstance, c'est-à-dire qu'il aurait été obligé de suivre la voie ouverte avant son entrée au ministère.

(page 1170) M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - L'excédant de la dépense du canal latéral à la Meuse sur le devis n'est pas chose nouvelle pour la chambre. Il lui a été annoncé, l'année dernière, lorsqu'un crédit de 3,640,000 fr. a été demandé pour y pourvoir. Les mêmes observations furent produites. Le gouvernement alors, spontanément, avant aucune explication demandée, énuméra les causes de cet excédant de dépenses., J'ai sous les yeux l'exposé des motifs qui accompagna à cette époque la présentation du projet de loi.

Ainsi, dès le commencement de l'année dernière, il était dans les prévisions du gouvernement; et la chambre a parfaitement su que le canal latéral à la Meuse coûterait non pas 3,500,000 fr., mais au-delà de 7 millions de fr., 7 millions et environ 200.000 fr.

Depuis ce temps une modification a été faite. Elle a été faite dans le but que les travaux qui s'exécutent maintenant au droit de Coronmeuse pussent être utiles, même dans la supposition que la dérivation s'exécutât. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, la question de la dérivation n'a nullement été préjugée par le fait de cette modification, qui a d'ailleurs été consentie par la chambre.

Je n'ai donc pas à revenir, quant à moi, sur le passé. Cependant je n'hésite pas à dire que, si je pouvais maintenant encore constater que l'excédant de la dépense est dû à une infidélité ou même simplement à une imprévoyance de l'ingénieur qui a fait le devis, je n'hésiterais pas à sévir contre lui.

Messieurs, il ne faut pas que la chambre se fasse illusion sur le montant de la dépense. La dépense ne sera pas seulement de 7,474,000 fr.; elle est annoncée dès aujourd'hui comme devant s'élever à 7,531,000 fr., et je me hâte de dire que, malgré tous mes soins, malgré toutes les lumières dont je me suis entouré, je n'oserais pas garantir que là s'arrêtera le chiffre définitif.

Les raisons pour lesquelles je me tiens dans ce doute ont été exposées à la commission qui a examiné le projet de loi. Il est impossible de dire avec une parfaite certitude à quelle somme la dépense pourra s'élever. Seulement l'ingénieur chargé de l'exécution de ces travaux dit que le chiffre de 7,531.000 fr. qu'il pose se rapprochera beaucoup du chiffre définitif. Je ne puis en dire davantage.

Je tiens également à constater que les reproches qui ont été articulés tout à l'heure ne peuvent certainement s'adresser ni à moi, ni à mon prédécesseur. On ne peut nous faire un reproche de ce que des devis qui remontent à 4 ou 5 ans auraient été en dessous de la dépense réelle. Le seul reproche qu'on pourrait articuler contre nous, et je défie qui que ce soit de le produire, c'est que nous aurions, ou moi ou mon prédécesseur, consenti légèrement à une dépense qui mettrait aujourd'hui la chambre dans la nécessité de voter des crédits nouveaux. Je dis que je défie qui que ce soit de produire un fait de cette nature.

Voilà quant au canal latéral à la Meuse.

J'arrive aux deux autres canaux.

Pour le canal de Zelzaete, nous avons des données certaines. La dépense dépassera l'évaluation des devis de 63,000 fr. environ. Mais il n'y a de ce chef, je dois le dire pour la défense de l'ingénieur chargé de l'exécution de ces travaux, aucun reproche à diriger contre lui. Là où il y a un excédant de dépense, il a dû être en dehors de ses prévisions ; il provient en grande partie de ce que les emprises ont été payées plus cher que les évaluations qui avaient été faites.

L'excédant pour le canal de Schipdonck est beaucoup plus considérable. Mais il y a plus de 200,000 fr. à ajouter aux évaluations des emprises qui ont été faites pour l'exécution de ce canal. L'ingénieur en chef avait calculé l'hectare de terrain en moyenne à 5,000 fr., et il avait porté une somme assez notable, 74,000,fr., si je ne me trompe, pour dépenses imprévues et pour payer les constructions qui auraient pu tomber dans la ligne du canal. Cependant ces prévisions ont encore été dépassées. Mais lorsque des propriétaires ont reçu 60 fois le revenu cadastrât, on ne peut faire un reproche à l'ingénieur d'être resté en deçà du chiffre définitif de la dépense.

Quant aux excédants des travaux d'art, ils sont tout à fait justifiés. Ainsi, en exécutant le canal on a découvert que le terrain ne présentait pas assez de solidité pour qu'on pût exécuter les travaux d'art sans pilotis ; première dépense qui était en dehors des prévisions. Ce n'est qu'en exécutant le canal qu'on a pu reconnaître cette nécessité.

Il y a ensuite un barrage à Deynze, qui a été ordonné par le conseil des ponts et chaussées et qu'on pourra peut-être économiser.

Ce sont là des dépenses qui ont pu et dû être en dehors des prévisions de l'ingénieur, qui ont été ordonnées depuis, et dont on ne peut pas lui faire un reproche.

(page 1769) M. Vilain XIIII. - J'ai une observation à présenter à la chambre relativement au canal latéral a la Meuse, car il ne faut pas, pour l'honneur de la Belgique, qu'on puisse croire que le corps des ponts et chaussées ait eu une imprévoyance assez grande pour se tromper de moitié sans raison.

Lorsque les devis de ce canal ont été produits à la chambre en 1845, la convention avec les Pays-Bas n'était pas encore faite. La chambre sait que le canal latéral à la Meuse traverse le royaume des Pays-Bas et la ville de Maestricht sur un espace de trois quarts de lieue environ. Cotte convention n'étant pas faite, l'ingénieur qui avait fait les devis ne pouvait pas savoir que le gouvernement des Pays-Bas exigerait que tous les travaux sur son territoire fussent exécutés sous la direction du waterstaat hollandais et par des ouvriers hollandais. Le gouvernement belge n'a pas pu mettre ces travaux en adjudication ; il a été forcé de les donner à forfait à un ou deux entrepreneurs, à qui il a dû payer un très haut prix.

La direction du canal n'était pas même complètement tracée sur le plan primitif. On devait longer la Meuse. Des obstacles se sont présentés, et il a fallu traverser toute une rue de la ville de Maestricht, acquérir toutes les maisons de cette rue, les payer à une très grande valeur, au double peut-être de ce qu'elles valaient réellement et les démolir complètement pour créer le canal.

Cette rectification de tracé a augmenté la dépense d'un million de francs.

Voilà des détails qui me reviennent à l'esprit parce que je demeure dans les environs de Maestricht et qu'il m'a paru utile de rappeler.

M. Cools. - J'ai fait partie de la commission qui a examiné la demande de crédit dont nous nous occupons en ce moment. Je me suis rallié à la majorité de la commission, parce qu'il s'agit de travaux décrétés depuis longtemps, que la dépense est indispensable et qu'ainsi il n'y a pas lieu de refuser les fonds. Mais je dois dire que je ne l'ai fait qu'à mon corps défendant ; car il se présente dans cette affaire des faits très singuliers, et je me joins à l'honorable M. Mercier pour engager M. le ministre des travaux publics à fixer son attention sur ces travaux, spécialement en ce qui concerne le canal latéral à la Meuse.

Certainement il n'entre pas dans mes intentions, il n'entre dans les intentions de personne dans cette chambre de déverser le moindre blâme sur le ministère actuel ni sur son prédécesseur; mais en fait de travaux publics ce n'est pas seulement la responsabilité personnelle des ministres qui est engagée ; MM. les ministres répondent aussi pour leurs subordonnés.

Il y a, dans les travaux qui concernent le canal latéral à la Meuse, une partie à l'égard de laquelle nous ne pouvons pas nous montrer trop sévères, C'est la partie qui s'exécute sur le territoire hollandais ; à cet égard les observations de l'honorable M. Vilain XIIII sont très fondées ; mais la moitié des travaux se fait sur le territoire belge, et là il y a également des différences inconcevables entre les devis et les sommes dépensées. Ainsi, par exemple, je n'ai pas les pièces sous les yeux parce que je ne m'attendais pas à ce que la discussion eut lieu aujourd'hui, mais j'ai remarqué que pour l'évaluation des terrains, on paraît s'en être rapporté à une estimation faite par M. Van Goudriana, ingénieur hollandais, en 1828 ou en 1829 ; or la valeur des terrains a considérablement varié depuis cette époque ; et des terrains évalués à 1,000 fl. ont été achetés pour 12,000 et 15,000 fr. Tout cela a été trouvé tellement irrégulier que l'année dernière la commission n'a voulu accorder qu'une partie des fonds demandés, et qu'elle a engagé le gouvernement à fournir l'année suivante des renseignements plus détaillés, parce qu'il y avait des faits qui appelaient une investigation minutieuse.

Eh bien, messieurs, cette année les faits sont tout aussi obscurs, tout aussi extraordinaires qu'us l'étaient l'année dernière, car les renseignements fournis depuis lors n'apprennent rien. Pourquoi demande-t-on un crédit? Le gouvernement déclare positivement que c'est pour des dépenses faites ou pour des engagements pris, et on vient présenter cette demande, quand? Dans les derniers jours de la session! Ainsi, l’administration se contente de nous adresser sa demande la veille de notre départ, et elle n'a pas trouvé un seul jour pour nous exposer l'affaire dans tous ses détails, pendant les huit mois que nous avons été réunis? Il me semble cependant que l'affaire était assez importante pour qu'on mît la chambre à même de s'en occuper plus à loisir et qu'on ne la pressât point, au dernier moment, de voter un crédit de deux millions.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, l'honorable préopinant est complètement dans l'erreur. Les faits qu'il donne comme nouveaux, comme résultant des documents que j'ai mis sous les yeux de la commission chargée de l'examen du projet de loi, ne sont autres que les faits énoncés dans l'exposé des motifs de l'année dernière. (Interruption.) On dit que, depuis l'année dernière, il s'est révélé des mécomptes beaucoup plus extraordinaires que les précédents. On se trompe, puisque, dès l'année dernière, il a éte porte à la connaissance de la chambre que la dépense du canal latéral s'élèverait à plus de sept millions de francs. Quoi qu'il en soit, l'administration présente est assurément bien innocente de ces mécomptes, puisqu'elle n'a pas fait exécuter d'autres travaux que ceux qui ont été adjugés antérieurement, sauf les modifications dont il a été parlé tout à l'heure et dont il n'est pas résulté une notable aggravation de dépenses.

Je ne veux pas, messieurs, justifier l'excédant des dépenses réelles sur les évaluations ; mais, je le répète, les causes de cet excédant ont été déduites dès l'année dernière. Aujourd'hui nous ne venons pas vous demander des fonds pour des dépenses nouvelles ; ce que nous vous demandons, c'est un à-compte pour payer des dépenses dont la cause remonte à des années.

Quant aux ouvrages d'art du canal de Zelzaete et du canal de Schipdonck, à la construction desquels les crédits demandés sont destinés à subvenir en partie, ces ouvrages ont été dans la prévision de tous. Ils sont la conséquence nécessaire, forcée, du creusement même de ces canaux ; et l'excédant que présentent ces derniers sur l'évaluation primitive, est parfaitement justifié. Les éclaircissements donnés par l'ingénieur en chef de la Flandre orientale, chargé de l'exécution de ces travaux, sont tout à fait satisfaisants; ils ne laissent rien à désirer et, à mes yeux, cet ingénieur ne mérite aucun blâme.

On a dit que si le crédit qui a été demandé l'année dernière, à la chambre, n'a été accordé qu'en partie, c'est parce que la chambre a voulu se réserver d'examiner de plus près la cause de l'excédant. C'est une erreur, messieurs, cette considération a été tout à fait étrangère au vote de l'année dernière. Ce qui a déterminé la chambre, c'est qu'elle n'a pas voulu augmenter le chiffre de l'emprunt forcé; c'est pour cette raison, et pour cette raison seulement, qu'elle s'est contentée de voter les sommes immédiatement nécessaires pour les dépenses les plus pressées. C'est encore ce que nous vous proposons de faire aujourd'hui, car il résulte clairement de notre exposé de motifs que nous ne demandons plus les sommes nécessaires pour payer toutes les dépenses relatives à ces travaux, mais seulement les sommes qui sont indispensables jusqu'à la session prochaine. Je fais cette observation, pour que plus tard on ne soit pas étonné d'une nouvelle demande de crédit, comme on semble l'être aujourd'hui.

M. Mercier. - Je ne pense pas que M. le ministre des travaux publics ait pu inférer de mes paroles que mon intention ait été d'adresser un reproche quelconque au gouvernement à l'occasion de l'objet qui est en discussion.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Nullement.

M. Mercier. - Je voterai les crédits demandés pour les divers travaux mentionnés dans le projet de loi ; je déclare cependant que les explications données par le gouvernement sont loin de m'avoir convaincu qu'il n'y a pas eu, de la part des agents charges de l'instruction de cette affaire, une excessive imprévoyance; ce n'est certes ni leur fidélité, ni leur probité que l'on a mises en cause; mais en présence des faits, il est permis de croire, jusqu'à preuve contraire, qu'il y a eu une inconcevable incurie dans l'étude des travaux à exécuter et dans l’établissement du devis du canal latéral à la Meuse.

On vient de citer des travaux extraordinaires et très coûteux sur le territoire néerlandais. Le gouvernement, de son côté, est entré dans quelques détails pour démontrer la nécessité des crédits demandés pour l'achèvement du canal. Mais avec une ferme volonté de présenter un devis sérieux et conforme à la vérité, n'eût-on pu prévoir au moins une grande partie de ces travaux extraordinaires?

Les ingénieurs chargés du devis n'ont-ils pas adopté aveuglément un travail fait il y a nombre d'années par un ingénieur hollandais ? Une erreur considérable de nivellement de 50 centimètres a été commise; on n'a pu utiliser comme on l'avait cru, l'écluse actuelle de prise d'eau dans Maestricht; une autre erreur encore a été faite en supposant la possibilité de faire usage d'une des arches du pont de la Meuse. Dans le devis communiqué aux chambres, il est dit qu'on s'est livré à l'étude des localités, notamment en 1842 et encore en 1844 ; en présence de cette déclaration, les chambres pouvaient-elles supposer qu'on se référait purement et simplement, pour les travaux à effectuer dans les Pays-Bas, à un ancien devis dont personne n'est responsable en Belgique? Non, le devis est présenté comme appartenant exclusivement à l'ingénieur qui l'a formé. Enfin, est-il excusable de n'évaluer le prix des emprises, expropriations et indemnités qu'au tiers de la dépense réelle? Je n'entends pas prononcer ici un jugement absolu ; je demande à être éclairé. Dans des affaires aussi graves, qui affectent les finances de l'Etat et la responsabilité des chambres, il ne faut pas qu'il y ait eu mauvaise intention pour qu'un blâme soit mérité ; il suffit qu'il y ait eu légèreté et incurie de la part des agents, auteurs du devis qui a été la base de la proposition du gouvernement et de la décision des chambres.

Je désire donc que le gouvernement procède à une nouvelle enquête et que des explications plus complètes soient données aux chambres sur chaque catégorie de dépense du canal latéral à la Meuse, au point de vue des observations que je viens de présenter.

- Plusieurs membres. - Aux voix, aux voix! la clôture!

M. Coomans. - Un mot encore, messieurs. (Interruption.) Plusieurs millions sont en jeu; on a prononcé de longs discours sur des objets de moindre importance. Je ne m'étonne pas de cette demande de crédits supplémentaires: j'aurais été beaucoup plus surpris qu'il n'y en eût pas eu, car les devis des ingénieurs et les crédits demandes ont toujours été inférieurs à la dépense, depuis qu'il y a des ingénieurs et des bâtisseurs. Rien n'est plus clair dans l'histoire. Mais, messieurs, dans ces faits, il y a deux leçons à recueillir, et elles nous coûtent assez cher pour mériter les honneurs de l'insertion au Moniteur. D'abord, c'est que le corps des ponts et chaussées est fort inutile; c'est un bataillon à supprimer dans notre armée de fonctionnaires publics; les constructions difficiles se font parfaitement en Angleterre, aux Etats-Unis, ces pays peuvent même nous fournir des modèles à cet égard, et cependant ils n'ont pas de corps des ponts et chaussées.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les devis y sont aussi dépassés.

M. Coomans. - Cela est bien convenu, M. le ministre. Tous les devis sont faux dans les cinq parties du monde. Mais aux Etats-Unis l'Etat ne (page 1770) donne pas de gros appointements aux savants qui le trompent. Enfin, la deuxième leçon à tirer de tout ceci, c'est que les devis sont également inutiles. Ils ne servent le plus souvent qu'à induire la législature en erreur, à lui faire décréter des travaux qu'elle n'autoriserait pas, si elle en connaissait exactement la portée financière.

Le moins ingénieux des ingénieurs privés ne se serait pas trompé aussi grossièrement que les ingénieurs officiels. Je vous déclare, sans beaucoup d'amour-propre, que j'aurais pu, moi profane, faire même de semblables devis. Quoi ! l'on nous demande 3 et l'on dépense 9 ! Souvent la proportion est plus forte encore. Dorénavant la chambre devra y prendre garde, avant d'accorder sa confiance aux devis et à ceux qui les dressent. Les mécomptes ont été trop nombreux et trop graves pour qu'il soit excusable de se laisser égarer encore.

- La discussion est close.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

Article 4

« Art. 4. Ces augmentations de crédits seront couvertes au moyen de l'excédant de ressources prévu au budget de l'exercice 1849. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

On passe à l'appel nominal pour le vote sur l'ensemble du projet de loi.

En voici le résultat :

58 membres répondent à l'appel.

51 répondent oui.

3 MM. de Meester, de Bocarmé et Ansiau, répondent non.

4 MM. de Man d'Attenrode, Dumortier, Jacques et de Mérode, s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Man d'Attenrode. - Il m'a été impossible de m'associer à une demande de crédit, qui tend à continuer à mettre le trésor belge à la merci du génie hollandais.

Je n'ai pas voulu rejeter le projet, puisqu'il s'agit d'achever une entreprise ruineuse, contre laquelle j'ai voté dans ce principe.

J'entends parler du canal latéral à la Meuse.

Je me suis donc abstenu.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai déclaré tout à l'heure que je ne pouvais pas m'opposer à des dépenses qui étaient la conséquence de contrats ; d'un autre côté, j'ai dû m'abstenir, en présence des chiffres qui excèdent les devis d'une manière aussi effrayante.

M. Jacques. - Si j'avais été appelé à me prononcer sur les grands travaux pour lesquels le gouvernement demande aujourd'hui des crédits complémentaires, il en est que je n'aurais pas approuvés. Aujourd'hui il s’agit de continuer ces travaux ; les crédits sont nécessaires. Je me suis donc abstenu.

M. de Mérode. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

Ont voté l'adoption : MM. Delescluse, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, De Pouhon, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Frère-Orban, Dumon, A. Jouret, Lange, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mercier, Orts, Prévinaire, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, Thiéfry, Dequesne, Van den Berghe de Binckum, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Anspach, Boulez, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, H. de Baillet, de Breyne, H. de Brouckere, de Haerne et Verhaegen.

- La séance est levée à 4 heures et demie.