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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 25 juin 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1675) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Chrétien Pastor, demeurant à Liège, né à Francfort, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conseil communal de Stokheim réclame l'intervention de la chambre pour que la commune de Grevenbicht fasse, avec le hameau de Bayen, qui en a été séparé, le partage des biens communaux et du bureau de bienfaisance. »

M. Julliot. - Messieurs, une pétition pareille à celle-ci nous est déjà venue de la commune de Vroenhoven. Les fractions belges des communes passées à la Hollande sont à peu près toutes dans cette position défavorable, c'est-à-dire que la fraction hollandaise a tout conservé, tandis que, d'après la législation belge et même la législation hollandaise, d'accord sur ce point, le partage des biens communaux, des biens des pauvres et de ceux des fabriques d'églises devait être fait d'après le nombre des foyers de chaque fraction de commune. Le traité est exécuté depuis dix ans, et les communes hollandaises possèdent encore le tout. Il est plus que temps que cela finisse; il est même à prévoir que, dans la commune qui nous occupe, il y aura tôt ou tard un conflit violent entre les habitants des deux rives. Il est pénible, pour les nôtres, de voir les habitants de la rive droite exercer des droits de maître absolu sur notre territoire. Si ce conflit, que je crois imminent, arrivait, les embarras seraient bien plus graves. Il y a environ trois semaines, M. le ministre des affaires étrangères a répondu à mon honorable ami et collègue, M. de Renesse, qu'on négociait; mais je voudrais savoir depuis quand on négocie et où, en définitive, est arrivée cette négociation; car, avec de la bonne volonté de part et d'autre, et surtout avec une législation uniforme dans les deux pays, il me semble qu'on doit pouvoir s'accorder sans même se mettre en frais de grands efforts diplomatiques.

Je propose le renvoi à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi relatif à la délimitation des communes de Geerdingen, Brée et Reppel

Rapport de la commission

La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Projet de loi qui modifie la loi du 27 septembre 1835, sur l'enseignement supérieur

Discussion des articles

Note du webmaster. Par souci de lisibilité, les articles discutés ont été répartis dans la présente version numérisée en fonction des titres et chapitres de la loi organique telle qu'elle a été réimprimée (voir Pasinomie, année 1849, pp. 356 et suivantes. Les Annales parlementaires ne mentionnent pas ces titres et chapitres)

Titre III. Des grades des jurys d'examen et des droits qui sont attachés aux grades

Chapitre I. Des grades et des jurys d'examen
Article 36

M. le président. - La chambre a fermé, dans la séance de samedi dernier, la discussion générale du projet de loi sur l'enseignement supérieur, et elle a décidé que la discussion des articles commencerait par l'article 36. L'article 36 est ainsi conçu :

« Art. 36. A l'article 36 est ajoute le paragraphe suivant : Il y a de plus un grade de docteur en sciences publiques et administratives. »

- Adopté.

Article 37

« Art. 37. A l'article 37 est ajoute un premier paragraphe, ainsi conçu : Nul n'est admis à l'examen de candidat en philosophie et lettres ni à celui de candidat en science, s'il n'a obtenu le titre d'élève universitaire et si, depuis l'obtention de ce titre, il ne s'est écoulé une année académique.

M. Dechamps. - Messieurs, il me semble qu’il serait logique d’ajourner la discussion de l’article 37 après la discussion de la question du jury, à laquelle se rattache évidemment celle de la création du grade d'élève universitaire. Selon que la formation du jury présentera ou non des garanties suffisantes, on pourra admettre ou ne pas admettre le grade d'élève universitaire. Dans plusieurs sections, au moins dans la mienne, on a procédé de cette manière, on a ajourné après la discussion relative au jury l'article qui institue le grade d'élève universitaire.

M. Delfosse, rapporteur. - Je ne vois pas, messieurs, qu'il soit plus logique de voter sur l'article 37 après l'article 40 que de voter sur l'article 40 après l’article 37. Le vote de l'article 37 laissera intacte la question de la formation du jury d'examen. On peut varier sur la question de savoir comment on composera le jury, alors qu'on serait d'accord sur la création du grade d'élève universitaire.

M. de Haerne. - Messieurs, je croyais qu'il avait été décidé samedi qu'on aborderait d'abord la discussion de l'article 40. (Non'. Non !) La discussion a roulé particulièrement sur la composition du jury. Or, il s'agit dans l'article 37 de la question de savoir si l'on admettra le grade d'élève universitaire.

Dans l'esprit d'un grand nombre de membres de cette chambre, l’institution de ce grade peut être très utile, si tant est que le jury, qui sera chargé de le conférer, soit bien composé; mais s'il n'en est pas ainsi, ce peut être une institution fort dangereuse, parce que non seulement elle introduit une difficulté quant à l'admission des élèves dans les universités, mais parce qu'elle doit exercer encore une grande influence sur les établissements d'instruction moyenne.

Par ces motifs, et pour qu'il n'y ait de surprise pour personne je pense qu'il vaut mieux postposer l'article 37. Il n'y a d'ailleurs aucun inconvénient à agir ainsi.

M. Dechamps. - Messieurs, je suis favorable en principe à la création du grade d'élève universitaire, mais à une condition, c'est de savoir quels seront les principes qui présideront à la formation du jury chargé de conférer ce grade. J'adopterai la disposition, si le jury qu'on établira me donne des garanties; sinon, je la rejetterai. Mon vote sur le grade d'élève universitaire est donc subordonné à la manière dont le jury sera composé.

Je sais bien qu'il nous resterait une ressource, ce serait de rejeter au second vote le grade d'élève universitaire, si la question du jury n'était pas résolue conformément à notre opinion. Mais c'est là un moyen auquel je pense que la chambre doit nous dispenser d'avoir recours.

L'honorable M. Devaux nous avait dit dans la dernière séance qu'il fallait autant que possible voter les articles dans l'ordre de la discussion générale, telle qu'elle avait été dirigée. Or, on avait agité la question des jurys en dernier lieu; il convient donc qu'on en vienne maintenant aux détails de cette institution.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la question du grade d'élève universitaire est indépendante de la formation du jury. If s'agit de décider si la création de ce grade est utile en elle-même. Quand cette innovation aura été décidée, il restera à discuter le mode de créer l'élève universitaire au moyen d'un jury. A cet égard les opinions sont réservées. L’honorable M. Dechamps ne sera pas considéré comme étant lié à la création du grade d'élève universitaire, s'il arrive que la création du jury ne lui convienne pas. On ne prendra pas contre lui acte de son vote.

M. Delfosse, rapporteur. - Messieurs, la marche qu'on propose de suivre est contraire à celle qui a été suivie en 1835; en 1835 on a voté d'abord l'article 36 portant : « Il y a pour la philosophie et les lettres, les sciences, le droit et la médecine, deux grades, celui de candidat et celui de docteur. » Ce n'est qu'ensuite qu'on s'est prononcé sur la composition du jury d'examen.

M. Dechamps. - Je n'insiste pas.

M. de T'Serclaes. - La création du grade d'élève universitaire a pour but de remédier aux inconvénients qui ont été observés depuis plusieurs années, de l'absence de conditions pour l'admission des jeunes gens aux universités de l'Etat. Le mal a été signalé au gouvernement et aux chambres, il y a onze ans, et depuis lors, les hommes les plus compétents sur la matière, quoique appartenant à des opinions divergentes, sont unanimement d'accord sur la nécessité de relever les études universitaires, en les dégageant de ce qui appartient proprement à l'enseignement du second degré.

La mesure qui nous occupe a donc rencontré une approbation générale parmi les membres du corps enseignant : en principe, elle a été accueillie avec faveur dans la chambre, presque tous les orateurs qui ont pris la parole dans la discussion générale lui ont donné leur assentiment. Je ne m'attends donc point à ce qu'elle rencontre une opposition sérieuse, et pour mon compte, malgré les graves objections qui se présentent à mon esprit, je ne me propose pas de la combattre. Mais je crois pouvoir exposer à la chambre mes doutes sur l'application du principe, et sur l'opportunité de la déterminer par la loi actuelle.

La mesure est générale, elle s'applique aux élèves sortis de l'enseignement privé, comme à ceux qui ont été formés par les établissements créés ou subventionnés par l'Etat : indirectement et de par la loi elle interdit l'accès non seulement des universités de l'Etat, mais aussi des universités libres, à ceux qui ont succombé dans cette première épreuve. N'est-ce pas aller trop loin ? Le gouvernement n'entre-t-il pas trop avant et pour sa propre dignité, et pour l'utilité de de tous, dans la gestion du haut enseignement libre ? On l'a dit avec beaucoup d'autorité dans la discussion générale ; il y a un danger réel et pour l'Etat et pour la société, (page 1676) à ce que l'administration s'immisce ainsi dans la direction des intérêts intellectuels du pays.

Nous ne vivons, nous ne nous soutenons en Belgique que par la pratique sincère et le développement naturel d'une entière liberté. Les écarts de la liberté sont plus souvent annulés par le caractère national, ou frappés de stérilité par l'opinion publique, qu'ils n'ont été efficacement empêchés par des lois préventives. Le danger que je signale dans l'institution nouvelle est plus ou moins éventuel; mais il mérite, ce semble, d’attirer toute votre attention.

En second lieu, la création du grade d'élève universitaire, l'honorable M. Dechamps vous l'a dit, c'est la constitution du jury de l'enseignement moyen: l'avenir des institutions libres d'enseignement moyen est ici directement en jeu. Est-ce le moment, à l'occasion d'une loi sur les universités, de préjuger l'une des plus importantes questions que peut soulever l'organisation de l'enseignement secondaire ? L'examen pour le grade d'élève universitaire est, et sera toujours, le dernier acte du cours des humanités; il ferme la carrière du second degré de l'instruction publique : beaucoup d'élèves après avoir obtenu ce grade s'arrêteront dans leurs études, pour se livrer aux travaux de la vie active. Il me semble juste et rationnel qu'il soit réglé d'après les principes et le mode qui seront ultérieurement déterminés pour l'organisation définitive de l'enseignement moyen. D'ici là, il convient de s'abstenir.

Si cependant les abus dont le corps professoral s'est plaint nécessitent une mesure prompte et immédiate, je ne verrais aucun inconvénient à ce qu'on donnât au gouvernement, comme le faisait le projet de 1838, la faculté de porter des règlements sur l'admission des élèves dans les universités; car, d'autre part, si je ne me trompe, les universités libres exigent depuis un long temps soit un examen, soit des preuves authentiques d'un cours d'humanités régulièrement terminé, pour admettre les jeunes gens à la fréquentation du haut enseignement.

Messieurs, je verrais moins d'obstacles à instituer dès maintenant le titre d'élève universitaire, si la question des grades préparatoires et des grades spéciaux était sérieusement agitée et résolue à propos de la loi qui nous occupe. Cette question a déjà été soulevée à diverses reprises dans les séances du parlement. En 1842, on avait proposé de restituer aux universités elles-mêmes la collation des grades préparatoires. Ce système à trouvé des défenseurs dans les délibérations des sections sur le projet actuel.

Y a-t-il des inconvénients sérieux à donner aux universités de l'Etat et aux universités libres le droit de faire subir aux jeunes gens des examens préparatoires? Le projet de la quatrième section quoiqu'il n'ait pas jusqu'à présent rencontré de défenseurs, mérite-t-il le dédain avec lequel il a été traité dans les précédentes séances? Je ne le crois pas et je me fonde sur ce que, dès 1835, des orateurs éminents ont soutenu que la collation des grades par les universités elles-mêmes était une mesure praticable qui se recommandait par plusieurs avantages. M. Dechamps, M. de Theux n'étaient pas hostiles en principe à ce système ; M. Gendebien l'a préconisé comme le seul qui fût compatible avec la liberté réelle de l'enseignement. S'il n'a pas été sérieusement discuté dès le principe, en 1835, c'est que l'on a compris qu'en présence d'établissements libres tout nouveaux, dont les ressources étaient à peine acquises, dont le personnel n'avait point été éprouvé, il fallait de certaines précautions, il y aurait eu un danger réel à laisser un pouvoir aussi large à des institutions qui n'avaient point encore fait leurs preuves : mais aujourd'hui en serait-il de même?

M. le président. - Je crois que l'honorable membre s'écarte de l'objet en discussion ; je l'engagerai à réserver ses observations pour le moment où nous discuterons l'article 40.

M. de T'Serclaes. - Je n'insiste pas : je considère la création du grade d'élève universitaire comme très utile en elle-même; mais je ne la crois pas à sa place dans une loi sur l'enseignement supérieur, et je ne l'admettrais dès à présent que si le grade était conféré directement par les universités.

M. Toussaint. - J'approuve, sous tous les rapports, la création du grade d'élève universitaire : je l'approuve comme examen d'entrée à l'université, dédoublant l'examen de la candidature en philosophie et lettres qui est trop chargé, comme moyen de fortifier les études et d'en mieux constater les résultats. Je l'approuve encore comme examen de sortie.

C'est sous cet aspect spécial, je pense, que d'autres orateurs ont attaché à ce grade une très grande importance. En effet, la création de ce grade aura pour résultat la délivrance de diplômes de sortie qui seront beaucoup plus nombreux que les diplômes universitaires ordinaires, attendu qu'un très grand nombre d'élèves qui ne poussent pas leurs études plus loin, ont, pour être admis dans la carrière civile, dans la carrière industrielle, à justifier des capacités acquises dans les établissements d'enseignement moyen. Ce sera un moyen de constater ces capacités et de faire rendre justice à qui il appartient.

Cependant relativement à la création de ce grade, comme relativement su système qu'on a imaginé jusqu'ici pour la constitution des jurys d'examen, je dois faire une réserve au profit de l'avenir ; car je crois que ce grade d'élève universitaire est appelé à acquérir dans l'avenir une plus grande importance, et à renouveler la constitution de l'enseignement moyen et de l’enseignement supérieur, considérés dans leurs rapports.

Je pense qu'il y a là un germe précieux. Les législatures futures le développeront en renvoyant aux collèges et aux athénées toutes les études préparatoires, de manière que dans ces établissements se fassent toutes les études préparatoires à l'étude du droit et de la médecine, à l'école militaire, aux études artistiques; de manière que ce que nous qualifions aujourd'hui d'universités ne seraient plus que des écoles d'application. A mon sens l'enseignement, dans les athénées et les collèges, devrait être constitué de telle manière que ces établissements fussent considérés comme de véritables universités, c'est-à-dire qu’il devrait embrasser toutes les branches des connaissances générales, et des services rendus à la société par l'enseignement moyen en seraient doublés, sans grande augmentation de frais pour l'Etat. Alors les universités ne seraient plus que des écoles d'application, soit pour la médecine, soit pour le droit, soit pour les autres carrières, et leur enseignement n'en serait que plus efficace et plus approfondi.

Ce serait aussi le moyen de permettre aux pères de famille d'avoir pendant 2 ou 3 années de plus leurs enfants sous les yeux, pendant les 2 ou 3 années précisément les plus dangereuses de la jeunesse. Ce serait le moyen de faire considérer les études universitaires avec moins d'appréhension aussi par les pères de famille qui s'intéressent plus vivement encore au développement moral qu'au développement scientifique de leurs enfants.

Moyennant ces réserves, j'approuve sous tous les rapports le grade nouveau qu'il s'agit d'établir dans la loi, et j'ai assez de confiance dans l'esprit de conciliation qui anime la chambre pour être certain que le jury qu'elle chargera de déférer le grade, sera constitué de manière à donner, en cette matière délicate, des garanties à toutes les opinions.

M. de Haerne. - Si j'ai bien compris l'honorable préopinant, sa pensée serait d'ériger, au moyen du grade d'élève universitaire, autant de petites universités qu'il y a de collèges dans le pays. Ses observations ne tendent à rien moins qu'à cela. Il voudrait que dans les universités proprement dites on ne fît plus que l'application des sciences. Ce n'est pas ainsi que je puis comprendre une université. L'université est une institution dont l'enseignement doit tendre à augmenter, à élargir, à approfondir ce qu'on a déjà enseigné dans les institutions moyennes. C'est, en un mot, le haut enseignement. C'est la théorie aussi bien que l'application, et c'est la haute théorie. Qu'à côté de cette théorie étendue, approfondie, élargie, on institue des cours d'application, rien de mieux. Certainement l'application doit suivre une marche parallèle à la théorie. Mais je dois m'élever contre cette idée de faire de chaque athénée et de chaque collège une petite université.

Messieurs, de quoi s'est-on plaint quant aux études moyennes? On s'est plaint, et avec raison, que depuis quelques années les études moyennes se sont affaiblies. Et par quelle raison se sont-elles affaiblies ? A cause de la trop grande multiplicité des branches qu'on a introduites dans les études de collèges. On ne s'est plus borné aux langues anciennes, à quelques langues vivantes, aux mathématiques, à la physique et à la chimie. On y a ajouté une foule d'autres branches qui surchargent l'élève et le mettent dans l'impossibilité d'approfondir celles qui doivent être pour lui les principales. De là est résulté cet affaiblissement des études, dont on se plaint généralement, surtout en ce qui concerne les langues anciennes.

Ainsi donc, je soutiens que le grade d'élève universitaire, si tant est qu'il doive être établi maintenant, doit avoir pour but de fortifier les études, et je crois que c'est aussi là le but énoncé dans le projet de loi. C'est le but que l'honorable ministre de l'intérieur a indiqué dans l'exposé des motifs.

Ce but pourra être atteint si, comme on le disait tout à l'heure, le jury est bien constitué et si, d'un autre côté, le programme des études est bien composé. Car j'attache une très grande importance au programme qui doit servir de base à l'examen pour l'admission au grade d'élève universitaire.

Je voudrais que ce programme fût conçu de telle manière que l'élève fût obligé de faire un bon cours d'études moyennes, qu'il fût obligé de fréquenter exactement tous les cours et qu'il pût approfondir les branches principales qui s'enseignent dans toutes les classes, qu'il eût une connaissance parfaite du latin, du grec, des mathématiques élémentaires, des éléments de physique et de chimie. J'ajouterai la connaissance approfondie de la langue maternelle et la connaissance d'une autre langue vivante à son choix.

Je crois que nous ne pouvons aller au-delà. Vouloir élargir le cercle des études moyennes, c'est les amoindrir, les affaiblir inévitablement, et au lieu de rendre service au pays, créer une institution réellement nuisible.

Je dois donc m'énoncer dans ce sens que si le grade d'élève universitaire est admis, il doit tendre à fortifier les études moyennes; mais pour ce qui est de l'admission du grade lui-même, je dois répéter que je ne puis y consentir avant que je ne connaisse les conditions auxquelles ce grade sera subordonné; conditions de jury, conditions de programme, en un moi tout dépend de là. L'institution peut être utile si le jury est bien composé, le programme convenable; mais elle serait des plus dangereuses si ces conditions n'étaient pas remplies. Quant à moi j'attache au moins autant d'importance à la bonne composition du jury pour le genre universitaire qu'à la bonne composition du jury pour les grades académiques.

M. Dedecker. - Je crois, avec les honorables orateurs que vous venez d'entendre, qu'il peut être utile, dans l'intérêt des études, de n'admettre à l'enseignement supérieur que les jeunes gens qui ont achevé leurs cours d'humanités. Néanmoins, cette utilité dépend des conditions (page 1677) d'impartialité dont on entourera l'examen pour l'obtention du grade d'élève universitaire : sans de suffisantes garanties d'impartialité, la création de ce nouveau grade peut devenir un immense danger pour la liberté de l'instruction secondaire.

Mais il est une autre observation que je désire présenter à cet égard, et qui est relative à la dénomination d'élève universitaire. Cette dénomination ne peut convenir à des jeunes gens qui se destinent aux études privées et qui cependant doivent passer cet examen avant de se livrer aux études supérieures.

- Plusieurs voix. - Non!

M. Dedecker. - Pardon; tous les élèves, même ceux qui ne fréquentent aucune université, doivent passer cet examen. L'article 37 est formel: « Nul n'est admis à l'examen de candidat en philosophie et lettres ni à celui de candidat en sciences, s'il n'a obtenu le titre d'élève universitaire; etc. »

Il faudrait donc adopter une autre dénomination, applicable également aux jeunes gens qui ne se proposent pas de fréquenter l'une ou l'autre université; dénomination par laquelle on constaterait simplement qu'ils ont fait, d'une manière complète et satisfaisante, leurs cours d'humanités.

Je ne donne pas à ces observations plus d'importance qu'elles n'en ont; mais il me semble qu'il est impossible de maintenir le titre de grade d'élève universitaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense, messieurs, que l'observation de l'honorable M. Dedecker ne porte que sur un mot: il s'agit de savoir quel nom l'on donnera au jeune homme qui a subi son premier examen, l'examen qui doit le conduire à la candidature. Nous avons trouvé que le titre d'élève universitaire était suffisant et satisfaisant; il n'y a de déshonneur pour personne à être appelé élève universitaire. On n'est pas tenu, pour cela, de suivre les cours des universités ou de prouver qu'on les a suivis; on sera apte à être reçu candidat. En un mot nous avons dédoublé la candidature : le premier examen de candidature conférera le titre d'élève universitaire, le deuxième conférera le gradé de candidat.

M. de Theux. - Je voulais faire observer que la création du grade d'élève universitaire ne lierait point la chambre si, en définitive, on n'était pas d'accord sur le mode de collation de ce grade. Ce serait alors une disposition sans effet, et qui devrait nécessairement échouer au second vote. Je crois donc que ceux qui sont favorables à la création du grade peuvent sans scrupule voter la disposition, la question restant réservée jusqu'à ce qu'on ait statué sur le mode de formation du jury, qui est le point capital.

Je demanderai seulement à M. le ministre quelle est son intention quant au point de savoir si, pour suivre les universités de l'Etat et pour s'y faire inscrire, il faudra avoir obtenu le titre d'élève universitaire. La loi ne s'exprime point à cet égard.

M. Coomans. - Messieurs, l'observation de mon honorable ami M. Dedecker m'en suggère une autre. Il désirerait trouver une dénomination plus convenable que celle d'élève universitaire. Il a raison pour le motif qu'il a énoncé et pour celui-ci encore : Ainsi qu'on l'a fait observer dans une séance précédente, le grade d'élève universitaire sera pour beaucoup de jeunes gens le but final de leurs études de collège. En sortant des établissements d'instruction moyenne, ils voudront avoir un titre. Eh bien, je suppose qu'un jeune homme vieillisse avec ce titre; à 40, à 50, à 80 ans, il sera toujours élève universitaire, et quand il se présentera dans des écoles étrangères pour enseigner les humanités, par exemple, son diplôme, comparé avec ses cheveux blancs, ne plaidera guère en sa faveur, car les élèves barbons, les élèves de trente-sixième années (parmi lesquels on le rangera de prime abord) ne passent pas pour les plus capables. Sans m'expliquer ici sur la chose, j'engage la chambre à changer le mot.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense, messieurs, qu'en général, ceux qui rechercheront le titre d'élève universitaire voudront pousser leur carrière plus avant. Quant à ceux qui s'arrêteront au premier degré quelque nom que vous leur donniez, s'ils arrivent à un âge avancé ils ne passeront jamais pour de grands savants. Trouveriez mieux de les appeler candidats, de candide ? (On rit.)

Je reconnais cependant que l'observation n'est pas sans quelque fondement; mais la question est de savoir s'il faut encourager cette tendance qu'auraient des jeunes gens à rester simplement élèves universitaires. Du reste je tiens seulement à la chose; si on trouve un titre plus convenable, je m'empresserai d'y adhérer. En attendant on peut toujours adopter le principe.

M. Delfosse, rapporteur. - Comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, très peu de personnes prendront le titre d'élèves universitaires pour en rester là ; ce titre sera un moyen, non un but. Quant à ceux qui ne continueraient pas leurs études, je ne vois pas ce qu'il y aurait de pénible pour eux à être toute leur vie élèves universitaires plutôt que aspirants candidats. Le titre d'élève universitaire signifiera qu'on est apte à passer aux études universitaires. Il ne sera pas nécessaire pour cela qu'on fasse ses études à l'université; on pourra les faire ailleurs.

- L'article 37 est mis aux voix et adopté.

Article 38

« Art. 38. L'article 38 est remplacé par ce qui suit :

« Nul n'est admis à l'examen de candidat en médecine s'il n'a reçu le titre de candidat en sciences naturelles. »

- Adopté.

- M. Destriveaux remplace M. H de Brouckere au fauteuil.

Article 40

« Art. 40. L'article 40 est remplacé par ce qui suit:

« Le gouvernement procède à la formation des jurys chargés des examens, et prend les mesures réglementaires que leur organisation nécessite.

« Cette disposition n'aura d'effet que pour trois ans.

« Le gouvernement composera chaque jury d'examen, de telle sorte que les professeurs des universités de l'Etat n'y soient pas en majorité. »

M. le ministre de l'intérieur a présenté à cet article l'amendement suivant :

« Le gouvernement composera chaque jury d'examen, de telle sorte que les professeurs de l'enseignement public et ceux de l'enseignement privé s'y trouvent en nombre égal. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il faut d'abord rétablir dans l'article 40 nouveau le paragraphe 2 de l'article 40 de la loi actuelle. L'article commencerait ainsi :

« Toute personne peut se présenter aux examens, et obtenir des grades, sans distinction du temps, du lieu et de la manière dont elle a fait ses études. »

En second lieu, il convient de définir l'enseignement public dans l'amendement que j'ai déposé; le paragraphe serait ainsi conçu :

« Le gouvernement compose chaque jury d'examen, de telle sorte que les professeurs de l'enseignement dirigé ou subsidié par l'Etat et de l'enseignement privé y soient appelés en nombre égal. »

M. Orts. — Je crois qu'il y a lieu de supprimer dans la disposition rétablie les mots « le temps », vu l'adoption des articles 36 et 37.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai pas pu prendre part à la discussion générale. Aujourd'hui encore, je parlerai difficilement, péniblement et pour vous et pour moi; je le fais dans la crainte d'être encore empêché demain. Du reste, j'abrégerai autant que possible mes développements.

Je regrette le silence auquel j'ai été condamné ces jours derniers, non pas que je me flatte de l'idée que j'eusse opéré des conversions. Je suis convaincu, au contraire, que les opinions sont formées, que les votes sont arrêtées depuis longtemps. Mais mon nom a été cité plusieurs fois et dans la discussion et dans la presse ; discours, rapports, propositions, on a rappelé tout ce que j'avais fait. Si j'avais pu parler plus tôt, j'aurais épargné à ceux qui ont recherché si minutieusement mon passé, la peine de s'occuper de moi. Car je professe aujourd'hui les mêmes opinions que j'ai défendues à toutes les époques, et je dirai même que mes convictions, loin de s'affaiblir par la discussion qui a eu lieu, n'ont fait que devenir plus fortes.

Je suis partisan d'un jury central. Quant à son personnel, que la nomination en soit partagée entre le gouvernement, les universités et les corps scientifiques, ou bien qu'elle soit tout entière abandonnée au gouvernement, j'estime que la loi doit renfermer des garanties formelles en faveur des universités libres.

Je veux un jury central. Ce jury existe, fonctionne depuis 13 ans. Quelqu'un se plaint-il de cette institution? A-t-on articulé des griefs contre elles? Le jury a-t-il été trop facile ou trop sévère? A-t-il été partial ? Nullement; tout le monde rend pleine justice à la manière dont il fonctionne. Les hommes de science et les hommes politiques, les magistrats et le barreau, les professeurs et les élèves, tous les rangs de la société y applaudissent. Quelles institutions maintiendrez-vous donc, si vous bouleversez à plaisir celles qui contentent tout le monde?

El qu'allez-vous substituer à ce jury central ? Trois jurys ou plutôt trois commissions qui n'auront ni la même autorité, ni la même influence, ni la même impartialité. Elles se jalouseront l'une l'autre, elles seront en rivalité perpétuelle et surtout elles rivaliseront d'indulgence.

Il y a, messieurs, deux vérités qu'on peut proclamer comme incontestables. La première, c'est que les professeurs cherchent à avoir le plus grand nombre d'élèves possible. La seconde, c'est que les élèves chercheront, pour lui donner la préférence, l'université où l'on obtient le plus facilement les grades.

De ces deux vérités qu'on pourra constater partout et toujours, tirez vous-mêmes les conséquences, et vous jugerez d'avance ce que seront vos commissions d'examen.

Parlerai-je maintenant de la position singulière, bizarre, que vous faites à chacune des universités libres que vous accolez à une université de l'Etat ?

Parlerai-je de la lutte inévitable qui va s'établir dans le sein de chaque commission? Parlerai-je de cette troisième commission créée pour les jeunes gens qui n'ont étudié à aucune université ou qui peut-être n'ont pas étudié du tout ? Nouvelle lutte entre les deux autres et cette dernière, qui tiendra probablement à prouver que les études universitaires ne sont nullement nécessaires, et que l'on peut devenir savant à l'aide de certains cahiers, et surtout de certains répétiteurs.

Parlerai-je de ces promenades que feront les élèves, c'est-à-dire les mauvais élèves, d'un jury au second jury et du second jury au troisième? Tout a été dit à cet égard, et dans les discours qui ont été prononcés et dans les nombreuses brochures qui ont paru dans ces derniers temps. Oui je le dis aussi : en créant trois commissions, on rapetisse une belle et grande institution, une institution nationale ; on fait un pas en arrière; et M. le ministre de l'intérieur en convient lui-même, car il dit dans son exposé de motifs : « Il y aura trois jurys, c'est ce qui avait lieu, sous un autre (page 1678) nom, avant la législation de 1835; car chacune des trois universités conférait les mêmes grades. »

Pour ma part, j'ai connu ce système et j'avoue que je n'ai nulle envie de la faire revivre.

J'ai dit que si vous vouliez abandonner au gouvernement seul la nomination des membres du jury, et je n'ai pas besoin de dire combien je préfère ce système à celui dont nous ont gratifiés et qu'ont si constamment et si ardemment défendu les précédents cabinets et l'ancienne majorité, il faut que les universités libres obtiennent des garanties dans la loi.

Je sais, je sais parfaitement quelle indignation soulève une pareille prétention. Cela ne m'effraye nullement, je ne la crois pas moins fondée en droit et en équité.

En droit, parce qu'en proclamant la liberté entière, la liberté illimitée de l'enseignement, vous avez autorisé la création d'universités libres indépendantes et que si la loi qui règle comment s'obtiennent les grades universitaires, but des études, but de ceux qui fréquentent les universités, si cette loi n'assure pas à ces établissements les mêmes avantages qu'aux universités de l'Etat, vous m'ôtez, de par la loi, ce que vous m'aviez donné de par la Constitution. Ah ! vous le savez bien, si dans la composition du jury les universités libres sont moins bien partagées que celles de l'Etat et elles seraient nécessairement moins bien partagées que celles de l'Etat, vous les placez dans une fatale position d'infériorité; vous les minerez petit à petit, et vous finirez peut-être par les faire tomber. A quoi me sert votre liberté d'enseignement? Elle n'a servi qu'à me tromper en me faisant créer à grands frais, à l'aide de grands sacrifices, une université que vous vous ménagez le moyen de renverser.

Que m'objecte-t-on? Si vous créez des garanties pour les universités libres, il faut en donner aussi à l'enseignement privé. Soit, donnez-lui-en; composez, si vous le voulez, chaque jury de cinq membres dont quatre représenteront les quatre universités et un l'enseignement privée. Voilà une part égale faite à tous.

Deuxième objection ; l'existence des universités libres ne saurait être reconnue dans une loi. Pourquoi? s'il vous plaît ! Ce serait leur donner le caractère de personne civile. Quelle erreur! Pour qu'une corporation jour qu'une association devienne personne civile, puisse agir comme telle, puisse posséder des propriétés, il y a des formalités indispensables auxquelles ne peut suppléer une simple mention dans une loi.

De ce qu’un droit est accordé, on ne peut pas en inférer qu'on a obtenu un autre droit beaucoup plus important. Au reste, tous les inconvénients viendront à cesser en faisant mention des universités libres, sans les désigner nominativement. Je concevrais la répugnance qu'on manifeste, s'il s'agissait d'un établissement créé hier et qui peut tomber demain. Mais l’université de Bruxelles, permettez-moi de ne parler que de celle-là, l'autre a bien assez de défenseurs, l'université de Bruxelles existait avant votre loi sur l'enseignement, avant votre jury ; elle existait de par sa propre force et à l'aide de souscriptions particulières ; depuis lors elle a été subsidiée, adoptée par la ville de Bruxelles et par la province du Brabant, elle est devenue un établissement communal et provincial, elle a prospère de plus en plus, elle a formé d'excellents élèves et de bons citoyens.

Rappelez-vous, messieurs, ces derniers temps et permettez-moi de vous le rejeter, elle a formé de bons citoyens; elle continuera à vivre si, par une sorte de déni de justice, on ne la fait pas dépérir. Et vous ne pouvez pas, en passant, parler d'un pareil établissement qui est véritablement un établissement public. C'est la du puritanisme et au puritanisme le plus exagéré.

Troisième objection : Il n'y a aujourd'hui que deux universités libres ; il en peut surgir une troisième, par exemple une université où l'on enseignerait les dogmes du communisme.

Il faudra donc, continue-t-on, lui donner les mêmes prérogatives? Quel danger !

Cette objection n'est pas sérieuse ; non, il ne surgira pas une troisième université libre, parce qu'il n'y a pas de place en Belgique pour une troisième université libre ; tout le monde le sait bien, tout le monde en est parfaitement convaincu.

Quant à l’université qui serait créée dans l'intérêt du communisme, il faut de l'argent pour la créer; où sont donc ceux qui le fourniraient? Croyez que les partisans de cette doctrine ne sont pas aussi généreux qu'ils voudraient bien le paraître; ils ne prêchent le communisme que parce qu'ils retireraient plus du partage qu'ils n'apporteraient dans la communauté.

Mais, dit-on, il faut avoir confiance dans le gouvernement. En définitive, cette confiance doit être la base, le motif déterminant de notre vote.

Ce n'est pas à moi, sans doute, qu'on fait cette recommandation; on ne me reproche pas, que je sache, de ne pas être assez ministériel. J'ai grande confiance, aussi grande confiance qu'aucun de vous dans le cabinet; je n'y vois que des amis.

Mais ce cabinet vivra-t-il toujours? Qui vous dit quels sont les hommes qui, dans dix ans, nommeront les membres des jurys? Ceux-là peut-être qui, pendant plus de dix ans, n'ont montré de véritable sympathie que pour une seule université. Et, de votre aveu, la seule précaution que vous placiez dans la loi a pour but de les empêcher, s'ils venaient au pouvoir de composer les jurys en majorité de professeurs des universités de l'Etat. Rien ne les empêcherait donc de composer en entier ou presque en entier le jury de professeurs des universités de l'Etat.

Ici vous voyez que je prends en main la défense des intérêts des universités de l'Etat.

J'entends les objections : on va s'appuyer sur la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur. Messieurs, cette réduction ne modifie en rien, quant au fond, le projet de loi ; elle ne fait qu'expliquer d'une manière plus claire et plus satisfaisante la pensée de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La pensée de la section centrale et la pensée du gouvernement sont les mêmes.

M. H. de Brouckere. - Soit ! Mais dans le premier rapport M. le ministre n'a rien dit, quant à la composition du personnel des jurys : la section centrale a stipulé que, dans chaque jury, les professeurs des universités de l'Etat ne pourraient être en majorité. M. le ministre a accepté cette rédaction comme expliquant sa pensée. Puis dans la séance de vendredi, il a présenté une rédaction qui rend sa pensée d'une manière plus satisfaisante. Mais, je le répète, l'amendement de M. le ministre ne change rien quant au fond.

D'abord, il ne maintient pas plus que le projet le jury central. Et pour ma part, je tiens au jury central.

En second lieu, au premier abord il peut paraître faire quelque chose en faveur des études privées. Mais à coup sûr, il ne fait absolument rien en faveur des universités libres.

Je vais le prouver.

Mais je ferai mieux : Je lirai un passage du discours de M. le ministre de l'intérieur qui vous le démontrera. M. le ministre, dans cette occasion comme toujours, a fait preuve de la plus grande franchise, de la plus grande loyauté. Voici comment il exprime sa pensée :

« Il n'est pas question ici des universités libres. Mais je réserve à l'enseignement libre, donné en dehors de l'enseignement de l'Etat prescrit par la Constitution, je lui réserve dans le jury un nombre de professeurs égal à celui des professeurs de l'enseignement public. N'est-ce pas là, messieurs, de l'impartialité? Ne faut-il pas tenir compte, je le répète, en dehors des deux universités libres, de l'enseignement donné par des professeurs privés. »

Il en résulte qu'un jury de 7 membres pourra être composé et sera composé de la manière suivante :

1 président.

3 professeurs d'une université de l'Etat.

1 ou 2 professeurs d'universités libres.

1 ou 2 professeurs appartenant à l'enseignement privé.

En fait, personne ne nie ce que je viens de dire ; personne ne peut le nier.

Avec cette composition du jury, chaque université libre serait toujours placée dans une position d'infériorité relativement à l'université de l'Etat à laquelle elle serait accolée.

Je sais qu'on cherchera à vous démontrer qu'il n'y a que deux espèces d'enseignement, l'enseignement salarié par l'Etat et l’enseignement libre. Mais c'est une erreur en fait. On se tromperait en croyant que les intérêts de l'enseignement que j'appelle l'enseignement privé et ceux des universités libres sont les mêmes. Je dis que ce sont des intérêts contraires et opposés. La preuve ne sera pas difficile à faire.

Ainsi, dans un jury, de quelque manière qu'on le compose d'après l'esprit de la loi, les universités libres seront toujours nécessairement, fatalement, dans une position d'infériorité relativement aux universités de l'Etat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans le système de l'exposé des motifs, les représentants des facultés de chaque université seraient en nombre égal.

M. H. de Brouckere. - Dans d'autres temps, il m'est indifférent qu'on m'interrompe. Aujourd'hui, cela me fatigue beaucoup. Je répondrai cependant à l'objection.

Il résulte des paroles de M. le ministre lui-même que l'enseignement privé, abstraction faite de l'enseignement des universités libres, sera représenté dans le jury. Je suppose donc que le jury se compose d'un président, de trois professeurs des universités de l'Etat (certainement on en mettra trois ; c'est ce que je ferais, si j'étais ministre; car c'est évidemment l'intention de la loi) et d'un représentant des études privées, et il ne restera plus, dans un jury de sept membres, que deux places pour les représentants des universités libres.

Je croyais, je l'avoue, qu'on avait fait assez pour l'enseignement privé en constituant un jury tout spécialement pour lui. N'était-ce pas faire à cet enseignement une part assez large, dans notre législation ? Fallait-il qu'il vînt usurper dans le jury une place qui, d'après moi, appartenait aux universités libres?

Messieurs, je vais répondre à une dernière défection dont on cherche à tirer grand parti. On vous a dit : Ne craignez rien ; l'article 40 n'aura force et vigueur que pendant trois ans.

Messieurs, quand nous avons décrété le premier mode de formation du jury en 1835, la disposition qui instituait ce jury, ne devait non plus avoir force et vigueur que pour trois ans. Elle en a duré douze; et celle que vous voterez aujourd'hui aura très probablement, quoi que vous en pensiez, une existence tout aussi longue.

Je me résume en deux mots : le projet actuel, probablement, malgré l'intention de ses auteurs, mais en réalité, est une déclaration de guerre des universités de l'Etat aux universités libres. Je ne saurais adopter un pareil projet.

(page 1685) M. de Haerne. - Messieurs, ce n'est pas sans quelque hésitation que j'aborde la question qui se débat devant vous. Quoique je compte plus de vingt ans de professorat dans la partie de l'enseignement qui touche immédiatement à l'enseignement supérieur, je dois reconnaître que la question est si grave, si importante quant à l'avenir des jeunes gens quant à la science qui peut être compromise par les dispositions législatives qu'on viendrait à prendre, par rapport aussi à la grande question de la liberté, et il faut bien le dire, à la conscience qui est intéressée dans le débat, qu'elle me ferait presque reculer devant la discussion, si je ne sentais, d'un autre côté, le besoin de faire connaître mon opinion pour motiver mon vote.

Je ne m'étendrai pas, messieurs, sur les généralités qui ont défrayé le débat auquel nous venons d'assister. Je crois cependant devoir toucher, en passant, une idée qui m'a paru très importante quant aux conséquences que pourrait avoir l'adoption du projet de loi.

On a parlé de la tranquillité de la Belgique. Messieurs, j'ai la conviction que la paix profonde dont jouit dans ce moment notre pays est due en grande partie à cette institution précieuse et vraiment tutélaire que nous a octroyée la Constitution dans la liberté d'enseignement. Pour qu'une nation vive en paix, il faut qu'il y soit donné satisfaction aux partis dominants.

Nous le savons, dans le moment actuel, tant en Belgique que dans la plupart des autres pays, il y a deux grandes opinions; il y a une opinion qui veut l'ordre, la religion avant tout; il y a une opinion qui s'attache principalement et avant tout à la liberté. Je dis qu'il faut donner satisfaction à ces deux grandes opinions, si vous voulez conserver la paix, la tranquillité. Eh bien, ces deux opinions se rencontrent dans la liberté d'enseignement, comme cette discussion le prouve à l'évidence ; c'est par la combinaison de ces deux ordres d'idées que la Belgique, la Hollande et l'Angleterre jouissent aujourd'hui d'une tranquillité si remarquable; mais particulièrement la Belgique, parce qu'elle a su mieux qu'aucun autre pays combiner ces deux grands éléments de civilisation, de bien-être et d'ordre public, grâce surtout à la liberté d'enseignement.

Ainsi, messieurs, en touchant à cette précieuse liberté, n'en doutez pas, vous jetez un germe de désordre dans la société, vous ébranlez les deux colonnes sur lesquelles repose l'édifice social.

Pour aborder la question elle-même, permettez-moi de dire d'abord que je trouve dans le projet soumis à nos délibérations bien des idées qui améliorent la situation par rapport à l'enseignement et par rapport à la science. Je dirai même qu'en ce qui regarde la constitution du jury, telle qu'elle est proposée par le gouvernement, il se trouve, dans l'exposé des motifs, des idées que j'avais partagées moi-même, quant au fond, et que j'ai présentées sous une autre forme.

Ainsi, messieurs, on lit dans l'exposé des motifs qu'il est utile de faire comparaître les élèves devant leurs propres professeurs. Je trouve que cette idée est fondée. Je l'ai soutenue moi-même dans la discussion de 1844.

Mais lorsqu'on dit que l'élève doit être interrogé par ses professeurs, je trouve qu'on va trop loin. L'élève doit se trouver devant ses professeurs, il convient même que les professeurs tracent la marche à suivre, indiquent le système, la méthode. Mais quant aux questions, je crois que ces professeurs ne peuvent pas être appelés seuls à les poser, parce qu'alors il y a souvent de la partialité; souvent aussi l'examen devient une affaire de pure mémoire.

Il y a une autre raison qui fait voir qu'on est trop exclusif sous ce rapport dans l'exposé des motifs : c'est que bien souvent l'élève ne désire pas être interrogé par ses professeurs ; bien souvent il existe entre l'élève et le professeur des motifs de répulsion, des rancunes, soit fondées, soit dépourvues d'ombre de réalité. Dans ce cas, qui se présente plus souvent qu'on ne le croit, l'élève préfère être interrogé par tout autre que par ses professeurs.

Il y a une autre idée qui m'a également souri et que j'avais pris aussi la liberté de présenter dans la discussion de 1844 : c'est l'appel dans certains cas. Mais cette idée, telle que je l'ai exposée alors, me semble plus juste, plus généreuse que dans le projet. Je n'ai pas attribué le droit d'appel au seul président du jury ; je l'ai attribué à chacun des membres qu'il faut placer, sous ce rapport comme sous tous les autres, dans des conditions de parfaite égalité, si l'on ne veut froisser de trop justes susceptibilités.

Messieurs, je ne crois pas devoir vous exposer longuement quel était au fond mon système en 1844. Cependant, comme à plusieurs reprises dans la discussion générale, on a semblé adresser aux membres qui siègent sur ces bancs le reproche d'abandonner entièrement un système qu'ils ont appelé autrefois de tous leurs vœux, je crois devoir dire à la chambre que mon projet, en 1844, n'était pas, quant à l'ensemble, celui de la majorité. J’ai fini par me rallier à celui qui a été adopté ; mais mon projet consistait à réunir les deux éléments principaux, l'élément législatif d'un côté, l'élément universitaire de l'autre, avec des garanties spéciales pour les études privées. D'après ma combinaison, le jury était diversifié, mais il y avait un élément central, toujours le même, c'était l'élément législatif. El ne croyez pas que j'attachasse une importance excessive à ce que cet élément central fût élu par la législature; c'était simplement pour avoir un élément en dehors des universités, et j'avais cru ne pouvoir le faire mieux choisir que par le corps législatif.

Ainsi, messieurs, dans ma pensée, il y avait toujours un élément central, bien que le jury fût divisé en quatre, d'après les quatre universités.

Ce n'est pas, messieurs, que je veuille reproduire ce système, qui, certes, n'aurait pas de chances de succès, puisque, enfin, on ne s'en est guère occupé; mais je crois encore que s'il pouvait être adopté, il obvierait à la plupart des inconvénients qui ont été signalés. Je tiens surtout à dire à la chambre que, d'après la combinaison que j'avais présentée en 1844, il y avait une centralisation dans les diverses parties du jury, et une espèce d'appel, de même que d'après le mode que j'avais indiqué pour les récipiendaires privés, ceux-ci pouvaient être amenés par l'appel à une juridiction unique et centrale. Ce jury, au moins, me paraissait impartial; il avait cet avantage de ne froisser aucun droit, de donner toutes les garanties. Il avait, je l'avoue, l'inconvénient d'être compliqué, au moins en apparence.

Puisque je viens, messieurs, de parler de ce qui s'est passé en 1844, permettez-moi de rappeler qu'alors on paraissait se proposer un but tout différent de celui qu'on se propose aujourd'hui. Que voulait-on alors? On voulait placer les élèves devant l'imprévu, on voulait un roulement dans le personnel du jury, on signalait les inconvénients qui résultaient de la permanence du jury. Aujourd'hui c'est tout le contraire, aujourd'hui on veut placer l'élève devant son professeur, faire interroger l'élève par son professeur : c'est absolument l'opposé de ce qu'on voulait en 1844.

Je remarque une seule tendance qui est la même dans le système de 1844 et dans celui d'aujourd'hui, c'est que dans les deux cas on tend à fortifier le pouvoir. Voilà tout ce que je trouve de commun à ces deux systèmes. Je dis que l'on tend à fortifier le pouvoir, parce que, selon moi, on ne le fortifie pas si on lui crée de graves embarras, et quand on crée des embarras au pouvoir, loin de le fortifier, on l'affaiblit, telle est ma conviction.

Messieurs, à voir dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la section centrale, les critiques amères que l'on déverse sur les jurys précédents et sur l'action exercée par la chambre, on dirait que la chambre est le corps le plus partial, le plus injuste qui puisse se présenter. Car enfin, si la chambre est partiale en une chose, elle peut l'être en tout. D'un autre côté, c'est la glorification de l'arbitraire ministériel en fait d'enseignement. Les autres libertés, en général, sont entourées de toutes les garanties possibles; on exerce pour les sauvegarder le contrôle le plus sévère sur le pouvoir, on semble toujours mettre en état de suspicion le pouvoir exécutif, et lorsqu'il s'agit de l'enseignement, on semble vouloir tout abandonner au gouvernement, lui donner toute confiance et dénier toute confiance aux chambres qui, d'après la Constitution, présentent le contrôle et les garanties de l'ordre public et de la liberté. C'est à n'y rien comprendre. C'est un renversement complet d'idées.

Je trouve aussi, messieurs, que si l'on adoptait le projet de la section centrale, ce serait dévier complètement de ce que prescrit la Constitution. La Constitution veut que tout ce qui se rapporte à l'enseignement de l'Etat soit réglé par la loi. Certes, rien n'est plus important que le jury d'examen ; eh bien, l'on propose de faire une loi, pourquoi? Pour décréter qu'on n'en fera pas. Que diriez-vous si, en fait de libertés communales, de libertés provinciales, sauf à respecter tout ce qui est explicitement, littéralement prescrit par la Constitution, l'on venait vous dire: Il faut une réforme communale, une réforme provinciale dans ce sens, que le ministère réglera tout ce qui regarde la commune et la province? Certes, vous vous élèveriez avec indignation contre un pareil système. Eh bien, c'est absolument celui qui vous est proposé pour l'enseignement, quant à la constitution du jury.

On nous dit que le ministère sera impartial, messieurs, je veux le croire et quant au ministère actuel, je l'ai déjà dit, je suis convaincu qu'il sera très impartial; mais il faut bien le dire, jamais, dans une discussion quelque, on ne se contente de pareilles allégations. Ensuite après tout, un ministère se montre quelquefois partial sans qu'il croie l'être, et ici il y a une tendance naturelle pour le ministère à se laisser entraîner dans cette voie. En effet, les universités de l'Etat sont ses institutions : si elles marchent bien, l'honneur lui en revient ; si elles marchent mal, le blâme retombe sur lui ; il est donc tout naturel qu'il se laisse entraîner à les favoriser. Je citerai seulement pour exemple ce qui se trouve dans la loi, quant à ce droit exorbitant attribué au président du jury. Je veux bien croire que M. le ministre de l’intérieur a formulé cet article de la meilleure foi du monde, mais je dis qu'il suffit pour faire le plus grand tort aux universités libres. Voilà où on est conduit lorsqu'un entre dans une pareille voie.

D'ailleurs, messieurs, remarquez bien que la partialité n'est pas seulement dans les intentions et dans les faits que l'on pose, mais qu'elle résulte même du simple soupçon qu'on fait concevoir à l'élève, il suffit, pour faire naître ce soupçon, que l'élève sache que le gouvernement est investi d'un droit dont il peut user avec partialité, que s'il voit que la balance penche ou peut pencher en faveur de tel ou tel établissement, il abandonne l'établissement où il se trouve et il se transporte dans un autre établissement. C'est ainsi que les choses se passent. Les jeunes gens et leurs parents ne seront que trop portés à suivre cette voie, uniquement guidés par la crainte d'être froissés. Il faut donc éviter jusqu’au soupçon de partialité, et autant que possible, jusqu'à l’ombre, jusqu'à la possibilité de l'injustice.

On insiste, et ici je dois rencontrer une objection qui se trouve dans le (page 1686) rapport de la section centrale, et qui a été reproduite par l'honorable rapporteur dans la séance de samedi. Voici l'objection :

« On craint que la composition du jury d'examen, nommé par le gouvernement, ne soit trop favorable aux universités de l'Etat et que les élèves, attirés par l'espoir d'une admission plus facile aux grades académiques, ne désertent les établissements libres.

« Si cette crainte était fondée, il ne faudrait pas laisser au gouvernement le droit de conférer les emplois. De même que l'on dit: L'espoir d'une admission plus facile aux grades académiques fera déserter les établissements libres, on pourrait dire : « L'espoir d'une admission plus facile aux emplois fera affluer les élèves aux universités de l'Etat. «

J'avoue que le fait est vrai ; je pourrais citer des jeunes gens qui, pour ce motif, se sont rendus dans une université de l'Etat. Mais j'en tire une conclusion tout opposée. Je dis que cela donne déjà aux institutions du gouvernement une grande prépondérance. C'est pour moi un motif de plus pour rétablir l'équilibre d'une autre manière et pour ne pas accorder au gouvernement le droit exorbitant de nommer le jury comme bon lui semble. Quant aux nominations à faire, c'est un droit que la Constitution confère de la manière la plus claire au gouvernement et qu'on ne peut lui ôter, quoiqu'il puisse en résulter des inconvénients quant à la liberté d'enseignement comme sous d'autres rapports.

Messieurs, l'honorable préopinant nous a si bien fait sentir l'inconvénient qui doit résulter du jury, tel qu'il est proposé par le gouvernement, malgré le correctif apporté par le dernier amendement de M. le ministre de l'intérieur, que je crois pouvoir me dispenser d'insister sur cette partie de la discussion. Je dirai seulement que dans ce débat on paraît attacher une importance démesurée à ce qu'on appelle les études individuelles en solitaires.

Il semble, à entendre les partisans du ministère, dans cette question, que les études individuelles l'emportent sur toutes les autres. Et lorsque j'examine les dispositions du projet avec l'amendement de M. le ministre, quant à la composition du jury, je serais tenté de croire qu'on a voulu formuler cette exorbitante prétention en loi. Non seulement on institue un jury spécial pour les études privées et l'on convie en quelque sorte les élèves universitaires à se présenter devant ce jury, qu'on représente comme le refuge des candidats malheureux.

Ce n'est pas tout, on permet encore au ministère de représenter les évades individuelles dans les jurys universitaires. On sait cependant que les études isolées proprement dites font la très petite exception. (Interruption.)

Je n'ignore pas qu'il y a un certain nombre d'élèves qui se présentent comme ayant fait des études privées ; mais remarquez que les neuf dixièmes d'entre eux ont déjà fréquenté les universités; que d'autres ont déjà subi un examen. Le jury central est là pour servir de refuge (c'est l'expression de M. le ministre de l'intérieur) à ces jeunes gens qui auront peut-être été victimes par le jury universitaire appelé à les juger ; mais quel sera le jeune homme qui aura subi un échec et qui ne se croira victime?

Vous créez donc un jury qui doit servir de refuge à l'incapacité. Ou bien le jury central, désigné pour les études privées, sera sévère, ou bien il sera accommodant. S'il est sévère, peu ou point d’élèves se présenteront devant lui ; il ne fonctionnera pas, et le gouvernement ne pourra pas le maintenir. Si, au contraire, ii est trop facile, il arrivera que la plupart des élèves des universités se présenteront devant ce jury, et alors les autres jurys, pour ne pas recevoir un démenti du jury central, devront à leur tour se relâcher ; et c'est ainsi que ces divers jurys, dans un état de suspicion les uns à l'égard des autres, contribueront, par leurs opérations en sens divers, à affaiblir la science. C'est donc au détriment de la science que fonctionneront ces divers jurys. C'est un motif capital pour s'attacher à un seul jury central.

Je ne suis pas systématique au point de prétendre que ce système soit le meilleur de tous les systèmes possibles. Mais il me paraît le meilleur de tous ceux qui ont été mis en avant. Il est possible que plus tard l'expérience, à laquelle j'attache beaucoup de prix dans cette matière si compliquée, fasse surgir une combinaison meilleure.

Avant de vous dire, messieurs , comment je formulerais mes idées sous forme d'amendement, je désire répondre brièvement à quelques objections qui ont été présentées dans le débat actuel.

D'abord, un honorable député de Liège nous a dit qu'il y a une certaine inégalité entre les universités de l'Etat et les universités libres, inégalité qui est tout en faveur des universités libres, en ce que les universités de l'Etat ont certaines obligations, certains devoirs qui n'incombent pas aux universités libres.

S'il en est ainsi, ces obligations sont bonnes ou mauvaises. Si elles sont mauvaises, il faut en affranchir les universités de l'Etat; si elles sont bonnes, de quoi se plaint-on ?

J'avouerai cependant qu'il y a quelque chose de fondé dans l'objection. Dans les universités de l'Etat, dont je désire le progrès autant que qui que ce soit, il existe, en quelque sorte, deux autorités; il y a autorité locale qui dirige immédiatement l'université; il y a ensuite l'autorité du ministre.

Il peut en résulter des froissements, je l'avoue ; mais la conclusion que j'en tire, c'est que, si sous ce rapport les universités libres offrent plus d'avantage que celles de l’État, c’est un avantage pour les jeunes gens, un avantage pour la science, et par conséquent pour le pays. On oublie souvent que, d’après la Constitution, il faut mettre l’enseignement libre au moins sur la même ligne que l’enseignement de l’État, car il fait l'objet de la préoccupation du législateur constituant, plus encore que l'enseignement de l'Etat.

On nous a dit aussi, je dois croire que c'est une distraction de l'honorable membre, que la liberté d'enseignement est plutôt une liberté réservée au père de famille qu'elle n'existe pour le professeur. Mais alors ce ne serait plus la liberté d'enseignement, mais la liberté de faire enseigner, car le père de famille se trouve rarement dans le cas de pouvoir enseigner lui-même ; c'est là une prétention qui ne peut pas se soutenir et qui tombe devant la signification même du mot : liberté d'enseignement.

Messieurs, on a prétendu aussi que le jury central tel que nous le désirons, composé de membres pris dans les quatre universités, n'offre pas pour les études privées toutes les garanties désirables.

J'ai déjà eu l'honneur de faire observer que ces études font la très petite exception en fait d'enseignement. Par conséquent, leur représentation dans le jury ne doit pas être si grande, il suffit qu'elle soit raisonnable. Mais je crois que le jury tel que nous le proposons offre plus de garanties que le jury composé par le gouvernement, car celui-ci peut être partial à l'égard des élèves qui ont fait des éludes individuelles aussi bien qu'à l'égard des élèves des universités libres. Les élèves en études privées, s'ils fréquentaient les universités de l'Etat, contribueraient à leur prospérité. Le gouvernement, investi du droit de former comme il l'entend le jury pour les étudiants en études privées, pourra, s'il veut, les décourager et les forcer indirectement à fréquenter les universités de l'Etat.

Le système que nous proposons offre plus de garantie; j'avoue qu'il y a quatre intérêts qui s'opposent à celui de l'élève privé, mais il est très difficile de mettre d'accord quatre intérêts pour en opprimer un autre, tandis qu'il est tout naturel que le seul intérêt qui se présente dans le système du gouvernement agisse contre celui de l'étudiant en études privées.

Je trouve donc plus de garantie dans le jury comme nous le proposons que dans le jury spécial proposé par le gouvernement, d'autant plus que nous admettons un représentant spécial pour les études individuelles dans notre jury.

Je ne m'arrêterai pas aux objections faites dans la discussion générale par rapport à la grande célébrité que la Belgique s'est acquise à l'étranger par la liberté d'enseignement qui la distingue parmi toutes les nations constitutionnelles de l'Europe. Je croirais faire tort à mon pays si j'attachais la moindre importance à cette objection, qui tend à nous imputer comme un blâme ce qui nous fait le plus grand honneur. Il est vrai que notre liberté n'a pas toujours été comprise par nos voisins. Mais pourquoi? Par suite des calomnies qu'on avait déversées sur elle, en Belgique même, lorsqu'on a dit que la liberté absorbait tout l'enseignement , que c'était un monopole imposé au peuple ; ces calomnies ont passé la frontière, on les a prises au sérieux, on a cru que la liberté c'était l'anarchie. Mais heureusement pour nous, depuis un an, cette opinion est changée et aujourd'hui quand on dit: La liberté comme en Belgique ! on invoque une liberté sérieuse et sage qui admet une large concurrence à côté de l'action du gouvernement. C'est un titre de gloire pour nous aux yeux de 30 millions de Français et de 20 millions d'Allemands, sans compter ceux qui nous admirent, sans espérer de pouvoir nous imiter.

Une autre objection a été présentée par l'honorable rapporteur. Il nous a dit : Si une corporation de journalistes prétendait avoir le droit de se faire représenter au jury criminel pour ce qui regarde les délits de presse, lui accorderiez-vous ce droit? Certainement non, a-t-il dit, donc il ne faut pas accorder ce droit aux universités libres. Je dis que si le gouvernement avait sous sa tutelle des corporations pour la presse, s'il établissait on pouvait établir des associations gouvernementales en faveur de la presse, et qu'a côté il existât des associations de presse libre, je dirais oui; je voudrais que dans la loi on donnât des garanties devant le jury criminel; je ne reculerais pas devant cette conséquence.

Pourquoi n'en est-il pas ainsi? Parce que la liberté de la presse n'est pas en jeu ; parce que la presse devant le jury criminel n'est pas en face d'un intérêt rival; c'est tout différent quant au jury d'examen. Pourquoi demandons-nous des garanties quant à ce jury? Parce qu'à côté des universités libres, il y a des universités officielles. On ne peut donc pas tirer des conséquences de cette supposition.

D'après ce que je viens d'avoir l'honneur de dire à la chambre, on doit comprendre que je suis partisan du jury central, où se trouvent représentées les quatre universités et les éludes isolées.

Je viens de voir l'exposé de motifs du projet de loi présenté en France par le ministère, en ce qui concerne l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire ; je dois dire que j'ai été frappé à la lecture de ce document ; nous y voyons la confirmation de ce que je disais tout à l'heure, à savoir que la France entre franchement dans le régime dans lequel nous avons eu l'honneur de la devancer.

M. de Mérode. - C'est M. Barrot.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dites M. de Falloux.

M. de Mérode. D'accord avec MM. Dufaure et Barrot.

M. de Haerne. - C'est le ministère qui doit pouvoir compter sur quelque appui dans la législative française. Il n'est pas question, dans ce projet de jury parce qu'il s'agit seulement d'enseignement primaire et secondaire, mais je dois dire que les conseils supérieurs et départementaux (page 1687) tels qu'on propose de les composer, offrent toute garantie d'impartialité quant à l’influence des opinions opposées qu'on y représente.

On voit que l'auteur du projet a eu en vue de faire respecter tous les intérêts, toutes les opinions. A côté des professeurs de l'enseignement libre on voit figurer les dignitaires ecclésiastiques des différents cultes. Il y a respect, égalité, justice pour tout le monde. C'est avec des idées semblables de justice, d'équité et d'impartialité que je voudrais voir composer les jurys d'examen en Belgique.

L'honorable M. Henri de Brouckère vous a déjà fait sentir qu'il ne faut pas ici s'effrayer de cette expression de personne civile, comme si l'on conférait aux universités libres, qu'on appellera dans le sein du jury, un droit qui n'est pas dans la Constitution. La Constitution a proclamé la liberté d'enseignement. Donc elle admet tout ce qui est nécessaire pour que cette liberté soit complète. Donc elle doit vouloir que les corporations qu'on appelle universités puissent exister et que le jury d'examen présente toutes les garanties nécessaires à leur existence et même à leur prospérité.

Je ne vais pas jusqu'à soutenir qu'avec le jury, tel qu'il est proposé par le gouvernement, vous parviendrez à anéantir les universités libres. Non ! J'ai trop de confiance dans la liberté : elle a poussé des racines trop profondes dans la nation pour que, par une disposition législative quelconque, vous parveniez à l'anéantir; L'opinion publique s'y opposerait et vous ferait révoquer la loi comme elle en a fait révoquer bien d'autres.

Mais ce que je crois, c'est que si le projet ministériel passe, vous amoindrirez l'enseignement des universités libres, au profit des établissements de l’État, par des moyens qui ne sont pas constitutionnels, par des moyens illibéraux et violents, et que vous l'emporterez sur les établissements libres par le nombre et non par la science ; vous appellerez à vous tous les sujets médiocres. Dans les établissements libres resteront seulement les élèves d'élite, qui se croiront assez forts pour braver le jury partial devant lequel ils devront comparaître. Ceux-là resteront attachés aux universités libres pour l'honneur et la gloire de ces établissements.

Qu'en résultera-t-il? Il en résultera, au bout de quelques années, que quand un élève d'une université officielle aura eu du succès devant le jury du gouvernement, on dira : Ce n'est pas étonnant, il a passé devant ses patrons ! J'ai la conviction que bientôt, et plus tôt qu'on ne pense, il en résultera une défaveur pour les établissements de l'Etat. Les universités libres conserveront l'honneur; le nombre appartiendra aux autres.

En froissant les institutions libres dans leur droit, en les entravant dans leur développement et dans leur prospérité, on viole évidemment la liberté d'instruction.

Il faut donc que le droit des universités libres soit consacré dans la loi.

On dit que le nombre des universités libres peut devenir trop grand et qu'il ne serait plus possible de les y admettre. Il y aurait un moyen de remédier à cet inconvénient quoiqu'il ne soit pas probable qu'il se présentera. J'établirais une concurrence entre les diverses universités. Je les admettrais les unes après les autres d'après le sort. L'impartialité serait également conservée, puisque le sort devant amener les diverses universités à siéger, les unes après les autres, chaque université serait intéressée à se maintenir dans les règles tracées par l'impartialité, par l'équité.

Mais après tout, quand on veut se lancer dans le vaste champ des suppositions, on peut en faire en tout sens. On dit : Il peut surgir une université communiste. L'honorable M. Henri de Brouckere vient de répondre à cette objection d'une manière très satisfaisante. Vous demandez si nous admettrions dans le jury des professeurs d'une université communiste; je dirai par contre : Les universités de l'Etat peuvent venir à tomber par suite de scission ou d'autres circonstances. Elles peuvent tomber ou être réduites au seul nombre des boursiers. Alors ce ne seraient plus que des universités illusoires, ce ne seraient plus des établissements dignes de ce nom ; cependant vous auriez consacré dans la loi le droit de ces universités.

Tout ce qu'on semble craindre, c'est que la loi soit mise en défaut, qu'elle ne devienne une lettre morte. Comme si la législature n'était pas toujours là pour obvier à cet inconvénient. Je dis que si l'on veut faire des suppositions aussi extraordinaires, on peut les faire en tout sens : on peut toujours supposer que la loi sera en défaut, et après tout si des professeurs enseignaient des doctrines contraires à la Constitution, des doctrines anarchiques, on pourrait porter une loi pour les priver de l'avantage de siéger au jury. Ce serait aux tribunaux à en juger. Quand ils auraient été flétris par la justice, le gouvernement ne pourrait les admettre dans le jury.

Pour résumer les idées que je viens d'avoir l'honneur d'exposer à la chambre, j'ai cru devoir rédiger un amendement. Je ne dirai pas que je m'y attache d'une manière exclusive et que je ne suis pas disposé à accepter un autre amendement qui atteindrait mieux, soit pour le fond, soit pour la forme, te but que je me propose.

Cependant je crois devoir en donner lecture à la chambre, afin qu'elle puisse mieux saisir l'idée principale que j'ai émise dans cette discussion.

Voici comment je crois pouvoir amender l'article 40 en partant de l'amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur. Je dirais :

« Les divers établissement d'enseignement supérieur comptant au moins deux «mis élèves dans toutes les facultés, seront représentés d’une manière égale dans les jurys d'examen.

« Dans le cas où, à raison de leur nombre, tous les établissements ne pourraient être admis aux jurys, ils seront appelés successivement à les former dans l'ordre désigné par le sort.

« Le nombre des membres des jurys, choisis en dehors des établissements susmentionnés, ne pourra excéder celui qui est attribué à chacun d'eux. »

Tel est l'amendement que j'ai l'honneur de déposer sur le bureau.

Par le mot égalité j'entends l'égalité non seulement quant au nombre, mais aussi quant à la nature des matières d'enseignement représentées par les divers jurés.

Par mon amendement, je donne d'abord satisfaction aux établissements sérieux qui existent dans le pays; je leur conserve leur importance. Ensuite, je prévois le cas où de nouveaux établissements semblables pourraient surgir, et je donne aussi aux études isolées, aux études individuelles l'importance que je crois qu'elles méritent, sans l'exagérer.

De cette manière, messieurs, je crois que tous les droits seraient sauvegardés, que la liberté aurait ses garanties, que le gouvernement lui-même aurait toutes celles qu'il peut désirer en ce qui concerne les établissements qui sont spécialement confiés à ses soins. Les divers établissements pourront concourir par une noble émulation scientifique au bonheur, à la splendeur de la Belgique et maintenir au pays cette gloire qui lui a fait à l'étranger une si haute réputation, une réputation si bien méritée.

Plus tard, lorsque la science, qui est encore jeune chez nous, aura atteint, par l'action vivifiante de la liberté, toute sa maturité, lorsqu'elle aura porté tous ses fruits, la Belgique, il faut l'espérer, ne devra, pour les sciences comme pour les institutions, pour les lettres comme pour les arts, céder le pas à aucune autre nation.

(page 1679) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je tiens à expliquer en quelques mots une interruption qui a eu lieu pendant le discours de l'honorable M. de Brouckere.

Il m'a paru que l'honorable M. de Brouckere ne se rendait pas bien compte du système du gouvernement, bien que ce système ait été longuement développé dans l'exposé des motifs.

Dans le système du gouvernement, les universités libres, dont on doit tenir compte, lorsqu'on administre, seront représentées dans les jurys universitaires sur le même pied que les universités de l'Etat. Ces jurys seront formés par la réunion de deux facultés, la faculté d'une université de l'Etat réunie à la faculté d'une université libre. Il y aura un nombre égal de professeurs de part et d'autre. Mon amendement tombe en plein dans ce système.

Nous avons expliqué pourquoi nous ne pouvions pas mettre les deux universités de Louvain et de Bruxelles dans la loi ; mais nous en tenons compte dans l'administration, parce qu'on administre avec des faits et lorsqu'on rencontre des faits importants, on en tient compte.

Maintenant à ceux qui insistent pour un jury central, je dirai qu'il y aura un jury central destiné à examiner les élèves formés dans des établissements privés et même les élèves des universités à qui il conviendrait mieux de se faire examiner par ce jury central.

Dans ce jury central, les professeurs des universités de l'Etat ne seront jamais plus nombreux que les professeurs de l'enseignement privé. J'entends par l'enseignement privé celui qui est donné en dehors des établissements de l'Etat, soit par une association, soit individuellement. La loi ne peut distinguer ici entre l'être collectif et l'individu.

L'instruction peut être donnée soit par une association, soit par un individu. Le législateur n'a pas à s'occuper de ces différences; seulement le gouvernement en tient compte, lorsqu'il s'agit de poser des actes d'administration.

Il en tient largement compte dans le système développé dans l'exposé des motifs; il en tient tellement compte qu'il met les universités libres absolument sur la même ligne que les universités de l'Etat.

Je crois pouvoir dire que l'honorable M. de Brouckere ne s'était pas formé une idée exacte du système du gouvernement, et c'est pourquoi je l'avais interrompu tandis quand il parlait.

M. Jacques. - Je demande la parole pour développer en quelques mots un amendement.

Dans la discussion générale plusieurs orateurs ont soutenu l'opinion qu'il ne convenait pas d'abandonner entièrement au pouvoir exécutif les mesures à prendre pour la formation et l'organisation des jurys d'examen.

Il est incontestable que les jurys d'examen ont sur l'enseignement une très grande influence; que, s'ils sont bien composés, ils peuvent maintenir intacte la liberté d'enseignement; que, s'ils le sont mal au contraire, ils peuvent l'abâtardir et même la tuer. Je ne crois pas qu'il y ait, dans le projet de loi que nous examinons, des dispositions plus importantes que celles qui concernent les jurys d'examen. Je conclus de là que si l'on abandonne entièrement au pouvoir exécutif ce qui concerne les jurys d'examen, l'on peut à plus forte raison lui confier les autres détails qui se trouvent dans le projet.

Messieurs, si l'on voulait s'en tenir à l'article 40 tel qu'il est présenté, il serait plus simple de faire la nouvelle loi en un seul article où l'on se bornerait à dire : « Le gouvernement est autorisé à introduire dans la loi du 25 septembre 1835 sur l'enseignement supérieur telles modifications qu'il jugera convenables. La loi ainsi modifiée sera réimprimé au Bulletin officiel. »

Vous n'admettrez certes pas un système aussi vague. Pour ma part je ne puis m'y rallier, quoique j'accorde pleine confiance au gouvernement, et que, dans un amendement que je vais déposer, je ne fasse qu'introduire dans la loi même quelques dispositions concernant les jurys d'examen, dispositions dont la plupart sont en harmonie avec les mesures indiquées dans l'exposé des motifs présenté par le gouvernement ; il n'y a en effet de divergence notable qu'en ce qui concerne le jury central qui me paraît devoir être maintenu.

Pour l'organisation des jurys, il faut que l'on tienne compte tout à la fois, des examens prescrits par la loi actuelle et des nouveaux examens que l'on propose d'introduire, notamment pour les élèves universitaires, pour les candidats notaires, pour les pharmaciens, pour les docteurs en sciences politiques et administratives. Il faut tenir compte également de ce que l'examen de docteur en droit est divisé en deux examens ; en effet, le jury du doctorat en droit est déjà assez occupé maintenant pour un seul examen; un seul jury ne pourrait donc pas être chargé des deux examens.

Les examens d'élève universitaire devront d'abord être subis par tous le jeunes gens qui aspirent à des grades académiques ; mais ces examens seront, en outre, demandés, ainsi que l'ont déjà fait remarquer plusieurs orateurs, par un certain nombre de jeunes gens qui désireront obtenir le titre d'élève universitaire, quoique n'aspirant pas à d'autre grade académique : l'on peut donc compter sur un nombre de 400 à 500 récipiendaires par année.

Un seul jury ne pourrait pas convenablement examiner un aussi grand nombre d'élèves ; les professeurs seraient tenus trop longtemps éloignés de leurs chaires et les élèves de leurs études.

Je pense donc que, pour les examens d'élève universitaire, il est indispensable d'avoir au moins trois jurys, et pour la facilité des élèves on ferait bien de fixer le siège de ces jurys dans les villes où siègent les cours d'appel, c'est-à-dire à Bruxelles, à Gand et à Liège.

Quant aux grades académiques , je proposerai de maintenir le jury central à Bruxelles, mais en le subdivisant en huit jurys au lieu des six qui sont établis par la loi actuelle. J'ai déjà expliqué pourquoi il est nécessaire d'établir deux jurys au lieu d'un pour le doctorat en droit. Il n'est pas moins nécessaire d'en établir également deux pour la philosophie : l'expérience a prouvé que le jury unique qui existe maintenant ne peut pas suffire à sa tâche, sans donner aux sessions une durée beaucoup trop longue.

Voici donc comment je formule cette partie de mon amendement :

« Il y a, pour les examens d'élève universitaire, trois jurys de cinq membres, siégeant à Bruxelles, à Gand et à Liège.

« Il y a, pour les autres examens prévus par la présente loi, huit jurys de sept membres siégeant à Bruxelles, savoir : premier jury, candidature en philosophie préparatoire à l'étude du droit; deuxième jury, philosophie et lettres ; troisième, sciences naturelles, sciences physiques et mathématiques; quatrième, candidature en droit; cinquième, premier examen de docteur endroit, notariat; sixième, second examen de docteur en droit, sciences politiques et administratives; septième, candidature et premier examen de docteur en médecine et en chirurgie, examen de pharmacien ; huitième, second et troisième examen de docteur en médecine et en pharmacie. »

Je conserve ainsi deux jurys pour la faculté de médecine ; mais comme l'expérience a prouvé que le jury de candidature n'est occupé, sous l'empire de la loi actuelle, que pendant un petit nombre de jours, je propose pour répartir plus convenablement les séances d'examen entre les deux jurys, d'attribuer au premier, outre les examens de candidat les premiers examens pour le grade de docteur.

Quant à la nomination des jurys, je reste à peu près d'accord avec les vues exposées par le gouvernement. Voici de quelle manière je propose de rédiger cette partie de mon amendement :

« Le Roi nomme, chaque année avant le 1er mars, les membres des onze jurys, et un suppléant pour chacun de ces membres. Le Roi nomme extraordinairement aux places de membres et de suppléants qui deviennent vacantes avant la fin des examens de l'année. Le Roi nomme, dans chaque jury, deux ou trois membres et leurs suppléants, parmi les professeurs de l'enseignement donné aux frais de l'Etat, et pareil nombre de membres et de suppléants parmi les professeurs de l'enseignement libre. »

Reste maintenant un paragraphe qui concerne la nomination des présidents des jurys. Il m'a paru plus convenable, eu égard aux attributions que l'on confère au président, de le faire élire par le jury même, que de le faire nommer directement par le gouvernement.

Je propose donc de rédiger ainsi ce paragraphe :

« Chaque jury élit dans son sein son président et son secrétaire, à la majorité absolue des suffrages. S'il n'y a pas de majorité au premier ni au second scrutin, l'on procède, par un troisième scrutin, au ballotage entre les deux membres qui ont obtenu le plus de voix. En cas de parité de suffrages, le plus âgé est préféré. »

Je propose enfin de maintenir à la fin de l'article le paragraphe qui a été indiqué tout à l'heure par M. le ministre de l'intérieur et qui est ainsi conçu :

« Toute personne peut se présenter aux examens et obtenir des grades, sans distinction du lieu ou de la manière dont elle a fait ses études. »

Je crois, messieurs, que les opinions sont maintenant arrêtées. Je n'ai d'ailleurs pas la prétention de pouvoir convertir à mon opinion ceux de mes honorables collègues qui auraient adopté une autre manière de voir. Je me borne donc à déposer mon amendement.

M. le président. - Les amendements seront imprimés et distribués.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.