(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1627) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 1 heure.
- La séance est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer. donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Coyon, professeur au collège communal de Huy, demande la restitution des sommes qu'il a versées au trésor, à titre de droit d'enregistrement pour la naturalisation qui lui a été conférée ainsi qu'à son fils. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les élèves en médecine de l'université de Gand présentent des observations sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les sieurs Gorlier et Pirotte, candidats notaire, à Liège, demandent que la qualité d'avoué soit conférée après l'épreuve d'un examen devant le jury, et que les candidats avoués, porteurs d'un diplôme de capacité, soient exempts de cette formalité. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Delhaye, décoré de la croix de fer, prie la chambre de lui faire obtenir une place. »
- Même renvoi.
« Le sieur Goelmaekers, horloger, fabricant de bronze, à Bruxelles, soumet à la chambre des mesures protectrices pour l'industrie des bronzes et l'horlogerie. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Le sieur François-Aug. Méaux, négociant, à Bruxelles, né à Pont-à-Mousson (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Par dépêche du 20 juin, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 112 exemplaires des instructions adressées par le département de l'intérieur aux administrations provinciales dans le but d'engager les communes dans la voie des améliorations hygiéniques.»
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Delehaye. - Au nom de la commission des naturalisations, j'ai l'honneur de déposer trois projets de loi sur des demandes en grande naturalisation, déjà prises en considération par les deux chambres, et quinze projets de loi sur des demandes en naturalisation ordinaire, également prises en considération par les deux chambres.
Parmi ces demandes, il en est quelques-unes sur lesquelles la chambre avait demandé un prompt rapport, entre autres deux demandes en grande naturalisation. Je demande donc que la chambre veuille bien statuer sur ces projets entre les deux votes du projet de loi qui nous occupe en ce moment.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution des projets et les met à l'ordre du jour entre les deux votes du projet de loi sur l'enseignement supérieur.
- M. H. de Brouckere remplace M. Verhaegen au fauteuil.
Le premier article amendé est l'article 6.
« Art. 6. Sont admises au transit en exemption des droits :
« 1° Par le chemin de fer de l'Etat :
« Les marchandises de toute espèce, excepté celles dont parle le n°1 de l'article 9, les ardoises, les charbons de terre et les bestiaux : bœufs, taureaux, vaches, taurillons, bouvillons et génisses :
« a. Directement ;
« b. Par un entrepôt franc ou public relié à cette voie par un embranchement, pourvu que l'arrivée en entrepôt ait lieu par mer ou par le chemin de fer de l'Etat.
« 2° Sans distinction de voies :
« Les marchandises libres, tant à l'entrée qu'à la sortie.
« 3° Les marchandises de toute espèce importées par mer, sous pavillon quelconque, et transbordées à Anvers ou à Ostende sur d'autres navires pour être immédiatement réexportées par le port même d'importation. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois devoir combattre l'amendement qui a été adopté au premier vote, relativement au bétail. J'ai de nouveau examiné très attentivement et très consciencieusement la question ; cet amendement ne me paraît justifié par aucune espèce de raison, par aucune espèce de nécessité. Aucun fait, ni ancien ni nouveau, ne prouve que le transit du bétail à travers la Belgique aurait pour résultat de causerie moindre préjudice aux éleveurs indigènes. S'il y avait un fait, une raison apportée à l'appui de la proposition qui a été adoptée au premier vote, je serais disposé à me rallier au droit qui a été admis. Mais, en vérité, je ne trouve pas un seul motif de maintenir une pareille disposition.
J'ai eu l'honneur de signaler à la chambre, dans la discussion, quelle avait été l'importance de l'exportation à l'époque où le transit était libre. Dans ce moment-là l'exportation de nos bestiaux a été beaucoup plus considérable qu'à aucune autre époque. J'ai dit que successivement nos exportations avaient décliné depuis. J'ai fait faire le relevé des exportations postérieures aux dates que j'avais d'abord indiquées et qui s'arrêtent, je pense, à l'année 1845, et j'ai vu qu'en 1846, 1847 et 1848, l'exportation a continué à diminuer.
On avouera qu'il y a là un fait assez étrange : on se plaint du transit comme pouvant nuire à l'exportation, et c'est précisément à l'époque où le transit est permis que l'exportation atteint le chiffre le plus élevé. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que l'effet du transit est d'amener nécessairement une exportation plus considérable; je maintiens cependant la raison que j'ai eu l'honneur de donner dans la première discussion. Si ultérieurement des faits graves se révélaient, attestant que le transit est (page 1628) devenu nuisible, qu'il occasionne une concurrence préjudiciable à l'agriculture belge, je concevrais qu'on demandât l'établissement d'un droit ; mais jusqu'à ce qu'il y ait des preuves d'un préjudice quelconque, c'est une mesure que rien ne justifie, que de frapper d'un droit réellement prohibitif le transit du bétail.
La chambre ne doit pas faire des choses contradictoires : la législation qu'elle va inaugurer est fort libérale; on a fait disparaître presque toutes les prohibitions; on n'a pas laissé subsister même celles qui avaient été encore maintenues dans les arrêtés pris par le gouvernement conformément aux pouvoirs qui lui avaient été donnés; il ne reste de droits sur certaines matières qu'à raison d'un intérêt évident , bien démontré, fondé sur un véritable préjudice qui serait causé à tel ou tel autre intérêt national. Par ce motif seulement, quelques droits sont conservés. On en maintient quelques autres parce que, si on les abolissait, on porterait atteinte à des conventions internationales, à des avantages qu'on a voulu se réserver par les traités. Eh bien, voici que changeant tout à coup de système, faisant une chose tout à fait anormale, la chambre irait à la fois décréter un système éminemment libéral et un système éminemment restrictif!
Je convie la chambre à ne pas maintenir la résolution adoptée au premier vote.
M. Faignart. - Messieurs, les idées de liberté commerciale qui se font jour dans cette enceinte, paraissent s'attaquer exclusivement à l'agriculture; c'est sur elle que l'on veut tenter les essais de ces doctrines, qui nous seront toujours funestes, aussi longtemps qu'elles n'auront pas été mises en pratique dans les pays qui nous entourent.
Le transit libre du bétail faciliterait à notre préjudice les moyens de livrer les bestiaux hollandais en concurrence avec les nôtres sur le marché français, qui a toujours été notre principal débouché ; ce serait là une faveur que rien ne justifie, et l'on se trompe gravement, lorsqu'on avance que cette mesure ne compromettrait pas les intérêts des éleveurs belges.
En Belgique, messieurs, chaque tête de gros bétail produit indirectement à l'Etat une somma plus forte que celle de huit francs imposés pour le transit des bestiaux étrangers. En effet, un bœuf, avant d'être livré à la boucherie, a consommé plus que la récolte d'un hectare de prairie ou de toute autre denrée produite par le sol, qui, certes, procure plus de huit francs d'impôt au trésor.
Je pourrais ici vous donner quelques détails pratiques dont je me dispenserai d'entretenir la chambre. Cependant, il y a une considération que je crois utile de vous soumettre; la voici :
Les cultivateurs belges qui font venir des bêtes à cornes de la Hollande, payent par tête 15 francs (additionnels non compris). Ces mêmes bêtes pour lesquelles l'on a payé quinze francs, sont exportées en France, après avoir été nourries ici quelques mois ou un an, tandis que celles venant de la Hollande pour se rendre directement en France, seraient, d'après le système de M. le ministre des finances, affranchies de tout droit ; cela ne me paraissant pas admissible, j'engage la chambre à confirmer le vote qu'elle a émis précédemment ; par ce vote, vous encouragerez nos éleveurs à persévérer dans les améliorations qu'ils ont introduites dans l'industrie de l'élève du bétail, qui est le moyen le plus puissant pour féconder notre sol ; il serait, selon moi, imprudent de paralyser leur zèle par une mesure qui ne peut être avantageuse qu'à nos voisins et préjudiciable à nos intérêts et à ceux du trésor.
La Hollande, dont le bétail est cité avec raison pour le meilleur de l'Europe, a déjà assez d'avantage sous ce rapport pour que vous ne lui rendions pas trop facile l'accès des marchés que nous sommes appelés à alimenter.
Quant à ce que l'on a dit, que le bétail serait transporté en France directement par Dunkerque, cette considération ne doit pas nous effrayer; il n'entrera jamais dans la pensée d'un marchand, de faire transporter son bétail par bateaux, lorsque, pour 8 francs par tête, il pourra se faire par chemin de fer; c'est là un argument dont la chambre ne doit pas tenir compte.
Je voterai pour l'amendement tel qu'il a été adopté dans la séance du 15 juin.
M. Delehaye. - Je ne puis pas, messieurs, m'expliquer la persistance du gouvernement à demander le rejet de la proposition adoptée au premier vote.
D'après les opinions déjà émises dans cette enceinte, il me semblait que chacun comprenait parfaitement bien que s'il est quelque chose, en fait d'agriculture, qui mérite la sollicitude des chambres, c'est certainement l'élève du bétail. Il est impossible que vous fassiez quelque chose en faveur de l'agriculture, si vous n'encouragez pas l'élève du bétail.
Qu'avez-vous fait en admettant le système des honorables MM. Vandenpeereboom et Manilius? Vous avez déclaré que l'étranger qui voudrait profiter du chemin de fer belge pour transporter son bétail, payerait une certaine redevance à l'Etat, et vous avez fixé cette redevance à 8 fr. pour le gros bétail.
Eh bien, cette redevance de 8 francs n'est pas même un droit réel. Voici comment je le prouve. C'est que les éleveurs hollandais ont un avantage si marqué sur les éleveurs belges que le droit de 8 francs ne suffit pas pour rétablir l'équilibre. D'abord les prairies de la Hollande sont infiniment meilleures que celles de la Belgique; elles ont une qualité supérieure. Cet avantage dépasse de beaucoup le droit de 8 francs dont il s'agit en ce moment.
Il n'est que juste d'imposer ici un droit sur le transit du bétail étranger par la Belgique. La Hollande est obligée d'Introduire son bétail en France par bateaux à vapeur. Or, ce transport détériore beaucoup le bétail ; arrivé sur le territoire français, il a subi une détérioration considérable ; cette dépréciation est telle que j’ai la persuasion intime qu’un droit de 8 francs n’engagera pas les éleveurs hollandais à ne pas se servir du chemin de fer belge. La Hollande est forcément obligée de se servir de notre chemin de fer.
Messieurs, il est reconnu que le bétail, en Belgique, n'est pas à beaucoup près suffisant pour les besoins, comparativement à ce que nous pourrions avoir pour l'exportation. La plupart de nos éleveurs sont obligés de faire venir du bétail maigre de Hollande; et ils payent pour cela un droit de 15 francs par tête. Comment pourraient-ils soutenir la concurrence avec la Hollande, alors que la Hollande ne payerait chez nous qu'un droit de 8 francs pour le transit de son bétail gras, tandis qu'ils doivent payer 15 francs par tète le bétail maigre qu'ils vont chercher en Hollande ?
« Mais, dit M. le ministre des finances, l'exportation du bétail belge a diminué. » M. le ministre n'a pas indiqué la cause de ce fait. Cette cause gît d'abord dans les circonstances que j'ai signalées. Le chiffre des exportations a diminué ; pourquoi ? D'abord parce que, par suite du manque de la récolte des pommes de terre, on n'a pas pu se livrer chez nous à l'élève du bétail; en second lieu, parce que nous avons été obligés d'aller prendre à l'étranger du bétail maigre qui est frappé d'un droit de 15 fr.
Je regrette, messieurs, que le droit qu'on propose sur le transit du bétail étranger ne soit pas plus élevé ; notre agriculture n'est pas suffisamment protégée par ce droit ; mais enfin nous devons l'adopter; il en résultera au moins une légère amélioration dans nos finances.
Une autre considération doit vous engager, messieurs, à adopter ce droit. Vous prenez aujourd'hui une mesure générale pour régler le transit en Belgique. Eh bien, en adoptant le droit de 8 francs, vous armez le gouvernement d'un moyen de négociation très utile quand il' s'agira de faire un traité de commerce avec la Hollande.
Je regrette que la protection ne soit pas plus forte ; ce droit ne protégera que faiblement notre agriculture, cette industrie qui est la mère de toutes les autres industries.
J'aurais voulu un droit plus fort. Qu'on ne perde pas de vue que ce qu'il faut surtout protéger dans l'industrie agricole, c'est l'élève du bétail; dans l'intérêt des propriétaires de prairies , vous ne pouvez pas leur refuser le minime avantage qui leur a été accordé au premier vote sur les éleveurs hollandais.
J'aurais voulu que le gouvernement actuel eût demandé une réduction de droit d'entrée sur le bétail maigre et une augmentation sur le bétail gras; nous aurions rendu un service signalé à l'agriculture; à défaut de cette mesure, je demande le maintien du vote de vendredi.
M. le président. - La parole est à M. Coomans.
M. Coomans. - J'attendrai que M. Osy, qui se propose de parler contre la proposition, ait été entendu.
M. Osy. - Je ne puis que répéter ce que j'ai dit dans une première discussion. La Hollande est désintéressée depuis que le marché anglais lui est ouvert ; elle a là un plus grand débouché que le marché français.
Vous direz que le droit de 8 fr. n'est pas considérable, mais je ferai observer qu'il est tellement anti-commercial d'établir un droit de transit de 8 fr. quand le droit d'entrée n'est que de 15 fr., que je regretterais de faire une loi définitive qui contiendrait une disposition qui est aussi en contradiction avec son principe. Si on avait attaqué le droit d'entrée et qu'on eût demandé de le reporter à 50 francs, j'aurais combattu cette proposition, mais je l'aurais comprise. Mais aucune réclamation à cet égard ne s'est produite dans cette chambre ou dans le pays.
Si la Hollande trouve avantage à expédier son bétail en France, et que vous mainteniez le droit de transit de 8 fr., elle l'expédiera par voie de Flessingue et de Rotterdam; d'autant plus que le ministre des travaux publics a dit que le chemin de fer du Nord a pris des dispositions telles que le transport ne coûtera pas plus de Dunkerque que de Lille.
La France fait tout ce qu'elle peut pour attirer le bétail hollandes. Pour ma part, je ne pourrai pas consentir à un droit aussi élevé que celui qui a été adopté au premier vote. J'espère qu'on ne le maintiendra pas. Si M. Coomans demandait une augmentation de droit d'entrée, je le concevrais, parce que ce serait une augmentation de protection pour l'agriculture; mais le droit d'entrée étant maintenu à 15 francs, je ne comprends pas un droit de transit de 8 francs.
M. Coomans. - Messieurs, ce n'est pas ma faute si la parenthèse ouverte dans la discussion générale de la loi sur l'enseignement supérieur, s'allonge un peu; je ne comptais plus prendre la parole sur la question du transit, mais je ne puis laisser sans réponse diverses attaques dirigées contre le vote de vendredi dernier. L'honorable M. Delehaye dit avec raison que nous ne demandons pas sur ce point une protection pour l'agriculture. Ma conviction est que le droit de 8 fr. n'empêchera pas le transit d'une seule tête de bétail de la Hollande vers la France par Belgique ; c'est pour maintenir dans la loi un principe utile et aussi pour assurer une nouvelle recette au trésor que je demande le maintien du premier vote.
Il est vrai qu'on nous objectera, sur la question financière, que, dans l'opinion de l'honorable ministre des finances il y aura perte pour le trésor, puisque le chemin de fer transportera moins de bétail, Mais (page 1629) dans la mienne, cette objection n'a pas de valeur, puisque je pense et je que je crois pouvoir démontrer qu'un droit de 8 fr. sur une tête de bétail qui vaut de 300 à 350 fr. ne sera pas un obstacle au commerce de transit.
La cause principale de l'état stationnaire de notre agriculture, ou du peu de progrès qu'elle a réalisé, est le manque de bétail, c'est-à-dire le manque d'encouragement à l'élevage du bétail.
Jamais nous ne parviendrons à rétrécir le cercle de landes arides qui entache encore le sol de la Belgique, si nous n'augmentons pas nos d'engrais, et nous ne parviendrons pas à ce but si nous n'assurons aux éleveurs des avantages notables, des avantages plus sérieux que ceux dont ils jouissent aujourd'hui.
Le marché français nous est ouvert; il nous est acquis. Réservons-nous cette ressource, dans la mesure du droit des gens. Appliquons à l'agriculture modérément, mais fermement, le régime que nous appliquons en faveur des autres industries.
Il est évident (je ne crois pas que l'on puisse contester ce fait) que la France achètera chez nous le bétail qu'elle ne pourra acheter en Hollande. Ici je ne me contredis pas; car je crois qu'un droit de 8 fr. ne sera pas un obstacle au transit. Mais mes honorables contradicteurs, qui eux aussi le proclament favorable à l'agriculture, devraient voter ce droit, précisément parce qu'ils y voient une entrave à l'approvisionnement du marché français par la Hollande.
Pour moi, je voterais volontiers un droit plus élevé. Mais la proposition que je pourrais faire n'aurait guère de chance d'être adoptée par la chambre; je ne l'ignore point. Je voudrais la prohibition absolue du transit... (Interruption.) Messieurs, elle n'aurait rien d'exorbitant, puisque les éleveurs hollandais en seraient quittes pour payer 15 francs à l'entrée au lieu de 8 francs au transit. Le transit continuerait sous le régime prohibitif. C'est ma conviction.
Il y a plus : j'ai appris que, dans l'hypothèse de l'adoption de la loi actuelle, des marchands de bétail hollandais payeront un droit d'entrée de 15 francs au lieu de payer le droit de transit de 8 francs, parce que, s'ils acquittaient ce dernier droit, ils seraient obligés de faire usage du chemin de fer. Quand ils feront un transport de 40 à 50 têtes de bétail, ils trouveront plus avantageux de supporter le droit d'entrée, afin de pouvoir employer les routes ordinaires. On m'assure que ces cas se présenteront quelquefois, preuve que la charge de 8 fr. n'empêchera pas le transit.
Vous imposez au cultivateur belge une charge de 15 fr. par tête de bétail qu'il introduit chez nous, et vous ne voudriez pas établir la moitié de ce droit sur le bétail destiné aux Français !
Il y a un fait qui semble avoir impressionné l'esprit de l'honorable ministre des finances: il a bien voulu me dire qu'il me croyait très consciencieusement dans l'erreur. Je lui fais le même compliment, si c'en est un. Mais il me semble que je puis diminuer l'étonnement que ce fait cause à M. le ministre des finances. L'honorable ministre démontre, chiffres en main, que nos exportations en France ont diminué, alors que le transit n'existait pas au profit de la Hollande.
Je ferai remarquer à l'honorable ministre que ce fait s'est produit pendant la crise alimentaire, alors que le bétail manquait en Belgique; il est tout naturel que le bétail manquant en Belgique, nos cultivateurs, nos marchands aient eu moins de bétail à envoyer en France.
Messieurs, l'honorable ministre des finances a dit, l'autre jour, que la concurrence du bétail hollandais sur le marché français ne devait pas nous effrayer, attendu que plus il y avait de vendeurs, plus il y avait d'acheteurs. Mais je m'étonne encore une fois qu'on applique à l'agriculture une logique particulière; on ne se borne pas à avoir des principes particuliers, une législation particulière pour l'agriculture ; on raisonne sur ses intérêts avec une logique particulière. En toute autre circonstance, lorsqu'il s'agit d'intérêts commerciaux et industriels, il est acquis que la concurrence est une mauvaise chose; c'est tellement vrai que dans la plupart des pays de l'Europe qui ont une réputation de savoir commercial assez bien établie, on prohibe la concurrence étrangère autant que possible.
Nous-mêmes, dans la loi actuelle, nous prohibons le transit en faveur de quelques industries. C'est bien en faveur du travail national qu'on prohibe le transit, au moins pour certains articles auxquels je fais allusion. Car l'intérêt du chemin de fer qu'on a invoqué plusieurs fois pourrait l'être également contre la prohibition du transit décrétée en faveur des charbons, des fers, des sucres, des chiffons, etc.
Messieurs, l'importance du transit ne doit pas être méconnue. En 1840, nous avons transité 10,380 têtes de bétail ; en 1841, 18,661 têtes; en 1842, 22,017 têtes; en 1843, 15,184 têtes : en 1844, 24,193 têtes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas de gros bétail ; c'est avec les moutons.
M. Coomans. - Bien entendu. En les défalquant, il me resterait encore un gros chiffre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne resterait plus rien.
M. Coomans. - Il reste plusieurs milliers de têtes ; mais je reviendrai à mes moutons une autre fois.
La valeur de nos importations de bétail s'élève à un chiffre très considérable qui varie de 2 à 3 millions de francs annuellement. C’est une industrie que nous devrions nous efforcer d'étendre autant que possible, non seulement en faveur de l'agriculture, mais en faveur d'autres industries qui y sont intéressées.
Le droit de transit, a-t-on dit, diminuera les recettes du chemin de fer. Messieurs, cette diminution de recette (et ici je me place encore dans l'hypothèse de l'honorable ministre des finances, car je ne l'admets pas pour mon compte), cette diminution de recette sera amplement compensée par le droit de transit que vous percevrez à la frontière, et c'est sous ce point de vue que mon honorable ami M. Delehaye a pu dire que l'intérêt du trésor lui-même conseillait le maintien du vote de vendredi.
Messieurs, si la chambre revenait sur ce vote, si elle accordait au cabinet la liberté du transit, j'aurais une proposition secondaire à faire: ce serait de ne pas entraver le transit du tout. Pourquoi constituer le transit en monopole au profit du chemin de fer? Le transit par terre au moins offre quelques compensations en faveur de l'agriculture et des localités qui en jouissent.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) - C'est pour la surveillance.
M. Coomans. - Je puis attester à la chambre que la suppression du transit par terre a pour ainsi dire ruiné certaines localités, notamment dans le district que j'ai l'honneur de représenter.
- Plusieurs membres. - Aux voix !
M. le président. - M. Rodenbach insiste-t-il pour avoir la parole?
M. Rodenbach. - La chambre paraît pressée de passer au vote ; je n'insiste pas.
- La discussion est close.
L'amendement apporté à l'article 6 est mis aux voix par appel nominal.
81 membres prennent part au vote.
51 votent pour l'amendement.
30 votent contre.
En conséquence, l'amendement est adopté.
Ont répondu oui : MM. Julliot, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Liefmans, Manilius, Mascart, Peers, Pierre, Reyntjens, Rodenbach, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum. A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XI11I, Allard, Ansiau, Christiaens, Clep, Coomans, Cumont, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, d'Hont, Dumortier, Faignart et Jacques.
Ont répondu non : MM. Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Orts, Osy, Prévinaire, Rogier, Rolin, Sinave, Dequesne, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, David, H. de Baillet, H. de Brouckere, de Brouwer de Hogendorp, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, A. Dumon et Jouret.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je proposerai un changement de rédaction : il faut dire au premier paragraphe : « Les marchandises de toutes espèces, excepté celles dont parle le numéro 1 de l'article 9, ainsi que les ardoises, les charbons de terre et le gros bétail. » Les articles 8 et 9 déterminent ce qu'il faut entendre par gros bétail ; ce n'est pas ici la place d'une définition à cet égard.
- La rédaction proposée par M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
L'article 6 est ensuite définitivement adopté.
« Art. 8. Les marchandises désignées ci-après sont soumises à des droits spéciaux de transit, savoir :
« Charbon de terre :
« arrivant d'une partie d'un Etat limitrophe et destinés pour une autre partie du même État, les 1,000 kilog. : 0 40.
« autrement : 6 00.
« Chevaux et poulains, par tête, 4 00
« Draps, casimirs et tissus similaires où la laine domine, les 100 kilogrammes, 8 00
« Pierres : Ardoises, les 1,000 pièces, 1 60
« Bestiaux :
« Bœufs, taureaux, vaches (par tête), 8 00
« Taurillons, bouvillons, génisses (par tête), 4 00. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si ce tarif est définitivement adopté, je demanderai que l'article bestiaux soit placé en tête.
M. David. - Messieurs, d'après les intentions des honorables auteurs de l'amendement, il est clair qu'ils ont voulu introduire dans la loi une mesure fiscale et obtenir par le droit de transit une certaine ressource pour le trésor. Je pense, moi, que si les chiffres qu'ils ont proposés étaient adoptés, tout transit viendrait à cesser, et que par conséquent cette ressource viendrait à manquer complètement au trésor. J'en augure ainsi par les rapprochements que j'ai faits de la moyenne des prix de vente, 1 fr. 10 c. eu moyenne du gros bétail sur les marchés français, et de la moyenne des prix indiqués par l'honorable M. Vandenpeereboom, qui probablement a fait une étude particulière de la question. Avant de prononcer son discours, qui a introduit le premier amendement cet honorable membre a fixé le prix du bétail qui transite par la Belgique à 500 fr. en moyenne. Ainsi 8fr. pour un bœuf, ferait 5 c. par kil. de viande. Nécessairement l'établissement d'un semblable droit doit immédiatement entraîner la suppression de tout transit, et par conséquent de toute ressource (page 1630) pour le trésor. Les chiffres que je viens d'indiquer, on peut les contrôler par les prix moyens des marchés de Passy et de Sceaux, et je crois qu'ils prouvent suffisamment que la chambre ne peut pas maintenir son premier vote. Je voudrais que le transit fût entièrement libre, mais comme la chambre a repoussé ce système en désespoir de cause, je proposerai par amendement de fixer le droit à 4 fr. pour les bœufs, taureaux et vaches, et à 2 fr. pour les taurillons, bouvillons et génisses.
M. Manilius. - Je ne pense pas, messieurs, que j'aurai beaucoup de peine à faire comprendre à la chambre que ceux qui ont voté le principe du droit, doivent s'opposer à un droit aussi minime que celui qui est proposé par l'honorable M. David.
Quelle est, messieurs, la position? M. le ministre des finances nous a dit qu'il a tout examiné bien sérieusement; eh bien, moi j'ai encore relu sérieusement son exposé des motifs et il prouve à l'évidence que le transit du bétail doit être prohibé pour mettre nos producteurs à même de soutenir la concurrence sur un marché voisin. Le bétail se trouve aujourd'hui prohibé, pour le transit, par toutes les voies sans exception aucune, et on demande maintenant que cette prohibition soit levée quant à une seule voie la plus accélérée, la voie de la poste. En poste le bétail pourra passer.
Dans l'intérêt du trésor, nous encourageons le transit facile et en poste; eh bien, dans l'intérêt du producteur nous devrions maintenir la prohibition, et on s'oppose au droit modéré que nous demandons. Ce droit n'est que la moitié du droit d'entrée pour le gros bétail et le quart du droit pour le bétail de la seconde catégorie. C'est là, je le répète, une proposition très modérée, et je crois qu'il est inutile de faire de grandes instances pour combattre l'amendement. J'espère que la chambre n'hésitera pas à le repousser malgré toutes les raisons que M. le ministre des finances a développées tout à l'heure si positivement en opposition avec son exposé des motifs du projet de loi.
J'ajouterai une seule chose : L’honorable M. Osy a appuyé les allégations de M. le ministre des finances ; il a dit qu'on a trouvé que, dans certains moments, on n'a guère expédié du bétail en France par le transit que, d'après M. le ministre, le marché d'Angleterre ayant été ouvert, ce marché a eu la préférence.
Messieurs, c'est une question de prix de vente. Le marché anglais est aujourd'hui tellement réduit que si vous donnez passage avec un droit de 8 francs, vous aurez les 8 francs sur un transit assez considérable, car j'ai des nouvelles du marché de Londres, et voici ce qu'on dit relativement à la vente du bétail.
« Londres, 11 juin :
« Le bas prix de la viande maintient les importations de bétail étranger à un chiffre beaucoup moins élevé que les années précédentes. La semaine dernière, il n'a été importé à Londres que 309 têtes de gros bétail, 379 de moins que dans la semaine correspondante de 1848, et 1,695 bêtes à laine, 963 de moins que l'année dernière. Le blocus des ports allemands contribue aussi à cette diminution. Le bétail importé la semaine dernière est venu exclusivement des ports des Pays-Bas, Harlingen, Amsterdam < t Rotterdam. »
Vous voyez, messieurs, pourquoi cette introduction a diminué, parce que le prix a fléchi ; du moment que le prix fléchit sur le marché de Londres, on dirige le bétail vers le marché français.
Il y a une chose à considérer, c'est que nous avons déjà voté un article qui laisse toute latitude au gouvernement; c'est l'article 34 ; il autorise le gouvernement à modifier les droits, à faire en dehors de la session ce qu'il juge convenable ; si le gouvernement parvient à faire avec la France et la Hollande des conventions commerciales plus avantageuses que celles que nous avons maintenant avec ces pays, il diminuera les droits, s'il le trouve à propos.
Tous les motifs se réunissent pour que nous conservions dans la loi le faible droit de 8 francs.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je tiens seulement à répondre très brièvement, d'ailleurs, à l'honorable M. Manilius qui a reproduit une objection, présentée tout à l'heure par l'honorable M. Coomans. Cette objection consiste à dire: Pourquoi proposez-vous seulement le transit par le chemin de fer ? C'est sans doute pour confluer un monopole au profit du chemin de fer. Sinon, laissez transiter par toutes les voies.
C'est uniquement pour garantir la perception du droit de douane, établi à l'entrée du bétail, que l'on interdit le transit par toute autre voie que par le chemin de fer. Le gouvernement est parfaitement convaincu que le transit du bétail par le chemin de fer ne peut avoir une grande importance dans les circonstances où nous nous trouvons. A l'époque où le transit était permis, vous avez exporté sur le marché français une quantité de têtes de bétail plus considérable que vous n'en avez exporté à toute autre époque ; vous avez atteint alors le chiffre de 12,000 têtes de gros bétail, et vous n'avez eu en transit que 1,600 tètes. Nous étions alors dans des conditions moins favorables qu'aujourd'hui. Le marché anglais n'était pas alors ouvert. Voilà les faits. La chambre les a appréciés. C'est en connaissance de ces faits qu'elle a pris une décision ; je ne veux pas l'arrêter plus longtemps sur ce point.
- La clôture est demandée, elle est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix les chiffres les plus élevés, 8 fr. et 4 fr.
- Plus de 5 membres demandent l'appel nominal.
79 membres répondent à l'appel.
51 répondent oui.
28 répondent non.
En conséquence, l'amendement, adopté au premier vote est définitivement adopté.
Par ce vote, l'amendement de M. David vient à tomber.
Ont répondu oui : MM. le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Liefmans, Manilius, Mascart, Peers, Pierre, Reyntjens, Rodenbach, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire. Vilain XIIII, Allard, Christiaens, Clep, Coomans, Cumont, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, Debroux, Dechamps, de Decker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, d'Hont, Dumortier, Faignart et Jacques.
Ont répondu non : MM. Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Orts, Osy, Prévinaire, Rogier, Rolin, Sinave, Dequesne, Bruneau, Cans, Cools, David, H. de Baillet, de Brouwer de Hogendorp, Delfosse, Deliége, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, A. Dumon , Jouret et H. de Brouckere.
- L'ensemble de l'article 8, tel que M. le ministre des finances propose de le rédiger, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous passons à l'article 19, dont le dernier paragraphe a été amendé de la manière suivante :
« § 4. Ils complètent la décharge de l'acquit de transit en certifiant l'exportation réelle, avec indication du jour et de l'heure, après quoi ils remettent au voiturier ou batelier, chargé du transport, un certificat constatant la décharge de l'acquit. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose de rédiger cet amendement ainsi :
« Après quoi ils remettent à l'intéressé un récépissé constatant la décharge de l'acquit. »
- Cette nouvelle rédaction est mise aux voix et adoptée.
L'ensemble de l'article 19 est également adopté.
Les amendements introduits aux articles 27 et 31 sont confirmés.
A l'article 34, un amendement a été adopté au paragraphe 2 :
« Les dispositions prises en vertu du présent article sont communiquées aux chambres dans leur première réunion.»
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je propose de rédiger cette disposition dans les termes de la loi de 1846 :
« Les dispositions prises en vertu du présent article sont communiquées aux chambres avant la fin de la session si elles sont réunies, sinon dans la session suivante. »
- Cette nouvelle rédaction est adoptée.
L'ensemble de l'article 34 est adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'article 38 n'est pas reproduit parmi les articles amendés; cependant il a été modifié ; on a demandé l'insertion des mots : « Le transit reste permis en exemption de droits ».
J'ai acquiescé à cette addition, elle a été adoptée.
M. le président. - C'est parce que M. le ministre s'était rallié à cet amendement qu'il n'a pas été réimprimé.
Je vais le mettre de nouveau aux voix.
- Il est définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
En voici le résultat :
79 membres ont répondu à l'appel.
77 membres ont répondu oui.
2 membres (MM. Orts et Lesoinne) ont répondu non.
En conséquence, la chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Osy, Peers, Pierre, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rolin, Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Dequesne, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Cumont, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Brouckere (Henri), Debroux, Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Jacques et Jouret.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) présente un projet de loi de crédit supplémentaire de 1,700,000 fr. pour achèvement des canaux de Zelzaete et de Schipdonck et du canal latéral à la Meuse.
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression et la distribution.
Sur la proposition de M. le ministre des finances (M. Frère-Orban), il en ordonne le renvoi à une commission de sept membres qui sera nommée par le bureau.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Aux termes de l'article 58 de la loi sur l'instruction primaire, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre le rapport triennal (années 1846, 1847 et 1848) sur la situation de l'enseignement primaire.
Je dépose également sur le bureau un rapport sur la situation de l'enseignement moyen comprenant les années 1842 à 1848. Aucune (page 1631) loi ne prescrit au gouvernement de faire un pareil rapport. Mais j'ai pensé qu'il pourra servir pour la discussion de la loi sur l’enseignement moyen. Il est assez volumineux; il renferme un assez grand nombre de tableaux. Il s'écoulera nécessairement un certain temps avant qu'il puisse être entièrement imprimé. Mais il pourra être distribué dans l'intervalle d'une session à l'autre; de manière que MM. les représentants puissent étudier tous les documents avant la discussion de la loi sur l'enseignement moyen.
- La chambre donne acte à M. le ministre de l'intérieur du dépôt de ces rapports. Elle en ordonne l'impression et la distribution à domicile.
M. Rodenbach. - Ne conviendrait-il pas de donner lecture de la pétition des étudiants en médecine de l'université de Gand, qui a été analysée à l'ouverture de la séance?
M. Delehaye. - Je ne le pense pas. Cette pétition concerne deux points dont la chambre s'est déjà occupée. Je me suis assuré qu'elle est relative : 1° à la formation de deux jurys (les élèves pensent que cette mesure serait nuisible aux études); 2° à l'un des points sur lesquels porterait l'examen oral ; 3° à l'inscription aux cours obligatoires dans une même faculté.
Les membres de la chambre pourront consulter cette pétition, dont le dépôt sur le bureau a été ordonné,
M. Rodenbach. - Je n'insiste pas.
M. Toussaint. - Messieurs, il y a quatre grands objets dans la loi qui nous occupe.
Elle règle l'enseignement supérieur dans les établissements de l'Etat.
Elle détermine les conditions de la délivrance des diplômes académiques en général, et, dédoublant encore les examens, elle crée le grade d'élève universitaire.
Elle ouvre au gouvernement un crédit permanent pour 60 bourses attachées aux universités de l'Etat.
Et elle établit des conditions nouvelles d'admission à certains emplois.
C'est une loi quelque peu complexe. On comprendrait parfaitement qu'on en eût retranché, pour en faire un projet à part, tout ce qui concerne la collation des grades universitaires et les matières d'examens. Les dispositions restantes auraient regardé exclusivement l'Etat et en eussent été examinées avec plus de calme.
Il n'a rien été dit contre le règlement des matières de l'enseignement dans les universités officielles et contre la détermination des matières d'examen. Je dirai, moi, que les unes et les autres sont encore beaucoup trop nombreuses, qu'on y donne encore beaucoup trop de place à la mémoire et au pédantisme, et beaucoup trop peu à ce qui est positivement nécessaire pour la science et l'exercice des professions libérales. Mais je n'y insiste point pour le moment ; vous comprendrez bientôt pourquoi.
Le principal effort de la discussion porte et portera sur la question du jury ou des jurys d'examen.
Et cependant au fond les systèmes qui se sont produits dans cette enceinte ne sont pas si loin de s'entendre.
Tous ces systèmes, même celui de M. Roussel, même celui de M. Orts, reposent sur la représentation dans le jury des quatre universités.
Ils ne sont en désaccord que sur un point principal, la consécration par la loi de cette représentation. Les défenseurs des universités libres veulent que cette représentation soit écrite dans la loi ; le gouvernement et la section centrale veulent que cette représentation ait lieu en fait mais ne soit pas inscrite dans la loi.
Les autres divergences sont moins importantes. Les défenseurs de la représentation légale des universités comme le gouvernement, qui demande la représentation en fait non en droit, paraissent désirer une disposition définitive ; la section centrale ne veut qu'une délégation temporaire, une véritable épreuve du système communiqué par le gouvernement.
Les premiers veulent la représentation légale des universités dans un jury central ; les seconds veulent la représentation de fait dans deux jurys, où les quatre universités se contrebalanceraient par couple et sous l'autorité d'un président armé d'un veto.
Au fond et pour ce qu'il y a d'essentiel, ces systèmes sont d'accord pour représenter de par la loi ou en fait, pour toujours ou pour un terme de trois années, pour un « triennium academicum » les établissements d'enseignement et leurs corps respectifs de professeurs. Ils sont d'accord pour ne point représenter directement la science, qui n'est point renfermée tout entière dans le professorat. Ils ne se préoccupent que de l’enseignement seul, je le dis avec d'autant moins de scrupule qu'un des membres de la section centrale, professeur lui-même, et un autre professeur à l'université libre, M. Roussel, avouent franchement que la mission du jury d'examen n'est pas de constater chez le récipiendaire la science de la profession, mais seulement la possession des principes scientifiques c'est-à-dire l’aptitude à acquérir la science de la profession.
Messieurs, si nous avions encore pour collègue l'homme à la parole sympathique et brillante dont bon nombre d'entre nous regrettent l'absence dans celle assemblée, il pourrait se prévaloir de ces aveux contre les diplômes universitaires, contre lesquels il s'était élevé si éloquemment. Comme il aurait beau jeu à montrer les malades et les plaideurs livrés à l'expérimentation juvénile de ces nouveaux docteurs déclarés habiles à acquérir la science du droit et de la médecine !
Je n'en tirerai pas, moi, la même conséquence ; mais ces vœux doivent vous faire sentir, messieurs, qu'il y a dans les examens un intérêt positif très sérieux pour la société et que le système des jurys exclusivement professoraux offre une lacune profonde et regrettable. La représentation véritable de la science et la représentation de l'intérêt de lotis y manquent absolument : rien ne préserve contre un abaissement du niveau de l’enseignement.
Dans les deux systèmes, les jurys professoraux s'enquerront si les élèves ont suivi avec fruit l’enseignement donné tel qu'il est donné; mais qui garantira à la société que l'enseignement donné est à la hauteur des progrès de la science et satisfait aux besoins de la société ?
Messieurs, aucun des systèmes proposés ne me paraît bon ni digne d'être accueilli expressément par nous ; et s'il ne s'en produit pas un qui concilie tous les intérêts, et l'intérêt public surtout, je serai réduit à regarder comme un expédient acceptable, dirai-je heureux ? l'article de la section centrale sur les jurys d'examen. Au moins cet article ne lie à rien, il laisse le champ ouvert aux expériences, il n'oblige pas même le gouvernement à constituer le jury triple; et celui-ci aura loyalement satisfait à ses engagements en trouvant et mettant en pratique un système de pondération des quatre universités.
Cet article me paraît encore acceptable, parce qu'il suppose la mise en pratique d'un système où les études libres conserveraient une loyale issue ; mais il me paraît surtout acceptable en ce qu'il ne donne au gouvernement le droit et le pouvoir d'expérimenter que pendant une période de trois années, c'est-à-dire un terme universitaire.
On me dit qu'on n'en restera pas à cette première période et que le terme sera indéfiniment renouvelé. Si l'on n'en reste pas à cette première période et si le terme se renouvelle, c'est que le gouvernement aura trouvé le moyen d'apaiser les oppositions et les appréhensions qui se manifestent avec tant de vivacité dans cette discussion. Mais, messieurs, on en restera à cette première période. Les lois n'ont pas chez nous le tort d'avoir une trop longue durée ; et d'ailleurs, chacun de nous est convaincu que la délégation de l'organisation des jurys d'examen au pouvoir exécutif est bien dûment une délégation temporaire, et n'est de notre part en cette circonstance que l’effet d'une espèce de force majeure, née de la difficulté de s'entendre, avant l'épreuve, sur la multitude de systèmes proposés. Dès que le cas de force majeure aura cessé, on organisera les jurys d'examen par la loi, et, à défaut du gouvernement, les chambres pourront en prendre l'initiative.
Un point qui occupe peu de place dans la loi, mais qui en occupe une considérable dans la discussion, c'est le point de savoir si les 60 bourses créées par le projet de loi seront exclusivement accordées aux élèves des universités de l'Etat ou si elles pourront aussi être données aux élèves distingués qui suivront les cours des universités libres.
Sur ce point encore, messieurs, et malgré les apparences, on est bien près de s'entendre, puisque hier, sur une interruption de M. Orts, M. le ministre de l'intérieur a dit qu'il a dans les crédits de son budget ordinaire des moyens d'encourager les élèves des universités libres qui le méritent et qu'il usera de ces moyens.
Selon moi, on aurait mieux fait de ne pas placer l'article dans la loi. Il y est évidemment une pomme de discorde. Cette allocation est une question, non pas de loi organique, mais de budget, tout comme les encouragements aux sciences et aux lettres, tout comme les bourses des séminaires qui figurent chaque année au budget de la justice. Elle est de nature à donner lieu, chaque année, à en faire apprécier l'opportunité, au point de vue de nos finances ou la nécessité au point de vue de la chose publique. Chaque année il y a lieu de se demander : Y a-t-il disette d'avocats ? Y a-t-il disette de médecins ? Y a-t-il manque de philologues ? Pour ma part, je ne suis pas convaincu que la société éprouve bien vivement le besoin de voir augmenter le nombre des avocats.
De ce chef donc il y aurait, en tous les cas, lieu de retrancher sur les soixante bourses celles qu'on destinait (si on en destinait) à former des avocats nouveaux ; mais aussi peu je suis disposé à faire intervenir le trésor pour augmenter le nombre des avocats, autant je suis convaincu qu'il est dans l'intérêt de la société d'aider aux études médicales et chirurgicales surtout des élèves qui se destinent aux résidences rurales, bien mal pourvues aujourd'hui et trop souvent désertées pour les villes et les lieux importants. Les études médicales sont loin d'être attrayantes, et la carrière où elles aboutissent est presque toujours une carrière d'abnégation et de dévouement.
J'engage donc la chambre et le gouvernement à réserver une bonne partie des encouragements pour celle des professions libérales qui en a le plus besoin ; et alors à ne point regarder quel est celui de nos établissements universitaires où l'élève médecin ou chirurgien a le plus d'intérêt ou le plus de goût à faire ses études. Seulement je voudrais que le boursier acceptât la condition de se fixer, dans la résidence ou dans le genre de résidences qu'il s'agirait de pourvoir; et que, durant la jouissance de la bourse, il fût soumis à des épreuves propres à s'assurer que la libéralité de l'Etat produit un résultat utile.
Le quatrième objet regarde les conditions d'admission à certaines fonctions publiques. A la rigueur, cet objet appartient bien plutôt aux lois organiques des divers services auxquels appartiennent ces fonctions.
Cependant, il pouvait être utile de saisir cette occasion de déterminer certaines conditions d'aptitude désirées depuis longtemps, et particulièrement chez les juges de paix. Exiger le diplôme de docteur en droit des juges de paix sera néanmoins bien sévères pour certaines contrées rurales, et il en pourra résulter de grandes difficultés pour faire des choix convenables et même plus tard pour la législature la nécessité d'augmenter les traitements de ces magistrats devenus difficiles à recruter. Peur ma part, je voudrais qu'on pût être juge de paix à la condition (page 1632) d'avoir suivi un cours de droit civil élémentaire et un cours d'organisation judiciaire et de procédure. En exigeant davantage, la loi nuirait plus à la juridiction des juges de paix qu'elle ne la servirait ; d'ailleurs, puisque vous créez un examen spécial pour le notariat, quel motif vous empêche d'en exiger un spécial, aussi pour les juges de paix ?
L'examen spécial restreint à l'objet strict de leur profession est peut-être aussi le moyen de conciliation entre l'article du projet du gouvernement et celui de la section centrale à l'égard des avoués et à l'égard des commis-greffiers des cours d'appel. D'après le système d'études consacré par le projet, le droit civil élémentaire et la procédure peuvent s'enseigner en une seule année. On peut donc en suivre le cours sans grands frais, et d’ailleurs, avec de l'intelligence, l'étude privée peut facilement dispenser l'aspirant de la peine de se déplacer.
En me résumant sur les quatre objets principaux de la loi, je dirai : 0On peut avec quelque bonne volonté s'entendre facilement: qu'on y tâche donc; car, au fond, on part des mêmes principes de tolérance, de respect pour les droits des divers établissements et des diverses opinions, c'est-à-dire de respect pour la liberté de chacun.
On est d'accord au fond, seulement on ne l'est pas dans la forme; malheureusement quant au jury d'examen, je suis convaincu qu'on ne se mettra actuellement point d'accord sur un système à inscrire formellement dans la loi. En admettant l’article de la section centrale, nous ne préjugeons rien, nous laissons au gouvernement la responsabilité et l'honneur des épreuves et des essais.
La loi sera donc provisoire. Oui, messieurs, elle sera provisoire, et je vous avoue que ce sera à mes yeux son plus grand mérite. Ce provisoire nous ramènera nécessairement dans trois ans l'organisation de l'enseignement supérieur tout entière, par conséquent, la question de l'université unique, et toutes les questions qui se rattachent au grade d'élève universitaire, qui n'est déposé dans le projet qu'à l'état de rudiment celles relatives à la séparation de l'enseignement moyen, qui est l'enseignement universel de préparation, d'avec l'enseignement professionnel, médical, juridique, militaire, technologique ou artistique, et surtout celles relatives au reliement de l'enseignement public d'abord et de l'enseignement privé ensuite à un système d'éducation morale et nationale dont l'enseignement aujourd'hui, partout trop exclusivement pédantesque, se préoccupe trop peu. Toutes ces hautes questions se représenteront dans trois ans au moyen de la disposition provisoire de la section centrale.
Elles seraient inopportunes dans les circonstances difficiles où nous vivons, je n'ai pas besoin de dire pourquoi. Mon honorable ami, M. Orts, qui a cru devoir toucher un mot de l'université unique doit il est partisan, ainsi que moi, a cru sa création aujourd'hui inopportune, et entièrement hors de question, puisqu'il nous a préconisé un genre de jury d'examen qui suppose nécessairement deux universités de l'Etat. Son système vise à la pondération parfaite des universités libres et des universités de l'Etat ; quelle que soit sa tendresse pour une des premières, il ne voudrait certainement pas que la majorité des deux tiers des voix fût acquise dans le jury central au profit des universités libres, que l'université unique de l'Etat et son enseignement fussent complètement dominés par le professorat et l'enseignement des universités non officielles. Ce n'a pu être sa pensée : donc il croit, comme moi, la question de l'université unique inopportune.
En résumé, messieurs, à moins que la discussion ne produise des révélations inespérées, à moins qu'une étoile polaire ou autre, bien lumineuse, ne monte tout à coup sur l'horizon, je voterai pour le régime amélioré et provisoire consacré par le projet tel qu'il est sorti des mains de la section centrale quant aux dispositions signalées; mais je le voterai sous réserve de la réalisation future des réformes profondes dont il est susceptible dans l'intérêt du pays au point de vue le plus largement libéral, réformes inopportunes, très difficiles, peut-être impossibles aujourd'hui !
J'ai dit.
M. de Mérode. - Vous n'avez pas oublié, messieurs, qu'il y a quinze jours je demandais à la chambre de ne traiter la question du jury d'examen que de manière à parer aux nécessités urgentes et de ne point prétendre établir en ce moment sur cet objet une loi complète.
En ouvrant le travail du rapporteur de la section centrale, j'y rencontre dès le début la même pensée, car il y déclare qu'il lui a été impossible de donner aux graves questions que le projet soulève tous les développements qu'elles comportent, et qu'il a dû se borner à indiquer succinctement les observations qui se sont produites dans les sections.
L’honorable organe de la section centrale ajoute, il est vrai, que l'étude consciencieuse des membres de la chambre comblera les lacunes du rapport et les rendra moins regrettables.
Il résulte donc au moins de ces paroles que ces lacunes doivent être regrettées; et quant à l'étude que chacun a pu faire de l'œuvre en elle-même, elle n'a été ni longue, ni bien sérieuse, puisque le rapport n'a paru que depuis très peu de jours et qu'aucun publiciste n'a eu le temps de présenter encore les réflexions dont il mérite d'être l'objet.
Cependant la lumière est grave, on l'avoue et pour mon compte je répète, en les adoptant sans restriction, les termes dont se sont servis MM. Casterman et Ollivier de Tournay, dans une brochure que je citais récemment ici :
« Quelque importante que paraisse à tous la loi du jury d'examen, elle l'est encore plus qu'on le croit. Elle forme la tête d'un ensemble immense, et de sa solution dépend la réalisation régulière de tous les tribunaux destinés à constater les capacités des hommes, quelles qu'elles soient, à reconnaître la valeur des propriétés intellectuelles de tout genre ; tribunaux qui manquent essentiellement à une société aussi compliquée dans ses travaux que la nôtre. »
Or, messieurs, cette propriété intellectuelle dont je ne suis pas personnellement obligé de vivre, tant que les efforts combinés pour détruire la possession de la propriété matérielle et procéder à sa spoliation ne sont pas victorieux, cette propriété intellectuelle je la respecte, je la tiens pour digne de toutes les garanties qu'on accorde à l'autre, et par conséquent je ferai toujours tous mes efforts pour lui assurer des juges qui ne soient point les simples délégués d'un ministre.
On m'objectera peut-être, comme on l'a déjà fait, qu'à une autre époque ma susceptibilité était moins grande : je ne le nie pas, mais les questions grandissent avec les circonstances, avec les événements, et qui oserait dire que dans le peu d'années qui se sont écoulées depuis la création d'un jury d'examen, en Belgique, des faits imprévus, immenses, ne se soient produits, à tel point que les hommes politiques les plus marquants de tous les pays du monde, et particulièrement de la France, sont forcés de reconnaître, et reconnaissent avec la plus louable ingénuité, qu'ils avaient adoptés comme vérité, comme moyens de progrès de fatales erreurs. Et, chose remarquable, ce sont les hommes les plus éminents en intelligence qui font ces aveux; et sur quel sujet? Particulièrement sur le sujet qui concerne notre débat actuel. Ainsi l'homme si distingué par son génie militaire, son rare bon sens dans l'ordre civil, comme par son patriotisme et que vient de perdre la France, eût-il écrit le 7 avril 1839 à un publiciste courageux qui dernièrement avait conquis son estime, eût-il écrit ces lignes qu'encore en pleine santé, et cependant bien près de la mort, il lui adressait, dix ans plus tard, le 7 avril 1849 : « Pourquoi faut-il que l'aveuglement des classes moyennes ait grandi des pygmées jusqu'au rôle de fléaux publics ! C'est en les démasquant comme vous faites qu'on rendra le calme à la France ; mais on ne la préservera d'une longue suite de déceptions, d'engouements et de secousses pareilles, qu'en coupant le mal à sa racine, c'est-à-dire en régénérant l'éducation publique, immense et indispensable réforme qui ne portera ses fruits qu'avec le temps. Les écrivains tels que vous (c'est à un homme de lettre zélé défenseur de la liberté de l'enseignement que s'adressait l'illustre maréchal) auront une grande puissance pour diriger de ce côté les sollicitudes de l'opinion. »
Et croyez-vous que par ces expressions la pacificateur de l'Algérie entendait réclamer à l'égard de l'éducation de la jeunesse l'accroissement du pouvoir de l'être sans doctrine appelé l'Etat. Ah! certes, non. L'opinion de l'auteur qu'il honorait de son approbation avant de descendre dans la tombe et de faire crier à la barbarie : « Vive le choléra qui nous délivre de Bugeaud ! » lui était bien connue; c'était celle, messieurs, que je ne cesserai de soutenir dans cette enceinte pour le salut de mon pays.
La liberté de l'enseignement, comme la liberté de la presse, n'est pas un but, c'est un moyen. Et comme la première est le correctif de l'autre, dont on ne peut nier les dangers très grands, plus dans un pays la liberté de la presse est large, plus il faut aussi que la liberté de l'éducation soit assurée et complète, parce que plus l'éducation sera libre, plus elle donnera d'action au christianisme, par lequel seul vous pouvez conserver une société sans esclavage ou sans despotisme vigoureusement organisé. Je le dis donc sans réticence aucune, la liberté de l'enseignement est, à mes yeux, un immense bienfait public, surtout là où règne la liberté de la presse, parce qu'elle favorise le maintien de la religion, et que celle-ci, livrée aux coups de l'imprimerie libre, ne peut se conserver que par une action forte imprimée, du consentement libre des parents, dans l’âme de leurs enfants.
En France, on a joui d'une liberté de presse presque illimitée, quoi qu'on en dise, sous le règne du roi des Français. Il suffisait, pour s'en convaincre, de jeter dans le premier cabinet de lecture les yeux sur une collection de journaux, et de voir, en circulant dans le pays, quelles étaient les feuilles les plus répandues. Or, ces feuilles étaient en général celles qui dénigraient à outrance, non seulement les actes, mais toutes les intentions du gouvernement, ne lui accordant aucun mérite quelconque, et ne célébrant aucune des mesures par lesquelles il facilitait souvent la prospérité publique.
D'autre part, ces mêmes journaux publiaient en feuilletons des romans licencieux qui portaient partout la démoralisation et même l'esprit de socialisme dont les classes moyennes n'apercevaient pas la semence dans les écrits destinés à les livrer plus tard aux essais des plus dangereuses folies.
Quel bouclier l'Etat opposait-il à ces attaques? Les conservateurs se flattaient de l'idée malheureuse qu'avec une bonne gendarmerie, une bonne armée et des maîtres enrégimentés pour instruire la jeunesse, dans un corps appelé l'université royale, ils assuraient pour un temps indéfini l'ordre et la paix intérieure.
Quant au résultat moral de toute cette combinaison, on ne s'en inquiétait point. Que devenaient les âmes des jeunes gens livrés aux investigations de la science pour se donner des succès dans la vie présente, sans souci sérieux de ce que Dieu exige de nous pour la vie à venir, on n'y songeait point. Loin de là, on disait au prêtre, dont c'est une des missions principales que d'élever la jeunesse : Reste à ton église, n'en sors point, Laisse aux laïques le soin exclusif d'instruire dans les sciences humaines, au nom de l'Etat et si tes temples sont ensuite déserts, surtout peu fréquentes des savants et demi-savants du siècle , fais tes prières devant les femmes et quelques hommes encore simples du peuple, cela suffit pour les convenances sociales. Quant à nous, nous ne distinguons pas le dimanche de lundi : tous les jours nous nous livrons au travail matériel ou aux jouissances qu'il peut procurer. En un mot, on faisait ce que dit la Genèse (page 1633) des hommes qui précédèrent le déluge; ils étaient buvant, mangeant, se mariant, et le déluge arriva, Cette fois, ce n'est pas un déluge d'eau qui menace le plus bel Etat du continent de l'Europe, mais un déluge de boue et de sang, dont on est séparé par des planches moins épaisses que celles de l'arche de Noé, c’est-à-dire par la force dos baïonnettes.
En Belgique, au contraire, tout en établissant la liberté bien franche de conscience, le congrès national de 1830 voulut laisser à l'influence religieuse tous les moyens de s'exercer librement. Il montra une répugnance instinctive contre l'éducation ministérielle ; il se garda d'insérer dans la Constitution un article qui attribuât le moins du monde à l'Etat une suprématie sur l'éducation ; il déclara simplement que l'enseignement donné aux frais des contribuables serait réglé par la loi. Il espéra, et non, sans raison, que le zèle privé fonderait les établissements nécessaires à l'enseignement primaire, à l'enseignement moyen et qu'il suffirait d'organiser l'enseignement supérieur qu'il était plus difficile de fonder sans l'aide du trésor public. De plus, les chambres qui succédèrent à cette assemblée constituante montrèrent une louable sollicitude pour la liberté religieuse du soldat, pour le respect du septième jour dans les travaux publics, montrèrent enfin avec la plus loyale tolérance un éloignement prononcé pour l'indifférence à l'égard des rapports de l'homme avec Dieu.
Or, cette indifférence est l'inconvénient inévitable de la puissance de l'Etat sur l'éducation dans tous ses degrés.
Quelle est aujourd'hui, disait en 1836 M. Nothomb, la mission du gouvernement ? A-t-il encore la direction intellectuelle, religieuse et morale de la société ? Non, il est chargé de la conserver matériellement ; l'ordre public est son domaine ; on pourrait résumer par ces mots le chapitre II de notre Constitution : « Non-intervention du gouvernement dans la direction intellectuelle, morale et religieuse du pays. »
Cependant au moyen d'une confusion assez habilement établie entre l'Etat, et la majorité des citoyens d'un pays constitutionnel, on arrive à faire payer à ceux-ci au nom de l'Etat, une éducation religieusement nulle. En effet, par suite de l'esprit de tolérance civile que j'approuve hautement, on a admis le principe de non-intervention du gouvernement dans la direction religieuse du pays, d'où il résulte que, bien qu'en fait la majorité des citoyens soit catholique, le gouvernement n'est pas censé l'être et dans la question religieuse doit rester en quelque sorte inerte, insouciant si vous voulez. Mais cette neutralité paralyse nécessairement l'action religieuse dans l'éducation qui ne devient plus que purement scientifique, et dès lors l'éducation chrétienne se trouve officiellement supprimée et avec une apparence logique vraiment séduisante pour beaucoup d'hommes de très bonne foi.
Mais détruisez-en ce qui concerne la foi religieuse, c'est-à-dire ce qui regarde la véritable fin de l'homme, cette assimilation essentiellement fausse entre l'Etat et la majorité des contribuables, vous renversez le sophisme et ses conséquences qui conduisent la société à sa perte parce qu'elle a l'imprudence de payer à grands frais une éducation qui n'a plus pour fondement que la science, c'est-à-dire l'orgueil humain et l'ambition effrénée qui en dérive infailliblement.
Bien loi donc d'accroître l'influence de l'Etat, c'est-à-dire d'un être abstrait, dépourvu de toute doctrine connue, propre à former les jeunes âmes, à la diriger vers Dieu, par conséquent vers le bien, il ne faut lui attribuer dans l'enseignement et l'éducation, dont la liaison est intime, que le plus strict nécessaire, que l'indispensable; car les directeurs d'établissements privés n'ont pas cette incapacité religieuse qui caractérise l'Etat et sont, par conséquent, en position de satisfaire beaucoup mieux aux besoins moraux et religieux des familles. Là est le nœud d'une question mal posée et dont la solution mauvaise a des effets si pernicieux partout.
Et telle est la cause pour laquelle, après avoir payé leur tribut à l'organisation très coûteuse des universités de l'Etat, les citoyens se cotisent pour posséder une université fondée sur une doctrine qui a formé les hommes les plus savants et les plus vertueux depuis dix-huit siècles; et cependant le projet approuvé par la section centrale tend à mettre les établissements qui ont pour but l'immense mérite de ne rien coûter aux contribuables et dont l'un possède, au point de vue moral et religieux, une direction certaine, ce projet, dis-je, tend à les mettre dans un état d'infériorité vis-à-vis des institutions qui chargent fortement le trésor, et n'ont, au point de vue moral et religieux, aucune direction déterminée, modifiant ainsi les précédents d'un système libéral pour lui préférer l'exclusion.
Ainsi donc la tendance du projet est de s'éloigner des traditions du congrès national de 1830, qui sauve la Belgique, pour se rapprocher autant que possible du système universitaire français, de ce système qui a compromis si terriblement un grand pays dont nous parlons la langue, et rendu la position de ses habitants tellement précaire qu'aujourd'hui ; l'on peut croire souvent qu'on est plus sûr de ce qu'on possède dans l'empire turc, que dans la république dont Paris est le centre, où l'on ne respire avec sécurité que lorsqu'une conspiration réprimée à coups de mitraille, ou avortée par suite de l'habile manœuvre d'un général, permet de mettre les citoyens paisibles à l'abri de l'état de siège, devenu pour eux le palladium provisoirement préservatif du despotisme le plus affreux.
Depuis février 1848, messieurs, c'est donc un anachronisme inexcusable que de vous rappeler encore avec une sorte de triomphe la dernière victoire du libéralisme nouveau sur le libéralisme général du congrès de 1830.
Ce n'est certes pas en deux ans qu'on a formé les mœurs du pays ; et s'il est plus heureux que d'autres, il faut chercher plus loin qu'il y a deux années, l'origine de la paix dont il jouit. On a parlé d'injustices commises pendant ces quinze premières années de l'émancipation du pays. J'ignore à quelle autre injustice j'ai concouru, mais je puis affirmer que si l'ensemble de la formation des jurys d'examen avait rendu les élèves victimes d'une partialité quelconque, je n'aurais pas supporté un instant un tel abus. Aucune plainte n'ayant eu lieu dans le temps même où fonctionna le jury nommé par les chambres et le gouvernement, il doit m'être permis de penser que les jurés n'ont pas commis, d'iniquités dans l'application d'une loi que je n'aimais point, et que je désirerais voir remplacer par autre chose que ce qu'on nous offre aujourd'hui.
L'ancienne majorité craignait l'influence dominatrice du matérialisme sceptique sur l'enseignement, influence inévitable si l’État qui se trouve étranger à l'ordre spirituel et n'a pour mission que l'ordre temporel et passager de ce monde, exerce une suprématie indirecte, mais puissante, à l'aide du trésor, à l'aide d'un jury dont le nom devient impropre lorsque les jurés ne sont que les commis du pouvoir administratif. Le mot juré suppose en effet l'indépendance pleine et entière de celui qui porte un jugement. L'intervention des chambres dans la formation de ce qu'on devait appeler la commission d'examen était vicieuse ; car si le ministère et les chambres nommaient des commissaires révocables chaque année qui jugeraient les procès et les accusés de crimes ou délits, on ne supporterait pas qu'on appelât la réunion de ces délégués, un jury ; fussent-ils parfaitement honnêtes, on leur donnerait leur véritable nom.
Je sais bien que parfois on se sert du mot jury pour désigner des commissions chargées de distribuer des médailles ou de remplir loyalement d'autres fonctions de même nature ; mais on a tort; il y a là, quoiqu'à un moindre degré, un abus contraire à la sincérité du langage et de la même espèce que celui qu'on fait du mot libéral, qui a porté une telle confusion dans les idées qu'il s'applique souvent aux individus et aux actes les moins généreux, les plus hostiles à la liberté. Mais en associant les chambres à la nomination des examinateurs, on reconnaissait du moins la haute importance de leur charge et on lui maintenait provisoirement un rang élevé que lui enlève une simple délégation ministérielle.
A ce point de vue je préférais donc le concours des trois pouvoirs, bien que j'attendisse impatiemment, comme je ne manquais pas de le dire, l'heureux jour où l'on constituerait l'œuvre difficile j'en conviens, un véritable jury et non plus une commission soumise aux influences politiques, écueil vers lequel nous naviguons encore à pleines voiles, en suivant la direction où nous poussent le gouvernement et la section centrale.
Pendant, que je travaillais à la mise en ordre des observations que je viens de présenter à la chambre, j'ai eu l'avantage de recevoir celles que vient de publier, à l'appui de sa requête de 1848, en faveur de la liberté de l'enseignement supérieur et de la dignité du professeur, M. Roussel, professeur à l'université de Bruxelles, ainsi que les délibérations et annexes qu'y ont ajoutées les facultés du même établissement universitaire.
Il est impossible de lire ces documents sans être frappé de la force des arguments qu'ils produisent. Avant d'en avoir pris connaissance, je désirais, pour juger de la capacité scientifique, la formation d'un tribunal permanent, à peu près comme le sont les tribunaux ordinaires.
M. Roussel combat cette conception par de puissants motifs. Il préfère un jury nommé par les institutions complètes d'enseignement supérieur, dont il formule pour son système une définition parfaite en ce peu de mots :
« L'université ayant droit à l'électorat et à l'éligibilité est un établissement de haute instruction comprenant quatre facultés dans lesquelles toutes les branches de la science jugées nécessaires par la présente loi pour l'exercice des professions libérales, sont enseignées sans interruption dans des cours spéciaux et qui compte au moins deux cents élèves.»
En terminant, je crois ne pouvoir mieux faire que de reproduire encore ces lignes de M. Roussel, dictées par un profond et véritable sentiment des principes de notre Constitution.
« La loi ne peut s'arrêter à des objections dont le privilège est à la fois le principe et la conséquence. Parce que les établissements officiels sont rétribués par l'Etat, on prétendrait les admettre seuls en titre dans le jury d'examen, La présomption de capacité et d'impartialité naît-elle donc exclusivement d'un brevet de professeur octroyé par le gouvernement? Non; elle résulte de l'enseignement supérieur exercé dans un établissement réalisant les conditions voulue par la raison et par la science et répondant à la confiance d'un grand nombre d'intéressés. Dans un pays mûr pour la liberté, il n'y a nul danger à reconnaître celle de la science dans tous ses développements. On appelle ainsi la science tout entière dans toutes ses formes et dans tous ses hommes, à contribuer au bien-être et à la gloire de la patrie. »
El j'ajoute, messieurs, loin qu'il y ait danger à suivre les nobles inspirations de l'honorable professeur, il n'y a péril que dans tout ce qui soumettrait quelque peu que ce soit la Belgique à une funeste prépondérance de l’enseignement par l’'Etat : c'est-à-dire de l’enseignement sans régulateur certain, puisqu'il est livré à la direction de ministres qui se succèdent selon les fluctuations politiques, ainsi donc de plus ou moins à l'empire du hasard et d'une bureaucratie dont les principes sont nécessairement inconnus.
Toutefois lorsque la vraie concurrence existe, elle stimule l'émulation du personnel de l’enseignement entretenu par le trésor public, et l'améliore de la sorte.
Maintenant, puisque l'on veut essayer encore un régime provisoire, qu'on (page 1634) adopte celui que propose M. Roussel, et que je propose aussi parce qu'il nous tire d'une ornière et que, s'il a des défauts, l'expérience permettra de les corriger.
M. Christiaens. - Le projet de loi sur l'enseignement supérieur, qui nous est présenté par le gouvernement, et tel qu'il est modifié par la section centrale, laisse le haut enseignement du pays dans toute la plénitude de son indépendance et de sa liberté constitutionnelles.
Les reproches, que j'ai entendu adresser à ce projet modifié, ne me semblent prendre leur source que dans des inquiétudes trop ombrageuses, qu'inspire à quelques-uns l'avènement au pouvoir en Belgique, d'un ministère libéral, ministère auquel néanmoins certains libéraux, qui se constituent aussi les adversaires de ce projet de loi, reprochent avec amertume d'être trop peu libéral de libéralités en faveur de certaines institutions libres.
J'ai aussi, à une autre époque et dans une autre enceinte, pris avec bonheur la défense des universités libres du pays. Ma sympathie pour ces établissements subsiste; mais elle ne va pas, elle n'ira jamais, jusqu'à lui sacrifier ce que je crois être l'intérêt général de mon pays.
J'approuve la loi et je pourrais l'accepter des mains d'un ministère catholique, tout comme je suis disposé à l'accepter de celles d'un ministère libéral; car on ne saurait méconnaître qu'elle assure à tous les Belges, des garanties d'égalité aussi complètes que toute autre loi sur cette matière pourrait le faire.
En effet, nulle autre combinaison ne pourrait présenter des garanties plus complètes, si ce n'est aux dépens de la haute mission d'ordre politique qui incombe constitutionnellement au pouvoir central du pays, en matière d'enseignement. Quelle que soit la loi que vous fassiez sur l'enseignement supérieur, à moins de la laisser empreinte de dispositions administratives plus ou moins anarchiques, vous ne pourrez jamais l'affranchir d'une notable part de confiance dans les hommes appelés à gouverner le pays.
La confiance est un mal nécessaire, attaché à toute loi politique quelconque; et l'on ne saurait échapper à ce mal dans celle qui nous occupe, pas plus qu'à celui qui accompagne nécessairement toute autre loi de ce genre, dont il faut remettre l'application au pouvoir exécutif.
Mais si ce mal, toujours inévitable dans ces sortes de lois, peut être accompagné de certains dangers partout ailleurs, heureusement il ne saurait présenter les mêmes dangers chez nous, où la liberté d'enseignement se trouve être si fortement étayée, par l'ensemble des autres garanties politiques dont nous sommes en possession.
Avec nos diverses lois de liberté constitutionnelle, parallèles à la liberté de l'enseignement, il nous est permis d'abandonner, dans une loi comme celle que nous discutons, une plus large part d'autorité administrative à ceux qui sont chargés de l'appliquer.
Un des grands avantages des fortes libertés constitutionnelles que possède une nation, c'est précisément de pouvoir, sans danger, insérer dans ses lois politiques secondaires de ces dispositions de pure confiance dans l'action du pouvoir exécutif. Ces sortes de dispositions seules peuvent résoudre certaines difficultés inhérentes à ces lois, et qu'il faut nécessairement abandonner à la voie administrative, si vous ne voulez être forcé de les trancher par des dispositions d'une anarchie légale, comme celles qui se trouvent dans la loi que vous allez démolir.
Maintenant, y a-t-il lieu de craindre l'abus de cette confiance de la part du pouvoir exécutif en Belgique ? Sous l'égide de nos lois constitutionnelles, un tel abus n'est pas à craindre. Avant que cet abus pût être tenté avec succès en Belgique, il faudrait y voir, tout à la fois, et la parole interdite aux représentants de la nation, la presse libre brisée, et les élections vendues au pouvoir.
Tant donc que la triple puissance des libres discussions parlementaires, de la libre presse et des libres élections restera debout en Belgique, on pourra prédire malheur au ministère, catholique ou libéral, qui serait tenté d'abuser de l'enseignement, pour corrompre les esprits ou pour opprimer les consciences.
Il suffit que la loi que nous discutons en ce moment ne mette aucune entrave au libre essor de l'intelligence humaine , et Dieu merci, elle ne le fait pas, comme le faisaient ces lois d'autres temps, qui, pour satisfaire un pouvoir ombrageux, permettaient de retirer, ou de lâcher, selon les convenances du moment, la longe attachée à l'intelligence de l'homme.
Non, les seules entraves que la loi qui nous est soumise sème encore sur le chemin de l'enseignement, public comme privé, ne sont autre chose que des garanties d'ordre social, qu'on ne saurait se dispenser d'admettre dans une loi de cette nature, qu'au risque de compromettre l'ordre social lui-même.
Mais, dit-on, les bourses! Les bourses que le projet de loi veut mettre à la disposition du gouvernement, pour en disposer en faveur des universités de l'Etat, à l'exclusion des universités libres ! n'est-ce pas, dit-on, donner au gouvernement, un moyen de monopole? N'est-ce pas lui donner le droit et la puissance de se faire entrepreneur d'enseignement public?
Cet argument, présenté ici en guise d'épouvantail, ne me touche que médiocrement, et je suis étonné de trouver un épouvantait si mesquin dans un débat si grave. Toutefois, puisqu'il s'y trouve, il faut y répondre, afin de le faire apprécier à sa juste valeur.
El d'abord, je commence par déclarer que je voterais contre la loi qui nous est soumise, si elle ne mettait à la disposition du gouvernement, et au profit exclusif des universités de l'Etat bien entendu, un certain nombre de bourses, pour en doter, des élèves distingués par de fortes études, mal partagés de la fortune, qui voudraient fréquenter les universités.
Comment! on voudrait mettre l'enseignement universitaire, donné aux frais du gouvernement, dans un état humiliant d'infériorité, à l'égard des universités libres du pays? Mais mille fois mieux vaudrait supprimer à l'instant même les universités de l'Etat.
On pourrait comprendre que si les universités libres ne donnaient elles-mêmes des bourses aux élèves d'élite peu favorisés de la fortune, il faudrait, peut-être, pour laisser toutes choses égales entre les universités libres et celles de l'Etat, ne pas accorder un fonds de bourses pour celles-ci ; mais avoir en Belgique, deux universités libres, et au moins rivales de celles du gouvernement, qui distribuent des bourses à discrétion ; l'une au moyen de subsides provinciaux, communaux et particuliers; l'autre au moyen de bourses d'ancienne création, ou de quêtes de dates récentes ; et ne pas accorder au gouvernement, de par une loi, un fonds de bourses, au profit exclusif de ses universités ; mais ce serait, non seulement, comme je le disais tout à l'heure, mettre les universités de l'Etat dans une position d'infériorité humiliant ! ce serait plus. Ce serait les mettre dans un état d'oppression intolérable. Et il n'y aurait pas oppression , à l'égard du gouvernement seul, qu'on empêcherait d'exercer des actes de justice salutaire ; il y aurait encore oppression à l'égard d'une classe intéressante de jeunes Belges, qu'on forcerait d'aller mendier des bourses aux portes des universités libres, pendant que leurs sympathies les porteraient vers l'enseignement universitaire de l'Etat ; et pas seulement leurs sympathies politiques, mais un motif plus puissant encore: leur intérêt matériel, qui souvent pour eux, est là, où est le siège des intérêts de leurs parents. Voyez, sous ce rapport, les élèves de cette catégorie appartenant aux villes de Liège et de Gand. A leur égard, il y aurait injustice, il y aurait oppression.
Refuser les bourses que le projet de loi demande, ce serait, de la part de la chambre, commettre une injustice à l'égard d'une classe de citoyens belges, en même temps qu'une faute politique, qu'un ministère libéral ne pourrait accepter dans les conjonctures actuelles.
S'il ne faut pas permettre au gouvernement d'opprimer la liberté, il ne faut pas non plus, que la loi que nous faisons permette à la liberté d'opprimer le gouvernement, surtout dans une matière où la Constitution elle-même lui impose un devoir politique qu'il ne pourrait abdiquer sans se rendre coupable, ni laisser usurper sans trahir.
Eh bien, j'ose le demander : le gouvernement remplirait-il son devoir, s'il acceptait une loi qui lui défendrait d'accueillir dans ses universités ces jeunes intelligences heureusement douées, capables de fortes études, sans fortune, que fournit toujours cette classe de la société qui n'est pas encore la classe moyenne, mais qui en approche ? tandis que des établissements similaires, libres, rivaux et qui un jour peuvent devenir ennemis, se recruteraient sans cesse de cette jeunesse distinguée, pour en emprunter plus d'éclat et effacer l'éclat des universités du gouvernement ? Ne voit-on pas que ce serait amoindrir ces établissements de l'Etat, en présence de deux établissements libres de même nature, puissants par l'opposition même des principes sur lesquels ils peuvent un jour venir s'appuyer, que de laisser ces établissements s'emparer chacun, de son côté, de tout ce qu'il y a de plus vivace pour l'avenir de la Belgique, à savoir, ces hommes de haute intelligence que fait constamment surgir l'élément démocratique de la société.
Quant à moi, je ne veux pas partager la responsabilité de laisser amoindrir l'enseignement confié à l'Etat. De ce côté le gouvernement se trouve déjà, dans notre pays aux libres institutions, en présence de trop puissants rivaux. Pour le mettre à même de lutter contre eux je veux lui donner les moyens convenables, afin de soutenir avec bonheur une lutte de sages progrès.
En refusant au gouvernement la collation des bourses qu'il demande, n'assume-t-on pas une grande responsabilité? la responsabilité de décider dès aujourd'hui, qu'au point de vue d'une grande question sociale, le temps serait venu déjà pour la Belgique de devoir abandonner son rôle gouvernemental, dans cette immense lutte, dans cette lutte imminente entre des opinions extrêmes, qui sont à se disputer, eh, que dis-je? qui sont déjà à se battre avec fureur, pour savoir qui d'entre elles pourra conquérir l'empire du monde.
Messieurs, je n'aurais pas osé demander la parole dans cette discussion, que l'on croit sans doute devoir être réservée exclusivement pour les hommes de science ; mais ma position spéciale de député de l'arrondissement de Louvain m'a fait penser que je devais au moins motiver mon vote à l'égard de ce projet de loi, et cela précisément parce que ce vote lui sera favorable.
M. le président. - La parole est à M. de Theux.
M. de Theux. - Il y avait huit orateurs inscrits. Je ne comptais pas prendre la parole aujourd'hui. Je n'y suis pas préparé. Si la discussion continue, je parlerai volontiers demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai désiré laisser un intervalle entre le discours de l'honorable M. de Mérode et la réponse courte, que je me propose d'y faire. Ce discours m'a causé une impression pénible : j'y ai vu l'accusation assez directe contre le gouvernement de vouloir, par ses tendances, introduire dans le pays, au mépris de la Constitution, un système de monopole en matière d'instruction publique, système qui, suivant l'honorable orateur, aurait entraîné un pays voisin dans d'horribles désordres.
Voilà, messieurs, de quelle manière l'honorable orateur a attaqué le projet de loi et quelles insinuations il s'est permises vis-à-vis du gouvernement. (page 1738) Je ne sais pas si les circonstances sont bien choisie pour jeter la pierre an gouvernement, pour le signaler aux populations comme la source d'où doivent émaner tous les maux de la société. Si j'étais un ultra-conservateur, je ne choisirais pas ce moment pour me livrer à de pareilles attaques contre l'action du gouvernement Je redoublerais d’efforts, au contraire, pour fortifier, autant que je le pourrais, l'action qui est aujourd'hui la plus nécessaire pour le maintien de l'ordre dans la société.
Le plaidoyer de l'honorable M. de Mérode en faveur de la liberté de l'instruction, en deux mots voici ce qu'il est : C'est une attaque contre le principe de la Constitution qui suppose un enseignement donne aux frais de l'Etat ; c'est l'exaltation, sous le titre d'enseignement libre, de l'enseignement exclusivement théocratique.
Eh bien, messieurs, nous ne voulons, nous, du monopole pour personne. Nous voulons une instruction libre et nous voulons une instruction donnée sous l'autorité, sous la direction de l'Etat. A côté de la liberté qui peut aller jusqu'à l'anarchie, il faut la règle, la discipline, et nous attribuons au gouvernement l'administration, la direction de l'instruction publique réglée, disciplinée.
C'est bien assez, messieurs, de faire la part aussi large à la liberté L'honorable M. de Mérode ne pourrait pas être de bonne foi, s'il venait ici proclamer ses sympathies, ses craintes pour une université, par exemple, où seraient professées publiquement, à chaque heure, les doctrines qui aujourd'hui cherchent à se faire jour dans d'autres pays au milieu du sang et delà boue, ainsi qu'il l'a dit. Il est impossible qu'un pareil établissement obtienne, de la part de M. de Mérode, sympathie, -confiance et appui. Eh bien I la liberté d'enseignement en Belgique peut aller jusque-là.
Demain il peut s'élever à Bruxelles ou ailleurs une université où tous ces principes qui ont ailleurs tant de retentissement, seront enseignés, propagés. Si une pareille université a quatre facultés, si elle réunit 200 élèves, elle devra, en vertu de votre principe, entrer d'autorité dans votre législation, dans vos institutions ; vous imposerez son jury à toute la jeunesse. Est-ce ainsi que vous voulez entendre la liberté de l'enseignement?
Mais au fond le discours de l'honorable M. de Mérode a été un plaidoyer en faveur de l'enseignement donné par qui ? Par le clergé.
Or, si l'enseignement donné exclusivement par l'Etat peut donner lieu à certains inconvénients, non pas à ceux qu'on a signalés tout à l'heure, c'est une haute injustice envers l'université de France, mais si l'enseignement donné exclusivement par l'Etat peut avoir ses inconvénients, l’enseignement donné exclusivement par le clergé peut avoir aussi les siens. Si vous avez les désordres de Paris, vous avez aussi les désordres de Rome.
Je ne puis accepter en aucune manière le reproche fort injuste adressé au gouvernement à l'occasion du projet qui nous occupe. On veut y voir des tendances nouvelles, une déviation de la ligne suivie depuis 1830. Mais le système que nous proposons, nous l'avons constamment défendu. Le système de faire conférer au nom de l'Etat certains grades qui autorisent les titulaires à exercer certaines fonctions dans la société, car voilà en définitive toute la loi, nous l'avons défendu de tout temps. Il a eu pour lui, des 1835, la moitié de la chambre, et si les ministres d'alors s'étaient rangés à ce système, il fonctionnerait depuis lors, et je suis convaincu qu'il aurait fonctionné à la satisfaction générale du pays et il eût épargné peut-être bien des divisions.
Je n'ai pas besoin de rappeler que parmi ceux qui soutinrent alors ce système comme parfaitement constitutionnel, comme parfaitement rationnel, figurait l'honorable M. de Mérode ; il vient de le rappeler lui-même. Mais il a ajouté que depuis lors il avait fait des progrès.
M. de Mérode. - Je n'ai pas parlé de progrès.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Depuis lors, l'honorable M. de Mérode s'est épris d'un amour nouveau pour la liberté illimitée ; et en fait il nous a cité des exemples très attrayants de ce que peuvent devenir les pays livrés à la liberté illimitée des doctrines de tous les genres et des philosophies de toute espèce.
Voilà donc, messieurs, le système contre lequel on se livre à de si injustes, à de si violentes accusations. C'est le système qui, en 1835, aurait été adopté par la chambre, si les ministres avaient cru devoir s'y rallier. C'est le système qui, en 1844, aurait été adopté par la chambre, si les ministres d'alors avaient cru devoir s'y rallier. On se rappelle qu'un des ministres, reculant d'horreur devant son propre ouvrage, prit une fuite soudaine pendant la discussion et ne reparut que lors qu'il se fut bien convaincu que le gouvernement n'aurait pas la nomination du jury. Mais alors encore il y eut 42 voix pour le système que nous reproduisons aujourd'hui, et je tiens pour excellents citoyens, très grands amis de l'ordre et de la religion, tout aussi bien que ceux qui votèrent contre le projet, les 42 représentants qui votèrent pour.
Je puis dire, que loin de dévier des principes, nous n'avons fait que suivre les mêmes principes depuis 1835.
D'ailleurs, quel principe a-t-on substitué à celui-là? Le principe de la nomination des jurys par les chambres? Vous n'en voulez plus : vous l'avez préconisé; vous l'avez pratiqué longtemps; vous l'avez épuisé. Aujourd'hui, il ne vous convient plus! Il vous conviendrait encore, si la position n'était pas changée. Si vos amis étaient à la place que j'occupe, vous trouveriez ce régime :
Des plus rationnels; des plus conservateurs; des plus religieux. Ce serait un régime modéré. D'où vient que tous ces principes sont venus à tomber, avec le ministère que nous avons l'honneur de remplacer?
Mais si le système était bon en principe, ayez donc le courage d'en proposer la reproduction, la continuation.
Je crains, je l'avoue, que dans ses préoccupations exclusives pour un seul genre d'enseignement, et pour un seul établissement, l'honorable M. de Mérode ne se soit engagé dans une voie qui n'est pas la sienne, en prônant la liberté illimitée d'enseignement.
Il est impossible qu'alors qu'il vient jeter la pierre à un gouvernement constitutionnel responsable, contrôle, comme capable d'empoisonner la nation par toute espèce de mauvaises doctrines, il est impossible, dis-je, qu'il reste plein de respect, plein de confiance pour la liberté illimitée, c'est-à-dire pour tous les caprices de l'esprit humain, dans toutes les débauches les plus effrénées des imaginations les plus mauvaises et les plus folles. Est-ce à cela que vous donnez la préférence? Est-ce là le régime que vous voulez substituer au régime salutaire régulier de l'action du gouvernement ? C'est parce qu'il y a beaucoup de liberté dans le pays, c'est parce qu'il y a liberté absolue de la presse et de l'enseignement, qu'il faut maintenir quelque part une force dirigeante. Or, c'est dans le gouvernement que vous pouvez trouver cette barrière. Et qu'est-ce que le gouvernement qu'on représente sous de si noires couleurs ? C'est vous-même; c'est l'émanation de l'opinion publique, c'est un agent qui, chaque jour, est appelé à rendre compte de ses actes et de ses pensées.
Je comprendrais ces attaques dirigées contre un gouvernement absolu; je comprendrais les craintes, les défiances que pourrait inspirer un enseignement donné de la part d'un despotisme quelconque. Mais l'instruction dirigée par un gouvernement tel que le nôtre est constitué, offre toutes garanties. Vous n'auriez pas, à côté de l'enseignement de l'Etat, l'enseignement libre, qu'il y aurait encore des garanties suffisantes dans l’enseignement donné aux frais de l'Etat; il serait impossible, avec une constitution telle que la nôtre, que l'Etat se permît de répandre, par la voie de ses établissements, des doctrines anti-religieuses ou anti-sociales.
Il ne faut pas rapetisser les principes de la loi. Mais il ne faut pas non plus les agrandir outre mesure.
Sur quoi discutons-nous ? sur la question de savoir par qui seront nommés les jurys appelés à décerner les grades de docteur en médecine et en droit à ceux qui veulent courir l'une ou l'autre de ces carrières. Hors de là, est-ce qu'on touche, en quoi que ce soit, à la liberté d'enseignement, à la liberté des études ? Est-ce que vous n'avez pas toute liberté d'ouvrir des écoles et de suivre quelque enseignement que ce soit ?
Mais si vous avez une si grande défiance contre la manière dont doivent être conférés les titres de médecin et d'avocat, il faut revenir sur une partie de votre législation. Il faut protester contre ce qui existe. L'Etat confère d'autorité les grades d'officiers. Dans votre système, dans le système de liberté absolue, il faudrait qu'il fût permis à chacun d’aller puiser la science militaire partout où il le voudrait, à Louvain par exemple (Interruption). Puis au moyen d'un jury nommé par le système qu'a préconisé l'honorable M. de Mérode, on serait des officiers.
De mêmes pour les ingénieurs civils ! N'est pas ingénieur qui veut. Il faut fréquenter un établissement de l'Etat, être examiné par les examinateurs officiels, nommés par l'Etat. J'en dirai autant pour les artistes vétérinaires, pour les pharmaciens.
Il n'y a donc rien de d'exorbitant à demander pour l'Etat, le droit de donner l'investiture officielle à ceux de nos concitoyens qui doivent exercer, à titre d'autorité scientifique, certaines professions dans la société. Il s'agit seulement de donner l'investiture officielle aux médecins et aux avocats.
Admettre le régime américain : Si vous le voulez, l'état d'avocat entièrement libre. Déclarer la profession d'avocat et même celle de médecin entièrement libres. Mais ne dites pas que toute liberté est entravée, enchaînée, parce que pour ces deux professions (médecin et avocat) le gouvernement, en vertu des pouvoirs que lui donne la législature, nomme les jurys chargés de constater la capacité de ceux qui se destinent à ces deux carrières.
On croirait vraiment, à entendre certains discours que le gouvernement est à la veille de mettre la main sur toute l'instruction publique et même sur toutes les professions particulières ! Il ne s'agit de rien de cela.
Je le répète, en finissant : le gouvernement a recherché, dans le projet de loi qu'il a soumis la chambre, deux choses, l'impartialité et l'intérêt de la science. Toute proposition qui atteindrait mieux ce double but que ne le fait le projet de loi, nous la discuterions avec empressement; nous serions heureux de nous y rallier.. Je ne pense pas qu'il soit possible de tenir un langage plus conciliant.
Mais ce n'est pas sans de longues réflexions que le gouvernement a saisi la chambre de ce projet de loi.
Nous avons cherché un grand nombre de combinaisons; et je puis dire que toutes les combinaisons qui ont été proposées, nous les avons examinées, et nous les avons fait examiner avec le plus grand soin par des hommes consciencieux, impartiaux, excellents patriotes; nous n'avons pas pu rencontrer une combinaison plus impartiale que celle que nous avons présentée dans l'exposé des motifs, et je m'étonne d'une chose : je croyais que le système développé dans l'exposé des motifs aurait peut-être rencontré quelques objections de la part des hommes politiques dont nous représentons plus particulièrement la couleur; j'en attendais moins du côté opposé. L'on peut dire que l'impartialité a été poussée dans le système du gouvernement jusqu'aux dernières limites. Il y a injustice à attaquer ce système avec les explications qui l'accompagnent, comme s'il allait consacrer le monopole, le despotisme, alors qu'il est la réalisation des idées les plus tolérantes, les plus impartiales, les plus véritablement constitutionnelles.
- La suite de la discussion est remise à demain.
M. le président. - Messieurs, voici comment le bureau a composé la commission qui est chargée d'examiner le projet de loi présenté au commencement de la séance par M. le ministre des finances : MM. Cools, Delehaye, de Perceval, de Pilleurs, Lesoinne, Thierry et Ernest Vandenpeereboom.
- La séance est levée à 4 heures et demie.