(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1464) M. de Perceval procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.
M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est approuvée. Il présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal d'Achel réclame l'intervention de la chambre pour que le bureau de douanes établi dans cette commune soit maintenu. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs docteurs en médecine et en chirurgie dans la Flandre occidentale présentent des observations contre la demande tendant à ce que les diplômes de chirurgien de ville et de campagne, d'officier de santé et les brevets de médecin militaire soient assimilés au grade de candidat en médecine. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui modifie la loi sur l'enseignement supérieur.
« Plusieurs habitants des communes d'Ougrée, Seraing, Tilleur, Jemeppe et Flémalle demandent que le gouvernement restitue à la grande compagnie du Luxembourg le cautionnement de 2,000,000 de francs qu'elle a déposé, à charge par elle d'affecter ces fonds à la construction du canal de l'Ourthe de Liège à Laroche. »
M. Destriveaux. - Je prie la chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. Je saisis cette occasion pour dire que la commission des charbonnages de Liège se propose de présenter très incessamment une requête du même genre, sur laquelle je demanderai la même décision.
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport est adopté.
Par dépêche du 29 mai, M. le ministre de l'intérieur transmet à la chambre des procès-verbaux et les pièces à l'appui des élections de MM. Dumon et Visart de Bocarmé par le collège électoral de l'arrondissement de Tournay.
(page 1465) Il est procédé au tirage au sort de la commission de vérification des pouvoirs des nouveaux élus; elle se compose de MM. d'Hoffschmidt, de Man d'Attenrode, Dolez, Mercier, Mascart, Jullien et de Pitteurs.
M. Dumortier. - Je demande que la commission se réunisse et nous fasse immédiatement son rapport.
- Cette proposition est adoptée.
La commission se retire dans son bureau et la séance est suspendue.
Après un quart d'heure de suspension, la séance est reprise.
M. Rousselle dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir un crédit de 500,000 fr. au département de l'intérieur, pour les dépenses de la garde civique.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport, et met le projet à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. Mercier, rapporteur. - La commission nommée par la chambre vient de se réunir pour la vérification des pouvoirs de MM. le comte Ferdinand Visart de Bocarmé et Auguste Dumon lieutenant du génie, élus membres de la chambre des représentants par le district de Tournay.
Il conste du procès-verbal de l'élection que les opérations électorales se sont faites régulièrement. Le nombre des votants ayant été de 602, la majorité absolue est de 302 voix.
M. Auguste Dumon a obtenu 574 voix.
M. le comte Ferdinand Visart de Bocarmé, 558 suffrages.
Ils réunissent donc tous deux plus de la moitié des suffrages ; ils possèdent d'ailleurs les conditions d'éligibilité voulues par la Constitution.
M. Auguste Dumon a justifié spécialement des conditions d'âge, par un extrait de son acte de naissance.
En conséquence, la commission propose l'admission de M. Auguste Dumon et de M. le comte Ferdinand Visart de Bocarmé comme membres de la chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées, et MM. Dumon et Visart de Bocarmé sont proclamés membres de la chambre des représentants.
M. Dumon déclare opter pour le mandat parlementaire et prête serment.
La réduction de 1,260 fr. à l'article 24 (pensions) est définitivement adoptée.
L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Le budget de la dette publique est fixé, pour l'exercice 1850, à la somme de trente-cinq millions sept cent soixante-deux mille cent trente-huit francs soixante et dix-sept centimes (35,762,138 fr. 77) conformément au tableau ci-annexé. »
- Cet article est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 66 membres qui prennent part au vote.
Deux membres (MM. Dumon et de Mérode) se sont abstenus.
Ont voté l'adoption : MM. Destriveaux, de Theux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Mascart, Mercier, Moncheur, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Dequesne, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Desoer et Verhaegen.
M. Dumon. - Messieurs, je me suis abstenu parce que je n'ai pas été présent à la discussion.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu, messieurs, parce que le budget contient une réduction que je ne puis pas approuver.
La discussion continue sur l'article 93 qui est ainsi conçu :
« Art. 93. Archives de l'Etat dans les provinces. Personnel : fr. 10,800. »
La section centrale a proposé une réduction de 1,850 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'augmentation qui a été proposée pour le traitement de quelques archivistes de l'Etat, dans les provinces, n'est pas à proprement parler de 1,850 fr., mais seulement de 1,350 fr., en tenant compte d'une réduction de 500 fr. faite sur un autre article.
Messieurs, j'ai fait connaître dans la séance de samedi dernier, les motifs qui m'avaient engagé à demander cette augmentation. Je ne reviendrai pas sur ces motifs : il me semble que la chambre les a accueillis avec faveur.
L'honorable rapporteur, en me répondant, a dit qu'il s'agissait d'augmenter le traitement de fonctionnaires qui déjà reçoivent un salaire sur le budget provincial.
Cela peut être vrai pour quelques-uns de ces employés, mais cela ne l'est pas pour les principaux d'entre eux, auxquels l'augmentation est destinée. Ainsi à Liège, l'archiviste est un employé de l'Etat, nommé et révoqué par le gouvernement, payé sur le budget de l'Etat.
De ce que certains archivistes recevraient une partie de leur traitement sur le budget provincial, cela ne prouve pas que le traitement soit suffisant.
Veut-on accroître le traitement en augmentant l'allocation du budget provincial? Cela serait indifférent; mais le budget général ne ferait alors de ce chef aucune économie; ce ne serait qu'un transfert.
Je demande à la chambre de vouloir bien tenir compte de la grande parcimonie avec laquelle le budget de l'intérieur a été rédigé, surtout en ce qui concerne les traitements. Depuis longtemps on a reconnu la justice d'augmenter les appointements des archivistes. Ces employés n'ont pas de perspective d'avancement. Une fois en possession du titre d'archiviste qui est leur bâton de maréchal, ils ne vont pas plus loin. Dès lors, il y a lieu de donner à ces employés, alors qu'ils le méritent, un encouragement pécuniaire, à défaut de l'avancement hiérarchique qui appartient aux autres catégories d'employés de l'Etat.
M. Rousselle. - Je viens d'entendre M. le ministre de l'intérieur expliquer dans quel sens il demande une augmentation de 1,350 francs, car l'augmentation n'est en réalité que de cette somme, 500 francs étant destinés à un dépôt d'archives à créer à Arlon. Mais les explications qui viennent d'être données ne sont pas d'accord avec celles contenues dans l'annexe n° 2 des développements de son budget. Si M. le ministre demande une augmentation globale qu'il se réserve de distribuer entre tous les archivistes du royaume, de manière à récompenser complètement leurs services, j'approuve l'augmentation; mais l'annexe indique une distribution que je ne puis pas entièrement approuver. Je prie M. le ministre de vouloir bien déclarer que l'augmentation qu'il demande est généralement destinée à être distribuée entre les divers dépôts d'archives.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de répartir l'augmentation dont il s'agit entre tous les archivistes; ce serait pour chacun d'eux une augmentation illusoire. Je ne puis donc pas confirmer ce que je n'ai pas dit.
M. Rousselle. - Alors je continue. Le dépôt d'archives de Liège reçoit 4,200 fr.; d'après l'annexe on se propose d'ajouter 800 fr., ce qui élèverait la somme à 5,000 fr. Le dépôt d'archives de la Flandre orientale jouit d'une allocation de 1,750 fr. pour son personnel; d'après l'annexe, il recevrait une augmentation de 550 fr., ce qui porterait l'allocation à 3,300 fr. Pour le Luxembourg, je n'en parle pas, le dépôt est à créer, j'en approuve la création. Le dépôt de Mons, pour la province de Hainaut, a 1,200 fr., il reste à 1,200 fr. Le dépôt de Tournay, pour la province de Tournay et Tournaisis, a 300 fr., il reste à 300 fr. Namur a 1,500 fr., il reste à 1,500 fr. La vérité est donc que l'augmentation doit être répartie entre la province de Liège et la Flandre orientale, qui étaient, me paraît-il, déjà assez bien partagées. Si le crédit n'est pas voté sans aucune affectation, je serai obligé de voter contre, parce que je ne veux pas consacrer par mon vote de pareilles inégalités.
M. Jacques, rapporteur. - Je ne reviendrai pas sur les observations que j'ai présentées à la séance de samedi, j'ajouterai seulement un mot. M. le ministre a dit qu'il n'y aurait pas d'économie pour le trésor à réunir les allocations qu'il a demandées pour les archives de l'Etat dans les provinces, aux allocations qui sont accordées pour les employés des gouvernements provinciaux. Cela est vrai, mais j'envisageais la chose sous un autre point de vue.
L'Etat paye actuellement une somme de 8,950 francs aux archivistes de Liège, Gand, Tournay, Mons et Namur; cette somme me paraît suffisante pour l'importance de ces cinq dépôts. Si on avait réuni les sommes attribuées aux divers dépôts dans les provinces avec les crédits de 40 et 50 mille francs destinés aux employés provinciaux, il aurait été possible, à mesure que des places deviendraient vacantes dans les gouvernements provinciaux, d'accorder aux archivistes, sans augmentation de dépense pour le trésor, des allocations en rapport avec la besogne dont ils sont chargés.
La proposition qui a été faite par le gouvernement d'augmenter les traitements de certains archivistes ayant été combattue par l'honorable M. Rousselle, en ce qui concerne Gand et Liège, je crois que je n'ai pas besoin d'entrer dans de plus longues considérations.
Je persiste à demander le maintien du chiffre actuel, sauf au gouvernement à réunir le service des archives aux bureaux de l'administration provinciale et à aviser à ce que les archivistes obtiennent un traitement en rapport avec le service dont ils sont chargés.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Rousselle ne peut comparer le dépôt de Mons à celui de Liège qui comprend des collections d'une haute importance et notamment les archives de l'ancienne principauté de Liège. Sous ce rapport, il n'y a pas de comparaison à établir entre les deux dépôts.
(page 1466) Il me serait impossible de m'astreindre à la répartition budgétaire de ce crédit. Ce serait suivre une marche qui n'est pas adoptée pour les autres crédits. On laisse au gouvernement le soin de répartir, suivant les besoins de l'administration, les allocations concernant un même service. Je ne puis donc m'engager à répartir entre tous les dépôts du royaume la légère augmentation qui est réclamée. Je tâcherai de rémunérer les employés en raison des services qu'ils rendent et de leur mérite. Voilà le seul engagement que je puisse prendre.
M. Delfosse. - Ce que M. le ministre de l'intérieur vient de dire des archives de l'ancienne principauté de Liège est très vrai. Ces archives n'ont guère moins d'importance que celles du royaume.
M. le ministre de l'intérieur propose une légère augmentation de traitement pour l'archiviste de Liège: bien que je sois, en général, opposé à ces sortes d'augmentation.je ne saurais combattre celle que M. le ministre de l'intérieur propose en ce moment; l'archiviste de Liège est un homme d'un grand mérite et de beaucoup de zèle, il a publié des ouvrages historiques très remarquables ; il est en fonctions depuis seize ans et il n'a pas même le traitement alloué à un chef de bureau. Je dois donc reconnaître que l'augmentation demandée par M. le ministre de l'intérieur est, cette fois, pleinement justifiée.
M. Rousselle. - Je désire cependant faire connaître que le dépôt des archives de Mons est absolument dans la même situation que le dépôt des archives de Liège, que dans le dépôt de Mons nous avons toutes les archives de l'ancienne province du Hainaut, qui a une grande importance dans toutes les phases qu'elle a parcourues. Nous avons une trésorerie de chartes qui est très-remarquable.
Du reste, ce que je demande, c'est que l'honorable ministre de l'intérieur se fasse représenter la description des archives de la province du Hainaut, qui se trouve dans les rapports de la députation permanente des années 1841 et suivantes. Il pourra s'assurer de l'importance de ces archives.
Je suis persuadé qu'il trouvera que le traitement du conservateur n'est pas en proportion avec le travail et les services qu'elles exigent.
M. Manilius. - Je voulais faire une observation dans le même sens que l'honorable M. Rousselle. Il y a à Liège les archives de l'ancienne principauté de Liège ; de même, il y a à Gand les archives de l'ancien comté de Flandre. Je dois m'adjoindre à la réclamation d'une augmentation de traitement en faveur de l'archiviste de Gand, qui a de longues années de service, et qui est, par la quotité de son traitement, dans une position inférieure à celle qu'il devrait avoir.
Je suis, comme l'honorable M. Delfosse, opposé, en principe, aux augmentations de traitement; mais il n'y a pas de règle sans exception. Il faut régulariser les positions et proportionner les traitements aux services rendus.
M. Le Hon. - Messieurs, je ne viens pas revendiquer, pour le moment, une plus forte part de ce crédit pour l'archiviste de Tournay. J'avoue que, dans ma pensée, lorsqu'un grand dépôt d'archives historiques n'est pas confié à une ville ou que cette ville n'a pas été le centre d'une ancienne administration d'Etat, c'est aux administrations communales ou provinciales elles-mêmes à diriger et organiser, à leurs frais, le classement, la gestion et le service des archives.
Je n'entends pas critiquer, en exprimant cet avis, les observations qu'ont présentées plusieurs honorables membres et particulièrement M. Rousselle ; car je pense que, à certains égards, il a eu raison dans les assimilations qu'il a faites. Le chef-lieu de l'ancien comté de Hainaut possède des archives très importantes, et j'en pourrais dire autant de l'ancienne capitale du Tournaisis, non en vue d'un accroissement actuel de traitement, mais pour ne pas laisser s'affaiblir dans vos esprits l'intérêt historique du grand nombre de documents et de chartes qu'elle possède.
Mais je demanderai à M. le ministre de l'intérieur quel est le motif sérieux et urgent qui le détermine à instituer à Arlon un dépôt d'archives et un archiviste de l'Etat. Je suppose qu'on a eu de justes motifs d'accueillir les réclamations élevées, depuis longtemps, par les archivistes de Liège et de Gand ; là, ces fonctions exigent une instruction étendue et imposent beaucoup de travaux et de recherches; mais je vois créer une nouvelle charge, sans cause bien expliquée, et d'après la règle « principiis obsta », je ne puis allouer le crédit de 500 fr., si l'utilité de son emploi ne m'est pas démontrée clairement. A-t on découvert ou rassemblé récemment à Arlon des titres anciens d'un grand intérêt historique ou administratif? Doit-on y conserver des documents dont le dépôt réclame une garde plus vigilante et plus active? En un mot, si Arlon n'a pas eu jusqu'à présent d'archiviste payé par l'Etat, pourquoi lui en faut-il un aujourd'hui?
Je désire être éclairé sur ce point par des renseignements catégoriques.
M. Dedecker. - Je demande la permission d'ajouter quelques mots aux observations présentées par M. le ministre de l'intérieur.
La discussion a un peu dévié. Il ne s'agit pas de comparer l'importance relative de chacun de nos dépôts d'archives. Pour toutes les personnes qui connaissent ces dépôts, il est incontestable que les archives de Liège et de Gand l'emportent de beaucoup, au point de vue historique, sur les autres archives du pays. Or, c'est la considération essentielle dans ce débat.
On distingue, comme vous le savez, les archives, en archives administratives et en archives historiques. Pour les archives administratives, je conçois qu'on les confie à un simple fonctionnaire de la province. Mais quant à ce qui est des archives historiques, il est nécessaire de les confier à des hommes qui aient des connaissances spéciales, parce que le classement et l'administration de ces archives réclament des études préalables, que tout le monde n'a pas faites. C'est ainsi que nos archives de Gand et de Liège sont dirigées par des hommes d'un mérite réel, généralement reconnu.
Les places d'archiviste dans ce pays sont du nombre de ces places rares que l'on réserve à nos savants, à nos hommes de lettres. C'est un motif pour nous de donner à ces fonctions tout le relief qu'elles comportent; et, pour ma part, j'appuie vivement l'augmentation réclamée par M. le ministre de l'intérieur, parce que ces fonctionnaires en général, et notamment ceux de Liège et de Gand, ne sont pas suffisamment rétribués.
En effet, comparez, dans le même ordre d'idées, la position de nos archivistes avec les bibliothécaires.
Dans presque toutes les villes de la Belgique il y a des bibliothécaires dont la position est infiniment meilleure que celle des archivistes. Or, les archivistes doivent avoir également des connaissances spéciales comme les bibliothécaires; ils ont plus de responsabilité et ils ont en outre une besogne administrative que l'on n'impose pas aux bibliothécaires dont les travaux sont purement littéraires.
Par ces motifs je voterai pour le crédit demandé par le gouvernement.
M. Tesch. - Je n'aurais pas pris la parole sans l'interpellation de l'honorable M. Le Hon.
Il y a à Arlon des archives comme dans toutes les autres provinces, et ces archives doivent même être très nombreuses; car un employé du gouvernement d'Arlon a passé plusieurs années à Luxembourg pour faire le triage de celles qui devaient revenir à la Belgique. Parmi ces richesses il y en a de très importantes. Je citerai notamment les archives forestières qui ne sont guère applicables qu'à notre pays. C'est là ordinairement que nous allons puiser lorsque nous avons besoin d'un renseignement qui se rapporte à une époque éloignée de nous.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le dépôt d'archives d'Arlon n'a pas été créé à plaisir par le gouvernement; il a été créé après la restitution des archives grand-ducales à la Belgique. L'employé qui a été chargé de la négociation pour cette restitution, s'est acquitté avec zèle et intelligence de cette mission. Il s'agit de le continuer dans ses fonctions.
L'allocation que l'on propose est une somme de 500 fr. Si vous transportiez à Bruxelles ces archives qui servent beaucoup aux habitants du Luxembourg, vous auriez des frais d'administration de plus à Bruxelles, et dès lors il n'y aurait pas grande économie.
M. Tesch. - Je demande la permission d'ajouter un renseignement : c'est qu'il me revient à la mémoire qu'à Arlon doivent se trouver les archives du duché de Bouillon et du comté de Gilly.
- Le chiffre demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 94. Archives de l'Etat dans les provinces ; frais de recouvrement de documents provenant des archives, tombés dans des mains privées ; frais de copies de documents concernant l'histoire nationale : fr. 4,000.
M. Dumortier. - Messieurs, j'ai souvent entretenu la chambre de la nécessité de récupérer la partie de nos anciennes archives nationales qui ont été transportées en Autriche à l'époque de la seconde invasion française. Vous savez qu'un grand nombre de ces archives ont été restituées à la Belgique en vertu du traité de Campo-Formio, mais que beaucoup de pièces des plus importantes sont restées à Vienne.
Jusqu'ici la Belgique avait fait de vains efforts pour obtenir la restitution de ces archives, qui sont la propriété de notre pays. Le gouvernement autrichien s'y était toujours refusé. Aujourd'hui l'Autriche a un gouvernement parlementaire, tout au moins ce gouvernement n'est plus aussi absolu qu'il l'était autrefois. Il serait possible que le gouvernement, par des négociations diplomatiques, obtînt la restitution des archives dont il s'agit. J'appelle sur ce point l'attention très sérieuse de MM. les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur. Il est vivement à désirer pour notre histoire que la partie de nos archives qui se trouve encore à Vienne soit restituée à la Belgique.
- L'article est adopté.
« Art. 95. Location de la maison servant de succursale au dépôt des archives de l'État : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 96. Encouragements, souscriptions, achats. - Concours de composition musicale. - Pensions des lauréats. - Académies et écoles des beaux-arts, autres que l'académie d'Anvers. - Concours de peinture, de sculpture, d'architecture et de gravure. - Pensions des lauréats.
« Charges ordinaires : fr. 107,500.
« Charges extraordinaires : fr. 12,000. »
- La section centrale a proposé une réduction de 3,000 francs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la section centrale, en proposant une réduction de 3,000 fr., n'entre pas dans de (page 1467) longs développements à l’appui de cette réduction. Il s’agit ici d'une allocation qui, relativement, est bien faible et dont l’exigüité rend souvent le non vouloir du gouvernement complètement stérile à l'égard d'un grand nombre de réclamations légitimes. Cependant je n'ai pas demandé d'augmentation sur ce chiffre. L'augmentation proposée est réclamée par un fait en quelque sorte nouveau relatif à l'Académie des beaux-arts de Gand.
En 1819, l'administration communale de Gand n'ayant pas voulu, à ce qu'il paraît, se soumettre à certaines conditions administratives auxquelles le subside était subordonné, le gouvernement s'est trouvé dans la nécessité de supprimer le subside accordé jusque-là pour l'Académie de Gand.
Depuis lors la bonne entente s'est rétablie entre la ville de Gand et le gouvernement, et les difficultés administratives ayant disparu, le gouvernement a dû proposer une augmentation au budget pour rendre à la ville de Gand le subside dont elle a joui avant que ces difficultés ne surgissent.
Je pense, messieurs, que la circonstance que je viens de vous rappeler vous engagera à adopter le chiffre demandé par le gouvernement, surtout en considération de la somme minime que vous accordez pour les beaux-arts et que j'espère bien voir augmenter un jour, lorsque les circonstances seront plus favorables.
- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 97. Académie royale d'Anvers : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 98. Conservatoire royal de musique de Bruxelles : fr. 45,000. »
- Adopté.
« Art. 99. Conservatoire royal de musique de Liège : fr. 9,000. »
- Adopté.
« Art. 100. Musée royal de peinture et de sculpture. Personnel : fr. 5,100. »
- Adopté.
« Art. 101. Musée royal de peinture et de sculpture. Matériel et acquisitions : fr. 13,900. »
- Adopté.
« Art. 102. Musée royal d'armures et d'antiquités. Personnel : fr. 3,800. »
- Adopté.
« Art. 103. Musée royal d'armures et d'antiquités. Matériel et acquisitions : fr. 7,200. »
- Adopté.
« Art. 104. Entretien du monument de la Place des Martyrs, des jardins et des arbustes. Salaire des gardiens : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 105. Monuments à élever aux hommes illustres de la Belgique, avec le concours des villes et des provinces. Médailles à consacrer aux événements mémorables : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 106. Subsides aux provinces, aux villes et aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour la restauration des monuments : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 107. Commission royale des monuments. Personnel : fr. 1,400. »
- Adopté.
« Art. 108. Commission royale des monuments. Matériel. Frais de déplacement : fr. 4,600. »
- Adopté.
« Art. 109. Frais des commissions médicales provinciales; police sanitaire et service des épidémies : fr. 39,500.
- Adopté.
« Art. 110. Encouragement à la vaccine. - Service sanitaire des ports de mer et des côtes. - Subsides aux élèves sages-femmes. - Subsides aux communes, en cas d'épidémies; impressions et dépenses imprévues : fr. 26,300. »
- Adopté.
« Art. 111. Académie royale de médecine : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 112. Subsides pour les établissements publics de la commune de Spa : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 113. Traitements temporaires de disponibilité (charges extraordinaires) : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 114. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 9,900. »
- Adopté.
La chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
Les amendements introduits au budget sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.
M. le président. - Je mets aux voix le texte du budget de l'intérieur, qui est ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère de l'intérieur est fixé, pour l'exercice 1850, à la somme de 5,977,313 fr. 55 c, conformément au tableau ci-annexé. »
- Cet article est adopté.
On passe à l'appel nominal sur l'ensemble du budget.
70 membres répondent à l'appel nominal.
69 répondent oui.
1 membre (M. Auguste Dumon) s'abstient, parce qu'il n'a assisté qu'à une partie de la discussion.
En conséquence, le budget de l'intérieur, pour l'exercice 1850, es adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Destriveaux, de Theux, d’Hoffschmidt, Dolez, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moxhon, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Dequesne, Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, de Decker, de Haerne, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Desoer et Verhaegen.
La parole est à M. Rodenbach.
M. Rodenbach. - Messieurs, à propos de la discussion du budget des affaires étrangères, je ne crois pas inopportun de faire une interpellation au chef de ci département.
Si je suis bien informé, le gouvernement belge, depuis 1830, a accordé ou reconnu des titres de noblesse à plus de 250 personnes. Ces personnes ont obtenu cette faveur pour ainsi dire gratuitement, puisqu'elles n'ont payé qu'un simple droit d'enregistrement. Dans d'autres pays, on paye, par exemple, pour un parchemin de baron 5, 10, 15 et jusqu'à 20,000 francs pour un titre de chevalier, baron, comte, etc.
Je demande si le moment n'est pas venu d'établir un impôt sur l'octroi des titres de noblesse, alors que nous avons un déficit dans nos caisses.
Il y a deux ou trois ans que le conseil héraldique a soumis un projet à M. le ministre des affaires étrangères. Je demanderai au gouvernement si ce projet fait toujours l'objet de ses études.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, quelle que soit la résolution à laquelle le gouvernement s'arrête, je ne pense pas que l'objet dont l'honorable M. Rodenbach vient d'entretenir la chambre puisse jamais constituer une ressource notable pour le trésor. Je ne me rappelle pas le nombre de personnes anoblies depuis 1830; mais ce que je puis dire à la chambre, c'est que depuis l'avènement du ministère, il n'y a pas eu peut-être deux anoblissements nouveaux. Dès lors l'honorable préopinant comprendra qu'on ne pourrait pas trouver une ressource très importante dans l'octroi des titres de noblesse, alors surtout que, depuis le 24 février 1848, le nombre de ces demandes a considérablement diminué.
J'avais fait préparer un projet qui devait être soumis à la chambre dans le courant de l'année dernière; mais les événements qui sont survenus, la diminution dans le nombre des demandes, la résolution du gouvernement d'être fort difficile à cet égard, m'ont convaincu que cette ressource serait à peu près nulle. C'est pour ce motif que je n'ai pas soumis le projet à la chambre.
M. Schumacher. - Messieurs, la chambre voudra bien me permettre de me présenter de nouveau sur le terrain pour l'entretenir des intérêts du commerce et de l'industrie.
Cette fois j'ai le bonheur d'avoir pour moi la section centrale, qui partage entièrement ma manière de voir sur l'utilité que présenterait un remaniement ministériel, de manière à réunir dans une même main l'agriculture, le commerce et l'industrie.
Dans la séance dernière j'ai agité cette question, j'ai même demandé plus, j'y ai compris les travaux publics ; le chemin de fer étant une entreprise éminemment commerciale et industrielle.
Les intérêts de l'agriculture, de l'industrie et du commerce sont si étroitement liés, se touchent de si près, que l'on ne peut contester la nécessité évidente d'une unité de direction.
Lorsque l'agriculture ne prospère point, l'industrie et le commerce souffrent à leur tour. C'est une erreur de croire que le bas prix des (page 1468) céréales est un avantage pour l'industrie, en ce qu'il permet à l'ouvrier industriel de se nourrir à meilleur marché et de travailler à meilleur compte.
Le bas prix est tout aussi préjudiciable à l'industrie que le prix élevé. C'est à maintenir un prix moyen, qui permet à chacun de vivre, que doivent tendre tous les efforts.
Pour que l'industrie trouve le placement de ses produits, il faut que l'ouvrier de la campagne soit en mesure de pouvoir les lui acheter. S'il y a misère dans les campagnes, point de débouchés pour les produits de l'industrie, point d'ouvrage pour les ouvriers qu'elle occupe. Les bas prix des céréales, dit-on, ne sont point défavorables aux campagnes.
Les bas prix sont le résultat d'une double récolte ; pour le cultivateur il ne peut y avoir perle, il se retrouve sur la quantité. Cela n'est pas exact, pour la raison que le consommateur, en présence d'une double récolte, ne se trouve pas avoir un double estomac.
La population en présence d'une récolte abondante ne mange pas plus de pain cette année-là, que dans une année moins productive. Il n'y a pas de bénéfice pour le cultivateur d'avoir ses granges bien garnies, s'il n'est pas payé de ses peines, et que, pour les dégarnir, il se voie obligé de donner ses céréales en pâture à ses bestiaux.
Toutefois est-il que le commerce, lorsque les prix des marchés extérieurs le lui permettent, vient souvent en aide au cultivateur, en vidant ses greniers. Alors l'on voit se rétablir des prix moyens, qui permettent à chacun de vivre.
J'ai cru devoir entrer dans ces considérations, auxquelles il y en aurait encore bien d'autres à ajouter, pour démontrer l'étroite liaison qui existe entre les intérêts de l'agriculture, de l'industrie et du commerce, et la nécessité qu'il y a de placer ces divers intérêts dans une seule et même main.
Trois membres de la section centrale partagent aussi ma manière de voir sur l'avantage que présenterait un conseil supérieur du commerce et de l'industrie.
J'ajouterai à ce que j'ai déjà dit dans une précédente séance que ce conseil serait d'une grande utilité en présence de la nécessité qui depuis longtemps se fait sentir de réviser le tarif des douanes. De plus, il devrait constamment être consulté :
1° Sur les projets de lois concernant le tarif des douanes ;
2° Sur les traités de commerce et de navigation ;
3° Sur ce qui a rapport à la pêche maritime;
4° Sur les vœux des chambres de commerce;
5° Sur la direction à donner à l'industrie.
En un mot, sur tout ce qui touche aux intérêts du commerce et de l'industrie.
Ce conseil purement consultatif ne pourrait exercer aucune pression ni sur le gouvernement, ni sur le parlement. Son rôle se bornerait, simplement à éclairer les questions. Je ne conteste nullement les services que rend la commission d'industrie, de commerce et d'agriculture de la chambre, mais cette commission n'a d'existence que durant la session, et elle n'est consultée que sur les pétitions adressées à la chambre et touchant aux intérêts dénommés.
Je me bornerai à ces observations, dans la crainte de fatiguer la chambre en revenant trop souvent à la charge.
Ce que j'aurais encore désiré trouver dans le rapport de la section centrale, et que je n'y trouve point, ce sont quelques renseignements sur les vues du gouvernement concernant la société d'exportation, depuis si longtemps reconnue comme le moyen le plus efficace pour venir en aide à la classe ouvrière.
Je me permettrai de répéter ici quelques paroles dites dans cette enceinte par M. le ministre des finances.
Lors de la discussion du projet de loi sur les droits de succession, M. le ministre a dit à la chambre :
« Où est votre premier écu pour exécuter les travaux, les entreprises, qui doivent servir non seulement à accroître le capital de la nation, à multiplier ses instruments de travail, mais qui sont encore des moyens de transition pour arriver à l'amélioration élu sort des classes malheureuses? »
Depuis que ces chaleureuses paroles ont été prononcées par M. le ministre des finances, un vote important est intervenu. Sur la proposition de l'honorable M. De Pouhon, la chambre a mis à la disposition du gouvernement 13,438,000 fr. en obligations de l'emprunt belge 4 p. c, représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas.
Ce premier écu que demande M. le ministre, je le prendrais sur la valeur dont il est question, et entre tous les projets mis en avant pour arriver au but dont parle M. le ministre, je donnerais la préférence à celui de la création d'une société pour l'exportation, et j'affecterais à ce projet une partie du capital mis à la disposition du gouvernement.
Faire un tel emploi de ce capital, ce sera le placer de manière à lui faire produire 50 p. c. et plus, tant au profit du pays qu'au profit du trésor, sans chance de perte aucune.
Les opérations de la société auront pour résultat immédiat d'opérer largement sur la production, sur la circulation et sur la consommation, les plus puissants moteurs de la prospérité publique.
Il en résultera que les droits d'accises, de péages, de timbre, la douane, le chemin de fer, la poste, les entrepôts deviendront des sources de beaucoup plus fécondes, qu'elles ne le sont aujourd'hui, pour l'alimentation du trésor, et l'on n'aura plus à recourir à de fausses économies et à de nouvelles taxes pour trouver la balance des budgets.
De la manière que je comprends l'intervention du gouvernement dans la formation d'une société pour l'exportation, il ne peut y avoir aucune chance de perte pour lui.
Il ne s'agit que de l'avance momentanée d'un capital qui, successivement, deviendrait remboursable. Des actionnaires seront appelés à la formation d'un second capital, qui seul participera aux bénéfices, ou supportera les pertes.
L'achat serait la base de l'opération.
A chaque achat qui serait opéré par la société, elle ne traiterait qu'à la condition de ne payer en écus que 85 ou 90 p. c, et pour les 10 ou 15 p. c. restants, elle remettrait des actions.
De cette manière, l'industriel, au profit duquel la société se trouve crête, deviendrait actionnaire de la société. Un capital nouveau viendrait augmenter le capital avancé par le gouvernement, capital nouveau, comme je l'ai dit, qui seul participera aux bénéfices ou supportera les pertes.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'honorable M. Schumacher est revenu sur un sujet qu'il a déjà traité plusieurs fois dans cette enceinte. Il désire ardemment deux choses : 1° la centralisation des administrations du commerce et de l'industrie, sous la direction du même ministre; en second lieu la formation d'un conseil supérieur du commerce et de l'industrie. J'avoue que je n'ai pas encore compris la grande importance qu'il attache à la réunion de ces deux directions, dont l'une est au département des affaires étrangères et l'autre au département de l'intérieur. Jusqu'à présent l'honorable préopinant n'a pas fait connaître quels seront les grands avantages que cette réunion produira, ni quels sont les inconvénients de l'état de choses actuel.
On a dit dans une précédente séance que le commerce et l'industrie avaient besoin d'une direction forte et habile. D'où doit donc émaner cette direction forte? Evidemment du conseil des ministres; c'est le gouvernement qui doit imprimer à l'intervention qu'il exerce dans les affaires industrielles et commerciales l'impulsion nécessaire. Si on veut parler du système commercial, je répondrai qu'il n'appartient pas aux agents inférieurs de déterminer quel sera le système auquel on donnera la préférence, si on marchera vers la liberté commerciale ou si on adoptera le système restrictif; c'est le ministère au moment de sa formation qui fait connaître sa politique commerciale. Ainsi, les employés des ministères n'exercent aucune influence sur la haute direction à imprimer à l'intervention du gouvernement en matière commerciale et industrielle. Cette direction est entièrement réservée au cabinet; quand deux ministres ne sont pas d'accord sur une question quelconque , c'est le conseil des ministres qui prononce ; il n'y a pas la moindre difficulté, la moindre entrave. Les questions sont même examinées avec plus de soin que si ces attributions étaient réunies au même département ; il y a un contrôle réciproque. Jusqu'à présent, je suis donc à chercher quels sont les inconvénients de l'état actuel des choses et je ne les découvre pas. Je crois qu'il pourrait, au contraire, y avoir des inconvénients à le changer; c'est ce que l'on reconnaît.
Messieurs, quand on veut sérieusement s'occuper de remaniements d'attributions, quand on entre dans l'examen d'une question de ce genre, comme nous l'avons déjà fait plusieurs fois en conseil, on trouve de très grandes difficultés.
Quant au conseil supérieur que désire l'honorable préopinant, je ne sais s'il apporterait des lumières nouvelles ; dans ces sortes de questions, le gouvernement a pour s'éclairer les chambres de commerce ; il peut les consulter sur toutes les questions ; s'il ne se trouve pas suffisamment éclairé, rien n'empêche qu'il réunisse, sous la présidence d'un ministre, les délégués de plusieurs chambres de commerce qui forment alors un véritable conseil supérieur.
On ne nous dit pas quelles seraient les attributions du conseil supérieur. Siégerait-il en permanence? Quelle dépense en résulterait-il? Ne serait-ce pas une entrave réelle? Je suppose qu'un ministère soit partisan de la liberté commerciale et que le conseil soit porté pour le système prohibitif, n'apporterait-il pas des entraves continuelles aux projets du gouvernement? Ce seront des difficultés, des conflits qui se renouvelleront chaque jour sur toutes les questions.
Messieurs, je crois que toutes les questions qui se traitent administrativement sont suffisamment élucidées dans l'organisation actuelle.
Quand une question majeure, comme celle de la création d'une société d'exportation dont vient de parler l'honorable membre, est soulevée, c'est par une commission spéciale qu'elle est examinée et discutée, c'est ce qui a eu lieu ; puisque mon honorable prédécesseur a soumis cette question à une véritable commission d'enquête en appelant les délégués des chambres de commerce et toutes les personnes qui pouvaient apporter quelques lumières, à en délibérer sous sa présidence.
Quant à la société d'exportation, le gouvernement s'y est toujours montré favorable, pourvu que les circonstances financières et autres le permissent.
Dans un projet qu'il a présenté le 23 février 1848, se trouvait compris un crédit de 3,500,000 fr. pour la formation d'une société d'exportation ; les événements sont venus empêcher la discussion de ce projet et l'exécution des vues du gouvernement. il y a peu de temps que j'ai consulté les gouverneurs pour savoir si dans leurs provinces respectives il y aurait un certain nombre de commerçants et de capitalistes qui, dans le cas de (page 1469) l'adoption du projet de loi seraient disposés à prendre des actions dans la société ; on a répondu de toutes parts, qu'on ne trouverait pas d'actionnaires dans les circonstances actuelles.
L'honorable M. Schumacher sait qu'on a toujours entendu que le capital de la société d'exportation devait être fourni par les particuliers et par le gouvernement. Tous les projets formulés ont toujours été basés sur un concours des deux tiers par les fonds particuliers et d'un tiers par le gouvernement. Du moment que l'industrie privée manque à l'appel, on ne peut pas pour le moment songer à la réalisation d'un semblable projet.
M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour appuyer ce que vient de dire l'honorable M. Schumacher, sur la nécessité d'avoir une société d'exportation. Vous savez tous que dans notre pays on fabrique considérablement ; nos manufacturiers savent fabriquer à bon compte ; la main-d'œuvre est à meilleur marché en Belgique qu'en Angleterre et dans la moitié de l'Europe; nos ouvriers sont industrieux et peuvent soutenir la concurrence avec tous les autres ouvriers de l'Europe. Ce qui leur manque, c'est une société d'exportation, ce sont les débouchés; il y a encombrement ; tout ce qu'on demande c'est de pouvoir exporter, de pouvoir vendre.
M. le ministre vient de répondre à l'honorable M. Schumacher qu'il a fait demander des renseignements aux gouverneurs pour savoir si on trouverait des actionnaires dans leurs provinces et qu'ils ont répondu négativement. Je pense que ce moyen réussirait rarement. Je ne crois pas que ce soit là une bonne voie pour obtenir des actionnaires. Mais M. Schumacher, qui est une spécialité, vous a indiqué un moyen.
M. le ministre a dit : Nous proposerions bien un projet pour former une société d'exportation, mais ce sont les fonds qui manquent.
L'honorable député de Bruxelles vous a dit qu'il y avait 153millions dont on pouvait disposer. On a donc de l'argent; on ne peut pas l'employer mieux ; c'est là la chose la plus utile qu'on peut faire dans le pays : faciliter les exportations, donner de l'ouvrage aux ouvriers ; avec notre exubérance de population, nous devons avoir une société d'exportation, on paraît l'avoir oublié.
L'honorable ministre vient de dire qu'en ce moment ce serait inopportun. Je crois au contraire que c'est très opportun, lorsqu'on ne peut exporter.
D'ailleurs, d'après ce que vient de dire l'honorable député de Bruxelles, le gouvernement n'a rien à risquer. Les vendeurs, par la défalcation de 15 p. c. sur le montant de leur facture, deviendraient actionnaires.
Je me joins donc à l'honorable M. Schumacher pour demander que le gouvernement s'occupe sans retard de la création d'une société d'exportation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant affirme que le gouvernement possède un assez grand nombre de millions qu'on pourrait employer à créer une société d'exportation. Il est vrai qu'on a mis à la disposition du gouvernement 13 mille obligations de sa dette qu'il pourra vendre quand l'occasion s'en présentera, c'est-à-dire, d'après la décision de la chambre, quand les fonds seront arrivés à 80. Mais les honorables membres me paraissent avoir oublié qu'ils ont voté un article particulier de la loi qui impose au gouvernement l'obligation d'employer ces fonds au payement de la dette. S'ils trouvent moyen de concilier cette disposition avec l'affectation des 13 millions à la création d'une société d'exportation, je m'y prêterai volontiers.
M. Osy. - Je ne puis partager l'opinion de l'honorable député de Bruxelles sur l'utilité qu'il pourrait y avoir à former près du ministère une commission permanente d'industrie. Je trouve qu'avec les chambres de commerce, telles qu'elles sont constituées, le gouvernement peut être très bien informé des besoins du pays, d'autant plus que, quand il le trouve convenable, il peut appeler près de lui un délégué de chaque chambre de commerce. Ce ne serait pas la première fois que les délégués des chambres de commerce se réuniraient au ministère pour examiner des questions importantes à l'ordre du jour. Je crois donc qu'il ne faut, sous ce rapport, rien changer à ce qui existe.
Mais je pense qu'il serait convenable de réunir dans les attributions d'un même ministre le commerce et l'industrie qui ont tant de rapports ensemble.
J'entends beaucoup parler d'une société d'exportation. C'est un projet dont, dans cette session, on a entretenu la chambre à diverses reprises. C'est, en ce moment, un espoir chimérique dont on ne devrait pas bercer le pays; car il ne serait pas possible de trouver des actionnaires. C'est, vient de vous dire M. le ministre, la réponse que lui ont faite MM. les gouverneurs; c'est la réponse que plusieurs négociants d'Anvers (et moi entre autres) ont fait à M. le gouverneur d'Anvers.
Le gouvernement a fait ce qu'il était le plus convenable de faire, dans les circonstances actuelles, en accordant, pour l'exportation des toiles et des cotons, des primes qui, si je suis bien informé, ont produit de très bons fruits. Quand nous voyons les industries linière et cotonnière reprendre d'une manière si extraordinaire, nous devons être persuadés que l'exportation est considérable.
Aux honorables MM. Schumacher et Rodenbach, qui demandaient qu'une partie de l'encaisse de l'ancien caissier de l'Etat fût affectée à la création d'une société d'exportation, M. le ministre vient de répondre avec raison que cet encaisse a reçu une affectation,
La première chose à faire, pour relever notre crédit, c'est de faire cesser le cours forcé des billets de banque.
Ce qui pourrait être très utile maintenant, ce serait l’établissement de comptoirs, tenus par des Belges, qui recevraient les consignations des commençants et des industriels du pays. Je crois que le gouvernement ferait bien de se mettre en rapport, dans ce but, avec l'une ou l'autre société, ou avec les particuliers. Cela n'entraînerait pas à de grandes dépenses.
Je crois que le gouvernement a l'intention de nous faire une proposition de ce genre. Je n'ai qu'à l'en féliciter.
Je pense qu'il faut se borner à cela, dans les circonstances actuelles.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, ce qu'on a toujours considéré comme la partie la plus utile d'une société d'exportation, c'est l'établissement de comptoirs sur les marches lointains. Je crois qu'il n'est pas de question sur laquelle on se soit prononcé d'une manière aussi unanime. Aussi notre attention a-t-elle toujours été fixée sur ce point; nous avons recherché s'il y avait des commerçants, des capitalistes qui voudraient mettre leurs capitaux dans de telles entreprises.
Je suis heureux de dire qu'il vient de se former une société qui demande l'aide du gouvernement pour l'établissement de pareils comptoirs. Je me propose même de faire demain à ce sujet une communication à la section centrale chargée de l'examen de la demande de crédit d'un million concernant le département de l'intérieur. Je me félicite de ce que ce projet, qui a reçu l'assentiment de plusieurs honorables membres de cette assemblée, ait celui de l'honorable préopinant, dont nous apprécions tous les connaissances commerciales.
Ainsi, si les circonstances nous obligent à ajourner en ce moment, la création d'une société d'exportation, du moins pourrons-nous prendre dans ce projet la partie la plus essentielle et nous en occuper dès à présent.
M. le président. - La parole est à M. Toussaint.
M. Toussaint. - Comme M. le ministre des affaires étrangères vient d'annoncer une communication au sujet des encouragements à accorder à l'industrie, et que la discussion à ce sujet me paraît devoir s'établir plus utilement à un autre moment, je renonce à la parole et je crois que la chambre fera bien de ne pas prolonger pour le moment cette discussion.
M. Moncheur. - J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu l'honorable M. Osy vous parler, des heureux effets des primes d'exportation.
Je considère les primes d'exportation comme un bon moyen ou plutôt comme un bon expédient dans des circonstances tout à fait exceptionnelles et spéciales, afin d'aider au maintien du travail dans les fabriques qui ont besoin temporairement et accidentellement de ces primes ; mais je les considère en général comme une chose très mauvaise, comme un système protecteur poussé à l'extrême limite et un système dont les conséquences seraient excessivement graves pour le pays.
Que te système des primes active le commerce et l'exportation des fabricats, la chose n'est nullement étonnante. Mais nous ne pouvons entrer dans ce système d'une manière normale. A cet égard, je fais toutes mes réserves, parce que je crois avoir compris que le système de l'honorable M. Osy à cet égard est beaucoup trop absolu.
Si la question s'engageait sur ce point, on pourrait la discuter; mais comme vient de le dire l'honorable M. Toussaint, elle pourra mieux venir lorsqu'il s'agira de la discussion de la loi relative au crédit d'un million demandé par le département de l'intérieur, notamment, pour ce genre de protection au travail national.
M. Schumacher. - La réponse que M. le ministre des affaires étrangères a bien voulu me faire, me prouve qu'il m'a mal compris. J'ai demandé la formation d'une société d'exportation, dont les industriels deviendraient eux-mêmes actionnaires à mesure de chaque affaire qu'ils feraient par son moyen, de telle sorte que ces industriels supporteraient eux-mêmes la perte, s'il y en avait, et jouiraient des bénéfices.
M. le ministre des finances me dit qu'il ne peut pas disposer du capital que j'ai indiqué pour premier fonds dans la formation de cette société. Il me semble que ce que le pouvoir a fait, il peut le défaire, et que si la chambre trouvait utile de disposer d'une partie de ces fonds pour cette destination, elle pourrait le faire. Je crois que ce serait là une mesure très utile dans l'intérêt du travail national. Moi, plus que personne, je suis souvent en contact avec l'ouvrier; je connais ses besoins et je sais que d'ici à peu de temps il faudra le faire travailler. Il faut y songer sérieusement, si vous voulez passer des jours tranquilles.
M. le ministre des affaires étrangères trouve inutile la réunion dans les mêmes mains des affaires du commerce et de l'industrie. Je pense, au contraire, qu'elle serait extrêmement utile. Il y a beaucoup de questions qui sont à la fois commerciales et industrielles et pour lesquelles on doit s'adresser aux deux ministères ; il s'en présente même pour lesquelles il faut recourir à quatre ministères. Ainsi, pour une opération de sortie, je m'adresse d'abord à M. le ministre de l'intérieur. J'ai besoin d'une faveur en douane à l'entrepôt pour emballage, je dois m'adresser à M. le ministre des finances. J'ai besoin d'une faveur en ce qui concerne la navigation, je m'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Ce sont là des complications que l'on pourrait éviter par la fusion dans un même ministère de tout ce qui intéresse le commerce et l'industrie.
M. Osy. - J'ai un mot à répondre à l'honorable M. Moncheur.
En général, je ne suis nullement partisan des primes d'exportation. (page 1470) Mais j'ai parlé des circonstances dans lesquelles nous nous étions trouvés depuis le 24 lévrier. J'ai dit que, depuis le 24 février, il avait été impossible de penser à créer une société d'exportation et que j'approuvais ce que le gouvernement a fait depuis cette époque pour activer nos exportations de cotons et de toiles. Mais j'ai été loin de dire qu'il fallait établir des primes d'une manière permanente. D'ailleurs, s'il s'agissait d'établir des primes d'une manière permanente, le gouvernement devrait vous proposer une loi. Ce n'est que sur le crédit de 2 millions qu'il a été autorisé à accorder des primes par arrêté royal.
Je soutiens que dans les circonstances où nous nous trouvons, en présence de la situation des bourses en général et surtout du trésor, tout ce que le gouvernement pouvait faire, c'était d'accorder ces primes et de faciliter l'établissement de quelques comptoirs.
Si je suis bien informé depuis les derniers mois de l'année dernière, l'industrie cotonnière se trouve dans une bonne situation et les exportations vont en augmentant. Depuis le commencement de l’année, il est extraordinaire de voir comment nos filatures à la mécanique ont pu écouler leur trop plein et leurs nouveaux fabricats. Puisqu'on trouve des acheteurs pour le fil, il n'y a pas de doute que l'on doit exporter beaucoup de toiles.
Je crois donc que le gouvernement doit s'en tenir pour le moment à ce qu'il a fait. Mais chacun de nous peut exposer ses principes, et lorsque nous serons rentrés dans un état normal, le gouvernement pourra nous saisir de nouvelles propositions.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, l'honorable M. Osy a trop de connaissances en affaires commerciales pour être partisan des primes. Cependant, il vous a dit que, grâce à la prime, l'industrie cotonnière avait pu fleurir, qu'elle avait pu exporter, pendant l'année 1848 et les premiers mois de 1849, une partie de ses produits.
J'ai demandé la parole pour que la chambre ne reste pas sous l'impression de cette assertion.
Ce n'est pas, grâce à la prime que notre industrie cotonnière a pu fleurir pendant l'année qui est écoulée et pendant l'année présente. Ce qui le prouve, c'est qu'en Angleterre, pendant les années 1848-1849, il y a eu vue progression considérable dans la fabrication des fils et des toiles de coton, et dans l'exportation.
En Angleterre, on a consommé, en 1849, 30 p. c. de coton de plus qu'en 1848, et 50 p. c. de plus qu'en 1847. D'où résulte cet accroissement de la consommation ? De ce que, la crise alimentaire ayant cessé, les classes les moins aisées de la société ont pu acheter des vêtements. La même chose s'est produite dans les autres pays de l'Europe.
Par suite, malgré la crise financière, la fabrication des cotons s'est trouvée dans une situation prospère comparativement aux autres industries.
M. Manilius. - Je crois qu'il est très difficile d'établir une comparaison entre la Belgique et l'Angleterre.
L'industrie cotonnière, a dit l'honorable M. Osy, a repris depuis que le gouvernement a pris des mesures pour faire écouler ses produits, au moyen des primes d'exportation. Je crois qu'il est dans le vrai ; car voici quelle a été la situation de l'industrie cotonnière, en 1848, après le désastre du 24 février : il y a eu stagnation complète ; il y avait exubérance chez tous les négociants ; toutes les filatures ont immédiatement arrêté leurs travaux, d'une part en raison de l'excès de la production, d'autre part en raison de l'anxiété, de la crainte de grands événements. Ce n'est qu'avec le stimulant du gouvernement et grâce aux moyens d'écoulement qu'il a obtenus pour nos produits que les filatures ont pu reprendre leurs travaux.
Maintenant, il y a quelque chose de vrai dans l'allégation de l'honorable M. de Brouwer, c'est que depuis que la crise alimentaire a cessé, depuis que les vivres sont devenus à bon compte, il y a eu écoulement non seulement pour cette industrie, mais pour toutes les autres. Tout a un peu repris. Mais il n'en est pas moins vrai que, par suite de l'excès des produits qui est sur le marché et de la crise politique, nous aurions été dans une situation telle que toutes nos villes manufacturières auraient eu le désolant spectacle de voir leurs ouvriers dans les rues.
Je dois être assez généreux pour le déclarer (je ne parle pas par sympathie personnelle, car je n'ai pas profité de ces exportations), c'est l'intervention du gouvernement qui nous a préservés de ces malheurs. Je puis en proclamer les heureux effets, les ayant constatés par les propres yeux.
Puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots sur la création d'un comité supérieur de commerce et d'industrie. Je ne saurais en aucune façon m'associer à la proposition de l'honorable M. Schumacher. Au contraire, si sa proposition me paraissait sérieuse, si le gouvernement y donnait les mains, je serais le premier à m'y opposer.
Mon opinion est fondée sur une infinité de raisons que je ne veux pas indiquer maintenant, puisqu'il n'est pas sérieusement question de ce projet. Mais je me préparerai à cette discussion, car on y met une insistance telle qu'on pourrait bien finir par en venir là.
Il y a beaucoup de choses à dire sur le danger de telles institutions. Je me bornerai à dire qu'elles finissent toujours par dégénérer en coteries plus nuisibles qu'utiles au grand corps commercial.
Il y a assez d'institutions qui ont toute liberté d'accès auprès de tous les ministères. Vous voyez tous les jours des députations venir réclamer auprès du ministère en faveur de l'une ou de l'autre branche d'industrie m de commerce.
Co sont :
Des administrations communales, bourgmestre en tête;
Des députations permanentes, gouverneur en tête ;
Des chambres de commerce, président en tête.
On voit toujours le gouvernement s'éclairer des lumières de véritables négociants comme l'honorable M. Schumacher, de véritables négociants faisant partie de corps constitués qui ont toute la confiance de leurs commettants. Cela doit suffire dans un pays comme le nôtre, où il est si facile d'aborder le gouvernement, de lui donner de bon conseils. Ne faisons pas un nouveau conseil, qui ne serait jamais qu'un conseil de créatures.
Ce qui m'étonne le plus, c'est que ce soit un honorable député de Bruxelles qui fasse cette proposition, alors que les députés de Bruxelles ont tant de commodités pour voir les ministres ; ils sont toujours dans le cabinet des ministres ou dans les salles d'attente. Ils sont là pour donner des conseils. Je les regarde comme les plus grands conseillers de la Belgique. Cela ne leur suffit-il pas? Quand les industriels des provinces ont un conseil à donner, ils doivent faire un voyage, souvent même un séjour. Le ministre ne reçoit pas; il faut attendre au lendemain. Il n'en est pas ainsi pour les industriels ou commerçants de Bruxelles ; ils préviennent le ministre qu'ils se présenteront chez lui tel jour, telle heure, et ils sont reçus. Ou bien, ils se rencontrent en soirée avec le ministre, et ils prennent rendez-vous pour le lendemain.
Il n'en est pas de même pour nous !
Vous voyez donc que, pour éclairer le gouvernement, il y a des moyens suffisants.
Je crois qu'on serait mal venu de proposer sérieusement l'établissement d'un pareil comité.
Quant à une société d'exportation, je crois que lorsque les temps seront calmes, il y aurait moyen de la former, en obligeant les intéressés à une pareille institution, de souscrire comme actionnaires. Mais il faut reconnaître que l'état actuel des choses n'est pas favorable à cette opération. Je crois qu'il faut attendre des temps meilleurs.
M. Schumacher. - L'honorable préopinant demande comment cette demande émane d'un député de Bruxelles, alors que Bruxelles est si près du soleil. C'est que les rayons de ce soleil ne sont pas assez vivifiants. C'est pour cela que nous sentons le besoin d'une plus forte chaleur.
M. Cans. - Je désirerais adresser une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères. Il y a bientôt cinq ans que la loi sur les droits différentiels est en vigueur. M. le ministre ne croirait-il pas utile de présenter à la législature un rapport sur les effets qu'a eus cette loi sur le commerce, l'industrie et la navigation. S'il voulait prendre l'engagement de présenter ce rapport à l'ouverture de la prochaine session, je crois que la chambre y trouverait les éléments de la solution des questions relatives à la société d'exportation, aux comptoirs et au système des primes.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je prends volontiers l'engagement de présenter un rapport sur les effets de la loi des droits différentiels.
Ce rapport pourrait être présenté au commencement de la prochaine session ou, mieux peut-être, à l'époque de la discussion de mon budget pour 1851, car plus l'expérience sera longue, plus le rapport pourra être concluant. Il y a eu diverses circonstances qui ont pu influer sur les effets de la loi des droits différentiels; d'abord, la crise que nous subissons actuellement, et puis la crise des denrées alimentaires. Il y a eu des arrivages énormes au moment où il s'agissait d'alimenter le pays. Ces circonstances peuvent laisser des doutes sur les effets mêmes de la loi; et par conséquent il n'y a pas de mal que l'expérience soit plus longue et plus complète.
- La suite de la discussion est remise à demain.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de communiquer à la chambre les arrêtés d'assimilation qui ont été pris en exécution de la loi du 21 mars 1846.
- Ces arrêtés seront imprimes et distribués.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai eu l'honneur de déposer, à l'ouverture de la session, un projet de loi sur le transit. La loi temporaire est sur le point d'expirer. Je pensais que le projet de loi définitif aurait été voté dans la session actuelle; mais comme il paraît qu'il n'en sera pas ainsi, et la loi temporaire expirant le 30 juin, je me vois dans la nécessité de demander une nouvelle prorogation des pouvoirs qui ont été conférés au gouvernement par la loi du 18 juin 1842. C'est l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de déposer.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des finances de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.
De quelle manière la chambre veut-elle en faire l'examen?
M. Osy. - Messieurs, la section centrale, chargée de l'examen du projet de loi général sur le transit a terminé son travail. Nous attendons pour demain ou après-demain l'honorable M. Loos, rapporteur, pour entendre la lecture du rapport. Je demanderai alors que la chambre veuille voter encore cette loi importante dans le cours de cette session.
(page 1471) En attendant, la chambre pourrait renvoyer à la section centrale le projet de loi de prorogation que M. le ministre des finances vient de déposer. J'en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi, ayant pour objet d'allouer au département de la guerre un crédit de 35,411 francs destiné à payer, jusqu'à concurrence de 50 p. c, le montant des pertes qui ont été essuyées à l'occasion du siège de la citadelle d'Anvers.
- La chambre ordonne l'impression, la distribution et le renvoi de ce projet de loi à l'examen des sections.
- La séance est levée à 5 heures moins un quart.