(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 1115) M. Dubus procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Quelques habitants de Louvain demandent des modifications à la loi sur la garde civique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le comte de Gourcy-Serainchamps demande la révision du tarif qui règle les frais de route et de séjour des experts du gouvernement chargés de faire l'estimation des biens d'une succession. »
- Même renvoi.
« Le sieur Prévost, ancien chef d'institution, prie la chambre de lui accorder une pension civique. »
- Même renvoi.
M. Moreau. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale à laquelle vous avez renvoyé l'examen du projet de loi amendé par le sénat, concernant la révision des tarifs en matière criminelle.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
La discussion en est fixée à demain.
M. le président. - Le projet n'ayant qu'un seul article, la discussion générale se confond avec la discussion de l'article. Cet article est ainsi conçu :
« Le terme de la loi du 30 mars 1848 (Moniteur belge 3u 51 mars 1848) est prorogé jusqu'au 31 mars 1851 inclusivement.
« La présente loi sera obligatoire le lendemain du jour de sa publication au Moniteur. »
La parole est à M. le Bailly de Tilleghem.
M. le Bailly de Tilleghem. - Je renonce à la parole.
M. Boulez. - Messieurs, je ferai remarquer à la chambre qu'à mesure que la fabrication des toiles de fil à la main diminue, la quantité des étoupes exposées en vente suit la même proportion. Les fabriques à la mécanique consomment toutes les étoupes provenant des lins qu'elles fabriquent; une partie des petits fabricants de toiles de fil à la main en font de la toile pour leur propre usage.
Ce déchet manque souvent dans l'été pour alimenter la fabrication des toiles communes, toiles d'emballage, couvertures, toiles pour teindre, toiles à voiles, toiles pour cirer, chaîne pour tapis, fil à coudre de gros numéros, cordages et autres industries manufacturières.
Le prix de cette fibre textile dépasse dans ce moment la proportion du prix des lins et n'a que très peu d'influence sur la vente de cette matière. Il serait très préjudiciable à la classe pauvre d'être privée de ce déchet, de le voir fabriquer à l'étranger au détriment de leur propre fabrication et de notre industrie nationale, qui est devenue d'une grande importance dans plusieurs localités, depuis la protection du droit de sortie sur les étoupes.
Je désire, pour ma part, maintenir le droit de 25 fr. par cent kilogrammes sur les étoupes, proposé par le gouvernement, et d'y comprendra toutes espèces de déchet de lin, vu qu'on exporte des étoupes qu'on déclare comme suit.
Il est évident que, lorsque vous laissez sortir du pays une matière première, vous favorisez les fabriques étrangères, et vous établissez une concurrence à votre industrie.
Les Anglais par leurs grands capitaux dans les moments les plus avantageux pourraient nous enlever toutes les étoupes qui existent dans le pays, ruiner nos fabriques, et priver nos pauvres non seulement de travail mais aussi d'une couverture et de chemise, ensuite nous renvoyer les fils pour les confectionner en toiles à des prix réduits.
Il en est de même avec les lins dont on a perdu dans les Flandres une partie de la culture et de la fabrication, le cultivateur ne trouvant plus le même avantage à en semer depuis que la vente aux petits fabricants n'offre aucune garantie, il est obligé de le manipuler lui-même pour le rendre propre à la vente et la main-d'œuvre absorbe presque la valeur pour les quantités inférieures. Ensuite les frais de culture dans les Flandres se montent au moins de 540 à 550 fr. par hectare.
Il ne peut se cultiver avec avantage que dans les localités de grande population où la main-d'œuvre est à bas prix, et être renouvelé dans le même terrain tous les sept ou huit ans.
Sur dix années qu'on cultive le lin, on récolte trois années de bons, trois années inférieur et trois années de mauvais, qui ne rapportent pas la moitié des frais. En admettant que les fermiers auraient quelques faveurs à la libre sortie des lins, quelle avance quand ils doivent dépenser le double pour soulager les pauvres?
C'est donc en ma qualité de cultivateur et de préparateur de lin que je demanderai un droit de sortie sur cette matière première.
Si l'on pouvait introduire chez les petits fabricants un métier mécanique à filer avec vingt ou trente broches, mû par la main, et y joindre un métier à tisser perfectionné , dont ils pourraient faire usage dans leurs foyers, fabriquer des toiles mixtes et par ce moyen travailler, en concurrence avec les fabriques mécaniques, ce qui serait un avantage considérable pour les Flandres, tant sons le rapport de l'intérêt des mœurs et de la culture du lin, dans cette hypothèse, il manquerait des lins et des étoupes.
Il serait à désirer que les fabriques de coton, dans une époque plus ou moins éloignée, se convertissent en fabriques de fil de lin, afin de pouvoir exclure le coton, comme sous l'empire français. Alors la Belgique était riche et prospère, la culture du lin se développait par tout le pays avec avantage et pouvait à peine suffire aux besoins de la fabrication. Le résultat de cette mesure serait plus favorable dans ce moment, depuis l'invention du fil de lin à la mécanique, avec lequel on pourrait fabriquer toutes espèces d'étoffes mixtes, et suffire à la consommation intérieure du pays, d'une manière plus solide, plus saine, et moins trayeuse pour le lavage.
Veuillez remarquer, messieurs, que le lin est une richesse du sol, tandis que le coton transporte notre argent à l'étranger, s'il n'est échangé contre nos produits fabriqués; même nous pourrions en être privés par une guerre sur mer.
Les Anglais et les Français disent: Cultivez, nous fabriquions pour vous renvoyer la marchandise fabriquée. Ils enlèvent à peu près la moitié de nos lins récoltés dans le pays, n'achètent absolument que les meilleures qualités dont ils ne peuvent se passer, et ne laissent à nos pauvres fabricants de fil à la main que les lins dont la fabrication offre peu de bénéfice.
Ces derniers manquent de ressources et ne peuvent se procurer la matière première qu'au fur et à mesure de leurs besoins, souvent à crédit.
D'après ces observations, vous avez vos tisserands sans travail, vous transplantez votre industrie à l'étranger ou vous formez une concurrence insoutenable contre elle, d'autant plus que nous sommes bloqués par des droits presque prohibitifs pour nos toiles à l'entrée des différents pays.
M. d'Elhoungne. - Messieurs, je viens en quelques mots appuyer le projet de loi qui vous est présenté par le gouvernement avec le caractère transitoire qu'il lui donne, et combattre les propositions de la section centrale. Je rappellerai d'abord à la chambre que c'est à raison des circonstances tout à fait extraordinaires qui ont signalé les deux dernières années que le gouvernement a présenté une loi, qui est jusqu'à un certain point prohibitive des étoupes à la sortie.
En cela le gouvernement ne posait pas un acte en désaccord avec notre système commercial ; car les étoupes ne sont qu'un déchet, et dans notre législation douanière les déchets se trouvent non seulement frappée d'un droit restrictif, mais prohibés à la sortie?
C'est ainsi que les drilles et chiffons sont prohibés en faveur de la fabrication du papier, que le verre cassé ou groisil, que les rognures de peaux vertes et sèches sont prohibées à la sortie.
- Un membre. - Et le minerai.
M. d'Elhoungne. - Le minerai n'est pas un déchet. Mais il y a des matières premières qui sont prohibées à la sortie, tout comme les déchets, et sans qu'il y ait à cela les mêmes motifs. Tel est le minerai, que l’honorable M. Toussaint vient de citer.
El j'allais oublier un article, qui, au point de vue de l'agriculture, à le même caractère, à savoir, celui des engrais (à l'exception des cendres).
Ainsi, à ne considérer que le système consacré actuellement par notre tarif, il ne conviendrait pas de faire une véritable exception en facilitant la sortie des étoupes. Ensuite, la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'industrie linière impose à la chambre le devoir d'user envers elle des plus grands ménagements. Il ne s'agit pas seulement d'appliquer (page 1116) des principes, il faut voir quelle sera la portée matérielle et morale de leur application. Or, il serait dangereux de permettre en ce moment la libre sortie des étoupes. La suppression du droit qui en arrête l'exportation causerait immédiatement dans les Flandres des alarmes, du découragement, une sorte d'affaissement moral dont l'effet se ferait bientôt sentir dans la situation matérielle de l'industrie linière.
Ne l'oubliez pas, messieurs, car cela seul doit nous imposer la plus grande circonspection, l'étoupe est précisément la matière première de la classe la plus pauvre des travailleurs flamands. Or, l'étoupe n'est pas une matière première comme une autre, dont la production se règle sur la demande : on n'en a pas autant qu'on veut; et pourquoi ? Précisément parce que c'est un déchet.
Aussi, dans un grand nombre de pays, même dans ceux qui ont adopté une législation douanière très libérale (et il me suffira de citer le royaume des Pays-Bas), on prohibe la sortie de certaines espèces de déchets. On a été déterminé évidemment par cette considération que les déchets constituent une catégorie de matières premières dont la production ne se règle pas par la demande, c'est-à-dire qu'on ne se procure pas en telle quantité qu'on le veut.
Il y a un autre motif pour ne pas innover brusquement ici à la situation existante : c'est qu'il y a en ce moment un grand mouvement de reprise dans les travaux de l'industrie linière. Je suis heureux d'en trouver une preuve irrécusable dans le Moniteur d'aujourd'hui.
Permettez-moi, messieurs, de vous citer le chiffre des exportations en fils de lin et en toiles pendant les deux premiers mois de 1849, et de comparer ces chiffres avec les exportations des mois correspondants de 1847 et de 1848. Par cette comparaison, vous verrez qu'il y a une amélioration sensible, considérable, dans la situation de l'industrie linière.
Ainsi pour les fils de lin, nous voyons que l'on a exporté, pendant les deux premiers mois de 1849, 154,901 kilogrammes, tandis que pendant les deux premiers mois de 1848, qui n'ont été affectés que pour très peu de jours, par la crise de février, on n'a exporté que 152,779 kilog. On a donc exporté plus pendant les deux premiers mois de 1840 que pendant les deux premiers mois de 1848. C'est bien la preuve d'une reprise d'affaires. Comme c'est une reprise qui n'a rien que de naturel, on peut espérer qu'elle se soutiendra.
Pour l'exportation des toiles, les chiffres sont encore plus favorables. On a exporté pendant les deux premiers mois de 1849, 522,365 kilog., tandis qu'on n'avait exporté, pendant les deux premiers mois de 1848, que 318,942 kilog. La différence est donc de 522,000 à 318,000 kilog. en 1847, année qui n'avait été affectée par aucune crise politique, nous n'avons exporté, les deux premiers mois, que 388,562 kilog. Nous avons donc exporté pendant les deux premiers mois de 1849, non seulement plus que dans les deux mois correspondants de 1848, mais beaucoup plus même que dans les deux mois correspondants de 1847. Voilà la situation.
Nous nous trouvons donc en présence de l'industrie linière qui, en ce moment, se ranime, se relève.
Je pense qu’il serait très imprudent et contraire à tous les antécédents de la chambre de poser un acte, qui, dans une limite quelconque, arrêterait le mouvement si favorable qui se produit dans l'activité de l'industrie principale des Flandres.
J'adjure la chambre de ne pas adopter les propositions de la section centrale et de vouloir, au moins pendant un an encore, maintenir le droit à la sortie des étoupes.
Le gouvernement a donné une preuve de sympathie et de sollicitude éclairée pour les Flandres, en présentant le projet de loi; la chambre, j'en suis convaincu, ne refusera pas de s'y associer par le vote que nous lui demandons.
M. Toussaint. - Je suis obligé de demander l'indulgence de la chambre pour les efforts pénibles que je suis obligé de faire pour faire parvenir ma voix jusqu'à elle. Je la demande d'autant plus que je viens combattre la proposition que vient d'appuyer l'honorable préopinant avec son talent habituel et avec les ménagements, les atténuations les mieux faits pour conquérir votre assentiment.
L'honorable M. d'Elhoungne a demandé l'adoption du projet de loi en invoquant vos sympathies pour les Flandres. Je suis, moi, le représentant de la partie centrale des Flandres. Je viens, au nom de ces sympathies, demander le rejet du projet de loi.
Je rends justice aux intentions qu'a eues le gouvernement en venant demander le renouvellement de la loi sur la sortie des étoupes. Mais le gouvernement l'a fait aussi par un respect exagéré pour les exigences l'un intérêt local. Or, il est temps, messieurs, que nous nous mettions au-dessus des questions d'intérêt local, surtout quand elles vont directement contre un intérêt local.
Je puis affirmer, pour m'être fait renseigner d'une manière précise sur la question. Je puis affirmer que l'exportation des étoupes sera favorable à la culture du lin, par cela même que faisant hausser légèrement le prix des déchets, cela fera hausser aussi le prix du lin qui contient ces déchets.
L'exportation des étoupes ou la possibilité de la exporter (car on ne les exportera pas toutes, les Anglais ne sont pas de si habiles brigands qu'ils puissent tout vous enlever, sans vous laisser le temps de reconnaître vos nécessités et d'y pourvoir), l'exportation des étoupes sera favorable aux fabricants liniers, à cette grande multitude qui est réellement la partie la plus pauvre des Flandres; à savoir les tisserands répandus sur la partie rurale des provinces de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale. En leur permettant de vendre plus cher leurs déchets, le lin leur reviendra à meilleur marché, ils feront des toiles dont le prix sera moindre et le placement plus facile.
J'irai plus loin : je dirai que la possibilité d'exporter les étoupes sera favorable à ceux qui ont besoin des étoupes. Il est très clair que si les étoupes peuvent s'exporter, il en résultera une légère hausse sur le prix des étoupes et par contrecoup sur le prix du lin. On cultivera davantage le lin; et puis les-filateurs et les tisserands, par cela seul que le lin deviendra moins cher , employant plus de lin fourniront plus d'étoupes ; tandis que si vous allez défendre l'exportation par un droit réellement prohibitif, car il ne faut pas jouer sur les mots, 32 p. c. forment un droit prohibitif pour toute marchandise, quelle qu'elle soit, et surtout pour une marchandise excessivement encombrante comme les étoupes, vous obtiendrez un résultat tout différent.
Messieurs, tous nous sommes convaincus qu'il ne faut pas sacrifier une classe d'industriels à une autre classe, une industrie à une autre industrie. Or, le rapport de la section centrale rend compte de l'opinion de l'un de ses membres les plus favorables au projet, dans les termes que voici :
« D'autres membres ont répondu que, sans nier la gêne qu'éprouve cette classe intéressante de la population ouvrière, on doit cependant se garder de tomber dans l'exagération, en s'imaginant que la libre sortie des étoupes serait d'un grand avantage pour ces travailleurs. La restriction, dont on ne sache pas, d'ailleurs, qu'ils se soient plaints, ne les froisse guère. D'ailleurs, a-t-on ajouté, dans un société bien organisée, il faut qu'il y ait solidarité entre toutes les classes, entre tous les membres de cette société; et le droit protecteur, qui a toujours pour but de procurer au pays la plus grande somme de travail, ne peut favoriser une classe qu'en imposant un léger sacrifice à une autre classe à titre de réciprocité. »
Voilà la théorie sur laquelle se fonde l'opinion contraire à la mienne.
Mais il y a plus : il y a quelque chose d'odieux dans cette protection nuisible à celui qui emploie le lin peigné, c'est qu'elle est directement favorable à ses concurrents, et à ses concurrents puissants, à ces concurrents qui disposent de grands capitaux, c'est-à-dire à la filature mécanique. Elle tend à remettre la matière première à meilleur marché entre les mains de cette filature qui est en concurrence avec la filature à la main, et aux dépens de cette dernière filature. On fait plus pour cette industrie des grands capitalistes : car lorsque le tisserand demande qu'on lui laisse employer le fil mécanique étranger qui revient à meilleur marché que le fil indigène, on lui impose un droit protecteur très favorable à cette même filature mécanique, l'industrie des puissants, qu'on veut favoriser aux dépens de l'industrie des pauvres diables, permettez-moi le mot cru.
L'aveu que la loi aura des effets de ce genre se trouve encore dans le rapport de la section centrale, rapport qui a un soin extrême de donner le dernier mot aux partisans de la prohibition de la sortie des étoupes, et où l'on fait même appel à l'opinion d'un membre de la section centrale, qui s'est trouvé dans l'impossibilité d'assister aux travaux de cette section; mais chacun sait que le rapporteur d'une section auprès de la section centrale conserve son libre arbitre, et rien ne nous démontre que l'honorable M. Reyntjens, convaincu par la discussion, ne se soit pas rangé à l'avis de la majorité de la section centrale, d'autant plus que le chef-lieu de son district électoral est entouré de tisserands qui achètent le lin non peigné et qui ont intérêt à vendre leurs étoupes le plus cher possible.
Je sais que l'honorable M. de Haerne se décide par des motifs de générosité, par une espèce d'élan flamand ; mais il le fait ici aux dépens des vrais principes, aux dépens de la justice et, en définitive, aux dépens des intérêts réels, sérieux de ceux qui, dans son district, s'occupent de l'industrie linière.
L'honorable M. d'Elhoungne dit que la loi est purement transitoire. C'est un langage que nous entendons constamment. Tout n'est que transitoire quand on demande à s'écarter des principes ; mais à force de « transiter » les mesures que nous prenons deviennent définitives, et nous vivons en permanence sur le transitoire. Nous ne sommes nous-mêmes que transitoires, mais nous posons des actes permanents qui sont contraires aux véritables principes.
L'honorable M. d'Elhoungne a fait remarquer qu'il y a prohibition à la sortie pour les drilles et chiffons, pour les débris de verre, pour les bouts de cornes; mais ce sont là de flagrantes infractions aux principes d'une bonne économie politique; et récemment nous avons fait un fort mauvais accueil à une pétition qui provoquait une telle infraction sur les bouts de cornes au profit des seuls fabricants de colle et de noir animal. (Interruption). Il a dit encore que dans la situation actuelle de l'industrie linière il faut bien prendre garde de la décourager. Eh bien, messieurs, je vous en supplie, ne l 'encouragez point par l'injustice et en (page 1117) nuisant à ses véritables intérêts. Lo meilleur moyen d'être utile aux Flamands c'est d'être juste et équitable envers tous : pour moi, je ne m'associerai jamais à une mesure qui aurait un autre caractère.
M. d'Elhoungne. - Est-ce que vous avez le monopole de ces sentiments-là, par exemple?
M. Toussaint. - Je profite de l'interruption pour faire observer dans un esprit parfaitement bienveillant, à l'honorable M. d'Elhoungne, que certainement, dans ce moment-ci, il est plutôt le représentant d'un intérêt local que celui des intérêts généraux. Le talent de l'honorable membre n'y fait absolument rien. J'espère que la justice et l'intérêt général prévaudront contre l'intérêt local et même contre le talent. Quant au gouvernement, j'espère qu'il nous laissera nous débattre sans intervenir ; je pense bien qu'il n'a nulle envie de poser à l'occasion de ce projet une question de cabinet ou de portefeuille. Je le prie donc de n'exercer aucune influence sur la chambre dans cette circonstance, même par simple émission d'une opinion. En ce qui me concerne, je suivrai cette maxime : Sois fidèle aux principes, et sois juste, avienne que pourra.
M. Cumont. - Messieurs, je crois devoir relever quelques assertions inexactes que vient d'émettre l'honorable M. Toussaint. Je crois avoir autant d'expérience que l'honorable M. Toussaint, en matière d'industrie linière, attendu que depuis 40 ans je fais ce commerce, et je suis' en rapport avec les tisserands.
L'honorable M. Toussaint confond les intérêts des tisserands et du lin avec les étoupes; comme l'a fait observer avec beaucoup de raison l'honorable M. d'Elhoungne, l'étoupe constitue un déchet. Ce déchet est la seule ressource dont on dispose, pour donner de l'ouvrage à nos malheureux tisserands qui n'ont pas le moyen d'acheter du lin; si donc vous leur ôtez cette dernière ressource, vous aggravez fort la misère des Flandres, qui n'est déjà que trop grande.
A l'appui de l'assertion que j'avance, je mettrai sous vos yeux, messieurs, l'opinion de la commission qui a été réunie à Gand par le gouvernement, commission composée d'industriels et de membres des comices agricoles. Voici les conclusions de cette commission :
« Tant dans l'intérêt de l'industrie que de l'agriculture, il est de toute nécessité de renouveler la loi du 3 janvier 1847, et pour éviter les fraudes auxquelles peut donner lieu la difficulté de distinguer le « snuit » des autres déchets de lin, il faudrait comprendre le « snuit » sous la dénomination d'étoupes et donner cette extension à la loi en l'appliquant à toutes les espèces de déchets de lin quelconque. »
Mais ce qui, l'année dernière, a provoqué le rejet de la proposition qui avait été faite, d'imposer le snuit comme les étoupes, c'est qu'on s'imaginait que le snuit était du lin. Or, le snuit est le premier déchet du lin, c'est la première étoupe.
Et d'où vient que nous n'exportons presque plus d'étoupes ? C'est qu'on les exporte sous le nom de snuit. De là la fraude qui se pratique; de là la non-réussite du résultat que nous espérions par la loi dont on nous demande la prorogation.
Dans l'intérêt des classes pauvres, il importe de conserver ce déchet, parce que c'est la seule ressource qui leur reste.
Un point encore très important, c'est que nos lins communs ne peuvent pas suffire pour produire les toiles convenables à l'exportation. C'est pour ce motif qu'on a demandé au gouvernement l'autorisation d'introduire les fils communs, au moyen desquels on produit une toile qui, heureusement pour nos tisserands, s'exporte en grande quantité. Si vous conservez le snuit, il remplacera ces lins communs, et vous aurez un moyen, de plus d'exportation.
En exportant vos toiles, vous exportez trois fois la valeur de vos étoupes; donc, deux fois cette valeur reste comme main-d'œuvre dans le pays; nous devons tous désirer que cette main-d'œuvre alimente la classe pauvre qui éprouve de si grandes souffrances.
Je demande donc, conformément à l'avis unanime de la commission qui avait été nommée dans la Flandre orientale, que l'on assimile le snuit aux autres étoupes.
Au lieu de porter le droit à 25 p. c; je proposerai de le fixer à 20 fr. par 100 kilog. et d'y comprendre le snuit. En calculant que 500,000 kilogrammes sont exportés, cela assurera une ressource de 100,000 francs par an au trésor, tout en procurant un avantage à nos tisserands par la conservation de nos étoupes dans le pays.
M. Van Hoorebeke. - Après les observations faites par l'honorable M. d'Elhoungne et l'honorable M. Cumont, je puis être extrêmement court. Je crois que le caractère de la loi qui vous est soumise est essentiellement temporaire, que c'est la pensée dominante qui doit prévaloir dans cette discussion. Cette loi ne préjuge rien, elle ne consacre aucun principe; elle est réclamée uniquement dans l'intérêt d'une fraction notable de travailleurs qui se livrent à la mise en œuvre des étoupes. Plusieurs districts liniers de la Flandre sont intéressés à l'adoption de la loi. M. le ministre des affaires étrangères doit avoir reçu une pétition de l'arrondissement d'Eecloo, réclamant la prorogation de la loi qui, si elle était repoussée, jetterait dans la consternation plus de six cents ouvriers déjà si cruellement éprouvés par les circonstances du temps et auxquels le gouvernement doit toute sa sollicitude.
Je ne veux répondre qu'à une seule observation de l'honorable M. Toussaint qui s'est constitué le mandataire assez gratuit de l'agriculture. Je pense que la loi dont il s'agit n'est, en aucune façon, contraire au progrès ou à l'intérêt de l'agriculture. A cet égard, je rappellerai que le gouvernement, quand il s'est agi l'année dernière de proroger la loi, s'est adressé aux gouverneurs des deux Flandres qui ont réuni, sous leur présidence, des commissions mixtes pour leur demander leur avis.
Ces commissions se composaient, par égale portion, démembres des chambres de commerce et des commissions d'agriculture. Savez-vous la résolution à laquelle elles se sont arrêtées ? Dans les deux provinces elles se sont unanimement prononcées en faveur de la prorogation de la loi. Dans la Flandre orientale, on a demandé que la prorogation eût lieu pour un terme illimité, et dans la Flandre occidentale, pour un terme égal à celui de la convention linière avec la France. Dans toutes les deux on demanda que la loi s'appliquât également au snuit, généralement considéré comme déchet.
Entre ces deux avis, le gouvernement a pris une position intermédiaire; il a proposé purement et simplement la prorogation de la loi : c'est ce qu'il fait encore aujourd'hui.
L'honorable M. Toussaint s'est préoccupé de l'intérêt agricole qu'il a cru voir engagé dans cette lutte; je lui ferai observer que, depuis qu'elle existe et qu'on l'a prorogée, c'est-à-dire depuis le 5 janvier 1847, l'augmentation de la valeur des étoupes était l'année dernière d'au moins 8 p. c. La raison s'en comprend parfaitement; la loi a donné une impulsion nouvelle à la fabrication, et la quantité des étoupes a augmenté.
Je termine par une dernière observation. Je pense même qu'elle serait inutile dans la disposition où se trouve la chambre. La chambre ne peut pas avoir deux poids et deux mesures. Il y a quelques jours, elle a voté une réduction considérable sur les péages du canal de Charleroy, mais par cette considération qu'il fallait venir au secours de la population batelière qui vit de l'activité de ce canal, elle n'a pas été arrêtée par la pensée qu’il en résulterait une perte considérable pour le trésor, elle a cru qu'elle ne devait voir que la question d'humanité.
Ici aussi, il y a une question d'humanité, mais avec cette différence que le trésor ne doit faire aucune perte ; au contraire il doit tirer profit de la loi, car il s'agit de maintenir un droit de sortie qui doit conserver des moyens de travail à des populations nombreuses disséminées sur tous les points des Flandres. Ces populations manquant d'instruction , de lien entre elles, peuvent difficilement donner à leurs doléances le poids qu'y donnent les populations laborieuses agglomérées. Elles n'en sont que plus dignes de la sollicitude de la chambre, d'autant, messieurs, qu'elles ignorent peut-être jusqu'à l'existence de la loi qui les protège aujourd'hui et dont le rejet pourrait leur ravir le pain.
M. le président. - M. Cumont vient de déposer un amendement ainsi conçu :
« Je propose de fixer le droit à 20 fr. et de comprendre dans la loi le snuit. »
M. Dumortier. - J'ai été fort surpris d'entendre mon honorable collègue, M. Toussaint, s'opposer au projet de loi qui ne devrait pas être seulement une mesure temporaire, mais une mesure définitive dans notre législation,
M. Toussaint. - A la bonne heure !
M. Dumortier. - Je ne vais pas par quatre chemins, pour dire ce que je pense. Je comprends que mon opinion ne soit pas partagée par les partisans du « free trade ». Mais moi, j'examine les faits, j'interroge les besoins des populations, je ne connais pas de principes qui doivent passer avant ces besoins.
Pourquoi m'exprimé-je de la sorte? Le motif en est excessivement simple ; l'étoupe est une matière première nécessaire, comme vous l’ont fort bien dit MM. d'Elhoungne et Cumont, au travail des ouvriers, une matière première qui ne se produit pas indéfiniment. Vous pouvez produire du lin autant que vous voulez dans les limites cependant des terres propres à cette culture, mais le lin que nous produisons ne se travaille pas tout en Belgique, une grande partie est exportée sans avoir été travaillée, celui-là sort avec l'étoupe; nous n'avons que l'étoupe du lin serancé. De jour en jour l'emploi de l'étoupa tend à devenir plus considérable.
On a dit et répété souvent : L'industrie linière s'en va. Je n'admets pas cette vérité d'une manière absolue. Supposons que ce soit une vérité, nous devons chercher à remplacer l'industrie qui s'en va par des industries nouvelles. Au nombre de ces industries qui doivent avoir un grand développement dans les Flandres , je signalerai l'emploi des étoupes. Il est reconnu qu'une grande quantité de toile d'étoupe servant à faire des sacs dans lesquels s'expédient tous les cafés du Brésil , sont fabriquées en Europe; on les exporte au Brésil et elles reviennent en sacs contenant des cafés. Il en est de même du guano.
On a commencé à introduire cette fabrication dans les Flandres; cela promet de remplacer une grande partie de ce qui a été perdu, parce que, pour ces tissus communs, le fil se fait à la main; la mécanique ne peut pas le faire ; dès lors vous avez un grand espoir de conserver à vos fileuses un moyen de vivre. Ce serait une imprudence de priver le pays, d'une semblable ressource, comme l’a dit avec raison l'honorable M. d'Elhoungne, dans le moment où l'industrie linière tend à se relever. Vouloir prêcher des principes de liberté absolue, de liberté illimitée de commerce avec toutes leurs conséquences, c'est aller diamétralement à l'opposé des intérêts du pays. Vous voulez la liberté, mais commencez par nous donner l'égalité de production, des capitaux aussi considérables, des inventeurs aussi actifs qu'en Angleterre. Commencez par nous donner l'égalité, et j'adopterai immédiatement vos principes de liberté.
Mais aussi longtemps que nous ne serons pas dans des conditions d'égalité absolue, la liberté illimitée détruirait le travail national, porterait une atteinte fatale aux ouvriers.
(page 1118) Je pense donc que la mesure que vous propose le gouvernement doit avoir l'assentiment de la chambre et surtout de tous ceux qui s'occupent de l'industrie linière dans les Flandres.
Je ne crains pas qu'un droit sur les étoupes soit nuisible à l'agriculture. En effet, quand a-t-on établi ce droit? Ce n'est pas d'aujourd'hui. C'est en 1825.
Voilà 24 ans que ce droit a été établi par le gouvernement hollandais. On a mis un droit sur les étoupes, parce qu'elles servent au travail des ouvriers. On a dit : Si nous devons perdre, dans l'intérêt de l'agriculture, une grande partie du lin, conservons les étoupes pour les ouvriers. Diverses modifications ont été admises depuis. Mais le principe date de 1825. On a mis un droit sur les étoupes, parce qu'elles sont un élément de travail pour les ouvriers. Mais jamais je n'ai entendu dire que l'agriculture se plaignit de ce droit.
S'il y avait eu des plaintes de cette nature , je n'aurais pas hésité à y faire droit. Mais il est évident qu'on ne peut nuire à l'agriculture en conservant dans le pays un des éléments les plus efficaces de travail pour la classe ouvrière. Si l'on a mis un droit de sortie sur les étoupes (dont il ne sortait qu'une petite quantité parce que les filatures à la mécanique les emploient), c'est qu'on a compris que laisser sortir les étoupes ce serait couper les doigts à vos fileuses. Je dis que ce serait un très mauvais système. J'appuie de tous mes moyens la proposition du gouvernement.
M. Rodenbach. - Je demande qu'on entende maintenant un orateur inscrit contre le projet ; je lui répondrai.
M. David. - Les considérations qu'on fait valoir en faveur du projet de loi sont pour moi autant de preuves nouvelles de l'infériorité des moyens de production de l'industrie linière.
Les partisans du projet de loi craignent l'exportation des étoupes, matière première extrêmement pondéreuse et de peu de valeur, et qui resterait infailliblement dans le pays, si les étrangers qui les emploient ne possédaient de meilleurs procédés de fabrication des toiles communes que ceux usités dans les Flandres.
C'est donc sur le perfectionnement des procédés de fabrication linière que nous devons rechercher le salut des Flandres, et non pas dans des mesures fiscales antiéconomiques.
D'après tout ce que je lis, tout ce que j'entends dire même dans cette enceinte, le tissage va en se perfectionnant chaque jour davantage et sera sous peu assez satisfaisant dans les Flandres. Ainsi, ce n'est pas le tissage qui est la cause de l'état d'infériorité de la fabrication des toiles dans les Flandres. C'est bien plutôt la filature que l'on est d'accord de trouver tout à fait inférieure à celle des pays voisins. Je reviens donc à cette idée que déjà j’ai émise dans la discussion du budget de l'intérieur, à cette idée d’établir des ateliers de filature qui travailleraient exclusivement pour le public. Ils se borneraient à recevoir les lins bruts des producteurs soit cultivateurs, soit tisserands ou autres, les fileraient à façon, et les rendraient en écheveaux aux petits fabricants, qui généralement sont en même temps agriculteurs. Ces ateliers de filature à la mécanique pourraient être établies par des capitalistes des Flandres amis de leur pays, qui, tout en faisant un bien immense à leurs concitoyens, réaliseraient d'assez beaux bénéfices, à en juger d'après les grandes filatures vendant le fil qui toutes réunissent et obtiennent de beaux résultats financiers. Je ne conçois réellement pas pourquoi les capitaux n'affluent point vers des entreprises dont la portée peut devenir d'une immense influence sur la prompte transformation de l'industrie de deux de nos plus belles provinces.
Lorsqu'il existera de ces ateliers travaillant à la façon, la fabrication de la toile aura fait un grand pas vers le perfectionnement et sera rendue bien plus facile à exercer; alors chaque tisserand, chaque cultivateur qui aura un peu de lin, le déposera à la filature, et le recevra en fil parfaitement exécuté, à un prix de beaucoup inférieur à celui auquel on l'obtient dans les grandes filatures ou par le rouet à la main.
Si malgré tout l'avantage que présentent ces sortes d'établissements, et pour le pays, et pour l'entrepreneur, l'industrie privée persistait dans sa répugnance à s'en occuper, il me semble, messieurs, que le gouvernement pourrait intervenir afin de donner aux capitaux particuliers cette direction. Il suffirait, je pense, qu'il garantit un intérêt minimum de 4 p. c. de la valeur du bâtiment et des mécaniques aux personnes qui consacreraient leur capitaux à des industries de ce genre.
A Verviers et à Dinant, nous avons 20 à 30 fabricants, qui, avant 1830, étaient de simples ouvriers, n'ayant que 5 à 6 cents francs de capital, et qui, depuis cette époque, en faisant filer, tisser et fouler au dehors dans des établissements travaillant pour le public, sont arrivés à un état de fortune extrêmement prospère. Plusieurs d'entre eux possèdent aujourd'hui bien près d'un million, ont de belles et spacieuses fabriques de draps et exportent leurs produits vers les principaux marchés du globe ; chaque jour, pour ainsi dire, voit surgir un fabricant nouveau qui la veille était encore ouvrier.
Comment cette transformation serait-elle possible et comment ces laborieux industriels arriveraient-ils à cet état de prospérité, s'ils devaient immobiliser des capitaux considérables dans des bâtiments et des mécaniques? La chose serait irréalisable sans les établissements travaillant et faisant toute espèce de manipulations drapières pour le public. Avec leur petit pécule de 5 à 6 cents francs, ils commencent par une pièce de drap ou deux par semaine, qu'ils font filer, lisser, fouler, lainer, tondre et presser dans les ateliers publies d'apprêt, très nombreux dans l'arrondissement de Verviers.
L'industrie des Flandres a, suivant moi, beaucoup d'analogie avec celle que je viens de décrire ; donc des établissements de filatures travaillant exclusivement à la façon, pourront aussi être utilement introduits dans les Flandres ; j'appelle cette innovation de tous mes vœux.
Je me résume, et considérant la loi proposée comme impropre à soulager les Flandres et d'un autre côté comme défavorable à l'industrie agricole et manufacturière de ces provinces, je voterai contre le projet soumis à nos délibérations.
M. Rodenbach. - Si j'ai bien compris l'honorable préopinant, il voudrait qu'indépendamment des grandes filatures que nous avons à Gand et dans d'autres localités du royaume, on introduisît dans les Flandres de petites filatures à la mécanique, où l'on pût s'adresser pour faire filer le lin et les étoupes, et que le gouvernement accordât à ces établissement, une garantie d'intérêt de 4 p. c. Nous des Flandres, nous ne nous y opposons pas ; au contraire, nous demandons des améliorations et des perfectionnements de toute espèce.
Depuis plusieurs années, le gouvernement a établi des ateliers-modèles. Il n'a qu'à y introduire de petites filatures comme il y en a en Angleterre ; je ne parle pas de grandes filatures, parce que la garantie de l'intérêt s'élèverait à une somme énorme.
C'est une nouvelle industrie. Vous savez qu'il est en général admis que, quand une industrie est nouvelle, il faut lui accorder une protection. Eh bien, il sera nécessaire de lui accorder quelques droits sur la sortie de certaine matière première. Ce sera une première protection qu'on accordera aux filatures dont vient de parler l'honorable préopinant.
Plusieurs orateurs paraissent croire que les étoupes sont à vil prix, et que l'agriculture en souffre considérablement. Je leur ferai remarquer que la différence entre le prix des étoupes et le prix du lin ordinaire est très légère; car elle n'est que de 15 à 20 p. c. L'agriculture n'a donc pas beaucoup à souffrir du régime actuel, puisque les déchets ne se vendent qu'à 20 p. c. meilleur marché.
Je l'ai dit, il s'agit d'une nouvelle industrie pour certaines localités, notamment pour le district de Roulers. Je crois que nous avons besoin pour tout le royaume de 3 millions de kilog. d'étoupes pour fabriquer les sacs, ainsi que les toiles d'emballage. Il faut donc qu'on conserve cette quantité de matière première dans le pays, si l'on ne veut pas que la fabrication que nous possédons aujourd'hui passe ailleurs.
Messieurs, il y a quelques années, il n'y avait à Eecloo que cinq ou six tisserands qui faisaient des toiles de sac et d'emballage. Si je suis bien instruit, il y en a maintenant 400, et cela depuis peu, depuis que le gouvernement a provoqué l'établissement de nouvelles industries. Depuis bien longtemps il y a aussi de ces fabricants tisserands à Zele; il y en a à Lokeren et à Renaix ; et dans quelques-unes de ces localités ils ont augmenté leur fabrication.
Les tisserands qui, par suite de la misère, ne peuvent plus faire de toiles moyennes et fines à cause de la concurrence formidable que leur font l'Angleterre et l'Allemagne, se sont adonnés à cette industrie des toiles d'emballage et autres grosses toiles.
A Roulers, cette industrie n'existait pas. Eh bien, depuis peu de temps on y a introduit une centaine de tisserands travaillant la toile d'emballage et de sac. C'est donc une industrie nouvelle pour certaines localités, et dès lors il faut leur accorder une protection efficace. Plus tard on verra ce qu'il y a à faire.
Messieurs, on accorde au coton qu'on exporte une protection de 10 p. c. Je ne vois pas pourquoi nos malheureux tisserands et nos malheureux fileurs ne pourraient pas aussi avoir une protection réelle.
Il ne s'agit pas d'une mesure définitive. Plus tard, lorsque des perfectionnements se seront introduits dans notre fabrication, on pourra y revenir. Car, messieurs, je ne suis pas ennemi d'un système de liberté ; je voudrais voir adopter ce système par tous nos voisins et nous pourrions alors les suivre dans celle voie. Mais en attendant je crois que nous devons être prudents. Nous ne devons pas oublier qu'il s'agit ici d'une classe malheureuse de la population, qui a surtout besoin de cette matière première.
Messieurs, l'honorable député de Gand vous l'a dit : on prohibe à la sortie les chiffons qui forment la matière première du papier et jamais on ne s'est plaint de cette prohibition. Il doit en être de même, pour le moment, des étoupes.
Je n'en dirai pas davantage et voterai les 25 francs de protection par cent kilog. d'étoupes, proposés par le gouvernement.
M. d'Elhoungne. - Messieurs, je crois devoir une courte réponse à l'honorable député de Thielt, qui a soutenu les conclusions de la section centrale.
Je dois d'abord déclarer à la chambre que, lorsque j'ai pris la parole en faveur du projet du gouvernement, je n'ai nullement été mû par un intérêt de localité. L'honorable député de Thielt devrait modestement supposer que nous sommes animés d'un esprit de justice au moins égal à celui qui le dirige. Depuis que je siège dans cette enceinte, je pense qu'on ne m’a pas vu prendre à chaque instant la parole pour mon clocher. Je crois que l'honorable député de Thielt serait fort embarrassé de citer deux discussions où l'intérêt de Gand était directement engagé et où j'ai pris la parole dans l'intérêt de Gand. Nous verrous si, dans la (page 1119) suite de sa carrière parlementaire, l’honorable membre gardera la même réserve chaque fois qu'il s'agira du district qu'il représente.
Je répondrai maintenant à l'honorable membre par des détails aussi authentiques au moins que ne peuvent l'être ses arguments. Je lui répondrai par des chiffres.
Quels sont les intérêts qui sont en jeu dans ce débat?
C'est d'abord l'intérêt agricole. Eh bien ! je demande si la loi qui a établi un droit à la sortie des étoupes a nui à l'agriculture? C'est le tableau de nos exportations qui répond à cette question. En effet, nos exportations en lin brut et peigné sont restées considérables après la loi comme elles l'étaient auparavant. Cette année, nous avons exporté, pendant les mois de janvier et de février, 1,433,862 kil. de lin; nous avons exporté, pendant les deux mois correspondants de 1848, 1,277,114 kil., et en 1847, 964,384 kil. L'exportation totale des deux dernières années, sous l'empire de la loi qui imposait un droit à la sortie des étoupes, a été en 1848, de 6,355,858 kilog. ; en 1847 elles avaient été de 5,570,792 kilogrammes. Vous voyez donc que l'exportation du lin est restée considérable ; elle a été aussi considérable après la loi qu'elle l’était auparavant.
De plus, le rapport entre le prix du lin et le prix des étoupes n'a pas varié.
Dès lors l'intérêt agricole, pour lequel l'honorable M. Toussaint s'est épris soudain d'un si beau zèle, d'une si grande ardeur, est parfaitement hors de cause dans la présente discussion. La loi dont nous demandons le maintien ne peut porter une atteinte notable, sensible même à l'agriculture.
Le deuxième intérêt qui, selon l'honorable membre, serait engagé dans ce débat, est celui des fabricants de toiles. Il prétend, si j'ai bien compris son argumentation, que les tisserands qui font de la toile avec du fil de lin et non du fil d'étoupe, ne peuvent plus tirer un parti aussi avantageux de la revente de leurs étoupes, de telle façon que leur fabrication de toiles en souffre.
Eh bien ! Je dois nier que la fabrication des toiles souffre par cette cause. Il ne faut pas s'arrêter à quelques cas exceptionnels et très contestables : il faut prendre la fabrication des tissus de lin dans leur ensemble et se demander si, sous l'empire de la loi qui a établi un droit à la sortie des étoupes, la fabrication a particulièrement souffert. Encore une fois, les chiffres de nos exportations fournissent une réponse sans réplique.
J'ai déjà attiré l'attention de la chambre sur ce fait si consolant qui relèvera bien mieux les Flandres que des lamentations. J'ajoute encore : que pendant le mois de février 1849, nous avions exporté 412,968 kilog. de toiles, tandis que nous n'avons exporté pendant l<: mois correspondant de 1848, que 164,625 kil. et pendant le même mois de 1847, que 209,598 kilog., de sorte que nous avons exporté, pendant le mois de février 1819,le double de ce que nous avions exporté en 1847 et le triple de ce que nous avions exporté en 1848.
Voilà le fait que je vous ai signalé. Ce fait prouve que la fabrication des toiles reprend; qu'elle est sous le coup d'un mouvement ascensionnel; qu'elle est dans une situation plus favorable; et dès lors ne venez pas dire que le régime existant porte préjudice à la fabrication des toiles.
L'honorable M. Toussaint prétend qu'un troisième intérêt est engagé dans la question. Il prétend même, et cette insinuation est peu bienveillante, que c'est cet intérêt qui me préoccupe, à savoir, l'intérêt des grandes filatures à la mécanique. il me suffira de rappeler, pour faire justice des insinuations de M. Toussaint, que je n'ai pas été étranger à la mesure qui a permis l'entrée du fil de lin d'origine anglaise, mesure qui a été repoussée vivement par tous les grands établissements du pays : je ne dois donc pas être suspect de partialité pour les filatures de lin.
Lorsque la question a été posée entre la filature à la mécanique et les tisserands, c'est toujours, c'est énergiquement que je me suis prononcé pour les tisserands. Ce n'est pas moi qui prendrai parti jamais pour les puissants contre les malheureux.
Mais les filatures à la mécanique, je m'empresse de le dire, n'ont pas grand intérêt au maintien d'un droit à la sortie des étoupes. En effet, l'étoupe peut être remplacée pour ces établissements auxquels les capitaux ne manquent point, par les qualités inférieures de lin que fournit l'étranger, et notamment la Russie ; pour le prouver, j'invoquerai ce fait décisif, accablant pour l'argumentation utile de M. Toussaint : c'est que, sous l'empire de la loi actuelle, qui aurait dû favoriser l'emploi d'étoupes par ces grands établissements de filature, ils ont employé une plus grande quantité de lin étranger qu'auparavant. Ici, encore une fois, j'ai un argument authentique à opposer à M. Toussaint : c'est le chiffre de nos importations de lin étranger.
En effet, nous voyons que pendant le mois de février 1849, nous avons importé 241,044 kilog. de lin brut, tandis que l'on n'avait importé en 1848 que 133,101 kilog. et en 1847 que 50,526 kilog. Vous voyez donc que pour ce lin de qualité inférieure, que nous livre l'étranger, l'importation suit également un mouvement ascendant.
Donc ce qui a fait proposer le projet c'est exclusivement l'intérêt des classes inférieures de tisserands et de fileuses ; c'est pour donner un témoignage de sympathie et un appui momentané et tout temporaire à cet intérêt, que le gouvernement demande le maintien de la législation qui impose la sortie des étoupes.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Cools. - Je désirerais seulement dire quelques mots pour combattre l'amendement de M. Cumont. (Interruption.) Si l'amendement n'a pas de chances, je renoncerai à la parole; mais j'ai la conviction que la chambre ne peut l'admettre, et s'il était défendu, je demanderais à présenter quelques observations.
M. Prévinaire. - Messieurs, j'ai fait partie de la section centrale, et je me suis prononcé contre la loi; cependant, voyant la presque unanimité de mes honorables collègues qui appartiennent aux Flandres, désirer l'adoption du projet, je ne croyais pas devoir prendre la parole pour le combattre, puisqu'on avait donné à la mesure un caractère essentiellement transitoire. C’était, à mes yeux, une sorte de dérogation aux principes, et j'étais disposé à accepter cette dérogation. Mais l'honorable M. Dumortier a donné à la question une portée beaucoup trop étendue, et en ce sens il m'est impossible d'admettre le projet. Je ne puis me dissimuler que la loi est essentiellement antipathique aux véritables principes.
On a dit qu'il ne faut pas innover ; mais, messieurs, c'est la loi qui est une innovation. Cette innovation existe depuis trois ans, et ce que nous allons faire, c'est de consacrer une véritable innovation, contraire aux principes économiques. Déjà la loi a eu des effets détestables : elle a fait introduire dans le pays une industrie qui n'est pas viable.
On a parlé de l'emploi qu'on peut faire des étoupes, mais il n'y a que les hommes peu versés dans la partie qui puissent admettre cet argument et croire que la loi est favorable au tissage. L'emploi que l'on fait des étoupes pour les toiles à sacs, dont on a parlé, est réellement restreint aux plus mauvaises qualités d'étoupes, aux étoupes telles qu'elles proviennent d'un premier peignage fait par certains tisserands. Cet argument n'a donc, à mes yeux, aucune valeur, car il consiste à vouloir faire considérer l'exception comme une généralité.
Nous avons examiné dans la section centrale jusqu'à quel point la mesure pouvait ne pas être défavorable à l'agriculture, et tous, aussi bien ceux qui veulent la prorogation que ceux qui ne la veulent pas, nous avons reconnu que la loi est défavorable à l'agriculture ; nous ne différions que sur l'étendue du préjudice. Il est, en effet, incontestable que le lin non peigné se vendra d'autant plus cher qu'on pourra retirer un produit plus élevé des étoupes.
J'ai voulu, messieurs, expliquer le vote que j'émettrai. Il sera défavorable, je ne m'étendrai pas davantage sur les considérations qui me déterminent à émettre ce vote, convaincu que mon opinion ne sera point partagée par la majorité de la chambre; mais en vue des principes, je ne puis consentir au renouvellement d'une législation que je considère comme mauvaise et à laquelle je ne puis plus reconnaître un caractère transitoire, après les déclarations qui ont été faites par certains membres qui veulent lui donner, au contraire, un caractère essentiellement définitif.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, la loi dont le gouvernement demande la prorogation n'est nullement une loi de principe. Si c'était une loi de principe, nous ne viendrions pas l'appuyer dans cette enceinte. C'est une loi toute transitoire, toute d'exception, et cette exception est faite en faveur des classes ouvrières des Flandres pour lesquelles les chambres et le gouvernement ont toujours montré tant de sollicitude.
Cette loi, messieurs, a, comme vous le savez, été présentée par mon honorable prédécesseur, à la fin de l'année 1846; elle fut discutée en décembre 1846 et adoptée à une très grande majorité. La seule question qui souleva un débat à cette époque, c'est celle de savoir si le déchet da lin qu'on appelle snuit, serait également frappé du droit de 25 p. c. à la sortie. L'affirmative avait été soutenue par la section centrale et appuyée par le gouvernement; mais la proposition fut rejetée par parité de voix.
L'année dernière, lorsque nous avons demandé la prorogation de la loi, on a proposé encore de frapper le snuit d'un droit de sortie; le gouvernement combattit cette proposition, et elle fut rejetée à une très grande majorité. Je ne pense donc pas que l'amendement de M. Cumont, qui reproduit ce système puisse maintenant être adoptée, et je ne puis, quant à moi, l'admettre.
Ainsi, messieurs, ce n'est qu'une loi tout à fait exceptionnelle et temporaire, en faveur des Flandres, dont nous proposons la prorogation à la chambre. Or, qui pourrait nier que la situation des Flandres n'est tout à fait exceptionnelle ? Et surtout la situation de l'industrie linière ? Si nous voulions appliquer la rigueur des principes de l'économie politique pour les Flandres, eh! mon Dieu, il est bien des mesures votées dans cette enceinte qui ne l'eussent pas été. On a fait, avec raison, une foule d'exceptions aux principes de l'économie politique, en faveur des Flandres, parce qu'elles se trouvent dans une position exceptionnelle; ainsi les ateliers que le gouvernement a créés et protégés dans les Flandres, dans l'intérêt du perfectionnement du travail, les nombreux subsides qu'il accorde, la société d'exportation elle-même, où il faudra que le gouvernement prenne pour plusieurs millions d'actions, où il faudra garantir un intérêt de 4 à 5 p. c. et même une partie du capital ; ne sont-ce pas là des exceptions au principe du laisser faire, laisser passer ?
Il ne faut donc pas considérer ceci comme une loi de principe, qui puisse être discutée au point de vue du régime restrictif ou de la liberté commerciale; c'est une loi purement d'exception et temporaire; et pourquoi cette mesure? Parce que les tisserands des Flandres achètent eux-mêmes cette matière première pour en fabriquer des toiles ordinaires qui s'exportent avec avantage et dont on doit encourager la fabrication.
Cette loi a déjà duré deux années. Le moment était-il opportun pour (page 1120) en faire cesser les effets? Le gouvernement ne l'a pas cru; il a trouvé que l'industrie linière était encore dans un état de crise assez grand pour qu'il y eût des inconvénients à faire cesser actuellement les effets de cette loi. Dans deux ans, l'expérience sera plus complète; s'il y a une plus grande amélioration dans la situation des Flandres et de l'industrie linière, les chambres et le gouvernement pourront faire cesser en toute sécurité les effets de la loi.
Quant à l'agriculture, je ne pense pas qu'elle soit grandement intéressée dans la question. La preuve, c'est que la loi est en vigueur depuis plusieurs années, et qu'il n'y a pas eu une seule réclamation de la part de l'intérêt agricole. Les commissions d'agriculture, ainsi que les commissions mixtes où se trouvaient des représentants de l'intérêt agricole, ont donné leur adhésion au projet. Il n'y a donc rien à craindre pour l'intérêt agricole.
Je n'étendrai pas davantage ces considérations. Je crois que la chambre est suffisamment éclairée sur cette question. Je maintiens la proposition du gouvernement.
M. de Brouwer de Hogendorp. - Messieurs, je prends la parole pour répondre à l'honorable M. Dumortier qui a soutenu que la mesure qu'on propose ne frapperait pas l'agriculture. La réponse que je donnerai à l'honorable M. Dumortier s'adressera également à l'honorable M. d'Elhoungne.
Messieurs, si la mesure qu'on propose doit avoir une valeur quelconque, elle doit nécessairement avoir pour effet de diminuer le prix du produit sur le marché de la Belgique. Si la mesure n'a pas cet effet, la mesure est illogique, elle est inutile.
Quel doit être le résultat d'une diminution du prix du produit sur le marché? Evidemment celui de décourager l'agriculteur dans une production dans la valeur de laquelle le travail entre pour une part très considérable. Or, je pense qu'il ne faut nullement décourager une production de cette espèce.
La culture du lin est déjà menacée d'une manière effrayante, par suite des extensions que cette branche de l'industrie agricole prend dans les pays étrangers, et notamment en Irlande. Bientôt l'Irlande fournira à l'Angleterre une grande partie du lin qu'elle vient chercher en ce moment sur notre marché.
L'honorable M. d'Elhoungne a soutenu que l'agriculture n'a pas souffert jusqu'à présent par la mesure, et il en a donné pour preuve ce fait, que loin d'avoir diminué, les exportations du lin brut ont augmenté.
Messieurs, à mon avis, ce n'est pas dans le montant des exportations qu'il faut chercher la preuve que la mesure que je combats n'a point causé un détriment à l'agriculture; c'est le prix du lin qui seul pourrait donner une indication à cet égard ; or, il est évident, il est avoué que les prix ont baissé par suite de la loi de 1847.
La mesure, dit-on, doit avoir pour effet de protéger une certaine classe qui se trouve dans le malheur. Mais, messieurs, cette protection doit-elle avoir lieu au détriment d'une autre classe, assurément aussi intéressante que celle dont on veut alléger les souffrances? Ce serait d'autant moins justifiable que l'agriculture se trouve, par suite des mesures que la chambre a adoptées et auxquelles j'ai adhéré de grand cœur, que l'agriculture, dis-je, se trouve dans une situation tout à fait différente de celle dans laquelle elle se trouvait autrefois. Nous avons adopté, en ce qui concerne les substances alimentaires, le principe de la liberté de commerce. (Interruption.)
Pardon, messieurs, laissez-moi achever ma phrase. Nous avons adopté provisoirement le commerce libre des grains. Or, le principe que nous avons admis a changé profondément les conditions de l'agriculture. Bien loin de frapper l'agriculture, et de lui imposer continuellement de nouvelles charges, il faudra la dégrever si vous voulez maintenir cette législation libérale.
Messieurs, on a soutenu que la mesure avait produit un effet favorable sur l'exportation de nos fils et de nos toiles. L'honorable M. d'Elhoungne a cité des chiffres à cet égard. Je crois qu'il ne faut attacher à ce fait pas plus d'importance qu'il n'en mérite. Le phénomène qui s'est présenté en Belgique, s'est présenté partout ; j'ai ici devant moi le chiffre des exportations de la toile et du fil en Angleterre, pendant les deux premiers mois de l'année 1849; eh bien, le phénomène dont on a été témoin en Belgique, a eu lieu sur une échelle beaucoup plus large en Angleterre. Il faut l'attribuer, non pas à telle ou à telle mesure, mais à une amélioration générale qui s'est manifestée dans le commerce pendant les mois indiqués par l'honorable M. d'Elhoungne.
M. de Haerne. - Messieurs, l'honorable préopinant m'a fait deux espèces de reproches. Il a dit que le rapport de la section centrale, dont je suis l'auteur, rend compte des diverses opinions qui se sont présentées, en donnant cependant gain de cause à l'opinion favorable au projet de loi, en donnant le dernier mot aux partisans de la loi.
Je ne croyais pas avoir mérité ce reproche; j'ai rendu un compte exact de ce qui s'est passé dans le sein de la section centrale, et si j'ai insisté un peu plus sur les opinions favorables à la loi, c'est parce que ces opinions avaient pris la plus large part dans la discussion; j'en appelle, à cet égard, au témoignage de tous les membres de la section centrale. D'ailleurs, je dirai que l'honorable préopinant n'a pas assisté à la première séance de la section centrale, et, dès lors, il n'est pas tout à fait compétent pour dire ce qui s'est passé au sein de la section centrale.
Le même honorable membre m'a reproché encore d'avoir cité l'opinion d'un membre qui n'avait pas assisté à la discussion de la section centrale, comme favorable au projet de loi. Je regrette de devoir le dire, mais l'honorable M. Toussaint n'a pas bien lu ou mal compris le rapport. Je n’ai pas cité l’autorité de cet honorable membre, car je sais que, s’il avait assisté à la discussion, il aurait pu se laisser entraîner par les raisons qu’y a fait valoir l’honorable M. Toussaint, et changer d'avis. Ce n'est pas l'opinion de ce membre absent que j'ai citée, mais le rapport de sa section. J'ai agi ainsi afin de mettre sous les yeux de la chambre l'état de la question, telle qu'elle avait été traitée dans les sections particulières. C'est là le rôle du rapporteur. Le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter au nom de la section centrale a déjà répondu à plusieurs assertions que l'honorable préopinant vient d'émettre.
Cependant il me reste encore un mot à dire, en réponse à un autre fait allégué contre moi. L'honorable membre a dit que je faisais preuve d'abnégation dans la question, que je ne me plaçais pas au point de vue de mon arrondissement, où il se vend plus d'étoupes qu'il ne s'en fabrique. Si je prêchais pour ma paroisse, comme on dit, si je ne considérais que l'intérêt des arrondissements de Courtray et de Thielt, j'aurais du penchant à voter contre la loi. Mais un autre motif me guide, c'est que la perte qui peut résulter de la loi pour le tisserand de lin, dont l'honorable M. Toussaint a pris la défense, cette perte est tellement minime que je la considère comme nulle. Je dois soutenir, d'ailleurs, l'intérêt le plus général, et en partant du principe de la protection en matière d'industrie, je dois lâcher d'assurer au pays la plus grande somme de travail possible.
Il est évident qu'en imposant un droit de sortie sur les étoupes en les conservant dans le pays, on procure un travail considérable à une classe très-nombreuse de la population linière ; on multiplie ainsi la valeur de la matière première dans les mains des travailleurs les plus pauvres; on leur accorde un grand bénéfice, tandis que la perte minime dont je viens de parler ne porte que sur une partie de la matière première employée par le tisserand de lin et pour une part insignifiante, comme il est établi dans mon rapport.
Ainsi, la perte, si perte il y a, ne doit pas être prise en considération.
J'ai circulé, je crois, autant que l'honorable M. Toussaint dans les campagnes au milieu des ouvriers adonnés à l'industrie linière. J'ai parlé aux ouvriers appartenant aux diverses branches de cette industrie; jamais je n'ai entendu sortir de leur bouche la moindre plainte contre la mesure dont il s'agit. Ils savent néanmoins que les étoupes sortent fort peu depuis l'établissement du droit à la sortie.
On dit que je renonce aux vrais principes. Si je me rappelle la discussion qui a eu lieu dernièrement sur la question des Flandres, les vrais principes ont été invoqués par divers honorables membres, mais ils étaient entendus par les uns d'une manière et par les autres d'une autre manière. Selon quelques-uns, les vrais principes en matière d'économie politique consistent à laisser entrer et sortir toutes les marchandises, sans restriction, sans compensation, sans réciprocité d'aucune espèce; selon d'autres membres, et je suis du nombre, les vrais principes sont ceux qui ont été admis par presque toutes les nations du monde, savoir les principes de protection. Aussi longtemps qu'on ne change pas les tarifs à notre égard, nous jouerions un rôle de dupes si nous allions ouvrir nos frontières aux étrangers et leur livrer les matières premières dont nous pouvons tirer un grand parti. Pour faire voir l'avantage que nous en retirons, il suffira d'un fait ; c'est que nos toiles d'emballage se vendent avec bénéfice à 25 p. c. au-dessous des prix de France. Voilà pourquoi je veux conserver les étoupes dans le pays, et que j'invoque ici le régime protecteur. Je ne veux de la liberté de commerce que pour autant qu'elle est admise par les autres pays. Voilà, d'après moi, les vrais principes, que je ne crois pas avoir méconnus dans cette circonstance, et qui, selon l'expression employée, il y a quelque temps, par l'honorable préopinant, existent partout excepté chez les sauvages.
- La discussion est close.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Cumont qui propose de porter le droit à 20 francs par 100 kilog. et d'y comprendre le snuit.
M. Cumont. - Je demande la parole.
M. le président. - La discussion est close.
M. Cumont. - Je n'ai que quelques mots à dire ; c'est très important.
M. le président. - Je ne puis vous le permettre; c'est contraire au règlement.
- L'amendement de M. Cumont est mis aux voix. Il n'est pas adopté.
Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet. En voici le résultat :
82 membres sont présents.
51 votent l'adoption.
30 votent le rejet.
1 s'abstient.
En conséquence, le projet de loi est adopté; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. d'Hont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jouret, Lange, Liefmans, Manilius, Moreau, Osy, Peers, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Van den Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest) Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Boedt, Boulez, Bruneau, Cools , Cumont, H. de Baillet, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, d'Elhoungne, de Meester, de Perceval, de Renesse, Desoer, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt et Delfosse.
(page 1121) Ont voté le rejet : MM. Dubus, Jacques, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Mascart, Mercier, Moncheur, Orts, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Tesch, Thibaut, Toussaint, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vilain XIIII, Ansiau, Cans, Christiaens, Coomans, Dautrebande, David, de Brouwer de Hogendorp, de Liedekerke, Deliége, de Pilleurs, De Pouhon, et Destriveaux.
M. de Royer déclare s'être abstenu parce qu'il n'a pas assisté à la discussion.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux réductions proposées par la section centrale?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous nous expliquerons au sujet de ces amendements dans le cours de la discussion.
M. le président. - La discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.
M. Julliot. - Messieurs, il fut une époque, où la législature, après avoir voté les budgets des dotations, de la dette publique, de l'intérieur, de la justice, de la guerre et des finances, avait fini sa tâche budgétaire.
A cette époque, messieurs, on manquait du bonheur d'avoir un ministère des travaux publics, et d'un budget pour lui donner de l'occupation ; ces deux éléments se firent mutuellement défaut, et le petit nombre de fonctionnaires, des ponts et chaussées, comme le peu de capitaux qu'on dépensait, fonctionnaient modestement ensemble dans le portefeuille de l'intérieur.
A cette époque, messieurs, on avait la bonhomie de croire, qu'alors que l'Etat n'a pas de ressources en réserve, il ne peut en créer qu'à l'aide de l'emprunt intimement lié à l'aggravation de l'impôt.
Aussi n'était-on pas si avancé que nous le sommes aujourd'hui.
On était assez simple pour s'imaginer qu'un gouvernement, comme une province, comme une commune ou un particulier, fait acte de bonne administration en s'attachant d'abord à pourvoir à ses dépenses obligatoires avant de se lancer en dépenses facultatives sans savoir où il pourra s'arrêter et surtout à ne faire ces dernières qu'à bon escient ; je fais allusion aux années prospères, de 1832, 1833, 1834, 1835,1836 et 1837.
Que se passait-il de remarquable à cette époque au point de vue de l'aisance générale répandue dans tous les coins du pays? Il serait inutile de le rapporter pour ceux qui étaient en âge de réfléchir, mais il est une génération qui ne peut en avoir la mémoire.
Je dirai donc qu'à cette époque il y avait du travail pour tout le monde, des capitaux immenses circulaient par toutes les artères de notre corps social, l'élévation de ces capitaux dépassait peut-être les besoins du moment, mais cette abondance même de capitaux provoquait le travail à l'infini ; on sait qu'ils en sont le stimulant principal si pas unique. Alors comme aujourd'hui, messieurs, j'étais associé à des ouvriers pour le travail de la terre, et si parfois par suite de la demande générale du travail ils me donnèrent un moment d'humeur par les conditions que, dans leur fierté d'homme, ils me posèrent, ces moments furent amplement rachetés par le bonheur que je recueillais dans leur aisance et leur prospérité.
Messieurs, l'accumulation de ces capitaux a donné naissance à notre département des travaux publics ; ce ministère créé, il lui fallut de l'emploi ; l'emploi appela les fonctionnaires, la présence des fonctionnaires appela de nouveaux capitaux ; on voulut redoubler d'activité, le nombre d'employés devait grossir à perte de vue en même temps que les emprunts, ces emprunts au fur et à mesure de leur réalisation furent dépecés et mis en lambeaux pour se répandre dans toutes les provinces du plus au moins, ils reçurent indistinctement une application respectivement bonne, médiocre, mauvaise ou détestable.
Aujourd'hui, messieurs, nous sommes revenus au point de départ, à cette époque où on ne sentait pas la nécessité d'un département spécial pour les travaux nationaux, où on se contentait de moins. Nos nombreux capitaux sont et resteront immobilisés tant que le gouvernement et les chambres ne croiront pas utile d'entrer dans une nouvelle voie. Dans tous les pays du monde, il est d'une bonne politique d'approprier les lois et l'administration aux besoins matériels et aux mœurs de la société que l'on a l'honneur de gouverner.
J'ai dit que nous n'avions plus de ressources pour nous permettre des dépenses facultatives; mais si nous avons perdu nos ressources, nous avons conservé notre personnel, nous avons fait connaissance avec le paupérisme et autres faits économiques et sociaux qui nous étaient inconnus alors.
Cela veut-il dire, messieurs, que la Belgique soit moins riche qu'elle ne l'était alors. Loin de moi, messieurs, cette pensée. Je crois que prise en masse elle a gagné, je ne dirai pas par les opérations du budget que je combats, mais malgré les écarts de ce budget.
Mais ce que je déclare incontestable, c'est qu'en retirant de la circulation avec exagération ce levier de l'activité humaine que j'appelle capitaux vous avez déplacé trop d'intérêts, vous avez profondément affecté la distribution du travail et de l'aisance qui existaient avant l'accumulation de tous vos hauts faits.
Il me restera, messieurs, à vous démontrer, à l'occasion de la discussion des chapitres, qu'il est d'une nécessité absolue pour le pays, que l'Etat saisisse toutes les occasions qui peuvent lui être offertes de renforcer le capital circulant en mobilisant une partielles capitaux qui sont si maladroitement paralysés, en provoquant des capitaux étrangers pour remplacer les nôtres dans leur était léthargique.
Je me réserve de faire au gouvernement une interpellation catégorique à ce sujet. Sa réponse dictera mon vote. Je me résume.
Messieurs, je me permets d'engager la chambre et le gouvernement à méditer la question de savoir, si des situations identiques ne produisent pas des besoins identiques, si, en un mot, il ne serait pas utile, tout en sauvegardant les positions acquises, de tenter de vendre ou louer notre chemin de fer, pour pouvoir refermer à clef ce sinistre portefeuille, le déposer aux archives pour l'instruction et l'édification de nos successeurs, et de supprimer le département, tout en conservant l'honorable ministre, dont les hautes capacités très diverses marqueraient infailliblement sa place à la tête de tout autre ministère auquel il ne serait pas étranger.
On pourrait, me semble-t-il, comme autrefois, réfugier les débris de cet énorme British-Qucen dans les attributions de M. le ministre de l'intérieur, dont le courage et l'activité incessante m'assurent qu'il saura suffire à la tâche.
Telles sont, messieurs, les observations que j'ai l'honneur de soumettre à vos études, éludes qui toutes, sans exception, sont consacrées au salut da la patrie commune.
J'ai dit.
- La discussion générale est close. La chambre passe à la discussion sur les articles.
« Art. 1er. Traitement du Ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service.
« Charges ordinaires : fr. 241,000.
« Charges extraordinaires : fr. 8,000. »
M. Vilain XIIII. - Les observations que j'ai à présenter sur cet article sont de très minime importance. Mais comme il semble que la chambre a aujourd'hui du temps à perdre, je me hasarde à les faire. Elles s'appliquent aussi bien au budget de l'intérieur qu'au budget des travaux publics.
Je veux parler de la manière dont les affaires administratives s'engagent. Quand une administration communale ou un particulier engage une affaire, on envoie la requête au ministre que la chose concerne. Cette requête, la poste l'apporte; elle arrive à Bruxelles; elle passe par une quantité de mains avant d'arriver au ministère; on la décacheté ; elle va au bureau de l'indicateur général, où on lui donne un numéro d'ordre et une date d'entrée au ministère. Il faut que cet employé en prenne une connaissance sommaire pour savoir à quelle division cette pièce doit être envoyée. Elle arrive à la division. Là, même opération. Il faut qu'elle reçoive un numéro de l'indicateur particulier de la division et une date d'entrée ; puis on y attache un papier ; on y donne une date de sortie.; elle retourne à l'indicateur général ; on y donne une date de sortie ; elle est remise à la poste et envoyée au gouverneur de la province.
Au gouvernement provincial on fait la même opération qu'au ministère. Il faut que la pièce soit envoyée à l'indicateur général; elle va à une division du gouvernement provincial, et est renvoyée au commissaire d'arrondissement; la poste la reprend pour la troisième fois et après toutes ces allées et venues l'instruction de l'affaire commence enfin.
Avec ce système, on perd 3 ou 4 jours ; on encombre la poste; ou fait une masse d'écritures qui ne servent absolument à rien; il faudrait que toutes les affaires pussent s'adresser directement au commissaire d'arrondissement ou au conducteur des ponts et chaussées qui font l'instruction.
Je demanderai à MM. les ministres s'ils ne pourraient pas engager, par une circulaire, les administrations communales à suivre cette marche.
Ainsi la solution de toutes les affaires administratives du royaume serait hâtée de trois jours. Comme le temps est une richesse, ce serait un avantage pour tout le monde. Il y aurait moins de travail dans les bureaux de poste de toutes les provinces et de la capitale. Les facteurs seraient moins chargés, les malles de la poste ne seraient pas encombrées comme elles le sont aujourd'hui. Le travail des employés aussi bien dans les ministères que dans les gouvernements provinciaux (au moins à l'indicateur général) serait un peu allégé, et enfin il y aurait économie de papier.
Ces considérations présentent, je le sais, par elles-mêmes peu d'importance; cependant, si l'on en voulait bien tenir compte, on pourrait obtenir une hâte dans la solution des affaires, moins d'encombrement à la poste aux lettres, moins de travail dans les bureaux et enfin une légère économie de matériel.
Je soumets ces modestes observations à l'appréciation et à la sagacité de MM. les ministres.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les faits que l'honorable membre vient de signaler ne sont pas particuliers à l'administration de l'intérieur et des travaux publics. Ces faits, qui du reste sont exceptionnels, se présentent dans les divers départements. Il arrive que des individus, qui ont une réclamation à faire ou une demande quelconque à adresser au gouvernement, trouvent la voie plus sûre en s'adressant directement aux ministres. L'honorable préopinant aurait pu même agrandir encore le cercle de tous ces détours. Beaucoup de ces pétitions vont au cabinet du Roi et là elles sont inscrites à l'entrée et à la sortie.
M. Vilain XIIII. - C'est un jour de retard de plus.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais ici les intéressés eux-mêmes sont juges. Il ne leur est pas interdit d'envoyer leurs demandes au fonctionnaire qui se trouve sur les lieux. Mais il faut d'abord savoir si leur demande dépend de ce fonctionnaire. En second lieu, il s'agit de savoir si cette demande ne tend pas au redressement d'un grief contre ce fonctionnaire, d'un déni de justice qu'on croirait avoir été commis par lui. Dès lors il est naturel qu'on s'adresse à celui qui peut redresser la décision que l'on regarde comme injuste.
Messieurs, je crois, et je remercie l'honorable membre d'avoir appelé l'attention de la chambre et du gouvernement sur ce point; je crois que dans le service intérieur il y a encore beaucoup de simplifications à introduire. L'usage, la pratique des affaires nous en révèlent chaque jour, et je puis donner l'assurance que mes collègues et moi nous ne négligeons aucune occasion de simplifier les rouages autant que nous le pouvons. Différentes affaires qui se décidaient autrefois, soit au département de l'intérieur, soit au département des finances, ont été renvoyées aux gouverneurs et aux directeurs de province.
Le travail de l'administration doit consister, je le reconnais, à simplifier la marche des services, à élaguer tout ce qui ne doit pas être nécessairement traité à l'administration centrale. Trop de détails encombrent encore l'administration; il y a là des réformes à introduire ; mais la pratique doit successivement les révéler.
Loin, messieurs, d'avoir soulevé une question inutile, de peu d'intérêt, je pense que l'honorable M. Vilain XIIII a fort bien fait d'appeler l'attention du gouvernement sur de pareilles questions. Elles présentent, en réalité, beaucoup plus d'utilité que n’en présentent souvent de grandes questions de théories qui n'aboutissent à aucun résultat.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Frais de route et de séjour du Ministre, des fonctionnaires et employés de l'administration centrale : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 5. Commission des Annales des travaux publics Frais de route et de séjour des membres de la commission : fr. 1,100. »
- Adopté.
« Art. 6. Commission des Annales des travaux publics Publication du recueil, frais de bureau, etc. : fr. 3,900. »
- Adopté.
Art. 7. Commission des procédés nouveaux. Frais de route et de séjour des membres de la commission : fr. 600. »
- Adopté.
Art. 8. Commission des procédés nouveaux. Matériel, achat de réactifs, d'appareils, etc... : fr. 1,400. »
- Adopté.
« Art. 9. Entretien et amélioration des routes, construction de routes nouvelles, études de projets : fr. 2,618,600. »
M. de Renesse. - Messieurs, quoique M. le ministre des travaux publics ne soit pas présent, je présenterai quelques considérations en faveur de la construction de routes réclamées par une partie de la province du Limbourg. M. le ministre pourra prendre connaissance de ces observations dans le Moniteur.
Messieurs, chaque année, à l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, les membres des chambres présentent quelques considérations en faveur de constructions de routes, recommandées par les conseils provinciaux, et vivement réclamées par diverses contrées de la plupart des provinces.
En prenant la parole, pour adresser quelques observations à M. le ministre des travaux publics, sur la construction d'une roule réclamée, depuis plusieurs années, par une partie de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, notamment par les communes des cantons de Sichen-Sussen et Bolré, de Bilsen et de Mechelen, je crois appuyer plutôt les intérêts généraux du pays que défendre ici ce que l'on appelle parfois un intérêt de clocher ; car cette voie de communication intéresse aussi bien la province de Liège que celle de Limbourg.
La route sur laquelle je désire appeler l'attention du l'honorable ministre des travaux publics a été appuyée auprès du gouvernement par le conseil provincial du Limbourg ; elle se dirigerait environ de la commune de Riempst vers Hallembaye, dans la province de Liège. Plusieurs tracés doivent avoir été étudiés, et déjà, il y a une couple d'années, lorsque j'eus l'honneur, pendant la discussion du budget des travaux publics, d'appuyer la construction de cette voie de communication, l'un des honorables prédécesseurs de M. le ministre actuel m'avait donné l'assurance que le conseil des ponts et chaussées serait chargé de s'occuper des études de cette route.
Par requête du 18 octobre 1848, les conseils communaux du plusieurs cantons intéressés à la construction de cette route se sont de nouveau adressés au Roi, pour réclamer leur part dans les allocations accordées au département des travaux publics, pour la construction de routes; ils ont fait valoir que, déjà avant 1830, il avait été question d'établir cette voie de communication : les circonstances politiques d'alors ont ajourné son exécution.
Des sacrifices d'argent, des cessions gratuites de terrains communaux sont actuellement présentés pour contribuer, avec le subside à accorder par la province de Limbourg, à la construction de cette route, qui aurait environ une étendue de 8 à 10,000 mètres ; elle pourrait être construite en empierrement, les matériaux se trouvent à proximité. Elle serait le prolongement naturel de l'embranchement de la route du Maeseyck vers Tongres à Maestricht; elle servirait pour les relations directes de toute cette contrée avec la partie de la province de Liège qui avoisine les minés de houille d'Oupaye et la ville de Visé ; elle offrirait, surtout à ce district agricole, une voie de communication pour le transport des denrées alimentaires, et autres produits de l'agriculture, vers le marché très important de la ville de Liège, et vers ceux de Berneau et d'Aubel, dans l'arrondissement de Verviers.
La contrée qui réclame la route patlant des environs de Riempst vers Hallembaye avait, avant 1830, son débouché des produits agricoles à Maestricht ; ayant perdu ce marché si rapproché, il est de toute équité que le gouvernement lui tienne compte, sous ce rapport, des sacrifices qu'elle a dû subir. En décrétant celle voie de communication réclamée depuis plusieurs années; le gouvernement ne fera que rendre justice à une partie de la province de Limbourg, plus particulièrement lésée par le traité de 1839.
Je crois devoir surtout, par ces motifs, appuyer auprès de M. le ministre les justes réclamations des localités plus spécialement intéressées à l'obtention de cette route; je sais que le crédit dont peut disposer le département des travaux publies, pour la construction de routes nouvelles, est assez limité ; qu'il n'y a pas toujours possibilité de faire droit à toutes les justes réclamations qui surgissent. Il est cependant à désirer que le gouvernement puisse avoir à sa disposition des ressources plus importantes que celles actuellement portées au budget des travaux publics, pour ne pas devoir ajourner indéfiniment des constructions de routes vivement réclamées dans les différentes parties du pays.
J'ose espérer que M. le ministre des travaux publics voudra prendre en considération la position tout exceptionnelle de cette partie de la province de Limbourg ; que, dans un avenir assez rapproché, une décision favorable sera prise à l'égard de l'exécution de cette voie de communication.
J'ai vu, par le Moniteur du 25 mars, que l'enquête sur cette route avait été ordonnée : je crois devoir remercier M. le ministre des travaux publics, d'avoir fait activer l'instruction de cette affaire. La construction de cette route procurera du travail à la classe ouvrière de la province de Limbourg, qui s'est toujours distinguée par son bon esprit, par l'amour de l'ordre et du travail, et qui mérite d'avoir une certaine part des sommes dépensées chaque année pour les travaux publics.
Avant de terminer, je crois devoir prier M. le ministre de vouloir me dire si la seconde section de la route de Hasselt vers Maestricht par Bilsen, sera bientôt mise en adjudication. Cette section partirait de la commune de Diepenbeek à Bilsen, et serait d'une étendue de 8,400 mètres L'exécution de cette partie de route est vivement réclamée, parce que, pendant la mauvaise saison, le trajet de Hasselt à Bilsen est presque impraticable.
- La discussion est close.
L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Plantation des routes : fr. 41,200. »
M. Vanden Berghe de Binckum. - Messieurs, depuis quelque temps, des ordres ont été donnés pour un nouveau système d'élagage; je crois que ce système est on ne peut plus préjudiciable dans l'intérêt du trésor.
Messieurs, l'élagage des arbres aujourd'hui en usage sur les plantations de nos grandes routes, n'est nullement celui qui convient aux plantations de haute futaie; c'est un élagage qui se rapproche de celui qui est appliqué aux arbres fruitiers.
J'appelle l'attention de M. le ministre sur ce point et je l'engage à faire examiner la question par des personnes qui oui les connaissances nécessaires.
Autrefois c'était le génie qui était chargé de l'élagage des plantations. On a cru devoir lui retirer cette partie du service. D'autres ordres ont été donnés; ces ordres ont été suivis et nos plantations subissent aujourd'hui des dégradations dont elles se ressentiront longtemps.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il existait autrefois des fonctionnaires ayant spécialement pour mission de s'occuper des plantations. Ce service a été supprimé. On a choisi un homme ayant des connaissances spéciales, je pourrais le nommer, et dont la réputation est très étendue; il surveille depuis lors toutes les plantations de l'Etat et c'est sous sa direction que l'élagage se fait.
Je me souviens parfaitement qu'à l'époque où j'étais au département des travaux publics on se plaignait du système qui avait été suivi précédemment. Le fonctionnaire dont il s'agit l'a critiqué lui-même; il l'a rectifié, il a donné d'autres indications, et je ne crois pas que depuis cette époque des plaintes aient encore été adressées au département des travaux publics.
(page 1123) M. Christiaens. - Je dois appuyer les observations de mon honorable collègue, M. Vanden Berghe de Binckum; car l'élagage que J'ai vu sur la route de Louvain à Diest, par exemple, se fait d'une manière entièrement inusitée, et je crains qu'il n'en résulte un dommage réel pour les plantations. Ainsi, quoi qu'en dise M. le ministre des finances, avant de continuer le nouveau système, je voudrais que le gouvernement examinât soigneusement ce qui s'est fait ; et si l'honorable ministre des travaux publics n'a pas les connaissances spéciales nécessaires pour apprécier les choses par lui-même, je le prierai de nommer une commission ad hoc qui serait composée, par exemple, de trois personnes qu'il estimerait capables de bien juger en cette matière. Je demande qu'on prenne une mesure de ce genre, avant de continuer le nouveau système d'élagage sur un grand pied, avant de toucher à d'autres routes. La chose vaut bien la peine qu'on l'examine.
M. David. - Messieurs, dans plusieurs pays que j'ai parcourus, les routes sont bordées d'arbres fruitiers, et non pas d'arbres d'essence de peu de valeur, comme cela existe en Belgique.
Chaque année l'administration en retire un certain revenu. Je désirerais que le gouvernement voulût étudier la question de savoir s'il ne serait pas plus profitable au trésor de planter des arbres fruitiers le long des routes, plutôt que des peupliers et bois blanc, très nuisibles aux terres riveraines des routes.
La surveillance de ces plantations et de leurs fruits est plus facile à exercer qu'on ne le pense généralement. En Allemagne, on adjuge aux enchères des rangées de cent arbres et plus, avant que les fruits ne soient tout à fait mûrs, et les adjudicataires prennent soin dès lors eux-mêmes des arbres et des fruits du lot qu'ils ont obtenu, et il est plus que rare de voir se commettre des vols et des dégradations à ce genre de propriété confiée à la bonne foi publique.
M. Vanden Berghe de Binckum. - Messieurs, lorsque j'ai cru devoir signaler les vices du système d'élagage qui a été adopté, ce n'est pas mon opinion seule que j'ai exprimée. Le hasard m'a fourni l'occasion de faire constater mal. Je me suis trouvé à Louvain avec un ingénieur en chef; je l'ai prié de vouloir se déplacer de quelques pas, les premiers arbres se trouvant non loin de la station ; il est venu les voir avec moi et il m'a dit que jamais pareille chose n'avait été vue ; que cette manière d'élaguer faisait un tort très considérable aux plantations et par conséquent au trésor. Il est même convenu que si un sous-ingénieur ou un employé sous ses ordres agissait de la sorte, il serait le premier à provoquer sa démission. Voilà, messieurs, ce qui m'a déterminé à prendre la parole pour signaler ce vice au gouvernement.
M. Bruneau. - Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Vanden Berghe de Binckum a occupé la section centrale, et le rapport contient à cet égard un passage assez formel, qui ne fait que confirmer ce qu'a dit M. le ministre des finances. Voici ce passage :
« Le choix des essences de quelques plantations nouvelles a pu laisser quelque chose à désirer, mais ce choix se fait aujourd'hui avec discernement, et d'après l'expérience acquise ; toutes les propositions de plantations sont maintenant soumises à l'examen d'un homme spécial versé dans l'art de l'agronomie et auquel le département a confié la surveillance des opérations les plus importantes.
« L'administration forestière est également consultée lorsqu'il en est besoin.
« Quant aux élagages, il n'y sera procédé dorénavant que sous la direction de l'homme spécial dont il est fait mention ci-dessus, et qu'après que la nécessité en aura été reconnue.
« Cette opération essentielle est devenue l'objet de l'attention la plus sérieuse de la part de l'administration. »
Dans plusieurs sections on a refusé aux ingénieurs ordinaires des ponts et chaussées les connaissances spéciales nécessaires pour diriger les plantations, et c'est précisément pour obvier à cet inconvénient que le gouvernement a cru devoir recourir à un homme spécial qui dirigera et les plantations et l'élagage.
S'il était vrai que ce fonctionnaire laissât encore quelque chose à désirer, s'il était vrai qu'il n'eût pas les connaissances qu'on lui suppose, alors il faudrait le remplacer. Il y a, d'ailleurs, un contrôle indiqué par M. le ministre des travaux publics lui-même, c'est celui de l'administration forestière. On peut envoyer un membre de cette administration pour vérifier les faits signalés par les honorables membres. Je crois que si on ne trouve pas des garanties à cet égard dans l'administration forestière on n'en trouvera nulle part.
Quant aux plantations d'arbres fruitiers, je crois qu'il en résulterait des inconvénients. En France, on fait de ces plantations, mais dans ce pays les routes sont beaucoup plus larges que chez nous. On ne pourrait planter ici que des pommiers, des cerisiers ou des noyers, et tous ces arbres ont des têtes beaucoup trop grandes pour la largeur des routes. C'est pour cela qu'on a préféré des arbres plus élancés, qui donnent moins d'ombrage.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'État : fr. 52,000. »
M. le président. - M. le ministre a proposé dans la section centrale de porter à cet article, comme charge extraordinaire, une somme de 25,000 fr. pour l'établissement d'un appareil pour le chauffage de la nouvelle salle destinée à la tenue des séances du sénat, ce qui porterait le total de l'article à fr. 77,000.
La section centrale propose l'adoption de cette proposition.
- Le chiffre de 77,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 12. Canal de Gand au Sas-de-Gand. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 29,348. »
- Adopté.
« Art. 13. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 26,000.
« Charges extraordinaires : fr. 47,000. »
- Adopté.
« Art. 14. Canal de Pommerœul à Antoing. Entretien et travaux d'amélioration : fr. 96,489. »
- Adopté.
« Art. 15. Sombre canalisée. Entretien et travaux de dragage : fr. 106,412. »
- Adopté.
« Art. 16. Canal de Charleroy à Bruxelles. Travaux d'entretien et d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 63,900.
« Charges extraordinaires : fr. 18,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Escaut. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 16,348.
« Charges extraordinaires : fr. 2,300. »
- Adopté.
« Art. 18. Lys. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 27,700.
« Charges extraordinaires : fr. 20,500. »
- Adopté.
« Art. 19. Service de la Meuse dans les provinces de Liège et de Namur. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 20,000.
« Charges extraordinaires : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Art. 20. Service de la Meuse dans la province de Limbourg. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 40,000.
« Charges extraordinaires : fr. 10,000.3
- Adopté.
« Art. 21. Dendre. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 10,957 84
« Charges extraordinaires : fr. 7,000. »
M. le président. - La section centrale propose deux changements à cet article; le ministre des travaux publics a déclaré au sein de la section centrale, qu'il s'y ralliait.
La section centrale propose de transférer de la colonne des charges ordinaires et permanentes à celle des charges extraordinaires et temporaires une somme de 423 fr. 28 c.
La section centrale propose, en outre, de transférer de l'article 33 une somme de 8,000 francs qui serait ajoutée à la colonne des charges extraordinaires de l'article 21. Les deux chiffres de cet article seraient dès lors fixés comme suit :
Charges ordinaires : fr. 10,534 56
Charges extraordinaires : fr. 15,423 28
Total : fr. 25,957 84.
- L'article 21, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 22. Rupel. Travaux d'amélioration et de navigation. Charges extraordinaires : fr. 30,000. »
- Adopté,
« Art. 23. Dyle et Demer. Entretien et travaux à faire pour obvier aux inondations de la Dyle et du Démer.
« Charges ordinaires : fr. 13,000.
« Charges extraordinaires : fr. 100,000. »
- Adopté.
(page 1124) « Art. 24. Senne. Loyer d’une maison éclusière à Vilvorde : fr. 250. »
- Adopté.
« Art. 25. Canaux de Gand à Ostende. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 27,279.
« Charges extraordinaires : fr. 41,000. »
- Adopté.
« Art. 26. Canal de Mons à Condé. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 10,000.
« Charges extraordinaires : fr. 18,284. »
- Adopté.
« Art. 27. Canal de la Campine. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 30,530.
« Charges extraordinaires : fr. 13,000. »
M. Loos. - Messieurs, je demanderai à Mi le ministre des travaux publics s'il ne compte pas faire achever, dans le cours de la campagne, le canal de la Campine.
Un capital de 8 millions a été enfoui dans ce canal; il est de la plus haute importance que le canal s'achève promptement, afin que l'Etat en retire une recette quelconque. Aujourd'hui les 8 millions qui ont été consacrés à ce canal ne produisent pas 25,000 fr. C’est donc un capital tout à fait mort. Il est urgent de faire cesser cet état de choses.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, je reconnais toute l'importance de l'objet dont vient de parler l'honorable membre. L'achèvement du canal de la Campine est, à mes yeux, un des premiers travaux qui devront être exécutés; car, dans son état actuel, le canal, n'établissant pas une communication complète entre la Meuse et l'Escaut, est à la fois stérile pour le commerce et pour le trésor. Mais je dois déclarer que je ne vois pas la possibilité de demander à la législature les ressources nécessaires pour faire exécuter cet ouvrage pendant le cours de 1849.
La section centrale a remercié le ministre des travaux publics d'avoir été ménager des finances de l'Etat ; il faudra nous donner des ressources si l'on veut que nous exécutions des travaux. Le canal d'Herenthals est évalué à 2,400,000 fr.; mais, selon des prévisions que je crois plus justes, la dépense atteindra la somme de 3 millions.
M. Loos. - La chambre vient d'entendre les explications de M. le ministre des travaux, publics, desquelles il résulte que pour rendre productif un capital de 8 millions qui reste improductif, il faut faire une nouvelle dépense de 3 millions. Je demande si un particulier, dans une semblable situation, ne s'empresserait pas de faire ce complément de dépense pour obtenir un produit des plus importants, qui compensera certainement la dépense qu'on pourra faire. M. le ministre a dit que tant qu'il n'y aurait pas communication de la Meuse avec l'Escaut, les dépenses faites seraient improductives, tandis qu'on pourrait s'assurer des recettes importantes si l'on pouvait consacrer la somme nécessaire à l'achèvement du canal de la Campine.
M. Osy. - Pour cette année, il n'y a pas moyen d'achever le canal de la Campine et de rendre productives les sommes déjà dépensées. Mais il vient de se former à Anvers une grande société pour l'exploitation des bruyères. Je crois que le gouvernement l'aura vu avec plaisir et qu'il ne tardera pas à approuver les statuts de cette société. Nous avons adressé au gouvernement une pétition pour demander qu'il donne des facilités pour le transport des engrais. Je demanderai à M. le ministre des travaux publies s'il a examiné la question ; la mesure réclamée serait très avantageuse aux grands travaux qu'on va faire.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je répondrai à l'honorable membre que j'ai examiné la question, et que je suis favorable à la mesure d'une manière générale. Tout ce qui pourra être fait pour favoriser l'agriculture, faciliter le transport des engrais, je suis disposé à le faire. Je tâcherai de soumettre une proposition à la législature dans un avenir prochain.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est entendu que ce sera pour tout le monde qu'on fera la réduction.
- L’article 27 est mis aux voix et adopté.
« Art. 28. Canal d'embranchement vers Turnhout. Entretien et travaux d'amélioration.
« Charges ordinaires : fr. 9,000.
« Charges extraordinaires : fr. 7,500. »
- Adopté.
« Art. 29. Petite-Nèthe canalisée.
« Quatrième annuité à payer à la province d'Anvers : fr. 50,000.
« Entretien et travaux d'amélioration : fr. 19,000.
« Charges ordinaires : fr. 10,000.
« Charges extraordinaires : fr. 59,000. »
- Adopté.
« Art. 30. Canal de Moervaert. Entretien ordinaire : fr. 1,840. »
- Adopté.
« Art. 31. Ouvrages établis pour améliorer le régime des eaux du sud de Bruges. Entretien : fr. 9,860. »
- Adopté.
« Art. 32. Canal de Deynze à Schipdonck. Travaux d'entretien ordinaire : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 33. Travaux aux voies navigables de second ordre, frais d'études et de levées de plans, achat et réparation d'instruments : fr. 15,000. »
M. le président. - La section centrale propose de supprimer du libellé les mots : « Travaux aux voies navigables de second ordre. » M. le ministre a déclaré se rallier à cette modification du libellé. Le chiffre de 15,000 francs doit être réduit à 7,000 par suite du transfert de 8,000 francs qui a été fait à l'article 21.
L'article 33, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté. A
« Art. 34. Entretien des bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 35. Subside à allouer à la direction du polder de Lillo. Charges extraordinaires : fr. 1,500. »
- Adopté.
« Art. 36. Entretien et travaux d'amélioration du port d'Ostende.
« Charges ordinaires : fr. 43,450.
« Charges extraordinaires : fr. 84,000. »
M. le président. - La section centrale propose aux charges ordinaires et permanentes une augmentation de 3,700 francs. La province de la Flandre occidentale avait supporté jusqu'ici une partie de la dépense d'entretien des écluses de Slykens; M. le ministre des travaux publics, saisi d'une réclamation de la part de la province, a pensé qu'il était juste que la dépense entière fût supportée par l'Etat. La section centrale, admettant les motifs énoncés par M. le ministre, a adopté la proposition du gouvernement.
- L'article 36, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
« Art. 37. Entretien et travaux d'amélioration du port de Nieuport.
« Charges ordinaires : fr. 15,933 33.
« Charges extraordinaires : fr. 19,000. »
- Adopté.
« Art. 38. Entretien et travaux, d'amélioration de la côte de Blankenberghe.
« Charges ordinaires : fr. 79,900.
« Charges extraordinaires : fr. 7,783 96. »
- Adopté.
Article 39
« Art. 39. Entretien des phares et fanaux : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Art. 40. Traitement des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées et des ingénieurs et conducteurs adjoints à ce corps. - Frais de bureau et de déplacement : fr. 587,867. »
M. de Renesse. - D'anciens fonctionnaires des ponts et chaussée s qui ont été détachés au service des provinces se sont adressés à M. le ministre des travaux publics pour faire valoir leurs droits à la pension de retraite. Leur demande n'a pas été accueillie, parce que les années passées au service des provinces n'entrent pas en compte pour la liquidation de la pension. L'honorable ministre, que j'ai entretenu de cette affaire, m'a dit qu'il l'examinerait et qu'il présenterait sans doute un projet de loi pour régler la pension de ces fonctionnaires. Ils attendent depuis deux ans. Je demanderai si ce projet de loi sera bientôt présenté.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - J'ai examiné la question dont l'honorable préopinant vient de vous entretenir. Voici la position de ces ingénieurs : Aux termes de la loi générale de 1844, on ne peut admettre à la pension que les employés faisant partie de l'administration générale et rétribués par le trésor public. Par conséquent, les ingénieurs des ponts et chaussées qui ont été au service des provinces, et rétribués par elles, bien que fonctionnaires de l'Etat, ne participent pas au bénéfice de la loi.
Il résulte de là que, dans l'état actuel de la législation, nous nous trouvons dans l'impossibilité de faire liquider les pensions des fonctionnaires dont l'honorable M. Loos vient de parler. Mais il y a li des droits qu'on ne peut s'empêcher de reconnaître, et je pense qu'il y aura lieu de soumettre aux chambres un projet de loi pour régulariser ces positions.
- L'article 40 est mis aux voix et adopté.
« Art. 41. Traitement et indemnités du personnel subalternes des ponts et chaussées, surveillants, gardes-ponts à bascule, pontonniers, éclusiers, etc. : fr. 328,933. »
- Adopté.
(page 1125) « Art. 42. Frais des jurys d'examen et voyages des élèves de l'école du génie civil : fr. 42,000. »
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures.