(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1691) M. A. Dubus. procède à l'appel nominal à deux heures.
M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
(page 1692) M. A. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Dupont demande l'abolition du droit de timbre sur les lettres de voiture et propose de le remplacer par un droit de timbre, progressif en raison du poids expédié. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au timbre obligatoire pour les effets de commerce. »
« Plusieurs habitants de Seneffe, Feluy et Bois d'Haine demandent qu'il soit permis de faire usage de bricoles pour détruire les lièvres. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Vielsalm réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la construction de la route de Salm-Château à la baraque de Huldange. »
- Même renvoi.
« Quelques habitants de Charleroy demandent que la garnison de cette ville soit augmentée. »
- Même renvoi.
« Le sieur Filleul réclame l'intervention de la chambre pour qu'il soit donné suite à des plaintes d'abus de confiance qui ont été déposées au parquet du tribunal de première instance à Courtray. »
- Même renvoi.
Par messages du 16 mai, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi qui augmente d'une somme de 800,000 fr. les crédits alloues pour la construction du canal latéral à la Meuse ; le projet de loi qui proroge le délai d'achèvement des travaux du chemin de fer concédé de Marchiennes à Erquelinnes ; et le projet de loi qui supprime le deuxième canton de justice de paix de la ville d'Audenarde et le prunier canton de justice de paix de la ville de Nivelles.
- Pris pour notification
M. de Brouckere. - Messieurs, dans la séance du 27 avril dernier, le gouvernement a présenté à la chambre un projet de réforme postale.
L'article 6 de ce projet porte :
« Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi, qui deviendra obligatoire le 1er janvier 1849. »
En présence de cette disposition, messieurs, quatre sections se sont prononcées pour l’ajournement du projet, et ont exprimé l'opinion qu’il fallait en réserver l'examen à la prochaine législature. La section centrale a partagé cet avis à l'unanimité, et a chargé son rapporteur d'en conférer avec M. le ministre des travaux publics. C'est d'accord avec lui et au nom de la section centrale que je vous propose l'ajournement de l'examen et de la discussion de ce projet.
M. Gilson. - Je suppose que la section centrale ne considère pas sa mission comme terminée, et qu'elle se réserve d'examiner le projet en lui-même.
M. le président. - L'examen du projet sera fait à la prochaine session.
M. de Brouckere, rapporteur. - Il est évident que si la chambre ajourne l'examen du projet, il sera de nouveau renvoyé aux sections par la législature prochaine. Il sera examiné par les sections, ensuite par la section centrale et ce n'est qu'après ce double examen que le projet sera discuté en séance publique.
- Les conclusions de la section centrale sont mises aux voix et adoptées.
M. David. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de votre commission d'industrie sur la pétition du sieur Coupigny, fabricant épurateur d'huiles, qui demande que les lies et fèces d'huiles de foie de morue cessent d'être assimilées, quant aux droits d'entrée, aux huiles dont elles proviennent.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.
M. Cogels. - Messieurs, une pétition de l'administration communale d'Ath demandant le remboursement de ses déboursés et frais de différentes instances qu'elle a soutenues, pour l'Etat, contre divers créanciers, avait été renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à un crédit supplémentaire de 2,500,000 francs. La chambre a statué sur le projet ; mais non sur les conclusions de la section centrale relatives à cette pétition.
La section centrale avait conclu au renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications. Ce sont ces conclusions que je viens, au nom de la section1 centrale, soumettre à la décision de la chambre.
- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. Gilson. - Messieurs, je viens déposer, au nom de la commission permanente d'industrie, un rapport sur la pétition adressée à la chambre par plusieurs ingénieurs, fabricants et inventeurs et tendant à ce que l'on discute le projet de loi sur des brevets d'invention rédigé à la demande de M. de ministre de l'intérieur et publié par M. le directeur du Musée de l'industrie dans le Bulletin de cette institution.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport. Elle fixera ultérieurement le jour de la discussion.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je m'expliquerai sur chacun des articles.
M. Osy. - Messieurs, en examinant le rapport de la section centrale sur le crédit pour dépenses arriérées du ministère de l'intérieur, nous y trouvons malheureusement encore des indices de ce qui s'est passé depuis trois années dans d'autres ministères. Il y a des crédits pour des sommes dues depuis 4 ans, du chef d'objets qui n'ont jamais été examinés par la chambre.
Je vois au n°8 que, nonobstant qu’on ait eu de la peine en 1842, d'obtenir la somme de 30,000 francs pour les fêtes nationales, on a tous les ans dépassé cette somme de 9 à 11,000 francs, et jamais on ne nous a donné connaissance de ce fait ; c'est maintenant que M. le ministre a trouvé toutes ces sommes dans l'arriéré, et de ce chef seul il demande 32,000 fr. Quant à moi, je ne puis consentir à ce crédit supplémentaire.
A l'article 2 on demande une somme de 21,000 fr. pour les courses de chevaux. Comme nous votons une somme de 325,000 fr., pour encouragements à l'agriculture, ce n'est pas au gouvernement de faire les frais des courses de chevaux. Si le gouvernement veut donner des subsides à la société, c'est bien, mais le gouvernement fait réellement le ménage de cette société. Le gouvernement a même alloué annuellement 3,000 fr. pour location du terrain, et une indemnité permanente au secrétaire. Si la société a un secrétaire, ce n'est pas au gouvernement à lui donner un traitement : C'est là un second objet que je ne pourrai pas voter.
Au n°9, il y a une indemnité de 6,000 fr. pour l'expertise des tableaux et autres objets repris de la ville de Bruxelles. En 1844 on a demandé la même somme et nous avons voté les 6,000 fr. pour l'expert du gouvernement. Aujourd'hui, après quatre ans, on demande encore six mille francs pour un expert. Je suis persuadé qu'il y a double emploi, et la section centrale a très bien fait de refuser ce crédit.
A l’article 13, il y a une somme pour les traitements arriérés d’un ancien conseiller d'Etat ; eh bien, messieurs, si un conseiller d'Etat est resté au service des Pays-Bas après le 1er septembre 1830, son traitement tombe à la charge de la Hollande, et la Belgique n'a pas à le payer depuis notre séparation.
Je crois donc avec la section centrale qu'il y a lieu de rejeter cette somme.
- La discussion générale est close. On passe aux articles.
« Art. 1er. Frais résultant d’actes et diligences en matière de listes électorales (article 7 de la loi du 1er avril 1847) : fr. 2,270 23. »
- Adopté.
« Article 2. Frais des courses de chevaux : fr. 21,011 29. »
M. Osy. - Cette dépense n'est pas le fait de M. le ministre de l'intérieur actuel. Je demanderai à M. le ministre si son intention est de se borner, par la suite, à donner un subside à la société.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les 21,00 fr. demandés au deuxième paragraphe, n'ont pas été consacrés aux dépenses des courses proprement dites ; ce supplément de crédit est relatif à des dépenses de construction et d'appropriation de terrains qui ont eu lieu les années antérieures, et qui ne pouvaient pas rentrer dans les dépenses à attribuer à la société même. C'est, messieurs, pour éviter que cette imputation n'ait lieu sur le budget de l'agriculture qui est lui-même insuffisant, que je me suis décidé à demander un crédit supplémentaire.
Je reconnais que le gouvernement n'a pas à intervenir dans ce que l'honorable préopinant appelle les affaire de ménage de la société. J'ai cru que pour éviter à l'avenir toute espèce de crédits supplémentaires, la voie la plus régulière serait d'accorder un subside à la société de Bruxelles, ainsi qu'à deux ou trois autres sociétés qui existent dans le royaume. Au moyen de ces subsides, il faudra que ces diverses sociétés couvrent les frais des courses.
Mais, messieurs, repousser aujourd’hui les 21,000 fr., ce serait exposer la chambre future à devoir délibérer de nouveau sur ce crédit. Beaucoup de créanciers qui, la plupart, sont des artisans, attendent depuis (page 1693) assez longtemps la liquidation de ces sommes. Je crois qu'après les explications qui ont été données, et avec la certitude que la législature ne sera plus saisie à l'avenir de demandes de crédits supplémentaires pour cet objet, je crois, dis-je, que la chambre doit, encore cette année, voter celui qui est réclamé.
- Le paragraphe 2 est mis aux voix et adopté après une double épreuve par asses et levé.
« Art. 3. Primes aux agents de la force publique pour constatation de délits de chasser : fr. 3,500. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais d’expertise de pertes résultant des événements de la guerre de la révolution : fr. 215. »
« Art. 5. Frais de l’exposition des produits de l’industrie nationale : fr. 47,000. »
« Art. 6. Indemnités à des industriels, à titre de remboursement de droits d’entrée, payés par eux pour des métiers destinés à introduire de nouvelles industries dans le pays : fr. 15,000. »
« Art. 7. Jurys d’examen : fr. 30,800. »
- Ces articles sont successivement adoptés
« Art. 8. Fêtes nationales : fr. 32,297 09. »
M. le président. - La section centrale propose une réduction de deux mille francs.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement se rallie, il y a eu un double emploi de deux mille francs.
M. Osy. - Après la paix avec la Hollande, j'ai proposé de ne plus continuer les fêtes nationales. Ma proposition a été rejetée à une faible majorité. Mais le ministre s'est engagé à ne pas dépasser le crédit de 30 mille Francs ; nonobstant, nous voyons d'après les pièces que les crédits ont été dépassés en 1844 de 9,237 fr. 60 c. ; en 1845, de 11,190 fr. 07 c. ; en 1846 de 9,868 fr. 42 c, tandis que M. le ministre actuel a pu faire les fêtes de 1847 avec la somme votée au budget ; C'est le ministre actuel qui a trouvé ces dettes arriérées qu'on n'avait pas jusqu'alors osé avouer. Je ne puis admettre cette marche. Si nous devons constamment voter des crédits pour dépenses arriérées, il est inutile que nous votions des budgets. Déjà pour le département des affaires étrangères, j'ai proposé de laisser la dépense au compte des ministres qui les ont ordonnées ; ici la somme n'est pas forte, les ministres pourront la payer, nous devons saisir cette occasion pour donner une leçon afin qu'à l'avenir, cela ne se présente plus.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, ainsi que l'a dit l'honorable préopinant, pour l'année 1847, les crédits alloués au budget de l'intérieur ne seront pas dépassés ; les ordres les plus précis avaient été donnés à cet effet aux employés de l'administration. Je puis donner l'assurance qu'aucun crédit supplémentaire ne sera demandé pour 1848. Je dois à la justice de dire que si, en 1847, les crédits ont été suffisants, c'est que j'ai pu mettre à profit les dépenses faites les années antérieures, notamment pour le matériel des illuminations. C’est là une des principales parties de nos fêtes ; ce matériel pourra servir encore pour les années postérieures. Je reconnais qu'il y a des inconvénients graves à augmenter les dépenses de l'Etat par des demandes de crédits supplémentaires, alors que ces dépenses ont été réglées dans les budgets après mûr examen. Il faut, autant qu'on le peut, éviter d'avoir recours à ces moyens qui ne sont agréables ni pour la chambre, ni pour le ministère.
A mesure que nous avançons dans la voie constitutionnelle, beaucoup de choses qui dans le passé ne se régularisaient pas facilement se régulariseront de plus en plus. J'espère que nous finirons par arriver à des dépenses, tout à fait normales, que les crédits supplémentaires ne seront plus que ce qu'ils doivent être, c'est-à-dire destinés à pourvoir à des dépenses extraordinaires causées par des faits que l'on n'a pu prévoir à l’époque de la confection du budget.
Ici je ferai la même observation que pour l’article courses de chevaux. Il s’agit aussi de dettes à payer. La somme de 30,000 fr., je ne la crois pas trop élevée pour la destination qu’on lui donne. Dans le principe, l’allocation était de 40,000 fr. On l’a réduite à 30,000 fr. Il a été entendu par les chambres et par le gouvernement que cette somme ne devrait plus être dépassée et ne donnerait plus lieu à des demandes de crédits supplémentaires.
C'est la raison qui m'a déterminé à en demander un pour régulariser les exercices antérieurs.
M. de Theux. - Ainsi qu'on l'a dit, depuis plusieurs années, le crédit pour les fêtes nationales était insuffisant. C'est à tort que l'honorable M. Osy a supposé que c'est avec intention qu'on l'aurait laissé ignorer à la chambre. Quand je suis entré au ministère, j'ai demandé l'état de tous les crédits qui étaient dépassés. Celui-ci ne m'a jamais été signalé. En 1846, il y a eu déficit. Mais cela tient à ce que l'administration du Parc ayant refusé le matériel des illuminations, on a été entraîné à des dépenses extraordinaires que le chef de service a pris sur lui d'ordonner par urgence.
J'ai toujours à cœur que les crédits ne soient pas dépassés. Dès les premiers jours de mon entrée au ministère,- j'ai donné au secrétaire général un ordre de service portant que jamais les crédits ne devaient être dépassés. Cet ordre de service a été renouvelé plusieurs fois. C'est contre mes intentions que le crédit des fêtes de septembre a été dépassé. Cela tient à la circonstance que je viens d'indiquer et en raison de laquelle il y a lieu, je pense, d'allouer le crédit proposé.
- Le n°8° est adopté avec le chiffre de 30,297 fr. 90c.
« Art. 9. Indemnité au sieur Heris pour expertise des tableaux et objets d'art du Musée : fr. 6,000. »
M. le président. - La section centrale propose le rejet de ce crédit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La section centrale a proposé de rejeter ce crédit, parce que, antérieurement, la chambre a voté un crédit de la somme destinée à l'expert qui a procédé à l'expertise du musée de Bruxelles, destiné au gouvernement.
La somme demandée est destinée à un expert qui n'avait pas adressé de réclamations jusque dans ces derniers temps.
L'intéressé, ayant connu les difficultés que faisait la section centrale pour l'admission de cette allocation, a désiré lui-même que cette demande fût ajournée, afin que l'on puisse fournir des explications ultérieures à la nouvelle chambre, à laquelle une demande de crédit pourra être faite.
Je consens donc, à la demande de l'intéressé, à retirer provisoirement la demande de ce crédit.
« Art. 10 (devenant 9). Encouragement à la vaccine : fr. 211 72. »
- Adopté.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'aurai un article additionnel à proposer ultérieurement. J'avais envoyé à la section centrale une demande de crédit supplémentaire relative au service de santé. Elle sera probablement restée au greffe et n'aura pas été remise à la section centrale. Il s'agit d'une somme assez considérable ; elle est de 40,000 fr. ; des dépenses extraordinaires ont dû être faites dans les communes des Flandres attaquées par le typhus. J'ai épuisé le crédit de 1848, de sorte qu'il ne me reste aucune espèce de ressource pour le service sanitaire en général. Je regrette que la section centrale ne se soit pas occupée de cet objet qui est très important et très urgent.
Je demanderai que la section centrale veuille bien faire un rapport spécial sur ce crédit, à moins que la chambre ne veuille le voter directement sur les explications que je fournirai.
M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, la demande de crédit dont vient de parler M. le ministre de l’intérieur n'a pas été communiquée à la section centrale dont je suis rapporteur ; Cependant il est de fait que la dépêche qui y est relative a été adressée par M. le ministre pour être remise à la section centrale.
Quoiqu'il en soit, messieurs, je pense que l'on pourrait renvoyer cette nouvelle demande à la section centrale et d'ici à demain, si M. le président veut bien la convoquer, je me charge de présenter le rapport à l'assemblée.
M. le président. - On pourrai remettre à demain le vote sur l’ensemble et comprendre ce crédit dans la loi actuelle.
« Art. 11 (devenant 10). Loyer de l’hôtel situé rue des Sables, n°13, précédemment occupé par la commission des indemnités, et actuellement par diverses administrations ressortissant au ministère de l’intérieur : fr. 6,989 25. »
- Adopté.
Article 1 (12°)
« Art. 12 (devenant 11). Arrérages de pension due aux enfants de feu le colonel de la Fontaine, ancien gouverneur civil et militaire de Banca (Indes orientales) : fr. 15,197 44. »
- Adopté.
« Art. 13 (devenant 12). Traitement arriéré dû au sieur de Bousies, ancien conseiller d’Etat : fr. 4,232 80. »
(page 1694) M. le président. - La section centrale propose la suppression de ce paragraphe.
- Le paragraphe est supprimé.
Articles 1 (14° à 17°)
« Art. 14 (devenant 12). Exposition agricole de 1847 : fr. 1,624 80. »
- Adopté.
« Art. 15 (devenant 13). Frais d'appropriation des locaux du Conservatoire royal de musique de Bruxelles et frais d'acquisition de pianos : fr. 8,786 47. »
- Adopté.
« Art 16 (devenant 14). Service vétérinaire, conseil supérieur et commission d'agriculture : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 4,553. »
- Adopté.
« Art. 2. Il est ouvert au département de l'intérieur, pour l'exercice 1848, un crédit supplémentaire de sept mille francs (fr. 7,000) pour frais d'appropriation des musées royaux.
Ce crédit formera l'article premier du chapitre XXIII de ce budget.
- Adopté.
« Art. 3. Un crédit de ving-cinq mille francs (25,000 fr.) est ajouté à l'allocation votée à l'article 3 du chapitre XVI du budget de 1848, pour les encouragements à l'agriculture.
- Adopté.
M. le président. - Avant de passer au vote sur l'ensemble, nous attendrons le rapport de la section centrale sur la nouvelle demande de crédit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Outre le crédit pour le service sanitaire, j'ai demandé aussi un supplément de crédit de 8,480 fr. pour dépenses relatives à la falsification de la graine de lin .Cette demande devra également être examinée par à la section centrale.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - M. le président, je me prononcerai sur ce point au fur et à mesure que ces articles seront mis en discussion.
M. le président. - En ce cas la discussion s'établit sur le projet du gouvernement.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Les marchandises étrangères, déposées dans les entrepôts publics, conformément à la loi du 4 mars 1846, ainsi que les marchandises indigènes, dont le gouvernement aura autorisé l'admission dans ces entrepôts, ou dans des locaux réunissant les conditions nécessaires, peuvent être cédées ou données en nantissement à des tiers. »
M. le président. - La section centrale propose la rédaction suivante ;
« Art. 1er. Des titres de possession (warrants), transmissibles par voie d'endossement, pourront être délivrés pour les denrées ou matières premières, déposées dans les entrepôts francs ou publics, conformément à la loi du 4 mars 1846.
« Le gouvernement pourra admettre, dans des magasins spéciaux dépendant de ces entrepôts, ou dans d'autres locaux offrant les garanties nécessaires, des marchandises indigènes destinées à jouir du bénéfice de la disposition qui précède. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, la section centrale a cru qu'il était convenable de diviser l'article premier en deux dispositions distinctes dont l'une s'appliquerait aux marchandises indigènes et l'autre aux marchandises étrangères. En second lieu, elle désire que, pour les marchandises étrangères, le projet de loi ne s'applique qu'aux matières premières et aux denrées.
Messieurs, il est toujours entré dans les intentions du gouvernement de ne pas comprendre les produits fabriqués étrangers dans l'application de la loi. Un projet de loi, plus complet que celui qui est présenté, était déjà préparé dans ce sens dans les bureaux de l'administration, et s'il n'a pas été soumis à la chambre, c'est parce qu'il n'avait pas encore reçu une instruction tout à fait complète, et en second lieu que, comme il contient un très grand nombre d'articles, il eût été difficile d'en aborder utilement la discussion avant la fin de la session. Je ne trouve donc pas d'inconvénient à me rallier à la proposition de la section centrale. Au fond la disposition est là même que l'article proposé par le gouvernement ; elle n'en diffère en quelque sorte que par la forme.
- L'article tel qu'il est proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L'art. 2 du projet de la section centrale est ainsi conçu : « Ces titres sont extraits d'un registre à souche et timbrés au droit fixe de 3 fr. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Le gouvernement se rallie à cette proposition.
- L'article 2 du projet de la section centrale est adopté.
« Art. 3 (du projet de la section centrale). L'endossement détermine le droit de propriété ou le droit de garantie qu'il confère. Il reste soumis aux conditions prescrites par le paragraphe 6, titre VIII, livre premier du code de commerce. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, il y a une omission dans cet article. Il faudrait dire, «par le paragraphe 6, titre VIII, section première, livre I, du code de commerce. » C'est le mot « section première » qui a été omis.
M. Tielemans. - Messieurs, l'addition que vient de proposer M. le ministre des affaires étrangères ne change absolument rien à la disposition de l'article 3 ; mais il serait beaucoup plus simple et plus facile pour ceux qui ont l'habitude d'appliquer ou de consulter les lois, de mentionner les articles auxquels on renvoie.
Je proposerai donc de dire «.... aux conditions prescrites par les articles 136, 137, 138 et 139 du code de commerce. »
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 4 (3 du projet du gouvernement). Le comptoir d'escompte, institué par l'article 5 de la loi du 20 mars 1848, pourra affecter le quart de son capital à des prêts sur récépissés de marchandises ou sur d'autres valeurs à désigner par le gouvernement.
« Les récépissés pourront être compris au nombre des garanties stipulées à l'article 7 de la même loi. »
La section centrale propose la rédaction suivante :
« Le comptoir d'escompte institué par l'article 5 de la loi du 20 mars 1848 pourra affecter le quart de son capital à des prêts sur titres de possession de marchandises.
« Les titres de possession pourront être compris au nombre des garanties stipulées par l'article 7 de la même loi. »
M. Cans. - Je proposerai, messieurs, d'ajouter le mot « indigènes » à la fin du premier paragraphe. Le comptoir d'escompte ne peut prêter que sur marchandises indigènes, car sans cela tout son capital ne suffirait peut-être pas aux prêts qu'on pourrait lui demander, rien que sur marchandises déposées à l'entrepôt d'Anvers. Il est indispensable que le quart du capital du comptoir d'escompte, que l'on veut consacrer aux prêts sur marchandises, soit réservé à la production du pays.
M. Mercier. - Messieurs, l'amendement de l'honorable membre rentre tout à fait dans les intentions de la section centrale, telles qu'elles sont exprimées à la page 3 du rapport. Je me rallie donc à cet amendement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le but que l'on a eu en vue en appelant les marchandises indigènes à participer au bénéfice de la loi, c'est principalement de venir en aide aux établissements industriels qui sont encombrés de produits ; par conséquent je puis me rallier très facilement à l'amendement proposé par l'honorable préopinant. Mais je ne puis pas me rallier à la proposition de la section centrale, car elle tend à supprimer une disposition que je considère comme très utile.
Le projet du gouvernement est ainsi conçu :
« Le comptoir d'escompte, institué par l'article 5 de la loi du 20 mars 1848, pourra affecter le quart de son capital à des prêts sur récépissés de marchandises ou sur d'autres valeurs à désigner par le gouvernement.
« Les récépissés pourront être compris au nombre des garanties stipulées à l'article 7 de la même loi. »
La section centrale propose de supprimer les mots : « ou sur d'autres valeurs à désigner par le gouvernement »
Je demanderai, messieurs, le maintien de ces mots et je demande même qu'on substitue l'expression de garanties à celle de valeurs. Il peut très bien arriver que certains grands établissements industriels ne puissent pas obtenir les fonds qui leur sont indispensables en ce moment-ci, au moyen de dépôts de marchandises. Il peut arriver qu'ils aient besoin de fonds plus considérables pour maintenir l'activité dans leurs ateliers, et pour donner du travail à leurs ouvriers. Dans un cas pareil, je crois qu'on doit laisser au gouvernement et au comptoir d'escompte la faculté d'ajouter à cette première somme sur dépôts de marchandises, celle qui serait indispensable, pour maintenir le travail dans ces grands établissements.
Messieurs, vous savez que nous n'avons demandé, pour venir au secours de l'industrie et pour faciliter les exportations, qu'une somme assez peu considérable, eu égard aux nombreuses demandes qui sont faites et aux besoins généraux du pays. Je crois que si l'on supprimait la disposition dont il s'agit, on restreindrait encore les facultés du gouvernement sous ce rapport. Il y a là un motif d'utilité très grande qui ne peut avoir le moindre inconvénient. En effet, la faculté, qui est accordée au gouvernement et au comptoir d'escompte est limitée dans les deux millions disponibles. Ainsi cette faculté ne pourra jamais dépasser cette limite, et il faudrait l'accord et du comptoir et du gouvernement (erratum, p. 1713) pour en faire usage.
D'après ces considérations, je crois qu'il y a lieu de maintenir la disposition.
Je proposerai même, d'après les renseignements qui me sont venus du comptoir d'escompte et des deux grands établissements de crédit, de porter un tiers, au lieu du quart du capital disponible qui pourra être appliqué à faire des prêts sur des marchandises ou sur d'autres garanties.
M. Gilson. - Messieurs, personne plus que moi n'est disposé dans (page 1695) cette enceinte à voter les sommes qui pourraient venir utilement au secours de l'industrie. Mais je ne pouvais applaudir à la mesure qui est préconisée par M. le ministre de l'intérieur.
Je ne puis savoir quelle espèce de garanties le gouvernement peut avoir en vue, mais quelles qu'elles soient, ce sera toujours quelque chose de complètement étranger à la loi des warrants. Le dépôt qui donne occasion aux warrants dans le pays où nous sommes allés prendre l'exemple de pareille mesure, se restreint d'habitude aux denrées, ou matières premières qui arrivent directement dans les entrepôts publics. Il a déjà fallu forcer les idées premières pour appliquer le système aux marchandises manufacturées, et quant à ces dernières la section centrale a fait chose très utile en la restreignant aux marchandises manufacturées indigènes. Ce n'est plus aujourd'hui le quart de la somme affectée primitivement au comptoir d'escompte, mais bien le tiers de cette somme. Eh bien, je ne cesserai de le répéter, ce n'est pas là l'emploi que je voudrais voir en faire en faveur de l'industrie.
Il ne peut pas être dans l'intention de la chambre de prêter sur hypothèque ou sur dépôt d’actions. C'était déjà trop, selon moi, de pousser aux warrants sur dépôt de marchandises manufacturées. Il n'est pas de mesure plus désastreuse que celle-là ; prêter sur dépôt de marchandises c'est secourir l'industrie sans aucune vue d'avenir, vous ne diminuez pas le trop plein existant dans le pays ; vous éloignez la crise vous ne la conjurez pas. Si vous aviez des fonds disponibles, il fallait en faire l'emploi que nous avons indiqué souvent, il fallait encourager le commerce d'exportation. C'est à peine si on trouve le gouvernement disposé à accorder quelques faibles sommes pour les mesures que nous persistons à considérer comme les seules efficaces.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable préopinant a d'abord attaqué l'article en discussion à un point de rue en quelque sorte artistique ; il trouve qu'il s'harmonise mal avec les autres articles de la loi, que nous avons eu tort de le présenter comme une conséquence des articles précédents.
Messieurs, cet article n'a pas été présenté comme une conséquence du principe des warrants. Il se trouve dans la loi comme une conséquence des circonstances où nous nous trouvons. Si l'honorable préopinant tient à faire des lois parfaitement harmonieuses, il peut proposer de faire une loi spéciale de l'article en discussion ; si cela peut le satisfaire nous y consentons ; mais l'honorable préopinant s'est livré à une critique plus sérieuse et beaucoup plus injuste.
Il a prétendu que nous ne faisions rien pour l'exportation des produits de notre industrie, et qu'au lieu d'aider l'industrie au moyen des facilités nouvelles que nous allions lui offrir, il aurait fallu l'aider à exporter. Nous aiderons par tous les moyens en notre pouvoir les exportations. Mais une chose qu'il nous est impossible de faire et qu'il serait impossible à l'honorable préopinant, malgré sa spécialité, d'exécuter, ce serait d'exporter des produits vers des contrées qui les repousseraient, qui n'en voudraient pas, vers des consommateurs qui ne les payeraient pas. Ce n'est pas ce genre d'exportation que l'honorable préopinant veut encourager.
Eh bien ! l'article en discussion a été précisément provoqué par un certain nombre d'établissements qui se trouvent dans l'impossibilité d'exporter leurs produits auxquels des commandes avaient été faites par l'étranger et n'avaient pas été prises, auxquels des promesses de payement ont été faites et n'ont pas été tenues. Sans doute, l'honorable membre ne viendra pas condamner ces industriels à faire des exportations que les consommateurs repoussent, qu'ils ne payeraient pas. Le genre d'exportation qu'il voudrait encourager, c'est l'exportation des tissus ; il n'ignore pas que des mesures ont été prises par le gouvernement pour encourager dans une sage mesure ce genre d'exportation. Son reproche a le droit de nous étonner, car il sait positivement que nous avons fait des efforts pour faire exporter les objets fabriqués susceptibles d'exportation.
Je le répète, l'article en discussion n'a pas été introduit comme conséquence du principe des warrants, mais comme une nécessité qui nous a été indiquée par les circonstances. Nous ne savons pas si cette mesure est destinée à avoir une application très étendue, si elle doit durer longtemps, mais dans la circonstance actuelle la mesure est appelée à rendre des services importants à l'industrie.
M. Gilson. - Mon observation n'avait pas d'autre but que de me reporter à un autre projet de loi qui avait pour but de créer une société d'exportation. Si cette société n'a pas été créée, c'est qu'on a donné pour motif qu'il était impossible de trouver des capitaux suffisants pour l'organiser ; et je vois employer des capitaux considérables pour un objet moins avantageux. Si nous avions eu le tiers de la somme affectée aux comptoirs d'escompte à employer aux exportations, nous serions arrivés à des résultats immenses.
Je ne sais à quels établissements M. le ministre de l'intérieur a fait allusion. Sont-ce les établissements de fil de lin qui ont besoin qu'on leur vienne en aide ? Il fallait exporter leurs produits, le gouvernement se serait exposé à des sacrifices moindres que ceux qu'il se propose de faire maintenant. :
Il n’est pas facile de prévoir quand les dépôts seront retirés, et l'état de conservation dans lequel ils se trouveront après un long séjour en magasin.
Mon intention n'a pas été, je le répète, d'adresser à M. le ministre le reproche de n'être pas venu en aide à l'industrie. Nous différons seulement sur un point du débat. Je persiste à penser que le seul moyen d'atteindre le but qu'on se propose n'est pas de parer à la crise actuelle, mais de faire encore quelque chose d'utile pour l'avenir.
J'ignore s'il me sera donné de me faire entendre encore longtemps dans cette enceinte ; mais puisque l'occasion m'en est offerte, je ne cesserai de redire que le seul moyen de diminuer l'encombrement de nos magasins, c'est de recourir aux marchés étrangers. Nul n'est mieux placé que nous le sommes pour produire bien et au plus bas prix, et nous refusons de profiter des si heureuses conditions dans lesquelles le hasard nous a placés.
M. Osy. - La section centrale a proposé de retrancher les mots « et autres valeurs » ; parce que de cette manière on aurait pu appliquer une grande partie de la somme demandée pour escompte de marchandises a un autre objet, et la somme destinée à venir en aide au commerce aurait pu être réduite à une somme très peu considérable. Le gouvernement nous proposait par le deuxième paragraphe de l'article 4, de venir au secours de l'industrie en faisant ses prêts sur récépissés de marchandises ou sur d'autres valeurs, sur la somme de 4 millions mise à la disposition du gouvernement par la loi du 20 mars. Nous pensons qu'il vaut mieux que le gouvernement se rallie à la proposition de la section centrale.
Quel a été le but de la loi actuelle ? De mettre le gouvernement à même de venir en aide à des établissements qui n'ont que des marchandises à offrir en garantie. La loi du 20 mars n'admet que les fonds publics et autres comme garanties. Il ne faut pas qu'on puisse donner une autre destination aux fonds dont il s'agit, ce qui arriverait si les mots « et autres valeurs» étaient maintenues, car on pourrait faire ces prêts sur hypothèque.
M. Delehaye. - Je regrette de ne pouvoir partager l'opinion de l'honorable député de Tournay. Il combat la proposition du gouvernement et de la section centrale comme étant plutôt nuisible que favorable à l'industrie ; il aurait voulu que la somme affectée aux comptoirs d'escompte fût employée à l'organisation d'une société de commerce. Il perd de vue que la mesure dont il s'agit a été vivement sollicitée par l'industrie de tout le pays pour favoriser le développement de la fabrication. Par cette aide à l'industrie, il ne faut pas cependant pousser le pays à la fabrication de produits qu'on ne pourrait pas vendre ; mais à côté de cela, il y a un danger plus grand, c'est celui de laisser sans travail la classe ouvrière. Si on ne lui en procurait pas, quel moyen la société d'exportation aurait-elle de lui en donner ? Supposez une société d'exportation complètement organisée comme le veut le député de Tournay, pourrait-elle faire des exportations ?
Je serais heureux que l'honorable membre m'indiquât quel est le pays où nous pouvons exporter nos produits, avec la chance d'en réaliser immédiatement le prix. Aujourd'hui quand on exporte, c'est avec la certitude de ne pas réaliser avant un long terme la valeur des produits exportés.
Quand le moment sera venu d'organiser une société d'exportation, je me joindrai volontiers à l'honorable membre pour en demander la création. Mais dans les circonstances où nous nous trouvons, cette institution ne pourrait être d'aucune utilité au pays.
Je suis heureux de pouvoir déclarer ici que le gouvernement a bien compris la situation, en donnant aux industriels les moyens de se procurer des fonds. On dit que les fonds sont sous terre. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de confiance. Que faites-vous ? A côté des effets vous placez une caution certaine, qui répond du payement.
Je ne comprends pas comment un projet si sage a pu être l'objet d'attaques aussi sévères de la part de l'honorable préopinant.
J'appuie donc le projet de loi avec les améliorations qu'y a introduites la section centrale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, il importe d'abord de bien se rendre compte de la portée de l'article 4 qui vous est proposé. Sur le capital destiné au comptoir d'escompte, il y a un excédant disponible. C'est ce qui est reconnu par les deux établissements qui ont fait les fonds pour le comptoir d'escompte. C'est ce qui résulte de la correspondance qui a eu lieu entre le ministre des finances et ces deux établissements, et de l'examen du montant des escomptes opérés jusqu'à présent. Que faut-il faire de cet excédant disponible ? Est-ce que dans les circonstances où nous nous trouvons, il n'est pas d'une haute importance de permettre, en vertu de la loi, que cet excédant soit affecté principalement aux besoins de l'industrie du pays au lieu de rester inutiles dans les caisses du comptoir ou des banques ? Or, tel est but de la disposition proposée. Ce n'est pas, comme l'a fort bien dît M. le ministre de l'intérieur, un article fondamental du projet de loi. C'est un article nécessité par les circonstances actuelles qui peut avoir une application d'une haute importance à cause de la crise que nous subissons.
Voilà la véritable portée, la véritable signification de la disposition que l'on veut supprimer.
Le projet de loi lui-même n'est qu'un projet motivé, à cause de l’urgence, sur les circonstances actuelles, puisqu'il n'a pas un caractère définitif. Si nous avions pu discuter une loi définitive, nous eussions présenté un projet plus complet. Il est entendu, par l'article dernier, que des dispositions réglementaires seront adoptées par le gouvernement et soumises à l'approbation des chambres, à la session prochaine. Le projet (page 1696) de loi n'a donc pas un caractère définitif, il reparaîtra donc avant un an sous les yeux de la législature.
Maintenant, faut-il restreindre la faculté accordée au comptoir et au gouvernement à appliquer seulement le tiers du capital à des prêts sur récépissés de marchandises ? Ou faut-il permettre que, dans certaines circonstances, le gouvernement puisse autoriser ces avances sur d'autres garanties que des warrants ? Voilà toute la question.
Je dis que, dans ce moment, dans l'intérêt public, il est sage de ne pas limiter la faculté demandée par le gouvernement. Le plus grand intérêt qui se manifeste actuellement, c'est le maintien du travail et de l’ordre public. Les événements ont fait naître, pour nous, des difficultés et même des dangers de diverses nature». Le danger politique a grandement diminué.
Après trois mois d'épreuve, où l’attachement des Belges pour les institutions libres du pays s'est manifesté d'une manière si unanime, on peut dire que la situation intérieure de la Belgique est complètement rassurante.
Mais ce qui pourrait encore faire naître les plus sérieuses difficultés, ce serait le manque de travail, ce, serait si un grand nombre d'ouvriers étaient jetés sur le pavé. C'est vers ces éventualités que doit se porter la sollicitude du gouvernement et des chambres.
C’est en vue de ces intérêts qu'on demande une faculté qui ne présente pas le moindre, inconvénient, faculté limitée au capital disponible sur les 8 millions appartenant aux deux établissements de crédit ; pourquoi donc ferait-on des difficultés à l'accorder ?
Jusqu’à présent, je dois le dire, parmi les motifs allégués contre la proposition du gouvernement, je n’en ai pas trouvé de très plausibles. Je ne comprends pas pourquoi l’on aurait des craintes, il s’agit toujours de venir en aide à l’industrie. Pourquoi limiter l’application aux prêts sur warrants ? Pourquoi ne pas admettre la faculté de prêter sur d'autres garanties, lorsqu'il y aura accord entre le gouvernement et le comptoir d’escompte, et qu'aucune charge ne peut en résulter pour l'Etat ?
Un honorable préopinant s'est élevé contre cette disposition. Il voudrait, dit-il une société d'exportation. Déjà, il lui a été répondu par mon honorable ami M. le ministre de l'intérieur. Mais, en vérité, je ne comprends pas pourquoi l’honorable préopinant est venu dire qu'il faudrait songer aux moyens d'exportation, comme si le gouvernement ne portait pas toute son attention, toute sa sollicitude vers ces moyens. Mais l'honorable M. Gilson le sait, il me l'a dit plusieurs fois, les circonstances ne sont pas favorables à l'institution d'une société de ce genre. Elle exige un capital considérable qui, d'après le projet de loi, devrait être fourni par l'Etat pour un tiers, par les particuliers pour les deux autres tiers. Or, il est évident qu'il serait impossible, dans les circonstances actuelles, de trouver le capital à former par les particuliers.
Vous ne trouveriez peut-être pas un seul souscripteur dans ce moment, quand bien même on réussirait à constituer une société d'exportation, ce qui ne pourrait avoir lieu en ce moment que sur des bases extrêmement restreintes ; serait-ce d'ailleurs un motif pour ne pas utiliser, dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, un capital disponible, comme nous le faisons, et de créer l'institution des warrants ? Il faudrait, dans tous les cas, un temps bien long avant que cette société pût fonctionner utilement et largement pour l'industrie du pays et le placement de ses produits. Je suis donc surpris des reproches de l'honorable préopinant. Il sait parfaitement qu'on s'occupe activement, dans certaines limites tracées par les crédits disponibles des moyens d'exportation pour les produits de nos branches d'industrie qui sont le plus atteints par la crise actuelle. Je crois donc que la chambre agirait très sagement en donnant au gouvernement la faculté qu'il demande. Cette faculté ne présente aucun inconvénient.
Remarquez d'ailleurs que l'institution des warrants ne doit pas seulement puiser son utilité dans les ressources que lui fournira le comptoir d'escompte. Au moyen, des titres de possession, on pourra s'adresser aux capitalistes, aux établissements de crédit, pour obtenir des prêts.
Si cette institution est organisée sagement, comme le gouvernement se propose de le faire, en ne lui donnant pas de suite de trop larges proportions, je crois qu'elle inspirera beaucoup de confiance ; que les établissements de crédit, les banquiers, les capitalistes accepteraient facilement ce mode de prêt et de placement.
C’est dans cette confiance, c'est dans l'extension du crédit public que réside l'utilité de l'institution ; on ne doit pas la voir dans un seul article, le moins important de la loi qui vous est soumise.
M. Rousselle. - L’honorable ministre des affaires étrangères a proposé d’insérer dans l’article 4 du projet de la section centrale les mots : « et autres garanties ». Je désire que l'on s’explique très positivement sur ces mots : « autres garanties ». J’ai entendu dire que le comptoir d'escompte pourrait fournir des fonds sur des actions industrielles. S'il en est ainsi, je m'opposerais à l'addition proposée par M. le ministre. Car, messieurs, une discussion récente vous a prouvé que tous les embarras de notre situation financière viennent particulièrement de ce qu'un grand établissement de crédit a immobilisé ses capitaux. Or, ici on ferait pour le comptoir d'escompte ce que tout le monde a blâmé pour ce grand établissement de crédit.
Je désire donc que M. le ministre veuille bien s'expliquer sur la portée des mots « et autres garanties ».
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je crois qu'il importe de ne pas limiter en désignant les garanties qui doivent servir de nantissement ; mais je ne pense pas que des prêts seront faits sur les garanties dont vient de parler l'honorable préopinant. Nous avons en effet un exemple frappant des inconvénients graves qui peuvent résulter des avances sur des actions industrielles.
Le gouvernement, messieurs, y mettra toute la sollicitude nécessaire ; lorsqu'on lui présentera des garanties, il aura soin d'en examiner la valeur. Le comptoir d'escompte et les deux grands établissements qui fournissent le capital auront un intérêt au moins aussi grand que le gouvernement à voir si ces garanties sont suffisantes. Vous avez donc une double action, celle du gouvernement et celle des deux grands établissements financiers pour vous rassurer complètement sur la proposition qui vous est faite.
M. Osy. - Messieurs, je .désirerais savoir de M. le ministre' des affaires étrangères si par les mots « et autres valeurs », il entend que des prêts seront faits sur hypothèque. Nous avons intérêt à ne pas immobiliser les fonds du comptoir d'escompte. Quand vous faites des prêts sur warrants, vous êtes certain de faire des rentrées fixes ; mais si l'on peut prêter sur hypothèque, la somme de 2,500,000 fr. sera tellement vite absorbée que dans peu de temps le comptoir d'escompte ne fera plus rien ; et quand pourrons-nous retirer le papier monnaie ?
Je demande donc une explication. Comme j’ai eu ‘honneur de le dire, outre les deux millions qui nous ont été demandés par l'article 5 de la loi du 20 mars, une somme de 4 millions a également été mise à la disposition du gouvernement par l'article 7. Si le gouvernement veut employer ces 4 millions en prêts sur hypothèque, je ne m'y opposerai pas ; mais je ne veux pas qu'il donne cette destination aux 2 millions mis à sa disposition pour les warrants.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Il est évident, messieurs, que par le mot « garanties », on entend également les propriétés immobilières. Mais je ferai remarquer à la chambre qu'elle ne doit par renfermer l'utilité de l'institution des warrants dans les deux millions de l'article 4 ; ce serait lui donner une trop faible portée. Ce ne sera pas au comptoir qu'on ira, en général, chercher les prêts ; ce ne sera qu'une véritable exception.
Evidemment, messieurs, si l'on vous eût proposé le projet de loi dont il s'agit sans y insérer la disposition relative au comptoir d'escompte, vous l'eussiez accepté sans faire la moindre observation. Cela est tellement vrai que la disposition qui a figuré dans le projet des entrepôts ne contenait aucune disposition de ce genre. C'est tellement vrai encore qu'il n'y a aucune disposition de ce genre ni en France ni en Angleterre. L'article 4 ne renferme qu'une disposition de circonstance, dans le but de venir au secours de l'industrie. Y a-t-il utilité quelconque à limiter l’action du gouvernement ? Je ne le crois pas.
Si vous limitez l'action du gouvernement, vous l'empêchez de venir, au secours de grands établissements industriels qui n'auront pas une quantité suffisante de marchandises en magasin pour pouvoir se procurer les fonds nécessaires.
Je ne pense pas que telle puisse être l'intention de la chambre. Toujours elle a engagé le gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour venir au secours du travail industriel ; plusieurs fois on lui a reproché de ne pas prendre des mesures suffisantes. Or, lorsque nous vous proposons une mesure dans ce but, comment voudrait-elle la repousser ?
L'honorable M. Osy dit : Si l'on fait des avances sur propriétés immobilières, vous n'aurez plus le mouvement de fonds et les rentrées que présente le comptoir d'escompte. A cela je réponds que le comptoir d’escompte conserve un capital qui, d'après les précédents et tous les renseignements, paraît suffisant pour ses opérations. C'est pour cela que nous avons cru pouvoir disposer du tiers de son capital : et en supposant qu'une partie de cet excédant de capital soit employée de manière qu'elle ne se reproduise pas comme pour l'escompte, il sera satisfait à tout ce qu’on peut désirer en matière d’escompte, par votre caisse, par les deux grands établissements qui se trouvent à Bruxelles, et par d’autres encore, qui se constituent dans ce moment.
M. Cogels. - Messieurs, c'est principalement de l’institution des warrants que nous nous occupons ; et cependant ce qui ne devait être ici que l’accessoire est devenu le principal. Quand nous avons institué le comptoir d’escompte, nous l’avons institué comme mesure transitoire, et dans l’intention de suppléer à l’absence des escompteurs ordinaires et des grands établissements qui avaient été obligés de restreindre leurs escomptes.
D'après les explications qui viennent d’être données par M. le ministre des affaires étrangères, je crois qu’il fait absolument maintenir la suppression proposée par la section centrale, sinon nous autorisons le gouvernement à dénaturer ce comptoir d’escompte, à le paralyser en grande partie, à donner aux fonds une toute autre destination que celle que nous avons voulu leur donner dans le principe.
En effet, si une partie des fonds destinés à former le comptoir d’escompte devaient être donnés en prêts sur hypothèques ou devaient même être donnés en avances sur actions industrielles, quelque bonne, quelque excellentes, que soient ces actions, vous immobiliserez une partie des capitaux du comptoir d'escompte et vous manquerez complètement le but que vous avez voulu atteindre. Car une hypothèque ne peut se réaliser immédiatement. Les avances aux établissements industriels, dans la position où ils se trouvent maintenant, seraient des avances de (page 1697) très longue durée, et dont vous ne pourriez opérer le recouvrement d'ici à longtemps. Des actions industrielles données en nantissement pourraient être un gage suffisant. Mais ce serait un gage inexécutable, et par conséquent, il manquerait le but que vous voulez atteindre par le gage et qui est de suppléer au défaut de solvabilité immédiate de la part du débiteur.
Pourquoi, messieurs, a-t-on introduit cet article dans la loi relative aux warrants ? C'est tout bonnement pour étendre le bienfait du comptoir d’escompte aux prêts temporaires sur marchandises. Eh bien, si nous adoptions la proposition du gouvernement, nous dépasserions ce but, nous nous occuperions d'autre chose que des warrants, nous introduirions, à l'occasion d'un projet de loi sur des warrants, une modification dans la loi qui établit le comptoir d'escompte. .Si tel était le but qu'on se propose, il faudrait faire une loi spéciale et donner en quelque sorte au comptoir d'escompte une organisation toute nouvelle ; mais en ce moment nous avons à nous occuper exclusivement des warranté et dès lors il faut absolument adopter la proposition de la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, lorsque nous avons proposé .la disposition qui nous occupe, nous l'avons fait dans le but de venir en aide à certains établissements industriels très considérables qui ne pouvaient espérer, dans les circonstances actuelles, de trouver les fonds nécessaires à l'entretien d'une partie de leurs ouvriers, que par le dépôt de certaines valeurs, que le comptoir d'escompte n'accepterait pas aujourd'hui. Nous voulons parler de valeurs immobilières. Nous demandons pour le gouvernement la faculté de pouvoir autoriser certains établissements à faire au besoin des emprunts, sur hypothèque. Nous croyons que des raisons d'ordre public se rattachent à cette disposition.
Nous ne voulons pas faire abus de ce moyen. Nous repoussons très souvent des réclamations qui nous sont adressées de divers côtés et qui s'appuient sur des raisons d'ordre public ; et lorsque nous venons demander, nous-mêmes, des mesures dans l'intérêt du travail et de l'ordre, c'est que nous y sommes déterminés par de puissantes considérations. Nous ne pouvons pas entrer dans des détails plus précis ; nous nous bornons à dire à la chambre que nous considérons cette mesure comme indispensable au maintien du travail dans certains grands établissements industriels. (Interruption.) Je ne pense pas que l’honorable M. Cogels puisse mettre en doute ce que j'avance. S’il désire des explications plus détaillées, je les lui donnerai en particulier.
Du reste le gouvernement aura à rendre compte de l’usage qu'il aura fait de cette disposition ; mais nous la maintenons comme indispensable. Si vous vouliez ne l'accorder qu'avec la restriction proposée par la section centrale, nous préférerions la suppression de l'article. Alors nous agirions d'autorité sur les comptoirs d'escompte pour les contraindre à prêter sur hypothèques dans quelques circonstances où ce moyen serait jugé indispensable.
Nous espérons que la section centrale n'insistera pas pour nous imposer cette restriction.
M. Cogels. - Je n'ai pas le moins du monde révoqué en doute les assertions de M. le ministre de l'intérieur sur l'utilité de venir en aidé à certains établissements ; mais ce que je conteste, c’est que le comptoir d'escompte doive être amené à le faire par le moyen que M. le ministre a en vue. Ce serait dénaturer le but de cette institution ; ce serait faire commettre au comptoir d'escompte la faute qui a entraîné un grand établissement dans la position où il se trouve et par suite de laquelle nous avons dû porter une loi que nous avons votée avec tant de répugnance.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - L’honorable préopinant me semble ne pas avoir saisi le sens de la disposition soumise à la chambre. Il ne s'agit pas le moins du monde de dénaturer l'institution du comptoir d'escompte, puisqu'il restera pour ce comptoir un capital reconnu suffisant pour l'escompte proprement dit, reconnu suffisant par l’établissement lui-même. Ensuite, il va lui venir en aide un autre établissement d'escompte formé dans la capitale par des particuliers, sous le titre d'Union du crédit. Il y a de plus les deux grands établissements qui s’y trouvent, et qui sont disposés à entrer de plus en plus dans une voie d'escompte plus large que celle qu'ils avaient suivie autrefois.
Quant à l'institution nouvelle des warrants, la question que nous discutons est très accessoire.
Les deux millions dont le comptoir d'escompte pourra disposer sont destinés principalement à venir en aide à l'industrie, c'est là l'affectation la plus utile qu'il puisse avoir.
M. Mercier. - Messieurs, les dispositions de l’article 4 du projet sont tout à fait indépendantes au système des marrants en lui-même ; elles ont cependant une similitude avec ce système, en ce qu’elles tendent également à venir en aide à l’industrie. L'amendement proposé à cet article par le gouvernement est plus étranger encore à ce système et je partage l'opinion qu'une pareille mesure aurait mieux trouvé sa place dans un projet spécial ; mais comme un nouveau projet ne pourrait probablement plus être vote avant notre séparation, je crois, je parle en mon nom seulement, sans vouloir en rien engager la section centrale dont je suis le rapporteur, je crois, dis-je, que par les motifs graves que MM. les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères viennent d'exposer et, eu égard aux circonstances où nous nous trouvons, il serait sage de passer sur certaines irrégularités dans la forme du projet de loi ; je donnerai donc mon vote à la disposition qui autorise à faire des prêts sur garants hypothécaires.
M. Osy. — Je suis disposé, messieurs, à concourir autant qu’il est en mo à toute mesure qui tend à venir en aide à l’industrie ; mais je désire qu’il y ait au moins régularité et que chaque branche sache à quoi s’en tenir.
La première proposition consistait à affecter à l’objet dont il s’agit le quart du capital du comptoir d’escompte, c’est-à-dire de donner deux millions pour l’industrie et le commerce au moyen de l’escompte sur warrants.
Maintenant la proposition de M. le ministre des affaires étrangères la porte du quart au tiers. Mais si plusieurs établissements ont besoin de secours, il ne restera que 600,000 fr. Comme il reste des fonds disponibles sur les 4 millions, je désire savoir, si on ne pourrait pas au moyen de ces fonds venir au secours des établissements dont a parlé M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je puis répondre au renseignement demandé par l'honorable M. Osy. Le crédit de quatre millions de l'article 7 de la loi du 20 mars dernier a reçu une application pour la moitié ; les deux autres millions ne sont pas employés, mais engagés ou promis, à quatre ou cinq cent mille francs près. Ils ne sont pas encore prêtés, parce que les garanties demandées par le .gouvernement et les établissements financiers n'ont pas été régularisées, ni toutes les formalités remplies.
Plusieurs honorables membres de cette assemblée savent que ces affaires sont encore en instruction pour 5 à 6 localités, de sorte qu'on doit considérer les 4 millions de l'article 7 comme employés à peu de chose près, et rien ne pourrait en être distrait pour les établissements industriels, auxquels il s'agit de pouvoir venir aussi en aide. Si le crédit était de 5 millions au lieu de quatre, il suffirait à tous les besoins révélés jusqu'ici. D'un autre côté, les 8 millions du comptoir d'escompte laissent une très grande marge ; on pourrait en détacher les trois cinquièmes, suivant l'avis de personnes fort au courant, sans se trouver au dépourvu pour l'escompte. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de craindre que le gouvernement autorise des prêts sur dépôts d'actions industrielles, quelques bonnes qu'elles soient. Il n'y aura que trois sortes de garanties, des titres de possession ou warrants, les fonds belges et l'hypothèque. Les circonstances même que nous traversons font naître des nécessités auxquelles, dans l'intérêt de l'ordre, il est très désirable que le gouvernement puisse pourvoir. C'est dans ce but qu'il vous demande une certaine latitude et qu'il insiste pour que l'amendement de M. le ministre des affaires étrangères passe dans la loi. Il n'a que cette occasion unique pour le faire.
L’inconvénient de l'immobilisation du capital indiqué par l'honorable M. Cogels existe déjà par l’article 8 de la loi du 20 mars 1848, puisque l'hypothèque y est nominativement admise ; il ne recevra qu’une légère extension pour une partie de la somme, qui sans cela pourrait rester sans emploi. D'ailleurs on a soin de fixer un terme rapproché pour le remboursement, et toutes les facilités qui sont accordées sur la loi du 20 mars ont un caractère tout à fait temporaire comme la loi elle-même.
M. Lebeau. - L'hésitation de la chambre à se prononcer tient plutôt à une question de forme qu'à une question de fond ; je crois même que cela tient à une confusion de texte, à ce que l'article 4 n'est pas l'objet d'un projet de loi spécial. Le vote que le gouvernement vous demande ne peut pas avoir pour effet, cette considération domine tout, d'augmenter les charges du trésor ;i l n'engagera pas le trésor vis-à-vis de l'industrie ; c'est tout simplement de réduire momentanément le capital des comptoirs d'escompte à 6 millions, de détourner 2 millions de l'application primitive. Quand M. le ministre vient-vous déclarer que le capital des comptoirs d'escompte n'est pas épuisé, qu'il ne le sera pas de quelque temps encore, qu'on peut en faire un usage immédiatement utile, indispensable, dans les détails duquel il est impossible d'entrer en séance publique, parce qu'on porterait préjudice à ceux qu’on veut aider, et qu'en définitive il ne peut en résulter aucune aggravation pour le trésor, il est évident que ce n'est qu'un défaut de forme qu'on reproche et qu'on peut reprocher à la proposition ; je suis d'avis qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter et que nous devons voter le projet.
M. Rousselle. - Quand la chambre a voté une émission de 20 millions de billets par la Société Générale, j'ai compris que ces 20 millions devaient dégager la caisse d'épargne de ses obligations les plus urgentes, et en même temps, par une conséquence de ce dégagement, ménager les moyens d'assurer le service des établissements industriels. Je l'ai compris ainsi, je l'ai voté de la même manière. Lorsque la chambre a alloué une somme de 8 millions pour fonder un comptoir d'escompte, son intention a été d'assurer les besoins journaliers de l'industrie et surtout les besoins du petit commerce qui était en souffrance et ne trouvait pas facilement à escompter ses effets aux deux grands établissements de crédit du pays.
Maintenant, on nous dit que le comptoir d'escompte a un capital trop considérable. Mais pourquoi cela ? Parce que les affaires sont arrêtées dans le petit commerce comme dans la grande industrie ; mais si, ce que nous espérons, les affaires reprenaient, on devra avoir plus souvent recours à l'escompte, et les 8 millions du comptoir trouveraient facilement à se placer pour les besoins de l'industrie et du petit commerce. La section centrale avait consenti à ce qu'on détachât le quart des 8 millions, pour prêts sur warrants. Maintenant le gouvernement demande que ce soit le tiers, et que l'on puisse appliquer tout ou partie de ce tiers sur des immeubles et des actions industrielles. L'effet de cette proposition sera de diminuer considérablement les moyens de venir au secours du (page 1698) petit commerce, puisque l'on immobiliserait une grande partie du capital du comptoir d'escompte.
Le projet, en l'autorisant à placer sur warrants, comme dans la première loi on indiquait qu'il ferait des prêts sur effets négociables et sur des fonds publics, ne permettait pas d'immobiliser le capital assigné à l'escompte ; il ne faisait qu'étendre le service du comptoir dans l'intérêt du commerce et de l'industrie ; les warrants sont réalisables à des termes prochains ; mais si au contraire vous voulez prêter sur immeubles ou sur actions industrielles, comme vous ne pourrez pas réaliser quand vous voudrez, vous aurez immobilisé une partie de votre capital ; et lorsque les besoins du petit commerce exigeront un escompte plus étendu, vous devrez de nouveau recourir à la chambre.
Il faut s'arrêter dans cette voie pleine de périls. La chambre ne peut livrer toujours les fonds de l'Etat, la garantie de l'Etat pour sauver de la gêne les industries privées ; vous finiriez par mêler l'Etat à toutes les affaires des particuliers ; et telle ne peut être votre intention.
Je bornerai là mes observations. Si le gouvernement avait déterminé une somme de 2 à 300,000 fr. pour cet emploi, je l'aurais peut-être votée, mais dans les termes généraux où la disposition se présente je serai forcé de voter contre.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - L'honorable préopinant se trompe sur le sens de la loi votée récemment par la chambre relativement à l'émission de 20 millions de papier-monnaie. Il pense que cette loi avait non-seulement pour objet de venir en aide aux caisses d'épargne, mais encore de venir au secours des établissements industriels ; il l'a votée, dit-il, dans la pensée que tel était le but du projet de loi. La loi n'est pas équivoque, elle porte qu'il sera fait une émission de 20 millions de billets affectés uniquement au service de la caisse d'épargne. Ce mot « uniquement »se trouve dans le texte de la loi. Il est bien clair qu'en venant en aide à la Société Générale grevée par la caisse d'épargne, on venait indirectement en aide aux établissements industriels, car en dispensant la Société Générale de remplir ses obligations envers la caisse d’épargne, on lui permettait ainsi de disposer de ses ressources pour les établissements industriels.
Maintenant, quant à la disposition proposée par le gouvernement, l'honorable membre la combat par le motif qu'il ne faut pas immobiliser les capitaux du comptoir d'escompte ; que le vice reproché à la Société Générale est d'avoir immobilisé ses capitaux et d'avoir été dans l'impossibilité de faire face aux échéances successives. L'objection manque de fondement.
Si on proposait de donner en prêts sur immeubles, la partie nécessaire à l'escompte, on dirait avec raison qu'on va paralyser le comptoir d'escompte. La position est toute différente. On constate en fait que les besoins de l'escompte, au lieu de réclamer 8 millions, n'en réclament que 5 ; si le capital est excessif, on peut en disposer d'une autre manière ; il ne sert pas à l'escompte. Qu'on le prête sur un immeuble ou autrement, peu importe, puisque ce qui ne doit pas être immobilisé sera suffisant pour les opérations de la banque. A cela on répond : Si le capital est plus que suffisant, c'est que les affaires sont restreintes ; si elles reprenaient, il deviendrait bientôt insuffisant. Mais il est impossible que les affaires reprennent d'un côté sans reprendre de l'autre ; si elles reprennent pour ceux qui vendent et achètent, elles reprendront nécessairement aussi pour ceux qui font des prêts, et le comptoïr d'escompte sera surabondant ; quelque soit son capital, toutes choses restant d'ailleurs dans les mêmes conditions, il constituera encore un excès sur l'état de choses antérieur. Ainsi, dans l'hypothèse indiquée, le capital du comptoir d'escompte ne serait pas insuffisant.
Veut-on supposer que les affaires ne reprennent pas, qu'elles se trouvent dans une situation moins favorable encore qu'aujourd'hui ? Que voulez-vous que l'on escompte alors ? Et à quoi bon laisser improductifs soit dans le comptoir, soit dans les deux grands établissements financiers du pays, trois ou quatre millions qui pourraient être utilement employés ?
Quant à placer la disposition dans un projet spécial, c'est une question d'art législatif, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur. Le gouvernement vous dit : Permettez qu'on dispose de telle somme : on en disposera de deux manières : d'abord une portion continuera à servir à l'escompte, en prenant le récépissé comme seconde ou troisième signature ; si d'autres besoins urgents se révèlent, que des établissements ou des particuliers offrent des garanties soit en immeubles, soit en dépôts de marchandises ou de fonds publics, le gouvernement pourra opérer des prêts et venir utilement en aide à ces grands intérêts dont vous êtes tous préoccupés, que vous cherchez à protéger de toute manière depuis les derniers événements. C'est rentrer dans l'esprit qui a fait voter ces fonds qui sans cela seraient improductifs.
M. de Brouckere. - Je crois que l'honorable membre se trompe quand il dit que la chambre n'est arrêtée que par une question de forme. Un grand nombre de membres hésitent devant une difficulté très réelle. En effet, si nous adoptons l'article 4 tel qu'il est formulé par le gouvernement, il en résultera que le gouvernement, à l'aide des fonds qui ont été votés antérieurement avec un usage déterminé, pourra établir une sorte de banque foncière ; il pourra prêter sur hypothèque ; c'est là un régime tout nouveau. Tout le monde sait combien les prêts faits sur hypothèque rentrent difficilement et surtout combien il faut de temps pour récupérer ses fonds. Il résultera de cet article que le gouvernement pourra prêter sur dépôt d'actions industrielles, car aucun membre du cabinet n'a pris d’engagement contraire ; on dit qu'il n'est pas probable que ce cas se présente, mais en votant l'article 4 vous aurez autorisé le gouvernement à prêter sur dépôt d'actions industrielles ; c'est encore un système nouveau.
Je doute que ce système soit bon. Ainsi ce n'est pas devant une question de forme mais devant des difficultés fort réelles que la chambre hésite.
On nous dit que les 8 millions affectés aux caisses d'escompte ne sont pas nécessaires pour cet usage, qu'il suffit de 3 ou 4 millions maintenant pour cet objet ; si 2 ou 3 millions restent disponibles, je ne sache pas que le pays soit disposé à s'en plaindre ; moins le gouvernement sera forcé d’émettre de billets, plus je serai satisfait. Il ne suffit pas qu'il y ait des fonds disponibles pour que j'en permette le détournement. Est-il bien constaté que ces fonds ne seront pas nécessaires prochainement pour la caisse d'escompte, si les grands établissements continuent à faire les escomptes comme ils les ont faits jusqu'à présent ?
La caisse créée à l'aide des billets dont l'émission a été autorisée le 20 mars, pourra suffire au besoin avec 4 millions, je veux le croire. Mais oserait-on garantir que le plus grand de nos établissements de crédit continue longtemps à faire l'escompte ? Pour ma part, j'en doute. Je suis persuadé de sa bonne volonté et de son désir de venir au secours du commerce. Mais la position qui lui a été faite me laisse un doute très sérieux sur le point de savoir si cette caisse ne se verra pas obligée d'ici à quelque temps d'employer à l'escompte tous les fonds qui ont été mis à sa disposition.
Alors les 8 millions que nous avons votés ne seront plus à sa disposition, puisque nous allons en distraire 3 millions. Nous pourrions bien alors voir le gouvernement demander l'allocation d'une nouvelle somme pour ajouter à celles qui ont été affectées à l'escompte ; et je me sens assez peu disposé à concourir par mon vote à une mesure de ce genre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je ne dirai plus que quelques mots sur une question qui a déjà été longuement discutée. Je veux faire observer seulement que l'opinion développée par l'honorable préopinant tend à ce résultat qu'on ne devrait pas accorder la faculté d'utiliser certaine partie du fonds du comptoir d'escompte, non seulement pour prêts sur toute espèce de garantie, mais même pour prêts sur warrants.
L'honorable M. de Brouckere croit que le capital de 8 millions n'est pas trop élevé, qu'il pourra recevoir une entière destination par l'escompte. Il est à cet égard d'une opinion tout à fait différente de celle des établissements qui ont fourni le capital et du gouvernement qui a présenté le projet de loi.
Si cette opinion prévalait, non seulement il ne faudrait pas autoriser le gouvernement à prêter sur garanties ; mais il ne faudrait pas même disposer de deux millions pour prêter sur warrants. Cette opinion n'a été partagée, ni par la section centrale, ni par aucun des honorables préopinants.
Il ne s'agit donc que de savoir si le capital qui doit être affecté à des prêts sur warrants pourra, dans certaines circonstances données, s'appliquer à des prêts sur d'autres garanties.
Ce qui paraît faire hésiter l'honorable préopinant, c'est qu'il semble redouter que de semblables avances soient faites sur actions industrielles. Si c'est là seulement le motif qu'a l'honorable membre pour s'opposer à l'article, je n'hésite pas à le faire cesser en déclarant que des prêts semblables n'auront pas lieu si cette espèce de garantie, quoiqu'elle puisse être fort bonne.
Cependant je persiste à penser qu'il serait préférable de laisser au gouvernement une certaine latitude, que dans l'intérêt de même de l'industrie, il ne faut pas leur lier les mains.
Voici ce que disait un des hommes les plus à même d'apprécier quel est le capital nécessaire au comptoir d'escompte. C'est le chef de l'un de nos principaux établissements financiers. Il disait :
« J'en ai l'intime conviction, les deux banques continuant à escompter simultanément, il sera de toute impossibilité de trouver un emploi analogue pour la dotation entière du comptoir J'ai eu l'honneur de vous en avertir, dès le principe, M. le ministre ; une expérience de dix ans me permettait de m'exprimer à cet égard en toute assurance. »
Ainsi, d'après l'autorité que je viens de signaler, il y aurait impossibilité de trouver utilement emploi des 8 millions, si on les laisse dans les termes de la loi du 20 mars dernier.
Il est donc très important de distraire, pour lui donner une destination utile, une partie du capital du comptoir d'escompte. C'est un secours qu'il ne faut pas négliger pour traverser la crise que nous subissons.
M. Cogels. - Je commence par répondre à M. le ministre des affaires étrangères que les prêts sur warrants rentrent dans le cercle des opérations d'un comptoir d'escompte ; car ce sont des prêts faits au commerce. Les warrants représentent des marchandises. Les marchandises représentent une deuxième ou troisième signature. Presque toujours, elles sont réalisables ; car rien n'est aussi réalisable que des marchandises. Comme on ne les prend que pour une partie de leur valeur, en cas d'insolvabilité du débiteur on peut exécuter le gage, qui est immédiatement réalisable. On ne peut en dire autant des hypothèques et des actions industrielles.
J'ai demandé la parole principalement pour répondre à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics perd de vue que le comptoir (page 1699) d'escompte n'a guère plus de deux mois d'existence, qu'il n'a donc pu prendre encore tous les développements qu'il pourra prendre par la suite.
S'il y a des plaintes de la part du commerce et de l'industrie, ce n'est pas que la somme affectée à l'escompte soit trop considérable. C'est au contraire parce qu'elle menace d'être insuffisante.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur les opérations du comptoir d'escompte et des deux établissements de crédit qui en fournissent les fonds pour se convaincre que les opérations de ces deux établissements pour leur propre compte ont été plus considérables que celles du comptoir d’escompte.
Ainsi nous voyons, par le dernier tableau, que les deux établissements de crédit ont escompté, l'un pour 6,400,000 fr., l'autre pour plus de six millions, tandis que les deux établissements de crédit, réunis en comptoir d'escompte, n'ont escompté que pour 2 millions environ.
Mais, ainsi que l'a fait observer l'honorable M. de Brouckere, le temps n’est pas loin où l'un de ces établissements devra restreindre ses escomptes.
Avant l'établissement du comptoir, avant l'événement du 24 février, la Société Générale a eu il y a peu d'années en portefeuille pour plus de 15 millions de valeurs ; la Banque de Belgique pour plus de 12 millions. Quoique les circonstances ne fussent pas aussi difficiles, le commerce se plaignait de ce que ces établissements ne lui rendaient pas tous les services qu'il était en droit d'exiger d'eux. Effectivement, si vous jetez un coup d'œil, je ne dirai pas sur les opérations de la Banque de France et de la Banque d'Angleterre, mais sur les opérations des banques tout à fait modestes de Marseille, Lille, Bordeaux et Lyon, créées à un capital de quelques millions, vous verrez que la banque de Marseille a escompté autant qu'aucun des nôtres, que la banque de Lyon, avec un capital comparativement insignifiant, a escompté plus que nos deux banques réunies. Voilà ce qui justifie les plaintes du commerce.
M. le ministre des travaux publics nous dit : Puisque ces sommes sont disponibles, peu importe que l'on les immobilise. Je ne dis pas peu importe, parce qu'ainsi vous immobilisez vos billets. Quand vous aurez décidé le rétablissement de la circulation ordinaire, que vous aurez fait cesser le cours forcé des billets, que vous les aurez déclarés remboursables, il faudra bien aviser aux moyens de les retirer de la circulation. Ce n'est pas au moyen d'actions industrielles que vous y parviendrez.
Il y a donc un danger extrêmement grand à immobiliser le capital du comptoir d'escompte ; car, ne nous le dissimulons pas, nous avons beaucoup d'établissements industriels qui sont embarrassés, qui ont des besoins ; mais l'Etat belge a également des besoins. Quand on est embarrassé soi-même, il est beau, sans doute, d'être généreux ; mais il ne faut prêter des secours que lorsqu'on le peut ; avant d'en prêter, il est extrêmement sage de calculer ses propres ressources.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je déclare que l'intention du gouvernement n'est pas d'engager le comptoir d'escompte à prêter sur dépôts d'actions industrielles. Je répète la déclaration faite par M. le ministre des affaires étrangères ; et cependant je n'entends pas jeter d'une manière inopportune une défaveur sur tout ce qui est action industrielle. Je ne pense pas qu'il entre dans l'intention de la chambre de venir déprécier par son vote tout ce qui est action industrielle.
M. de Brouckere. - Non ! non !
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Alors pourquoi cette défiance pour tout ce qui est action industrielle ? Pourquoi vouloir interdire au gouvernement de prêter sur dépôts d'actions industrielles ? Parmi ces actions il y en a de bonnes et de mauvaises. Je crois qu'il n'y a aucun inconvénient à prêter sur de bonnes actions.
Du reste nous prenons volontiers l'engagement de ne pas permettre que le comptoir d'escompte prête sur actions industrielles. Les honorables membres peuvent ainsi être rassurés.
Nous déclarons également que notre intention n'est pas d'engager le tiers du capital du comptoir d'escompte dans des prêts purement hypothécaires, qu'une partie seulement de ce tiers du capital pourra être consacrée, dans certaines circonstances urgentes, à des prêts hypothécaires. Il ne s'agit pas donc d’immobiliser les 2,700,000 fr. dont le comptoir d'escompte pourra disposer. Mais nous demandons que la chambre n'empêche pas le gouvernement de venir en aide à des établissements industriels qui n'auraient d'autre garantie à offrir que des hypothèques ; et en fait de garanties, j'avoue que jusqu'ici j'ai considéré les hypothèques comme valant bien de simples signatures.
Nous reconnaissons, messieurs, la nécessité de mobiliser le plus possible le capital ; mais nous reconnaissons aussi la nécessité d'entretenir autant que possible le travail ; et il y aurait inconséquence de la part de la chambre, lorsqu’elle veut donner au gouvernement les moyens d’entretenir le travail, de lui refuser le droit de prêter sur des garanties hypothécaires. La chambre ferait ici de l’administration.
Ici, messieurs, notre résolution est tellement précisé à cet égard, que si l’on voulait même limiter par l’article la somme qui pourrait être prêtée sur hypothèque, nous y consentirions ; mais ce serait encore là faire de l'administration. L'indication d'un chiffre aurait, en outre, un autre inconvénient : c'est que le gouvernement serait plutôt porté à atteindre la limite fixée par la loi qu'il ne l'atteindra si on lui laisse à cet égard toute latitude.
Noos sommes convaincus, autant que chacun de vous peut l'être, de la nécessité de ne pas immobiliser imprudemment les capitaux qui peuvent être rendus disponibles pour le commerce de tous les degrés par les opérations du comptoir d'escompte ; nous n'agirons que sous l’empire de la nécessité ; nous le ferons avec mesure, avec prudence et j'espère que la chambre ne persistera pas à vouloir apposer une restriction que nous repoussons comme pouvant amener de graves embarras.
M. de Brouckere. - Messieurs, il serait fâcheux qu'on pût croire au dehors que la chambre, et même une fraction minime de la chambre, a voulu jeter du discrédit sur les actions industrielles. Cela n'entre dans les intentions de personne ; mais si l'on consent à ce que le gouvernement prête sur marchandises, et non sur dépôt d'actions industrielles, c'est que les marchandises sont toujours vendables, et que les actions industrielles, quelque bonnes qu'elles soient, ne pourraient être vendues. Prêter, dans des circonstances difficiles, sur actions industrielles, c'est immobiliser le capital, et c'est ce que nous voulons empêcher.
M. Loos. - Je crois que le premier vice de l'article 4, c'est de se trouver dans une loi avec laquelle il n'a aucun rapport.
Cet article 4 ne se trouve nullement justifié par l'exposé des motifs, et je vous avoue qu'en venant dans cette enceinte, je ne m'attendais pas à devoir exprimer mon opinion sur l'utilité qu'il peut y avoir à prêter sur valeurs immobilières. Le gouvernement nous a démontré, dans l’exposé des motifs, l'utilité qu'il pouvait y avoir à prêter sur dépôts de marchandises ; mais il ne nous a pas dit un mot des prêts hypothécaires.
Toutefois je ne veux pas contester l'utilité qu'il peut y avoir dans ce moment, afin d'entretenir l'activité dans certains établissements industriels, à faire des avances même sur valeurs immobilières ; seulement je vois qu'une disposition semblable ne devrait pas se trouver dans la loi en discussion, comme je crois qu'on ne devrait pas écrire dans cette loi que le comptoir d'escompte peut prêter sur warrants. Les warrants sont des valeurs de commerce et d'industrie, et je ne crois pas qu'une nouvelle disposition soit nécessaire pour que le comptoir d'escompte puisse prêter sur ces valeurs.
Ainsi, messieurs, je me trouve très embarrassé. Je serais très disposé à accorder au gouvernement les moyens nécessaires pour entretenir l'activité dans les établissements industriels, et cependant, je ne puis voter l'article tel qu'il est proposé. Je voudrais que le gouvernement en fît l'objet d'une loi spéciale que nous pourrions discuter demain. Les explications données aujourd'hui viendront abréger cette discussion, et le gouvernement pourra nous exposer, nous faire comprendre plus clairement les besoins qui existent, de prêter sur valeurs immobilières à certains établissements industriels.
M. Lys. - Le gouvernement nous- a dit qu'on avait trop d'argent dans la caisse du comptoir d'escompte, qu'on ne pouvait l'utiliser. Je désirerais savoir s'il a été satisfait à la demande de la ville de Verviers tendante ce que le prêt qui lui a été fait, soit porté de 150 à 240,000 fr. Toutes les garanties nécessaires ont été offertes par le gouvernement ; il n'y a donc pas pour lui la moindre chance de perte.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - C'est sur une garantie toute particulière que des avances ont été faites à la ville de Verriers. Ces avances ne sont pas imputées sur le fonds du comptoir d'escompte ; mais elles le seront sur le fonds réservé de 4 millions où sur celui de 2 millions voté au département de l'intérieur.
J'aime à croire que les arrangements pris avec la ville de Verviers ont été reconnus satisfaisants par les intérêts de cette localité dont l'esprit, je me plais à lui rendre ce témoignage, a toujours été excellent. Cette ville a été la première à faciliter au gouvernement les moyens de lui venir en aide ; les principaux-négociants ont fourni leurs signatures En outre Verviers est venu en aide au gouvernement en pétitionnant que l'emprunt fût voté. Je suis heureux de saisir cette occasion pour rendre hommage au patriotisme de ses habitants.
- La clôture est prononcée.
L'amendement de M. Cans est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de la section centrale.'
M. Malou. - Je demanderai la division, c’est-à-dire que l’on vote sur le point de savoir si ce sera le tiers ou le quart du capital qui pourra être affecté aux prêts dont il s’agit.
- La chambre décide que le tiers du capital pourra être affecté à ces prêts.
L’amendement de la section centrale ainsi modifié est ensuite mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La proposition du gouvernement est adopté.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.