(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1672) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs administrations communales dans la province de Brabant demandent que le gouvernement permette à leurs administrés, moyennant une indemnité, de couper les herbages et d'enlever les feuilles dans la forêt de Soignes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Gosselies présentent des observations contre le projet de loi qui rend l'emploi du papier timbré obligatoire pour les effets de commerce. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Quelques habitants de Courtray demandent que le mandat de conseiller provincial ou de membre de la députation permanente de la province, soit déclaré incompatible avec les fonctions d'agent de la banque. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la réforme parlementaire.
« Le sieur Verstraete, ancien sergent-fourrier, congédié pour infirmité contractée au service, prie la chambre de lui faire accorder un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Deleslré propose de frapper du droit d'un franc tout pied d'arbre se trouvant à une distance rapprochée d'une récolte. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Grammont prie la chambre de rejeter le projet de loi qui autorise le gouvernement à mettre à la disposition de la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Tournay a Jurbise et de Saint-Trond à Hasselt, les deux millions déposés à. titre de cautionnement du chemin de fer et du canal de la vallée de la Dendre et demande que le gouvernement fasse commencer ces travaux ou que le cautionnement soit appliqué à d'autres travaux d'utilité publique dans l'arrondissement d’Alost. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui proroge le délai d'achèvement des chemins de fer concédés dé Tournay à Jurbise et de Saint-Trond à Hasselt.
« Les sieurs Orban, Richard Lamarche et autres membres du comité des charbonnages liégeois présentent des considérations en faveur de la demande tendant à ce que les deux millions de cautionnement déposés par la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg soient employés à l'exécution du canal de Meuse-et-Moselle depuis Liège jusqu'à la Roche. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Broquet-Goblet. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi portant prolongation du délai accordé à la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Jurbise à Tournay pour la construction de ce chemin.
- Le rapport sera imprimé et distribué.
La chambre le met à la suite de l'ordre du jour.
M. Maertens. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur une demande de crédit supplémentaire pour le département de l'intérieur.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.
M. de La Coste. - Messieurs, comme nous approchons probablement de la fin de la session, je demanderai s'il y a quelque difficulté à faire publier le plus tôt qu'il sera possible, afin que la chambre future puisse s'en occuper dans l'intervalle des sessions, le rapport de la commission qui a été nommée pour examiner la question des octrois. Je demanderai aussi si l'on ne pourrait pas y joindre la publication de l’enquête administrative faite par le ministère précédent qui a consulté les administrations provinciales.
Un double intérêt justifiera de ma part la demande que je forme. D'un autre côté, m'étant plus d'une fois occupé de cette question, je désirerais qu'elle put être examinée de la manière la plus complète ; en second lieu, l'opinion que j'ai émise en la qualité que j'exerçais à l'époque de l'enquête ayant été mentionnée dans une brochure qui a paru sous le nom du président de la commission, j'attache du prix à ce que cette opinion soit connue dans tous ses développements.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la commission qui a été nommée pour s'occuper de la révision des octrois, m'a remis son rapport, il y a peu de jours. J'ai prévenu le désir de l'honorable député de Louvain, en ordonnant l'impression de ce rapport, ainsi que de toutes les annexes, par la voie du Moniteur. Il fera en outre l'objet d'une publication spéciale. J'espère pouvoir d'ici à quelque temps faire distribuer ce document à MM. les représentants.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi ayant pour objet d'accorder une prolongation de délai à la compagnie du chemin de fer de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
- Ce projet de loi sera imprimé et distribué.
La section centrale le renvoie à l'examen des questions.
M. Lys (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le rapport sur la loi des incompatibilités est distribué depuis avant-hier au soir ; je demanderai qu'il soit mis à l'ordre du jour après ceux qui y sont déjà.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande que le projet de loi d'incompatibilités parlementaires vienne à la suite de tous les autres projets qui y sont déjà. C'est par ce projet que nous devons terminer les travaux de la session.
S'il ne se présente pas d'autres projets urgents, il gardera la place qu'il occupe maintenant- ; mais s'il en vient, je demanderai qu'on leur donne la priorité.
M. Lys. - Il est impossible de préjuger une semblable question ; nous ne savons quel projet peut être présenté ; la chambre jugera si les objets qui pourront survenir méritent la préférence ; mais tant qu'ils ne sont pas connus, nous ne pouvons pas prendre de décision en ce qui les concerne.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'insiste pour que la loi des incompatibilités soit le dernier objet mis en discussion.
M. Orban.- Il ne peut être entendu, par l'adoption de cette proposition, que nous préjugions l'examen de tous les projets qui ont été présentés à la chambre ; on a présenté des projets qui à raison de leur importance ne peuvent pas être discutés et votés par la chambre actuelle. Nous sommes dans un moment où la chambre n'est pas en mesure de s'occuper sérieusement de projets sérieux ; vouloir lui faire discuter des projets de cette nature, c'est vouloir étrangler la discussion, puisque l'époque de la dissolution ou de l'ajournement de la chambre est très rapproché. On pourrait fixer la discussion de la loi des incompatibilités à la suite des projets dont la chambre est en mesure de s'occuper, dont les rapports sont faits et mis à l'ordre du jour ; mais on ne peut pas décider qu'on ne la discutera qu'après les autres projets qui pourront être présentés ou dont les rapports ne sont pas faits.
(page 1673) M. Le Hon. - Si je conçois bien la proposition de M. le ministre, elle a pour but de renvoyer à la fin de nos travaux le projet de loi le plus important, parce qu'il est certain que la chambre restera au complet jusqu'après la discussion et le vote de ce projet. Si donc des rapports étaient faits sur des propositions reconnues assez urgentes pour ne pas pouvoir être ajournées, elles prendraient place dans l'ordre du jour avant la réforme parlementaire.
C'est une simple réserve de priorité pour le cas d'urgence, s'il s'en présente.
J'appuie donc la proposition de M. le ministre de l'intérieur dans cet unique but : l'efficacité et la régularité de nos travaux.
M. Orban. - Je demande qu'on mette le projet de loi sur la réforme parlementaire à la suite des objets qui sont déjà à l'ordre du jour.
M. le président. - C'est le maintien de la décision de la chambre.
M. de Brouckere. - On pourrait, en effet, la maintenir avec cette réserve, que si d'autres rapports qui ont été déposés jusqu'à présent étaient prêts avant que le projet de loi sur la réforme parlementaire fût mis en discussion, ces rapports auraient la priorité. Voilà, je pense, dans quel sens a été faite la proposition.
S'il en est ainsi, je l'appuie.
Mais on ne serait pas admis à demander que la chambre chômât certains jours de cette semaine, uniquement pour tenir en réserve la discussion sur le projet de loi de réforme parlementaire. Je ne pense pas, au reste, que ce soit l'intention de M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nullement. Ma pensée a été parfaitement expliquée par l'honorable membre. Je n'ai rien à ajouter à ses développements.
Un rapport vient d'être déposé par l'honorable M. Maertens, sur un crédit supplémentaire au département de l'intérieur pour les exercices antérieures à 1848. Je demande que la discussion de ce projet de loi précède la discussion de celui des incompatibilités. Lorsque de nouveaux rapports seront déposés, je demanderai également la priorité pour la discussion de ces rapports.
- La chambre, consultée, maintient le projet de loi sur les incompatibilités parlementaires à l'ordre du jour avec celle restriction qu'elle pourra donner la priorité de discussion à des projets de loi sur lesquels les rapports seraient déposés et qui pourraient être discutés immédiatement.
M. Sigart. dépose un rapport de la commission des naturalisations.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
M. le président. - La discussion continue sur l'article unique du projet et sur les deux amendements ci-après, présentés par M. Le Hon :
« 1° Substituer les mots ; les mesures de surveillance en rigueur aujourd'hui, aux mots : Les mesures qu'il aura arrêtées. »
2° Après le mot : glucoses, dire : et celles qu'il établira pour la vérification, etc. »
M. Lejeune. - Messieurs, j'avais demandé la parole samedi sur l'impression pénible que m'a faite la discussion de cette séance. En effet, messieurs, qu'avons-nous entendu de nouveau à l'occasion de cette discussion sur les sucres ? D'un côté, ce sont toujours des facilités de fabrication que l'on réclame ; de l'autre côté, ce sont des diminutions de droits. Presque toute la discussion a roulé sur ces points. Le droit d'accise sur le sucre indigène est trop élevé. On voudrait bien, s'il y avait quelques chances de réussir, en proposer la réduction. D'autre part, on n'aime pas la surveillance trop rigoureuse. Il a été constaté plus d'une fois qu'il y a eu fraude, ou si l'on veut nommer la fraude autrement, qu'il y a eu protection de fait. Du trésor public, on ne s'en est presque pas inquiété.
Le gouvernement demande par le projet de loi en discussion de pouvoir continuer à prendre les mesures nécessaires pour que les intérêts du trésor soient sauvegardés. Je ne conçois vraiment pas quelle objection on peut faire contre cette délégation de pouvoir qui déjà a été accordée.
On a prévu qu'il pouvait y avoir de nouvelles combinaisons, de nouvelles tentatives de fraude. Par le projet de loi le gouvernement était mis à même de les atteindre, de les empêcher. On ne veut pas dans le cas où des fraudes ou des tentatives de fraude seraient découvertes, que le gouvernement puisse prendre des mesures pour les empêcher. Pour moi, je voudrais que le gouvernement restât libre de prendre des mesures nouvelles ou de modifier celles qui sont en vigueur.
On propose aujourd'hui de faire ce qu'on n'a presque jamais consenti à faire dans cette chambre. On propose de limiter le pouvoir du gouvernement aux mesures déjà prises.
En fait, messieurs, je ne pense pas que cet amendement doive beaucoup inquiéter, puisque M. le ministre des finances n'y a pas vu grand inconvénient. Mais, en principe je ne pourrais y donner mon assentiment. Ce serait une expression de défiance non justifiée, que de retirer aujourd'hui au gouvernement les pouvoirs qu'il tient de la loi. En second lieu, vous donnez en quelque sorte une sanction légale à un arrêté royal dont un grand nombre d'entre nous ne connaissent peut-être pas le premier mot. Un honorable membre de cette chambre qui s'est élevé contre le projet de loi, dans la séance de samedi, l'honorable M. de La Coste, a blâmé, dans une occasion récente, cette manière de faire des lois, c'est-à-dire d'approuver, par un bout de loi, un règlement ou un arrêté qui n'est pas même annexé à la loi que nous n'avons pas sons les yeux. Si ce règlement ou cet arrêté contenait quelque chose d'injuste, quelque chose même d'inconstitutionnel, nous nous rendrions complices, très innocents, il est vrai, de ces abus. Car nous ne les connaissons pas ou nous ne sommes pas censés les connaître, l'arrêté royal n'étant pas soumis à nos délibérations.
On me fait observer que l'arrêté a été imprimé, cela n'est pas nouveau, mais cela suffit-il pour qu'il soit converti en loi, sans qu'il fasse l'objet de notre examen ?
Messieurs, moi aussi j'ai foi dans l'avenir de la betterave. Je crois que la betterave doit vivre et que sa vie doit se développer malgré toutes les annonces de mort qui n'ont cessé de nous parvenir.
Je me suis déclaré partisan du système présenté par l'honorable M. Mercier. S'il m'avait été donné de prendre part à la discussion de ce projet de loi, j'aurais développé les motifs de mon opinion ; mais d'un autre côté, une chose qui me cause de l'inquiétude, c'est que la réaction ne soit trop forte, c'est que, après toutes les facilités données au sucre de canne, on ne lui enlève ces avantages que pour les donner au sucre de betterave, et que, de nouveau, le trésor public ne soit oublié. Quand la betterave resterait seule comme matière première de l'industrie, il n'en faudrait pas moins qu'elle contribuât pour une bonne part à alimenter le trésor public. (Interruption.)
Je prie l'honorable M. Eloy de Burdinne de bien me comprendre. Je ne veux pas donner des faveurs au détriment du trésor. Je voudrais que le sucre de betteraves comme le sucre de canne produisissent pour l'Etat tout ce qu'ils peuvent produire. Le premier moyen d'atteindre ce but, serait d'empêcher la fraude. Or, messieurs, c'est tout ce que le gouvernement demande ; et tout ce que nous avons entendu dans la séance de samedi tend à empêcher la répression de la fraude.
(page 1677) M. Le Hon. - Messieurs, l'honorable membre, prenant dans ce débat la position dont il s'est fait une habitude en cette matière, se constitue le défenseur des intérêts du trésor. A l'entendre, l'industrie des sucres serait l'ennemie-née de nos finances. Ceux qui parlent au nom de cette industrie lui sont suspects de je ne sais quelle complaisance pour la fraude des perceptions de l'Etat. En vérité, on est tenté de croire, d'après lui, que la betterave et la canne seraient les vampires du trésor public, si la vigilance de l'honorable membre n'était pas là pour les combattre et les repousser.
Messieurs, il n'est pas très conséquent de refuser de maintenir provisoirement un règlement qui existe, qui est appliqué depuis un an, sons prétexte que vous ne le connaissez pas, et, en même temps, de réclamer pour le gouvernement le pouvoir exorbitant, illimité, de prendre, par simple arrêté, de nouvelles mesures qu'on ne peut prévoir.
Car, remarquez-le bien, le préopinant suppose qu'il s'agit de vous faire sanctionner quelque chose, tandis qu'au contraire la loi a pour but de renvoyer toute sanction à la session prochaine et de valider jusque-là et qui est, sans aucune approbation et sous la réserve de tous les droits (page 1678) de la chambre. Il est évident, pour moi, qu'il y a une contradiction flagrante dans ces deux prétentions de l'honorable membre. Vous ne pouvez pas, si tous avez tant de répugnance et de scrupule à prolonger pour six mois ce qui existe, consentir à donner au gouvernement la faculté d'établir, au gré de ses agents, ce qui n'existe pas.
L'honorable membre dit que mon amendement est quelque chose d'inconnu dans les précédents de la chambre ; qu'il introduit, à l'égard du gouvernement, des restrictions inusitées ; mais a-t-il bien réfléchi que le régime des ordonnances sous lequel sont placées, je pourrais dire, enchaînées les sucreries indigènes, est aussi une grande exception au régime légal dont jouissent toutes les autres industries ?
Sait-il que, dans notre libre Belgique, c'est l'industrie qui est entourée de plus de gênes, d'investigations et d'entraves de toute nature ; qu'on prend à tâche de menacer et d'arrêter dans ses progrès, alors qu’on encourage et qu'on favorise toutes les autres ; qu'on grève de plus de frais de mille manières, sans que l'Etat profite, comme il le devrait, des sacrifices qu'on lui impose ou des droits que paye le consommateur ?
C'est en vain que le préopinant impute à mon amendement un caractère de défiance. Il n'est que la conséquence d'un principe, le principe de la prorogation. Car enfin quel pouvoir avez-vous donné au ministère par la loi de 1846 ? Celui de régler la perception de l'accise sur le sucre indigène par des mesures provisoires qu'il serait tenu de soumettre à votre sanction, la session suivante. Le ministère n'avait donc ce pouvoir que pour une année ; il en a fait usage en instituant un système très rigoureux de surveillance par un arrêté du 13 août 1846 ; il l'a soumis à votre approbation en modifiant sa rigueur par un projet de loi présenté dans la cession de 1847.
Cette proposition n'a pu être instruite en temps utile.
La ratification de la loi ne pouvant intervenir, le ministère a demandé une prorogation nouvelle ; vous l'avez accordée, à la suite d'un examen en section centrale et sur un rapport assez étendu de M. de La Coste. Dans les conférences de la section centrale avec le ministère, il avait été expressément entendu que, si la chambre accordait la prorogation, il ne .serait pris aucune disposition nouvelle en dehors de celles qui étaient consignées dans le projet de loi du 11 mars. J'ai sous les yeux ce rapport ; l'engagement consenti par le ministre y est exprimé dans les termes les plus formels.
Cependant, par un arrêté royal postérieur, en date du 8 juillet 1847, qui a établi le régime actuel de surveillance des fabriques de sucre indigène, le gouvernement a fortement aggravé les mesures en vigueur à la date du 11 mars ; il les a rendues plus gênantes et plus onéreuses, et a ajouté une surcharge inutile de plus de cinq cents francs aux frais déjà si considérables qui pèsent sur chaque fabrique.
Voyez, messieurs, quelle est la situation ; vous avez prorogé jusqu'à cette session le règlement du 13 août 1846, modifié par le projet de loi du 11 mars 1847. On devait le présenter à votre sanction cette année ; au lieu de cela, on nous demande une prorogation nouvelle. Le ministère entend-il par là prolonger, dans toute sa latitude, le droit de disposer par simple ordonnance ? Evidemment non ; il a épuisé par ses règlements de 1846 et de 1847 le pouvoir qu'il avait reçu de vous.
Si ces règlements avaient obtenu la sanction de la loi, ils ne pourraient être désormais modifiés que par une loi. Eh bien, la prorogation ne change rien à cet état de choses ; seulement elle valide, pour une année de plus, des dispositions qui, à son défaut, cesseraient d'être obligatoires, après la session.
Il est donc juste et raisonnable de déclarer que vous entendez n'accorder que le maintien provisoire des mesures existantes.
Messieurs, l'industrie dont je vous parle n'est l'ennemie d'aucun intérêt du pays, et quand elle sera appelée à rendre compte de l'influence qu'elle peut exercer sur le développement de la prospérité publique, elle espère prouver qu'elle a plus de titres à votre bienveillance que bien d'autres industries, et sans aucun doute, que sa rivale.
Mais aujourd'hui, nous laissons de côté la question du fond que vous avez, à mon bien vif regret, léguée à la législature qui va nous succéder.
Aux raisons puisées dans le principe même de la prorogation, j'ajouterai une considération d'intérêt fort légitime : on avait pris l'engagement en 1847 de ne pas aggraver les dispositions consignées dans le projet de loi du 11 mars. Eh bien, vous l'avez vu, cette aggravation a eu lieu dans l'arrêté royal du 10 juillet. La chambre se doit à elle-même de prévenir le retour de faits de même nature et mon amendement assure ce résultat.
Maintenant, s'il faut en croire l'honorable préopinant, il y a peut-être là-dessous quelque intention cachée de protéger la fraude ; car si tel n'est pas l'effet, sinon le but de l'amendement, nous dit-on, pourquoi lier les mains au gouvernement ?
Messieurs, si chacun de vous savait quel système soupçonneux d'inquisition on a institué pour suivre, épier et surprendre à tous les degrés les moindres résultats de la fabrication du sucre indigène ; si je vous faisais le tableau de ces quatre malheureux employés veillant nuit et jour dans les usines, autour des appareils, incessamment occupés à prendre la matière première à son entrée, à la suivre dans toutes ses transformations, à vérifier et peser les moindres résidus, à constater, en un mot, par des chiffres, la quintessence de la matière imposable que peut atteindre le fisc ou les quantités même microscopiques qui peuvent échapper à la vigilance de ses agents ; si j'ajoutais à ce tableau le rôle du cinquième employé, chef des quatre autres qui, d'après une note officielle, consacre au contrôle de tous ces actes d'inquisition tout le temps qu'il n'est pas obligé de donner au repos ; je vous demanderais s'il est possible qu'une industrie soumise à l'odieux privilège d'un tel régime ait les moyens d'alléger, par la fraude, la charge pesante de l'impôt. Non, elle ne veut pas la fraude ; mais elle s'irrite et se plaint de la vexation.
M. le ministre des finances a demandé qu'on lui réservât un pouvoir réglementaire pour la vérification des sucres qui sont présentés à l'exportation. Je dois reconnaître que, jusqu'ici, l'administration ne paraît pas avoir mis autant de zèle et d'activité à déjouer la fraude réelle qui, dans les primes d'exportation, compromet les intérêts du trésor : eh bien, le repos que mon amendement ménage à ses conceptions fiscales, en ce qui concerne le sucre indigène, elle pourra l'employer à étudier et à découvrir les combinaisons habiles de la spéculation sur les sucres exportés.
(page 1673) M. Gilson. - Au début de cette discussion j'ai déclaré que mon intention n'était pas de provoquer de longs débats sur la question des sucres et j'avais pensé que l'amendement de l'honorable M. Le Hon était de nature à les clore. Mais cet amendement a trouvé un contradicteur dans cette assemblée. Je ne saurais me taire ; ma tâche sera du reste abrégée par la réponse que vient de faire mon honorable ami M. Le Hon. Mais saurais-je garder le silence en présence des incessantes attaques dirigées contre une fabrication qui n'a jamais été appréciée ? Il se passe quelque chose de très extraordinaire à l'occasion des sucres ; dans une discussion qui n'est pas très éloignée de nous, nous avons vu M. Malou, ancien ministre, déclarer, à l'occasion des 34 francs d'accise, que nous avions été traités avec une rigueur qui allait à l'injustice. M. le ministre actuel a fait la même déclaration. C'est en présence de pareilles affirmations que la chambre nous a traités plus sévèrement que jamais.
L'honorable M. Veydt déclare qu'aucune fraude n'a été commise ; que les moyens dont il est armé sont suffisants. Il s'est trouvé deux hommes plus sévères que le fisc lui-même, et ce seraient des mesures plus acerbes qu'il leur faudrait.
Il n'est pas vrai qu'il y ait eu des fraudes commises ; le ministère, nous ne saurions assez le redire, a déclaré le contraire.
Et voilà, messieurs, ce volumineux règlement ; comptez, si vous le pouvez, les formalités sans nombre qu'il contient.
Ce n'est pas seulement, comme l'a dit par erreur M. Le Hon, une dépense de 500 fr. que ces formalités ont occasionnées ; chaque fabrique a dû faire une dépense de 5,000 fr. peut-être.
Toutes les dispositions des usines ont dû être modifiées pour se conformer aux exigences de l'arrêté de 1847 ; tout le monde s'est soumis avec cette souplesse édifiante dont j'ai parlé à la dernière séance. Ce règlement a fonctionné une année entière, il a suffi pour assurer utilement toute surveillance utile. Ce n'est pas notre faute s'il n'a pas été approuvé dans toutes ses parties. Vous n'avez pas voulu y consacrer dans la chambre des instants que vous considérez comme trop précieux ; vous ne pourriez-vous en prendre qu'à l’assemblée elle-même, et peut-être aussi au ministère, s'il se présentait des inconvénients. Il fallait les désigner et demander courageusement la répression des abus quels qu'ils soient.
On nous présente toujours comme préoccupés uniquement des intérêts de notre industrie et peu soucieux des intérêts du trésor. Mais qui de nous a contesté que le sucre dût rapporter non pas trois mais quatre et même cinq millions ? Le gouvernement trouvera ce même chiffre, quand il voudra sérieusement. Je tiens à la main le document constatant que, dans un seul établissement, il a été payé 77,402 fr., somme versée directement au trésor et en payement des droits pour des sucres livrés à la consommation. Multipliez ce chiffre par 22, nombre actuel des fabriques, et vous aurez un total bien considérable. Que si vous vouliez alors le multipliez par cent, nombre des sucreries jugées utiles pour suffire à la consommation du pays, vous auriez un produit de plus de 7 millions. Je ne regarde pas connue possible d'aller jusque-là ; la fraude par infiltration viendrait détruire quelque peu ces illusions que l'on se serait faites.
Je termine, messieurs, et je ne puis que répéter que nous nous sommes jusqu'ici soumis à toutes les exigences. Mais elles doivent avoir un terme. Ce n'est pas quand l'industrie du sucre exotique n'est soumise à aucune entrave, ni à l'exercice pénible que nous supportons, quand nous (page 1674) fournissons une large part au trésor, qu'il serait permis de nous adresser des reproches immérités. Si nous nous plaignons si amèrement dans cette occasion, c'est que la loi a été faussée dans son principe. Jamais l'intention de la législature n'a été de frapper le sucre indigène d'un impôt de 40 fr., alors que le rendement resterait invariable pour les produits de la raffinerie.
Il y avait un moyen d'arriver à la solution de cette grande question ; elle n'est pas difficile ; elle pourrait être tranchée en quelques mots.
M. le président. - Vous sortez de la question.
M. Gilson. - Je n'irai pas plus loin ; mais j'ajouterai pourtant que nous sommes en présence d'un système condamné en France, condamné en Angleterre, le système des primes. Il a pu être préconisé en Hollande, mais il ne peut être conservé en Belgique.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Dans la séance de samedi dernier, j'ai eu l'honneur d'annoncer à la chambre que j'étais disposé à adopter l'amendement de l'honorable M. Le Hon, après le changement qu’il y a apporté.
Ces dispositions sont restées les mêmes, et le gouvernement se ralliera a l'amendement, quoiqu'il ne se dissimule pas les objections qu'on peut y faire et que l'honorable M. Lejeune a suffisamment indiquées.
M. Lejeune. - Les honorables MM. Gilson et Le Hon se sont trompés sur mes intentions ; ils ont dit que je demandais des mesures plus sévères que celles qui existent aujourd'hui. Je veux laisser le gouvernement parfaitement libre, non seulement d'aggraver les mesure s'il le juge indispensable pour prévenir la fraude, mais aussi de les adoucir autant qu'il croirait possible de le faire ; dans votre opinion au contraire, vous voulez maintenir comme une loi l'arrêté actuellement en vigueur. J'ai déjà dit qu'en fait il n'y a pas grand inconvénient ; s'il y en avait M. le ministre les signalerait, mais en principe je ne puis admettre l'amendement.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable M. Lejeune, dans son premier discours, a eu l'air de me considérer comme n'étant pas soigneux des intérêts du trésor. Je le suis autant que lui. Savez-vous comment je voudrais qu'on soignât les intérêts du trésor dans cette question, comme dans beaucoup d'autres ? Je voudrais qu'on n'accordât de privilège à personne, moins encore aux produits étrangers qu'à ceux du pays...
M. Lejeune. - C'est également mon opinion.
M. Eloy de Burdinne. - Je désire que ce soit celle de la chambre entière. S'il en était ainsi, nous assurerions à l'Etat un revenu de six millions. Dans la situation où nous nous trouvons, je crois que nous ferions acte de patriotisme en adoptant, avant de nous séparer, la proposition de l'honorable M. Mercier.
- La discussion est close.
- Les amendements de M. Le Hon sont mis aux voix et adopté.
L'article unique du projet de loi est mis aux voix et adopté avec ces amendements, dans les termes suivants :
« Article unique. Par modification au pénultième paragraphe de l'article 1er de la loi du 16 mai 4847 (Moniteur, n°140), le gouvernement soumettra aux chambres législatives, dans leur session ordinaire de 1848-1849, les mesures de surveillance en vigueur aujourd'hui pour assurer l'efficacité des prises en charge au compte des fabricants de sucre de betterave ou de glucoses, et celles qu'il établira pour la vérification et la justification des sucres et sirops de canne et de betterave présentés à l'exportation avec décharge de l'accise.
« Les autres dispositions de l'article précité sont maintenues. »
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 65 membres qui prennent part au vote, deux membres (MM. de La Coste et Eloy de Burdinne) s'étant abstenus.
Ont pris part au vote : MM. David, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delfosse, de Man d'Attenrode, Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus (Albéric), Dumont, Eenens, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Moreau, Orban, Osy, Pirmez, Pirson. Raikem, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Wallaert, Zoude, Anspach, Bricourt, Broquel-Goblet, Bruneau, Cans, Clep, Cogels et d'Anethan.
M. le président. invite MM. de La Coste et Eloy de Burdinne à motiver leur abstention.
M. de La Coste. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai énoncés dans la discussion.
M. Eloy de Burdinne. - Je n'ai pas pu voter contre la proposition, parce que je n'ai pas voulu désarmer le gouvernement d'une mesure pour l'exécution des lois. Mais d'un autre côté, j'ai considéré la modification apportée à la loi comme aggravant la situation d'une industrie au détriment d'une autre. C'est pour cela que je me suis abstenu.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Par dérogation à la loi du 31 juillet 1844, et temporairement jusqu'au 1er janvier 1849, les dispositions des paragraphes 2 et 5 de l'article 5 de cette loi sont suspendues et le paragraphe premier du même article est rendu applicable aux navires étrangers.
« La présente loi sera obligatoire le lendemain du jour de sa publication au Moniteur. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet.
63 membres prennent part au vote ;
61 votent l'adoption.
2 le rejet.
En conséquence le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. d'Anethan, David, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de La Coste, Delfosse, Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus (Albéric), Dumont Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rousselle, Sigart, Tielemans, Tremouroux, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Wallaert, Anspach, Bricourt, Broquet-Goblet, Bruneau, Cans, Clep, Cogels.
Ont voté le rejet : MM. de Haerne et Zoude.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt) (pour une motion d’ordre). - Je désirerais que la section centrale qui est chargée d'examiner le projet de loi sur les warrants, voulut bien se réunir le plus promptement possible, afin que le rapport puisse être présenté immédiatement ; sans cela cette loi qui a un caractère d'urgence et beaucoup d'importance dans les circonstances actuelles ne pourrait être discutée dans cette session.
M. le président. - Cette section centrale est convoquée pour demain.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée d'Hooghlede, le 9 décembre 1843, les cabaretiers et débitants de boissons distillées de la commune d'Hooghlede demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, sauf à recouvrer sur d'autres bases le produit de l'impôt de consommation sur les boissons distillées. »
Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. -» Par pétition datée d'Opbrakel, Is 13 décembre 1843, les cabaretiers et débitants de boissons de la commune d'Opbrakel demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, établissant un impôt de consommation sur les boissons distillées. »
Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. « Par pétition datée de Forges, le 18 février 1848, le sieur Louyest se plaint du refus de communication de pièces sur lesquelles on s'est basé pour le faire révoquer de ses fonctions de bourgmestre de la commune de Forges. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 10 mars 1848, plusieurs habitants de Bruxelles demandent une loi qui fixe à 30 le nombre de notaires de cette ville. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée de Westrem, le 12 février 1848, plusieurs habitants de Westrem demandent que cette localité forme une commune séparée de Massemen. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition sans date, plusieurs habitants de Bruxelles demandent la révision de la loi sur la contrainte par corps. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée de Tournay, le 20 mars 1848, le sieur Decarpentries, candidat notaire à Tournay, demande des modifications à la loi sur l'expropriation. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 20 mars 1818, les sieurs Dupret et Bosche demandent que toute espèce de cumul d'emplois soit abolie et que les Belges seuls remplissent des fonctions publiques. »
Renvoi à MM. les ministres.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 21 mars 1848, le sieur Hasselman demande que les officiers puissent permuter avec des fonctionnaires de l'ordre administratif et réciproquement. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Moreau, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 3 décembre 1847, le sieur Van Assche demande que les habitations louées à la semaine soient exemptes de toute imposition, ou bien que leurs locataires seuls soient tenus au payement des contributions, et prie la chambre de réviser les dispositions qui régissent l'expulsion des locataires. »
Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
(page 1672) M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 18 décembre 1847, le sieur d'Henry demande une loi qui abolisse la peine de la marque. »
Conclusions : Dépôt au bureau des renseignements.
M. de Brouckere. - Je demanderai le renvoi à M. le ministre de la justice.
- Cette proposition est adoptée.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 20 décembre 1847, le sieur Janssens demande que les employés de l'administration des chemins de fer de l'Etat ne puissent circuler gratuitement sur ces chemins de fer. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée de Steenhuyze-Wynhuyze, le 11 décembre 1847, plusieurs boutiquiers et habitants de Steenhuyze-Wynhuyze demandent que le gouvernement interdise au percepteur des contributions d'Ophasselt d'exercer un négoce ou qu'il l'oblige à demeurer au chef-lieu de sa perception. »
Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 20 décembre 1847, le sieur Raikem, légiste à Liége, demande l'abolition de la peine de la bastonnade et d'autres peines du même genre en usage dans la marine. »
Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée de Gribomont, le 26 novembre 1847, plusieurs cultivateurs de la commune de Saint-Médard demandent qu'il soit donné suite à leurs soumissions pour le défrichement de biens communaux. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée de Cappellen, le 28 décembre 1847, l'administration communale de Cappellen prie la chambre de ne pas adopter la proposition qui lui serait faite d'interdire l'entrée et la sortie des marchandises par la route de Bergen-op-Zoom, bureau de Putte-Stabroeck. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée de Maulde, le 29 décembre 1847, le sieur Lécrivain, commissaire-voyer du canton de Leuze, demande une nouvelle loi sur la voirie vicinale. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 29 décembre 1847, le sieur Thonon, avoué à la cour d'appel de Liège, demande que le nombre d'avoués près de cette cour soit diminué. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 18 janvier 1848, le sieur Friderichs, artiste à Anvers, demande que sa femme, détenue préventivement, soit mise en liberté. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. A. Dubus, rapporteur. - « Par pétition datée d'Irchonwelz, le 25 janvier 1848, le sieur Ursmer prie la chambre de lui faire obtenir ce qui lui revient du chef des ouvrages de maçonnerie qu'il a exécutés au chemin de fer de Jurbise à Tournay.»
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Je ne comprends pas bien l'objet de ce renvoi. Le chemin de fer de Tournay à Jurbise est un chemin de fer concédé. L'Etat n'intervient pas dans les marchés qui sont contractés pour l'exécution de ces travaux et partant il n'a rien à y voir ; il ne peut rien faire en faveur du pétitionnaire. C'est une question à débattre entre lui et la compagnie. Si mes renseignements sont même exacts, il y a de ce chef un procès pendant devant les tribunaux.
Plusieurs membres. - L'ordre du jour !
M. Le Hon. - Je pense, messieurs, que l'ordre du jour ne doit pas avoir la signification d'un rejet péremptoire pour le pétitionnaire, qui aurait participé aux travaux du chemin de fer de Tournay à Jurbise et dont la créance doit être payée. Je présente une observation de nature à expliquer votre résolution. C'est que vous allez discuter bientôt un projet de loi qui, s'il est adopté, doit mettre entre les mains de la compagnie, débitrice du pétitionnaire, une somme considérable au moyen de laquelle elle fourra payer les travaux faits comme les travaux à faire.
M. Bruneau. - Je demanderai la permission de donner à cet égard quelques renseignements, pour ne pas laisser peser sur la compagnie la supposition qu'elle manquerait à ses engagements.
Le pétitionnaire a fait une sous-entreprise de l'entrepreneur direct de la compagnie. Il réclame en payement une somme que l'entrepreneur principal prétend lui avoir payée et même au-delà, et un procès est en ce moment pendant devant le tribunal de Mons entre le réclamant et l'entrepreneur principal qui réclame une restitution de 3,000 fr.
Cette affaire a déjà été instruite, M. le ministre des travaux publics a eu connaissance de ce fait. La compagnie n'est nullement intéressée dans le débat. C'est une affaire entre l'entrepreneur principal et le sous-entrepreneur.
- L'ordre du jour est prononcé.
M. Zoude, cinquième rapporteur. - « Par pétition datée de Lille-St-Hubert, le 16 janvier 1848, le conseil communal de Lille-St-Hubert propose l’établissement de couvents de trappistes au lieu de fermes-modèles pour favoriser le défrichement des bruyères. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur. - Le sieur Vandestraeten-Versmessen réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement d'une partie de terre située à Boucle-St-Blaise, qui a été acquise par le gouvernement lors du tracé de la route d’Elst à Hundelghem.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Le département des travaux publics a opéré la liquidation de la somme réclamée par le sieur Vanderstraeten, aussitôt que les pièces ont été transmises au département. Le mandat a subi quelques retards au département des finances ; mais depuis quelques jours il a été transmis au gouverneur de la Flandre orientale qui l'enverra au pétitionnaire. Ainsi il a été satisfait à la réclamation.
M. Zoude, rapporteur. - Je demanderai le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
Plusieurs membres. - L'ordre du jour.
- L'ordre du jour est prononcé.
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Pollenus réclame l'intervention de la chambre pour que le gouvernement fasse exécuter les travaux nécessaires au dessèchement de la vallée du Dénier, dite le Schuelensbroek. »
« Plusieurs propriétaires et locataires de biens situés dans la vallée du Dénier, dite le Schuelensbroek, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir l'exécution des travaux qui doivent mettre cette vallée à l'abri des inondations. »
Des habitants des rives du Demer adressent leurs doléances à la chambre sur l'abandon dans lequel on laisse leur pays livré depuis longtemps aux inondations les plus désastreuses.
Un orage, disent-ils, qui a éclaté dans la nuit du 19 au 20 avril dernier a mis sous l'eau, à la hauteur de deux mètres, plus de 1,500 hectares de terrain dont une partie était ensemencée en seigle et froment.
Cependant le gouvernement n'ignorait pas les malheurs dont ils sont souvent les victimes ; en effet, depuis cinq ans, ce désastre a été renouvelé trois fois, sans qu'il eût rien été fait pour en prévenir le retour.
Sous leurs anciens maîtres, on a jeté quelquefois un regard propice sur eux. C'est ainsi qu'en 1738 plus de 1,000 hectares de terre marécageuse avait été convertis en prairies de première qualité.
Lorsque par la loi de février 1840 le gouvernement a été mis en possession du Demer, on s'était livré à l'espérance que des travaux seraient promptement exécutés pour mettre le pays à l'abri des calamités qui l'ont affligé si souvent ; mais les demandes, les prières qu'ils ont adressées sont restées sans résultat ; on est resté sourd à leurs plaintes, rien n'a été fait pour eux. c'est pourquoi ils réclament l'appui de la chambre.
Votre commission vous propose le renvoi au département des travaux publics.
M. de Corswarem. - Messieurs, la position des habitants de la vallée du Demer est extrêmement fâcheuse. Cette vallée est, tous les ans, complètement inondée. La dernière inondation a été insensible à Bruxelles, et cependant elle a suffi pour mettre deux mètres d'eau dans, la vallée du Demer, et, comme l'écoulement est très difficile, toutes les récoltes de l'année actuelle sont perdues. Les années 1846 et 1847 y ont échappé, mais l'année 1845 a été désastreuse. Les agents du gouvernement ont évalué les dégâts à 145,000 fr.
Ces inondations doivent avoir une cause accidentelle qu'il est facile de faire disparaître. Anciennement le canton de Herck-la-Ville appartenait à la province de Liège, et l'écluse de Diest appartenait au duché de Brabant. Les habitants de Diest et ceux du canton de Herck-la-Ville formaient deux peuples différents, qui n'étaient pas toujours très bons voisins ; mais aujourd'hui les cantons de Diest et de Herck-la-Ville ne sont habités que par des Belges, et, dès lors, je crois que l'état de choses dont nous nous plaignons ne doit pas durer.
Je crois aussi, messieurs, que le point de repère de l'écluse militaire de Diest est placé un peu trop haut, que l'on a continué l'état fautif qui existait auparavant.
J'appuie donc les conclusions de la commission ; mais je proposerai que le renvoi à M. le ministre des travaux publics ait lieu avec demande d'explications, afin que le gouvernement examine la question et nous explique quels sont les remèdes à apporter au mal dont il s'agit.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, cette affaire a fait souvent l'objet de discussions dans cette enceinte, et chaque fois, depuis que j'ai l’honneur de siéger ici, j'ai pris part à ces discussions.
Le gouvernement n'ignore pas quels sont les moyens de prévenir les inondations. Les travaux sont commencés. Ils sont exécutés sur la première section entre Aerschot et Malines, et là ils ont eu l'effet qu'on en attendait ; c'est-à-dire que, dans cette section, les inondations n'ont plus lieu ; mais elles continuent à se reproduire à chaque orage, comme le disent les pétitionnaires, dans la vallée en amont d'Aerschot jusqu'à Lummen, sur une longueur d'à peu près 8 lieues. Le dernier orage qui a éclaté à la date fixée par les pétitionnaires a eu pour effet d'inonder toute cette partie de la vallée.
L'honorable M. de Corswarem trouve dans les fortifications de Diest la cause de ces inondations ; il en est quelque chose, parce que, en faisant les écluses de cette fortification, on n'a pas eu égard à la position et aux intérêts de la vallée soit en amont, soit en aval ; on a eu simplement égard aux nécessités de la guerre ; on a cherché à pouvoir inonder toute la vallée en amont et en aval, sans s'occuper des dommages considérables que doivent causer ces inondations, surtout lorsqu'elles arrivent pendant la saison des pluies.
D'après les études déjà faites au département des travaux publics pour connaître les causes des inondations, il est constaté, et je crois que M. le ministre des travaux publics le sait fort bien, que ces causes se trouvent précisément entre le barrage d'Aerschot et le barrage de Testelt. Il y a ensuite une cause secondaire dans les fortifications de Diest.
(page 1676) C'est la position de la vallée qui est la cause principale des inondations : les eaux entrent dans la vallée, en amont de Diest, par cinq ou six voies différentes, par des voies considérables. Ces voies sont rétrécies à la hauteur du barrage de Sichem ; elles y sont réduites à trois ; au barrage de Teste ! il n'y en a plus que deux et en amont du barrage d'Arschot, elles se réduisent à une seule, qui est la rivière principale. Or, il est évident que la rivière principale ne peut pas amener les eaux en assez grande quantité au barrage d'Aerschot, lorsqu'elles envahissent la vallée par 5 ou 6 voies différentes. Il y a donc des travaux à exécuter immédiatement entre le barrage d'Aerschot et le barrage de Testelt. L'ingénieur qui a la direction du Demer dans ses attributions a constaté ces faits ; des propositions ont été soumises au département des travaux publics, mais malheureusement les travaux n'avancent pas assez ; la somme de 100,000 fr. qu'on alloue annuellement au département des travaux publics est insuffisante pour pousser les travaux avec assez de célérité pour qu'au bout de deux années ils puissent parer au mal que l'on signale. Je n'ai pas pu assister cette année à la discussion du budget des travaux publics, à cause d'une indisposition ; mais j'avais demandé dans ma section qu'il fût fourni par le département des travaux publics un relevé des sommes payées du chef des dégâts causés par les inondations. Mon but, en demandant ce relevé, était de proposera la chambre d'allouer une somme double de celle qui est allouée tous les ans ; c'est-à-dire d'allouer 200,000 francs pour faire avancer les travaux ; et je crois que le trésor public y trouverait un avantage, parce qu'il serait dispensé plus tôt de la restitution des contributions foncières et du payement des indemnités allouées annuellement du chef des dégâts causés par les inondations.
Il importe de constater un fait, c'est que les inondations hivernales sont nécessaires pour la fertilisation ; et c’est dans ce sens aussi que les travaux doivent être dirigés.
Je demande, messieurs, que les pétitions soient renvoyées à M. le ministre des travaux publics, comme le propose la commission ; mais je demande de plus, que M. le ministre des travaux publics nous donne quelques explications sur ce qui est fait et sur ce qu'on se propose de faire pour accélérer les travaux.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, depuis un grand nombre d'années, des plaintes ont été adressées au conseil provincial du Limbourg, aux chambres et au gouvernement, sur l'état de la vallée du Demer. Le gouvernement a pris des mesures pour faire effectuer des travaux utiles sur la partie de cette rivière qui s'étend jusqu'à Diest. Mais la partie supérieure, celle qui se trouve entre Diest et Hasselt ne dépend pas de l'administration du gouvernement et par conséquent, aucun projet émanant du département des travaux publics n'a été préparé relativement à cette partie de la rivière. La partie de la vallée du Demer entre Diest et Hasselt est ce qu'on nomme le Schutlensbroek dont parlent les pétitionnaires.
Récemment la députation permanente a encore appelé l'attention du département des travaux publics sur cet état de choses, qui est assez fâcheux. Un membre de la députation s'est aussi rendu chez moi il y a peu de jours dans le même but. Je pense que l'on reconnaîtra aujourd'hui que la seule chose à faire, ce serait d'user du bénéfice d'une disposition que j'ai fait insérer dans la loi récente sur les irrigations et qui permet de constituer en wateringues certaines portions de territoire. Par ce moyen, les propriétaires contribueraient à l'exécution des travaux qui seraient faits directement et presque exclusivement dans leurs intérêts.
Il existe en ce sens une proposition toute récente que j'examinerai sans délai.
Ce sont là les seules explications que je puisse donner à la chambre.
M. de Corswarem. - Messieurs, je crois que nous ne pouvons pas aujourd'hui entrer dans la question de savoir si c'est au gouvernement ou aux riverains, d'entretenir le Demer en amont de Diest, ou jusqu'où cette charge incombe à l'un ou à l'autre.
M. le ministre des travaux publics nous dit qu'il y a un projet d'établir une wateringue dans cette vallée. Cependant, quelque bien qu'une wateringue soit administrée, si la rivière est tellement rétrécie en aval que l'eau ne puisse pas s'écouler, cette vallée ne pourra pas empêcher les inondations.
Il y aurait donc à voir si les écluses de Diest ne sont pas construites dans un esprit d'hostilité comme auparavant. Aujourd'hui on élargit le lit de la rivière dans la province de Brabant, et on lui procure un écoulement plus facile ; cependant l'honorable M. Vanden Eynde vient de dire que plusieurs barrages en amont d'Aerschot ne permettent pas à la rivière de se dégorger aussi promptement qu'il le faudrait. Il y a donc lieu d'examiner si l'écoulement n'est pas empêché par les barrages établis dans la rivière, et par les écluses à Diest. Je sais bien qu'on a établi ces écluses pour pouvoir inonder les abords de Diest en temps de guerre, mais elles pourraient être construites de manière à permettre l'écoulement en temps de paix.
Je persiste, en conséquence, à proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications.
- Cette proposition est adoptée.
M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Liège et des rives de la Meuse, depuis Liège jusqu'à Chokier, demandent que les 2 millions restant du cautionnement déposé par la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg soient restitués à la compagnie pour aider à l'exécution du canal de l’Ourthe.
« Les habitants du bassin de l'Ourthe et des alentours demandent que les 2 millions restant du cautionnement déposé par la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg soient restitués à la compagnie, pour aider à l'exécution du canal de l'Ourthe à partir de Liège.
« Par pétition d'Arlon, le 4 mai 1848, la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg prie la chambre de rejeter la demande tendant à ce que les deux millions de cautionnement, déposés par la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg, soient employés aux travaux du canal de Meuse-et-Moselle.
« Par pétition datée d'Arlon, le 4 mai 1848,les membres de plusieurs administrations communales dans la province de Luxembourg prient la chambre de rejeter la demande qui tend à ce que les deux millions de cautionnement, déposés par la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg, soient employés à la canalisation de l'Ourthe. »
Votre commission doit vous rendre compte de plusieurs pétitions relatives au cautionnement de deux millions de francs déposé par la compagnie du Grand-Luxembourg en garantie d'un chemin de fer de Namur à Arlon.
Grand nombre d'habitants de Liège et du bassin de l'Ourthe demandent que ce cautionnement soit rendu à la compagnie pour être employé à la canalisation de l'Ourthe, dont ils font ressortir les avantages, non seulement dans l'intérêt du commerce de Liège et des provinces voisines, mais encore dans celui du Luxembourg. Ces arguments sont, en effet, ceux que l'on avait fait valoir lorsque le roi Guillaume décréta l'exécution du canal de Meuse-et-Moselle sur un développement de près de 60 lieues.
Ce canal, qui sera réduit à des proportions beaucoup plus restreintes, présente cependant encore un grand degré d'utilité à une partie de la province, qui obtiendra par là un débouché facile pour ses minerais, ses bois et ses divers autres produits.
Mais, à son tour, le Luxembourg fait valoir ses droits à la conservation d'un cautionnement qui lui garantit des intérêts d'une plus haute importance, non seulement pour la province, mais encore pour le pays tout entier, ce que la législature a reconnu lorsqu'elle a concédé l'exécution du chemin de fer à la compagnie anglaise.
Aussi la députation permanente, chargée spécialement des intérêts matériels de la province, proteste avec force contre la violation d'un dépôt qu'on ne pourrait lui enlever sans commettre la plus grande injustice.
La ville de Neufchâteau et plusieurs autres communes importantes réclament aussi avec une vive énergie contre les prétentions des pétitionnaires de l'Ourthe ; et pleins de confiance dans l'équité de la chambre, ils espèrent qu'elle se refusera à consacrer une mesure, non seulement inique, mais qui serait pour ainsi dire la condamnation du chemin de fer du Luxembourg, tandis que le maintien du cautionnement donne l'assurance que, dans un temps plus ou moins rapproché, la province sera reliée par un railway aux autres chemins de fer du royaume, et il aurait été exécuté par le gouvernement, en vertu de la loi de mai 1837, si cette loi n'avait été modifiée par suite d'une erreur généralement répandue que l’établissement d'une pareille voie était impossible.
Mais cette erreur n'a pas tardé à être complètement détruite par l'étude qu'en ont faite de jeunes ingénieurs luxembourgeois, ainsi que par les travaux des ingénieurs anglais et ceux de l'Etat qui ont prouvé à toute évidence qu'un chemin de fer était non seulement facile, mais encore moins coûteux que la moyenne des autres chemins de fer du royaume.
C'est dans cette conviction que la compagnie anglaise sollicita la concession que la législature lui a accordée, et il ne reste aucun doute que, sans la crise financière qui a été presqu'universelle, le chemin de fer du Luxembourg serait déjà fort avancé, et s'il est ajourné, ce n'est pas au mauvais vouloir qu'on doit l'attribuer, car on sait que la compagnie est loin d'avoir renoncé au projet qui doit mettre Londres en rapport direct et par une communication prompte avec l'autre hémisphère, en empruntant le territoire du Luxembourg.
Cependant pour le moment, deux intérêts opposés sont en présence ; mais votre commission, qui connaît la loyauté des intentions de la compagnie, essaya un moyen de conciliation qui pourrait donner satisfaction aux deux parties, et, à cet effet, un de ses membres se mit en relation avec MM. le président et le directeur-gérant de la compagnie, et il ne tarda pas à se convaincre de leur désir sincère de satisfaire aux engagements contractés aussitôt que les circonstances le permettraient. En attendant ils prenaient l'engagement de faire exécuter immédiatement des travaux dans le Luxembourg, pour une somme de 500 mille francs qui seraient employés là où les ingénieurs anglais et ceux du gouvernement avaient dit se rencontrer pour le tracé, savoir : dans le bassin de la rivière de l'Homme entre Rochefort et Mirwart, ce qui, par une circonstance heureuse, se trouve presque en communication avec un embranchement de chemin de fer que la compagnie se propose d'établir à Deulin sur l'Ourthe se dirigeant vers Marche et traverserait ainsi les nombreux gîtes des minerais de fer et de plomb qui couvrent le Cerny et qui fournirait une alimentation considérable au canal.
Outre l'emploi immédiat de la somme de 500 mille francs, la compagnie offrirait encore la garantie de son canal de l'Ourthe, ce qui avec la route de Bruxelles à Wavre formerait un cautionnement supérieur à celui que la province possède maintenant, et attendu que la compagnie est seule en possession du travail des ingénieurs anglais, M. le directeur-gérant, s'engage à soumettre au gouvernement, dans le plus bref délai (page 1677) le plan des localités où tous les ingénieurs sont d'accord sur le tracé, et où commenceront les travails qu'il se charge de faire exécuter aussitôt après en avoir reçu l'approbation du ministre.
Quant aux 1,500,000 fr. restant du cautionnement, ils seraient employés aux travaux de l'Ourthe, où ils suffiront pour la rendre entièrement navigable sur une étendue de 30 kilomètres, ce qui, permettant d'établir un certain nombre de barrières, produirait un revenu dans un délai assez rapproché, et rendrait ainsi de la confiance aux actionnaires maintenant découragés.
Votre commission soumet avec confiance à M. le ministre des travaux publics les propositions qui précèdent, n'hésitant pas à croire que, guidé par les sentiments d'humanité qui le distinguent, il s'empressera d'utiliser un capital mort dans les caisses de l'Etat, et qui pourrait arracher à la misère une classe nombreuse d'ouvriers qui, dans les provinces de Liège et du Luxembourg, demandent du travail et du pain.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de toutes ces : pétitions au département des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Messieurs, il me pavait qu'on s'est considérablement hâté dans cette affaire. D'une part, il y a des pétitionnaires qui invitent la chambre à accueillir la demande qui aurait été faite par la compagnie d'employer le cautionnement des deux millions au canal de Meuse et de Moselle ; d'autres pétitionnaires s'empressent de prier la chambre de rejeter cette demande.
Je dois faire observer que la chambre n'est saisie d'aucun projet de loi et que partant il n'y a rien à adopter ou à rejeter.
J'apprends par l'exposé que vient de faire l'honorable M. Zoude que la commission des pétitions s'est mise en rapport avec la compagnie et a fait une sorte d'arrangement, de quasi-proposition qu'on soumet au gouvernement. C'est une autre manière d'administrer.
Je ne m'oppose pas à ce que la commission des pétitions fasse des compromis avec la compagnie du chemin de fer du Luxembourg ou avec toute autre, pour régler les conditions auxquelles telle ou telle chose pourrait être soumise ultérieurement par le gouvernement à la chambre. Mais le droit du ministère doit rester intact, et on lui permettra d'en user. Je vais dire à la chambre ce qui s'est passé.
La compagnie concessionnaire s'est adressée au département des travaux publics pour solliciter la présentation d'un projet de loi ayant pour objet d'affecter les deux millions de cautionnement du chemin de fer du Luxembourg à l'exécution du canal de Meuse-et-Moselle. Cette question m'a paru très grave, elle méritait préalablement un examen sérieux, et je l'ai soumise à cet examen. J'ai pensé que diverses provinces étant intéressées à l'exécution de ces travaux, il était également convenable que ces provinces fussent entendues. J'ai donc refusé de soumettre un projet de loi à la chambre dans cette session, me réservant d'inviter les conseils provinciaux du Luxembourg, de Liège et de Namur à délibérer sur la demande de la compagnie.
M. Lesoinne. - Messieurs, nonobstant la déclaration que M. le ministre des travaux publics vient de faire, je dois insister sur la nécessité de se hâter d'arriver à une conclusion, relativement aux propositions qui ont été présentées par M. le rapporteur de la commission des pétitions. Les propositions dont il vient de donner lecture me paraissent pouvoir être adoptées par les provinces intéressées. Le cautionnement sera pour ainsi dire garanti par tout l'avoir de la compagnie ; il ne sera que déplacé, comme l'a fait observer avec raison l'honorable rapporteur ; un grand nombre d'ouvriers va probablement se trouver sans travail et ce serait un moyen de leur en procurer, sans avoir besoin de recourir au trésor pour cela.
Je pense que si l'on réclamait dans un bref délai l'avis des députations permanentes, on pourrait encore saisir la chambre d'un projet de loi dans cette session. On a déplacé les cautionnements pour toutes les compagnies concessionnaires ; je ne vois pas pourquoi l'on ferait une exception pour la compagnie du Luxembourg, du moment où l'on peut opérer ce déplacement avec toute sécurité.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je veux seulement faire remarquer à la chambre que la députation permanente du Luxembourg a adressé une pétition, pour combattre la demande de la société concessionnaire. Je trouve donc que mon honorable ami, M. le ministre des travaux publics, a adopté la marche la plus convenable, la plus rationnelle, pour l'examen d'une proposition qui intéresse si vivement trois de nos provinces, et particulièrement la province de Luxembourg. Du moment où une députation permanente et beaucoup de conseils communaux viennent s'opposer à une proposition semblable, cela présente une certaine gravité. J'ignore si la compagnie concessionnaire, qui est fondée au capital de 10 mille actions, ne trouverait pas moyen de poursuivre l'exécution du canal sans mettre la main sur les 2 millions qui garantissent l'exécution du chemin de fer du Luxembourg. La concession primitive a été accordée pour l'exécution du chemin de fer, le cautionnement de 2 millions ne doit pas facilement, sans examen préalable, sans avoir reçu l'assentiment des intéressés représentés par les conseils provinciaux du Luxembourg et de Namur, être détourné de sa première destination.
Je trouve donc que la marche que se propose de suivre le ministre des travaux publics, doit rassurer tous les intérêts engagés dans cette question.
M. Lesoinne. - Mon intention n'a pas été de priver le Luxembourg d'un cautionnement que je reconnais devoir lui être acquis. Je ne veux pas qu'on y touche sans l'assentiment de la députation du conseil provincial du Luxembourg. Mais les proposions dont a parlé l'honorable rapporteur sont acceptables par tout le monde. Si on consultait les députations des conseils provinciaux du Luxembourg et de Liège, je suis certain qu'elles y donneraient leur assentiment.
M. le ministre a parlé de consulter non seulement les députations, mais les conseils provinciaux eux-mêmes. Cela ferait perdre beaucoup de temps ; nous ne savons pas quand ils pourront se réunir, les élections sont postposées ; on ne pourrait rien faire cette année, et on doit profiter de toutes les occasions favorables de donner du travail aux ouvriers.
M. le ministre des travaux publics (Frère-Orban). - Il y a peu de jours que les propositions de la compagnie m'ont été adressées ; elles sont incomplètes ; je l'ai fait observer à la compagnie, et elle a promis de les compléter.
Je n'ai pas encore reçu de communication de sa part ; ainsi il eût été impossible au département des travaux publics de soumettre les demandes de la compagnie du Luxembourg aux diverses députations permanentes, bien moins auraient-elles pu répondre, bien moins le département aurait pu prendre une résolution et saisir la chambre d'une proposition.
Il est impossible qu'on s'occupe de cet objet dans cette session ; si la chambre ne peut pas en être saisie dans cette session, il restera assez de temps pour consulter les conseils provinciaux. Je pense qu'il vaut mieux entendre les conseils provinciaux que les députations parce que de cette manière les représentants des diverses localités pourront exprimer leur avis, et si l'on reconnaît que le cautionnement en fonds publics puisse être représenté par un équivalent complet qui serve de garantie aux autres engagements de la compagnie, on admettra peut-être de toutes parts que la proposition de la compagnie serait susceptible d'être accueillie. C'est à examiner, il est impossible de le faire dans le peu de temps qui reste à la chambre pour achever la session.
M. Zoude, rapporteur. - Les représentants de la compagnie se rendront demain à votre hôtel pour vous présenter ces propositions.
- La discussion est close.
Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 4 mai 1848, le sieur Cras, ancien commis des accises, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »
Le pétitionnaire, ancien commis des accises, réclame contre une erreur commise à son préjudice dans la liquidation de sa pension.
Il résulte, en effet, d'une lettre annexée à sa pétition, et qui lui a été adressée par M. le ministre des finances, que sa santé aurait été mauvaise lorsqu'il est entré au service de l'administration, tandis qu'il conste du certificat lui délivré le 5 juin 1843 par le docteur en médecine et chirurgie délégué à cet effet par le directeur de la province de Brabant, qu'il jouissait d'une forte constitution et qu'il n'avait aucun défaut corporel qui le rendait impropre au service.
La commission des pensions a donc été induite en erreur sur la véritable cause qui avait mis le pétitionnaire hors d'état de pouvoir continuer son service. Cette cause était cependant suffisamment indiquée dans les pièces qu'il a produites et qui constatent qu'en descendant d'un échafaudage où étaient des cuves à macération, dans une distillerie à Hasselt, il fit une chute qui lui occasionna une blessure au genou dont la gravité a été telle qu'il a été dans l’impossibilité de continuer son service. Ce fait est attesté par la déposition des ouvriers qui étaient dans l'usine et confirmé par le certificat du commis-chef qui exerçait alors avec lui. Ces pièces sont jointes.
L'erreur de la commission des pensions est donc évidente, et c'est à fin de rectification que votre commission propose le renvoi au ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
La séance est levée à 4 1/2 heures.