(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1315) M. Troye fait l'appel nominal à 1 heure.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Troye présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Plusieurs débitants de boissons distillées demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, ou qu'au moins le droit de consommation qu'elle établit soit remplacé par un impôt sur la fabrication des boissons distillées. »
M. Rodenbach. - Messieurs, voilà déjà plusieurs années qu'on adresse à la chambre des pétitions pour qu'on modifie la loi sur l'abonnement des boissons distillées. Il me semble que ces pétitions ne doivent plus être renvoyées à la commission des pétitions, car je crois qu'elle nous a déjà fait cinq ou six rapports à cet égard.
Je demande donc que cette requête soit adressée directement à M. le ministre des finances. M. le ministre nous a dit lui-même que, dans un moment plus opportun, il s'empresserait de présenter un projet de loi, pour que cet impôt, tout en produisant autant au trésor, soit mieux, soit plus justement réparti. Je ne doute pas que M. le ministre ne tienne sa promesse aussitôt qu'il le croira possible.
M. de Brouckere. - Je crois que cette pétition, comme toutes les autres, doit suivre le cours ordinaire. Il faut que la chambre ait pris connaissance d'une pétition, avant de la renvoyer au ministre.
M. Rodenbach. - Je connais parfaitement bien l'article du règlement. Mais je sais aussi que je puis appuyer ma proposition sur plusieurs antécédents ; que nombre de fois des pétitions de même nature que d'autres sur lesquelles on avait déjà fait rapport, ont été renvoyées directement à des ministres.
Au surplus, si ma proposition rencontre de l'opposition, je demanderai le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
M. le président (M. Liedts). - Un mot d'explication. La section centrale du budget des voies et moyens, à laquelle on avait renvoyé plusieurs pétitions de cette nature, a conclu au renvoi à M. le ministre des finances en ajoutant qu'elle demandait que la chambre prît la même décision pour toutes les pétitions qui étaient conçues dans le même sens.
Depuis lors, toutes les pétitions de même nature qui ont été adressées à la chambre ont été renvoyées directement à M. le ministre des finances.
M. de Brouckere. - Je demanderai si toutes les pétitions sont formulées dans le même sens.
M. le président. - Non.
M. de Brouckere. - En ce cas, je crois que la chambre ne peut prendre une décision sur une pétition qui n'a pas été examinée par une commission. On dit : La pétition a tel but ; mais on n'explique pas dans quel sens elle est écrite, comment elle est rédigée ; si elle est en termes convenables.
Je m'oppose à ce qu'une pétition qui n'a pas été examinée par une commission soit renvoyée aux ministres. Mais si l'honorable M. Rodenbach le veut, je demanderai moi-même un prompt rapport.
M. Rodenbach. - Je ne tiens pas à ma proposition. Je ne l'avais faite que parce qu'il y a des antécédents. Je demande, avec l’honorable M. de Brouckere, un prompt rapport.
- La pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Plusieurs habitants de Vonèche, Froid-Fontaine demandent que le hameau de Froid-Eontaine soit érigé en commune séparée de Vonèche. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs ouvriers tailleurs, à Liège, demandent que les ateliers de travail dans les prisons, les dépôts de mendicité et d'autres établissements cessent de leur faire concurrence. »
- Même renvoi.
« Le sieur Urmez demande la révision ou l'abrogation de la loi qui autorise la contrainte par corps pour dettes commerciales et civiles. »
- Même renvoi.
« Le sieur François-Aimé Tousserand, employé à Bruxelles, né à Paris, demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Il est fait hommage à la chambre par M. de Lecluse, négociant à Bruges, de 120 exemplaires d'un travail qu’il vient de publier sur le projet de l'établissement en Belgique d'une société de commerce d'exportation et des comptoirs à l'étranger. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Lesoinne. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant au département des travaux publics un crédit pour l'achèvement du canal latéral à la Meuse.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.
M. Moreau donne lecture du rapport suivant : Messieurs, par une requête en date du 11 mars 1847, le sieur Charles Leleu, garde en chef du canal de Bruxelles à Willebroeck, né à Lille, avait sollicité la naturalisation ordinaire.
Un rapport vous a été fait, le 8 décembre même année, sur cette demande ; mais, dans votre séance du 26 février 1848, vous ne l'avez pas prise en considération.
Ledit Charles Leleu vous a adressé, le 2 mars 1848, quelques jours après votre décision, une nouvelle pétition à l'effet d'obtenir la naturalisation ordinaire.
Votre commission à laquelle elle a été renvoyée, considérant que les faits et les motifs que le requérant fait valoir sont les mêmes que ceux qu'il a invoqués précédemment, est d'avis qu'elle a épuisé ses pouvoirs dans cette affaire ; en conséquence elle a l'honneur de vous proposer le dépôt du dossier au bureau des renseignements.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. de Brouckere. - Messieurs, la commission des naturalisations m'a chargé de présenter à la chambre un rapport sur une pétition faite par sept capitaines ou seconds de navires de commerce, auxquels la naturalisation ordinaire avait été accordée et qui n'ont pas pu l'accepter en temps opportun. Ces sept pétitionnaires demandent à être relevés de la déchéance qu'ils ont encourue. Je dépose le rapport sur le bureau, la chambre décidera, sur sa mise à l'ordre du jour, ce qu'elle jugera convenable.
Un membre. - Quelles sont les conclusions ?
M. de Brouckere. - La commission propose pour chacun des pétitionnaires un projet de loi ainsi conçu :
« Un nouveau délai de trois mois, à partir de la date de la publication de ta présente loi, est accordé au sieur ... pour accepter la naturalisation qui lui a été conférée par la loi du ... »
- Le rapport sera imprimé et distribué. La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.
M. T'Kint de Naeyer (pour une motion d’ordre). - Messieurs, M. le ministre des finances a déposé dans la séance d'avant-hier une demande de crédit pour la fabrication des monnaies de cuivre. Je saisirai cette occasion pour demander à M. le ministre s'il a pris des mesures pour mettre la Monnaie en activité, en ce qui concerne la fabrication des monnaies d'argent et notamment des pièces de 2 fr. 50.
Le but du législateur, en décrétant qu'il y avait lieu de frapper des pièces de 2 fr. 50, a été de maintenir dans la circulation du pays une quantité de numéraire suffisante pour les besoins ordinaires des transactions. Je pense que dans les circonstances actuelles l'utilité ne peut pas en être contestée.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, j'ai pris des mesures pour faciliter au directeur de la Monnaie l'acquisition des matières d'or et d'argent pour les convertir en monnaie.
Les avances, que le trésor fait sur le dépôt de ces matières, ont lieu à l'intervention de la commission des monnaies et elles ne peuvent jamais être de longue durée, parce qu'il suffit de cinq jours pour réaliser l'argent en pièces de monnaie. Mais il faut un certain temps pour réunir une quantité suffisante de métaux précieux pour commencer le frappement.
Les mesures que je viens d'indiquer produiront, je pense, un bon résultat. La commission des monnaies les croit utiles et elle concourt avec empressement à leur exécution.
En ce qui concerne la pièce de 2 fr. 50 c, l'observation de l'honorable M. T'Kint de Naeyer est fondée ; il y a opportunité à frapper cette nouvelle monnaie et je puis annoncer à la chambre que, dans un délai de quinze à vingt jours, une première émission aura lieu. La gravure du coin est commandée et elle eût été achevée, si le graveur n'avait dû, durant ces derniers jouis, s'occuper de l'entier achèvement du type de la monnaie d'or. Tout est réglé et terminé quant à elle, et très incessamment des pièces de 25 fr. seront mises dans la circulation.
M. le président donne lecture de la lettre suivante :
« Berlin, 8 avril 1848.
« M. le président,
« Forcé par les circonstances, qui n'admettent plus de congé de quelque durée, d'opter, à défaut même de loi, entre le mandat parlementaire et la mission diplomatique qui m'est confiée, j'ai cru devoir me remettre au gouvernement du choix à faire ; il m'a été répondu, dans les termes les plus honorables pour moi, qu'il serait difficile, en ce moment, de trouver un agent pour le poste que j'occupe à Berlin, et qui ne pourrait rester vacant. Je me suis donc décidé à donner ma démission de député, et je vous prie de faire part de cette résolution à la chambre des représentants.
« A une époque aussi solennelle, il est permis moins que jamais de parler de soi ; j'ajouterai seulement que ce n'est pas sans émotion que je me sépare d'une assemblée où je suis entré en 1830, à l'âge de 25 ans, et où me reportent presque tous les souvenirs de ma vie. Si quelque chose peut me consoler d'interrompre ma carrière parlementaire, c’est que jamais l'honneur de représenter la Belgique à l'étranger n'a été plus grand. Pendant qu'à nos côtés deux grands peuples se mettent en révolution pour copier notre Constitution, nous continuerons, nous Belges, chacun dans la limite de ses devoirs et de ses moyens, à défendre notre nationalité dans la forme que nous lui avons librement donnée, et qui lui sert de sanction devant l'Europe.
« Je saisis cette occasion, M. le président, de vous offrir les nouvelles Assurances de ma plus haute considération.
« (Signé) Nothomb. »
M. Delfosse. - M. Nothomb parle d'une lettre que le gouvernement lui aurait adressée pour l'engager à rester à son poste. J'espère que le gouvernement n'a pas entendu décider par là que nous conserverions un ministre plénipotentiaire à Berlin.
La situation financière et la force des choses nous amèneront très probablement à remplacer nos ministres plénipotentiaires par de simples chargés d'affaires. Il serait fâcheux que le gouvernement ne comprît pas la nécessité de cette économie.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je n'ai pas eu connaissance de la dépêche qui a été écrite à l'honorable M. Nothomb et à laquelle il est fait allusion dans la réponse que M. le président vient de lire. Mais j'ai la certitude qu'aucune espèce d'engagement ne peut avoir été pris à l'égard de l'honorable M. Nothomb, en ce sens qu'on conserverait sa position de ministre plénipotentiaire à Berlin et éventuellement les indemnités qui y sont attachées.
La question d'argent, d'ailleurs, ne peut pas être définitivement décidée par le gouvernement, elle reste à régler par la chambre. C'est donc lors de la discussion du budget de 1849 dans lequel seront faites toutes les économies possibles, que la question pourra se présenter.
M. de Denterghem, rapporteur. - « Par pétition sans date, le sieur Senault, ancien officier des douanes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »
Renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de West-Cappelle, le 23 mars 1848, le sieur Danhaive, sous-lieutenant des douanes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la décoration de l'ordre de Léopold ou la croix de Fer. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de Gand, le 1er mars 1848, le sieur de Witte, ancien militaire, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arrérages de sa pension. »
Renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le 6 mars 1848, le sieur Meurice, ancien militaire décoré de la croix de Fer, prie la chambre de lui accorder une pension. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 13 mars 1848, le sieur Timmermans, décoré de la croix de Fer, réclame l'intervention de la chambre pour faire régler sa pension et en obtenir les arriérés. »
Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. – « Par pétition datée de Schaerbeek, le 16 février 1848, le sieur Lefebre, médecin vétérinaire, demande une indemnité qui puisse mettre à même d'extirper l'épizootie dans les Flandres. »
Renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. – « Par pétition datée de Marche, le 18 mars 1848, le sieur Fabry, ancien messager piéton, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le remboursement de ce qu’il a versé à la caisse des pensions ou pour être réintégré dans ses fonctions. »
Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. de Denterghem, rapporteur. - « Par pétition datée d'Argenteau, le 18 mars 1848, les membres du conseil communal d'Argenteau demandent que la loi sur les pensions des ministres soit rapportée ou tout au moins modifiée. »
- La commission propose l'ordre du jour.
M. Le Hon. - Messieurs, la pétition sur laquelle il vient d'être fait un rapport sollicite l'attention de la chambre et du gouvernement sur une question qui semble devoir appeler un nouvel examen de la part de l'un et de l'autre. Il s'agit des pensions ministérielles telles que les a instituées la loi du 21 juillet 1844.
En règle générale, les pensions qu'on accorde, sur le trésor, aux fonctionnaires publics sont soumises à des conditions d'une sévérité prudente et sage. Il faut, pour les obtenir, un long exercice de fonctions rétribuées par l'Etat, ou des infirmités qui, après un terme révolu, empêchent de continuer à les remplir.
La législature précédente a pensé qu'il était juste d'introduire dans ce système une exception en faveur des départements ministériels ; et elle a posé, comme principe absolu, qu'un ministre qui aurait servi le pays, en cette qualité, pendant deux ans, depuis 1830, aurait un droit acquis à une pension de 4,000 fr., et que ce chiffre s'augmenterait de cinq cents francs pour chaque année, ultérieure ou antérieure, de fonctions ministérielles.
Je ne conteste pas qu'il soit convenable, dans certaines circonstances, de pourvoir à la position des hommes qui ont honorablement dirigé les affaires de l'Etat ; mais pour qu'un tel privilège obtienne l'assentiment public, il faut qu'il ait le caractère d'un acte de justice nationale, sans affecter la dignité du pouvoir.
Or ce caractère manque à la loi de 1844. Sans doute, elle a reçu quelques applications qui ont récompensé d'anciens et très éminents services, et l'opinion publique les a hautement sanctionnées de son suffrage ; mais d'autres applications n'ont pas été accueillies de la même manière, et quand la loi établit un droit absolu à la pension sur deux années de ministère seulement, sans tenir compte d'aucune condition d'âge, de fortune ou de position, beaucoup d'esprits éclairés, impartiaux craignent justement qu'elle ne froisse le sentiment du pays, bien loin d'en être l'interprète.
Il existe, je le sais, des droits acquis, en vertu de la loi du 21 juillet : il n'entre pas dans ma pensée de les mettre en doute ni d'y porter atteinte. Si je fais allusion au passé, c'est comme enseignement pour l'avenir. Je ne veux citer aucun fait particulier, parce qu’en cette matière, les faits désignent trop clairement les personnes : mais je dois dire que par l'effet de la disposition absolue de la loi, il a été créé des pensions qui en sont la critique la plus fondée, en ce qu'elles indisposent le pays contre les hautes fonctions qui ont surtout besoin de sa considération et de son respect. Il s'inquiète de la facilité avec laquelle ces pensions, quelque démocratique qu'en soit le principe, viennent augmenter le poids des charges qu'il supporte. Et il faut en convenir, le régime constitutionnel moissonne beaucoup de ministères et peut faire beaucoup de ministères.
Quand cette impression fâcheuse devient générale et qu'un collège administratif la signale à la chambre, il ne nous est pas permis de repousser des représentations d’une nature si grave par la formule de l'ordre du jour,
Un membre. - On a proposé le dépôt au bureau des renseignements.
M. Le Hon. - Je crois que l'honorable membre est dans l'erreur.
M. le président. - Le feuilleton porte en effet pour conclusions le dépôt au bureau des renseignements ; mais au nom de la commission le rapporteur a changé les conclusions et proposé l'ordre du jour.
M. Le Hon. - Je parle d'après ce que j'entends, quand j'ai attentivement écouté. Je viens m'opposer à l'ordre du jour : j'aurais même repoussé, comme insuffisante, la conclusion du dépôt au bureau des renseignements. Je demande que la pétition soit renvoyée au ministre des finances. Je n'entends pas préjuger, dès à présent, les modifications plus ou moins profondes que la loi de l844doit subir. C'est là un sujet d'examen très sérieux que je recommande à toute l'attention du cabinet. Le principe sur lequel repose la loi n'a rien que de juste, que de conforme à l'esprit démocratique de nos institutions, quand son application est subordonnée à des conditions de haute convenance, de nécessité réelle ou d'éminents services rendus à l'Etat : mais le système de cette loi, tel qu'il est organisé, me paraît entaché d'un vice essentiel qui doit disparaître : il grève le trésor public en faveur de la fortune et de la jeunesse.
Dans un temps où des charges si nombreuses pèsent sur la nation, il ne faut pas affaiblir auprès d'elle la considération des hommes appelés à la direction de ses affaires en l'autorisant à supposer qu'ils sont, pour ses finances, à chaque changement de cabinet, un fardeau de plus.
Je propose donc le renvoi de la pétition au ministre des finances.
M. de Garcia. - J'appuie de toutes mes forces les observations de l'honorable comte Le Hon. Depuis longtemps, déjà, j'ai exprimé la pensée qu'il était nécessaire de réviser la loi sur les pensions des ministres ; cette loi, il faut le reconnaître, a soulevé une répulsion, et j'ose dire (page 1317) plus, une indignation générale dans le pays. Il est un fait incontestable, c'est que le principe ou la base de toute loi de pensions doit être que nul serviteur de l'Etat n'ait de droits à la pension, qu'autant que l'âge et les infirmités le rendent incapable de pouvoir continuer à servir la chose publique.
Je le demande, la loi actuelle repose-t-elle sur l'ombre même d'une raison semblable ? Un ministre valide ou non, un ministre qui aura rendu de grands services au pays et un ministre incapable qui aura trahi ou négligé les vrais intérêts de la nation, auront droit d'une manière absolue, après deux années d'exercice, à la même pension, et même à une pension très élevée. Un ordre de choses semblable ne peut être toléré. J'admets qu'on fasse des exceptions à une règle absolue, en faveur de services éminents rendus au pays ; mais dans ce cas, ces exceptions doivent faire l'objet d'une loi spéciale, et n'être faites qu'à titre de munificence nationale.
Mais les principes absolus en matière de pensions de ministres constituent un grief devant la nation.
J'appuie donc de toutes mes forces les observations de l'honorable comte Le Hon, et comme lui, je demande le renvoi de la pétition dont il s'agit à M. le ministre des finances, en recommandant cet objet à toute sa sollicitude.
Nous connaissons tous les sentiments qui animent cet honorable haut fonctionnaire. Nous sommes convaincus que chez lui les bonnes intentions ne feront pas défaut pour satisfaire aux vues et aux raisons fondées, déduites dans la pétition adressée à la chambre, pour obtenir la réforme d'une loi généralement reconnue comme vicieuse et abusive. Je ne terminerai pas sans ajouter encore quelques mots : Depuis quelque temps, je me suis préoccupé d'une proposition de loi sur la matière en question, et je le déclare, si le gouvernement ne propose pas un projet de loi à cet égard, usant du droit d'initiative qui appartient à tous les membres de cette assemblée, je n'attendrai pas la fin de la session pour demander le rapport de la loi spéciale en vigueur sur la pension des ministres.
- Le renvoi de la pétition au ministre des finances est prononcé.
M. Lesoinne, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 18 mars 1848, plusieurs prisonniers pour dettes demandent l'abrogation ou du moins la révision de la loi du 18 germinal an VI. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Lesoinne, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 28 février 1848, le sieur Sinave demande que les anciens registres de l'état-civil, qui sont déposés au greffe des tribunaux de première instance, soient confiés aux administrations communales. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Lesoinne, rapporteur. – « Par pétition sans date, le sieur Senault demande que la réparation civile pour délit de presse ne puisse être poursuivie qu'après la déclaration de culpabilité prononcée par le jury. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
-Adopté.
M. Lesoinne, rapporteur. - «Par pétition datée de Bruxelles, le 23 mars 1848, le sieur Sterckel prie la chambre de lui faire grâce de la peine d'emprisonnement qu'il devra subir s'il ne peut payer l'amende à laquelle il a été condamné par le conseil de discipline de la garde civique. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Lesoinne, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, en mars 1848, plusieurs typographes-pressiers à Bruxelles demandent que, dans le cahier des charges de l'adjudication des impressions à faire pour le service de la chambre, on exige l'usage exclusif de presses à bras.»
Ordre du jour.
- Adopté.
M. Lesoinne, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 25 février 1848, le sieur Sinave demande que les fabriques d'église remettent aux administrations communales, au gouverneur de la province et au ministre de l'intérieur, un inventaire des fondations et dons acceptés par elles, et que cet inventaire soit affiché dans les églises. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Lesoinne, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ypres, le 25 février 1848,le sieur Sinave demande que les administrations des hospices soient tenues de remettre aux administrations communales un inventaire des fondations que possèdent ces établissements, et que cet inventaire reste affiché dans la maison commune. »
Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. le président. - L'amendement présenté par M. de Man d'Attenrode est ainsi conçu :
« Par exception à l'article. 21 de la loi sur la comptabilité de l'Etat, il peut être traité de gré à gré pour les fournitures qui s'opéreront au moyen de ce crédit.
« Le gouvernement fournira à la législature, conformément à l'article 46 de la même loi, l'état des marchés qu'il aura contractés de cette manière. »
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je demande que l'amendement soit rédigé comme suit : « Les articles 20 et 21 de la loi de comptabilité ne seront pas applicables aux marchés à faire, en exécution de la présente loi. »
J'ai dit hier les motifs qui obligeaient à suspendre non seulement l'article 21 de la loi, mais également l'article 20, qui défend de stipuler dans des marchés des à-comptes pour des fournitures à faire. Il peut se présenter des circonstances telles que je doive nécessairement stipuler de pareils à-comptes.
On paraît être d'accord pour dispenser le gouvernement de suivre l'article 21, qui oblige à traiter par marchés avec publicité et concurrence. On doit également le dispenser de se conformer aux prescriptions de l'article 20.
M. Vilain XIIII. - Je demanderai à M. le ministre si dans le mot « marchés » il comprend les dépenses à faire pour ouvrages de terrassements.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'amendement comprend tous les fournitures à faire exécuter par le gouvernement.
M. Vilain XIIII. - C'est surtout pour les terrassements que le gouvernement doit être autorisé à s'écarter des dispositions de la loi de comptabilité ; car les entrepreneurs donnent aux ouvriers un salaire si minime qu'ils n'ont pas de quoi se nourrir. Je demande, donc que le gouvernement soit autorisé à faire faire par régie les ouvrages de terrassements.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, l’inconvénient que signale l'honorable M. Vilain XIII, et qui a été également signalé hier par l'honorable M. de Garcia, peut être amoindri, sinon évité, et déjà le gouvernement y a pourvu. Le gouvernement s'en est préoccupé, ainsi que le comité des Flandres ; la question ayant été examinée, j'ai stipulé dans le cahier des charges, pour l'adjudication des travaux des canaux de Zelzaete et de Schipdonck, que le minimum des salaires à payer serait celui stipulé dans le bordereau de prix annexé au cahier des charges, déduction faite d'un tantième qui représente l'intérêt des avances à faire par l'entrepreneur et les frais de son matériel. Ce tantième a été estimé par les agents de l'Etat à 18 p. c.
De cette manière la classe ouvrière trouve une garantie qu'elle n'avait pas précédemment.
Il a été en outre stipulé que le métré des travaux serait fait par les agents de l'Etat et que, en cas de contestation, le bourgmestre de la commune serait appelé conjointement avec un ingénieur, pour régler les différends qui pourraient se présenter.
Ainsi il a été pourvu aux plaintes légitimes qui ont été signalées par les honorables membres.
Dans les marchés qui resteront à conclure et qui seront conclus soit à main ferme, soit par voie d'adjudication, selon les circonstances, des stipulations seront insérées qui garantiront les intérêts des ouvriers.
M. de Garcia. - Je remercie M. le ministre des travaux publics des explications qu'il vient de donner. Je désire qu'il s'attache autant que possible à faire exécuter en régie les travaux pour lesquels nous votons des subsides. L'expérience a prouvé, notamment dans la province de Namur, les avantages de ce système. Une partie des travaux d'entretien des ponts et chaussées se fout par régie ; les routes sont beaucoup mieux entretenues et les travaux coûtent relativement beaucoup moins. (Interruption.) Ces renseignements, je les tiens de l'ingénieur en chef lui-même de la province de Namur.
Il n'y a donc point d'inconvénients à ce que le gouvernement, surtout à raison des circonstances, embrasse ce système plutôt que le système des adjudications. Malgré les précautions prises par le gouvernement, l'ouvrier aura toujours beaucoup de peine à obtenir justice. Cela se conçoit facilement. Arrivé à la fin de la quinzaine, s'il se plaint d'une réduction dans ses salaires, souvent il est arrivé qu'il a été menacé d'être renvoyé du travail ; et en présence de ces menaces, ses besoins lui font renoncer à ses droits.
Il est vrai que M. le ministre des travaux publics vient de dire qu'il avait inséré dans le cahier des charges une clause d'après laquelle les plaintes de l'ouvrier, les difficultés qui s'élèveraient entre lui et l'entrepreneur seraient jugées par l. bourgmestre. J'avoue franchement que je ne sais jusqu'à quel point la décision de ce fonctionnaire pourrait lier l'entrepreneur vis-à-vis de l'ouvrier. Je ne sais si légalement une clause semblable peut sortir ses effets ; à moins qu'on ne le considère comme arbitrage convenu entre tous les intéressés.
D'après ces observations, j'espère que les travaux qui font l'objet de la loi qui nous est soumise, seront exécutés autant que possible en régie : je le désire surtout parce que ces travaux sont essentiellement destinés à donner du travail à la classe ouvrière, et que, selon moi, le travail en régie est le moyen le plus sûr d'assurer la juste rémunération du travail de l'ouvrier.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, la proposition que j'ai déposée sur le bureau, comme celle que vient de déposer M. le ministre des travaux publics, tend à suspendre les garanties stipulées par l'article 21 de la loi de comptabilité concernant les travaux faits par l'Etat.
Quelles sont ces garanties ? Ces garanties consistent à assurer des prix modérés en faveur du trésor et à prévenir le favoritisme en faveur de l'industrie.
Pourquoi demandons-nous la suspension de ces garanties ? Nous la demandons afin que le gouvernement puisse étendre à tous les établissements industriels, à toutes les industries privées, les avantages des crédits que vous avez votés hier.
(page 1318) En effet, si l'on procédait par voie d'adjudication, trois ou quatre établissements seulement profiteraient des bénéfices de la loi que vous allez voter.
Je ne voulais pas, messieurs, aller aussi loin que le gouvernement. Ma proposition ne tendait qu'à exempter des prescriptions de l'article 21 les fournitures faites par les établissements sidérurgiques. M. le ministre l’étend à tous les travaux quelconques, aux travaux de terrassement, aux travaux de construction ; il vous demande même une exception à l'article 20 afin de pouvoir accorder des avances à l'industrie.
D'après ce que viennent de déclarer les précédents orateurs, il semble que cette proposition a des chances de succès et j'ai quelque propension à m'y rallier.
Je ferai remarquer, messieurs, qu'une grande responsabilité va peser sur le gouvernement, si la proposition est adoptée. Il devra d'abord prendre des mesures pour assurer à l'Etat des prix modérés. Car si nous faisons des avantages à l'industrie, il faut que ce ne soit pas complètement au détriment du trésor public. Il faut ensuite qu'il use d'une grande impartialité.
Quant à la question des prix, voici, ce me semble, la marche que le gouvernement devrait suivre, surtout pour les livraisons des rails et accessoires et du matériel d'exploitation.
Je crois que le gouvernement devrait réclamer des soumissions de tous les établissements du pays qui méritent sa confiance. Après avoir examiné ces soumissions, il devrait adopter la moins élevée et offrir du travail au taux de cette soumission aux divers établissements.
Et afin d'obtenir des soumissions avec un rabais considérable, il me semble qu'il y aurait lieu d'accorder l'avantage de doubles fournitures à l'établissement qui ferait la soumission la moins élevée.
Ici, messieurs, j'aurai encore un mot à dire.
Les prix des fers ont varié en différentes circonstances d'une manière notable. Vous vous rappellerez peut-être que l'année dernière nous avons discuté des marchés qui avaient été conclus et qui furent jugés trop élevés. Ces prix étaient tellement considérables qu'il est même des orateurs qui en vinrent jusqu'à demander l'introduction des fers anglais, afin de faire cesser une coalition qui s'était établie entre les divers établissements du pays, pour forcer la main au gouvernement.
Les établissements métallurgiques du pays différent entre eux en ce sens qu'il en est qui sont sous le patronage des sociétés, tandis que d'autres moins considérables sont dirigés par l'industrie particulière. Eh bien, ce sont les établissements les moins considérables qui ont fait fléchir les prix qui avaient été imposés au gouvernement par les établissements patronnés par les sociétés.
Je demande donc que le gouvernement ait un égard tout particulier pour ces établissements, qui ont rendu quelques services ; il est de toute justice qu’on leur en tienne compte.
Encore une observation.
Le crédit que la chambre a voté hier a un caractère spécial ; il tend, d'après ce qu'on a dit, à maintenir l'ordre par le travail ; il tend à alimenter le travail dans les centres industriels. Il me semble, messieurs, que le gouvernement doit engager les chefs des établissements à prendre en considération les circonstances où nous nous trouvons, à ne pas chercher à faire des gains considérables, car ce serait là une chose tout à fait inconvenante, dans un moment où nous sommes obligés de recourir à un emprunt forcé pour faire faire des travaux qui ont surtout pour but l’entretien de la classe ouvrière.
Maintenant, messieurs, voici des questions que j'ai à adresser au gouvernement. Vous vous rappellerez qu'en mainte circonstance, je me suis élevé contre le système qui consiste à prélever des sommes considérables sur les crédits que nous votons en faveur des constructions, pour accorder des traitements et des indemnités. M. le ministre des travaux publics me permettra de lui demander s'il compte prélever, sur les crédits que vous avez votés, des sommes quelconques pour traitements ou indemnités d'un personnel qui est déjà si largement rétribué sur le budget ?
Voici le sujet de ma deuxième interpellation : Le gouvernement possède à Malines une fabrique, qui nous coûte excessivement cher, puisque je vois figurer au budget, rien que pour salaires des ouvriers, une somme de 270,000 fr. et une somme de 58,960 fr. pour traitement du personnel chargé de la surveillance ; ensemble 528,060 fr.
Eh bien, messieurs, dans le passé on a donné une telle extension à cette fabrication gouvernementale que sur une somme de fr. 2,076,694 82 dépensée pour la construction de moyens de transport, le gouvernement a prélevé 615,000 fr. pour salaires de ces ouvriers de l'atelier de Malines ; c'est plus du quart de la somme totale ; cela est d'autant plus étrange que le travail de ces ouvriers ne consiste qu'à assembler et ajuster les pièces que l'on se procure près de l'industrie privée, les caisses de voitures, les roues, les essieux, toutes ces pièces sont réunies à Malines et le personnel qui s'y trouve est employé à les assembler, à les ajuster, à les garnir, et à les peindre.
J'ai fait, messieurs, ces jours-ci, à propos de cette espèce d'enquête que nous avons été chargés de faire, j'ai fait un relevé du personnel d'ouvriers qui se trouvent à la fabrique de Malines : j'ai recueilli sur les étals de quinzaines 84 menuisiers et 39 aides-menuisiers. Conçoit-on ce que celle compagnie de menuisiers peut faire à Malines, puisqu'il ne s'agit que d'ajuster, d'assembler des pièces, de peindre et de garnir ? Je trouve ensuite 23 peintres et 34 aides-peintres ; le nombre total des ouvriers et contremaîtres s'élève à 432.
Mais, messieurs, c'est là un personnel ruineux, qui certainement travaille moitié moins que le personnel qui est employé par l'industrie privée. J'espère bien qu'après avoir voté hier des sommes que vous aurez tant de difficulté à réunir, nous ne verrons pas le quart de ces sommes, en ce qui concerne les travaux du matériel des transports, passer dans cet atelier de Malines. Il me semble que dans un temps ou déjà l'on réclame contre la fabrication dans les prisons, le gouvernement doit user avec quelque modération d'une fabrique gouvernementale où l'on produit incontestablement à des conditions moins avantageuses que dans les établissements particuliers ; qu'il se rappelle souvent que le but de la loi est d'alimenter le travail de l'industrie privée.
Encore un mot, messieurs, quant au libellé qui a été présenté par le gouvernement.
Je viens de déclarer que je me sentais disposé à me rallier à ce libellé. Mes honorables amis, MM. Vilain XIIII et de Garcia ont fait valoir la considération que les travaux exécutés en régie, abandonnés directement aux ouvriers, sont plus avantageux pour eux que ceux qui sont confiés à des entrepreneurs, puisque ceux-ci emportent des sommes considérables. Ces honorables membres ont déclaré que puisque nous ne pouvons pas nous dispenser de faire les travaux dont il s'agit, nous devons les exécuter de manière que les ouvriers en retirent tout le bénéfice possible. Toutefois en me ralliant à la rédaction du gouvernement, qui leur donne toute satisfaction, je ferai une réserve. M. le ministre n'a pas ajouté à sa rédaction le deuxième paragraphe de ma proposition. Elle était ainsi conçue : « Le gouvernement fournira à la législature, conformément à l'article 46 de la loi de comptabilité, un état des marchés qu'il aura contractés de cette manière. » Eh bien, je tirerai encore cette partie de mon amendement. Le gouvernement n'a pas présenté de disposition pour suspendre l'exécution de l'article 46 de la loi de comptabilité. Cet article conserve donc toute sa force, toute sa valeur, et dès lors le gouvernement reste obligé à rendre à la législature, un compte des marchés qu'il aura conclus, d'une manière tout à fait exceptionnelle.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je n'ai pas reproduit dans la rédaction que je viens de proposer le deuxième paragraphe de l'amendement de M. de Man, qui tend à rendre applicable l'article 46 de la loi de comptabilité aux fournitures qui pourront être faites en exécution de la loi actuelle. Je ne voyais pas d'inconvénient à reproduire cette disposition, mais je l’ai trouvée surabondante, puisque, les articles 20 et 21 se trouvant suspendus, il y a lieu de rendre compte, en vertu de l'article 46.
L'honorable M. de Man a signalé de nouveau les faits qui se rapportent au crédit supplémentaire dont la chambre est saisie, mais qui n'est pas instruit aujourd'hui, qui est retenu par la section centrale et sur lequel je regrette de devoir, toujours incidemment, aujourd'hui comme hier, donner des explications.
M. de Man d'Attenrode. - C'est le passé qui doit nous instruire.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Avant d'affirmer des faits, il faut que l'on puisse examiner les pièces, les apprécier contradictoirement, et déjà, hier, j'ai démontré, je pense, d'une manière irrécusable, les erreurs dans lesquelles tombait l’honorable membre. Aujourd'hui, il en commet de la même nature quant aux salaires, et il en aura la preuve lorsqu'il aura examiné les documents que j'ai soumis à la section centrale. Elever constamment des préjugés, produire des accusations contre ce que fait le gouvernement, sans que la chambre soit à même d'apprécier ces accusations, c'est, je dois le dire, une chose véritablement fâcheuse. Il ne faudrait produire de semblables accusations que lorsqu'on peut les appuyer par des preuves claires, évidentes, et l'on en est seulement aux soupçons ; les pièces que l'on a sous les yeux ne sont pas examinées.
M. de Man d'Attenrode. - Elles sont examinées.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Alors vous avez eu grand tort d'affirmer hier qu'il y avait eu une sorte de détournement de fonds, en ce qui concerne le crédit accordé par la loi d'avril 1845. Il est positif que les développements indiquaient très clairement les constructions qui devaient être faites ; or vous avez dit, qu'en appliquant les fonds à des dépenses relatives à ces constructions, on avait violé la loi, et c'est une erreur évidente. Dites que c'est une faute d'avoir excédé les crédits alloués, si l'urgence des travaux n'est pas démontrée, et vous aurez raison. Mais ne fondez pas vos accusations sur des faits contraires.
M. de Man d'Attenrode. - Je maintiens ce que j'ai dit hier,
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je répète que nous ne pouvons pas discuter d'une minière aussi irrégulière une demande qui n'est pas encore soumise à la chambre ; je l'examinerai, lorsqu'elle sera mise en délibération.
L'honorable membre fait au gouvernement quelques recommandations quant aux travaux qui devront être commandés directement aux établissements. Il dit que je dois prendre en considération les établissements qui sont dirigés par des particuliers et qui auraient notablement fait réduire le prix des fers, maintenus à des taux élevés, par suite d'une espèce de coalition de la part des établissements patronnés par les banques. Pour être vrai, je dois dire que la réduction des prix des fers est due à la société anonyme de Monceaux, patronnée par une banque. Il y a donc erreur sur ce point de la part de l'honorable membre.
Dans la répartition à faire des commandes, je n'aurai à prendre en considération, ni les établissements patronnés par les banques, ni les (page 1319) établissements dirigés par des particuliers, je m'efforcerai d'être juste envers les uns et les autres et de faire, dans l'intérêt public, l'emploi le plus utile des fonds qui me seront confiés.
L'honorable membre demande si l'on devra prélever des salaires sur les fonds qui sont alloués au gouvernement. Messieurs, si le mode qui est indiqué par certains membres doit être suivi pour l'exécution des travaux, le mode d'exécution en régie, je devrai prélever des salaires sur ces fonds...
M. de Man d'Attenrode. - Et des traitements ?
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les traitements des agents de l'Etat sont une charge du budget ; cela a été formellement stipulé, en ce qui touche les agents du chemin de fer, sur la proposition même de l'honorable membre.
L'établissement de Malines a été l'objet de critiques très vives de la part de l'honorable membre ; l'honorable M. de Man voudrait qu'on y restreignît considérablement ce qui s'y fait ; que, dans un moment où l'on parle d'abolir le travail dans les prisons, on n'entretînt pas non plus ces fabriques gouvernementales qui font concurrence aux établissements privés. Mais l'honorable membre ne remarque pas que ce sont, en définitive, des ouvriers qui sont employés dans cet atelier ; que si le gouvernement y restreignait considérablement le travail, il ferait le contraire de ce qu'on engage les établissements à faire : il serait obligé de renvoyer un grand nombre d'ouvriers.
M. de Man d'Attenrode. Ce sont des ouvriers privilégiés.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Hélas ! on ne peut trop se plaindre s'il y a des ouvriers privilégiés ! ce que je sais, c'est qu’il y a au chemin de fer environ 4,000 ouvriers de toute nature, que ces ouvriers ne jouissent pas d’un salaire plus élevé que les ouvriers ordinaires ; mais ils se trouvent placés dans de meilleures conditions, parce que l'on a pris certaines mesures pour assurer leur avenir : c'est ce qu'il faudrait conseiller aux autres établissements ; c'est ce que devraient faire les particuliers, c'est ce que l'on va essayé de faire à l'aide des caisses de secours et de prévoyance pour lesquelles des fonds ont été votés récemment.
Les ouvriers attachés au chemin de fer de l'Etat ont, à l'aide d'une retenue sur leur salaire, constitué une caisse de secours et de prévoyance qui aura pour résultat de mettre ces ouvriers à l'abri du besoin, en cas de maladie, leurs veuves ou leurs enfants, en cas de mort. Ils ont même droit à une pension, lorsque, par suite de l'âge ou des infirmités ils se trouvent dans l'impossibilité de travailler. Il n'y a pas trop à se plaindre de ce qui se fait en ce sens. C'est un bel exemple qui devrait être partout suivi ; le chemin de fer donne sous ce rapport des enseignements très salutaires.
Si j'avais supposé que la question se fût présentée, j'aurais pu donner des renseignements sur ce qui s'est fait au chemin de fer, pour la caisse de prévoyance et de secours, et je pense que la chambre en aurait été extrêmement satisfaite.
M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, ce n'est pas sur l'amendement de M. le ministre des travaux publics que j'ai réclamé la parole ; je déclare d'avance que je voterai pour cet amendement, et j'ajoute que j'ai confiance dans ce que fera le gouvernement, quant à la répartition des fournitures à faire. Mais avant que la chambre n'émette son vote définitif sur le projet de loi, je désire lui soumettre deux observations qui ne sont peut-être pas nécessaires pour elle, mais qui ne seront pas inutiles en dehors de cette enceinte.
La première observation, c'est que la chambre a adopté tous les chiffres présentés en dernier lieu par M. le ministre des travaux publics et que, s'il y a eu des réductions sur les chiffres présentés primitivement, ces réductions opérées d'accord avec lui ne tombent que pour une part très minime sur les fournitures à faire par les établissements industriels.
Les principales réductions sont les suivantes : environ 900,000 francs sur les constructions, et 900,000 fr. pour achat et pose de billes ; à ces 1,800,000 fr., il faut en ajouter 800,000 que M. le ministre avait demandés en plus pour l'augmentation du matériel des transports ; mais quant à ces 500,000, fr., ma pensée est qu'ils seront alloués par la prochaine législature.
Ainsi donc les réductions n'affectent pas ou n'affectent que pour une part très minime les fournitures à faire par les établissements industriels.
Ma seconde observation, la voici : la chambre a alloué, pour fourniture de rails et accessoires, une somme de 1,670,151 francs 20 centimes ; eh bien, les rails qui seront commandés à l'aide de cette allocation, ne pourront pas, au moins pour la plus grande partie, être employés pendant cette campagne, parce que l'emploi de ces rails doit nécessairement être précédé de l'achat et du placement des billes ; ces rails seront donc pour la plupart mis en magasin pendant quelque temps. Il s'ensuit que très probablement d'ici à la fin de l'année, la législature ne pourra plus accorder que de bien faibles allocations pour l'augmentation de la quantité de rails qui vont être commandés, et dont nous n'autorisons aujourd'hui la fourniture que dans le seul intérêt de la classe ouvrière.
Messieurs, je fais cette déclaration, afin que les industriels ne se fassent pas illusion. La chambre se montre aussi bien disposée à leur égard qu'ils pouvaient s'y attendre ; la chambre, quelle qu'elle soit l'année prochaine, montrera les mêmes dispositions, j'en suis certain ; mais enfin, quel que soit le bon vouloir de la législature, il y aura nécessairement, dans les allocations auxquelles on consentira en faveur des industriels, il y aura des bornes au-delà desquelles il sera impossible d'aller. Voilà les deux observations que je voulais soumettre à la chambre avant qu'elle passât au vote définitif de la loi.
M. de La Coste. - Quand j'ai examiné dans les sections le projet en ce moment soumis à nos délibérations, j'avais témoigné que j'étais disposé à voter quatre millions et même à en faire l'objet d'un vote de confiance, à laisser la somme à la disposition de M. le ministre pour être employée de la manière la plus utile, non seulement en achats, mais en avances, afin de mettre en activité une plus grande quantité de travail que la somme ne comportait en elle-même.
Après avoir un peu bataillé sur les chiffres, comme il convient à ceux qui disposent de la bourse des contribuables, je voterai pour l'ensemble des sommes que la chambre a allouées. Mais je ne puis m'empêcher de revenir sur une observation fuite hier par l'honorable M. de Man. Le vote auquel je m'associe, parce que j'ai la conviction que les sacrifices qu'on fait pour conserver l'ordre sont moindres encore que ceux qu'on est obligé de faire pour le rétablir quand il a cessé d'exister ; ce vote, il ne faut pas se le dissimuler, causera une vive impression dans les localités auxquelles nous devons notre élection, et cette impression sera loin d'être favorable.
Ainsi que l'a dit l'honorable M. de Man, dans ce crédit il n'y aura rien ou du moins une somme tout à fait insignifiante pour l'arrondissement de Louvain. Cependant, je ne puis pas prévoir, personne ne peut prévoir si les mêmes motifs qui déterminent la chambre à accorder l'allocation dont il s'agit, pour tout le pays, ne nécessiteront pas également l’exécution de quelques travaux, soit dans la ville de Louvain, soit dans le reste de l'arrondissement.
J'ai trouvé dans les développements du projet 19,000 fr. pour maisons de garde, près de Louvain, et 9,000 fr. pour la station de Tirlemont, et encore, cela fait-il partie d'un crédit qui a été réduit. Ce sont là, comme moyen de travail, des ressources tout à fait insignifiantes.
Je rappellerai que dans les propositions primitives, qu'il a fallu restreindre à cause de la situation des finances et du crédit, le gouvernement avait compris une somme qui aurait profité à l'arrondissement de Louvain, celle qui était destinée à la construction de prisons. Ce crédit n'a pas été reproduit dans le projet actuel qui nous est défavorable sous tous les rapports. Je demanderai du moins que cette construction fasse l'objet des méditations du gouvernement et que celui-ci apporte une attention spéciale à l'examen de toutes les propositions qui pourront lui être faites de la part de la ville et de l'arrondissement de Louvain relativement à des travaux à exécuter au moyen d'allocations pour d'autres objets, comme les chemins vicinaux et les routes.
C'est une recommandation que je ne puis me dispenser de faire, parce que je la crois juste, et dont l'effet serait de nature à atténuer l'impression que causera le vote de cinq millions au payement desquels l'arrondissement de Louvain contribuera pour une forte part, tandis qu'il n'aura qu'une part insignifiante dans les résultats avantageux.
- La discussion est close.
L'amendement de M. de Man, sous-amendé par M. le ministre des travaux publics, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Comme l'article unique a subi des modifications, veut-on remettre à une autre séance le vote définitif ? (Non ! non !)
- La chambre consultée décide qu'elle votera d'urgence.
M. le président. - Je proposerai de faire de l'amendement un article 2.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit de 5 millions pour travaux au chemin de fer de l'Etat :
« A. Terrassements et ouvrages d'art, rampes et pavages : fr. 636,800. »
« B. Bâtiments des stations et loges de gardes : fr. 628,897 80
« C. Rails et accessoires pour doubles voies ou renouvellement des voies existantes : fr. 1,570,352 20
« D. Matériel des stations : fr. 353,950
« E. Matériel des transports : fr. 1,500,000
« F. Raccordement de la station de Gand : fr. 200,000
« (Ces 200,000 fr. ne sont accordés qu'à titre d'avances et seront remboursés par la ville de Gand.)
« G. Raccordement de la station de Bruges. : fr. 110,000, sans que la part d'intervention de l'Etat puisse excéder cette somme. »
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). – Il est bien entendu que le crédit est mis à la disposition du gouvernement et que la division ne comprend que des littera.
M. de Man d'Attenrode. - Il est entendu que les divers paragraphes ne constituent pas des articles, mais des littera, d'après la demande du gouvernement ; or, les littera n'engagent pas l'administration.
Mais je tiens à ce qu'ils soient compris dans le texte de la loi, afin qu'elle ne perde pas de vue les intentions manifestées par la chambre.
M. de Brouckere. - Ce sont des indications.
- L'article premier est adopté.
« Art. 2. Les articles 20 et 21 de la loi de comptabilité de l'Etat ne seront pas applicables aux marchés à faire en exécution de la présente loi. »
(page 1320) Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.
En voici le résultat :
77 membres sont présents.
5 s'abstiennent.
72 prennent part au vote.
61 votent pour l'adoption.
11 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq. de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dolez, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Henot, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle, Sigart, Simons, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Brabant, Broquet-Goblet, Cogels, Dautrebande, de Brouckere, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, de La Coste, Delehaye, Delfosse et de Muelenaere.
Ont voté contre : MM. Huveners, Orban, Rodenbach, Thienpont, Van Renynghe, David, de Corswarem, de Haerne, de Liedekerke et Liedts.
Se sont abstenus : MM. Eloy de Burdinne, Lys, Bricourt, de Garcia et de Mérode.
M. le président. - J'invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.
M. Eloy de Burdinne. - Dans les dépenses proposées, s'élevant à cinq millions, il en est plusieurs auxquelles j'aurais voulu donner mon approbation ; mais comme il en est beaucoup d'autres auxquelles je la refuse, j'ai dû m'abstenir.
M. Lys. - J'aurais voté volontiers pour plusieurs articles du crédit. Mais il en est que je ne puis adopter, notamment ceux qui tendent à accorder des avantages à des établissements industriels, parce que c'est, selon moi, donner ouverture à des réclamations d'autres industries, qu'il faudra accueillir ; ainsi, pour ne pas être injuste, mieux vaut les rejeter toutes.
Ensuite, je ne puis admettre un prêt de 200,000 fr. à faire à une ville opulente. Il sera pourvu à ce crédit au moyen de l'emprunt forcé. Ce ne sera donc pas seulement le riche, mais encore le petit industriel, le petit propriétaire, la petite bourgeoisie, qui devra en faire les fonds, si le projet est adopté ainsi qu'il est présenté. Par ce motif, je n'ai pu donner mon assentiment à la loi.
M. Bricourt. - Je n'ai pas voulu voter contre le projet, parce que je reconnais l'utilité des allocations qui y figurent ; je n'ai pas voulu voter pour, parce que les chiffres de ces allocations me paraissaient exagérés, surtout alors qu'elles doivent être couvertes au moyen d'un emprunt forcé. En un mot, j'aurais voulu que l'on demeurât dans les limites fixées par la section centrale.
M. de Garcia. - Messieurs, les circonstances où nous nous trouvons commandent des sacrifices considérables pour donner du travail aux ouvriers. Ce motif m'a déterminé à ne pas voter contre la loi. Mais, d'un autre côté, les sacrifices qu'on demande me paraissent trop élevés et peu en rapport avec ce qu'on peut sagement imposer au contribuable par un emprunt forcé.
A mes yeux, la hauteur de ces sacrifices exorbitants forcera le contribuable à restreindre les dépenses du travail particulier et nuira aux ressources de la classe ouvrière beaucoup plus qu'elle ne servira ses vrais intérêts ; en effet, on ne peut se dissimuler que le contribuable ne pourra faire travailler, obligé qu'il sera de donner ses écus au trésor.
Par ce motif, je n'ai pu donner mon assentiment à la loi.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu par les motifs qu'ont énoncés MM. Eloy de Burdinne et Bricourt.
M. le président. - La suite de l'ordre du jour appelle la prise en considération de demandes de naturalisation ordinaire et la nomination du greffier de la chambre.
M. Verhaegen. - Je crois qu'il conviendrait de terminer immédiatement la loi sur la garde civique que le sénat attend. Entre les deux votes de cette loi, nous pourrions nous occuper des deux objets qui viennent d'être indiqués par M. le président.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je voulais faire une proposition analogue à celle de l'honorable M. Verhaegen ; elle a aussi pour objet notre ordre du jour.
Il serait très désirable, messieurs, que le projet de loi d'emprunt fût mis à l'ordre du jour de lundi, en toute première ligne. Nous ne pouvons, je pense, différer davantage une si importante discussion.
Si l'examen de la loi sur la garde civique peut être terminé cette semaine, tant mieux. Dans le cas contraire, je demanderai que M. le ministre de l'intérieur consente à ce que la continuation de cette discussion soit postposée au projet de loi sur l'emprunt.
M. Verhaegen. - Je me rallie volontiers à l'observation de M. le ministre des finances.
Pour atteindre son but, il serait convenable de reprendre de suite la discussion de la loi sur la garde civique. Si la chambre voulait se réunir demain de bonne heure, nous pourrons terminer, et commencer, à l'ouverture de la séance de lundi, la discussion du projet de loi d'emprunt.
M. de Tornaco. - Je viens d'entendre M. le ministre des finances demander que le projet de loi d'emprunt soit mis à l'ordre du jour de lundi. Je désirerais savoir si le gouvernement s'en tient aux bases proposées à la chambre, s'il n'a pas l'intention d'y apporter quelques modifications. Il est à remarquer que la section centrale n'a pris aucunes conclusions sur un projet de loi d'une si haute importance. De sorte que la chambre est exposée à une discussion qui peut devenir interminable.
Si donc le gouvernement a des modifications à présenter, il serait bon qu'il les fît connaître.
Je crains que la discussion ne se prolonge indéfiniment, le but de ma demande est d'éviter cet inconvénient.
Je ferai remarquer ensuite que la semaine prochaine est une semaine où la chambre a l'habitude de se séparer pour quelques jours. Je sais qu'en raison des circonstances on pourrait déroger a cette habitude. Cependant il conviendrait de laisser aux membres de la chambre quelques jours, pour qu'ils puissent retourner chez eux.
Ceux qui se rendent chez eux tous les samedis en parlent à leur aise. Il' est très commode pour eux de critiquer ceux qui de temps en temps veulent retourner dans leurs foyers pour vaquer à leurs affaires. Les personnes qui se trouvent exactement à leur poste doivent, me semble-t-il, après deux mois, avoir quelques jours à eux. (Interruption.)
Je n'insiste pas sur cette observation ; mais il me semble qu'outre les autres observations, je peux faire valoir celle-là, sans susciter des murmures de la part de mes collègues.
Je reviens à l'opinion que j'ai émise d'abord ; je pense qu'il serait désirable que le gouvernement, dans l'intérêt de la discussion et afin de l'abréger, fît connaître les modifications qu'il se propose d'introduire, si toutefois il s'agit de modifications ;
C'est parce que j'en ai entendu parler que je me permets cette question.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la lecture du rapport de l'honorable M. Rousselle fait connaître que la plupart des sections ont exprimé le désir que l'emprunt ne soit fourni que par les personnes le mieux en état de le payer. Dans cette vue l'administration s'applique à chercher s'il ne serait pas possible de prélever, en effet, l'emprunt sur les contribuables les plus imposés tant pour la contribution foncière que pour la contribution personnelle, et tout en maintenant les autres bases ; car jusqu'à présent le gouvernement maintient les bases de son projet. Ce travail est avancé et je serai en mesure de le soumettre demain à mes collègues. S'il est approuvé, je m'empresserai de le faire connaître à la chambre, en faisant distribuer les modifications auxquelles il donnera lieu.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne m'oppose en aucune façon aux motions qui ont été faites de continuer la discussion du projet de loi relatif à la réorganisation de la garde civique et de fixer à lundi la discussion du projet de loi d'emprunt. Je reconnais parfaitement l'urgence de ces deux mesures.
Mais la chambre a mis à l'ordre du jour deux projets de loi qui n'ont aucune importance et qui ont un caractère d'urgence. Un de ces projets notamment a un tel caractère d'urgence, que si la chambre en différait un peu le vote, il serait sans objet : c'est le projet de loi relatif à la réunion du canton de Stavelot à l'arrondissement de Verviers, projet qui n'a rencontré aucune objection, et qui aura tout au plus, je dois le croire, les honneurs d'un appel nominal. (Interruption.)
Je ne comprendrais pas, à moins qu'on ne voulût faire avorter le projet qui a été soumis à la chambre, et les tentatives réitérées faites par la commune de Stavelot elle-même, je ne comprendrais pas qu'on pût arrêter le vote de ce projet. Je demande donc qu'il soit maintenu en tête de l'ordre du jour.
M. Destriveaux. - Messieurs, je sais qu'en général la chambre attache peu d'importance aux projets relatifs à des demandes de naturalisation. Aussi n'insisterais-je pas, surtout en ce moment, pour le maintien de l'ordre du jour, si parmi les demandes sur lesquelles vous devez vous prononcer il n'en était plusieurs d'une urgence bien caractérisée. Le retard qu'on apporterait à se prononcer sur ces naturalisations pourrait être extrêmement nuisible, non pas sous le rapport d'intérêts pécuniaires, non pas sous le rapport d'intérêts d'amour-propre, mais sous le rapport d'intérêts d'existence.
Plusieurs membres. - L'ordre du jour !
- La chambre consultée décide qu'elle maintient son ordre du jour tel qu'il a été fixé.
Le scrutin donne le résultat suivant :
Nombre des votants, 70. Majorité absolue 40.
M. Em. Huyttens, greffier actuel, obtient l'unanimité des suffrages, il est proclamé greffier.
Nombre des votants, 79. Majorité absolue, 40.
Thomas-Arnold Kessels, sous-brigadier des douanes, né à Gouda (Pays-Bas), le 24 octobre 1804, domicilié à West-Cappelle (Flandre occidentale), obtient 43 suffrages.
Stephano-Hippolyte-Victorin Colombier, capitaine de première classe au (page 1321) 1er régiment de chasseurs-carabiniers, né à Vouziers (France), le 20 mars 1807, 55.
Joseph-Jean-Baptiste-Eugène Dausoigne, sergent-fourrier au ler régiment de chasseurs-carabiniers, né à Paris, le 16 novembre 1825, 55.
Christian Zwahlen, sergent au 3ème régiment de ligne, né à Beltegem (Suisse), le 14 septembre 1802, 44.
Jean-Jacob Vioget, caporal au 3ème régiment de ligne, né à Combremont (Suisse), le 18 février 1792, 43.
Herman-Ernest Thoyssen, musicien-gagiste au 4ème régiment de ligne né à Altona (Danemark), le 6 juillet 1800, 45.
Jean Sorin, sergent-major au 9ème régiment de ligne, né à Ligneux (France), le 15 mai 1804, 39.
Thomas Homburg, sergent au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Rotterdam (Pays-Bas), le 1er juin 1808, 46.
Jean-Salomon Intrau, musicien-gagiste au 5ème régiment de ligne, né à Stollernheiin (Saxe), le 25 mai 1795, 45.
Charles-Théodore Leichssenring, musicien-gagiste au 7ème régiment de ligne, né à Leipzig (Saxe), le 7 janvier 1816, 44.
Henri-Antoine Hanisch, chef de musique du corps des sapeurs-pompiers, né à Mugeln (Saxe), le 3 novembre 1809, domicilié à Bruxelles, 45.
Jean-Baptiste-Antoine Meers, commerçant, né à Goes (Pays-Bas), le 18 juillet 1819, domicilié à Louvain, 55.
Jean-Lambert Kocn, soldat à la 2ème compagnie sédentaire de fusiliers, né à Maestricht, le 28 fructidor an VIII, 46.
François-Jules Marot, lieutenant au 12ème régiment de ligne, né à Paris, le 15 messidor an XIIII, 46.
Pierre-François-Joseph Laigle, maréchal-ferrant au 1er régiment de chasseurs à cheval, né à Fleurbaix (France), le 1er août 1797, 42.
Jean-Théophile Meissner, musicien-gagiste au régiment d'élite, né à Eckartsberga (Prusse), le 1er octobre 1815, 45.
Joseph Jeslein, sergent-major au régiment d'élite, né à Lille (France), le 3 novembre 1815, 40.
Bernard Terneus, maréchal des logis au régiment des guides, né à Calcken (Flandre orientale), le 14 frimaire an XII, 54.
Laurent Theuwissen, soldat au 3ème régiment de ligne, né à Berg-et-Terblyt (Pays-Bas), le 21 septembre 1793, 46.
Ferdinand Clapp, sergent-fourrier au régiment d'élite, né à Paris, le 26 décembre 1825, 39.
Charles-Eugène Esbaque, employé, né à Wattrelos (France), le 10 avril 1825, 37.
- En conséquence, les demandes des sieurs Sorin, Klapp et Esbaque sont rejetées ; les autres sont prises en considération.
M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la discussion de la proposition tendant à réunir le canton de Stavelot à l'arrondissement administratif de Verviers.
M. Malou. - Messieurs, dans la séance d'hier on a analysé une pétition présentée par des électeurs de la ville de Stavelot, au nombre de 44 sur 52, si je suis bien informé. Ces électeurs s'opposent à l'adoption du projet de loi. La pétition à la suite de laquelle ce projet de loi a été formulé, émane de l'administration communale. Il paraîtrait, d'après ce fait, que l'administration communale n'a pas sainement apprécié l'intention des électeurs de Stavelot.
Dans une séance précédente on a fait rapport sur une pétition émanée d'une des communes du canton, et demandant une mesure différente de celle qui est proposée.
Il n'est pas fait mention, ni dans le rapport, ni dans la note de M. le ministre de l'intérieur, transcrite dans le rapport, que la députation permanente ait été consultée depuis le changement apporté à la loi électorale, ni que les électeurs du canton de Stavelot aient pu faire leurs observations au sujet de la mesure proposée.
Je crois donc, messieurs, qu'il est impossible de statuer en ce moment, lorsque d'une part pour la localité principale et qui contient le plus grand nombre d'électeurs, nous voyons que la presque unanimité demande une autre mesure et que, d'autre part, une commune du canton la demande également.
Je conçois qu'une décision doive être prise par la chambre, dans un délai assez rapproché, ainsi que le faisait observer tout à l'heure un honorable membre ; je ne proposerai donc pas un long ajournement, mais je demanderai que la chambre ne statue pas aujourd'hui sur le projet, et qu'elle renvoie la pétition sur l'instruction de laquelle il n'a pas été statué hier, soit à la commission qui a examiné le projet, soit à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport. Je pense que cette demande ne peut pas rencontrer d'opposition.
M. Lebeau. - Messieurs, rien ne serait plus naturel que de faire droit à la motion de l'honorable M. Malou ; je m'y rallierais à l'instant, s'il ne s'était pas complètement trompé sur l'objet de la pétition a laquelle il a fait allusion. Je pense que cette pétition ne proteste en aucune manière contre l'idée de réunir, sous le rapport administratif, le canton de Stavelot à l'arrondissement de Verviers, auquel il ressortit déjà sous le rapport judiciaire.
Je crois que la pétition n'a nullement cela en vue ; si je suis bien renseigné, elle se borne tout simplement à demander que l'on puisse faire les élections à Stavelot même pour le canton. C'est une pétition comme celle de la ville de Wavre, qui a été analysée dernièrement et elle laisse dès lors complètement intacte la question du projet de loi auquel il n'y a pas la moindre opposition de la part de Stavelot, puisqu'une opposition de la part d'un habitant de Stavelot serait absurde.
M. Lys, rapporteur. - Messieurs, je vais donner lecture de la pétition pour démontrer que l'honorable M. Malou s'est singulièrement trompé en disant que les électeurs de Stavelot s'opposent à la réunion du canton de Stavelot à l'arrondissement de Verviers :
(L'orateur donne lecture de cette pétition.)
Les pétitionnaires disent positivement qu'ils sont portés pour la réunion à Verviers, parce qu'ils établissent qu'ils sont à 17 lieues de Huy, tandis qu'ils ne sont qu'à 6 lieues de Verviers.
Il n'y a, messieurs, dans tout le royaume que ce seul exemple d'un canton qui appartient administrativement à un arrondissement et qui fait partie d'un autre arrondissement, sous le rapport judiciaire.
Les habitants de Stavelot, quand ils ont à traiter une affaire judiciaire et une affaire administrative, doivent se rendre à Verviers pour l'une, et à Huy pour l'autre ; c'est là une chose extrêmement désagréable.
Jusqu'ici, messieurs, il y avait à Stavelot un petit nombre d'électeurs, et déjà ils se plaignaient fortement de devoir aller à Huy. Une élection leur faisait perdre trois jours. Le même inconvénient existait pour les affaires de milice. Aujourd'hui le nombre des élections est augmenté, et par conséquent il y aura un plus grand nombre de plaintes.
D'après ces faits, messieurs, il est évident que la réunion à l'arrondissement de Verviers est une mesure qui convient aux habitants de Stavelot.
M. de Mérode. - Messieurs, il y a une grande différence entre la valeur que peut avoir le vote d'un électeur s'il fait partie de tel arrondissement et la valeur du vote de cet électeur s'il fait partie de tel autre arrondissement. Si vous êtes réuni à un arrondissement extrêmement populeux et très industriel, et que vous apparteniez à une localité dont l'agriculture est le principal moyen d'existence, il est certain que vous ne pouvez pas faire représenter vos intérêts. Il ne m'est pas du tout démontré, par la teneur de la pétition, que les habitants de Stavelot demandent à être réunis à l'arrondissement de Verviers, en ce qui concerne les élections ; ils me paraissent bien plutôt animés du désir de conserver les mêmes rapports électoraux qu'ils ont eus jusqu'ici. Seulement comme ils sont fort éloignés du chef-lieu, ils demandent, comme les habitants de Wavre et de Jodoigne l'ont également demandé, à pouvoir voter dans leur localité.
Ce qui est certain, messieurs, c'est qu'il n'y a aucun inconvénient à attendre que la question ait pu être examinée ; il ne faut pas brusquer une pareille décision ; il faut savoir si réellement les électeurs désirent être réunis à l'arrondissement de Verviers ou s'ils désirent continuer à faire partie de l'arrondissement de Huy. Quant à moi, s'ils désirent réellement que leur canton soit réuni à l’arrondissement de Verviers, je suis tout disposé à voter la réunion ; mais s'ils désirent continuer à faire partie de l'arrondissement de Huy, ce serait une singulière manière de faire droit à leur pétition, que de prendre une décision tout à fait opposée à leur vœu. Je demande, pour qu'il n'y ait pas de surprise, que la chambre adopte la proposition de l'honorable M. Malou.
M. Malou. - Messieurs, je n'ai pas dit tout à l'heure que les 44 électeurs, signataires de la pétition, demandent à la chambre d'être réunis à l'arrondissement de Verviers ; mais j'ai dit qu'ils demandent une mesure différente que celle qui vous est proposée ; cela résulte à toute évidence de la lecture de la pétition.
Maintenant, si l'on veut voter sur la proposition de la commission, que va-t-on faire ? On va faire comme si on passait à l'ordre du jour, sans examen, sur la pétition de la presque unanimité du corps électoral de Stavelot. Je demande si dans de telles circonstances il n'est pas juste, il n'est pas nécessaire, en quelque sorte, d'attendre que la commission, qui s'est prononcée en faveur de la réunion de Stavelot à Verviers, ait pu faire l'examen de la pétition ; ce sera pour elle l'affaire de quelques jours, puisqu'elle a pu improviser ce projet en très peu de temps, elle pourra examiner la pétition et présenter de nouvelles conclusions.
Dans cet intervalle, l'on pourra savoir quel est réellement le vœu des habitants ; pour moi, je ne connais pas les localités ; en présence des demandes diverses qui sont faites, je ne puis pas démêler pour le moment quel est le véritable vœu, quel est le véritable intérêt des habitants.
Ce motif me force à demander que la chambre ne statue pas aujourd'hui, et qu'elle prononce un délai de quelques jours. Si je faisais une proposition qui pût entraîner virtuellement le rejet de la proposition de la commission spéciale qui était présidée par l'honorable M. de Man, je concevrais qu'on s'opposât à la demande ainsi formulée, parce que ce serait implicitement et à l'insu de la chambre, rejeter une proposition dont elle est saisie ; mais telle n'est pas ma motion ; je demande seulement qu'on se donne le temps d'examiner quel est le véritable vœu, le véritable intérêt des pétitionnaires. Nous avons, d'une part, une pétition signés par le bourgmestre et le secrétaire de Stavelot, et d'autre part, une pétition signée par 44 électeurs, et si je suis bien informé, Stavelot renferme 52 électeurs.
M. de Tornaco. - Messieurs, la proposition de l'honorable préopinant tend à faire ajourner la discussion du projet de loi qui nous occupe en ce moment. L'argument principal de cet honorable membre est qu'un examen (page 1322) préalable de la pétition devrait avoir lieu et qu'un rapport devrait être fait par la commission des pétitions ; je pense que cet argument vient d'être complètement détruit, attendu que la chambre a pris connaissance de la pétition tout entière ; la chambre à présent est suffisamment éclairée sur le sens de cette pétition.
Les pétitionnaires demandent à être réunis à Verviers, de préférence à Huy. Je crois que sur ce point il n'y a pas de doute. Si la chambre avait quelque doute sur le sens de la pétition, je lui rappellerais qu'il y a huit ou dix jours à peine que nous avons eu une autre pétition qui ne laissait aucun doute ; cette pétition n'exprimait pas seulement le vœu formé aujourd'hui par le conseil communal de Stavelot, mais elle se faisait I écho du vœu exprimé depuis 20 ans par les habitants de Stavelot.
Cette affaire est importante. Il s'en est agi au conseil provincial de Liége à diverses reprises, notamment en 1837. Tout le monde admettait tellement la légitimité de la demande des habitants de Stavelot, que le conseil provincial a avisé favorablement et à l'unanimité sur cette demande. La délibération du conseil provincial doit se trouver dans les archives du ministère de l'intérieur.
Je crois, quant au vœu des habitants de Stavelot, qu'il ne peut pas y avoir de doute ; il faudrait fermer les yeux sur la situation respective des diverses localités pour ne pas comprendre que les habitants de Stavelot désirent et doivent désirer ardemment d'être réunis à l'arrondissement de Verviers.
Messieurs, on vous a parlé tout à l'heure de 17 lieues que les habitants de Stavelot doivent taire pour se rendre à Huy ; mais ils ont encore à faire 17 lieues pour le retour ; ce qui fait en tout 34 lieues. Ils ont à s'imposer des dépenses, ils doivent abandonner leurs affaires et loger dans la ville de Huy ; les électeurs de Stavelot arrivent ordinairement la veille, et très souvent ils ne s'en retournent que le lendemain de l'élection.
Un autre vœu qui est exprimé par les pétitionnaires et sur lequel s'appuient les honorables membres qui ont parlé avant moi, c'est d'être réunis à un autre arrondissement ou de voter dans le chef-lieu de leur canton, c'est-à-dire de faire de Stavelot un chef-lieu particulier pour les élections ; mais ce vœu avait déjà été exprimé dans la pétition précédente, et vous comprenez que dans ce moment l'on ne peut donner suite à ce vœu ; il faudrait changer la loi de réforme électorale votée il y a peu de temps, de sorte qu'il ne reste plus que la pétition dont il vient d'être fait lecture : c'est-à-dire, qu'il reste à choisir entre Huy et Verviers ; ce choix ne pouvant être douteux pour les habitants de Stavelot, il faut réunir ces habitants à Verviers, c'est ce que je prie la chambre de faire en ce moment ; j'espère que, dans l'intérêt des habitants de Stavelot, la chambre n'hésitera pas à voler le projet de loi.
M. Delfosse. - Si l'honorable M. Malou connaissait les localités et les antécédents, il n'hésiterait pas un instant à se prononcer avec nous en faveur de la proposition Je la commission spéciale.
Comme on vous le disait tantôt, il y a vingt ans que les habitants du canton de Stavelot pétitionnent pour être réunis à l’arrondissement de Verviers. Le conseil provincial de Liège et la députation permanente ont constamment appuyé cette demande auprès du gouvernement, et il est étrange qu'on n'y ait pas encore donné suite.
La situation des habitants du canton de Stavelot est vraiment intolérable, lis ont vingt lieues à faire pour exercer leurs droits politiques, ils doivent passer par Verviers et par Liège pour aller voter à Huy. Leur réunion à l'arrondissement de Verviers est un acte de justice qui ne doit plus se faire attendre.
L'honorable M. Malou a tiré de fausses conséquences de la pétition qui a été déposée hier sur le bureau. Parce que les pétitionnaires ont demandé le vote au chef-lieu de canton, l'honorable membre s'imagine qu'ils ne veulent pas la réunion à l'arrondissement de Verviers.
Mais s'ils ont fait cette demande, c'est parce qu'ils désespéraient d'obtenir la réunion à l'arrondissement de Verviers, c'est parce que de nombreuses démarches étaient restées sans résultat ; ils ont dû naturellement croire qu'ils continueraient à faire partie de l'arrondissement, de Huy et demandent, sous l'influence de cette idée, le vote au chef-lieu. Mais on aurait tort de conclure de cette demande subsidiaire qu'ils ne préfèrent pas la réunion à l'arrondissement de Verviers ; pour quiconque connaît les localités et les antécédents, cette préférence n'est pas douteuse.
M. Orban. - On voudra bien reconnaître une chose, c'est qu'on apporte dans cette affaire un empressement, je dirai une précipitation qui n'ont rien d'ordinaire. Il y a à peine 15 jours que la pétition du conseil communal de Stavelot a été adressée à la chambre et en 15 jours on a trouvé moyen de la renvoyer à la commission des pétitions, d'en obtenir un prompt rapport, de renvoyer ce rapport au ministre, d'obtenir du ministre une réponse avec la explications demandées et un avis favorable, de renvoyer enfin le tout à une commission spéciale qui a délibéré et pris l'initiative d'un projet de loi sur lequel nous sommes en ce moment appelés à statuer. C'est là un empressement véritablement peu ordinaire et qui est d'autant moins explicable qu'il s'agit d'une affaire de la nature la plus délicate et qui demanderait les plus mûres méditations.
Il s'agit en effet d'une modification apportée à la circonscription électorale, et c'est, si je ne me trompe, la première mesure de ce genre qui aura été prise depuis l'existence de la loi électorale, quoique assurément le district de Huy ne soit pas le seul dont la circonscription laisse à désirer.
Ne craint-on pas qu'en procédant ainsi par mesure isolée et exceptionnelle, l'on ne s'expose au reproche de vouloir favoriser certaines combinaisons électorales et porter préjudice à d'autres ? Si l'avenir venait à révéler de pareilles combinaisons, la chambre aurait à regretter le rôle qu'on lui aurait fait jouer en celle circonstance.
L'on a parlé de l'instruction qui, dans le temps, a été donnée à cette affaire ; l'on a dit que la réunion dont il s'agit avait reçu l’adhésion du conseil provincial. N'est-il pas étrange que sur une simple pétition on s'empresse de présenter un projet de loi, tandis que sur une demande régulièrement examinée par la députation et le conseil provincial, à une autre époque, on n'a pas jugé à propos de soumettre un projet à la chambre ?
Pour justifier une semblable déviation des règles administratives, il faudrait au moins que le vœu des électeurs du canton de Stavelot fût clairement manifesté. C'est ce que je ne vois pas.
La pétition dont vous avez été saisis en premier lieu émane, non des habitants, mais du conseil communal d'une seule localité. Depuis lors une seconde pétition vous est parvenue, émanant cette fois des habitants, et celle-ci se borne à demander le vote au chef-lieu du canton sans exprimer le vœu d'une réunion à Verviers. Cette omission est très significative et elle ressemble tout à fait à une réclamation contre le vœu exprimé dans la pétition de l'administration communale.
Si vous voulez connaître réellement le vœu des électeurs du canton de Stavelot, consultez-le, attendez au moins qu'il ait eu le temps de se produire ; car il se peut que, dans quelques jours, vous soyez saisis de réclamations de la part de toutes les communes du canton dans un sens contraire.
Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
D'autres voix. - Non ! non !
M. de Brouckere. - S'il est une circonstance qui démontre que le projet est véritablement urgent, c'est précisément l'empressement qui a été mis de toute part à en hâter l'instruction ; et c'est de cet empressement que l'honorable préopinant veut tirer la conséquence que rien ne presse ; c'est-à-dire que M. Orban veut avoir raison contre tout le monde.
M. de Mérode. - C'est une plaisanterie.
M. de Brouckere. - Si c'est une plaisanterie, je suis fâché de ne pas y mettre autant d'esprit que M. de Mérode qui a le privilège de nous faire rire. Pour moi je crois que je ne fais pas rire M. de Mérode. Le plus souvent, je le mécontente.
Tout le monde a reconnu qu'il y avait urgence à s'occuper de ce projet ; c’est qu'il est véritablement urgent. S'il y a quelque chose de surprenant, ce n'est pas l'empressement qu'on a mis à s'en occuper, mais le retard qu'on a apporté à mettre la chambre à même de prendre une décision.
On vous l'a dit, depuis 20 ans les habitants du canton de Stavelot demandent à être réunis à l'arrondissement de Verviers, pendant vingt ans leurs réclamations ont été stériles. N'est-ce pas le moment de s'en occuper quand nous sommes à la veille d'élections générales ? Voulait-on que le projet fût discuté après les élections ? Si la chambre était tentée de l'ajourner jusqu'au moment où les élections auront eu lieu, c'est alors qu'on aurait raison de dire qu'il n'est pas urgent, qu'on peut le remettre ; l'urgence existe précisément parce que nous sommes à la veille des élections, parce que dans peu de temps les habitants auront à recueillir les avantages qui doivent résulter pour eux de la résolution que vous prendrez. Car, pour moi, cette résolution ne saurait être douteuse. J'ai fait partie de la commission qui a examiné le projet de loi. Je n'ai pas hésité à reconnaître que la proposition qui vous est soumise est l'expression du vœu général formé par le canton de Stavelot.
M. de Garcia. - Malheureusement derrière la question qui nous occupe il y a des intérêts électoraux ; c'est un fait que nul de nous ne peut dissimuler, et s'il pouvait y avoir des doutes, ils devront s'évanouir devant les interruptions qui partent de certains bancs, et devant la manière avec laquelle la proposition est faite et discutée. Au fond il y a donc ici autre chose qu'une question de bien-être pour le canton de Stavelot.
Du reste, l'on doit convenir qu'il peut être utile et avantageux aux communes ressortissant à ce canton d'être rattachées à l'arrondissement judiciaire de Verviers. Le vœu de la majorité des intéressés est-il bien manifeste ? C'est ce qui peut être mis en doute. En effet, la mesure proposée est de nature à amener non seulement un changement, au point de vue électoral, mais encore une certaine perturbation dans la partie administrative de ce canton, qui jusqu'à ce jour a relevé de l'arrondissement judiciaire de Huy.
Entre autres perturbations, je citerai la matière hypothécaire qui ne peut manquer d'offre quelques difficultés d'application.
A la vérité l'on dit que depuis longtemps cette affaire a été instruite ; mais précisément parce qu'il y a longtemps qu'une instruction a été faite, c'est un motif de s'assurer si les circonstances n'ont pas changé. Depuis lors on a fait des lois organiques, qui modifient radicalement ce qui existait. En présence de cet état de choses, évidemment il fallait une instruction nouvelle. Or, je le demande, a-t-on consulté sur cet objet le gouverneur de la province, le commissaire du district, les président et procureur du roi ? Je ne trouve aucun document à cet égard.
Plusieurs membres. - Cela a été fait.
M. Malou. - Il y a quinze ans.
(page 1323) M. de Garcia. - Soit, mais encore une fois n'a-t-on pas marché depuis lors, et les choses sont-elles dans le même état ? Nous avons voté la réforme électorale ; nous avons apporté une réforme radicale à la loi électorale ; et je m'en féliciterais si on avait voulu lui donner des proportions plus libérales encore, et plus sincèrement libérales. Pour atteindre ce but, il fallait introduire dans la loi, non seulement l'uniformité du cens, mais aussi l'uniformité de facilités pour tous les citoyens dans l'exercice de leurs droits politiques. Il fallait, en d'autres termes, mettre tous les citoyens à même d'émettre leurs suffrages sans déplacement dispendieux. A cet effet, j'avais demandé en section, qu'on votât au chef-lieu des cantons. Cette opinion, combattue par le gouvernement, a été rejetée.
Je le regrette sous tous les rapports. Je le regrette d'abord, parce que l'exception est contraire à la justice et aux principes du vrai libéralisme. Je le regrette, parce qu'à juste titre elle fera surgir aussi des réclamations de beaucoup de localités. Que ces considérations n'alarment personne ; il ne s'agit nullement du fractionnement, dont beaucoup semblent s'effrayer, il s'agit purement et simplement de mettre tons les citoyens à même d'exercer facilement leurs droits constitutionnels, il s'agit de prévenir le « tohu bohu » déplorable qui résultera nécessairement d'une réunion immense d'électeurs sur un même point.
Je désire qu'un ordre de choses semblable n'amène pas de désordres ; je désire que le pays n'ait pas à déplorer des accidents qui peuvent en résulter ; mais, je le déclare, je crains beaucoup qu'il n'en soit autrement. (Non ! non !)
Interrompez-moi tant que vous voudrez ; vous ne m'empêcherez ni d'avoir mes convictions, ni de les exprimer.
Je le répète, ce n'est pas sans inquiétude de certains désordres que je vois l'agglomération d'une masse de citoyens en proie aux passions politiques, qui sont inséparables du régime constitutionnel. Or, il était facile de les éviter en respectant les droits de tous et de la chose publique. En établissant l'uniformité du cens, il fallait, autant que possible, établir pour tous l'uniformité dans la facilité d'exercer, les droits politiques, et pour cela consacrer le principe que tous les citoyens belges voteraient pour les élections au chef-lieu de leur canton. Ainsi l'on eût fait une loi largement libérale, telle que je la voulais. (Interruption.)
Je m'étonne de toutes ces interruptions, et j'invite les interrupteurs à prendre la parole pour me répondre. Savez-vous, messieurs, que la loi électorale que vous avez votée impose une contribution considérable et extraordinaire, à grand nombre de nos concitoyens ? Savez-vous, qu'en moyenne, cette contribution ne peut s'élever au-dessous de 10 francs ; c'est-à-dire, qu'elle s'élève au quart de l'impôt qui leur donne le droit d'être électeur ? J'en appelle à votre conscience, messieurs, une mesure semblable est elle-juste, est-elle vraiment libérale ? Poser la question, c'est la résoudre. Aussi ai-je la conviction qu'il faudrait revenir sur ce qui a été fait.
Les principes du juste, qui forment la base du vrai libéralisme, sont imprescriptibles ; de toute part il vous arrivera si grand nombre de réclamations motivées sur les raisons les plus plausibles que vous ne pourrez sans iniquité refuser la faculté que j'ai vainement défendue lors de l'examen de la loi sur la réforme électorale, si cette faculté ne s'était fait attendre, bien probablement nous ne perdrions pas un temps précieux et nous n'aurions pas à nous occuper de la proposition actuelle dont j'appuie l'ajournement.
M. de Tornaco. - L'honorable M. de Garcia a terminé son discours par une revue rétrospective sur la réforme électorale. Mes opinions sur cette question n'ont pas toujours été conformes au vote qui a été émis dans cette enceinte : j'ai exprimé à ce sujet une crainte qui était assez connue dans cette assemblée. Cependant, jamais je n'ai eu de doute sur l'efficacité de la réunion des électeurs. J'ai toujours regardé l'unité du corps électoral, l'assemblée générale des électeurs comme une des plus belles pensées du congrès, comme la plus favorable à la consolidation de notre nationalité. La réunion des électeurs dans les collèges, la fusion des habitants des campagnes avec ceux des villes ont toujours eu mon entière approbation. J'ai toujours cru que cette réunion était de nature à élever l'esprit des électeurs, à établir l'unité dans l'esprit public, à assimiler les diverses parties des collèges électoraux.
L'objection la plus sérieuse, la seule que j'aie faite dans cette enceinte à la réforme électorale, était tirée de la crainte qu'il n'y eût plus un juste équilibre des intérêts matériels des contribuables.
Je fais cette déclaration afin que l'on ne se méprenne pas sur mes sentiments : ils ne sont pas les mêmes que ceux de certains membres qui exprimaient des craintes sur les résultats de la loi de réforme, qui a été votée il y a peu de temps.
Je reviens à l'objet en discussion dont on s'est trop écarté.
L'honorable M. de Garcia, en commençant, vous a dit qu'il y a malheureusement dans cette question des intérêts électoraux en jeu. Je reconnais cette vérité. C'est un fait très positif. Mais il n'est certes pas d'une importance telle qu'elle doive passionner la chambre. Son importance est extrêmement minime. ;
Remarquez-le, il ne s'agit que de faire passer d'un arrondissement à un autre 40 à 50 électeurs.
M. Orban. - 200 électeurs.
M. de Tornaco. - 40 à 50.
S'il y a des intérêts électoraux en jeu pour une partie de cette chambre, ils sont également en jeu pour une autre partie de la chambre. Peut-être, si l'on scrutait le passé, trouverait-on que ces intérêts électoraux ont été la cause de certains retards qui étonnent tant l'honorable M. Orban, de ce qu'une injustice grave a été commise à l'égard des habitants du canton de Stavelot.
Il est de toute justice qu'un tort commis sous une influence soit réparé aujourd'hui, qu'elle n'existe plus. Vous voyez que je pose franchement la question.
Indépendamment de l'opinion qui peut partager la chambre, il y a une chose à considérer (c'est la véritable position de la question). Est-il vrai, oui ou non, que les habitants de Stavelot soient intéressés à être réunis à l'arrondissement administratif de Verviers plutôt qu'à celui de Huy ? Voilà bien ce qu'il faut examiner, indépendamment de l'esprit de parti, que nous sommes tous intéressés à ne pas écouler en ce moment.
En nous bornant à ce point de vue, je pense qu'il n'est pas un membre de cette chambre qui osât affirmer que les habitants du canton de Stavelot n'ont pas intérêt à être réunis au district administratif de Verviers.
L'honorable M. de Mérode dit, qu'il y a diversité d'intérêt de populations. C'est tout le contraire. Quel est l'intérêt dominant dans le canton de Stavelot ? C'est l'intérêt industriel.
Qui ne connaît pas en effet la fabrication des cuirs de Stavelot ? (On rit.) Messieurs, la tannerie de Stavelot, pour me servir d'une expression qui ne fasse plus sourire, est renommée. Il y a là un grand commerce de tannerie, je crois que personne ne l'ignore dans cette enceinte, et c'est la population qui est employée à l'industrie de la tannerie qui est la population principale de Stavelot. Ce fait, personne, je pense, ne le contestera. Ainsi l'unique objection, qui était tirée de la diversité d'intérêts et qui a été présentée par l'honorable comte de Mérode, ne peut plus rester debout. La population de Stavelot est une population sympathique à l'arrondissement de Verviers et au chef-lieu de cet arrondissement ; non seulement il y a rapports d'intérêts, similitude d'intérêts, mais même des liens de famille très nombreux existent entre les habitants de Verviers et ceux de Stavelot.
Messieurs, la circonstance est très favorable pour résoudre la question, et les habitants de Stavelot ont parfaitement bien fait d'en profiter. Je crois que comme ils n'ont pas une grande influence dans le pays, s'ils eussent attendu un moment où il ne se fût pas agi d'intérêts électoraux, on les aurait encore oubliés comme on les a oubliés pendant vingt années.
D'ailleurs, messieurs, l'occasion se présentait tout naturellement. Quand vous avez abaissé le cens, les électeurs de Stavelot ont été d'autant plus frappés des inconvénients que présentait l'éloignement de leur canton du chef-lieu où ils devaient aller voter. Que vous ont-ils dit dans la première pétition ? Ils vous ont dit que le cens étant abaissé à 20 florins, l'électoral était à portée d'électeurs moins riches et que ces électeurs étaient moins capables de faire la dépense à laquelle ils seraient condamnés. Voilà le motif principal qu'ils ont fait valoir en faveur de leur demande d'adjonction à Verviers.
M. Malou. - Messieurs, d'après la tournure qu'a prise la discussion, je ne crois pas devoir maintenir la proposition d'ajournement. Il faut que la chambre vote pour ou contre le projet de loi.
M. de Mérode. - Pourquoi ?
M. Malou. - Parce qu'on a reconnu, de part et d'autre, qu'il s'agissait ici, à la veille d'une dissolution, de changer le statu quo électoral dans un seul arrondissement, de faire une loi électorale exceptionnelle pour quelqu'un contre quelqu'un. C'est donc ici une question de justice Je voterai contre le projet.
M. Lebeau. - Messieurs, je crois que la question ne peut être ramenée à de pareilles proportions, je ne dirai pas pour la plus grande partie de cette chambre, je dirai pour personne dans cette chambre. Il est impossible que, sur les bancs de ce côté du moins, nous acceptions une pareille signification du débat auquel nous nous livrons ; et quant à moi, dussé-je ne pas échapper à de pareilles imputations que je considère comme un véritable outrage, je prendrai part à la discussion et je prouverai qu'il s'agit uniquement de mettre un terme au plus inconcevable déni de justice qu'il soit possible d'imaginer.
Messieurs, dès les premières années de notre révolution, le canton de Stavelot s'est adressé à tous les pouvoirs en Belgique pour obtenir le redressement de ce qui, sous l'ancien gouvernement, avait été considéré comme un acte irrégulier cl condamnable.
En 1820 ou 1822, je ne me rappelle pas précisément la date, il a pris, paraît-il, fantaisie au gouvernement, pour placer un individu, et l'opinion publique l'a dit alors hautement, de créer un arrondissement nouveau dans la province de Liège. On a créé un quatrième arrondissement dans la province de Liège et cet arrondissement ayant été fait en partie au détriment de celui de Huy, on a donné à ce dernier, pour faire taire les réclamations qui s'élevaient de sa part, un appoint aux dépens de l'arrondissement de Verviers. Cet appoint, messieurs, a été soldé par le canton de Stavelot.
Eh bien, messieurs, sous l'ancien gouvernement et sous le gouvernement nouveau, le canton de Stavelot n'a cessé de réclamer pour être réuni, sous le rapport administratif, à l'arrondissement de Verviers, auquel il ressortit sous le rapport judiciaire, et ces réclamations ont été trouvées tellement légitimes que le conseil provincial de Liège, à l'unanimité, a émis par trois fois le vœu que le canton de Stavelot fût réuni complètement à l'arrondissement de Verviers.
(page 1324) Messieurs, en présence de la stérilité des efforts faits par le canton de Stavelot, l'honorable M. David, dès 1839, j'appelle l'attention de l'honorable M. Orban sur cette date pour prouver avec quelle précipitation cette affaire a marché, l'honorable M. David a déposé sur le bureau de la chambre une proposition de loi qui a été prise en considération sans opposition aucune et qui a été renvoyée à une commission spéciale.
Comment se fait-il que cette proposition ait dormi pendant neuf ans dans les cartons ? C'est ce que j'ignore.
M. Malou. - Vous étiez ministre en 1841.
M. Lebeau. - Nous étions ministre en 1841, dit l'honorable M. Malou. Mais il faut convenir qu'il était assez naturel d'oublier une proposition qui avait eu le malheur d'être ainsi enfouie dans les cartons et dont on n'avait plus parlé.
On conçoit que l'administration communale de Stavelot ait perdu l'espoir. En voyant l'inutilité de ses efforts, de ses réclamations, des trois résolutions prises à l'unanimité par le conseil provincial de Liège, le canton de Stavelot s'est résigné. Il s'est résigné à attendre des temps meilleurs pour la réclamation qu'il avait soumise jusque-là inutilement à la chambre. Il a cru qu'après les événements de juin, ce moment était arrivé et il s'est adressé de nouveau à vous. C'est, messieurs, le conseil communal tout entier, ce sont les élus de la commune de Stavelot qui se sont adressés à la chambre.
Je demanderai seulement la permission de lire deux seuls paragraphes de la pétition de l'administration communale de Stavelot. Cette lecture prouvera toute l'actualité de la réclamation et pour quelle raison toute spéciale la commune de Stavelot s'est émue de nouveau, et sollicite une prompte justice :
« Un coup d'œil jeté sur la carte suffira peur vous convaincre, messieurs, que la distance qui nous sépare de la ville de Huy, qui, soit dit en passant, s'écarte tout à fait du point utile à nos affaires industrielles et commerciales, est de 100,000 mètres par la route de Liège, et de 75,000 mètres par la voie directe, devant ainsi traverser deux arrondissements, ceux de Verviers et de Liège, pour arriver au nôtre, celui de Huy. Tandis que la distance moyenne de Verviers (qui est notre arrondissement judiciaire) n’est, pour toutes les communes de ce canton, que de 30,000 mètres.
« En présence d'une anomalie aussi grave, aussi extraordinaire, comment concevoir la possibilité, pour tous les électeurs du canton de Stavelot (admis comme tels avec le cens de 20 florins) de se transporter, à leurs frais, au chef-lieu de l'arrondissement de Huy, à l'effet d'y exercer une de leurs plus belles, de leurs plus importantes prérogatives ? Il est évident, messieurs, que si, au mépris des lois, certains électeurs, payant le cens de 30 florins, auraient, dans le temps, accepté des rémunérations, sous forme d'indemnités de voyage, pour aller voter à Huy, il est d'autant plus rationnel de prétendre que, sous l'empire de la loi nouvelle, les trois quarts à peu près des électeurs n'auront point les facultés pécuniaires de faire, le cas échéant, sur leurs propres deniers, un parcours d'environ 40 lieues pour l'aller et le retour. »
Messieurs, l'heure nous presse ; sans cela je dirais que le conseil communal de Stavelot est ici l'écho de la clameur publique qui a signalé, à propos des élections de Huy, des faits dont l'honorable M. de Tornaco vous entretenait tout à l'heure, avec une réserve dont je ne veux pas non plus me départir quant à présent.
Il y a d'ailleurs d'autres raisons que des raisons électorales, il y a des raisons administratives qui sont puissantes. Ainsi les habitants de Stavelot vont au tribunal de Verviers, à 6 lieues de leur résidence, et ils sont obligés d'aller à Huy pour leurs affaires administratives. Les malheureux miliciens sont obligés de faire chaque année 17 lieues pour se représenter au commissaire quand ils pourraient n'en faire que 6. Pour tous leurs rapports avec le commissariat d'arrondissement, les difficultés et les dépenses sont triplées. (Aux voix ! aux voix !)
Je vois que la chambre est pressée d'en finir et je m'arrêterai ; mais j'aurais à parler pendant une heure si je voulais faire ressortir tous les inconvénients de la circonscription actuelle, pour les habitants du canton de Stavelot.
M. de Mérode. - Messieurs, on a parlé tout à l'heure de passion ; eh bien, moi, je ne suis passionné que pour la justice, et si réellement les habitants du canton de Stavelot désirent la réunion de ce canton à l'arrondissement de Verviers, aussitôt que j'en aurai la certitude, je voterai pour cette réunion ; mais c'est précisément là ce qu'on ne veut pas examiner sincèrement. On vient avec des affirmations qui ne sont appuyées d'aucune preuve déterminante. Que demandent les électeurs du canton de Stavelot ? Ils demandent à pouvoir voler à Stavelot. Or qu'auront-ils s'ils sont réunis à l'arrondissement de Verviers, et si on leur refuse le droit de voter à Stavelot ? Ils devront faire douze lieues pour aller exercer leurs droits politiques. Il n'y aura pas là égalité entre eux et les électeurs de Verviers. L'honorable M. de Tornaco peut trouver beaucoup de plaisir à faire venir une masse d'électeurs sur un point où il s'en trouvé déjà un très grand nombre ; c'est ce qui amène tous ces dîners, tous ces transports en voiture, toutes ces dépenses énormes auxquelles ne peuvent pas toujours se soumettre ceux qui sont opposés à M. Tornaco. Mais je dis, moi, que si vous maintenez dans votre loi cette inégalité entre les électeurs, il vous arrivera des pétitions de toutes les parties du pays pour réclamer enfin l'égalité dans les élections, car c'est là la véritable égalité, l'égalité juste, bonne et qui doit être sincèrement appliquée.
Je n'insisterai pas sur ce point, ce n'est pas là la question que nous avons à décider en ce moment ; il s'agit de savoir quel est le vœu des habitants du canton de Stavelot ; or, je n'ai aucune certitude sur la nature de ce vœu, c'est pourquoi je demande un délai et un délai très court.
- La clôture est demandée.
M. Orban. - Messieurs, je demande la parole contre la clôture. Jusqu'à présent toute la discussion a porté sur la question d'ajournement présentée par l'honorable M. Malou et qui vient d'être retirée par lui. Depuis lors a seulement commencé la discussion sur le fond même de la proposition, et nous n'avons entendu que le discours de l'honorable M. Lebeau et les quelques paroles que vient de prononcer l'honorable comte de Mérode. Il me semble donc que ce serait fermer la discussion avant qu'elle n'ait eu lieu, que de prononcer maintenant la clôture. J'aurais voulu répondre à ce qui a été dit par l'honorable député de Bruxelles sur les frais de voyage payés à certains électeurs pour se rendre au chef-lieu électoral.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - C'est la pétition du conseil communal de Stavelot qui énonce ce fait.
M. Orban. - Le conseil communal énonce ce fait, et M. Lebeau l'avait énoncé avant lui. J'aurais voulu dire que ce fait est une conséquence fâcheuse de la position exceptionnelle faite aux électeurs de la campagne.
- La clôture est prononcée.
M. le président. - M. de Mérode a déclaré qu'il reprend la motion d'ajournement. Je vais la mettre aux voix.
Plusieurs membres. - L'appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal sur la proposition d'ajournement ; en voici le résultat :
57 membres sont présents.
20 adoptent.
37 rejettent.
En conséquence l'ajournement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Theux, d'Huart, Duroy de Blicquy, Eloy de Burdinne, Faignart, Lejeune, Malou, Mercier, Orban, Pirmez, Raikem, Thienpont, Vandensteen, Zoude, de Corswarem, Dedecker, de La Coste, de Man d'Attenrode et de Mérode.
Ont voté le rejet : MM. Desaive, Destriveaux, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dumont, Eenens, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Meneau, Pirson, Rogier, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye, Verhaegen, Vilain XIIII, Bricourt, Dautrebande, David, de Bonne, de Brouckere, Delehaye et Delfosse.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Le canton de Stavelot, composé des communes de Stavelot, Basse-Bodeux, Bra, Chevron, Fosse, Francorchamps, Gleize, Lierneux, Raliez, Stoumont et Wanne, ressortissent à l'arrondissement de Verviers, sous le rapport administratif. »
On passe à l'appel nominal.
La chambre n'est plus en nombre.
52 membres seulement ont répondu à l'appel.
Ce sont : MM. Desaive, Destriveaux, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dumont, Duroy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Fallon, Frère-Orban, Gilson, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mercier, Moreau, Orban, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Troye, Vandensteen, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Bricourt, Dautrebande, David, de Bonne, de Brouckere, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode et de Mérode.
- La séance est levée à 5 heures.