Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(Présidence de M. Verhaegen (aîné), vice-président.)

(page 1233) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

« Plusieurs habitants de Tournay présentent des observations contre le projet de loi d'emprunt. »

M. Broquet-Goblet. - Messieurs, cette pétition renferme des considérations importantes. Je demanderai que la commission des pétitions fasse un rapport avant la discussion du projet d'emprunt.

M. Le Hon. - J'appuie cette proposition.

M. Delfosse. - Je demande que ces conclusions, si elles sont adoptées par la chambre, s'appliquent à toutes les pétitions concernant l'emprunt.

- La chambre, consultée, prend une décision en ce sens.


« La chambre de commerce de Liège présente des considérations en faveur du projet de loi d'emprunt. »

« Mêmes considérations de la part des habitants de Seraing. »

- Même décision.


« Plusieurs habitants d'Ostende demandent de pouvoir organiser une compagnie spéciale de garde civique, qui prendrait la dénomination de chasseurs-carabiniers d’Ostende. »

- Sur la proposition de M. Delfosse, cette pétition restera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la garde civique.


« Les membres du conseil communal de Remagne proposent quelques mesures qui ont pour but d'améliorer la situation du pays. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Lille St-Hubert demandent que les élections pour les chambres aient lieu au chef-lieu de canton. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Roulers demandent l’abaissement du cens électoral pour les communes dont la population est au-dessous de 15,000 âmes. »

M. Rodenbach. - Messieurs, les pétitionnaires disent que le pays a perdu à l'abaissement du cens électoral pour les chambres, pour la province, ainsi que pour la commune ; qu'il n'y a pas de justice distributive, puisque le cens électoral d'une ville de 10,000 âmes n'est que de 2 fr. 32 c. inférieur au cens électoral d'une ville de 100,000 âmes ; ils prient la chambre d'examiner mûrement leur requête, et ils forment des vœux pour qu'on veuille leur rendre justice.

Je demande que la pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Warguier demande que le gouvernement accorde une indemnité aux Polonais qui désirent rentrer dans leur patrie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Delobel Doornaert, détenu à la maison d'arrêt de Courtray, prie la chambre de le faire mettre en liberté. »

- Même renvoi.

Projet de loi sur le renouvellement intégral des conseils communaux en 1848

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a clé chargée d'examiner le projet de loi concernant la dissolution des conseils communaux.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

M. de Brouckere. - La chambre avait renvoyé à cette section centrale une pétition par laquelle ou demandait que le mandat des conseils communaux fût limité à trois ans, qu'on déclarât l'incompatibilité de certaines professions avec les fonctions de conseiller communal et qu'un membre du conseil qui, sans empêchement légitime, ne répondrait pas à une convocation, fût considéré comme démissionnaire.

La section centrale pense que, pour le moment, il n'y a aucune suite à donner à cette pétition. Cependant, elle conclut au dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi dont je viens de déposer le rapport.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi prorogeant le délai fixé par l'article de la loi du 16 mai 1847, relative au régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, aux termes de l'article premier de la loi du 16 mai 1847, le gouvernement est tenu de présenter dans le cours de la session 1847-1848 un projet de loi ayant pour objet de convertir en loi les mesures prises par arrêté royal pour assurer la perception de l'impôt sur le sucre indigène et sur les glucoses. Dans la pensée que la législature actuelle n'aura plus le temps de s'occuper de la discussion d'une loi définitive, le Roi m'a chargé de présenter un projet de loi consacrant le maintien du statu quo et ajournant la présentation d'une loi définitive à la session prochaine des chambres.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre, de la présentation du projet de loi qu'il vient de faire connaître.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Sigart. - J'ai l'honneur de déposer des rapports sur des demandes en naturalisation.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet

M. le président. - Le premier objet à l'ordre du jour est le vote sur l'ensemble du projet de loi de crédit extraordinaire au département des travaux publics pour les canaux de Deynze à Schipdonck et de Zelzaete à la mer. Sur la demande de M. d'Elhoungne, le vote a été remis au commencement de la séance d'aujourd'hui.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, j'ai profité de l'intervalle de temps qui s'est écoulé depuis la discussion pour m'assurer auprès de M. le ministre des travaux publics qu'on pouvait, en effet, consentir à la réduction de crédit proposée par la section centrale.

M. le ministre m'a donné l'assurance qu'avec les crédits qu'on lui votait, il pourrait exécuter le travail qu'il sera possible de faire jusqu'au 1er septembre, qu'aucune interruption n'est à craindre dans l'exécution des canaux qu'il s'agit d'achever. Rien ne s'oppose donc, quant à moi, à ce qu'on vote le projet de loi.


- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 73 membres qui y prennent part.

Ce sont : MM. Raikem, Rodenbach, Sigart, Simons, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Veydt, Zoude, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Bruneau, Clep, Cogels, de Bonne, de Brouckere, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dolez, Donny, Dubus (Albéric), Dumont, du Roy de Blicquy, Eenens, Fallon, Frère-Orban, Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hou, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mercier, Moreau. Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson et Verhaegen.

Projet de loi décrétant un emprunt sur les contributions foncière et personnelle, le produit annuel des rentes et des capitaux donnés en prêt, garantis par une hypothèque conventionnelle, et les pensions et traitements payés par l'Etat

Rapport de la section centrale

M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à l'emprunt.

Plusieurs membres demandent qu'il soit donné lecture des conclusions.

M. Rousselle. - Le gouvernement a réduit en dernier lieu la demande d'emprunt forcé à 27,500,000 fr., indépendamment du premier emprunt s'élevant à 12 millions.

La section centrale avait admis à l'unanimité un système dont le résultat aurait été la réduction de l'emprunt forcé à une somme inférieure à 10 millions.

Le cabinet n'ayant pas admis cette combinaison, la section centrale s'est bornée à indiquer éventuellement quels seraient, selon le système du gouvernement, les changements à apporter au projet d'emprunt.

Les bases de l'emprunt seraient les suivantes :

Contribution foncière (12 douzièmes), fr. 18,000,000

Contribution personnelle (la moitié), fr. 4,500,000

Contribution foncière à charge des usufruitiers et locataires (le quart), fr. 1,500,000

Cinq pour cent du revenu des créances hypothécaires, fr. 2,500,000

Retenues sur les traitements des fonctionnaires, fr. 1,000,000

Total : fr. 27,500n000.

La section centrale a fait remarquer qu'eu égard aux dépenses votées, les bases de l’emprunt pourraient être arrêtées comme suit :

Contribution foncière, fr. 15,000,000

Contribution personnelle ; fr. 4,500,000

Cinq pour cent du revenu des créances hypothécaires, fr. 2,500,000

Retenues sur les traitements des fonctionnaires, fr. 1,000,000

Total, fr. 23,000,000.

(page 1234) - La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

M. le président. - A quel jour la chambre entend-elle fixer la discussion ?

M. le rapporteur me fait observer que de nombreux documents étant annexés au rapport, l'impression nécessitera deux jours.

Plusieurs membres. - A mardi !

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne crois pas qu'il soit possible de fixer aujourd'hui la discussion. Il faut qu'au préalable la chambre ait voté les crédits sollicités par le gouvernement. Avant de savoir quelle somme sera allouée, il faut savoir quelle somme le gouvernement est autorisé à dépenser.

M. Rodenbach. - Je demande alors qu'on fixe ultérieurement le jour de la discussion.

- La chambre décide que le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.

Projet de loi sur la garde civique

Discussion des articles

Titre premier. Dispositions générales

Article 6

M. le président. - La chambre en est arrivée à l'article 6.

M. Delfosse. - L'article 6 a été renvoyé à la section centrale. Mais la discussion de l'article 7 a été close ; reste à voter sur cet article.

M. le président. - Le rapport sur les amendements proposés à l'article 6 ayant été fait, il me paraît qu'on pourrait d'abord s'occuper de cet article.

M. Delfosse. - La discussion sur l'article 7 a été close. Si on veut la rouvrir, je ne m'y oppose pas. Je me borne à faire remarquer ce qui s'est passé.

M. Manilius. - L'article 6 se rattache plus on moins à l'article 7. Maintenant que l'on a le rapport de la section centrale, je crois qu'il serait plus rationnel de s'occuper d'abord de l'article 6. La décision qui sera prise sur cet article peut avoir quelque influence sur la rédaction de l'article 7.

- La chambre décide qu'elle s'occupera d'abord de l'article 6.

« Art. 6. Les citoyens ne peuvent prendre les armes ni se réunir en état de gardes civiques sans l'ordre de leurs chefs. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 5. Les gardes civiques ne peuvent se réunir en cette qualité ni prendre les armes, sans l'ordre ou l'autorisation de leurs chefs. »

M. le ministre de l’intérieur a proposé l'amendement suivant :

Après les mots « sans l’ordre de leurs chefs », ajouter : « ni ceux-ci donner cet ordre sans une réquisition de l'autorité civile. »

« Pourront cependant les chefs, sans réquisition particulière, faire toutes les dispositions et donner tous les ordres relatifs au service ordinaire et journalier. »

M. Manilius a proposé de rédiger ainsi l'article :

« Les gardes civiques ne peuvent prendre les armes sans l'ordre de leurs chefs. »

M. le président. - La section centrale se rallie à l'amendement de M. Manilius.

Le gouvernement s'y rallie-t-il également ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Non, M. le président. Je ferai observer que la section centrale adopte l'amendement du gouvernement, si le gouvernement persiste.

M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur a présenté deux amendements. La section centrale regarde le premier de ces amendements comme inutile. Cependant elle ne trouve pas d'inconvénient à ce qu'il soit adopté. La section centrale ne se rallie pas au deuxième amendement de M. le ministre de l’intérieur : elle pense que le point réglé par l'amendement doit être compris dans les règlements de service qui doivent être soumis à l'approbation de la députation.

Si M. le ministre de l'intérieur insiste pour l'adoption de son premier amendement, il suffirait de reproduire les expressions de la loi française et d'ajouter après » leurs chefs » les mots : « légalement requis. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le sous-amendement de l'honorable M. Delfosse a l'avantage d'être plus concis que le mien ; mais si l'on veut emprunter les expressions de la loi française, je ferai observer que mon amendement est extrait textuellement de la loi française. .Néanmoins, je me rallie au sous-amendement de M. Delfosse.

- Le sous-amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Nous avons maintenant l'autre partie de l'article ainsi conçue :

« Pourront cependant les chefs, sans réquisition particulière, faire toutes les dispositions et donner tous les ordres relatifs au service ordinaire et journalier. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, cet amendement était destiné, dans mon opinion, à remplacer le mot « autorisation » de l'article 5 ; mais du moment que le mot autorisation est supprimé, comme on peut trouver dans les règlements particuliers l'équivalent de la disposition, je ne tiens pas à ce qu'elle soit maintenue.

M. le président. - Ainsi l'amendement de M. Manilius vient à tomber.

M. Delfosse. - Je vous demande pardon. M. le président. On vient d'adopter un sous-amendement ; il s'agit maintenant de mettre aux voix l'amendement de M. Manilius. Si cet amendement est adopté, il constituera tout l'article, avec le sous-amendement. Voici comment l'article serait conçu :

« Les gardes civiques ne peuvent prendre les armes sans l'ordre de leurs chefs, légalement requis. ».

Les mots « légalement requis» viennent d'être adoptés. Il faut donc mettre aux voix l'amendement de l'honorable M. Manilius.

M. le président. - Il s'agit donc de mettre aux voix cet amendement qui, avec le sous-amendement de l’honorable M. Delfosse, constitue l'article 6.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'article 6 a été voté, tel qu'il avait été proposé par le gouvernement avec l'addition des mots « légalement requis ».

M. de Brouckere. - M. le ministre de l'intérieur est dans l'erreur. La chambre n'a émis qu'un seul vote : elle a décidé que l'article finira par les mots « légalement requis. » Maintenant la chambre doit se prononcer entre deux rédactions de l'article lui-même, celle proposée par l'honorable M. Manilius, et celle proposée par le gouvernement.

M. Delfosse. - Je ferai remarquer que la section centrale s'est ralliée à l'amendement de l'honorable M. Manilius.

M. de Garcia. - Messieurs, je crois qu'on est d'accord sur un point, c'est que les gardes civiques ne pourront pas se réunir en armes sans l'ordre des chefs légalement requis ; mais je ne sais si on est également d'accord sur le point de savoir s'il y a lieu d'interdire aux gardes civiques de s'assembler sans armes en cette qualité. A cet égard il est indispensable qu'on s'explique. En attendant, je dois prévenir la chambre, qu'en adoptant purement et simplement la proposition de l'honorable M. Manilius, les gardes civiques pourront se réunir en uniformes et comme corps.

Sans me prononcer d'une manière absolue sur ce principe, je le signale à l'assemblée. Pourtant, je crois devoir vous dire tout d'abord qu'une faculté semblable me paraît d'ordre et de sécurité publique, dont un corps tel que la garde civique doit donner l'exemple au pays.

M. Lebeau. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Manilius n'est pas, comme on prétend, l'équivalent de l'article du gouvernement. Comme citoyens, les gardes civiques peuvent toujours se réunir en vertu de la Constitution ; mais se réunir comme gardes civiques, sans armes, j'avoue que je ne sais pas trop ce que cela signifie. On pourrait dire la même chose de l'armée, on pourrait dire qu'elle peut se réunir comme armée, mais que, pour se réunir en armes, il faut l'autorisation des chefs.

J'engage la chambre a bien peser la portée de l'amendement de l’honorable M. Manilius. Je crois que c'est une innovation.

M. Manilius. - Messieurs, mon amendement a pour objet de remplacer l'article du gouvernement. J'ai voulu accorder au moins à la garde civique ce que vous accordez à tous les autres citoyens. Tous citoyens faisant partie d'un corps constitué peuvent se réunir sans armes.- ils n'ont besoin de la permission de personne. Vous ne pouvez pas empêcher les Belges de se réunir. (Non !) Si vous ne le pouvez pas, pourquoi voulez-vous empêcher la garde civique de se réunir ?

Il faut que la garde civique puisse se réunir pour des fêtes, pour des cérémonies, pour des enterrements ; du moment qu'elle ne fait qu'endosser son habit, elle fait un acte, non de garde civique, mais de citoyen. J'ai seulement voulu empêcher qu'elle ne prit les armes ; c'est la seule chose qui doive faire ombrage ; la société ne doit pas s'alarmer de voir des gardes civiques ; d'après la loi, la garde civique doit être la crème de la société, de celle qui paye, de celle à qui vous voulez emprunter. Car, notez que dans les articles subséquents, il y a tant de réserves que les électeurs pourront seuls faire partie de la garde civique. Cet article est donc bien satisfaisant ; aller plus loin, ce n'est répondre ni au siècle ni surtout aux nécessités du moment.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Manilius ne peut pas être accepté. Il va plus loin que l'article 5 de la section centrale ; car l'article 5 de la section centrale voulait au moins, pour ces réunions extraordinaires de la garde civique, l'autorisation des chefs ; ces mots « l'autorisation des chefs » ayant été retranchés, les gardes civiques pourraient se réunir en corps, même sans l'autorisation de leurs chefs. J'ai combattu le mot « autorisation » ; à plus forte raison dois-je combattre l'amendement de l'honorable M. Manilius.

L'on a dit que ces réunions extraordinaires pour fêtes, banquets, etc., pourraient être prévus dans les règlements particuliers ; je l'admets ; mais quant au principe, nous devons tenir à ce que la garde civique, comme garde, ne puisse pas se réunir sans un ordre des chefs et sans réquisition de l'autorité civile.

(page 1235) M. de Brouckere. - Je ne sais à qui l'honorable M. Lebeau a voulu faire allusion quand il a dit qu'on avait présente l'amendement de M. Manilius et le projet du gouvernement comme étant à peu près la même chose. Je dis que pour tous ceux d'entre nous qui ont donné quelque attention à la discussion, il y a une différence très grande entre l'amendement de M. Manilius et le projet du gouvernement. En effet, l'amendement tend à autoriser les gardes civiques à se réunir en uniforme, pourvu qu'ils s'abstiennent d'avoir des armes. Je n'admets pas l'amendement de l'honorable M. Manilius, je ne pense pas que la loi doit autoriser la réunion de gardes civiques en uniforme même sans armes.

Vous allez, dit l'honorable M. Manilius, refuser aux gardes civiques un droit dont jouissent tous les citoyens. Mais les gardes civiques sont des citoyens et comme citoyens ils se réuniront comme ils voudront et quand bon leur semblera ; seulement ils ne mettront pas leurs uniformes. Je ne comprends pas l'insistance qu'on met à vouloir que la loi autorise les gardes civiques à se réunir en uniforme et sans armes. Qui met un uniforme militaire pour courir les rues sans armes ? On ne met pas un uniforme militaire sans prendre les armes en même temps. Il est donc sans but d'autoriser les gardes civiques à se réunir en uniforme et sans armes.

M. Manilius. - Il est inutile et ridicule de ne pas accorder une chose qu'on ne saurait refuser, il est inutile et ridicule de défendre ce qu'on ne saurait défendre. Nous avons une Constitution qui défend les réunions, on ne peut se réunir qu'en lieu secret, on ne peut pas se réunir dans les rues ; vous n'avez pas besoin de dire cela dans la loi ; ce n'est pas seulement la Constitution qui l'interdit, les lois de simple police, les règlements des communes qui ont force de loi le défendent. Ainsi l'échafaudage que vous avez bâti pour combattre mon amendement ne repose sur rien. Ce que j'ai voulu faire, c'était de ne rien dire du tout.

Mon amendement n'autorise rien, il n'entrave rien qu'une seule chose, de prendre les armes. Le reste, vous n'avez pas besoin de le mettre dans la loi de la garde civique. Les Belges ne peuvent pas se réunir en plein champ, la Constitution est là, les réunions en plein air sont réglées par les règlements de police qui ont force de loi. Mon amendement défend ce qui doit être défendu et on ne doit pas aller plus loin. Si vous voulez aller plus loin, c'est votre affaire.

M. Delfosse. - Si la chambre préférait la proposition du gouvernement à celle de M. Manilius, on pourrait adopter la rédaction de la section centrale en supprimant les mots : « ou l'autorisation ». Le projet du gouvernement porte : « Les citoyens ne peuvent prendre les armes ni se réunir en état de gardes civiques sans l'ordre de leurs chefs ».

Tous les citoyens ne font pas partie de la garde civique, c'est pourquoi la section centrale a proposé de dire :

« Les gardes civiques ne peuvent se réunir en cette qualité, etc. »

La disposition ne s'applique pas à tous les citoyens, mais seulement à ceux qui sont gardes civiques.

L'article de la section centrale exprime la même pensée, mais il est mieux rédigé que celui du gouvernement.

M. Manilius. - Je me rallie à la proposition de M. Delfosse.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La rédaction de la section centrale, avec la modification proposée par M. Delfosse, a la même signification que celle du gouvernement. (Oui ! oui !)

- L'article 6 proposé par M. Delfosse est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Le Roi peut, pour des motifs graves, dissoudre ou suspendre tout ou partie des gardes civiques d'une ou de plusieurs communes.

« Lors d'une dissolution, il sera procédé dans l'année, à de nouvelles' élections.

« La suspension ne pourra excéder une année.

« Toute dissolution entraînera le désarmement de la garde civique.

« Il en sera de-même en cas de suspension, si l'arrêté royal l'ordonne. »

Le gouvernement consent, au deuxième alinéa, à substituer le délai de 6 mois à celui d'une année.

M. Manilius proposé de dire au quatrième paragraphe : « En cas de dissolution, le désarmement pourra avoir lieu. »

Et de supprimer au dernier paragraphe les mots ; '« si l'arrêté royal l'ordonne. »

La section centrale propose l'amendement suivant :

« Art. 6. Le Roi peut, pour des motifs graves, dissoudre les cadres de tout ou partie de la garde civique d'une ou de plusieurs communes.

« Dans ce cas, il est procédé à de nouvelles élections dans le mois.»

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai proposé pour la réorganisation de la garde civique, en cas de dissolution, le terme de 6 mois, au lieu de celui d'une année qui se trouvait dans le projet primitif ; j'ai de plus accepté la proposition de M. Manilius de rendre le désarmement facultatif ; voici pourquoi : c'est que dans .le cas où la réorganisation d'une compagnie, d'un bataillon, aurait pour motif une utilité purement administrative, il n'y aurait pas nécessité de désarmer la garde civique. Le gouvernement pourra faire usage du droit de dissoudre, soit pour des raisons politiques, soit pour des raisons administratives. Dans ce dernier cas, il n'y a pas de motif pour opérer le désarmement. Voilà pourquoi j'ai consenti à rendre le désarmement facultatif.

M. Delfosse. - La section centrale propose de substituer dans toutes les dispositions de la loi le présent au futur. La loi ne doit pas dire : « vous ferez », elle doit dire : « Faites ». Aussitôt qu'une loi est publiée, elle agit, elle règle le présent, il n'est pas sûr qu'elle réglera l'avenir.

Ainsi au lieu de dire : « La suspension ne pourra excéder », on dirait : « ne peut excéder. » Au lieu de « entraînera », «entraîne. Au lieu de : « Il en sera de même », « il en est de même. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai une observation à faire sur le changement de rédaction.

La section centrale a voulu substituer partout le présent au futur. . Je pense que cette modification peut être admise sans inconvénient. Je ferai observer que dans beaucoup d'autres lois c'est le temps futur qui est employé. Je reconnais que le présent a quelque chose de plus impératif. Il faut seulement être attentif à s'en tenir à une seule forme.

Je me rallie au temps présent. (On rit.)

M. Delfosse. - Je ferai remarquer à M. le président qu'il convient de mettre d'abord aux voix le premier paragraphe propose par la section centrale qui s'éloigne le plus du projet du gouvernement.

M. de Garcia. - L'observation est parfaitement juste. La proposition de la section centrale est ce qui s'éloigne le plus du projet du gouvernement ; car elle en détruit complètement l'esprit et les effets.

En section centrale j'ai voté contre celle disposition, je voterai contre encore aujourd'hui ; j'ai volt contre la proposition de la section centrale et je continuerai à la combattre, parce qu'elle me paraît contraire à toutes les règles d'une bonne administration. En effet, il peut se faire que la garde civique, appelée en tout temps à maintenir l'ordre et l'exécution des lois, à faire respecter les personnes et les choses ; il peut se faire, dis-je, que la garde civique, égarée un moment, égarée dans quelques localités, oublie ses devoirs et que, pour l'y rappeler, il n'y ait pas d'autre moyen que de la dissoudre ou de la suspendre. La simple dissolution des cadres, proposée par la section centrale, peut-elle atteindre ce but ? Je n'hésite point à résoudre cette question négativement et je le démontrerai facilement. Supposons que les officiers, conformément aux dispositions de la loi, défendent aux gardes sous leurs ordres de se réunir en armes, de traiter les affaires de l'Etat, de sortir des barrières d'une place de guerre, sans l'autorisation, légale, et que, nonobstant cette défense, ils contreviennent à ces prescriptions. Dans un état d'égarement semblable, qui sera fort rare, j'en ai la certitude, qui se trouvera frappés, par la disposition de la section centrale ? Les officiers seuls, c'est-à-dire les citoyens qui auront fait leur devoir.

Une mesure semblable constitue un véritable contre-sens en principe de droit et d'administration. Est-il possible d'admettre que la garde civique, armée purement citoyenne et locale, établie pour faire respecter les personnes et les choses, puisse impunément violer la loi ? Poser cette question c'est la résoudre ; la dissolution ou la suspension ne constitue qu'une peine légère contre laquelle on ne peut raisonnablement protester, et agir autrement serait, à mes yeux, un contre-sens et marcher à rebours de toutes les règles d'une bonne administration.

L'on dira, peut-être, que si une garde civique se plaçait dans les suppositions que j'ai faites, on pourrait traduire ses membres devant le conseil de discipline ou devant les tribunaux. Cette objection est de faible valeur. Quand des masses d'individus se mettent ou sont tentés de se mettre en opposition à la loi, les corps judiciaires de toute espèce perdent naturellement beaucoup de leur influence. Dans des circonstances semblables, la dissolution ou la suspension qui en résulte ne sont que des mesures préventives plutôt que des peines, sont de nature à conserver au pouvoir toute la force dont il doit être investi pour sauvegarder la tranquillité publique. Il faut, au surplus, bien se rendre compte des effets naturels de ces mesures : Une population peut être égarée un moment ; mais le bon sens et l'amour de l'ordre ne tardent pas reprendre leurs droits. Une seule chose est nécessaire alors, c'est le temps de la réflexion ; or le seul et véritable moyen d'arriver à ce résultat est la dissolution ou la suspension de la garde civique pendant un temps déterminé.

En section centrale, j'avais proposé de réduire à six mois les effets de la suspension ou de la dissolution de la garde civique. Je voterai dans ce sens la disposition actuelle.

M. Delfosse. - J'ai fait connaître dans une séance précédente les motifs de la proposition de la section centrale. J'ai pris alors plusieurs fois la parole ; j'ai répondu notamment aux objections de l'honorable préopinant, je ne pourrais que reproduire ce que j'ai dit ; ce serait abuser des moments de la chambre ; je renonce donc à la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai également, fait connaître les motifs qui m'engagent à persister dans la proposition du gouvernement. Je me réfère également à ce que j'ai dit.

- Le paragraphe premier du projet de la section centrale est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe premier de l'article 7 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.

« 2° Lors d'une dissolution il est procédé à de nouvelles élections dans les six mois. »

- Adopté.

« 3° La suspension ne pourra excéder une année. »

M. de Garcia. - Evidemment les effets de la suspension (peine moins grande que la dissolution) ne doivent pas avoir plus de durée que les effets de la dissolution qui viennent d'être limités à six mois. Je propose donc de substituer dans le troisième paragraphe le terme de six mois à celui d'une année.

(page 1236) - Le troisième paragraphe est adopté avec cet amendement.

Le quatrième paragraphe est adopte dans les termes suivants, avec l'amendement de M. Manilius, auquel le gouvernement se rallie :

« En cas de dissolution, le désarmement peut avoir lieu. »

M. de Garcia. - Il faudrait peut-être ajouter : « par arrêté royal » ; mais s'il est bien compris que le désarmement devra être opéré de cette manière, nous sommes d'accord, et je n'insisterai pas sur cette addition.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Dites : En cas de dissolution, le désarmement peut être ordonné.

- Le paragraphe ainsi rédigé est adopté.

Le dernier paragraphe est ainsi conçu :

« Il en sera de même en cas de suspension, si l'arrêté royal l'ordonne. «

M. Manilius a proposé la rédaction suivante : « Il en est de même en cas de suspension. »

- Cette rédaction, à laquelle se rallie M. le ministre de l'intérieur, est adoptée.

M. Lys. - Je demanderai la réunion des deux derniers paragraphes. On dirait : « En cas de dissolution ou de suspension, le désarmement peut être ordonné.

M. le président. - Cette observation pourra être faite au second vote.

- L'ensemble de l'article 7 est adopté.

Article 8

« Art. 8. La garde civique est placée dans les attributions du ministère de l'intérieur : en temps de guerre seulement, les portions de cette garde mobilisées seront placées dans les attributions du département de la guerre.

« L'organisation de cette partie de la garde civique fera l'objet d'une loi spéciale.»

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 7. La garde civique est placée dans les attributions du ministre de l'intérieur.

« En temps de guerre la garde civique mobilisée est placée dans les attributions du ministre de la guerre.

.« L'organisation de la garde civique mobilisée fait l'objet d'une loi spéciale, »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à cette rédaction.

M. Brabant. - Il me semble que le second paragraphe présente une lacune. Une garde civique peut être non mobilisée en temps de guerre et cependant devoir être placée dans les attributions du ministre de la guerre. C'est ce qui arriverait dans une place forte investie ou mise en état de siège. Il est évident qu'en ce cas la garde civique passerait immédiatement sous le commandement du commandant de la place, et par conséquent dans les attributions du ministre de la guerre. Et cependant cette garde civique ne serait pas, à proprement dire, mobilisée.

Je proposerai donc de dire : « En temps de guerre, la garde civique mobilisée ou se trouvant dans une forteresse, est placée dans les attributions du ministre de la guerre. »

M. Delfosse. - Si l'on entrait dans la pensée de M. Brabant, il faudrait dire : « En temps de guerre ou dans les places fortes, la garde civique, etc. »

M. Brabant. — Non. En temps de paix, la garde civique, même dans une place forte, ne sera pas dans les attributions du ministre de la guerre.

M. Delfosse. - Voulez-vous qu'en temps de paix, la garde civique des places fortes se trouve dans les attributions du ministre de la guerre ?

M. Brabant. - Non. On ne mobilise pas la garde civique en temps de paix.

La garde civique, en temps de paix, se trouve dans les attributions du ministre de l'intérieur ; pas de difficulté à cet égard.

Le second paragraphe statue qu'en temps de guerre la garde civique mobilisée est placée dans les attributions du ministre de la guerre. Mais il peut arriver que dans une place forte la garde civique ne soit pas mobilisée et que cependant il y ait nécessité de la placer dans les attributions du ministre de la guerre. Dans une place de guerre, il ne peut y avoir qu'un commandement. Toute force publique qui se trouve dans cette place doit être soumise au commandant, qui doit avoir une autorité souveraine surtout lorsque la ville est investie, qu'elle est exposée à un assaut. Alors il est évident que la garde civique doit être dans les attributions du ministre de la guerre, quoique cependant elle ne soit pas mobilisée,

Qu'est-ce que la mobilisation ? C'est la faculté accordée au gouvernement de faire quitter ses foyers à une garde civique. Il est arrivé en 1831 et dans le commencement de 1832, que des bataillons de la province de Namur ont été appelés dans le Limbourg. Voilà une garde civique mobilisée. Mais la garde civique d'une place de guerre, d'Anvers, de Mons, de Namur, restant à Anvers, à Mons ou à Namur, n'est pas une garde civique mobilisée, et cependant elle doit obéir à l'autorité militaire qui commande dans la place.

M. le président. - L'amendement de M. Brabant est ainsi conçu :

« En temps de guerre, la garde civique mobilisée et la garde civique même non-mobilisée se trouvant dans une place forte sont placées dans les attributions du ministre de la guerre. »

M. Tielemans. - J'ai demandé la parole pour m'opposer à l'amendement de l'honorable M. Brabant. D'après l'article 8, la garde civique se compose de deux parties : l'une est dans les attributions du ministère de l'intérieur ; l'autre est dans les attributions du ministère de la guerre.

Mais il peut arriver que dans une place forte la garde civique ne soit pas mobilisée et que cependant elle doive obéir au commandant de la place. Je suis parfaitement d'accord sur ce point avec l'honorable M. Brabant. Mais il n'en résulte pas que cette garde doive être placée dans les attributions du ministre de la guerre. Toute force locale, toute garde communale, une compagnie de pompiers par exemple, dans une ville en état de guerre ou de siège, est subordonnée au commandant de la place, sans cesser d'être dans les attributions de l'autorité civile.

La garde reste ce qu'elle est. Seulement le commandement, les ordres de service émanent de l'autorité militaire. C'est la pensée de l'honorable M. Brabant lui-même ; et, dès lors il est bien inutile de dire ici que dans les places fortes, en cas de guerre ou de siège, la garde civique non mobilisée sera dans les attributions du ministre de la guerre. Elle pourra et elle devra obéir au commandant militaire de la place, tout en demeurant pour le reste dans les attributions du ministère de l'intérieur.

M. Lebeau. - En vertu de quoi ?

M. Tielemans. - En vertu des lois sur les places de guerre. La législation est positive à cet égard.

M. Vanden Eynde. - Ce sont les décrets de 1811.

M. Tielemans. - Oui, la législation est complète sur cette matière. Toute la force publique, dans une ville en état de siège ou investie par l'ennemi, est sous les ordres du commandant de la place. Ce principe, consacré par les lois de 1791 et par les décrets de 1811, suffit ; il n'est pas besoin d'en dire plus dans la loi relative à la garde civique.

M. de T'Serclaes. - J'ajouterai à ce que vient de dire l'honorable M. Tielemans, que dans les articles subséquents du projet de loi, la difficulté prévue par l'honorable M. Brabant me semble parfaitement résolue. Il s'agit de la garde civique non mobilisée faisant, en temps de guerre, le service dans une ville fortifiée ou dominée par une forteresse ; ce service peut se faire soit à l'intérieur de la place, soit à l'extérieur.

D'abord l'article 81 porte en général, mais plus spécialement pour le service intra muros, ce qui suit :

« Art. 81. La garde civique peut être appelée à remplacer et à suppléer, dans le service de la place, la garnison momentanément absente ou insuffisante.

« La partie de la garde réunie à cet effet sera, en ce qui concerne le service, sous les ordres du commandant de place.

« L'Etat fournira dans ce cas les locaux, l'éclairage, le chauffage et le mobilier nécessaires. »

Vous voyez, messieurs, que lorsqu'il s'agit de remplacer la garnison ou de la suppléer dans le service de la place, par conséquent à fortiori, lorsqu'il s'agit de cas de guerre, la garde civique est placée directement sous les ordres du commandant de place qui relève du ministre de la guerre, et qu'elle ne peut agir sans les ordres de cet officier.

Maintenant si la garde civique sort des barrières de la place, l'article 82 trouve également son application en temps de guerre :

« Art. 82. Lorsque la garde civique prendra les armes et voudra sortir des barrières, son chef en informera le commandant d'armes. «

Il est évident que ce commandant a le droit de refuser la sortie.

Ces deux articles parent à tous les inconvénients qui pourraient résulter de l'absence de concert entre le commandant d'une place forte et les chefs de la garde civique. Il y a là concours obligé, subordination réelle, non seulement pour le cas de guerre, mais dans tous les cas où la garde civique supplée la garnison, non seulement dans les villes fortifiées, mais dans toutes les autres.

Le ministre de la guerre a le pouvoir le plus large de disposer de la garde civique comme il l'entend, lorsque la garde civique fait un service de défense : cela doit suffire à toutes les exigences de la guerre, et il me semble inutile d'introduire un changement aussi radical que le propose M. Brabant, dont l'amendement, dans mon opinion, tendrait à dénaturer le caractère de notre garde citoyenne.

M. Brabant. - Malgré ces observations et la lecture qu'on vient de donner des articles 81 et 82 du projet, je ne crois pas qu'on puisse se dispenser d'adopter mon amendement.

Les dispositions des articles 81 et 82 existent pour toutes les garnisons, même en temps de paix. Les chefs de corps de la garnison de Bruxelles ne peuvent sortir de la ville, à plus forte raison en est-il ainsi dans une place de guerre. Le commandant de place doit être informé de tous les mouvements des corps de la garnison.

Quant à l'observation de l'honorable M. Tielemans, je dirai qu'il ne suffit pas que la garde civique d'une place en état de siège puisse être soumise à l'autorité militaire ; il faut de toute nécessité qu'elle y soit soumise. C'est au ministre de la guerre à juger des nécessités de la défense de la place. Si le ministre de la guerre croit que l'intervention de la garde civique dans la défense d'une place peut être préjudiciable à la défense de cette place, ce n'est pas au ministre de l'intérieur, c'est au ministre de la guerre à provoquer la suspension et même la dissolution de la garde civique.

Voilà dans quel sens il est indispensable d'ajouter à l'article 7 la disposition que j'ai l'honneur de proposer.

M. de Corswarem. - Si nous admettons le principe posé par (page 1237) l'honorable M. Brabant, je crois que nous devons rédiger l'article différemment. L'honorable M. Brabant demande qu'en temps de guerre on place dans les attributions de M. le ministre de la guerre la garde civique mobilisée, et la garde civique même non mobilisée dès qu'elle se trouve dans une place forte. Dès lors, en temps de guerre, la garde civique de toutes les places fortes se trouvera dans les attributions de M. le ministre de la guerre. Cela ne me paraît pas nécessaire.

Je suppose Mons assiégé. Parce que cette ville sera en état de siège, les gardes civiques d'Anvers et de Diest passeront dans les attributions de M. le ministre de la guerre. C'est aller plus loin que ne veut aller l'honorable M. Brabant.

On pourrait ajouter après le mot « places fortes », les mots « en état de siège ».

Ainsi, les gardes civiques des villes en état de siège seraient seules dans les attributions du ministre de la guerre.

Le projet du gouvernement parle des portions de la garde civique mobilisée, et le projet de la section centrale parle de la garde civique en général. La rédaction du projet du gouvernement n'est-elle pas préférable.

M. Delfosse. - Je demande la parole.

M. de Corswarem. - Au reste je ne fais pas de proposition. J'attendrai les explications que donnera l'honorable président de la section centrale qui demande la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je dois dire, avec l'honorable M. de T'Serclaes, que les articles 81 et 82 me semblent suffire et rendre inutile la proposition de l'honorable M. Brabant.

S'il devient nécessaire que la garde civique d'une place forte passe dans les attributions du ministre de la guerre, rien ne sera plus simple que de la mobiliser ; elle sera considérée comme l'armée de ligne ; elle jouira des avantages et remplira les devoirs attribués par la loi à l'armée de ligne. Tout sera dès lors régulier. Il ne faut pas faire passer trop facilement la garde bourgeoise dans les attributions, sous l'autorité du ministre de la guerre. Il faut, autant que possible, lui conserver son caractère de garde bourgeoise.

Je pense que le projet de loi a suffisamment pourvu aux besoins que l'honorable M. Brabant a indiquée. Je dois donc le maintenir.

Je me rallie seulement au changement de rédaction proposé par la section centrale.

M. Brabant. - Je n'ai proposé mon amendement que parce que l’article du gouvernement et de la section centrale prévoyait le cas de guerre.

L'organisation, telle qu'elle est proposée aujourd'hui, ne concerne que l'état de paix, parce que dans le projet du gouvernement et dans celui de la section centrale, on prévoit une loi pour la mobilisation de la garde civique. Eh bien, que le gouvernement et la section centrale consentent à la suppression des deux derniers paragraphes et mon amendement devient inutile. Je crois que, pour le moment, il suffit du premier paragraphe, portant que « la garde civique est placée dans les attributions du ministre de l'intérieur. »

M. le président. - M. Brabant propose la suppression des deux derniers paragraphes.

M. de Garcia. - Messieurs, je ne vois pas d'utilité à supprimer les deux derniers paragraphes. Si vous ne conservez que le premier paragraphe, vous consacrez un principe trop absolu. Il est bien certain que dans l'intention de ceux qui ont coopéré à la rédaction de la loi de la garde civique, il était entendu qu'une portion de la garde civique pourra, dans des circonstances données, être mise sous le régime du département de la guerre. Si vous vous bornez à mettre dans la loi les mots : « La garde civique est placée sous les attributions du ministre de l'intérieur, » cela, je le répète, me paraîtrait trop absolu. Quant à moi, je ne vois aucun inconvénient à maintenir les deux derniers paragraphes ; ils font pressentir que la garde civique pourra, dans une circonstance donnée, être mise sous la direction du ministre de la guerre ; ils sont en quelque sorte le germe de ce que nous ferons plus tard, quant à la loi de mobilisation. Je dirai même que, répondant à une demande de la section centrale, le gouvernement a fait connaître à celle-ci qu'il entrait dans ses intentions de présenter, dans un délai fort rapproché, le projet de loi sur la mobilisation de la garde civique.

M. Delfosse. - Messieurs, je crois, avec l'honorable M. Brabant, qu'on pourrait supprimer le second paragraphe ; mais il faut maintenir le troisième ; il faut dire que « l'organisation de la garde civique mobilisée fait l'objet d'une loi spéciale ; » et laisser à cette loi le soin de régler les attributions du département de la guerre, en ce qui concerne la garde civique mobilisée.

Si on maintient le second paragraphe, il faut adopter la rédaction de la section centrale. Le projet du gouvernement parle de portions de la garde civique ; le mot « portions » est peu convenable et inutile.

M. le président. - M. Delfosse propose la suppression du second paragraphe.

M. Brabant. - Je me rallie à cette proposition.

M. de Mérode. - Je demande qu'on adopte l'article 7 tel qu'il est proposé par la section centrale.

- La suppression du paragraphe 2 de cet article est mise aux voix et n'est pas adoptée.

L'article 7 du projet de la section centrale, auquel M. le ministre de l'intérieur s'est rallié, est mis aux voix et adopté.

Titre II. De l’obligation du service, du conseil de recensement, des exemptions et des dispenses

Section première. De l’obligation de service
Article 9

« Art. 9 (projet du gouvernement). Tous les habitants qui ont accompli leur 21ème année, sans avoir atteint la 51ème, sont appelés au service de la garde civique dans le lieu du leur résidence réelle.

« Ceux qui résident alternativement dans plusieurs communes sont de droit soumis au service dans la commune la plus populeuse.

« Il est loisible aux jeunes gens de 18 à 21 ans, et aux hommes de 51 à 65 ans de se faire inscrire sur les contrôles de la garde civique, avec l'agrément du chef de la garde. »

« Art. 8 (projet de la section centrale). Tous les Belges et les étrangers, jouissant en Belgique des droits civils conformément à l'article 13 du Code civil, qui ont accompli leur 21ème année, sans avoir atteint la 51ème, sont appelés au service de la garde civique dans le lieu de leur résidence réelle.

« Ceux qui résident alternativement dans plusieurs communes sont de droit soumis au service dans la commune la plus populeuse.

« Il est loisible aux jeunes gens de 18 à 21 ans, et aux hommes de 51 ans et au-dessus de se faire inscrire sur les contrôles de la garde civique, avec l'agrément du chef de la garde. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à l'amendement de la section centrale ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai besoin de quelques explications de la part de la section centrale. La section centrale a adopté la rédaction de l'article, sauf un changement. Le gouvernement, par l'article 9, appelle au service de la garde civique tous les habitants qui ont accompli leur vingt et unième année, sans avoir atteint leur cinquante et unième. L'article 10 dit ce qu'il faut entendre par les habitants susceptibles du service de la garde civique. Ce sont d'abord les Belges, en second lieu les étrangers résidant dans le royaume depuis plus de cinq ans, et y exerçant un métier ou un commerce. La section centrale admet également les étrangers, mais seulement ceux qui jouissent en Belgique des droits civils conformément à l'article 13 du Code civil, c'est-à-dire ceux qui ont obtenu l'autorisation d'établir leur domicile dans le pays. La section centrale ne dit pas pourquoi elle a introduit ce chargement. Je crois que la rédaction du projet est préférable.

Le service de la garde civique est une charge. Il ne faut pas donner à des étrangers établis dans une commune depuis plus de cinq ans et qui y exercent un métier ou un commerce et qui par conséquent ont intérêt au maintien de l'ordre, il ne faut pas, dis-je, leur donner un prétexte pour se dispenser de ce service. Il résulterait de l'article 8 du projet de la section centrale que tous les étrangers qui n'ont pas demandé l'autorisation de fixer leur domicile en Belgique seraient par cela même exempts de service.

Je crois que nous devons tenir à appeler dans les rangs de la garde civique le plus grand nombre d'habitants possible qu'on doit supposer intéressés au maintien de l'ordre, et, sous ce rapport, l'article 9 du projet du gouvernement offre toute garantie ; l'étranger doit résider dans le royaume depuis plus de cinq ans, et y exercer un commerce ou un métier ; voilà une présomption suffisante qu'il est intéressé au maintien de l'ordre.

Tout ce que je demande, c'est qu'on ne donne pas aux étrangers une occasion, un prétexte de se dispenser du service de la garde civique.

M. Eenens, rapporteur- - La section centrale a proposé de ne pas obliger au service de la garde civique tous les étrangers, par suite de l'objection faite dans l’une des sections, que les Anglais notamment ne pouvaient, sous peine de perdre leur nationalité, porter une cocarde autre que leur cocarde nationale. Cela a donné lieu à des difficultés à Anvers, quand on y a organisé la garde civique ; les Anglais qui y résidant se sont refusés à prendre l'uniforme, parce qu'ils ne pouvaient pas porter de cocarde étrangère.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'explication ne fait pas cesser la difficulté ; je suppose un Anglais qui réside dans le pays en vertu de l’article 13 du Code civil ; l'obstacle ne disparaît pas, s'il a son domicile légal en Belgique il ne pourra pas se dispenser de l'inscription sur le contrôle de la garde civique.

M. Loos. - Je demanderai qu'on supprime l'obligation pour les étrangers de faire partie de la garde civique. J'appuie la remarque que vient de faire l'honorable rapporteur M. Eenens ; il est des étrangers qui ne sont pas autorisés à porter d'autre cocarde que celle de leur nation. A Anvers lors de l'organisation de la garde civique, les Anglais se sont refusés à en faire partie ; quelques officiers pensionnés qui y résident ont démontré qu'ils perdraient tout droit à leur pension du moment où ils porteraient une cocarde étrangère. Ils ont préféré subir les peines portées par les lois sur la garde civique pour refus de service.

(page 1238) La garde civique est chargée de la défense du territoire aussi bien que du maintien de l'ordre. Je suppose que des Français habitant Mouscron soient forcés de faire partie de la garde civique ; ils seraient dans le cas de porter les armes contre leurs nationaux, si des attaques pareilles à celle qui vient d'avoir lieu devaient se renouveler. Je crois que c'est immoral. Il suffit de signaler ce cas, pour qu'on dispense les étrangers du service de la garde civique. Seulement je proposerai de dire, par amendement, à la fin de l'article, que les étrangers jouissant des droits civils seront autorisés à faire partie de la garde civique. Ils auront l'option, soit de faire le service de cette garde, soit de payer l'indemnité fixée par l'article 73 du projet de loi pour les personnes qui ne font pas partie de la garde civique.

Je propose un amendement dans ce sens.

M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur dit que la garde civique est une charge ; si c'est une charge, c'est aussi un droit. Le renvoi de la garde civique peut être prononcé comme peine, par les conseils de discipline ; ceux qui ont été condamnés à des peines afflictives ou infamantes en sont exclus ; ce n'est donc pas seulement une charge, c'est un droit, un honneur ; on ne doit admettre à en faire partie que ceux qui ont intérêt au maintien de l'indépendance nationale. La section centrale a donc agi sagement en excluant les étrangers qui ne jouissent .pas des droits civils conformément à l'article 13 du Code civil.

Je proposerai un léger changement de rédaction ; au lieu de : qui ont accompli leur 21ème année sans avoir atteint la 51ème, je dirai : de 21 à 50 ans.

Ensuite au troisième paragraphe, au lieu de : « Il est loisible aux jeunes gens de 18 à 21 ans et aux hommes de 51 ans et au-dessus, de se faire inscrire, etc. », je dirai : «Il est loisible aux citoyens de 18 à 21 ans et de plus de 50 ans, etc. »

A quoi bon cette distinction que le projet fait entre les « jeunes gens » et les « hommes » ?

M. de Garcia. - Je crois que la proposition de la section centrale consistant à dire : « Les Belges et les étrangers jouissant en Belgique des droits civils, conformément à l'article 13 du Code civil, de 21 à 50 ans, sont appelés au service de la garde civique, dans le lieu de leur résidence réelle », doit être acceptée par le gouvernement et par la chambre. Un des motifs qui ont conduit la section centrale à proposer ce changement' est fondé sur ce que les étrangers admis à établir leur domicile en Belgique jouissent de presque tous les avantages de l'indigénat, sauf les droits politiques. Ils ont entre autres, si je ne me trompe, le droit de plaider, sans devoir fournir la caution dite judicatum solvi ; en outre, ils jouissent, je crois, encore d'un autre droit, et si mes souvenirs me servent bien, la loi d'expulsion ne leur est pas applicable. Une position semblable rapproche tellement l'étranger du citoyen belge, que, pour mon compte, je n'ai pas hésité en section centrale à donner mon assentiment à la proposition qui vous est faite en son nom. Ces diverses considérations me la font considérer comme beaucoup plus rationnelle et préférable à la disposition du projet de loi.

Quant à la proposition de M. Loos, d'imposer tous les étrangers qui habitent la Belgique d'une redevance pour venir à la décharge des communes qui seront soumises à des charges considérables à raison de l'institution de cette armée citoyenne, je la crois fondée sous tous les rapports, mais je dois faire remarquer que je la crois inutile, parce que selon moi, les termes génériques dans lesquels est conçu l'article 71 de la présente loi, laissent à l'autorité communale la faculté de les imposer d'une contribution qui pourra s'élever jusqu'à 50 fr.. S'il peut y avoir des doutes a cet égard, la proposition de l'honorable M. Loos devrait être renvoyée à la discussion de cet article. D'après ces considérations, je pense que quant à présent il faut adopter la proposition de la section centrale.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La différence entre les deux rédactions n'est pas grande. Je dois cependant insister sur ma première observation : que le service de.la garde civique, soit un droit, je ne le nie pas ; mais il est aussi une charge ; on ne le niera pas davantage.

C'est tellement vrai, que des peines sont réservées à ceux qui ne feraient pas usage de ce droit. Ce service étant une charge, ne faut-il pas la répartir sur le plus grand nombre possible d'habitante intéressés au maintien de l’ordre ?

Voilà la question. Je crois qu'il faut tâcher de répartir cette charge sur le plus grand nombre d'habitants possible.

Ce n'est pas dans l'intérêt des étrangers que je parle, c'est dans l'intérêt des indigènes. Je veux que cette charge ne pèse pas sur eux seuls. Ainsi, je ne veux pas qu'à Bruxelles tout un quartier se repose lorsque les citoyens Belges se fatigueront à faire le service de la garde civique. Il y a à Bruxelles une quantité de maisons étrangères établies dans le pays depuis longtemps. Les chefs de ces maisons sont aussi intéressés que quelque habitant de la capitale que ce soit au maintien de l'ordre. Je ne voudrais pas qu'ils fussent dispensés du service de la garde civique.

La ville d'Anvers, dont on parlait tout à l’heure, a une population considérable d’étrangers ; beaucoup y figurent parmi les plus intéressés au maintien de l'ordre. Les dispenserez-vous du service de la garde civique ? La proposition de la section centrale n'appelle au service de la garde civique qui les étrangers jouissant en Belgique des droits civils conformément à l’article 13 du Code civil ; c’est-à-dire qu’elle exempte du service de la garde civique les étrangers résidant dans le pays et qui n'ont pas été autorisés à y fixer leur domicile.

Si cette disposition est admise, les étrangers auront intérêt à ne pas demander l'autorisation de fixer leur domicile en Belgique. Les autre, avantages attachés à cette autorisation ne sont pas assez considérables pour balancer l'inconvénient d'être passible .du service de la garde civique.

C’est, je le répète, dans l'intérêt des habitants mêmes que je demande qu'on appelle au service de la garde civique des étrangers résidant dans le royaume depuis plus de cinq ans et y exerçant une profession, un métier ou un commerce.

La rédaction de la section centrale accorderait à un privilège à une catégorie d’étrangers. La garde civique est une institution toute locale dont l'action ne s'exerce d'ordinaire que dans la commune. Sauf dans des cas rares et exceptionnels, son service est exclusivement d'ordre intérieur et communal. Sous ce rapport, il faut que tous les habitants intéressés au maintien de l'ordre dans la commune soient astreints à ce service, aussi bien Belges qu'étrangers.

M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur persiste à soutenir, non sans quelque raison, que le service de la garde civique est une charge. Mais la conséquence qu'il en tire est inadmissible. Parce que la garde civique est une charge, il faut, dit M. le ministre de l'intérieur, l'imposer aux étrangers qui habitent la Belgique.

Mais est-ce que le jury n'est pas aussi considéré comme une charge ? Et cependant, vous ne l'imposez pas aux étrangers qui habitent la Belgique. M. le ministre de l'intérieur nous dit encore que si les étrangers habitant la Belgique n'étaient pas astreints au service de la garde civique, ce serait un privilège.

Mais ils ne sont pas astreints au service du jury. C'est donc aussi un privilège. M. le ministre de l'intérieur, qui ne veut pas de privilège pour les étrangers, devrait, pour être conséquent, les appeler à faire partie du jury.

Je maintiens que la section centrale a agi sagement en n'admettant les étrangers à faire partie de la garde civique, qu'autant qu'ils se trouvent dans le cas de l'article 13 du Code civil. Il pourrait y avoir du danger à donner des armes et de l'influence à des étrangers appartenant à une nation avec laquelle nous serions en hostilité ouverte ou sourde. Ne commettons pas cette imprudence.

Les services qu'où obtiendrait de ces étrangers ne doivent pas être pris en considération. Les étrangers résidant en Belgique, sans jouir des droits civils, ne sont pas tellement nombreux qu'on ne puisse se passer de leurs services. .

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Alors où est le danger ?

M. de Mérode. - On a fait observer qu'il y a des étrangers auxquels il n'est pas permis de porter une cocarde étrangère et qui par conséquent ne peuvent faire partie d'une corporation armée étrangère. Cette difficulté n'a pas été résolue par M. le ministre de l'intérieur.

Au troisième paragraphe concernant les personnes auxquelles il est loisible de se faire inscrire sur les contrôles avec l'agrément du chef de la garde, on pourrait ajouter : les étrangers résidant dans le royaume depuis plus de cinq ans et y exerçant une profession, un métier ou un commerce. De cette manière il y aurait pour les étrangers, non pas une obligation absolue, mais une simple faculté. S'ils n'usaient pas de cette faculté, ils tomberaient sous l'application de l'article 75 qui astreint les familles aisées qui n'ont point dans leur sein d'hommes en activité de service dans la garde civique, à payer une indemnité annuelle qui ne peut excéder 50 fr.

M. le président. - C'est la même chose que l’amendement de M. Loos.

M. Loos. - L'honorable M. Delfosse a fait remarquer que les étrangers n'étaient pas appelés à faire partie du jury, que cette exclusion ne constitue pas un privilège, et qu'il n'y aura pas davantage de privilège à les exclure de la garde civique.

On veut astreindre au service de la garde civique les étrangers résidant dans le royaume depuis plus de cinq ans et y exerçant une profession, un métier ou un commerce ; mais les étrangers qui sont dans ce cas ne peuvent faire partie du tribunal de commerce. Ils ne peuvent faire partie des notables appelés à élire les membres, du tribunal de commerce. Vous leur ôtez toute espèce de droit, et vous leur imposeriez des charges qui doivent peser sur les nationaux seuls !

L'honorable ministre de L'intérieur n'a pas répondu à l'objection que dans certaines situations il pourrait y avoir immoralité à opposer un étranger à ses nationaux.

J'ai cité le cas où des bandes indisciplinées sont venues sur le territoire belge. Là encore vous auriez pu opposer à leurs nationaux des Français résidant à Mouscron et y faisant partie de la garde civique.

Je trouve qu'il y a dans ces sortes de cas de l'immoralité à forcer ainsi un étranger à se battre contre ses nationaux.

Si j'ai parlé de l'affaire de Mouscron, c'est qu'elle est toute récente. Mais avant la conclusion du traité de paix avec la Hollande, il résidait à Anvers beaucoup de Hollandais qui donnaient également, pour se faire exempter, la raison qu'ils pouvaient être appelés à porter les armes contre leurs nationaux pour la défense de la place.

Des cas analogues peuvent se présenter encore, et je voudrais qu'un étranger ne fût jamais contraint de porter les armes contre ses nationaux ;

(page 1239) Il est ensuite des cas d'impossibilité que j'ai cités. Vous mettez certains étrangers dans l'obligation de quitter le pays ou de s'astreindre à un service qu'il leur est défendu de faire par les lois de leur pays.

Je crois que, pour toutes ces raisons, il est préférable de ne pas astreindre les étrangers au service de la garde civique.

M. Lebeau. - Messieurs, si je consentais à astreindre les étrangers su service de la garde civique, ce serait sous la condition bien expresse qu'ils ne pourraient jamais être obligés à faire partie de la garde civique mobilisée. Par la même raison qui nous a fait modifier les anciennes lois sur la milice qui assimilent l’étranger à l'indigène, nous ne devons pas, pour être conséquents, forcer l'étranger à faire partie de la garde civique mobilisée, position qui le mettrait dans la situation dont vient de parler l’honorable M. Loos, c'est-à-dire qui l'exposerait, s'il rentrait ensuite dans son pays, à la peine capitale.

Mais j'avoue que je ne partage pas au même degré les répugnances de l'honorable préopinant quant à l'obligation de contribuer au service de la garde civique sédentaire pour le maintien de l'ordre intérieur. Il y a beaucoup d'étrangers, notamment à Bruxelles, ils y sont depuis un grand nombre d'années et qui n'ont pas eu besoin ne demander l'autorisation d'établir leur domicile en Belgique, parce qu'ordinairement on ne se pourvoit de cette autorisation que lorsqu'on doit se présenter devant les tribunaux ; il en est beaucoup qui ont un très grand intérêt au maintien de l'ordre et qui n'y contribueraient eu aucune façon. Car si vous admettiez que les étrangers ne sont pas soumis au service de la garde civique, vous n'auriez pas même le droit, à moins de changer la loi, de les faire contribuer pécuniairement.

Quant à l'objection de l'honorable M. Loos, qu'il y a certaines législations, et notamment la législation anglaise, qui interdisent le port d'une cocarde étrangère sous des peines sévères, je crois que ces législations ne peuvent s'appliquer qu'au service militaire proprement dit, qu'il est impossible qu'elles aillent jusqu'à interdire de prendre part à un service de sûreté publique, de faire partie d'une garde bourgeoise, d'une garde civique non mobilisée.

Il est impossible qu'une législation aille jusque-là. Ce serait intervenir en quelque sorte dans le régime intérieur d'un autre pays. Je crois bien qu'il doit y avoir dans la législation anglaise une disposition analogue à celle qui se trouve dans la loi française, dans la loi belge, et qui défende de porter les armes contre son pays ; mais je crois qu'on ne peut aller plus loin et qu'on a forcé le sens de la législation anglaise lorsqu'on a pensé que le service de la garde civique pouvait exposer un Anglais à une peine quelconque.

M. de Garcia. - Messieurs, nous sommes saisis d'un grand nombre d'amendements dont il est difficile de concevoir la portée, et je demanderai que, dans tous les cas, le vote soit remis à demain. Voilà quatre heures et demie.

Mais puisque j'ai encore le temps de dire quelques mots, je présenterai quelques observations en réponse à celles de l'honorable M. Lebeau.

L'honorable M. Lebeau a supposé que l'observation de M. Loos reposait sur une erreur, que le service dans la garde civique ne pouvait avoir pour résultat de faire perdre certains droits politiques à un Anglais. Mais à cet égard je crois que l'honorable M. Lebeau est lui-même dans l'erreur .Ce ne sont pas seulement les Anglais qui perdraient leurs droits de citoyens, mais encore les peuples qui vivent sous les mêmes lois que les nôtres.

Voici ce que dit l'article 21 du code civil qui est en vigueur en Belgique comme en France, et même, je crois, dans les provinces rhénanes :

« Art. 21. Le Français qui, sans autorisation du Roi, prendrait du service militaire chez l'étranger, ou s'affilierait à une corporation militaire étrangère, perdra sa qualité de Français. »

Comment voulez-vous, en présence d'un texte comme celui-là, qui nous régit nous-mêmes, qui régit nos voisins, imposer aux étrangers l'obligation de faire partie de votre force armée intérieure ? C'est impossible ; et sauf la modification de rédaction proposée par l'honorable M. Delfosse, je crois que l'amendement de la section centrale doit être adopté purement et simplement.

Seulement je me réserve, quand on sera arrivé à l'article 71, si cet article présente du doute, de le modifier de manière à faire concourir les étrangers à une contribution quelconque, à payer pour les gardes civiques dont l'habillement sera à la charge des communes. De cette manière on conciliera tous les intérêts. La Belgique a assez d'enfants dévoués pour protéger son pays et son bonheur intérieur, mais il est de toute justice que l'étranger, qui jouit de tous ces avantages sur notre sol hospitalier, concoure par une contribution quelconque aux charges qui pèsent de ce chef sur nos populations.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). dépose le compte rendu de l'exploitation du chemin de fer en 1847.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La séance est levée à 4 1/2 heures.