(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1029) M. T'Kint de Naeyer fait l'appel nominal à 2 heures.
M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. T'Kint de Naeyer fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Meurice, ancien militaire, prie la chambre de lui accorder une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Lesoinne. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la demande de crédit complémentaire pour l'achèvement du canal latéral à la Meuse.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en fixe la discussion après le projet de loi sur les monts-de-piété.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - M. le ministre des affaires étrangères m'a chargé de répondre à l'interpellation que l'honorable M. Dedecker a adressée hier au gouvernement, que prochainement il serait présenté un projet de loi prorogeant la loi du 3 janvier 1847 relative à la sortie des étoupes.
Je crois que cela répond suffisamment à la demande de l'honorable membre.
M. Bricourt. - J'ai demandé la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre de la justice.
Des étrangers ont été expulsés récemment du pays. Je ne sais si leur présence pouvait compromettre la tranquillité publique ; j'ignore également s'ils avaient posé des actes de nature à motiver la mesure sévère prise à leur égard ; mais en supposant que le gouvernement ait agi dans la limite de ses devoirs, toujours est-il qu'il nous doit compte de la manière dont il a fait usage de la faculté qui lui est attribuée par la loi de 1835, et des illégalités commises par ses agents.
Voici les faits tels qu'ils sont rapportés dans une note qui m'a été remise par une personne honorable digne de toute confiance.
Le vendredi 3 mars, vers 5 heures du soir, M. le ministre de la justice fait signifier à M. Marx un arrêté d'expulsion daté de la veille.
M. Marx fait ses préparatifs de départ et se propose d'indiquer le lendemain la frontière par laquelle il sortira du royaume.
Mais dans la nuit, vers une heure et un quart, neuf ou dix individus armés, portant l'uniforme des agents de police de la ville de Bruxelles, sans observer les formalités légales, font irruption dans l'hôtel du Bois-Sauvage, et demandent à M. Marx ses papiers. M. ; Marx obéit à leur injonction ; il produit les papiers sur le vu desquels il avait obtenu, trois ans auparavant, la permission de résider en Belgique ; il produit de plus son arrêté d'expulsion.
Il est à remarquer qu'il habitait depuis trois ans, avec autorisation de la police, la ville de Bruxelles et les communes de St-Josse-ten-Noode et d'Ixelles ; il est à remarquer surtout que quatre jours avant l'événement, étant rentré en ville, il avait fait en personne sa déclaration de changement de domicile au bureau de police établi au Petit-Sablon.
Eh bien, malgré tout cela et quoique la position de M. Marx fût parfaitement régulière, il fut arrêté et emmené par les individus armés qui étaient entrés chez lui. Ces mêmes individus contraignirent Mme Marx, qui couchait dans une chambre voisine, à sortir du lit. Mme Marx, effrayée de ces brutalités, s'habille à la hâte et se fait conduire par le fils de l'aubergiste chez M. Jottrand qui la rassure et lui promet de s'occuper dès le lendemain matin du sort de M. Marx. Elle revient, et à quelques pas de sa demeure elle rencontre l'un des individus qui avaient opéré l'arrestation de son mari et qui paraissait l'attendre. Elle demande à cet individu où l'on a conduit M. Marx. L'agent répond : « Si vous voulez le voir, suivez-moi. » Elle accepte cette offre avec empressement et se laisse conduire. Dans la rue Royale, elle rencontre un ami de son mari, M. Gigot, Belge, habitant Bruxelles. Elle renvoie le fils de l'aubergiste et se rend avec M. Gigot, toujours accompagnée de l'agent, au bureau de permanence du Petit-Sablon. Là, on ne lui permet pas de dire un mot ; on lui demande brusquement ses papiers 'et sur sa réponse qu'elle ne peut pas comprendre cette énigme, puisqu'elle vient voir son mari sur l'invitation obligeante d'un agent de police, ou l'accable de brutalités et on la conduit à l'hôtel de ville.
La même mesure est prise à l'égard de M. Gigot, bien qu'il soit personnellement connu des hommes de la police, bien qu'il soit Belge et domicilié à quelques pas du Petit-Sablon. M. Gigot est retenu à l'Amigo jusqu'au lendemain,3 heures de l'après-midi, sans qu'on daigne lui donner la moindre explication.
Quant à Mme Marx,, arrivée au bureau de l'hôtel de ville, elle dut subir de nouveaux interrogatoires, et fut soumise à des brutalités qui cette fois dégénérèrent en mauvais traitements. La violence fut telle que ses vêtements furent déchirés. Puis elle fut jetée dans un cachot au milieu des filles perdues ramassées pendant la nuit. Elle resta évanouie, pendant quelque temps. Revenue à elle, au milieu d'une obscurité complète, elle ne connut la société où elle se trouvait que par les propos ignobles qui vinrent souiller ses oreilles pendant toute cette terrible nuit. Elle souffrit cet odieux supplice jusqu'à 7 heures du matin. C'est alors seulement que son mari put obtenir, moyennant payement, qu'elle fût séparée des prostituées. Mine Marx fut conduite dans une chambre où elle trouva un lit qu'elle dut encore partager avec une femme inconnue.
Vers 11 heures du matin, elle fut conduite rue du la Paille où on la retint pendant deux heures et demie dans un trou humide et froid. Elle fut enfin appelée chez M. le juge d'instruction Bergmans qui lui apprit qu'elle avait été arrêtée pour vagabondage. Chez M. Bergmans, dont Mme Marx n'a eu qu'à se louer, elle subit encore les grossièretés d'un inconnu qui lui notifia brutalement l'ordre de quitter le pays le même jour.
Le même ordre fut intimé à son mari qu'elle retrouva chez le juge d'instruction. Tout ce qu'ils purent obtenir, c'est que Mme Marx resterait jusqu'au lendemain. M. Marx reçut une feuille de route et dut partir presque immédiatement.
Ce qui rend cette conduite d'autant plus odieuse, c'est que la veille du jour où l'arrêté d'expulsion fut lancé, un professeur de l'université de Bruxelles, M. Maynz, s'était rendu chez M. Opdebeek, chef de bureau à l'administration de la sûreté publique, et qu'il avait dit à ce fonctionnaire que si le séjour en Belgique de M. Marx et de quelques autres Allemands était, aux yeux du gouvernement, de nature à compromettre la tranquillité publique, ces messieurs quitteraient le pays à la première observation qui leur serait faite. Ou lui avait répondu que ces messieurs continueraient à jouir de l'hospitalité belge aussi longtemps que, par des actes positifs, ils ne troubleraient point l'ordre public.
Messieurs, de pareils faits sont graves. Ils ont déjà été signalés en partie par la presse française. Au moment où nous vantons nos institutions libérales, de tels faits protestent contre nos paroles et sont de nature à faire croire à l'étranger que, dans notre Belgique si libre, la haute et la petite police trouve le moyen de violer impunément et audacieusement la justice, la morale et les lois.
J'éprouvais le besoin de protester, pour l'honneur du pays, contre ces scandales. J'ai voulu fournir au gouvernement l'occasion de réparer solennellement une criante injustice.
C'est son devoir, il doit l'accomplir, sous peine de partager la responsabilité des actes odieux posés par ses agents.
Les faits que je viens de signaler constituent plusieurs illégalités évidentes.
Il y a eu violation de domicile ; car on est entré violemment pendant la nuit dans les appartements du docteur Marx. Bien qu'il fût logé dans un hôtel, le quartier occupé par lui ne constituait certes pas un établissement public.
(page 1030) Il y a eu arrestation arbitraire du docteur Marx, puisqu'elle a été opérée sans qu'aucun mandat fût et pût être produit.
Il y a eu arrestation arbitraire de madame Marx que l'on a surprise au moyen d'un odieux guet-apens.
Il y a eu arrestation arbitraire d'un Belge, de M. Gigot, domicilie à Bruxelles et parfaitement connu, qui a été retenu en prison pendant 13 heures sans qu'il fût même informé des motifs de son arrestation.
Enfin, il y a eu violation de l'article 5 de la loi du 22 septembre 1835 qui accorde à l'étranger que l'on expulse un délai d'un jour franc au moins pour mettre ordre à ses affaires.
Au mépris de cette disposition, le docteur Marx a été contraint de quitter le pays le lendemain de la signification de l'arrêté d'expulsion, presque au moment où il était relâché par la police locale.
Je ne connais pas personnellement le docteur Marx ; mais voici ce qui m'a été dit à son égard, M. Marx est fils d'un avocat fort estimé de Trêves. A l'âge de 23 ans, il s'était déjà fait une telle réputation parmi les philosophes allemands qu'il fut appelé à la direction de la Gazelle du Rhin. Il rédigeait cette feuille avec un talent remarquable et en fit le journal le plus estimé de l'Allemagne ; cet organe de publicité marcha de progrès en progrès jusqu'à ce que le gouvernement prussien le supprima par mesure approximative.
Quant à madame Marx, il m'a également été dit qu'elle est la sœur du gouverneur de la Poméranie.
Les outrages dont elle a été l'objet ont donc dû la froisser d'autant plus que, par sa position de famille et par son éducation, elle devait moins s'attendre à des violences et à des brutalités semblables.
J'espère qu'il suffira d'avoir signalé ces faits au gouvernement pour qu'il provoque la mise en jugement de ceux qui s'en sont rendus coupables. Son honneur, l'honneur du pays lui-même y sont intéressés.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, si l'honorable M. Bricourt, comme il aurait été convenable de le faire, m'avait prévenu des interpellations qu'il se proposait d'adresser au gouvernement, s'il m'avait communiqué celle longue note qu'il s'est donné la peine de lire, j'aurais pu prendre des renseignements sur les faits contenus dans cette note ; je pense qu'il n'aurait pas été difficile de démontrer que ces faits ont au moins été considérablement exagérés. Je ne pourrais donc que répondre très succinctement aux interpellations de l'honorable membre.
Quant à l'expulsion, je n'entrerai pas dans l'exposé des motifs qui l'ont déterminée. Cependant si la chambre désirait que nous le fissions, à tel moment qu'il lui plaira indiquer, nous serons en mesure de justifier que jamais expulsion n'a été mieux motivée que celle dont il s'agit. Aucune illégalité n'a été commise ; l'arrêté d'expulsion a été signifié au sieur Marx le 3 mars, le lendemain il est venu chercher sa feuille de route pour se diriger vers la frontière qu'il avait désignée ; il est sorti le même jour du pays, il aurait pu sortir le lendemain et jouir, s'il avait voulu, du jour franc que la loi lui accorde. Il était libre et aucune contrainte n'a été exercée contre lui pour l'expulser du pays.
Restent, messieurs, les faits de l'arrestation du sieur Marx et de son épouse, faits qui ont eu lieu, paraît-il, dans la nuit qui a suivi la signification de l'arrêté d'expulsion.
Le gouvernement est complètement étranger à ces faits ; ils ont été posés par des agents de la police de Bruxelles, par des agents sur lesquels le gouvernement n'a aucune action, ne peut exercer aucune espèce d'autorité.
Maintenant, est-il vrai que ces agents se seraient conduits avec quelque brutalité, ou qu'ils auraient commis quelque illégalité dans l'arrestation à laquelle ils ont procédé ? C'est là une question sur laquelle je ne pourrais m'expliquer en ce moment. Mais dès l'instant que j'ai connu les faits qui viennent d'être signalés et que je n'ai appris que par les journaux, j'en ai immédiatement référé à M. le procureur général, et j'ai ordonné qu'une instruction judiciaire eût lieu sur ces faits. Je crois qu'il faut attendre le résultat de cette information.
M. Bricourt. - M. le ministre de la justice a semblé me faire un reproche de ce que je ne lui avais pas communiqué avant la séance la note que je viens de lire. Si j'avais pu l'obtenir en temps opportun, je me serais fait un plaisir de la lui communiquer. Mais cela ne m'a pas été possible parce que ce n'est qu'hier soir qu'elle m'a été remise. Cependant je lui en ai dit quelques mots avant la séance.
Quant aux motifs d'expulsion, M. le ministre a dit qu'il lui serait très facile de motiver l'ordre qu'il avait décerné contre M. Marx. Mais je n'ai fait aucune critique de cette mesure ; je reconnais, au contraire, qu'il avait le droit de la prendre. Je ne me plains que de la manière dont elle a été exécutée par ses agents. D'ailleurs, messieurs, je ne connais pas les motifs qui ont pu porter le gouvernement à décerner cet ordre d'expulsion contre le docteur Marx.
M. le ministre de la justice a dit ensuite que les faits contenus dans la note dont je viens d'avoir l'honneur de donner lecture, étaient en partie exagérés, que d'autres étaient faux.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que je croyais les faits considérablement exagérés.
M. Bricourt. - Si M. le ministre prétend que ces faits sont exagérés, je le prierai de vouloir continuer l'instruction qui est ouverte, et même temps d'employer la voie rogatoire pour faire entendre M. et Mme Marx, qui sont, je crois, à Paris.
M. le ministre a dit que la plupart des faits signalés dans la note dont je viens de parler étaient étrangers aux agents du gouvernement, qu'ils émanaient des agents de l'administration communale. Il est vrai que M. le ministre de la justice n'a pas le pouvoir de sévir contre les agents de l'administration communale. Mais M. le ministre a le pouvoir de déférer leur conduite à la justice, et c'est, d'après ce qu'il vient de nous dire, ce qu'il a déjà fait et ce dont je lui sais gré. Cependant je dois lui dire qu'il est aussi des agents ressortissant à son département qui doivent avoir pris part aux faits que j'ai signalés. J'espère qu'il fera également instruire contre eux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je regrette comme mon honorable collègue, M. le ministre de la justice, que l'honorable député de Soignies n'ait pas cru devoir communiquer au gouvernement la note qui lui a été remise hier au soir et dont il est venu nous donner lecture. Peut-être par les explications qu'il aurait reçues1, se serait-il cru dispensé de venir entretenir la chambre des faits sur lesquels il s'est si longuement étendu.
Messieurs, tous les actes que nous poserons, nous serons toujours prêts à en rendre compte à la chambre. Toutefois nous ne voulons pas accepter comme antécédent l'obligation de venir, sur chaque fait particulier qui pourrait se produire dans les circonstances actuelles, fournir des explications aux premières interpellations qui nous seraient faites. C'est donc sous réserve de l'avenir que nous entions aujourd'hui dans quelques explications. Ce sera par l'ensemble de sa conduite que le gouvernement devra être jugé. Mais je crois que toute la chambre reconnaîtra elle-même qu'il y aurait des inconvénients à venir discuter chaque jour, un à un, dans cette enceinte, les faits que le gouvernement serait dans le cas de poser.
Une certitude que nous pouvons donner, c'est que le gouvernement entend ne pas sortir de la légalité, et qu'il restera toujours fort, parce qu'il restera toujours dans les limites de la loi. Si des illégalités flagrantes étaient commises, je concevrais que la chambre s'émût, qu'on vînt les dénoncer. Mais aussi longtemps qu'il restera dans la légalité, le gouvernement ne craindra pas les conséquences de sa conduite.
Si un incident fâcheux a pu se passer, si des agents de la police locale ont pu se livrer à des actes plus ou moins répréhensibles, je l'ignore. Ceci est du ressort de la police municipale. Cependant je ne voudrais pas non plus que par un blâme anticipé, par le blâme solennel qu'on nous demande, nous contributions à énerver l'énergie des agents de police. Il faudrait plutôt les encourager dans l'accomplissement de devoirs difficiles. En général, il faut le dire, ce n'est pas par la rigueur que se distingue la police du pays. Nos institutions pas plus que nos mœurs ne le comportent. Ce n'est pas pour un cas exceptionnel qui ne se reproduira pas, s'il s'est produit, qu'il faut cherchera émouvoir la chambre comme si tout à coup le pays était livré à des violences sans nombre.
Le fait, s'il a eu lieu avec les circonstances qu'on rapporte, est isolé et je regrette qu'on ait voulu l'élever au rang de grief national ou politique.
Messieurs, la légalité continuera à être respectée tout autant que l'hospitalité belge. Je répète ce que j'ai dit dans une autre séance : tout et ranger qui mène en Belgique une vie paisible, une vie tranquille, qui rend hommage à nos institutions libérales et les respecte, ceux qui ne cherchent pas par leur conduite à semer le trouble et l'émeute dans le pays, ceux-là continueront à vivre libres et tranquilles comme les Belges eux-mêmes. Mais, je le répète aussi, les étrangers qui viendraient susciter des désordres, des émeutes, qui voudraient entraîner le pays au-delà des limites que le pays lui-même s'est tracées, quant à ces étrangers, nous continuerons à agir, à leur égard, avec sévérité. (Très bien ! très bien !)
S'il y a ici des étrangers qui désirent d'autres institutions que les institutions belges, la porte leur est ouverte, qu'ils aillent dans leur pays chercher le triomphe de leurs théories.
Si des abus graves ont été commis, si des violences ont été exercées, si des outrages ont eu lieu, M. le ministre de la justice vous l'a dit, nous n'entendons pas prendre sur nous la responsabilité de ces actes. Des informations auront lieu.
M. Bricourt. - C'est tout ce que je demande.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Avouez, monsieur, que si c'est tout ce que vous demandez, vous auriez pu faire de cette demande l'objet d'une simple démarche auprès de M. le ministre de la justice, et que tout eût été dit.
Vous savez bien que nous ne sommes point un ministère violent, un ministère réactionnaire. Nous voulons continuer à gouverner le pays avec modération et fermeté, et sans exciter personne à commettre contre qui que ce soit des brutalités, des violences. Vous savez bien que cela n'entre pas dans notre caractère.
« Art. 1er. Les monts-de-piété actuellement existants sont maintenus, sauf l'approbation par le gouvernement de leurs règlements organiques, conformément à l'article 7 ci-après. »
- Adopté.
« Art. 2. L'érection de nouveaux monts-de-piété pourra être autorisée par le gouvernement sur la demande du conseil communal, la députation permanente du conseil provincial entendue.
« Cette autorisation ne sera accordée que dans les communes où des locaux suffisants seront fournis gratuitement, ou bien dans celles où les frais de régie seront couverts par les administrations communales, provinciales ou de bienfaisance, ou par des associations charitables et de manière à ne devoir exiger des emprunteurs qu'un intérêt modéré. »
(page 1031) M. de Bonne. - Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir expliquer le paragraphe 2 de cet article. Il y est dit que l'autorisation d'établir un mont-de-piété ne sera accordée que dans les communes où des locaux seront fournis gratuitement, et l'on ajoute : « ou bien dans celles où les frais de régie seront couverts par les administrations communales. » Cela, fait-il deux conditions, on cela ne pose-t-il qu'une alternative ? Le mot ou me semble ici disjonctif : si on fournit un local, c'est tout ce qu'il faut, et alors, d'après l'article 3, il n'est pas nécessaire de s'engager à couvrir les frais de régie, et si l'on fait les frais de régie, on n'est pas obligé de fournir un local. Voilà, messieurs, dans quel sens je comprends le paragraphe 2. Si j'étais dans l'erreur, s'il fallait, indépendamment du local, faire les frais de régie, alors je proposerais de supprimer les mots : « ou bien dans celles où » et de dire : « Les frais de régie seront couverts, etc. » Si l'article reste ce qu'il est, il me semble qu'il faut l'entendre dans ce sens, qu'il suffira, ou bien de fournir un local ou bien de faire les frais de régie. Seulement, je ferai observer que les frais de régie me paraissent comprendre les frais de location du local et que, dès lors, on pourrait, en s'engageant à couvrir les frais de régie, s'obliger par cela même à fournir aussi le local, tandis qu'en se plaçant dans la première alternative, on devrait purement et simplement fournir le local.
Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir bien donner un mot d'explication sur le sens de l'article.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je pense, messieurs, que l'article doit être entendu dans le sens que lui a donné l'honorable M. de Bonne : « L'autorisation ne sera accordée que dans les communes où des locaux suffisants seront fournis gratuitement. »
Voilà la première condition pour que l'autorisation soit accordée. Ou bien, dans les communes où les frais de régie seront couverts par les administrations communales ; or, dans les frais de régie se trouve nécessairement comprise la fourniture des locaux, puisque cette dépense fait partie des frais généraux. Quand des locaux doivent être loués, par exemple, le prix du loyer doit faire partie des frais généraux. C'est ainsi me semble-t-il que l'article doit être entendu.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 2 contient deux hypothèses. La première est celle où des locaux sont fournis ; la seconde est celle où les frais de régie sont couverts par les administrations communales. Cette double alternative constitue deux ordres de faits différents ; et d'après le texte de l'article, il est hors de doute que dans l'un et dans l'autre cas, on peut autoriser l'érection d'un mont-de-piété. Le motif de l'article me paraît évident.
Les monts-de-piété, aux termes de l'article, ne peuvent être érigés qu'à la demande du conseil communal. Maintenant si le conseil communal reconnaît que l’érection d'un mont-de-piété est nécessaire, si le conseil peut fournir un local, et qu'il soit assuré que les fonds ne manquent pas et que le mont-de-piété pourra même faire des bénéfices, il est évident que dans ce cas le mont-de-piété doit être autorisé, alors même que les frais de régie n'auraient pas été antérieurement faits par le conseil communal lui-même.
La loi me paraît vouloir une chose : la possibilité d'ériger un mont-de-piété si un local suffisant est fourni et que l'avenir de l’établissement paraisse assuré, ou si les frais de régie sont garantis même sans indication d'un local ; eh bien. dans l'une et l'autre hypothèse, il me semble que le gouvernement doit être autorisé à permettre l’érection du mont-de-piété ; car on ne peut pas supposer que le gouvernement irait autoriser l'érection d'un semblable établissement, uniquement lorsqu'il y aurait des locaux fournis, s'il n'était pas en même temps probable que des fonds suffisants seraient ultérieurement fournis.
Je pense donc que le gouvernement ne peut autoriser l'érection du mont-de-piété dans les deux cas indiqués à l'article 2.
M. Tielemans. - Messieurs, l'article 2 me paraît pécher sous un double rapport.
Le prem.er paragraphe porte :
« L’érection de nouveaux monts-de-piété pourra être autorisée par le gouvernement sur la demande du conseil communal, la députation permanente du conseil provincial entendue. »
C'est là un langage auquel nous ne sommes plus habitués depuis la loi communale de 1836 et même depuis la Constitution de 1831. Le mot « autorisation » employé dans ce paragraphe suppose que la commune n'a pas un pouvoir qui lui son propre, tandis que la Constitution lui donne positivement ce pouvoir. Seulement la Constitution dit que les actes du conseil communal pourront être soumis à l'approbation du Roi dans certains cas.
Je propose donc de remplacer la rédaction du paragraphe premier par celle-ci :
« Les délibérations du conseil communal sur l’érection des monts-de-piété sont soumises à l'avis de la députation permanente et à l'approbation du Roi. »
Ce langage est celui de notre loi communale, et il ne faut pas s'en départir sans nécessité.
Quant au deuxième paragraphe, j'en demande la suppression. Il est inutile ; je ne pense pas que l'intention de l’auteur du projet ait été de mettre des limites au pouvoir communal et au pouvoir royal ; du moment où l'érection de nouveaux monts-de-piété ne peut avoir lieu qu'avec l'approbation du Roi, il est dans les principes que le Roi reste juge des conditions nécessaires pour cette érection sous la responsabilité du ministre dans les attributions duquel rentre la matière.
D'ailleurs, si vous fixez dans la loi des conditions sans lesquelles l'approbation ne pourra être accordée, il en résultera que certains cas très favorables pourront se présenter où ces conditions n'existeront pas et où le gouvernement ne pourra, par conséquent, approuver l'érection demandée.
Je pense donc que le paragraphe doit être supprimé. Si la suppression n'était pas admise, il est un « mot » dont je demanderais le remplacement, c'est celui d'associations. Le paragraphe porte :
«Cette autorisation ne sera accordée que dans les communes où des locaux suffisants seront fournis gratuitement, ou bien dans celles où les frais de régie seront couverts par les administrations communales, provinciales ou de bienfaisance, ou par des associations charitables. »
Les mots « associations charitables » supposent une existence, reconnue par la loi, de ces associations. C'est là une question que nous ne devons pas préjuger. Je proposerai d'y substituer les mots : « personnes charitables ». Mais, comme je le disais tout à l'heure, le paragraphe entier me paraît devoir être supprimé.
M. Dedecker. - Je commencerai par faire remarquer que l'application de cet article n'est pas à prévoir d’ici à longtemps. Nos villes, même celles de deuxième et troisième ordre, ont des monts-de-piété. Nous en avons 22. Je ne pense pas que de longtemps il soit question d'ériger de nouvelles institutions de ce genre.
L'honorable M. Tielemans propose, pour le premier paragraphe, un changement de rédaction auquel je me rallie. La rédaction qu'il propose est plus conforme à l'esprit de nos institutions et au style de nos lois organiques.
Quant au deuxième paragraphe, l'honorable M. de Bonne a demandé une explication sur les intentions du gouvernement et de la section centrale.
Je pense qu'il faut maintenir les conditions qu'on a insérées dans ce paragraphe. Voici pourquoi. Quel est le but qu'on s'est proposé ? De faire en sorte que les monts-de-piété à ériger ne se trouvent plus sous l'empire de conditions aussi défavorables que celles sous lesquelles végètent actuellement les monts-de-piété ; c'est-à-dire qu'ils ne soient plus soumis aux charges qui forcent les monts-de-piété actuels à élever leur intérêt, charges qui consistent en emprunts du capital, en loyers des locaux, en frais de régie, etc.
Si vous voulez que dès le moment de leur établissement, ils ne demandent pas un intérêt qui effarouche, qui révolte, il faut faire en sorte de ne plus autoriser l'érection de semblables institutions soumises aux mêmes charges qu'aujourd'hui. Il faut que les villes qui voudront en ériger, ou bien fournissent les locaux, ou bien, si elles ne peuvent pas fournir les locaux, qu'elles se chargent des dépenses de régie. Il faut maintenir ces conditions restrictives mises à l'érection de nouveaux monts-de-piété par le deuxième paragraphe. C'est dire assez que la conservation de ce paragraphe est, à mes yeux, désirable.
Il a pour objet de mettre entre les mains du gouvernement la faculté de s'opposer à l'établissement de nouvelles institutions, obligées, pour subvenir à leurs charges, de fixer à un taux fort élevé le chiffre des intérêts à percevoir des emprunteurs.
Une troisième observation a été présentée par M. Tielemans, quant au mot « associations charitables », auquel l'honorable préopinant propose de substituer : « personnes charitables ». Comme le but que nous voulons attendre est le même, je ne vois pas de difficulté à ce qu'on fasse cette substitution.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à l'amendement proposé par l’honorable M. Tielemans, quant à la rédaction du premier paragraphe et la substitution du mot : « personnes », au mot : « associations ». Mais je demande, par les motifs que vient de faire valoir l'honorable M. Dedecker, que le deuxième paragraphe soit maintenu.
M. Lebeau. - Il me paraît impossible de ne pas adopter en entier la proposition faite par l'honorable M. Tielemans. Il est évident que dès que vous soumettez à la double approbation de la députation et du gouvernement l'érection des monts-de-piété par les conseils communaux, nous ne pouvez plus vous complaire dans l'énumération de telles ou telles conditions, qui ne sont pas, après tout, des garanties. En effet, quelle garantie trouvez-vous dans cette prescription de n'exiger qu'un intérêt modéré ? Cette qualification dépend du point de vue où l'on se place ; tel intérêt sera modéré dans une ville, qui serait usuraire dans une autre ; cela dépend du plus ou moins d'abondance de capitaux ; de manière que la garantie que vous voudriez chercher par le paragraphe, notamment celle d'un intérêt modéré, est véritablement illusoire.
Ensuite les observations de l'honorable M. de Bonne sont restées entières ; on n'y a pas répondu. Il se pourrait qu'en fournissant un local, qu'en remplissant cette condition, on obtînt l'autorisation et qu'on laissât encore la plus grande somme des charges incombant à l'érection des monts-de-piété, dans le doute, dans le domaine des conjectures. On fournira un local ; mais le mobilier, le chauffage, l'éclairage, les moyens de pourvoir aux appointements des employés de l'administration, aux frais de bureau, etc., le capital circulant, le capital de premier établissement, qui le fournira ? On fournira une maison avec des murs entièrement nus, sans aucune espèce de mobilier ; et l'on aura ainsi satisfait au texte de la loi. Cela n'est pas possible. Si vous voulez indiquer des conditions, faites-le d'une manière nette, précise ; tâchez de les indiquer d'une manière complète ; ici vous risquez, par prétention de tout ce qui n'y est pas, de rendre la disposition complètement illusoire, allant même contre le but pour lequel elle a été insérée dans la loi.
Je demande donc, avec l'honorable M. Tielemans, d'abord le changement de rédaction qui concerne l'esprit de la loi communale en faisant seulement intervenir le Roi avec la députation permanente, tandis qu'aujourd'hui la députation permanente seule intervient ; et j'appuie également la radiation complète du dernier paragraphe.
(page 1032) M. d’Anethan. - Messieurs, la rédaction du premier paragraphe de l'article 2 a été critiquée par l’honorable M. Tielemans. Cet honorable membre propose une rédaction qu'il croit plus conforme à l'esprit de la loi communale et au rapport entre la commune et le gouvernement. Je ne vois aucune difficulté d'admettre l'amendement de M. Tielemans. Mais je dois faire observer que si le paragraphe premier a été rédigé comme il l'a été, c'est parce qu'on ne considérait pas les monts-de-piété comme des institutions communales et que, dès lors, il était naturel que le paragraphe fût rédigé de manière à accorder au Roi le droit de permettre l'érection de monts-de-piété sur la demande du conseil communal. C'était un acte royal qui devait intervenir et non un acte communal.
M. Lebeau. - Avec la permission du conseil communal.
M. d’Anethan. - L'honorable M. Lebeau me dit : avec la permission du conseil communal. Il ne s'agit pas de permission, il s'agit de la demande du conseil communal. Le conseil communal devait demander l'autorisation d'ériger un mont-de piété et le Roi y consentait ou n'y consentait pas suivant les circonstances. Je demande si la position que l'on faisait au gouvernement dans l'article 3, n'est pas absolument la même que la position que lui fait la rédaction de l'honorable M. Tielemans ; soutenir le contraire, c'est vraiment jouer sur les mots. Le conseil communal prend une délibération et dit : Je veux ériger un mont-de-piété ; et le gouvernement, dit : Vous l'érigerez ou vous ne l’érigerez pas suivant les conditions que vous proposez. Telle est la proposition. D'après la rédaction première le conseil communal demandait la permission d'ériger un mont-de-piété et le gouvernement la refusait ou l'accordait. Je demande comment l'on peut trouver là une question de dignité gouvernementale, comment on peut trouver cette dignité plus compromise dans, un cas que dans l'autre.
Quant au second paragraphe, il a paru convenable de fixer quelques conditions qui indiquassent que ce qu'il fallait exiger pour l'érection des monts-de-piété. On a posé deux hypothèses dans lesquelles cette érection devrait être accordée.
Je pense qu'il serait préférable de maintenir la mention de ces conditions, et, quant à moi, je voterai pour le paragraphe ; toutefois il n'y aurait pas grand inconvénient à le supprimer.
M. Delfosse. - Que la rédaction du projet primitif soit maintenue ou, que l'on préfère la rédaction de l'honorable M. Tielemans, il est bien certain que le résultat sera le même. Dans les deux cas, quelle que soit la rédaction, il faudra, pour ériger un mont-de-piété, le consentement de l'administration communale et du gouvernement, et en outre l'avis de la députation permanente.
Ainsi, au fond on est d'accord. Mais il faut préférer la rédaction de l'honorable M. Tielemans, parce qu'elle rentre mieux dans l'esprit de nos institutions.
Je pense aussi avec l'honorable M. Tielemans, que l'on doit supprimer le deuxième paragraphe. Les précautions qu'on veut prendre contre le conseil communal, contre le gouvernement et contre la députation permanente, me paraissent puériles. Craint-on que le gouvernement, le conseil communal et la députation permanente n'érigent mal à propos un mont-de-piété, n'érigent un mont-de-piété à des conditions telles que l'intérêt à percevoir, des emprunteurs serait-usuraire ? Mais les conseils communaux peuvent prendre, avec l'approbation du gouvernement, des résolutions bien autrement importantes que celles qui consistent à ériger un mont-de-piété. Les conseils communaux peuvent, avec l'approbation du gouvernement, établir des impositions communales, qui exercent une influence immense sur les populations, et notamment sur le sort des classes ouvrières.
Si l'on n'a pas cru devoir subordonner à des conditions l'exercice du droit des conseils communaux et du gouvernement sur un point aussi important que l'établissement d'impositions il est évident qu'on ne doit pas maintenir les conditions indiquées dans le paragraphe 2, pour l'exercice d'un droit qui consiste uniquement à établir un mont-de-piété.
La chambre fera donc bien d'adopter la proposition de l'honorable M. Tielemans.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Tielemans est mis aux voix et adopté. L'article ainsi réduit au paragraphe premier est adopté.
« Art. 3. Aucun mont-de-piété ne pourra être supprimé sans l'autorisation du gouvernement ; en cas de suppression ainsi autorisée, l'excédant des biens, après liquidation, sera dévolu aux établissements de bienfaisance de la localité, dans la mesure de leurs besoins respectifs. Cette répartition sera faite par le gouvernement, sur l'avis de l'administration communale, la députation du conseil provincial entendue.
M. Tielemans. - Messieurs, par suite du changement fait à l'article 2, il me paraît qu'il y en a également un à faire à la rédaction de l'article 3.
Les mots : « Aucun mont-de-piété ne pourra être supprimé sans l’autorisation du gouvernement » devraient être, ce me semble, remplacés par ceux-ci :
« II en sera de même des délibérations relatives à la suppression des monts-de-piété existants » ; c'est-à-dire que ces monts-de-piété ne pourront être supprimés que par une délibération du conseil communal, sur l'avis de la députation provinciale et sous l'approbation du Roi. C'est la conséquence nécessaire du premier amendement.
Il est un autre point sur lequel je dois dire quelques mots.
L'article porte qu'en cas de suppression l'excédant des biens, après liquidation, sera dévolu aux établissements de bienfaisance de la localité, dans la mesure de leurs besoins respectifs.
Dans le langage ordinaire, on entend par établissements de bienfaisance : les hospices et les bureaux de bienfaisance. Jusqu'à présent il n'est pas décidé si les monts-de-piété se rattacheront aux bureaux de bienfaisance seuls, comme l'avait proposé le gouvernement dans l'origine, ou s'ils se rattacheront tout à la fois aux bureaux de bienfaisance et aux hospices. Dès lors l'article ne peut être adopté dans les termes où il est, que sous réserve de la question qui reste à décider ultérieurement, à savoir si ce seront les bureaux de bienfaisance qui représenteront civilement les monts-de-piété ou si les monts-de-piété seront représentés tout à la fois par les hospices et les bureaux de bienfaisance. C'est sous cette réserve que je donnerai mon vote affirmatif à l'article.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, les mots « établissements de bienfaisance », comme l'a dit l'honorable M. Tielemans, s'appliquent tout à la fois aux bureaux de bienfaisance et aux hospices. Je pense donc qu'il ne peut y avoir de doute en conservant la rédaction de l'article 2.
Je ferai observer d'ailleurs que cet article se trouve expliqué par l'article 15 du projet primitif amendé par la section centrale. Cet article 15 dit que lorsque la dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels seront versés dans la caisse du bureau de bienfaisance, et la section centrale propose d'y ajouter ces mots : « et dans celle des hospices.»
On voit qu'en rapprochant cet article de l'article, 2, les mots « établissements de bienfaisance » doivent être entendus tout à la fois des bureaux de bienfaisance et des hospices.
Quant à la modification proposée par l'honorable M. Tielemans à la première partie de l'article, je crois pouvoir m'y rallier. Elle me paraît n'être autre chose que la conséquence de l'amendement qui vient d'être adopté à l'article précédent.
M. Delfosse. - On pourrait supprimer les mots : ainsi autorisés. Il n'y aura pas de suppression sans autorisation.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Tielemans : L'article commencerait comme suit : « Il en sera de même de la suppression des monts-de-piété existants ; » et M. Tielemans supprime les mots : « ainsi autorisés », comme vient de l'indiquer M. Delfosse.
M. de Bonne. - Je désire aussi proposer un amendement à la dernière partie de l'article.
D'après les explications que nous a données hier M. le ministre de la justice, il rentre dans sa pensée que les monts-de-piété seront des établissements communaux, et la dernière partie de l'article 3 semble les mettre tout à fait dans la dépendance du gouvernement.
Mon observation porte sur cette dernière partie : « Cette répartition sera faite par le gouvernement sur l'avis de l'administration communale, la députation du conseil provincial entendue. »
Il me semble que cette répartition peut être faite avec plus de justice, avec plus d'équité et d'intelligence par la commune. La commune a la surveillance des établissements de bienfaisance et des hospices. Elle connaît leurs besoins. Elle est donc plus à même que le gouvernement de déterminer quelle devra être la part à allouer à chacun de ces établissements, s'il y en a plusieurs. C'est donc, me paraît-il, à elle qu'il faudrait laisser le soin de faire cette répartition, et je proposerais de dire : « Cette répartition sera faite par l'administration communale, sur l'avis de la députation provinciale et l'approbation du gouvernement..»
Le gouvernement aura à examiner, en dernière analyse, si cette répartition est bonne, si elle est équitable, si elle est juste.
M. d’Anethan. - Messieurs, la proposition de l'honorable M. de Bonne rentre complètement dans le sens de celle qui a été adoptée et qui a été proposée par l'honorable M. Tielemans sur l'article 2.
Dans le projet primitif, je le répète, on avait considéré les monts-de-piété comme des établissements non-communaux. Il était donc naturel de faire intervenir le gouvernement comme partie principale et de borner à demander l'avis de la commune.
Maintenant si l'on change le système, il est nécessaire de placer la commune en première ligne et de ne donner au gouvernement que le droit d'approuver. Il n'y a donc pas d'inconvénient à adopter l'amendement. Mais quant à l'amendement de M. Tielemans il n'en est pas tout à fait ainsi. L'article 3 portait : « Aucun mont-de-piété ne pourra être supprimé sans l'autorisation du gouvernement. » M. Tielemans veut que la commune fasse dans tous les cas les premières démarches ; qu'elle prenne toujours l'initiative de la suppression et que le gouvernement ne puisse pas supprimer un mont-de-piété si la commune elle-même ne le demande pas. Or, il peut se présenter des circonstances où la commune ne demandera pas la suppression, et où cependant cette suppression serait nécessaire. Croit-il juste, à cause de silence de la commune, de forcer les établissements de bienfaisance à continuer à fournir des fonds aux monts-de-piété, alors que l'utilité de cet établissement aurait cessé ? Serait-il convenable de maintenir le mont-de-piété malgré l'évidence de son inutilité, malgré les démarches de la députation et malgré la conviction qu'aurait le gouvernement qu'il faut le supprimer ?
(page 1033) Je pense, messieurs, qu'il faut exiger l'initiative de la commune pour l'établissement d'un mont-de-piété, parce que dans ce cas la commune peut être appelée à faire des dépenses ; mais je crois que pour la suppression il ne faut pas exiger l'initiative de la commune ; je ne vois ici aucun intérêt communal qui puisse être lésé par le maintien de l'article tel qu'il a été proposé.
M. Tielemans. - Messieurs, l'observation que vient de présenter l'honorable M. d'Anethan me paraît fort singulière ; car en lisant l'article 3 tel qu'il est aujourd'hui conçu, on arrive à la même conséquence que l'honorable membre : a Aucun mont-de-piété (dit la rédaction actuelle) ne pourra être supprimé sans l'autorisation du gouvernement. » Le gouvernement n'a donc pas l'initiative. L'initiative n'appartient qu'à' la commune, et le changement de rédaction que je propose laisse subsister la disposition, au fond, telle qu'elle était. L'honorable M. d'Anethan me fait un signe négatif ; mais il me semble qu'il suffit de lire l'article pour être convaincu qu'il se trompe. Si l'intention de la chambre était' d'accorder au gouvernement le droit de supprimer les monts-de-piété de son propre mouvement et sans le consentement de la commune, sans l'avis de la députation, il faudrait rédiger la disposition d'une autre manière. Mais telle ne peut être l'intention de la chambre.
M. Dedecker. - Messieurs, je partage l'opinion que vient d'exprimer l'honorable M. Tielemans. Il est évident que la rédaction primitive suppose toujours que l’initiative de la suppression vient de la commune. Quand on dit que la suppression sera autorisée par le gouvernement, on suppose que la suppression est demandée par quelqu'un qui n'est pas le gouvernement ; le gouvernement ne peut pas s’autoriser soi-même.
D’ailleurs, messieurs, je ne conçois pas qu'après -l'exécution de la loi que nous discutons, il puisse se présenter un cas où le gouvernement doive prendre l'initiative de la suppression d'un mont-de-piété. Des- cas semblables, ne pouvaient se présenter que lorsqu'il était possible qu'il y eût opposition entre l'intérêt de la commune et l'intérêt général, ce qui pouvait avoir lieu par cela que les bénéfices des monts-de-piété étaient versés dans la caisse des établissements de bienfaisance. Mais maintenant que les bénéfices des monts-de-piété seront destinés à former une dotation pour ces établissements, l'intérêt de la commune sera toujours conforme à l’intérêt du gouvernement. Je ne conçois donc pas que le gouvernement puisse jamais avoir besoin de demander lui-même la suppression d'un mont-de-piété.
M. Tielemans. - Il est bien entendu que l'article 3 n'aura pas d'effet rétroactif. Il peut y avoir des droits acquis aux fonds des monts-de-piété, au moment de la suppression, et ces droits devront toujours et nécessairement être respectés. Je voudrais que M. le ministre nous donnât à cet égard une déclaration positive, afin de rassurer les intéressés.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Cette déclaration est de droit. La loi ne peut pas avoir d'effet rétroactif.
La séance est levée à 3 heures 3/4.