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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 mars 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Verhaegen, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 961) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

- La séance est ouverte.

M. Troye lit le procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Dubus fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Clermont soumet à la chambre un projet de loi qui établit un cens uniforme pour les élections aux chambres, qui réduit le cens électoral pour la formation des conseils provinciaux et des conseils communaux, et qui établit une incompatibilité entre le mandat de député ou de sénateur et les fonctions conférées par le gouvernement. »

- Sur la proposition de M. Castiau, renvoi aux sections centrales chargées d'examiner les projets de loi concernant le cens électoral pour la formation des chambres et des conseils communaux.


« Le sieur Coppin demande que le gouvernement propose des réformes dans l'ordre politique et l'ordre matériel. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs Luxembourgeois demandent que la naturalisation soit accordée seulement pour services éminents rendus au pays, que les fonctions publiques ne soient plus remplies par des étrangers, et que la garde civique soit organisée dans le Luxembourg. »

- Même renvoi.


Par message du 1er mars, le sénat informe la chambre qu'il a adoptés :

1° Le projet de loi ouvrant au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de 155,443 fr. 77 c ;

2° Le projet de loi qui apporte des modifications au tarif des douanes ;

3° Le projet de loi relatif au dépôt des étalons prototypes des poids et mesures ;

4° Le projet de loi qui transfère à Eghezée le chef-lieu de la justice de paix établi à Dhuy ;

5° Le projet de loi transférant à Lennick-Saint-Quentin le chef-lieu de la justice de paix établi à Lennick-Saint-Martin ;

6° Le projet de loi qui exempte des droits de timbre et d'enregistrement les actes des conseils des prud'hommes.

- Pris pour notification.


M. Fallon informe la chambre qu'une indisposition l'empêche de prendre part à ses travaux.

- Pris pour information.

Projet de loi sur les dépôts de mendicité et les écoles de réforme

Discussion des articles

Article 4

M. le président. - La chambre est parvenue à l'article 4 ainsi conçu :

« Art. 4. Un arrêté royal déterminera, pour tous les dépôts de mendicité les conditions de sortie. Cependant les indigents entrés volontairement dans un dépôt, ne pourront, la première fois, être astreints à y séjourner plus de trente jours ; s'ils rentrent au dépôt dans le cours de la même année, ce temps sera de six mois au moins et d'un an au plus.

« Cette dernière disposition ne sera pas applicable à l'indigent qui n'aura quitté le dépôt qu'à la demande de l'autorité communale, en conformité de l'article 2 de la présente loi. »

M. d’Anethan. - J'ai quelques questions à adresser à M. le ministre de la justice relativement à cet article dont la disposition est nouvelle ; elle ne se trouvait pas dans le projet primitif, et M. le ministre de la justice l'a présentée sans en faire connaître les motifs, le but, la portée. Je prie donc M. le ministre de la justice de bien vouloir, en réponse à mes questions, expliquer le sens de l'article qu'il a introduit dans la loi.

D'après l'article en discussion, lorsqu'un indigent arrive pour la première fois dans un dépôt de mendicité, il peut être contraint à' y séjourner pendant trente jours. Lorsque, dans la même année, il retourne une seconde fois au dépôt, il peut être contraint d'y séjourner six mois au moins et un an au plus.

Le deuxième paragraphe est ainsi conçu : « Cette dernière disposition ne sera pas applicable à l’indigent qui n'aura quitté le dépôt qu'à la demande de l'autorité communale, en conformité de l'article 2 de la présente loi.» Ces mots : « cette dernière disposition », à quoi s'appliquent-ils ?

Si je les comprends bien, ils ne peuvent comprendre que les indigents qui, ayant été une première fois au dépôt, en sont sortis par l'intervention de l'autorité communale, et y sont retournés ensuite.

Je ne comprendrais pas l'application de cette disposition aux individus reclus une première fois. Si tel est le sens de cet article, je ne me figure pas sur quoi il peut être basé.

En effet si un indigent quitte le dépôt de mendicité parce que l'administration communale l'a réclamé, et si quelque temps après il demande à rentrer au dépôt, je ne vois pas pourquoi on ne lui appliquerait pas la même disposition qu'à celui qui a volontairement quitté le dépôt et qui doit plus tard y rentrer.

Dans l'un et dans l'autre cas la position est la même ; il me paraît même que la position de celui qui a été réclamé par l'administration communale devrait être envisagée avec moins de faveur que la position de celui qui est sorti volontairement du dépôt dans l'idée et avec l'espoir de trouver du travail.

Mais la personne à qui la commune a donné du travail et qui, malgré cette ressource, est retombée dans l'indigence me paraît, je le répète, mériter moins de considération et d'égards que la personne qui est sortie volontairement du dépôt de mendicité et qui n'a pu, malgré ses efforts, se procurer du travail. Je pense donc qu’il y aurait injustice à traiter cette dernière avec plus de rigueur que la première ; au moins jusqu'à présent, je ne vois aucun motif d'admettre la différence proposée.

Dans tous les cas, messieurs, s'il y a des raisons pour adopter cette disposition, ce que je ne pense pas, la disposition serait incomplète. Car il ne faudrait pas borner l'exception au cas où l'individu sortirait du dépôt sur la demande de la commune ; il faudrait y comprendre le cas où la sortie du dépôt aurait lieu sur la demande de la famille. On accorde à la famille les mêmes droits qu'à la commune ; par conséquent, la demande faite par la famille doit avoir les mêmes conséquences que la demande faite par la commune. Il n'y a aucune différence. Car dans l'un et l'autre cas, la sortie est accordée, uniquement parce que l'individu dont on demande la sortie aura du travail, soit que sa famille lui en fournisse, soit que la commune lui en donne. Dans l'un et l'autre cas la position de l'individu qui sort du dépôt est complètement identique.

J'ai une dernière demande à adresser à M. le ministre de la justice.

D'après l'article 4, l'individu qui entre pour la première fois dans un dépôt sera astreint d'y séjourner pendant 30 jours ; après une seconde entrée il peut être contraint d'y séjourner pendant un an. Je désirerais savoir si cette obligation de séjour pendant un temps déterminé enlève à la commune pendant ce temps le droit de faire sortir le reclus, alors qu'elle a acquis l'assurance de pouvoir lui procurer du travail. Je pense que le droit de la commune, consacré par l'article 2, doit naître dès le moment de l'entrée (page 962) au dépôt, et n'est pas suspendu un seul instant, depuis l'entrée de l'indigent dans le dépôt.

Ne serait-il pas injuste d'empêcher une commune, à son grand préjudice, de retirer un indigent du dépôt pour lui procurer du travail ? Ne serait-ce pas injustement priver de sa liberté un individu qui pourrait être utile et entretenu plus économiquement dans la commune ?

Je pense donc que l'article doit être entendu en ce sens que les droits de la commune ne sont pas limités par la disposition de l'article 4. Je prie le gouvernement de nous donner sa pensée à cet égard.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je pense, comme l'honorable préopinant, que le droit de la commune ne peut être restreint, et qu'il s'applique également à l'indigent qui entre pour la première fois au dépôt de mendicité comme à celui qui y rentre après en être sorti. Le droit de la commune écrit dans l'article 2 de la loi est illimité, et l'on ne peut dans aucun cas empêcher une commune de retirer l'indigent d'un dépôt de mendicité lorsqu'elle est disposée à lui procurer du travail ou des secours suffisants, sauf à la députation permanente à apprécier à cet égard si la commune est en mesure de réaliser l'offre qu'elle fait de procurer ce travail ou ces secours.

L'honorable M. d'Anethan a demandé en premier lieu si ces mots « cette dernière disposition ne sera pas applicable à l'indigent qui n'aura quitté le dépôt qu'à la demande de l'autorité communale, en conformité de l'article 2 de la présente loi », si ces mots concernent l'indigent qui entre une première fois au dépôt, comme à celui qui y rentre après en être sorti. Messieurs, il me semble que cette disposition s'applique aux indigents des deux catégories, et je ne vois, pour mon compte, aucun motif pour établir une distinction entre ceux qui entrent pour la première fois au dépôt et ceux qui y rentrent après en être sortis dans le cours de la même année. Je crois qu'un indigent qui, après être resté pendant 30 jours au dépôt de mendicité, en sort et se trouve plus tard dans la nécessité d'y rentrer, doit, si sa famille vient à son secours, être autorisé à en sortir comme il y serait autorisé s'il était au dépôt pour la première fois. En un mot, il n'y a, selon moi, aucun motif de distinction entre les deux catégories de reclus, c'est-à-dire entre les récidifs et ceux qui sont entrés au dépôt pour la première fois.

- L'article 4 est adopté.

Article 5

« Art. 5. L'organisation, le régime et la discipline des dépôts de mendicité seront déterminés par le Roi, les députations permanentes des conseils provinciaux intéressés entendues. »

M. d’Elhoungne. - Je demanderai à M. le ministre de la justice de bien vouloir nous faire connaître les motifs qui l'ont déterminé à introduire ici un principe entièrement nouveau. L'article propose d'enlever à la dépuration permanente des conseils provinciaux une partie de leurs attributions et de la transférer au gouvernement central. Ce sera, d'après cet article, le gouvernement qui organisera et réglementera les dépôts de mendicité, tandis que les communes devront supporter les frais de cette organisation.

Vous savez, messieurs, qu'en thèse générale, toute organisation faite par le gouvernement coûte fort cher. Je vous laisse à penser ce que ce sera quand le gouvernement lui-même ne devra pas payer, quand il ne devra pas demander aux chambres les subsides nécessaires, quand tous les frais des mesures qu'il décrétera seront supportés par les communes. Il peut y avoir là un principe extrêmement funeste pour les finances des communes, et je pense que la chambre ne voudra pas, dans la disposition d'esprit où elle se trouve, sanctionner légèrement une disposition d'une pareille gravité.

S'il s'agissait, messieurs, d'une réforme complète, définitive, qui nous permît d'espérer que les dépôts de mendicité pourront désormais fonctionner avec régularité et atteindre le but qu'on se propose en les créant, alors sans doute je comprendrais une pareille innovation ; mais il s'agit d'une réorganisation qui n'en sera pas une.

En effet, nous avons bien corrigé, dans les dépôts de mendicité, quelques-uns des abus, notamment en ce qui concerne les entrées et les sorties, mais c'est là tout. Décrétez qu'il y aura dans les dépôts actuels un classement des reclus, que le gouvernement fera une nouvelle organisation du travail, et vous ne ferez absolument rien ; cela n'aboutira à aucun résultat.

Déjà le gouvernement des Pays-Bas avait décrété que le travail serait réorganisé dans les dépôts, qu'il y aurait un classement des reclus d'après leur âge, leur sexe, leur moralité.

Un arrêté, contresigné par l’honorable M. Lebeau, alors ministre de la justice, a prescrit en 1835 précisément la même chose. Ces deux arrêtés ont conféré ce soin aux députations permanentes. Qu'en est-il résulté ? Absolument rien, Les prescriptions du législateur sont restées impuissante devant les faits. Les députations permanentes, chargées de réglementer les dépôts de mendicité, d'y organiser le travail, d'y opérer une classification, se sont trouvées contraintes, sous la pression des circonstances, de ne rien organiser, ou quand elles avaient fait une organisation, de la détruire à l'instant même.

Maintenant le gouvernement sera-t-il plus heureux que les députations permanentes ? Evidemment non ; car le gouvernement n'aura pas, par la loi que vous allez voter, des moyens plus sérieux de maîtriser les faits et d'opérer un classement convenable des différentes catégories d'individus qui-se trouvent aux dépôts de mendicité,

La loi que nous faisons ne peut être, et elle n'est qu'une loi transitoire. Il faudra évidemment une loi définitive pour créer plus tard de nouveaux dépôts de mendicité, et notamment un dépôt agricole de mendicité pour les mendiants valides. Ce n'est qu'après cette mesure qu'on pourra parler d'une reforme sérieuse et réelle des dépôts de mendicité.

Je pense donc que, dans la situation des esprits, avec les graves préoccupations qui, il faut bien le dire, distraient la chambre de l'objet qui est en discussion, nous ne pouvons sanctionner le nouveau système que le gouvernement propose. J'inviterai M. le ministre de la justice (je pense que c'est un conseil sage à donner au gouvernement) j'inviterai, dis-je, M. le ministre de la justice à ne pas insister sur cette innovation et à maintenir, quant à ce point, la législation existant.

Il y a utilité et opportunité à laisser les députations permanentes, qui sont en quelque sorte les tutrices des communes, en possession du droit qu'elles ont de réglementer et d'organiser les dépôts de mendicité existants et à laisser ainsi l'intérêt des communes entièrement sauf.

Lorsque l'honorable M. d'Anethan a présenté le projet primitif, projet beaucoup plus complet, plus radical que celui qui résulte des amendements proposés par le nouveau cabinet, eh bien, ce projet qui était cependant très bon à plusieurs égards, a rencontré une répulsion générale de la part des communes. On disait : « Vous allez organiser des dépôts de mendicité à grands frais ; vous allez mettre en pratique, par la main du gouvernement, un système de philanthropie très large, très coûteux ; et vous exigerez des communes d'en supporter la dépense : nous nous y opposons avec énergie. » Et toutes les communes ont fait de l'opposition au projet de l'honorable M. d'Anethan. Si bien qu'en présence de cette opposition unanime, la section centrale n'a pas osé se rallier à ce projet, et qu'elle est venue proposer à la chambre un projet infiniment plus restreint et plus modeste, qui modifiait complètement le projet primitif.

Messieurs, je crois qu'il doit à plus forte raison en être ainsi aujourd'hui que nous n'abordons qu'une réforme partielle, où nous ne faisons qu'une loi provisoire. Nous ne pouvons évidemment introduire une innovation qui menace de jeter la perturbation dans les finances de toutes les communes.

Il y a encore, pour agir ainsi, une considération d'un autre ordre. La loi sur les dépôst de mendicité est surtout très importante pour les communes des Flandres. Ces communes, en effet, ont un grand nombre de mendiants dans les divers dépôts de mendicité. Les frais de séjour de ces mendiants sont déjà pour elles une charge qu'elles peuvent à grande peine supporter. Maintenant si le gouvernement vient, avec un grand luxe de personnel, organiser les dépôts de mendicité, il aggravera encore la position des communes. Il ne fera rien de très bon, et il fera, à coup sûr, quelque chose de très cher.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, l'honorable préopinant est dans l'erreur, quand il pense que le gouvernement introduit un nouveau principe dans la législation. La loi qui a créé les dépôts de mendicité est du 5 juillet 1808, et l'article 6 de cette loi est ainsi conçu : « Chaque dépôt de mendicité sera créé et organisé par une loi. »

C'est donc au gouvernement qu'il appartenait, non seulement de créer, mais encore d'organiser les dépôts de mendicité. Aux termes de la loi du 13 août 1833, le prix de la journée d'entretien à payer par les communes doit être fixé annuellement par le gouvernement pour chaque province, après avoir pris l'avis de la députation permanente. Je ne connais aucune loi qui ait autorisé les députations permanentes des conseils provinciaux à réglementer les dépôts de mendicité. Je dois dire que la chose serait très difficile dans la pratique, puisqu'il y a des dépôts de mendicité qui font le service de deux ou trois provinces. Ainsi le dépôt de Mons fait le service des provinces de Hainaut, de Namur et de Luxembourg. Comment ces dépôts pourraient-ils être soumis à des règlements émanés des députations permanentes, puisqu'il faudrait que les députations de plusieurs provinces s'entendissent pour faire de semblables règlements ?

Vous voyez donc que ces dépôts qui font le service de plusieurs provinces ne sont pas des établissements exclusivement provinciaux. Il s'agit, en quelque sorte, d'un intérêt général ; et dès lors il convient de laisser au gouvernement le droit d'organiser et de réglementer les établissements, droit dont le principe est écrit, d'ailleurs, dans le décret du 5 juillet 1808.

Il y a plusieurs motifs pour maintenir ce droit au gouvernement ; il importe que ces dépôts soient organisés avec uniformité, avec un esprit d'ensemble qui doit caractériser l'administration de ces sortes d'établissements. Or, c'est une chose impossible à réaliser, et ce sera un obstacle permanent à toutes les améliorations que de laisser aux administrations provinciales le soin de réglementer les dépôts situés dans leur province. Le motif qu'on fait valoir pour retirer ce droit au gouvernement, c’est que le gouvernement administrerait avec trop de luxe, aurait un personnel trop nombreux, en un mot qu'il prendrait plaisir à grever les communes de frais beaucoup plus considérables que ceux auxquels elles sont soumises lorsque ces établissements sont sous l'administration directe de la province.

Je pense que ces motifs ne sont ni fondés ni sérieux. L'expérience est là pour démontrer que le gouvernement administre avec plus d'économie que les provinces. Je pourrais vous mettre sous les yeux l'état comparatif des frais d'entretien dans les dépôts et dans les prisons centrales ; vous verriez qu'il y a une économie très importante du côté de l'administration des prisons, économie qu'on n'est pas encore parvenu à atteindre dans les dépôts de mendicité. Je pense donc qu'il serait convenable de maintenir le principe que l'organisation des dépôts appartient au gouvernement.

M. Rodenbach. - Je pense aussi que le gouvernement doit pourvoir réglementer en certains cas ce qui concerne les dépôts de mendicité. Je citerai un fait ; on sait que dans les grandes prisons, par le travail des prisonniers, on obtient des bénéfices. Il devrait en être de même dans (page 963) les dépôts, car le plus souvent leur population se compose d'ouvriers propres à divers métiers. Je ne dis pas qu'on ne rend pas compte des résultats du travail qui se fait dans ces dépôts, mais jamais ces comptes ne parviennent dans les communes. Elles ne savent pas, elles voudraient connaître ce qu'ont pu gagner les ouvriers dont elles ont payé l'entretien dans ces dépôts. Je sais qu'il en est qui sont moins aptes que d'autres au travail, on voudrait savoir ce qu'ils ont pu produire ; mais les communes ont toujours dû payer des frais d'entretien et jamais on ne leur a remis un bénéfice, pas même un compte, c'est une lèpre ; c'est ce qui ruine le plus les communes. Grâce à la faculté donnée aux communes par l'article 2, le vice administratif disparaîtra et nos communes qui, dans les Flandres surtout, sont criblées de dettes pour l'entretien de leurs mendiants dans les dépôts de mendicité, verront diminuer les charges qui les accablent.

M. Orban. - Je n'ajouterai qu'une observation à celles qu'a présentées l'honorable M. d'Elhoungne pour vous démontrer qu'il y a lieu de supprimer l’article 5. Cette suppression est, à mon avis, une conséquence nécessaire de la modification que la section centrale a fait subir au projet primitif. Ce projet, tel qu'il avait été présenté par le précédent cabinet, avait pour but de réorganiser même les dépôts de mendicité, et de remplacer les dépôts existants par des dépôts agricoles. Dans ce nouveau système, les frais d'établissement tombaient exclusivement à charge de l'Etat, et l'on conçoit dès lors que le droit d'organisation et d'administration appartenant maintenant aux députations permanentes était naturellement transféré au gouvernement central.

Mais on a renoncé à cette idée, à cette création nouvelle ; l'on maintient ce qui existe et l'on se borne à instituer deux établissements nouveaux pour les jeunes gens.

Or, messieurs, comme les établissements actuels appartiennent presque tous, si pas tous, aux provinces, il est tout naturel que les administrations provinciales conservent comme par le passé le droit de pourvoir à l'administration de ces dépôts. D'un autre côté, il est plus conforme à l'ordre naturel des attributions que les députations provinciales, qui sont les tutrices des communes, soient appelées à régler une dépense qui doit retomber sur elles, qui les intéresse si essentiellement.

Il me semble donc, avec l'honorable M. d'Elhoungne que l'article 5 peut et doit être supprimé.

M. d’Anethan. - Je pense aussi qu'il n'y aurait pas grand inconvénient à supprimer l'article 5. Je dirai même que cette suppression est conforme au projet primitif ; quand le gouvernement demanda le droit d'organiser lui-même les dépôts de mendicité, il n'avait en vue que les dépôts agricoles, à telles enseignes que l'article 5 du projet primitif portait : « La destination et le mode d'administration des dépôts de mendicité sont provisoirement maintenus. Toutefois, un arrêté royal réglera les conditions d'entrée et de sortie. » Cette dernière condition est remplie par l'article 2 que nous avons voté. Je pense qu'il est à peu près inutile de donner dès à présent au gouvernement le droit de créer, pour les dépôts de mendicité actuels, une nouvelle organisation, car avec les dépôts existants, il serait difficile pour ne pas dire impossible, de rien faire, de rien organiser, pour atteindre le but du projet primitif.

S'il s'agissait d'organiser une première fois les dépôts de mendicité, je serais de l'avis de M. le ministre de la justice : le gouvernement devrait, selon moi, être chargé de ce soin. Je n'hésite pas à dire que je ne puis admettre sur ce point l'opinion de l'honorable M. d'Elhoungne.

Cet honorable membre nous dit : En 1825, le roi Guillaume a donné aux états provinciaux la mission d'organiser les dépôts de mendicité. En 1833, un arrêté signé par M. Lebeau a fait la même injonction aux commissions d'inspection des dépôts, et pourtant rien n'a été fait. J'en conclus, contrairement à l'avis de l'honorable député de Gand, qu'il faut confier à d'autres qu'à ces autorités une organisation qu'ils ont été impuissants à constituer. Je développerais cette thèse s'il s'agissait réellement d'une nouvelle organisation, s'il s'agissait de créer d'autres dépôts sur d'autres bases. Mais en présence des amendements du gouvernement qui ne permettent pas pour le moment la création de dépôts agricoles, il est peut-être préférable de laisser à la loi un caractère provisoire qui annonce l'intention de venir promptement la compléter ; et dès lors, je ne vois pas de motif pour désirer le maintien de l'article 5

M. d’Elhoungne. - J'ajouterai aux observations que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre une remarque pour rectifier ce qui a été dit par l'honorable ministre de la justice. Il est vrai que le décret du 5 juillet 1810 accorde au gouvernement le droit exclusif d'organiser et de réglementer les dépôts de mendicité. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce décret ne met pas à charge des communes les frais d'entretien des reclus.

D'après ce décret, les frais des dépôts de mendicité étaient supportés par le trésor, par la caisse départementale et par les villes ayant le plus de ressources à raison soit de leur octroi, soit de leur revenu. On faisait de tout cela un fonds commun qui devait servir à défrayer les dépôts de mendicité.

Un arrêté du roi des Pays-Bas, du 12 octobre 1819, vint mettre à la charge des communes l'entretien des indigents détenus dans les dépôts de mendicité. Un arrêté du 12 octobre 1825, conséquence naturelle de l'arrêté précédent, décréta que les règlements des dépôts de mendicité seraient proposés par la commission administrative, arrêtés par les états députés, et approuves par le roi.

Nous sommes encore aujourd'hui sous l'empire- de cette législation. De sorte que, en proposant le rejet de l'article 5, loin de demander une dérogation à la législation existante, je demande le maintien du statu quo. Celui-ci consiste, non pas dans les dispositions dit 5 juillet 1810, comme le pense M. le ministre, mais dans les dispositions combinées des arrêtes des 12 octobre 1819 et 12 octobre 1825.

L'honorable M. d'Anethan a dit que, dans les considérations que j'ai présentées, il y avait au fond un argument décisif pour enlever aux députations permanentes l'administration des dépôts de mendicité, car, j'aurais avoué, selon lui, que l'autorité provinciale a été chargée, en 1825 et en 1833, de l'organisation de ces dépôts, et qu'elle ne s'en est pas occupée.

Mais ce n'est pas là le sens de mes observations. J'ai dit que les députations provinciales avaient été chargées, en 1819 et en 1825, d'organiser les dépôts de mendicité, et qu'elles n'avaient pu rien faire de sérieux et de stable, parce que ce qui était fait un jour devait être changé le lendemain, en raison des circonstances. Or, rien n'est plus facile à prouver ; il suffit de se rappeler la destination aujourd'hui si complexe des dépôts de mendicité, il suffit de se rappeler que ces dépôts contiennent à la fois les vagabonds, les mendiants condamnés, des indigents valides, les femmes, les enfants, les infirmes, les vieillards, en un mot toutes les variétés de misères humaines.

Or, il est impossible qu'un dépôt de mendicité conserve une organisation stable, une classification quelconque, une discipline, si toutes les vicissitudes qui peuvent étendre ou limiter tant de misères diverses, doivent réagir sur sa situation et sur son régime, s'il doit se plier ainsi à toutes les alternatives de souffrance et de crise que tant de catégories d'infortunés subissent fréquemment, à tant de changements qu'éprouve le sort des populations malheureuses. Je le répète, l'organisation admise en principe un jour devait être détruite le lendemain par les faits.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, si je cherchais un argument à faire valoir en faveur de la disposition qui laisse au gouvernement le droit de réglementer les dépôts de mendicité, je le trouverais dans l'assentiment général que cette disposition a reçue quant aux nouveaux dépôts à créer. Personne ne conteste que pour ces dépôts le droit de réglementer ne doive appartenir au gouvernement. Cependant ce seront toujours les communes qui supporteront les frais d'entretien des indigents dans ces dépôts.

Pourquoi donc une mesure que l'on reconnaît comme excellente, quand il s'agit de l'appliquer aux nouveaux dépôts qu'il s'agit de créer, ne serait-elle pas également bonne et utile pour les dépôts actuels ?

A la vérité, je sais que dans la pratique cela n'existe pas aujourd'hui. Mais si c'est une amélioration que nous pouvons introduire utilement, s'il peut en résulter dans l'administration des dépôts de mendicité plus d'ordre, plus d'uniformité, plus de discipline, si surtout il ne doit pas en résulter plus de dépenses et je crois qu'on peut être parfaitement rassuré par l'exemple des autres établissements publics qui sont sous l'administration du gouvernement, je crois que le même motif existe pour étendre la main du gouvernement sur les dépôts actuels. Je suis convaincu que la réforme que l'on cherche à y introduire sera tout à fait incomplète et ne produira que des effets très imparfaits, si vous ne donnez pas au gouvernement le droit d'administrer ces dépôts par des règlements uniformes, règlements qui seront d'ailleurs arrêtés de commun accord avec les députations provinciales qui seront toujours consultées en premier lieu.

- L'article 5 est mis aux voix et rejeté.

Article 6

« Art. 6. Les dépôts de mendicité actuels seront exclusivement affectés aux indigents, mendiants et vagabonds adultes.

« Il sera créé par le gouvernement des établissements spéciaux, sous le titre de dépôts agricoles, pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds des deux sexes, âgés de moins de 18 ans.

« Ces établissements seront organisés de manière à employer, autant que possible, les jeunes gens, et particulièrement les garçons, aux travaux de l'agriculture et à les former aux professions susceptibles d’être exercées avec profil dans les campagnes.

« Les jeunes gens des deux sexes seront, en tous cas, placés dans des établissements distincts et séparés.»

M. Orban. - Messieurs, l'article 6 commence par décider d'une manière absolue qu'il sera créé par le gouvernement des établissements spéciaux, sous le titre de dépôts agricoles pour les jeunes indigents des deux sexes, et la disposition finale de ce même article décrète d'une manière non moins absolue que les jeunes gens des deux sexes seront, dans tous les cas, placés dans des établissements distincts et séparés.

Il résulte évidemment, me semble-t-il, de la combinaison de ces deux dispositions qu'il y aura des établissements agricoles spéciaux, uniquement consacrés aux jeunes filles.

Messieurs, je ne sais si telle a été l'intention du gouvernement ; mais, quant à moi, je ne concevrais pas d'établissements agricoles ainsi organisés. Il est évident que si les jeunes filles peuvent être employées à des travaux agricoles, c'est à des travaux tout à fait secondaires, et que les principaux ne peuvent être faits que par des hommes.

D'un autre côté, si par impossible on pouvait concevoir un établissement agricole de cette espèce, je ne comprendrais pas encore l’utilité de la création, car les occupations que pourraient y rencontrer les jeunes filles n'exigent aucun apprentissage, ne constituent pas une profession. Pour les jeunes garçons, les travaux agricoles peuvent exiger une certaine expérience et, par suite, constituer des professions utiles ; par exemple, celle de garçon de labour, de charron, de constructeur d'instruments de jardinier, qui se rattachent essentiellement a une institution agricole. Mais il n'en est pas de même des jeunes filles qui ne peuvent y être employées qu'à des travaux tout à fait secondaires, tels que la fenaison, l'essarclage, le soin des prairies, occupations tout à fait (page 964) matérielles qui ne demandent aucune expérience, de même qu'elles ne peuvent constituer un moyen d'existence.

Je dois donc croire que telle n’a pas été l’intention du gouvernement. En effet, la disposition de l’article 6 est empruntée à la section centrale, et je lis dans le rapport de cette section, que les établissements agricoles destinés aux jeunes gens de 18 ans doivent être consacrés exclusivement aux garçons. La section centrale a même eu à s'occuper delà question de savoir si l'on ne pourrait pas y faire travailler simultanément des jeunes gens des deux sexes, en maintenant toutefois la séparation, et cette question a été résolue négativement.

Je suppose donc que le gouvernement n'a pas eu l'intention de créer des établissements agricoles pour les jeunes filles. Mais s'il en est ainsi, il y aurait lieu de modifiera le deuxième paragraphe de l'article 6, et il me semble qu'on pourrait le faire dans les termes suivants : « Il sera créé, par le gouvernement, des établissements spéciaux pour les jeunes indigents, mendiants et vagabonds des deux sexes, âgés de moins de 18ans, » en supprimant les mots : « exclusivement agricoles ».

Le paragraphe suivant qui déclare que les établissements qui concernent les jeunes garçons seront consacrés aux travaux de l'agriculture suffirait pour déterminer le véritable but de la loi.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'avais déjà indiqué sur le projet que je tiens à la main, que ces mots : « sous le titre de dépôts agricoles », devaient disparaître, parce que, en effet, les dépôts pour les jeunes filles ne peuvent être des dépôts agricoles proprement dits. Mais ils seront toujours des établissements mixtes, c’est-à-dire que les occupations auxquelles les jeunes filles seront appliquées seront aussi, en quelque sorte, agricoles, en ce sens qu'elles seront dirigées, autant que possibles, vers l'exercice de toutes les professions qui peuvent leur être les plus utiles à la campagne. Mais il est évident qu'elles devront aussi apprendre d'autres métiers, et que les dépôts qui leur seront destinés n'auront ainsi qu'accessoirement un caractère agricole.

En conséquence, me ralliant à la proposition de l'honorable M. Orban, Je propose la suppression des mots : « sous le titre de dépôts agricoles ».

M. d’Anethan. - Messieurs, le deuxième paragraphe porte : « Ces établissements seront organisés de manière à employer, autant que possible, les jeunes gens et particulièrement les garçons aux travaux de l'agriculture, etc. » Il faudrait, d'après les observations qui ont été faites, supprimer les mois : « les jeunes gens et particulièrement, » et dire : « de manière à employer, autant que possible, les garçons, etc. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je ne vois aucun inconvénient à cette suppression ; cela n'empêchera pas que le dépôt de jeunes filles ne puisse être organisé également dans le sens de l'article, si la chose est praticable.

M. d’Elhoungne. - Je regrette, messieurs, que le gouvernement, en proposant la création de deux nouveaux dépôts de mendicité, se soit arrêté à un établissement spécial et agricole pour les jeunes filles.

Il n'a pas échappé à la chambre que les mesures proposées par le gouvernement n'auront aucunement pour effet de réformer définitivement les dépôts actuels.

Le défaut de classement, vice fondamental de ces dépôts, continuera à subsister ; les hommes, les femmes, les infirmes, les vieillards, continueront à y être confondus. On se bornera à en distraire les jeunes gens des deux sexes. Par là, je dois le dire, on ne fera pas ce qui est le plus important et le plus pressé.

Pourquoi, en effet, créer un établissement nouveau pour les filles puisqu'il y a un ancien dépôt, celui de Hoogstraeten, qui pouvait très bien être approprié à cette destination ? Ce n'est pas là qu'il fallait porter la réforme.

Mais où il fallait la porter immédiatement et avant tout, c'est sur la réclusion des mendiants valides qui forment la population la plus compromettante des dépôts. En distrayant des dépôts les mendiants valides, on aurait fait un grand pas, on aurait opéré une sorte de classement de fait qui pouvait momentanément suffire, en attendant qu'une situation financière plus favorable nous permît d'effectuer une réforme complète Mais isoler seulement les jeunes filles et les jeunes garçons, ce n'est absolument rien faire de décisif pour la réforme des dépôts actuels.

Je dis, messieurs, qu'il faudrait surtout isoler les mendiants valides. Ce sont, en effet, ceux-là qui entrent aujourd'hui en grand nombre et fréquemment dans les dépôts, à cause de la proximité des grandes villes, tandis que c'est à leur égard qu'il faudrait être le plus sévère, parce qu'ils font le plus de mal à la moralité des établissements.

Je regrette donc, messieurs, que le gouvernement se soit décidé à proposer seulement la création d'établissements nouveaux pour les jeunes gens des deux sexes ; je le regrette d'autant plus que ces établissements coûteront beaucoup : un crédit de 600,000 fr. nous est demandé pour cet objet.

Il est, en outre, fort problématique que ces dépôts parviennent à se peupler. Le projet ne fixe pas de maximum pour la journée d'entretien. Or quelle sera la commune qui voudra envoyer ses enfants indigents dans un établissement créé à grands frais par le gouvernement et où la journée d'entretien pourra être fort élevée.

Savez-vous, messieurs, comment on pourvoit dans beaucoup de communes des Flandres à l'entretien des enfants pauvres, des enfants abandonnés ? On les fait venir le jour de l'an sur la place publique ; on les y expose, on les y étale, et on en fait l'objet d'une espèce d'adjudication publique : celui qui se charge au meilleur marché de les nourrir et de les entretenir, est déclaré adjudicataire pour une année ! Voilà comment les communes qui ont adopté cette espèce de traite des blancs réduisent à sa plus simple expression la dépense de l'entretien de leurs enfants pauvres. Eh bien, croyez-vous que ces communes consentent à payer un prix probablement très élevé de la journée d'entretien dans un dépôt de mendicité ? Evidemment non. Vous n'avez donc rien fait d'efficace, à moins que le gouvernement ne fasse un pas de plus, et qu'il ne fixe dans la loi un maximum de la journée d'entretien. Dans la position surtout où se trouvent la plupart des communes, elles feront nécessairement de ceci une question d'argent.

Je dis donc, d'abord, que l'on a tort de commencer la réforme en ne faisant que des dépôts spéciaux pour les jeunes gens des deux sexes, au lieu de faire un dépôt spécial pour les mendiants valides, dont la nécessité est beaucoup mieux comprise. J'ajoute que l'on a tort de consacrer à cela une somme de 600,000 fr., lorsqu'on est à peu près certain que ces fonds seront dépensés sans grands résultats, parce que les communes ne voudront pas envoyer leurs enfants pauvres dans les dépôts dont il s'agit.

Je ferai remarquer que la section centrale qui a examiné le projet de M. d'Anethan, et qui a proposé un dépôt spécial pour garçons, a compris toute la portée de l'observation que j'ai présentée et a introduit dans le projet un maximum de la journée d'entretien. Elle a été convaincue que, dans la situation où se trouvent les communes des Flandres, il leur serait impossible d'envoyer leurs enfants indigents à ce dépôt, parce qu'elles ne consentiraient jamais à payer un prix élevé pour l'entretien d'enfants, alors qu'elles ne peuvent pas même le faire pour les adultes dans toute la force de l'âge.

M. Orban. - L'honorable M. d'Elhoungne a exprimé le regret de ce que le gouvernement propose la création d'un établissement spécial pour jeunes filles. Je crois que l'honorable membre peut être rassuré à cet égard ; l’article 9, qui alloue une somme de 600,000 fr., ne permettra pas de créer deux dépôts.

En effet, messieurs, la section centrale porte à 500,000 fr., d'après des calculs positifs, la dépense nécessaire pour le seul dépôt de garçons ; or, en ajoutant cent mille francs à cette somme, je suppose que le gouvernement a eu l'intention de pourvoir plus largement à cette dépense et non de se mettre en mesure de créer un second établissement destiné aux jeunes filles.

L/honorable M. d'Elhoungne regrette même qu'on veuille établir des dépôts agricoles pour jeunes gens, au lieu de consacrer une pareille création aux mendiants adultes et valides. Il eût été, me semble-t-il, facile de satisfaire en cela au désir exprimé par l'honorable membre, tout en remplissant le but que s'est proposé la section centrale. Dans quel but la section centrale, dont le gouvernement n'a fait qu'emprunter les vues, a-t-elle proposé la création d'un dépôt pour jeunes garçons ? C'est seulement, messieurs, à l'effet de pouvoir faire l'essai d'un système qui peut être étendu, plus tard, à tous les établissements de mendicité. Eh bien, cet essai, le gouvernement peut le réaliser sans faire aucune dépense : il n'a qu'à l'appliquer au pénitentiaire de jeunes garçons, établi à Saint-Hubert.

Le gouvernement, en plaçant à Saint-Hubert le pénitentiaire des jeunes détenus, avait l'intention de les appliquer aux travaux agricoles. Sous tous les rapports, cette idée était d'une exécution facile ; mais la commune, qui avait promis de céder les terrains nécessaires, n'a pas tenu son engagement, et le gouvernement a été longtemps dans l'impossibilité de donner suite à son projet primitif.

Mais la situation du gouvernement est complètement changée, depuis le vote de la loi sur le défrichement, loi qui l'autorise à exproprier les communes qui ne veulent pas vendre ou laisser partager leurs terrains incultes. Avant cette loi, le gouvernement devait, je le reconnais, rester dans une inaction forcée. Mais aujourd'hui il est armé du moyen de triompher du mauvais vouloir des communes ; et il peut, sans beaucoup de dépense, créer à Saint-Hubert un magnifique établissement agricole. Il existe à proximité du pénitentiaire des terrains vagues très étendus qu'on pourrait acquérir à peu de frais.

Comme, d'un autre côté, les bâtiments existants sont très vastes, qu'ils ont été approprier à cette destination et qu'ils n'exigeraient aucune construction nouvelle, il y aurait là tous les éléments pour réaliser sans frais l'expérience que l'on veut entreprendre et pour la réaliser avec une grande utilité, car la population actuelle du pénitentiaire est dès maintenant plus considérables que ne le sera de longtemps celle de l'établissement que l’on se propose de fonder.

M. d’Anethan. - Messieurs, je partage à certains égards l’avis de l'honorable M. d'Elhoungne. Je pense avec lui qu'il aurait été préférable de créer d'abord un dépôt agricole pour les adultes ; je crois avec lui que cette mesure eût été efficace, et aurait produit d'excellents résultats et qu'au point de vue de la morale et de l'utilité, c'eût été le meilleur moyen de faire cesser la confusion qui règne dans les dépôts entre les adultes et les jeunes gens.

Mais s'il eût été peut-être préférable de commencer par cette réforme, il n'est pas moins essentiel d'opérer la séparation dans le plus bref délai et de soustraire les jeunes gens au contact dangereux qu'a signalé l’honorable M. d'Elhoungne, contact que les jeunes gens ne peuvent éviter maintenant, la plupart des travaux se faisant en commun ; nous sommes tous d'accord qu'il faut faire cesser le plus tôt possible ce contact.

Aussi, puisque dans l'état actuel de nos finances, il n'est guère possible d'organiser un dépôt agricole pour les mendiants valides, je félicite le gouvernement de s'être au moins rallié au système de la section (page 963) centrale et d'avoir tenté l'essai que celle-ci a conseillé ; il produira, j'en suis certain, des résultats avantageux.

Je désire que cette disposition obtienne l'assentiment de la chambre, tout en regrettant qu'on ne puisse introduire dès maintenant les améliorations appuyées par l'honorable M. d'Elhoungne, et que j'avais proposées.

Cet honorable membre craint que les communes n'envoient pas les jeunes gens dans les dépôts agricoles, attendu qu'en général l'entretien de ces enfants est mis au rabais, et qu'ils sont confiés aux individus qui veulent les soigner aux moindres frais possible.

Il suffirait déjà de cet état de choses pour justifier complètement la réforme proposée. Quant aux craintes manifestées par l'honorable membre, je ne les crois pas fondées, elles trouvent leur réfutation dans les articles déjà votés. Je reconnais avec l'honorable M. d'Elhoungne que si les communes restaient maîtresses d'envoyer ou de ne pas envoyer leurs mendiants dans les dépôts de mendicité, quelques-unes d'entre elle pourraient continuer à pratiquer ce qu'elles font aujourd'hui, au grand détriment des jeunes indigents ; mais l'honorable membre n'a pas fait attention que, d'après les articles déjà votés, lorsque les communes refuseront, sans motifs fondés, d'envoyer leurs indigents dans les dépôts agricoles, la députation permanente, le gouvernement et les commissaires d'arrondissement ont le droit de les y envoyer ; les conséquences du refus que redoute l'honorable M. d'Elhoungne, de la part des communes, ne se réaliseraient donc pas.

Au reste, je suis convaincu que l'entretien sera moins coûteux dans les dépôts agricoles à créer que dans les dépôts de mendicité existants ; il suffirait, pour partager cette conviction de voir ce qui se passer à l'étranger, dans les dépôts agricoles.

Les rapports sur les colonies agricoles étrangères, rapports qui sont annexés au rapport de la section centrale, nous font voir, d'après les résultats obtenus dans ces établissements, que dans les dépôts agricoles à créer en Belgique, l'entretien pourrait être beaucoup moins coûteux qu'il ne l’est aujourd'hui dans les dépôts de mendicité.

Il existe déjà dans la Flandre occidentale des établissements agricoles pour les vieillards, où le prix de la journée d'entretien n'est que la moitié de ce qu'une journée coûte dans les dépôts de mendicité. Comment n'arriverait-on pas au même résultat avec des jeunes gens qui pourront travailler d'une manière beaucoup plus énergique, que ne le peuvent des hommes arrivés au déclin de la vie ?

L'honorable M. d'Elhoungne, anticipant sur la discussion de l'article 8 a parlé du taux de la journée d'entretien, et l'honorable membre aurait désiré qu'on fixât un maximum.

Je pense qu'il serait dangereux, peut-être même impossible, de fixer dès à présent un maximum dans la loi, car si l'établissement, par des circonstances quelconques, ne pouvait pas pourvoir à tous ses besoins, à l'aide de la journée d'entretien, telle qu'elle serait fixée par le maximum, je demande qui supporterait la différence.

Il faudrait, pour ce cas, établir dans la loi l'obligation nouvelle, soit pour la province, soit pour l'Etat, de subvenir à ce que le prix de la journée d'entretien aurait laissé de déficit. D'après la loi de 1833, la journée d'entretien est fixée annuellement d'après les besoins présumés de l'établissement ; si la commune n'est pas en état de payer le prix fixé, la province y pourvoit au moyen d'un subside, mais dans la limite de la journée d'entretien antérieurement fixée. Si un maximum était fixé irrévocablement, il faudrait donc qu'en même temps l'on déclarât que la province ou l'Etat viendrait en aide à l'établissement pour pouvoir continuer à subsister.

L'honorable M. Orban pense qu'on aurait pu se dispenser de créer un dépôt pour les jeunes gens, à cause de l'existence du pénitencier de Saint-Hubert, qui serait appelé à rendre les mêmes services. Cet établissement est destiné à une autre catégorie de reclus, aux individus condamnés pour crime ou délit ; comment serait-il possible de vouloir confondre dans l'établissement de Saint-Hubert les individus simplement malheureux avec des individus coupables ?

Si l'on repousse cette confusion, comment vouloir que l'établissement de Saint-Hubert, destiné aux individus condamnés, leur offre un séjour plus avantageux et plus agréable que n'offriraient aux simples indigents nos dépôts de mendicité ? Ce serait faire le contraire de ce que la justice réclame.

Mon honorable ami, M. Orban, voudrait-il peut-être que le pénitencier de Saint-Hubert devint agricole, uniquement pour faire un essai, d'après lequel, s'il était heureux, on constituerait plus tard des établissements de même nature pour les mendiants ?

Mais, messieurs, il existe des établissements assez nombreux pour n'avoir pas besoin d'expérience ultérieure. Dans les pays étrangers, l'essai a été fait, il a très bien réussi, je ne pense donc pas qu'il faille attendre pour réaliser les vœux depuis longtemps exprimés. Je ne pense pas qu'il faille attendre un nouvel essai à St-Hubert, qui, peut-être, ne réussirait pas à cause de l'ingratitude et de la stérilité du terrain. Il est, en effet, reconnu que pour établir avec succès un dépôt agricole, il est important de ne pas prendre des terres de trop mauvaise qualité ; il faut, au contraire, que les jeunes gens qui s'occupent de culture prennent goût à ce travail en le voyant fructifier ; si on choisissait des terres stériles ou du moins difficilement susceptibles de culture, il serait à craindre que l'essai ne réussit pas, et il serait déplorable d'abandonner une création qui pourrait avoir de si bons résultats, uniquement parce qu'on aurait choisi de mauvais terrains pour faire un essai.

Je pense que l'idée de mon honorable ami M. Orban, ne peut pas être adoptée. J'espère vivement que la proposition du gouvernement sera admise sans recourir inutilement à des frais nouveaux.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Les observations que vient de faire l'honorable préopinant me permettront d'être assez court dans celles que je veux vous présenter. Le gouvernement a le même désir que l’honorable M. d'Elhoungne ; il voudrait la création immédiate d'un établissement pour les adultes ; le gouvernement espère que dans peu il sera à même de pouvoir réaliser ce projet qu'il n'a nullement abandonné. Mais, pour le moment, il croit, d'accord avec la section centrale, qu'il faut procéder par un premier essai, sauf à entrer plus tard plus avant dans cette voie.

Différentes considérations justifient cette résolution du gouvernement ; à l'époque où le projet a été présenté à la chambre, on était en négociation avec la société des colonies agricoles de Merxplas et Wortel pour faire l'acquisition des bâtiments et des terrains de cette société. Aujourd'hui cette acquisition n'est plus possible ; le prince Frédéric des Pays-Bas ayant acquis cette propriété, on ne peut plus y songer pour y établir le dépôt d'adultes dont il a été question à cette époque.

Il faut donc chercher de nouveaux terrains et faire des constructions spéciales ; mais, messieurs, il en résulterait des dépenses très considérables ; nous n'avons pas pensé que le moment fût opportun pour venir demander les fonds nécessaires pour l'érection de semblables établissements ; il y a plus, tout annonce qu'un seul dépôt d'adultes ne serait pas suffisant eu égard au nombre considérable d'indigents de cette catégorie qui existe dans nos dépôts de mendicité. Or s'il fallait créer deux dépôts pour les mendiants et indigents de cette catégorie qui sont dans les cinq dépôts du royaume, il en résulterait une dépense énorme qu'il est impossible de proposer en ce moment.

Il y a aussi des motifs administratifs pour l'ajournement momentané de la construction de ces établissements ; il serait impossible d'ailleurs, quand même la chambre mettrait les ressources nécessaires à la disposition du gouvernement, de fonder tout cela à la fois ; il faut procéder avec lenteur, il faut créer un personnel ; il y a des mesures administratives qui ne peuvent pas être improvisées et qui doivent être prises successivement.

Quand nous aurons fait un ou deux dépôts, l'expérience nous aura instruits, et nous pourrons poursuivre avec plus d'assurance la réforme que nous avons tous le désir d'introduire dans nos dépôts de mendicité. Pour le moment, je crois qu'il faut se borner à une seule catégorie d'indigents ; l'honorable M. d'Elhoungne est d'accord avec nous pour l'établissement d'un dépôt de jeunes garçons. Quant au dépôt de jeunes filles, l'honorable membre ne le croit pas nécessaire. Pour moi, je pense que la mesure serait incomplète si on ne l'essayait que sur les jeunes garçons ; il y a, dans nos dépôts actuels, quatre ou cinq cents jeunes filles de moins de 18 ans, confondues avec les adultes et les infirmes, sans qu'il soit possible d'établir aucune espèce de séparation à cause de l'insuffisance des locaux et de l'encombrement des établissements.

C'est une chose essentielle pour les jeunes filles comme pour les garçons que de les soustraire au contact des adultes, car c'est ce contact qui les rend plus vicieux, plus immoraux qu'ils ne sont à leur entrée.

C'est sur cette classe qu'il faut commencer par agir pour opérer la réforme ; cela est plus important encore que vis-à-vis des adultes, car ces jeunes gens qui sortent des dépôts de mendicité se jettent souvent dans la carrière du crime, et on les voit bientôt passer devant les tribunaux correctionnels ou les cours d'assises pour aller ensuite peupler nos prisons.

L'honorable M. d'Elhoungne voudrait que l'on fixât un maximum du prix de la journée d'entretien dans les dépôts qu'il s'agit de créer. Ce serait, comme l'a fait observer l'honorable préopinant, un précédent très dangereux ; car il en résulterait que si la journée d'entretien dépassait, ce maximum, l'Etat supporterait la différence. Ce qui serait déroger au principe fondamental de notre législation, qui veut que ce soient les communes du domicile de secours qui soient chargées de pourvoir à l'entretien des indigents.

S'il s'agissait de fixer le maximum au taux proposé par la section centrale qui est, je crois, de 38 c., il n'y aurait pas d'inconvénient ; car il est presque impossible qu'il s'élève au-delà.

Mais l'honorable M. d'Elhoungne, dans un comité dont il fait partie, et qui a été consulté sur cette question, avait proposé de fixer le maximum de la journée d'entretien à 25 c. Je pense que l'on descendra au-dessous de ce taux.

Il y a des dépôts agricoles, dans les pays voisins, où la journée d'entretien ne coûte que de 13 à 14 c. Il est probable cependant que le premier essai ne sera pas aussi avantageux, que les dépenses seront d'abord plus élevées. Il ne serait pas juste que l'Etat supportât la différence qui pourrait exister. Le but de l'honorable M. d'Elhoungne, c'est d'attirer les jeunes gens dans ces dépôts, d'engager les administrations communales à y envoyer les indigents.

L'honorable M. d'Elhoungne se fait à cet égard illusion. La population actuelle de nos dépôts de mendicité est plus que suffisante pour peupler les deux dépôts qu'il s'agit de créer. Si l'on abaissait la journée d'entretien à un taux trop peu élevé, si l'on poussait ainsi les communes à y envoyer leurs jeunes indigents, ce ne serait pas un seul dépôt qu'il faudrait créer, mais trois ou quatre, et peut-être davantage. Je ne pense pas qu'il soit dans les intentions de la chambre, pas plus (page 966) que dans celles du gouvernement, d'entrer dans cette nouvelle voie. Je pense qu'il faut maintenir ce principe que c'est aux communes seules qu'incombe la charge de l'entretien des indigents dans les dépôts de mendicité, sauf les subsides qu'elles peuvent demander à la province, quand leurs ressources sont insuffisantes.

M. Dedecker. - La difficulté que je remarque dans l'appréciation des projets de réforme que le gouvernement propose provient, selon moi, de ce qu'on ne se rend pas un compte exact de ce que c'est qu'un dépôt de mendicité. Quelles catégories d'individus contiennent ces dépôts ? L'honorable M. d'Elhoungne l'a dit, des vieillards, des infirmes, des adultes des deux sexes et des enfants des deux sexes.

Ce pêle-mêle est évidemment, aux yeux de tous, le vice radical des dépôts de mendicité. Je voudrais donc que, pour entrer dans un système rationnel, ou pût opérer un classement parfait des diverses catégories de mendiants.

Je voudrais d'abord que, pour les vieillards et les infirmes, on encourageât par des subsides la création d'établissements tels que ceux dont a parlé M. d'Anethan, et tels qu'il s'en trouve aujourd'hui dans la plupart des grandes communes des Flandres. Ce sont des hospices où les vieillards et les valétudinaires sont employés, dans la mesure des forces qui leur restent, à de petites exploitations agricoles, et où on les entretient par conséquent à très peu de frais.

Viennent ensuite les jeunes mendiants.

Je ne puis, en aucune façon, partager la manière de voir de l'honorable M. d'Elhoungne, relativement à l'établissement de maisons de réforme pour les enfants.

L'honorable M. d'Elhoungne croit qu'il ne fallait pas commencer par créer des dépôts spéciaux pour les enfants, et que ces dépôts seront parfaitement inutiles.

Je suis, je l'avoue, d'une opinion tout autre. Je crois que c'est par là qu'il fallait commencer la réforme des dépôts de mendicité. On ne peut continuer plus longtemps de confondre les enfants avec les adultes et les vieillards. C'est le principal inconvénient, le plus grand vice que le gouvernement devait, avant tout autre, s'attacher à faire disparaître. Ensuite, je crois que c'est précisément la réforme relative aux jeunes mendiants qui sera le plus immédiatement et le plus directement efficace. Car, comme je le disais il y a deux jours, pour les mendiants valides, pour ces mendiants invétérés et incorrigibles, il y a bien peu de chose, il n'y a rien à faire ; toutes les législations, toutes les administrations ont toujours été impuissantes contre eux ; sur les jeunes mendiants, au contraire, on peut exercer encore une certaine action ; là il y a encore de mauvais penchants à réformer, de bonnes habitudes à créer, une éducation morale, une instruction professionnelle à donner.

La critique faite, par l'honorable membre, des établissements en faveur des jeunes mendiants me surprend d'autant plus, qu'il vient de flétrir si énergiquement ce trafic odieux par lequel on adjuge parfois les enfants, cette espèce de traite de blancs.

L'honorable M. d'Elhoungne se révolte, et avec raison, à l'idée de cette barbare coutume ; de l'autre côté, il combat l'institution de dépôts spéciaux pour les enfants indigents. Veut-il continuer à les laisser dans nos dépôts actuels, en contact avec tous les vices ? Je ne puis le supposer un seul instant. Que veut-il donc ? Que veut-il que les communes en fassent ?

Il faut donc des institutions spéciales pour l'enfance indigente. Il importe de les organiser sur un pied économique, sans doute ; je demande, avec la section centrale, que l'on fixe au taux le plus bas possible le maximum pour la journée d'entretien de ces enfants. Il n'y a à cet égard qu'une voix, parce qu'il faut, avant tout, que ces dépôts aient un caractère d'utilité positive ; il faut que les administrations communales aient intérêt à placer dans les établissements nouveaux ces enfants qui sont aujourd'hui abandonnés à toutes les incuries d'une odieuse spéculation.

Reste la nombreuse catégorie des mendiants, celle des adultes. C'est cette catégorie qui forme la masse de la population des dépôts. L'honorable M. d'Elhoungne les prend en masse, et propose pour eux la création, dans l'avenir, d'un nouveau dépôt. Je crois, quant à moi, qu'il y a une distinction essentielle à faire entre ces indigents adultes entassés dans les dépôts actuels de mendicité.

Vous ne pouvez confondre des mendiants invétérés, des hommes abrutis, condamnés comme vagabonds, avec des indigents honnêtes, qui n'ont eu que le malheur de manquer momentanément de travail et de devoir demander du pain. Je ne puis consentir, pour ma part, à ce que l'on continue de confondre, dans les dépôts de mendicité, ces malheureux avec des hommes flétris par la justice.

Qu'y a-t-il donc là à faire ?

Je voudrais que les dépôts de mendicité actuels fussent affectés exclusivement, comme établissements de répression, aux mendiants adultes, condamnés comme vagabonds, et aux mendiants d'habitude, qui refusent obstinément le travail qu'on leur offre dans leur localité. Je voudrais donc voir exclure des dépôts de mendicité ceux qui, momentanément sans ouvrage, sont forcés aujourd'hui de s'y présenter volontairement.

Pour ces derniers, je voudrais que l'on créât dans les campagnes, aux frais des communes, des exploitations agricoles dans le genre des ateliers de charité existant dans les villes. L'honorable M. d'Elhoungne a si bien aperçu la lacune qui existe aujourd'hui, que lui-même propose la création d'un dépôt pour les adultes valides.

Au lieu de l'établissement que propose l'honorable M. d'Elhoungne, et que M. le ministre de la justice déclare évidemment insuffisant, j'aimerais bien mieux que l'on organisât, dans les campagnes, quelques établissements dont je viens de parler. Dans ces maisons de travail agricole, où travailleraient librement et volontairement les indigents momentanément sans ouvrage, l'entretien ne coûterait presque rien ; tandis que les deux dépôts pour les adultes que M. le ministre se propose de créer coûteront immensément cher. Car ce qui fait la dépense de ces établissements, c'est la réclusion : il faut pour cela de grands bâtiments, un personnel nombreux ; tandis qu'avec une exploitation agricole où le travail est libre et volontaire, vous n'avez aucune de ces grandes dépenses.

Sans cette classification des indigents entassés pêle-mêle dans nos dépôts de mendicité, sans la création d’établissements spéciaux pour chacune de ces catégories, la réforme de ces dépôts sera bien incomplète et ses résultats seront bien équivoques.

M. d’Elhoungne. - Je suis presque confus de faire si souvent appel à l'attention de la chambre. Mais elle doit comprendre que l'objet en discussion est d'une importance vraiment vitale. La question qui nous est soumise est celle de la mendicité ; il s'agit de savoir si nous sommes décidés, chambre et gouvernement, à déclarer une guerre énergique à cette lèpre de la mendicité qui s'étend de plus en plus et devient une véritable calamité pour tout le pays.

Je demanderai donc la permission d'expliquer mieux ma pensée, que la plupart des honorables préopinants ne paraissent pas avoir nettement saisie.

Les dépôts actuels de mendicité ne fonctionnent pas bien, n'atteignent pas leur but. On a constaté, et je pense qu'on eu généralement d'accord pour reconnaître qu'ils ont trois vices principaux.

Le premier résulte de la faculté qu'avaient les mendiants et les indigents d'entrer au dépôt et d'en sortir à volonté. C'est là le vice capital du système, celui qui empêchait d'introduire dans les dépôts toute discipline, toute organisation régulière et faisait de la population de ces dépôts une espèce de masse flottante sur laquelle on ne pouvait faire aucun compte assuré. Le projet, par les articles premier et suivants, met un terme à cet état de choses.

Le second inconvénient résulte du défaut de classement.

Il y en a un troisième : l'absence, dans les dépôts de mendicité actuels, du travail qui convient le mieux à ces sortes d'établissements, du travail agricole ; travail qui est partout demandé, qui convient à tous et qui ne fait pas à l'industrie normale, à l'industrie individuelle et libre, une concurrence irrégulière et dangereuse.

Pour le classement, il y avait deux moyens d'y parvenir ; moyens indirects, il est vrai, mais efficaces, en soustrayant plusieurs des catégories de détenus qui sont aujourd'hui réunis dans les dépôts.

On pouvait, en effet, obtenir une sorte de classement en soustrayant des dépôts les jeunes garçons et les hommes adultes, pour les mettre dans les dépôts agricoles. C'est le système que je crois le meilleur.

On peut arriver à un deuxième classement ; c’est celui qui est adopté par M. le ministre de la justice, et qui consiste à soustraire des dépôts actuels les jeunes gens des deux sexes. Mais je trouve ce second moyen moins complet, moins décisif que l'autre. A la rigueur je m'y rallierai ; mais j'eusse préféré voir soustraire des dépôts actuels exclusivement les adultes et les jeunes gens du sexe masculin.

M. Dedecker. - Il n'y resterait plus rien.

M. d’Elhoungne. - En soustrayant des dépôts actuels de mendicité les mendiants adultes et les jeunes garçons, il resterait précisément les vieillards, les infirmes qui y sont encore, les femmes et les filles, je pense que cela suffirait amplement à les peupler.

Je voyais un grand avantage à opérer le classement en enlevant aux dépôts actuels les mendiants adultes et les jeunes gens, parce que ce sont précisément les deux catégories qu'il faut appliquer au travail agricole. Les jeunes gens, c'est au travail agricole qu'il faut les former ; les mendiants adultes, c'est aux travaux de l'agriculture, et aux travaux les plus durs qu'il faut encore les appliquer.

Pour les jeunes filles et les femmes, ainsi que l'honorable M. Orban l'a fait remarquer, le travail agricole n'est qu'accessoire. Il y a donc utilité à les exercer à des travaux autres que les travaux agricoles, parce qu'elles ne peuvent remplir, dans ceux-ci, qu'un rôle tout à fait subalterne.

Le gouvernement, par des considérations que la chambre appréciera, a préféré demander d'opérer le classement en soustrayant seulement des dépôts actuels les jeunes garçons et les jeunes filles.

Eh bien ! Je suis d'accord avec le gouvernement, avec l'honorable préopinant et avec la section centrale elle-même, que, pour les jeunes gens du sexe masculin, c'est une mesure utile, une mesure qui aura d'excellents effets, si tant est qu'on lui fasse prendre un certain développement. Mais quant aux jeunes filles, je persiste à contester que la création d'un pareil établissement soit nécessaire et urgente. Et, si je considère la pensée même du gouvernement, il semble peu logique de faire cet essai pour les jeunes filles. Voici pourquoi.

Le gouvernement, M. le ministre l'a dit, ne renonce pas à créer un dépôt agricole pour les hommes adultes. Cela étant, est-ce qu'il ne restera pas un des dépôts existants dans lequel on pourra former un établissement pour les jeunes filles ? et d'autant plus qu'il y en a un prêt à (page 967) recevoir cette destination, le dépôt d'Hoogstraeten, où les femmes et les filles sont exercées au travail agricole.

J'ai dit ensuite qu'en créant un dépôt pour les jeunes garçons, on prenait une bonne mesure, mais que je craignais de voir cette mesure produire peu de fruits pour les communes pauvres, et notamment pour les communes des Flandres. Je persiste à croire, malgré les observations de l'honorable M. d'Anethan, que cette opinion est fondée. L'observation des faits la justifie.

On dit : Lorsque les communes montreront du mauvais vouloir, les députations permanentes seront là pour les forcer à mettre leurs jeunes indigents au dépôt agricole. Mais l'honorable M. d'Anethan perd de vue que lorsqu'une députation permanente ordonne de faire entrer au dépôt un jeune indigent, la commune a le droit de l'en faire sortir en s'obligeant à lui donner des secours. Or, la commune aura toujours plus d'économie à élever les enfants indigents chez elle, à continuer à les mettre en adjudication publique, puisque cette barbare coutume s'introduit chez nous, qu'à les faire entrer au dépôt de mendicité ou dans une école de réforme.

C'est pour ce motif que j'aurais voulu voir proposer par le gouvernement l'adoption d'un maximum pour le prix de la journée d'entretien. La fixation d'un maximum était une chose excellente en soi, parce que, non seulement c'était un attrait pour les communes, mais parce que c'était en même temps un frein pour l'administration que l'on forçait ainsi à organiser cet établissement avec économie. En fixant un maximum, d'une part on assurait des pensionnaires à l'établissement, et d'autre part on sauvegardait les communes contre les tendances qu'a toute administration d'organiser d'une manière trop onéreuse.

Lorsqu'on fonde un pareil établissement, il faut voir les choses de haut et de loin. Il faut se dire qu'il s'agit surtout d'un intérêt d'avenir. On ne peut viser à l'amortissement du capital engagé, car le dépôt agricole qu'on achète est un fonds, est une propriété qui acquiert de la valeur, et s'il est à portée de terrains incultes qu'on défriche successivement, il peut augmenter considérablement de valeur. Il y a donc déjà là une plus-value ; il ne reste plus qu'à organiser et administrer avec économie pour arriver même à se placer au-dessous du maximum indiqué par la loi. Sans doute on n'y arriverait pas au commencement, parce que les frais de premier établissement sont considérables ; parce que les tâtonnements et les erreurs sont inévitables au début ; mais à force d'économie le gouvernement y viendrait. Et pour prouver qu'il peut y venir, j'invoquerai le même exemple que l'honorable M. d'Anethan.

Il est parfaitement vrai que, dans les Flandres, il existe de petits hospices où l'on entretient les vieillards à un taux presque incroyable. Je citerai l'hospice d'Oost-Nieuwkerke, où la journée d'entretien n'est que de 9 centimes ; l'établissement de Steenkerke, où la journée d'entretien est de 13 centimes ; l'établissement de Sleydinghe où la journée d'entretien est de 24 centimes. C'est que, grâce aux travaux de l'agriculture, l'établissement produit lui-même la nourriture de tous les pensionnaires. Ceux qui ne sont pas occupés au travail agricole, ou qui, par suite du chômage de ce travail, sont retenus à l'intérieur de l'établissement, sont employés à fabriquer les étoffes nécessaires à l'habillement, etc. Il résulte de cet ensemble une administration si économique, si favorable, que l'entretien des détenus ne coûte presque rien.

Or, si le gouvernement avait le frein d'un maximum, s'il était astreint à ne pas dépasser une certaine somme de dépense, il imiterait ces petits hospices de nos Flandres. Mais si vous laissez à l'administration les coudées franches, elle oubliera les économies, et votre établissement, devenu trop cher, chômera. Vous n'aurez donc pas de pensionnaires ; vous ne trouverez guère de communes qui voudront souscrire à des sacrifices trop considérables, surtout dans les commencements, pendant lesquels l'établissement coûtera le plus cher, où les frais d'administration seront le plus élevés.

Et voyez, messieurs, comme on irait, en quelque sorte, à rebours de bon sens : on n'aurait pas de pensionnaires, on n'aurait pas de jeunes indigents, précisément à l'époque où doit commencer la guerre contre la mendicité, à l'époque où il est de la plus grande nécessité que l'établissement fonctionne et fonctionne avec le plus d'activité et d'énergie On porterait la journée d'entretien à un taux exagéré, précisément à l'époque où les communes sont épuisées. Il est évident que le but serait manqué.

M. Rodenbach. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour donner des explications sur ces hospices de vieillards dont vient de parler l'honorable préopinant. Dans le district de Roulers seul, il y a peut-être une douzaine d'hospices de ce genre, où l'on entretient les vieillards moyennant 13, 14 ou 15 centimes par jour, et voici comment on est parvenu à obtenir une économie aussi considérable. Ce sont les sœurs de charité qui se chargent de cet entretien moyennant la rétribution minime que je viens d'indiquer. Cela se fait en vertu d'un contrat avec le bureau de bienfaisance. Les sœurs n'ont aucun traitement. Quelques arpents de terre sont annexés à chaque établissement, et les vieillards se livrent, chacun dans la mesure de ses forces, à la culture de cette terre. Ainsi aucune ressource n'est perdue, et, d'un autre côté, aucune dépense d'administration n'est faite puisque, je le répète, les sœurs de charité n'ont pas de traitement. Je ne crois pas, messieurs, que le gouvernement puisse faire les choses avec autant d'économie, car il voudra probablement payer des traitements. Dans tous les cas, je l'engage à étudier sérieusement l'organisation de ces hospices ; mais je ne pense pas qu'on puisse s’en rapporter à ce que coûte la journée d’entretien dans des établissements de cette nature pour évaluer ce que coûtera l’établissement dont il s'agit en ce moment. Dans la commune que j'habite, l’hospice possède, je pense, 3 hectares de terre ; il y a une maison qui a été donnée par un particulier, et cet hospice entretient 80 vieillards moyennant une rétribution de 15 centimes par tête et par jour.

M. le président. - Il y a deux amendements, le premier consiste à supprimer les mots : « Sous le titre de dépôts agricoles.» L'autre consiste à retrancher dans le deuxième paragraphe les mots : « Les jeunes gens et particulièrement. » M. le ministre s'est rallié à ces deux amendements.

- Les deux amendements sont successivement mis aux voix et adoptés.

L'article ainsi amendé est ensuite adopté.

Article 7

« Art. 7. Le gouvernement fera, chaque année, un rapport aux chambres législatives sur l'établissement de réforme des jeunes reclus. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, par suite d'un amendement qui vient d'être adopté, il y aura lieu de rédiger le deuxième paragraphe de l'article 7 de la manière suivante : « Par exception à l'article 4, les enfants et les jeunes gens entrés volontairement ou transférés dans ces établissements, à la suite d'une condamnation du chef de mendicité ou de vagabondage, y seront retenus pendant 6 mois au moins s'ils y sont pour la première fois et au moins pendant un an s'ils y sont entrés plus d'une fois. »

Projet de loi qui fixe le cens électoral au minimum établi par la Constitution

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere. - Messieurs, la section centrale, à laquelle vous avez renvoyé l'examen du projet de loi de réforme électorale, a terminé ce matin ses opérations. Elle m'a chargé de vous présenter son rapport. Je demanderai à la chambre si elle désire que je lui donne immédiatement lecture de ce rapport. (Oui ! oui !) En ce cas, messieurs, je réclamerai votre indulgence.

« Messieurs, après la révolution de 1830, les représentants de la nation, à peine réunis en congrès, proclamèrent, d'une commune voix, l'indépendance du peuple belge, et peu de jours après, ils déclarèrent que le peuple adoptait, pour forme de son gouvernement, la monarchie constitutionnelle représentative, sous un chef héréditaire.

« Ces deux grands principes décrétés, le congrès vota avec la plus complète indépendance, et après une discussion dans laquelle toutes les opinions avaient pu se faire jour, une Constitution qui garantit au pays la jouissance de tous les droits, de toutes les libertés, pour la conquête desquels il venait de combattre d'une manière si glorieuse.

« Egalité de tous devant la loi, liberté individuelle, liberté des cultes, liberté de l'enseignement, liberté de la presse, inviolabilité du domicile, garantie de la propriété, droit de s'assembler et de s'associer, tels sont les grands principes qui forment la base de la Constitution et dont les autres bienfaits qu'elle nous assure ne sont, en quelque sorte, que les conséquences.

« Nous pouvons le dire avec un légitime orgueil, nul peuple en Europe n'est plus libre que le peuple belge, et nul peuple à aucune époque ne s'est montré plus digne de la liberté.

« Aussi les hommes aux sentiments les plus généreux applaudissaient-ils généralement aux institutions qui nous régissent, et ils l'eussent fait sans réserve, peut-être, s'ils n'avaient vu un vice réel dans le système électoral adopté en 1831.

« L'article 47 de la Constitution avait fixé à 100 fl. d'impôt direct le maximum, et à 20 fl. le minimum du cens qui devait être requis par la loi, pour donner le droit de faire partie du corps électoral appelé à élire les membres des chambres. La loi du 3 mars 1831, réglant l'exécution de cette disposition, établit pour les diverses localités du royaume un cens inégal, qui varie depuis 20 fl. jusqu'à 80 fl.

« C'est cette inégalité du cens et sa trop grande élévation dans un certain nombre de localités qui ont suscité des réclamations, devenues plus vives dans ces derniers temps. Nous devons seulement faire remarquer que parmi les partisans d'une réforme électorale, les uns la voulaient immédiate et complète, tandis que d'autres préféraient qu'elle eût lieu partiellement et progressivement.

« Quoi qu'il en soit, pour ceux qui ont pu apprécier le calme et la sagesse qu'apporte depuis dix-sept ans la nation belge dans l'exercice de ses droits politiques, il ne peut exister aucune appréhension motivée que l'abaissement et le nivellement du cens électoral, quelle que doive être l'augmentation du nombre des électeurs qui en sera la suite, produisent des conséquences que le pays ait à regretter. .

« Messieurs, le gouvernement, mû par des considérations auxquelles on ne saurait trop applaudir, est venu spontanément présenter à la chambre un projet de loi, fixant le cens électoral à 20 florins pour tout le pays ; et tel est le sentiment qu'ont tous les membres de la chambre de la situation du pays, tel est le désir d'union qui les anime que le projet de loi n’a pas rencontré dans les sections un seul adversaire.

« La section centrale l’a également adopté à l’unanimité, et elle se fût bornée là, laissant au gouvernement le soin de présenter à la chambre les mesures d'exécution que le nouveau système électoral pourra rendre nécessaires, si l’on n’avait manifesté la crainte que plus tard on ne trouvât dans la loi qui vous est proposée un prétexte pour scinder les collèges électoraux en fractions, qu’on réunirait dans des localités différentes, par exemple dans les chefs-lieux de canton.

« M. le ministre de l’intérieur, appelé au sein de la section centrale, n’a pas hésité à déclarer que, dans l’opinion du gouvernement, le vote (page 968) des électeurs au chef-lieu du district et l'abaissement du cens électoral à 20 florins, étaient connexes et inséparables. Il a ajouté qu'il ne voyait aucun inconvénient à ce que le projet en discussion confirmât le principe consacré par l’article 19 de la loi du 3 mars 1831, et statuât que les électeurs continueront à se réunir au chef-lieu du district administratif.

« En conséquence, la section centrale vous propose l'adoption du projet de loi dont la teneur suit :

« Art. 1er. Le cens électoral pour la nomination des membres de la chambre des représentants est fixé, pour tout le royaume, au minimum établi par la Constitution (20 fl., soit fl. 42-32).

« Art. 2, Les électeurs continueront à se réunir au chef-lieu du district administratif, dans lequel ils ont leur domicile réel.

« Elle considère ce projet de loi comme devant augmenter encore l’attachement que le pays entier a voué à nos institutions et resserrer l'union qui, aujourd'hui plus que jamais, nous est nécessaire pour conserver notre nationalité et notre indépendance. »

- Ce rapport, dont la lecture provoque de nombreuses marques d'adhésion, sera imprimé et distribué.

La chambre le met à l'ordre du jour de samedi prochain.

Projet de loi relatif à l'exécution de travaux publics et autres mesures d'intérêt général

Motion d'ordre

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, mon collègue M. le ministre des finances a déposé, il y a quelque temps, un projet de loi ayant pour objet d'allouer au département des travaux publics un crédit supplémentaire de 3,640,000 fr., pour les travaux du canal latéral à la Meuse. Une grande partie des sommes pour lesquelles le crédit a été demandé est maintenant exigible. Dans les circonstances actuelles, ce payement est d'une urgence extrême. Je demande donc que les sections s'occupent incessamment de ce projet de loi.

M. d’Elhoungne. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien examiner s'il ne pourrait pas proposer aussi de disjoindre de la loi générale des travaux publics, les crédits demandés pour le canal de Schipdonck et pour celui de Zelzaete

M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, il n'y a pas urgence à voter ces crédits. Le département des travaux publics fait remplir les formalités nécessaires pour arriver à l'expropriation des terrains pour le canal de Schipdonck ;- jusqu'à ce que ces formalités soient remplies, et qu'on soit en possession des terrains, il n'y a pas de fonds à dépenser pour acquisition de terrain, et encore moins pour les travaux proprement dits des deux canaux, Si l'urgence se révèle, je demanderai la disjonction ; et je saisirai la chambre d'une proposition spéciale à cet égard.

M. d’Elhoungne. - Très bien !

- La séance est levée à 4 1/2 heures.