Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 14 février 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 819) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée. Il présente ensuite l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le conseil communal d'Achel demande le rétablissement des droits d'entrée sur le bétail. »

« Même demande des conseils communaux de Gheel et de Desschel, de l'administration communale de Westerloo et des membres du conseil communal de Wychmael et de Hechtel.»

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Les sieurs Frapart, Mercriaux et Blondeau, secrétaires communaux dans le canton de Mons, prient la chambre d'améliorer la position des secrétaires communaux et les faire participer à la caisse de retraite des employés de l'Etat. »

- Renvoi au ministre de l'intérieur.


« Le sieur Vanderdonckt réclame l'intervention de la chambre pour obtenir l'indemnité que lui assure la loi, du chef de l'expropriation faite en septembre 1847, de 6 parcelles de terre qui ont été incorporées dans la route d'Est à Hundelghem, et demande en outre le payement de l'intérêt légal depuis l'époque de l'emprise de ses propriétés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Hechtel demandent que la route de Moll au camp de Beverloo passe par Baelen. »

- Renvoi au ministre des travaux publics.


« Le conseil communal de Louvegnez présente des observations contre la demande tendant à transférer à Beaufays le chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Servais, Vanderlinden et autres délégués de l'assemblée des notaires de première et deuxième classe, présentent des observations sur les amendements du gouvernement au projet de loi sur le notariat et demandent que ces amendements soient renvoyés à l'examen des sections ou de la section centrale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les sieurs Gilkinet, Parmentier et autres délégués de Liège prient la chambre d'ajourner la discussion du projet de loi sur le notariat à l'ouverture de la session prochaine, de charger le gouvernement de consulter sur ce projet de loi les tribunaux et les parquets et de renvoyer à l'examen de la section centrale les amendements présentés par M. le ministre de la justice. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les notaires de Liège présentent des observations concernant le projet de loi sur le notariat. »

« Mêmes observations des sieurs Dubois et Dupont, candidats notaires à Bruxelles, des notaires de Marche et de Verviers (addendum, p. 837) et des sieurs Van Acker et Vermersch, président et secrétaire de la commission déléguée des notaires cantonaux de l’arrondissement de Gand. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le notariat.


« Le conseil communal d'Achel demande que la langue flamande soit enseignée dans les établissements d'instruction publique, qu'elle fasse partie du programme de tous les examens ; que, dans les provinces flamandes, les tribunaux et les administrations soient obligés d'en faire usage, et que tous les fonctionnaires publics soient tenus de la comprendre et puissent la parler. »

« Même demande du conseil communal de Caulille. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Hommages Faits à la chambre : 1° par M. Houry, de MO exemplaires sur la colonisation des terres incultes et fertilisables du pays ; 2° par M. Louis Duvivier, de 5 exemplaires d'une brochure intitulée : Esquisse sur la situation, au point de vue de certains intérêts de la Belgique.


M. Le Hon, obligé de s'absenter pour affaires, demande un congé de quelques jours.

- Le congé est accordé.


Lettre de M. Rousselle ainsi conçue : « M. le président,

« Je reçois de Mons la triste nouvelle que M. Clerfayt, père de mon gendre, est décédé la nuit dernière, à la suite d'une attaque d'apoplexie foudroyante. Ce douloureux événement me rappelle dans ma famille pour trois ou quatre jours. Je viens donc vous prier de vouloir bien me faire obtenir un congé à cet effet.

« Je vous prie aussi de vouloir bien ne pas mettre à l'ordre du jour avant jeudi, le projet de loi relatif au crédit demandé pour satisfaire aux condamnations prononcées en faveur de certaines communes usagères dans les bois et forêts du Luxembourg. Vous savez, M. le président, que j'ai été nommé rapporteur de cette affaire, et je pense qu'il convient que je sois présent à la chambre pendant la discussion.

« Agréez, etc. »

- La chambre accorde un congé à M. Rousselle.

Projet de loi organisant le notariat

Motion d’ordre

M. Castiau. - Ce n'est pas, messieurs, pour ouvrir la discussion générale du projet de loi sur la réorganisation du notariat, que j'ai demandé la parole. C'est pour demander un plus ample informé sur la question qui est à l'ordre du jour, et qui se présente dans un tel état de désordre que la solution en serait en quelque sorte impossible.

M. Eloy de Burdinne. - C'est une demande d'ajournement.

M. Castiau. - L'honorable membre qui me fait l'honneur de m'interrompre est dans Terreur. Son imagination devance ma parole et ma pensée. Ce n'est pas l'ajournement et surtout un ajournement indéfini que je viens demander ; c'est un moyen d'éclairer l'assemblée et de ne toucher à l'institution du notariat qu'après nous être assurés que les changements qu'on propose ne lui seront pas funestes.

Vous avez entendu au commencement de cette séance l'analyse de deux pétitions ; l'une vous demande le renvoi du projet de loi à l'examen des chambres de notaires ; l'autre (celle que j'ai sous les yeux), émanée des délégués des notaires de première et de deuxième classe, s'en remet à vous et se borne à réclamer un nouvel examen, et le renvoi des amendements du gouvernement aux sections de la chambre.

C'est la proposition que je viens vous faire. Ce n'est donc pas un ajournement ; ce n'est pas un ajournement indéfini comme le supposait l'honorable M. Eloy de Burdinne. C'est un nouvel examen qui n'aura d'autre effet que de renvoyer la question devant ses juges naturels et de la faire reparaître, dans cette enceinte, fortifiée de nouvelles études et éclairée de nouvelles lumières.

Ce renvoi me paraît de toute nécessité, messieurs, parce que la question a subi des modifications tellement graves et tellement compliquées qu'il n'est en quelque sorte plus possible de se reconnaître au milieu de toutes ces propositions qui se combattent, se heurtent et s'abrogent.

Je regrette de ne pouvoir me rallier au vœu exprimé par celle des deux pétitions qui demandent le renvoi du projet et des modifications proposées à l'examen des chambres des notaires. On a, en effet, procédé en vous présentant le projet de loi avec une telle rapidité, avec une précipitation si grande qu'on en a tiré des inductions assez peu flatteuses (page 820) pour l’auteur du projet de loi primitif. On y a vu une pensée politique et non une pensée de réforme.

Il s'agissait de modifier une loi semi-séculaire et l'une de nos plus importantes institutions civiles.

Il s'agissait de modifier, de bouleverser peut-être une institution qui touche à nos institutions judiciaires et qui a presque l'importance de la magistrature.

A qui donc la question devait-elle être soumise ? Evidemment à la magistrature, gardienne de l'honneur et désintérêts du notariat. Puis ne fallait-il pas consulter aussi les chambres des notaires elles-mêmes, si fortement intéressées dans la question, puisque le sort du notariat pouvait être mis en question ? Il était donc juste, il était convenable, il était prudent de consulter tout à la fois et la magistrature et les représentants naturels du notariat.

Ces avis et ces renseignements, on les demande souvent pour les questions les moins intéressantes, quand il s'agit des intérêts de localité et parfois de petits intérêts individuels ; cette fois, quand il s'agit du sort d'une de nos premières institutions, le ministère agit dans son omnipotence et laisse dédaigneusement à l'écart et la magistrature et le notariat tout entier.

Faut-il vous rappeler pourquoi cette précipitation et dans quelles circonstances le projet de loi a été présenté ? C'était à la fin d'une législature et à la veille d'un renouvellement électoral. Aussi est-ce, ainsi que je l'ai dit, à des considérations politiques qu'on a rattaché le malencontreux projet qui nous est soumis.

Depuis, la question a reçu de nouvelles complications.

Le projet primitif a été l'objet de changements de toute espèce. Vous êtes en effet, en présence de trois systèmes plus ou moins opposés. C'est d'abord le projet primitif du gouvernement ; puis vient le projet de la section centrale, qui modifie dans plusieurs de ses dispositions la première proposition du gouvernement. Enfin arrive le nouveau ministère et avec lui de nouvelles modifications, qui changent, détruisent, bouleversent le projet de la section centrale et le projet primitif du gouvernement.

Vous serez de mon avis, messieurs, quand vous aurez sous les yeux la récapitulation des modifications apportées par les nouveaux amendements ministériels, soit à la loi de ventôse, soit au projet primitif du gouvernement, soit enfin au projet de la section centrale. Voici cette récapitulation :

De la loi de ventôse an XI, les nouveaux amendements présentés par le gouvernement modifient 20 articles et en suppriment 26 ; ils n'en maintiennent que 23.

Du projet de M. d'Anethan, 9 articles sont maintenus, 12 sont modifiés, 16 sont supprimés.

Du projet de la section centrale, 30 articles sont maintenus, 17 sont modifiés, 5 sont supprimés.

Enfin, les dernières propositions ministérielles contiennent 8 articles complètement nouveaux.

On peut le dire sans exagération, messieurs, c'est en quelque sorte un projet nouveau qui vous est présenté. Oui, parmi les modifications qui vont être soumises à votre examen, il en est qui changent tout à la fois et le système présenté par la section centrale et le système présenté par le gouvernement, et les propositions n'ont pas été soumises, conformément à votre règlement, à l'examen préalable des sections.

Il est donc nécessaire, en présence de la gravité des intérêts qui sont en cause, de consulter sur les changements de toute espèce qui résultent des nouvelles modifications proposées, non seulement la section centrale, mais encore toutes les sections. Tout est changé autour de nous. La majorité de l'assemblée a été à son tour profondément modifiée à la suite des élections. Il y a ici une nouvelle majorité, un nouvel esprit et d'autres tendances. Il faut faire appel à cette majorité régénérée. Dans le calme de nos sections, elle apportera du moins des méditations désintéressées et des opinions consciencieuses.

Si j'insiste surtout, messieurs, pour le renvoi aux sections de toutes les modifications proposées par le gouvernement, et du projet primitif et du projet de la section centrale, c'est qu'en définitive aucune des grandes questions de réforme et d'amélioration du notariat ne se trouve résolue ni par le projet primitif du gouvernement, ni par le projet de la section centrale, ni par les nouvelles modifications présentées par le ministère.

En effet, messieurs, l'un des vices de la loi de ventôse an XI, c'est d'avoir fait du notariat tout à la fois une fonction publique et en quelque sorte une industrie.

La loi de ventôse a fait du notariat une fonction publique, en conférant aux notaires l'une des plus hautes de toutes les attributions, le privilège de l'authenticité. Mais pendant qu'on en faisait des fonctionnaires publics, on remplaçait le traitement, qui est le signe et l'attribut de la fonction, par les honoraires. C'était là, ce me semble, une alliance malheureuse de l'intérêt public et de l'intérêt privé. C'était pousser le notaire à oublier parfois le désintéressement et l'impartialité du fonctionnaire, pour se laisser aller aux entraînements de l'intérêt privé. C'était l'intéresser à multiplier, à compliquer et souvent à rechercher avec trop d'avidité les affaires.

N'y a-t-il donc là rien à faire dans l'intérêt de la considération du notariat ?

Je ne viens pas en ce moment, messieurs, examiner cette question. Mais convenons qu'elle était digne des méditations des sections, si l’on voulait, comme je le suppose, élever le notariat presque à la hauteur de la magistrature.

Un autre vice de la loi de ventôse, c'est l'arbitraire que cette loi laissait au gouvernement pour la création de notariats nouveaux. Elle se contentait d'établir le maximum et le minimum, et abandonnait au gouvernement le soin de créer de nouveaux notariats dans le large cercle qu'elle laissait subsister.

Quel abus tous les ministères, et l'ancien ministère surtout, n'ont-ils pas fait de cette prérogative ? Ce n'est pas l'intérêt du pays, c'est presque toujours l'intérêt de parti qu'on a consulté, et cette prérogative est devenue pour le gouvernement l'un des principaux moyens d'influence politique.

Eh bien ! en présence de tous ces abus, la section centrale et le gouvernement, dans ses nouvelles dispositions, s'abstiennent et avouent en quelque sorte leur impuissance. On se borne à stipuler de misérables garanties prises dans la population ou le nombre des actes. Je pense qu'en présence de tant d'abus qui ont eu parfois le caractère du scandale, il fallait des garanties sérieuses, il fallait enlever l'arbitraire au gouvernement, et stipuler que la création de notariats nouveaux ne pourrait avoir lieu qu'en vertu de la loi.

Le même arbitraire, messieurs, se produisait aussi pour les nominations. Que d'attaques n'a-t-on pas dirigées, dans cette enceinte, contre l'ancien ministère, contre l'honorable M. d'Anethan spécialement, pour les nominations de notaires ! Que de fois n'a-t-on pas dit que ces nominations étaient inspirées par des pensées politiques et des combinaisons électorales ?

Eh bien, que fallait-il faire ?

Mais régler cette faculté dont le gouvernement avait tant abusé, en prévenant le retour de l'arbitraire. C'est ici surtout que des garanties protectrices étaient réclamées dans l'intérêt du notariat et du pays.

Jusqu'à l'avènement de l'ancien ministère, on avait conservé l'habitude de prendre l'avis de la magistrature, pour les nominations de notaires ; mais vous savez, messieurs, que sous M. d'Anethan, on avait laissé à l'écart ce contrôle qu'on trouvait encore importun, et la magistrature n'était plus même consultée.

M. d'Anethan. - Je demande la parole.

M. Castiau. - Est-ce pour nier cette assertion ? Mais elle a été produite vingt fois dans cette enceinte, et elle y a été, de ce chef, l'objet d'attaques très véhémentes de la part, entre autres, de l'honorable M. Delehaye, qui adhère encore en ce moment à mes paroles. Si donc l'honorable M. d'Anethan demande la parole pour combattre la critique que je crois devoir lui adresser, j'espère que M. Delehaye la réclamera à son tour, pour répondre à l'honorable membre, et prouver la légitimité de toutes les attaques dont il n'a cessé de le poursuivre sous son ministère.

Eh bien, messieurs, en présence des abus tant de fois signalés dans cette enceinte, que fait la section centrale ? Rien. Elle laisse au gouvernement la même latitude et elle n'insère pas même dans la loi l'obligation de consulter à l'avenir, pour la nomination des notaires, la magistrature qui semble avoir été l'objet des répugnances de l'ancien ministre de la justice, sans doute pour son indépendance et son libéralisme.

Enfin, messieurs, un dernier danger, un danger plus grave encore plane sur le notariat, et il n'en est pas question non plus dans les mesures proposées par la section centrale et par le gouvernement. Ce danger, c'est la vénalité. Vous savez comment elle s'est introduite en France, elle s'y est glissée à la suite d'une loi de finance, et sans attendre la loi qui devait régler la faculté, reconnue aux notaires, de présenter leurs successeurs, elle y a pris en quelques années un développement effrayant. Celle vénalité, solennellement proscrite par la révolution française, a reparu avec une nouvelle impudeur.

Introduite d'abord pour les études de notaires, elle s'est étendue à la plupart des autres fonctions et elle a pénétré jusque dans les rangs de la magistrature. Le mal, sans doute, n'a pas encore pris chez nous le développement qu'il a acquis en France ; cependant il est de notoriété publique que des études de notaires ont été transmises et des démissions données à prix d'argent. L'honorable M. d'Anethan, qui prend des notes et recueille, en ce moment, mes paroles, ne pourra pas me démentir, car il existe de lui une circulaire dans laquelle il s'élève avec force contre la vénalité et ses abus. Cependant, je le répète, cette circulaire n'a rien empêché et il est de notoriété publique que des transmissions d'études ont été le résultat de conventions pécuniaires.

Eh bien ! il n'y a rien, dans les propositions si compliquées et si nombreuses qui nous sont soumises, qui puisse réprimer et prévenir la vénalité ; rien pour empêcher l'arbitraire des nominations ; rien pour empêcher l'arbitraire de la création de nouveaux notariats ; rien enfin pour faire justice d'aucun des abus dont on se plaint et qui faussent l'institution dont on vous propose la prétendue réorganisation.

Vous le voyez, messieurs, les principales questions que soulève l'organisation du notariat ont été laissées dédaigneusement à l'écart. On respecte religieusement tous les inconvénients et tous les abus ; si l'on touche à la loi de ventôse, c'est uniquement, paraît-il, pour jeter la perturbation au sein du notariat, compromettre à la fois l'intérêt public comme les intérêts privés, et bouleverser toute l'institution sous le vain prétexte de l'améliorer.

Je n'en dirai pas davantage, messieurs, car je ne veux pas, à l’occasion d'une motion d'ordre, développer devant vous toutes les critiques dont on peut poursuivre les propositions si embrouillées, dont vous êtes saisis.

(page 821) Je demande donc, avant d'entamer une discussion confuse, interminable, et qui, je le crains bien, finira par un misérable avortement, de mettre aux voix la proposition de renvoyer à l'examen des sections et le projet primitif et les nombreux amendements que le gouvernement a cru devoir y joindre, vous ferez chose utile et prudente, messieurs, en adoptant la motion d'ordre que je vais avoir l'honneur de transmettre à M. le président.

M. d'Anethan. - Messieurs, le discours que vous venez d'entendre, et dans lequel l'honorable M. Castiau a passé en quelque sorte en revue les bases de la loi de ventôse an XI, doit être surtout considéré comme une critique complète du travail de la section centrale. En effet, l'honorable membre a dit que la section centrale et les sections elles-mêmes auraient dû examiner toutes les questions qu'il a posées. L'honorable M. Castiau était probablement présent aux sections, quand elles se sont occupées de la loi du notariat ; je regrette qu'alors l'honorable membre n'ait pas soulevé toutes les questions dont il vient d'entretenir la chambre ; s'il les avait soulevées alors, il est probable, certain même, que les sections et la section centrale s'en seraient occupées, et dans ce cas, on aurait eu un travail complet, même à ce point de vue.

Messieurs, j'ai demandé la parole principalement pour répondre à quelques observations qui avaient rapport à la présentation du projet de loi en lui-même.

L'honorable M. Castiau a d'abord critiqué le gouvernement parce qu'il n'avait pas consulté les cours et tribunaux, tandis qu'on s'adressait souvent aux corps judiciaires pour des questions d'une moindre importance.

Messieurs, j'ai souvent eu recours au corps judiciaire, non pour de minces questions d'intérêt local, mais pour des questions d'intérêt très grave. Mais ce que l'honorable préopinant ne sait pas probablement, c'est qu'il est des corps judiciaires qui ont répondu au gouvernement qu'eu égard à leur besogne, ils étaient dans l'impossibilité de donner un avis raisonné sur les projets de loi qu'on leur soumettait. Il n'est dès lors pas étonnant que, dans cette circonstance, le gouvernement n'ait pas eu recours aux lumières des corps judiciaires. Du reste, ici l'intervention de ces corps était moins nécessaire que dans d'autres circonstances.

Le projet que j'ai présenté en 1846 n'était pas nouveau ; il était la reproduction, dans sa partie principale, du projet que l'honorable M. Lebeau avait soumis à la chambre en 1834. Or, en 1834, à la suite de cette présentation, les chambres de discipline de notaires ont fait, paraît-il, de nombreuses observations ; des pétitions ont été adressées à la chambre ; des mémoires nombreux ont été distribués ; le gouvernement était donc entouré de beaucoup de lumières ; même pour quelques-unes des questions que soulève le nouveau projet, il s'est adressé aux procureurs généraux.

Messieurs, l'honorable M. Castiau vous a dit que le projet de loi présenté par moi l'avait été à la fin d'une législature et que le but de la présentation était assez transparent. L'honorable membre ne se rappelle pas la date de la présentation du projet de loi. Ce projet a été déposé au mois d'avril 1846 ; c'est la section centrale qui n'a fait son rapport qu'à la fin d'une législature, au mois de mars 1847. J'ajouterai que le projet de loi n'avait pas été demandé une fois, mais très souvent par plusieurs honorables membres qui siègent sur les bancs où est assis l'honorable M. Castiau.

Je ne veux pas suivre l'honorable M. Castiau dans les différentes considérations où il est entré, parce que j'aborderais alors en quelque sorte la discussion de la loi elle-même ; je demanderai seulement à la chambre la permission de répondre à deux observations de l'honorable membre.

L'honorable M. Castiau a dit qu'on m'avait reproché, pendant mon administration, d'avoir toléré la vénalité des offices, en permettant que des charges de notaires fussent transmises à prix d'argent ; en second lieu, d'avoir dédaigné la magistrature en ne la consultant plus. Quant au premier grief, je dirai que jamais, à ma connaissance, aucune transmission de charge de notaire n'a eu lieu à prix d'argent. Des transmissions ont eu lieu de père à fils, d'oncle à neveu ; j'ai annoncé que tel était mon système et que je croyais, en l'appliquant, entrer dans l'esprit de la loi de ventôse. La circulaire qu'a rappelée l'honorable membre a eu même pour but d'empêcher les transmissions de charge de notaire à prix d'argent, et je répète que jamais, à ma connaissance du moins, aucune transmission de cette nature n'a eu lieu à prix d'argent sous mon ministère.

Quant au prétendu dédain que j'aurais montré à l'égard de la magistrature en ne la consultant pas, reproche à propos duquel l'honorable membre a fait appel au souvenir d'un honorable député de Gand, il est très vrai que j'avais supprimé les présentations que faisaient les procureurs généraux. J'avais demandé de m'envoyer seulement des avis sur les candidats qui se présentaient, et je me réservais d'examiner quel était le candidat qui méritait la préférence.

Mais si j'ai supprimé le droit de présentation que je trouvais peu en harmonie avec la responsabilité ministérielle, j'ai étendu les demandes d'avis à d'autres fonctionnaires. Ainsi, les premiers présidents des cours d'appel ont été invités à me donner leur avis sur les aspirants au notariat. Ainsi, loin d'avoir dédaigné la magistrature, loin d'avoir cessé de m'adresser à la magistrature pour obtenir son avis, j'ai fait tout mon possible pour m'entourer de toutes les lumières qu'elle pouvait me fournir.

Je pense que ces explications suffiront pour répondre aux reproches posthumes que m'a adressés l'honorable membre.

Je pense qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les amendements proposés par M. le ministre à la section centrale ou aux sections. M. le ministre s'est rallié, quant au point principal, au système du projet de la section centrale ; ce système est connu depuis le mois de mars 1847, on a eu tout le temps de l'étudier, de l'apprécier ; les modifications que M. le ministre a proposées ne concernent que la forme des examens ; il n'est pas difficile de se former une opinion sur ces modifications ; par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner le renvoi aux sections ou à la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, c'est dans la séance du 4 février que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre les amendements sur l'organisation du notariat. J'ai dit alors que je ne croyais pas qu'ils eussent une telle importance qu'il fut nécessaire de les renvoyer aux sections ou à la section centrale. L'honorable M. de Garcia a pris immédiatement la parole et fait observer qu'il valait mieux attendre que les amendements fussent imprimés avant de prendre une décision à cet égard. Les amendements ont été imprimés et distribués, je pense, le surlendemain, de sorte que voilà déjà huit jours que la chambre en est saisie ; depuis lors aucune motion n'a été faite pour demander le renvoi de ces amendements soit aux sections soit à la section centrale.

Pendant toute la semaine dernière la chambre a constamment maintenu ce projet à l'ordre du jour, elle en a même fixé positivement la discussion à la séance d'aujourd'hui ; je pense que par là la chambre a déjà connu implicitement du moins qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer en amendement aux sections ou à la section centrale.

Hier, dans la soirée, j'ai reçu une espèce de procès-verbal d'une réunion de notaires de première classe, et signé par quatre délégués ; ils expriment le vœu que les amendements soient renvoyés soit aux sections soit à la section centrale, soit à une commission spéciale qui serait nommée par la chambre.

Ils appuient ce vœu sur ce que les amendements que j'ai eu l'honneur de proposer contiennent des modifications que le cabinet précédent et la section centrale ne soupçonnaient pas. Ces amendements, disent-ils, prennent la chambre à l'improviste, et l'exposent à décider des questions dont elle ignore la portée et les conséquences.

J'ai revu, messieurs, les amendements que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre. Je vous avoue que je persiste dans l'opinion que j'ai émise que ces amendements n'ont pas une importance suffisante pour motiver le renvoi à la section centrale. En effet, pour la question principale, le ressort, le gouvernement s'est rallié à la proposition de la section centrale.

Sur le deuxième point, en ordre d'importance, le nombre des notaires, le gouvernement s'est rallié au projet primitif, admis par la section centrale, sauf une légère modification, consistant à fixer le maximum du nombre des notaires, à 1 par 4 mille habitants, au lieu de 3,500.

Cette modification qui est dans l'intérêt des notaires, puisqu'elle tend à réduire leur nombre de 150 environ n'est pas dénature à nécessiter un nouvel examen, car l'on peut dès à présent, en apprécier l'importance et la portée.

Mais le point sur lequel les amendements contiennent une modification très importante, que nous avons soumise à la chambre, c'est, disent MM. les notaires, l'idée radicalement neuve qui fait substituer à l'ancien mode d'examen, par les chambres de notaires, des jurys d'examen.

Si c'était, comme on le dit, une idée radicalement neuve, je me féliciterais de l'avoir conçue ; car je considère cette institution comme devant produire d'excellents résultats pour l'avenir du notariat ; mais cette idée a été émise depuis longtemps, et a été présentée avec beaucoup de force dans un mémoire des notaires de première et de deuxième classe soumis à la chambre en 1846.

Ce mémoire dont je tiens un exemplaire porte la signature des mêmes notaires qui m'ont adressé cette réclamation dont je viens de parler. Dans ce mémoire, que je signale à l'attention de la chambre, parce qu'il est réellement rédigé avec beaucoup de talent, messieurs les notaires critiquent d'une manière très sévère et selon moi très juste le mode d'examen actuel par les chambres de discipline. Ils exposent que les cours, les tribunaux, les conseils de discipline de l'ordre des avocats, les académies de médecine ou des sciences ne sont pas chargés d'examiner les élèves en droit, en médecine ou en sciences. « Pour chacune de ces branches nous avons (disent-ils) des jurys spéciaux et omnipotents, le notariat est aussi une profession libérale il a droit aux mêmes garanties que les autres. Pourquoi ne pas traiter le notariat comme toutes les professions libérales et lui octroyer en conséquence son jury spécial d'examen. Ces jurys sont en Belgique une institution populaire et nationale qui présente des garanties certaines d'impartialité. »

Eh bien, c'est cette idée dont j'aurais pu puiser le germe dans le mémoire de ces messieurs, si ma conviction n'avait été déjà formée à cet égard, qu'on a présentée comme radicalement neuve, comme exorbitante, et de nature à déranger l'économie du projet de loi et à motiver le renvoi à une commission ou à la section centrale.

Ce renvoi ne serait, selon moi, qu'un ajournement déguisé. Si l'on ne veut pas du projet de loi, si l'on croit qu'il n'y a pas lieu de le discuter, il vaut mieux le déclarer franchement, alors le gouvernement s'empressera de le retirer. Mais nous n'avons pas pensé qu'à l'état d'instruction où était parvenu cette loi, dont la chambre est saisie depuis 14 ans, en présence de deux rapports, l'un d'une commission spéciale, l'autre de la section centrale de l'année dernière, il fût possible de retirer un projet (page 822) qui avait soulevé autant d'intérêt et dont on s'était tant occupé depuis plusieurs années.

Nous pensons donc que la motion de renvoi faite par l'honorable M. Castiau ne peut être accueillie par la chambre, et qu'il y a lieu de passer à l'ordre du jour.

M. Lys. - Le projet de loi qu'on commence à discuter me semble avoir pris sa source dans des réclamations touchant à des intérêts individuels.

Le gouvernement a présenté un projet de loi qui vient détruire un système en vigueur depuis 45 ans, mûri dans les conseils d'une grande nation et pendant plusieurs années, qui avait toujours été exécuté en Belgique sans donner lieu à aucune réclamation.

Le gouvernement a présenté le nouveau projet de loi, il faut le dire, sans consulter ni les cours, ni les tribunaux, ni les universités. Nous remarquons avec surprise que quand il s'agit d'un projet de loi sur les sursis on le renvoie aux cours, aux tribunaux et même aux universités. Vous avez vu dernièrement, quand il s'agissait d'une loi forestière, qu'on l'a renvoyé à l'examen d'une commission composée de membres de la cour de cassation, d'avocats et de personnes connaissant la foresterie.

Et ici pour une loi bien autrement essentielle, pour une loi qui, comme je viens de le dire, existait depuis si longtemps, pour une loi qui concerne toute la juridiction volontaire, on n'a eu recours à aucun de ces moyens d'instruction. On se contente de l'examen d'un bureau, peut-être d'un seul homme. Votre quatrième section avait demandé le renvoi devant les cours et les tribunaux. La section centrale s'est empressée de transmettre cette demande à M. le ministre de la justice. Voici ce qu'il a répondu :

« Le gouvernement consulte quelquefois les tribunaux sur des projets de loi ; mais il doit user modérément de ce recours. Si les cours et tribunaux étaient fréquemment appelés à donner leur avis sur des projets de loi, la cours de la justice pourrait en souffrir, et les corps judiciaires pourraient refuser une coopération qui est toute bénévole de leur part. Cette observation explique pourquoi le projet actuel, pas plus que celui de 1834, n'a été soumis à l'avis des cours et des tribunaux. »

.Mais cette comparaison avec le projet de 1834 n'est pas admissible ; car le projet de 1834 a supprimé les notaires de canton. C'était un projet composé de quelques articles.

Nous avons encore signalé à M. le ministre de la justice les plaintes de l'une des sections relativement aux agents d'affaires, et voici ce que M. le ministre de la justice nous a répondu : « Ces abus sont réels, le gouvernement s'en est déjà occupé ; mais il ne pense pas devoir traiter cette question à l'occasion de la loi sur le notariat, pas plus que la question relative aux ventes que peuvent faire d'autres fonctionnaires que les notaires. »

M. le ministre n'a pas cru devoir examiner cette question. Cependant je la considère comme d'une immense importance. Non seulement le projet néglige la question, niais il étend l'abus ; car je soutiens que le projet favorisera les agents d'affaires de telle manière qu'il les établit pour ainsi dire en un corps constitué.

Nous pouvions, messieurs, faire une loi qui aurait beaucoup gêné les agents d'affaires. On pouvait faire une loi qui déclarai que les ventes publiques d'immeubles ne pourraient plus se faire que par-devant notaire ; on pouvait faire une loi par laquelle les ventes de biens mobiliers, les ventes d'actions ne pourraient plus se faire que devant notaire et devant les agents qui étaient déjà autorisés par la loi.

Eh bien, vous ne pourrez plus faire cette loi, pour qu'elle ait réellement de l'effet. Car si vous faites une loi qui défende les ventes publiques autrement que par-devant notaire, les notaires pouvant travailler dans tout l'arrondissement, les agents d'affaires sauront en trouver qui ne seront pas très stricts sur le point d'honneur et qui viendront signer leurs actes pour une bagatelle. Vous voyez donc que, dans cette circonstance, le notaire qui se respectera, le notaire qui se tiendra à son domicile réel, sera seul lésé, et que l'avantage sera pour le notaire qui courra les affaires, que fera le messager, qui voudra se prêter aux volontés des agents d'affaires.

Messieurs, la loi de 1791, la loi du 25 ventôse an XI avaient exigé des notaires une caution. Celle caution a été supprimée par l'arrêté du 19 juin 1816, par le motif que celui du 11 février précédent les soumettait à la patente.

Messieurs, il y a une grande différence entre la patente et la caution. La patente est une contribution ; la caution est une garantie. La patente est la part que l'Etat croit pouvoir exiger d'un particulier sur le produit de son travail, et certainement la patente peut être exigée des notaires, puisqu'ils sont spécialement délégués pour certains objets, qu'ils jouissent de privilèges que les autres particuliers ne peuvent pas avoir. Mais la caution, c'est une garantie que l'Etat a prise dans l'intérêt des citoyens contre les malversations possibles de la part de fonctionnaires publics. Ainsi la caution serait exigée dans l'intérêt général.

Je suis donc étonné que le ministère actuel, dans les améliorations qu'il a voulu produire au projet, n'ait pas ajouté cette caution ; car cette caution est une garantie réelle pour tous les citoyens.

Il y a plus : d'après les calculs que j'ai faits, en ne fixant pas cette caution à une forte somme, cela pourrait produire à l'Etat 7 à 8 millions. Jugez de quelle utilité serait cette somme pour l'Etat, alors qu'il ne trouve que difficilement à remplacer les bons du trésor. Cette somme pouvait servir à l'Etat dans toutes ses spéculations financières, c'était un moyen facile pour lui de se procurer des fonds, fonds qui se donnaient à l'avantage du bien-être général.

Je ne suis pas surpris, messieurs, qu'on n'ait pas songé à cette caution dans le premier projet. Il faut le dire franchement, c'était une loi électorale qu'on proposait, c'était un appel qu'on faisait aux électeurs. D'un côté on paraissait favoriser les notaires cantonaux, de l'autre on leur nuisait en en augmentant le nombre. On leur retirait d'une main ce qu'on leur donnait de l'autre.

J'ajouterai un dernier mot : j'ai vérifié, en section centrale, que deux sections seulement avaient examiné à fond le projet, que les quatre autres n'en avaient fait qu'un examen très superficiel, et parmi elles se trouve celle qui m'a envoyé à la section centrale ; car elle s'est bornée à me charger de la représenter.

M. le président. - Je prierai les orateurs de ne pas entrer dans la question du fond. Il ne s'agit que d'une question préalable : Discutera-t-on immédiatement, oui ou non ?

M. Verhaegen. - Je viens appuyer la proposition qui a été faite par mon honorable ami M. Castiau.

Messieurs, on ne peut pas se le dissimuler, le projet que nous avons à discuter dans ce moment est une véritable mosaïque ; il y a du Lebeau, il y a du d'Anethan, il y a de la section centrale, il y a du de Haussy. Qu'allons-nous faire de tout cela ? Et je m'explique :

Il est très dangereux, messieurs, de faire des lois improvisées à la chambre. Dans d'autres pays on a des corps qui préparent les projets de lois ; chez nous, nous n'avons que des sections et une section centrale. C'est là seulement qu'on peut élaborer les projets, les examiner, les coordonner ; et il nous est arrivé très souvent, j'en appelle à vos souvenirs, que lorsque nous avons voulu faire du neuf dans la chambre même, nous n'avons fait, je regrette de le dire, que du mauvais et du très mauvais, parce qu'enfin, quelles que soient les capacités, il faut au moins que ces capacités aient le temps de la réflexion.

Messieurs, on vous l'a dit, plusieurs questions importantes surgissent à la suite de tous ces projets. Mon honorable ami, M. Castiau, en invoquant une nomenclature de dispositions rappelées dans un journal du matin, vous disait qu'un grand nombre de différences étaient à signaler et entre le premier projet, et entre celui de la section centrale, et entre celui que nous présente le ministère actuel. Or, les sections n'ont eu à se prononcer que sur un seul de ces systèmes, et vous venez d'apprendre, par la bouche de l'honorable rapporteur lui-même, de quelle manière les sections ont procédé à cet examen. Il y en a deux qui se sont sérieusement occupées de la question. Les autres n'en ont rien fait. Et cependant, messieurs, il s'agit d'une des questions les plus importantes que nous puissions agiter dans les circonstances actuelles. Pour refaire une loi telle que la loi de ventôse sur le notariat, il ne faut pas y aller à la légère ; il faut avoir mûrement réfléchi et coordonné tous les systèmes.

Messieurs, il y a pour le renvoi en sections une considération importante. S'il est vrai que le projet présenté par le gouvernement a été une loi électorale, que l'on consulte donc aujourd'hui le produit de l'élection du 8 juin ; car enfin, messieurs, depuis le 8 juin il y a un changement complet dans cette enceinte. Il y a ici 26 membres nouveaux ; c'est le quart de la chambre. Il me semble que si l'on veut avoir égard aux convenances et rentrer dans le véritable système représentatif, il faut consulter ces 26 membres nouveaux par le renvoi en sections ; alors les autres membres qui ne se sont pas occupés de la question, pourront l'examiner également, et tous pourront se prononcer en pleine connaissance de cause. Aujourd'hui, l'attention de tout le monde est appelée sur cette question importante ; des documents sans fin nous ont été soumis, et nous avons compris que la question doit être sérieusement examinée. Il serait donc du devoir de chacun de nous de se rendre dans les sections pour s'occuper de cet objet avec tout le soin qu'il mérite.

Je pense, messieurs, que l'honorable ministre de la justice n'est pas tout à fait dans le vrai, quand, il prétend qu'il s'est, en quelque sorte, rallié au travail de la section centrale. Il suffit de comparer les deux projets entre eux pour voir qu'ils diffèrent considérablement. Il est vrai que, quant à la question du ressort, M. le ministre a adopté les propositions de la section centrale, sauf, cependant, qu'il reste encore un point dans le vague et qui a besoin d'être éclairci ; mais il est d'autres questions importantes sur lesquelles les membres qui composent actuellement cette assemblée auraient à s'expliquer et peut-être à prendre l'initiative dans les sections.

Il y a, par exemple, ces deux questions dont vous a parlé mon honorable ami M. Castiau, celle qui est relative à la vénalité des offices et celle qui est relative aux présentations de candidats à faire par les procureurs généraux. Qu'a répondu à cet égard l'honorable M. d'Anethan, prédécesseur de l'honorable M. de Haussy ? Il a dit : Ces questions n'ont pas été examinées, parce que personne ne les a soulevées au sein des sections. Eh bien, messieurs, je crois que cet aveu suffit pour vous démontrer la nécessite de renvoyer toute l'affaire aux sections.

Il y a, messieurs, un autre point, sur lequel j'appelle l'attention de tous les membres de la chambra. D'après M. le ministre de la justice lui-même, il y a dans les propositions une idée radicalement neuve, c'est-à-dire qui est radicalement neuve quand on la met en rapport avec les différents projets successivement soumis à la législature ; mais uni n'est pas radicalement neuve en ce sens, qu'on n'en aurait jamais parlé jusqu'à présent ; car il en est fait mention dans un mémoire émané des mêmes notaires qui viennent de nous adresser une nouvelle requête. Je veux parler du jury (page 823) d'examen. Eh bien, messieurs, n'y eût-il que cette seule question, elle est digne de fixer toute votre attention. On nous annonce un projet de loi sur le jury d'examen pour l'enseignement supérieur, et j'espère que nous serons bientôt saisis de ce projet. Or cette question est très grave, elle soulève des principes sur lesquels la chambre peut encore être divisée : c'est même une question politique, et vous allez la trancher incidemment par la loi sur le notariat. Ne perdez pas de vue, messieurs, que les notaires, dans le mémoire dont il vous a été donné lecture, comparent le jury pour le notariat au jury pour les lettres, au jury pour le droit, au jury pour la médecine, au jury pour les sciences, etc.

Eh bien, comment ce jury pour le notariat sera-t-il nommé ? et lorsque vous aurez résolu cette question n'aurez-vous pas préjugé jusqu'à un certain point le mode de nomination du jury universitaire ? Abandonnerez-vous entièrement cette nomination au gouvernement ? J'ai certes une grande confiance dans les membres qui siègent au banc des ministres, mais les ministres changent, souvent malgré eux-mêmes et malgré ceux qui les soutiennent ; il faut donc examiner la question non pas seulement pour le présent, mais aussi pour le futur. Pour le jury universitaire cette question sera examinée par les sections et par la section centraient pour le notariat vous voulez la décider sans que les sections s'en soient occupées.

Voici, messieurs, les propositions qui vous sont faites par le gouvernement quant au jury pour le notariat.

« Des jurys, siégeant à Bruxelles, Gand et Liège, feront les examens et délivreront les diplômes de capacité.

« Chaque jury sera composé de trois professeurs pris dans les universités, de deux magistrats ou avocats et de deux notaires.

« Il se réunira une fois par année.

« Un arrêté royal déterminera l'époque, les matières et la forme de l'examen, la rétribution à payer par le récipiendaire, et l'indemnité à laquelle auront droit les membres du jury. »

Ainsi, messieurs, tout est abandonné au pouvoir exécutif, et si vous posez cet antécédent pour le notariat, il n'y aura pas de motif pour ne pas abandonner également au gouvernement tout ce qui concerne le jury universitaire. Je n'entends pas m'occuper en ce moment du jury universitaire ; mais je signale ce point à la chambre pour lui faire voir que la question mérite une attention très sérieuse et que tout au moins il faut l'examiner en sections et puis en section, centrale. N'y eût-il que cette considération, elle suffit pour toutes les opinions de la chambre.

M. de Garcia. - Messieurs, un des principaux motifs qu'on fait valoir pour demander l'ajournement du projet de loi à l'ordre du jour, est tiré de ce que les sections n'auraient pas travaillé ce projet. Il faut convenir qu'une raison semblable pourrait encore se représenter, car il est à regretter que généralement les membres de cette assemblée ne se rendent pas avec plus d'exactitude au travail important des sections ; cette observation, trop fondée peut-être, constitue contre la chambre une véritable accusation.

Au surplus, ce n'est pas moi qui l'ai formulée, je ne veux pas l'aggraver, et je ne veux qu'une chose, la décliner en ce qui me concerne personnellement. Une autre considération a été développée pour demander l'ajournement, elle a été puisée dans la prétendue vénalité des fonctions de notaire. J'avoue que jusqu'à ce moment je ne puis m'expliquer la portée de cette objection. Dans l'esprit de tous ceux qui ont concouru au projet de loi actuel, soit sections, soit section centrale, soit gouvernement, la vénalité des fonctions de notaire a été considérée comme évidemment proscrite. S'il manque une pénalité, une sanction pour prévenir ce fait ou cet abus, cette lacune pourra se combler facilement et faire l'objet d'un amendement.

Si la loi actuelle laisse quelque chose à désirer sous ce rapport, je déclare d'avance que j'appuierai toutes les propositions qui auront pour but de prévenir des irrégularités de cette nature.

Une autre considération a été encore présentée par l'honorable M. Castiau, à l'appui de sa proposition d'ajournement. Cette considération mérite, je le reconnais tout de suite, l'attention de la chambre : c'est celle relative au nombre de notaires. L'honorable membre craint que le projet de loi actuel ne soit un moyen de corruption. La création des notariats lui semble nager dans un cercle trop élastique.

Eh bien, à cet égard on pourra encore présenter un amendement. Je redoute autant que l'honorable membre toutes les mesures qui peuvent avoir ce résultat, et personnellement je désire bien sincèrement que le projet de loi actuel détermine d'une manière précise le nombre des notaires qui pourront être nommés, et si, par le concours de circonstances qu'on ne peut prévoir, ce nombre devient insuffisant, je désire qu'il ne puisse être augmenté que par une loi.

Cette pensée peut encore, je crois, se réaliser par un amendement. Pour appuyer la proposition d'ajournement, l'honorable M. Castiau a présenté une autre considération appartenant à un ordre d'idées nouvelles. Suivant l'honorable membre, les notaires sont des fonctionnaires publics qui ont le privilège immense de l'authenticité. D'un autre côté, ces fonctionnaires exerceraient une industrie, une profession mercantile, en ce qu'ils reçoivent le salaire de leur travail. L'honorable membre, si je l'ai bien compris, regarde ce double caractère, comme constituant une position fausse.

Il n'a pas conclu, au moins directement, mais il me semble résulter de son argumentation, qu'il faudrait supprimer les honoraires des notaires et les salarier aux frais du trésor comme tous les autres fonctionnaires publics.

Quant à moi, je le déclare, jamais je ne donnerai mon assentiment à ce système nouveau. Nous avons besoin d'économies. Créer cette nouvelle classe de fonctionnaires, ce serait élargir le gouffre des dépenses devant lequel se trouve le pays. Aussi ai-je la conviction que l'honorable M. Castiau n'a pas sérieusement présenté cette idée, qui ne cadre pas avec les désirs d'économie dont il entretient souvent la chambre. Sous aucun rapport, donc, cette considération ne peut aboutir à faire ajourner l'examen du projet de loi.

Une dernière et très forte considération a été présentée par l'honorable M. Verhaegen ; elle consiste à dire : La chambre va trancher incidemment la question de la nomination des jurys. Cette objection est grave, et serait tout à fait fondée à mes yeux, si l'amendement nouveau présenté par l'honorable ministre de la justice devait être adopté. Je le reconnais de suite, si je partageais la pensée formulée dans l'amendement de M. le ministre de la justice et si je pensais qu'on dût l'admettre, je demanderais aussi l'ajournement. Dans l'opinion où je suis, qu'il ne peut être accueilli, je n'y vois aucun motif d'ajournement. La question soulevée par cet amendement n'a pas échappé à l'attention de la section centrale. Elle s'est sérieusement occupée, mais elle a rejeté l'idée de la formation d'un jury dans le sens de l'amendement qui vous est présenté par le gouvernement.

La section centrale vaut un jury, mais ce jury trouverait tous ses éléments dans la loi sans l'intervention du gouvernement. S'il s'agissait d'admettre le jury que propose M. le ministre, j'avoue que cela aurait une importance immense...

M. Verhaegen. - La majorité peut adopter le système rejeté par la section centrale.

M. de Garcia. - Honorable collègue, je vous prie de ne pas m'interrompre ; cette majorité ne pourra que vous être favorable ; vous la connaissez ; vous ne devez pas avoir d'inquiétude à cet égard. Quant à moi, je me soumettrai aux décisions de la majorité, et je ne lui adresserai jamais le reproche qu'on a si souvent prodigué à la majorité ancienne.

D'après ces considérations, je voterai contre l'ajournement.

- La clôture de la discussion sur la motion d'ordre de M. Castiau est prononcée.

On demande l'appel nominal sur la motion d'ordre.

Il est procédé à cette opération.

67 membres ont pris part à l'appel nominal.

33 membres ont répondu oui.

33 ont répondu non.

1 membre (M. de La Coste) s'est abstenu. En conséquence, la motion d'ordre n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MVI. Eenens, Henot, Herry-Vispoel, Jonet, Lange, Lesoinne, Loos,. Lys, Maertens, Manilius, Moreau, Osy, Pirmez, Sigart, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Van Cutsem, Van Renynghe, Verhaegen, Anspach, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans, Castiau, David, da Bonne, de Brouckere, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, Delehaye, de Man d'Attenrode, Destriveaux.

Ont répondu non : MM. du Roy de Blicquy, Eloy de Burdinne, Frère-Orban, Lejeune, Mercier, Orban, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Tremouroux, Vandensteen, Wallaert, Zoude, Bruneau, Clep, d'Anethan, de Baillet-Latour, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, de Foere, de Garcia de la Vega, de Liedekerke, de Meester, de Muelenaere, Desaive, de Theux, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumont et Liedts.

M. le président. - M.de La Coste est invité à énoncer les motifs de son abstention.

M. de La Coste. - Je n'ai pas voulu m'opposer à ce que la chambre s’occupât des points qui ont été suffisamment examinés et sur lesquels le gouvernement l’appelle à se prononcer ; mais d’un autre côté, je partage l’opinion de l’honorable M. Verhaegen quant au grand inconvénient qu’il y aurait à traiter incidemment la question du jury d'examen telle qu'elle est posée dans les amendements de M. le ministre. J'aurais donc désiré que cette question fût disjointe, et comme elle demeure comprise dans la discussion qui va s'ouvrir, j'ai cru devoir m'abstenir.

Projet de loi portant retrait de la disposition relative au fractionnement des collèges électoraux

Dépôt

Projet de loi Loi relatif à la nomination du bourgmestree en dehors du conseil communal

Dépôt

Projet de loi introduisant les capacitaires dans les listes officielles

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer par ordre du Roi trois projets de loi.

Le premier a pour objet de faire cesser les effets de la loi du fractionnement ; le deuxième a pour objet d'attribuer la nomination du bourgmestre en dehors du conseil, de l'avis conforme de la députation provinciale ; le troisième projet a pour objet d'introduire dans les listes électorales les capacités officiellement constatées et reconnues aptes à faire partie du jury.

Si la chambre le désire, je lui donnerai lecture des projets de loi et même des exposés des motifs.

Plusieurs voix. - Oui ! oui !

D'autres voix. - L'impression !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'exposé des motifs est très court pour les projets de loi modifiant la loi communale ; il est un peu plus développé quant au projet qui concerne l'adjonction des capacités.

(page 824) Plusieurs voix : Les projets !

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Voici les projets de loi.

- M. le ministre donne lecture de ces différents projets.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des projets de loi dont il vient de donner lecture ; ces projets et les exposés de motifs qui les accompagnent seront imprimés et distribués aux membres et renvoyés à l'examen des sections.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les circonstances ne comportent pas seulement des projets de lois politiques ; l'intention déjà exprimée par le cabinet de saisir la chambre d'un projet de loi d'intérêt matériel sera réalisée d'ici à quelques jours. En l'absence de travaux dans les sections et pour procéder avec ordre, nous avons pensé qu'il était opportun de saisir la chambre de trois projets de lois politiques.

Ces projets pourront être examinés immédiatement dans les sections ; je ne pense pas qu'ils doivent donner lieu à de longs débats.

Le projet de loi d'intérêt matériel, qui vous sera soumis d'ici à quelques jours, pourra ensuite être examiné dans les sections sans préoccupations de projets de lois politiques.

Je prierai donc M. le président de soumettre la plus tôt possible les projets que je viens de présenter à l'examen des sections.

Un quatrième projet, introduisant des modifications à la loi communale, devra être aussi soumis à la chambre. D'ici à quelque temps, un cinquième projet de loi, concernant le jury universitaire, devra aussi faire l'objet des délibérations de la chambre. Je ne puis qu'engager la chambre à hâter l'examen des projets que je viens de déposer.

M. de Brouckere. - Je me permettrai d'émettre le désir que le projet de loi sur le jury d'examen soit présenté dans un délai assez rapproché, car la loi doit être votée avant le 8 avril, et il me semble convenable qu'entre le jour de la présentation du projet et celui où nous nous livrerons à son examen, les opinions du dehors aient eu le temps de se produire, de se faire jour. On ne peut pas se dissimuler que de grands intérêts sont engagés dans cette question, il faut qu'ils puissent se défendre. Je prends la liberté d'insister pour que la présentation du projet ait lieu prochainement. Mon intention était de faire une motion à ce sujet ; j'en avais prévenu M. le ministre des finances en l'absence de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - M. le ministre des finances ne m'a pas fait part du projet qu'avait l'honorable préopinant de m'interpeler, c'est donc tout spontanément que je viens de vous annoncer la prochaine présentation du projet de loi sur le jury universitaire. Mais j'ignore quels sont les intérêts auxquels l'honorable membre a fait allusion. Je ne connais dans cette question qu'un grand intérêt, un intérêt national, un intérêt constitutionnel ; quant aux autres, je ne les aperçois pas ; et pour celui-là le gouvernement et les chambres sont les seuls juges à consulter.

Projet de loi organisant le notariat

Discussion générale

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Dans une séance précédente, l'honorable M. d'Anethan a demandé la production de divers documents qu'il a indiqués dans une note qu'il m'a fait remettre ; j'ai l'honneur de déposer ces renseignements en faisant observer qu'ils sont nécessairement incomplets, et qu'il ne m'a pas été possible de me procurer tous ceux mentionnés dans cette note.

Messieurs, je crois utile, au début de cette discussion, de présenter quelques observations dans le but de justifier les amendements que le gouvernement a cru devoir présenter au projet qui vous est soumis et ceux de la section centrale, auxquels il a cru devoir se rallier.

Trois questions principales dominent tout le projet de loi d'organisation du notariat. Ces questions sont celles qui ont pour objet le ressort des notaires, le nombre et les conditions de capacité, c'est-à-dire le stage et l'examen. Les autres dispositions du projet ne concernent que des points de détail et d'un ordre tout à fait secondaire. Celles que je viens d'indiquer sont les dispositions essentielles et capitales. Je pense même que lorsque la chambre aura fermé la discussion générale, elle fera bien de voter d'abord sur ces questions comme sur des questions de principe, afin d'accélérer et de simplifier la marche de la discussion des articles.

Je m'occuperai d'abord de la question du ressort, la plus importante du projet ; elle a, comme vous le savez, divisé en deux camps tous les notaires du pays.

La première loi qui a organisé en France le notariat est celle du 29 septembre 1791, et cette loi attribuait pour ressort aux notaires toute l'étendue du département dans lequel ils avaient leur résidence. Cette loi a été publiée en Belgique quelques années après. Elle y est restée en vigueur jusqu'à la publication de la loi, du 25 ventôse an XI. Cette dernière loi qui nous régit depuis bientôt 45 ans est le code organique du notariat.

Vous savez, messieurs, qu'elle établit trois catégories de notaires : les notaires domiciliés au chef-lieu de la cour d'appel, qui ont le droit d'instrumenter dans tout le ressort de cette cour ; les notaires des chefs-lieux d'arrondissement qui peuvent instrumenter dans tout le ressort de l'arrondissement judiciaire ; enfin les notaires cantonaux, dont le ressort est circonscrit par les limites de la justice de paix où ils ont leur résidence.

Cette classification a provoqué, dès son origine, de nombreuses réclamations de la part des notaires cantonaux qui se considérèrent comme victimes d'un injuste privilège.

En 1834, lorsque l'honorable M. Lebeau occupait le département de la justice, les plaintes se renouvelèrent avec beaucoup de vivacité. Il pensa que le moment était venu d'y faire droit. Il saisit donc l'occasion de la loi de circonscription cantonale dont il présenta le projet à la chambre pour proposer de modifier la loi du 25 ventôse sur deux points importants, le ressort et le nombre des notaires.

Le projet de 1834 proposait la suppression de la troisième classe des notaires et le maintien des deux premières classes. Le privilège des notaires des cours d'appel était donc maintenu par ce projet. Les deux autres classes étaient réunies, et les notaires d'arrondissement et de canton auraient pu désormais instrumenter dans tout le ressort de l'arrondissement judiciaire.

Une commission nombreuse fut chargée d'examiner ce projet de loi. L'honorable M. Schaetzen en fut nommé le rapporteur ; son rapport a été déposé le 10 février 1835. Cette commission proposait la suppression des trois classes de notaires établies par la loi du 25 ventôse, et l'unité du ressort par arrondissement judiciaire. Cependant elle faisait deux exceptions : elle accordait aux notaires établis au chef-lieu d'arrondissement le droit exclusif d'instrumenter dans la commune du chef-lieu. Ensuite, elle accordait aux notaires des cours d'appel la faculté d'instrumenter en dehors du ressort de la cour, lorsque, sur la demande des parties intéressées, ils auraient obtenu une autorisation spéciale de la cour.

Ce projet de loi n'a pu être discuté à cause des nombreux travaux dont la chambre était alors surchargée. Cependant, en 1838, le ministère de cette époque, sollicité par de nombreuses réclamations, fit de nouveaux efforts afin que la chambre s'en occupât ; et même le discours du trône, à l'ouverture de la session de 1838-1839, signala ce projet de loi comme un de ceux qui présentaient un caractère spécial d'urgence et d'opportunité, et qui réclamaient toute la sollicitude de la chambre. Malgré cette invitation solennelle, la discussion du projet ne fut pas abordée. Ce n'est qu'en 1846 que mon honorable prédécesseur crut le moment venu de s'en occuper. Mais au lieu de maintenir le projet de loi de 1834, qui ne contenait que quelques dispositions sur les deux points les plus essentiels, savoir : le ressort et le nombre des notaires, il pensa, et avec raison selon moi, qu'il fallait saisir cette occasion de réviser la loi du 25 ventôse an XI, de réorganiser le notariat sur des bases solides et définitives. L'honorable M. d'Anethan présenta donc, le 17 mai 1846, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à la discussion.

Ce projet propose, pour ressort uniforme, l'arrondissement judiciaire ; et repousse l'exception en faveur des notaires domiciliés au chef-lieu, qui avait été admise par la commission de 1835.

J'observe que le projet de 1846 ne contient aucune exception, aucun privilège. Car la faculté d'instrumenter au dehors du ressort de l'arrondissement judiciaire qui peut être accordée par la cour d'appel à la demande des parties intéressées, est ouverte à tous les notaires, sans distinction d'ordre ni d'origine.

Ce projet fut renvoyé aux sections et ensuite à la section centrale, dont l'honorable M. Lys est le rapporteur.

L'honorable M. Lys a déposé son rapport le 20 mars 1847 et la section centrale ou au moins la majorité de cette section, a reproduit le système de la commission de 1835 en ce qui concerne le ressort, c'est-à-dire, qu'elle propose l'unité de ressort par arrondissement judiciaire a l'exception de la commune du chef-lieu qui est réservée aux notaires qui y ont leur résidence. Quant à la faculté qui peut être accordée par la cour, elle peut l'être encore à tous les notaires sans distinction. Ainsi sous ce rapport pas de privilège.

Le gouvernement, messieurs, a cru devoir se rallier à la proposition de la section centrale et c'est cette proposition que nous devons justifier.

D'abord, messieurs, je ferai observer que le système des catégories ou la classification établie par la loi de l'an XI ne paraît pas pouvoir être maintenue. Ce système ne peut se justifier par aucune raison solide. Les orateurs du gouvernement qui ont essayé de le défendre, n'ont produit en sa faveur que des raisonnements très faibles ; telle est l'impression qui résulte des discours qui ont été prononcés à cette époque, soit au corps législatif soit au tribunal.

En effet, messieurs, quel sont les arguments qui ont été produits pour justifier celle classification de la loi de ventôse ? On a prétendu qu'il fallait mettre en harmonie l'organisation judiciaire et l'organisation du notariat. On a prétendu qu'il fallait établir trois catégories de notaires comme on avait établi des trois tribunaux de ressorts différents. En un mot on a voulu une hiérarchie notariale analogue à la hiérarchie judiciaire.

Messieurs, cette analogie n'existe pas en réalité. Dans l'ordre judiciaire comme dans l'ordre administratif on conçoit qu'il puisse y avoir une hiérarchie, parce qu'il y a des autorités de différents degrés, de divers rangs et qui sont subordonnés les uns aux autres.

Mais dans le notarial cela ne peut exister. Il ne peut y avoir de hiérarchie notariale. Les notaires sont indépendants les uns des autres ; ils sont soumis à la même institution ; ils ont tous la même origine ; ils exercent les mêmes attributions, ils sont soumis également à la même discipline, aux mêmes conditions d'examen de moralité et de capacité, à la même responsabilité. En un mot les conditions sont égales pour les notaires de tous les rangs, de toutes les catégories.

(page 825) Il n'y a donc réellement aucun motif qui puisse justifier sous ce rapport le système de classification de la loi du 27 ventôse.

A entendre les partisans du système de la loi de ventôse, il semblerait que les notaires des trois classes sont respectivement en rapport avec les tribunaux, dans les ressorts desquels ils exercent leurs fonctions. Mais, messieurs, c'est ce qui n'existe pas. Les notaires des cours d'appel n'ont aucun rapport ou n'ont que des rapports très éloignés avec les cours d'appel dans le chef-lieu desquels ils sont domiciliés. Il en est de même des notaires cantonaux pour les justices de paix dans lesquelles ils ont leur résidence.

Au contraire, les notaires de toutes les classes ont des rapports continuels, journaliers, pour ainsi dire avec les tribunaux de première instance siégeant aux chefs-lieux des arrondissements judiciaires. Ainsi, les notaires prêtent serment devant les tribunaux ; ce sont les présidents de ces tribunaux qui légalisent leur signature ; c'est au greffe de ces tribunaux qu'ils font le dépôt de leur répertoire ; ce sont les présidents de ces tribunaux qui sont chargés de la taxation des honoraires, lorsqu'il s'élève des difficultés entre eux et les parties ; ce sont enfin ces tribunaux qui exercent sur tous les notaires de leur ressort la discipline établie par la loi, et qui prononcent, s'il y a lieu, la suspension ou la destitution. Je laisse de côté une foule d'autres attributions qui toutes sont exercées vis-à-vis du notariat par les magistrats du siège de l'arrondissement dans lequel les notaires exercent leurs fonctions.

Ajoutez à cela que c'est au chef-lieu d'arrondissement que siège la chambre des notaires, que se trouvent le bureau des hypothèques, le bureau des consignations, en un mot, toutes les institutions avec lesquelles les notaires ont des rapports fréquents et continuels.

Ainsi, messieurs, non seulement il n'existe dans l'organisation judiciaire aucun motif pour justifier la division des classes établie par la loi du 25 ventôse an XI ; mais nous croyons, au contraire, que de nombreux motifs existent pour faire cesser ce privilège et pour établir l'uniformité des fonctions en déterminant-pour ressort unique l'arrondissement judiciaire.

Nous pourrions ajouter, messieurs, que ce système de privilège est contraire à l'esprit de nos institutions, au principe de l'égalité devant la loi qui doit dominer toutes nos institutions, lorsque l'intérêt public n'exige pas qu'il y soit dérogé. Or, ici quelles sont les exigences de l'intérêt public ? Je crois que ce que l'intérêt public demande, c'est d'avoir un cercle assez large dans lequel les particuliers puissent choisir des notaires qui méritent leur confiance et certes, le nombre des notaires, dans certains cantons, est tellement restreint qu'il est quelquefois impossible que les particuliers puissent y faire un choix en rapport avec leurs intérêts.

On me dira peut-être, que dans ce système il faudrait déterminer un ressort plus étendu encore, qu'il fallait par exemple maintenir le système de la loi de 1791 ; mais, messieurs, tout principe a ses limites, le système de la loi de 1791, qui établissait pour ressort l'arrondissement judiciaire, ce système allait, je pense, beaucoup trop loin ; il pouvait y avoir des inconvénients dans un ressort aussi étendu : la trace des actes pouvait disparaître, cela pouvait jusqu'à un certain point donner lieu à la fraude.

Il n'en est pas de même du ressort par arrondissement, qui est beaucoup plus circonscrit et qui est d'ailleurs sous le contrôle des magistrats du tribunal du chef-lieu.

Sous le régime de la loi de ventôse il y aurait 2 notaires au moins, et 5 au plus si la proposition de la section centrale ou du gouvernement était admise, quant au nombre des notaires il n'y aurait dans certains cantons qu'un seul notaire et dans un plus grand nombre il n'y en aurait que deux ; il serait donc impossible si l'on maintenait le système actuel, que les habitants de ces cantons pussent avoir un notaire à leur choix, en effet, dans plusieurs cantons ils ne pourraient choisir qu'entre deux notaires et dans quelques-uns ils n'auraient pas de choix du tout.

On répondra que les habitants de ces cantons auraient, dans ce cas, la faculté d'appeler les notaires du chef-lieu, mais, messieurs, cela ne peut pas toujours se faire ; l'éloignement y met souvent obstacle ; il peut y avoir urgence pour certaines affaires, par exemple pour les testaments ; ensuite cela entraîne de frais beaucoup plus considérables. Ainsi la faculté d'appeler un notaire du chef-lieu ne remédierait pas complètement à l'inconvénient que je viens de signaler.

Mais, messieurs, le grand argument des partisans du statu quo, c'est-à-dire du système des trois classes, établi par la loi de ventôse, c'est la concurrence effrénée que les notaires de canton vont faire aux notaires du chef-lieu de l'arrondissement. Il semblerait que dès que le ressort sera commun, les notaires de canton vont quitter leur résidence, pour se rabattre sur celle de leurs voisins, qu'ils vont, en un mot, se transformer en notaires errants et vagabonds, comme on prétend qu'ils l'étaient sous le régime de la loi de 1791, ce que je crois complètement inexact ou au moins considérablement exagéré. D'abord, messieurs, si cette concurrence était à craindre, si ce vagabondage des notaires devait être le résultat du nouveau système proposé, je demanderai pourquoi cet inconvénient ne se présente pas dans le système actuel, où les notaires des cours d'appel ont la faculté d'instrumenter dans toute l'étendue du ressort de la cour, où les notaires d'arrondissement peuvent instrumenter dans toute l'étendue de l'arrondissement, tandis que les notaires de troisième classe ne peuvent pas sortir des limites de leur canton. Cependant l'expérience n'a signalé aucun danger de ce genre.

Un notaire, messieurs, qui ne peut obtenir chez lui, dans sa résidence officielle, la considération publique, qui ne peut pas s'y former une clientèle avantageuse, ne parviendra pas à former cette clientèle au dehors ; ce n'est pas en s'éloignant de sa résidence qu'il pourra trouver la confiance qui lui manque chez lui. Sans doute, messieurs, il pourra résulter de cette innovation une certaine concurrence, mais ce sera, je pense, une concurrence utile, une concurrence honnête, une concurrence d'instruction et de probité. Les notaires chercheront à obtenir la confiance des clients, à étendre leur clientèle par leur talent et leur probité, et cette concurrence, loin d'avoir à la craindre, je crois qu'il faut bien plutôt la désirer. S'il en résulterait d'ailleurs une réduction dans le taux des honoraires, je ne crois pas, messieurs, que ce serait un grand mal ; je crois, au contraire, que le public y trouverait encore un avantage très appréciable. Au surplus, messieurs, les inconvénients de la concurrence disparaîtraient au moyen de l'exception établie par l'amendement de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié et qui consiste, comme vous le savez, à réserver aux notaires domiciliés au chef-lieu, la faculté d'y instrumenter, à l'exclusion des autres notaires de l'arrondissement. On peut objecter que c'est là une dérogation au principe de l'unité du ressort, que je viens de préconiser ; mais la chambre ne perdra pas de vue qu'il n'y a point, en matière de législation, non plus qu'en toute autre matière, de principe absolu et qu'il faut souvent admettre un moyen de transaction entre deux systèmes exclusifs. C'est sous ce rapport que l'amendement de la section centrale me paraît pouvoir être adopté ; il est une espèce de terme moyen entre la loi de ventôse et le système uniforme du projet primitif du gouvernement.

Je ferai observer encore, messieurs, qu'il existe dans le projet une disposition très sévère sur les infractions aux règles de la résidence, et si les tribunaux, comme on ne peut pas en douter, tiennent la main à l'exécution de cet article, ces infractions seront très rares, et les notaires s'abstiendront de provoquer l'action du ministère public, qui sévirait contre eux s'ils venaient à enfreindre les règles dont il s'agit.

Il est un autre système qui s'est produit depuis quelque temps dans la presse et qui a même été présenté comme préférable aux autres, par un honorable membre de la section centrale ; je veux parler du système cantonal, de celui qui restreindrait le ressort de tous les notaires sans exception, aux cantons de justice de paix où ils auraient leur résidence. Quant à moi, je ne pourrais pas me rallier à ce système : je crois qu'il mécontenterait tout le monde et qu'il ne satisferait personne. Il ne satisferait pas les notaires cantonaux qui, depuis longtemps, ont compté sur une extension de ressort et sur la suppression d'un privilège contre lequel ils ont réclamé depuis de longues années. Il ne satisferait pas les notaires du chef-lieu de l'arrondissement judiciaire, qui verraient leur clientèle considérablement amoindrir par l'impossibilité où ils se trouveraient d'instrumenter en dehors des cantons du chef-lieu.

Les mêmes motifs indiquent assez que ce système ne plairait pas davantage aux notaires des cours d'appel, tandis que le système de l'arrondissement judiciaire ne peut leur occasionner aucun préjudice notable. En effet, si vous voulez, messieurs, jeter un coup d'œil sur le tableau annexé au rapport de la section centrale, vous verrez pour ce qui concerne les notaires de Bruxelles, qu'année commune, tous ensemble, au nombre de 20, ne font que 50 actes en dehors des limites de l'arrondissement de Bruxelles ; ce qui fait précisément 2 1/2 actes par notaire. Le dommage qui peut résulter pour les notaires de Bruxelles de la suppression de ce privilège, est donc tout à fait insignifiant.

Je pense que le système cantonal ne pourrait surtout être adopté avec la disposition qui fixe le maximum du nombre des notaires à raison d'un notaire par 3,500 ou 4,000 habitants ; car, comme j'ai déjà eu l'honneur de le faire observer, il y aurait des cantons où il n'y aurait qu'un ou deux notaires au plus : il est évident que cela est insuffisant pour satisfaire aux besoins des populations et que l'intérêt public aurait à en souffrir.

J'arrive à ce qui concerne le nombre des notaires.

Messieurs, vous savez que, depuis le système de la loi du 25 ventôse, le maximum des notaires est fixé à 5 par canton de justice de paix et le minimum à deux. Il y a cependant une disposition spéciale pour les villes de 100,000 habitants et plus. Là, le nombre doit être fixé à raison d'un notaire au plus pour 6 mille habitants.

Par le projet de 1834, l'honorable M. Lebeau proposait un notaire au plus pour 2,500 habitants et au moins pour 5,000 habitants. Ces chiffres furent modifiés par la commission dont M. Schaetzen était rapporteur. Cette commission avait divisé sous ce rapport les provinces en deux catégories. En 1846, mon honorable prédécesseur présenta d'abord un projet qui adoptait les deux catégories de provinces, indiquées dans le rapport de la commission de 1835 ; mais plus tard, et d'accord avec la section centrale, il adopta les chiffres actuels, c'est-à-dire 3,500 pour le maximum et 6,000 pour le minimum. Ce sont ces chiffres que nous proposons de modifier, quant au maximum seulement, en l'élevant à 4,000, c'est-à-dire que le nombre des notaires ne pourrait être de plus d'un notaire pour 4,000 habitants.

Nous pensions, messieurs, que cette disposition doit être très agréable au notariat, puisqu’elle tend à diminuer d’un huitième le nombre des notaires qu'il aurait été possible de nommer en Belgique d’après le projet primitif, et ce nombre, suivant la proposition actuelle, aurait pu s'élever de 12 à 1,300.

(page 826) Pour déterminer le nombre des notaires, on peut adopter différentes bases. D'abord le chiffre de la population ; ensuite, le nombre d'actes, et aussi les distances ou l'étendue du territoire.

Je pense que la première base est la seule qui peut être raisonnablement adoptée. C'est d'après le chiffre de la population que se déterminent communément le nombre et l'importance des affaires. Je sais bien que dans certaines provinces, dans certaines villes, les affaires ont une plus grande importance et qu'elles sont plus lucratives, à raison du plus grand développement de la richesse publique.

Mais en règle générale et quant au nombre d'actes, c'est le chiffre de la population, qui en détermine ordinairement la progression.

Nous pensons donc, messieurs, que cette base serait excessivement arbitraire et qu'elle ne peut pas être adoptée. Sous ce rapport, nous ne pouvons donc pas nous rallier à l'amendement qui avait été présenté par la section centrale et qui consistait à augmenter le nombre des notaires, lorsque le chiffre des actes reçus dans un canton donnerait une moyenne de 200 actes par notaire.

Si l'on adoptait cette base, il faudrait, quand le nombre des actes viendrait à diminuer, réduire le nombre des notaires, et il n'y aurait plus rien de stable ; tandis que le chiffre de la population est un élément beaucoup moins variable, puisque les recensements officiels se font à des époques assez éloignées et que dès lors, sous ce rapport, il y aura plus de fixité.

Quant à l'étendue du territoire et aux distances, cette base ne peut pas davantage être adoptée. Là où les populations sont disséminées sur un vaste territoire, c'est ordinairement que la propriété a peu de valeur, c'est que les affaires y sont peu nombreuses, et il serait impossible, si l'on y augmentait le nombre des notaires, qu'ils puissent y vivre honorablement. Nous croyons donc qu'il faut également abandonner cette dernière base.

D’ailleurs, je ferai observer que, si l'on adopte l'arrondissement judiciaire pour ressort, la faculté qu'auront tous les particuliers de choisir leurs notaires dans les cantons voisins ; cette faculté viendra diminuer les inconvénients qui pourraient résulter de la réduction du nombre dans les contrées où la population sera plus rare.

Nous croyons donc, messieurs, d'accord sur ce point avec la commission de 1835, qu'il est impossible d'adopter une autre base que le chiffre de la population pour déterminer le nombre de notaires.

Messieurs, je dirai quelques mots maintenant du troisième objet, de celui qui concerne le stage et l'examen. Quant au stage, nous proposons de le réduire à 3 ans au lieu de 5. Nous avons pensé que cette durée était suffisante, d'autant plus que les conditions de capacité seront renforcées au moyen des examens que nous proposons de faire subir aux aspirants au notariat devant le jury dont nous avons parlé. Cependant nous avons cru devoir proposer une exception, c'est-à-dire, la réduction du stage à une année en faveur des magistrats de l'ordre judiciaires et des docteurs en droit. Cette exception n'a pas besoin d'être justifiée.

Le gouvernement dans son premier projet avait proposé l'exemption de l'examen pour les fonctionnaires de l'ordre judiciaire et les docteurs en droit et l'exemption du stage pour fonctionnaires administratifs qui pourraient être promus aux fonctions du notariat, ainsi que pour les magistrats, les avocats et les avoués. Nous avons pensé et nous sommes à cet égard d'accord avec la section centrale, que ces exemptions n'étaient pas suffisamment justifiées ; qu'indépendamment des connaissances théoriques et juridiques des docteurs en droit et des membres de la magistrature, il fallait posséder la science notariale, qu'un examen pouvait être nécessaire sur ce point, comme nous avons pensé qu'on ne pouvait pas dispenser du stage les fonctionnaires administratifs qui en étaient exemptés par le premier projet, en ce sens qu'ils pouvaient compter comme stage leurs années de fonction ou de pratique.

Quant à l'examen, messieurs, il est inexact de dire que la section centrale fut hostile au jury ; elle a établi un véritable jury, mais un jury composé de trois notaires qui auraient été désignés par les chambres de discipline, et auxquels seraient venus se joindre le président et le procureur du roi du tribunal d'arrondissement. Ce jury nous a paru insuffisant et vous avez vu. messieurs, que les notaires de première et deuxième classe, dans-le mémoire dont nous vous avons donné un extrait tout à l'heure, provoquaient eux-mêmes des modifications sur ce point et à la loi de ventôse et au système de la section centrale. Nous avons donc pensé qu'il était convenable de former un jury composé comme le jury universitaire, comme les divers jurys devant lesquels comparaissent aujourd'hui ceux qui veulent obtenir un diplôme dans quelque faculté comme dans presque toutes les carrières ; nous avons pensé aussi qu'il était convenable de rapprocher ces jurys des aspirants au notariat, et de fixer leur siège au chef-lieu des cours d'appel, parce que là se trouveront des professeurs d'universités, des magistrats, des notaires émérites qui pourront faire partie des jurys et posséderont les connaissances théoriques et pratiqués nécessaires pour en faire partie. Cependant, si la chambre croyait qu’un jury central fût préférable aux trois jurys proposés, le gouvernement n'aurait aucune répugnance à se rallier à cette proposition, car il y a, je le reconnais, des raisons assez fortes à faire valoir en faveur d'un jury unique.

Je crois inutile de m'étendre davantage sur les autres dispositions moins importantes du projet qui vous est soumis. Les observations que j'aurai à présenter se produiront avec plus d'opportunité lors de la discussion des articles. Quant au jury, je dois faire une autre observation. C'est pour répondre à ce qu'a dit l'honorable M. Verhaegen, que nous préjugions une grave question, celle que doit soulever la loi qui sera prochainement présentée sur le jury universitaire. Je pense qu'il n'existe qu'une analogie extrêmement éloignée entre la question du jury universitaire et celle du jury que nous proposons pour l'admission au notariat. Ce jury serait plutôt comparable à celui que le gouvernement nomme pour la médecine vétérinaire et pour d'autres carrières pour lesquelles le droit du gouvernement à cet égard n'a jamais été contesté.

Les difficultés que peut soulever la nomination du jury universitaire ne peuvent donc pas se présenter pour la question du jury du notariat.

Pour nous résumer sur les trois points de la discussion dans laquelle je suis entré, je vous rappellerai, messieurs, que, d'accord avec la section centrale, nous proposons le ressort de l'arrondissement judiciaire en faisant une exception en faveur des notaires qui habitent la commune chef-lieu. Quant au maximum de la population pour déterminer le nombre des notaires, nous proposons de le fixer à quatre mille habitants au lieu de 3.500.

Quant aux conditions de capacité, nous modifions .la durée du stage et nous substituons au jury spécial proposé par la section centrale un jury constitué de la même manière que ceux que le gouvernement nomme chaque année pour les jeunes gens qui se destinent aux différentes carrières où l'examen eut nécessaire. Vous voyez que nous ne différons pas aussi essentiellement qu'on l'a prétendu avec la section centrale et que l'honorable M. Castiau a été un peu au-delà de la vérité quand il a dit que dans le projet modifié l'on reconnaissait à peine les traces du projet primitif.

Je pense, messieurs, que les dispositions que je viens de passer en revue et celles moins importantes, sans doute, qui résultent des divers articles du projet contiennent les germes d'une grande amélioration dans l'organisation du notariat.

Quoi qu'on en ait pu dire, une loi de la nature de celle dont il s'agit, ne tient, directement au moins, à aucun intérêt politique, à aucune question gouvernementale.

Nous ne devons donc, quelles que soient les nuances d'opinion qui nous séparent, avoir qu'un but, qu'une seule pensée, c'est de faire une bonne loi, et d'organiser l'institution du notariat sur de bonnes bases, sur des bases solides et durables. J'espère, messieurs, que nous parviendrons à atteindre ce but au moyen de la loi que nous discutons,

Et si des lumières de cette discussion jaillissent, comme je n'en doute pas, des amendements et des propositions utiles, nous nous empresserons de les accueillir, et j'espère que nous parviendrons, je ne dirai pas à réhabiliter le notariat belge, car il n'a pas besoin d'être réhabilité ; il est toujours resté honorable et pur, à quelques rares exceptons près.

Mais nous parviendrons à l'élever à un degré de dignité et de considération dont il n'a pu jouir jusqu'ici, à cause des vices mêmes de son organisation. J'espère enfin que l'institution du notariat pourra toujours figurer dignement, honorablement, à côté de toutes les institutions qui font l'honneur et la gloire du pays.

M. d'Anethan (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il importe que nous sachions quel est le terrain véritable de la discussion.

D'après le projet primitif du gouvernement, auquel M. le ministre de la justice s'est en partie rallié, la chambre ne serait appelée à voter que sur les articles par lesquels la loi de ventôse sera modifiée. La chambre ne devrait pas se prononcer sur 23 articles de cette loi auxquels on ne propose aucune modification.

Au contraire, d'après le système de la section centrale, tous les articles de la loi de ventôse sont remis en question ; car par l'article final du projet de la section centrale, la loi de ventôse est abrogée. Dans ce système donc, il y aurait nécessité de discuter tous les articles de la loi de ventôse ; il faut en conséquence décider, au préalable, comment la discussion s'engagera. S'il entre dans les intentions du gouvernement de considérer comme remise en question toute la loi de l'an XI, il s'ouvrira sans doute une discussion sur chaque article, et des modifications pourront être proposées, même aux articles dont le gouvernement croyait le maintien convenable.

La discussion serait de beaucoup abrégée, si elle ne s'engageait que sur les articles proposés par le gouvernement.

Je crois devoir faire cette observation à l'ouverture de la discussion générale, parce que si cette discussion doit embrasser tous les articles de la loi de ventôse, elle ouvrira un champ plus vaste aux orateurs que dans le cas où la discussion sur l'ensemble et sur les articles devait se restreindre aux articles primitifs et aux amendements.

Je désirerais connaître, à cet égard, les intentions de M. 'le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - L'honorable M. d'Anethan lorsqu'il a présenté le projet de loi, n'a indiqué comme devant être abrogés, que 39 articles de la loi du 25 ventôse an XI, qu'il a remplacés par ceux du projet qu'il a soumis à la chambre, en 1848. Aujourd'hui, en examinant de plus près la loi du 25 ventôse, je me suis aperçu que quelques autres de ses dispositions devaient être révisées, c'est-à-dire améliorées ; car la plupart des amendements que je propose ne sont que des améliorations, des changements de rédaction. Il y en a cependant quelques-uns qui ont une certaine importance.

Dans le nouveau projet, j'ai donc ajouté les articles de la loi de ventôse auxquels je propose des modifications.

(page 827) L'honorable M. d'Anethan demande s'il faudra s'occuper seulement de ces articles ou de tous les articles de la loi de ventôse. Il aurait pu répondre lui-même à cette question, puisque le projet de loi qu'il a présenté contient un dernier article ainsi conçu : « La loi du 28 ventôse an XI sera réimprimée (erratum, p. 876) au Moniteur avec les modifications résultant de la présente loi. »

J'ai donc cru nécessaire de faire imprimer l'ensemble de la loi telle qu'elle devra être publiée en vertu de l'article final, en supposant bien entendu que toutes les dispositions en soient adoptées.

Il ne résulte sans doute pas de là que toutes les dispositions de la loi de ventôse soient remises en question. On ne devra (erratum, p. 876) s'occuper que de celles auxquelles des modifications sont proposées, mais je dois reconnaître que si des modifications étaient proposées à d'autres articles, comme conséquence des dispositions du projet actuel, il faudrait bien s'en occuper et chaque membre de cette chambre serait dans son droit en lés proposant.

M. le président. - Ainsi la discussion s'établira sur le projet présenté par le gouvernement.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.