(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 496) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à midi et quart.
- La séance est ouverte.
M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. A. Dubus fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Théodore-Henri Reynen, soldat au 3ème régiment de chasseurs, né à Weert ( Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministère de la justice.
« Le sieur Spinnael, ancien lieutenant, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir le remboursement des retenues opérées sur sa solde comme officier d'infanterie de réserve. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Mariembourg présentent des observations sur le projet de loi relatif au droit de succession et sur le système des impôts, et proposent à la chambre, s'il était nécessaire de recourir à de nouveaux impôts, de rétablir le droit de 2 1/2 p. c. sur les ventes de fruits pendants par racine. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi, et puis renvoi au ministre des finances.
« Le conseil communal de Lonzée prie la chambre d'allouer au budget du département de la justice la somme nécessaire pour l'aider à couvrir les dépenses pour la clôture du cimetière de cette commune. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
« Plusieurs habitants du bourg Léopold, attenant au camp de Beverloo, présentent des observations sur la direction à donner à la route pavée de Turnhout par Moll, vers le Limbourg, et demandent l'exécution prochaine de la section de cette route à partir de Moll. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics et puis renvoi au ministre de ce département.
« Plusieurs habitants d'Odeigne prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »
- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi.
« Les contribuables de la ville de Wavre demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »
(page 497) « Même demande de plusieurs habitants de Bruxelles. »
- Renvoi à la commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion des budgets.
« Le sieur Depage, ancien garde forestier au service de la Société Générale, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le remboursement des retenues opérées sur ses appointements en faveur de la caisse de pensions. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le ministre de l’intérieur adresse à la chambre un exemplaire de la situation de la province de Flandre occidentale.
- Dépôt à la bibliothèque.
Par message en date du 29 décembre, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le budget de l'intérieur pour l'exercice 1848.
- Pris pour notification.
MM. Fallon et Eloy de Burdinne informent la chambre qu'une indisposition les empêche d'assister à la séance.
M. David, rapporteur. - Je demande à la chambre la permission de lui présenter le rapport de la commission sur la pétition du sieur Ofelberg.
Le pétitionnaire est un ancien et probe employé, entré au service le 1er octobre 1806 ; il a constamment servi l'Etat, sauf pendant 3 ans et 10 jours, de 1814 à 1816, lors du changement du gouvernement français.
Jusqu'en 1830, ses traitements et émoluments représentèrent de fortes sommes et furent très satisfaisants ; mais à partir de cette époque, par suite de l'abolition des droits de mouture et d'abattage, et la suppression de deux bureaux auxiliaires, son traitement a subi des réductions énormes et successives.
Malgré ses demandes d'améliorations de position et les décisions ministérielles qui prescrivaient de lui accorder des recettes plus importantes, il est resté a son bureau de Vliermael jusqu'en 1840, époque à laquelle sa pension a été liquidée à la somme de 482 fr., pour 30 ans 10 jours de service.
Après examen approfondi de toutes les pièces du volumineux dossier, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de la présente pétition à M. le ministre des finances.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de Man d’Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission que vous avez chargée d'examiner le projet de loi tendant à proroger l'exécution de l'art. 4 de la loi de comptabilité qui exige des récépissés à talon pour les versements à faire dans les caisses de l'Etat.
M. le président. - Le projet sur lequel on vient de déposer le rapport est très urgent ; la chambre en veut-elle entendre la lecture de ce rapport ? (Oui ! oui !)
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, le second paragraphe de l'article 59 de la loi du 15 mai 1846, concernant la comptabilité de l'Etat, détermine qu'elle sera obligatoire dans toutes ses parties, au plus tard, le 1er janvier 1848.
Le gouvernement désirant proroger ce délai pour la mise à exécution de l'article 4 relatif aux récépissés à talon jusqu'à l'époque où, conformément à l'article 58, le service du caissier de l'Etat sera organisé par une loi, le ministre des finances a déposé un projet de loi à cet effet.
D'après le système actuel les comptables ou autres personnes, qui font des versements entre les mains du caissier de l'Etat reçoivent de simples quittances de versement, sans imputation, sans aucune formalité exigible, pour leur donner date certaine et un caractère authentique, sans aucun terme assigné pour leur reproduction à la trésorerie.
L'article 4 de la loi de comptabilité a pour but de faire cesser cet état de choses.
Votre commission, tout en regrettant que la proposition du gouvernement ait pour effet d'ajourner la mise en vigueur de cette importante disposition jusqu'à l'organisation définitive du service du caissier de l'Etat, a adopté unanimement le projet de loi qui vous a été soumis.
Ainsi, d'après l'article 59 de la loi de comptabilité, toutes les dispositions à l'exception de l'article 4 sont obligatoires à dater du 1er janvier prochain.
Si le département des finances n'était pas immédiatement en mesure de s'y conformer dans toutes ses parties à cause des modifications à introduire dans la forme de ses écritures et de ses registres, il devra prendre les mesures les plus actives pour arriver à une exécution complète.
Rien ne s'oppose d'ailleurs à ce que les actes financiers de l'exercice, qui va s'ouvrir ne soient assujettis aux délais déterminés par l'article 2. L'exercice tel que le constitue cet article tend à assurer au pays deux améliorations importantes : plus de réserve dans les dispositions des ordonnances et des comptes rendus à une époque plus rapprochée, qui permettra d'avoir recours à la responsabilité des chefs des départements à l'occasion du règlement définitif des crédits qui leur ont été confiés.
M. le président. - J'ai dit tout à l'heure que ce projet était urgent, je proposerai à la chambre de déclarer l'urgence et de le discuter maintenant.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - L’article unique du projet est ainsi conçu : « Le délai fixé par l'art. 50, § 2 pour l'exécution, dans toutes ses parties, de la loi du 15 mai 1846, sur la comptabilité générale de l'Etat, est prorogé en ce qui concerne l'article 4 relatif aux récépissés à talon jusqu'à l'époque où, conformément à l'article 58 de ladite loi, le service du caissier de l'Etat sera organisé par une loi. »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, je désirerais que M. le ministre des finances voulût bien nous dire s'il ne compte pas appliquer à l'exercice 1848 les dispositions de l'article 2 de la loi de comptabilité. Cet article détermine que la durée de l'exercice ne sera dorénavant que d'une année, et que dix mois sont accordés en sus pour achever les opérations qui ont pris leur origine pendant l'exercice. Il me semble que rien ne s'oppose à ce que cette disposition reçoive immédiatement son application.
Le gouvernement n'a pas présenté de projet de loi pour arrêter les effets de l'article 2. Je suis fondé à croire en conséquence qu'il sera applicable à l'exercice qui va s'ouvrir.
Je viens déclarer que rien ne s'oppose à ce que l'exercice 1848 ne soit soumis aux prescriptions de l'article 2. Je m'explique ; il ne s'agit. pour réaliser cette importante amélioration, ni de modifier les écritures ni le système de reddition de comptes ; il ne s'agit pas de rétroactivité, comme l'insinue un passage de l'exposé des motifs du projet en discussion ; il s'agit tout simplement de restreindre la période pendant laquelle l'administration a la faculté de poser des actes de dépenses à rattacher à l'exercice.
Cette disposition est de la plus haute importance. En effet, si l'exercice de 1848 reste soumis au malencontreux système du règlement de 1824, il aura trois ans de durée, et il ne pourra être rendu compte des actes de dépenses qui le concerneront que dans quatre ou cinq ans ; c'est ainsi que ce système détruit les bons effets qu'on a le droit d'attendre du règlement des crédits par la loi des comptes.
Que devient, en effet, la responsabilité ministérielle avec ces longs délais pour le règlement des dépenses ? Elle devient illusoire.
Ce système a encore un autre inconvénient. Quand les crédits restent aussi longtemps à la disposition de l'administration, elle trouve les moyens de les absorber en quelque sorte complètement ; les économies ont encore moins de chance de prévaloir.
J'insiste donc, la loi de 1846 à la main, pour que l'ancien état de choses cesse immédiatement, pour que l'exercice 1848 qui va s'ouvrir soit soumis aux prescriptions si avantageuses de l'article 2 de la loi de comptabilité ; je réclame en un mot l'exécution franche de la loi.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Dans le projet de loi que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre, je me suis astreint à ne demander la prorogation du terme que pour ce qui a paru absolument nécessaire.
En conséquence, il peut être fait droit à la demande de l'honorable M. de Man, il n'y aura de ma part aucun obstacle. Déjà je me suis occupé de l'exécution de l'article 2, en ce qui concerne l'exercice 1848 ; la trésorerie y a trouvé quelques difficultés. C'est ce qui m'empêche de prendre séance tenante un engagement formel ; mais j'insisterai de nouveau pour que cet article reçoive son application à l'exercice 1848, et j'en comprends toute l'importance ; car s'il en était autrement, nous serions sans cela, comme l'a fort bien dit l'honorable M. de Man, éloignés de plusieurs années du règlement des comptes de cette année. On l'aurait en quelque sorte entièrement perdu de vue.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 60 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM. Raikem, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Thienpont, T' Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cutsem, Vandensteen Van Huffel, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Brabant, Clep, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Mérode, Desaive, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), A. Dubus, Dumont, du Roy de Blicquy, Eenens, Frère-Orban, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Moreau, Osy, Pirmez et Pirson.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter trois nouveaux amendements au budget de la guerre. Ces trois amendements apportent de nouvelles réductions au budget sur les masses de pain, les masses de fourrages et les vivres de campagne. Ces réductions s'élèvent ensemble à 152,000 fr., ce qui, avec les réductions précédentes, fait que le budget se trouve moins élevé que celui de l’an dernier de 715,100 fr. Cette diminution provient d'abord de l'adjudication des fourrages, qui a été inférieure aux prévisions du budget ; quant aux adjudications de pain, elles n'ont pas encore été faites, mais la diminution du prix des grains fait supposer que l'on pourra obtenir au moins une diminution de 91,000 fr., chiffre de la réduction que je propose. Pour les vivres de campagne on a obtenu une réduction de 18,000 francs sur les prévisions du budget.
- Les amendements présentés par M. le ministre seront imprimés et distribués.
(page 497) M. Van Huffel. - Messieurs, si j'ai demandé la parole, ce n'est pas que j'entende prendre une part active à ce débit, qui depuis trois jours occupe l'attention de la chambre ; mon seul but est d'expliquer le vote que je me propose d'émettre, afin qu'on ne puisse, plus tard, s'en prévaloir contre moi et se croire en droit, peut-être, de m'accuser d'inconséquence.
Quelque pénétré que je sois de la nécessité d'introduire les règles de la plus sévère économie dans tous nos services publics et, parmi eux, dans le service du département de la guerre, je voterai cependant pour le budget qui nous est présenté, et j'éprouve d'autant moins d'inquiétude à le faire, que le caractère franc et loyal de l'homme qui préside au département de la guerre, après sa déclaration d'hier, après les amendements qu'il vient de déposer, me donne la conviction que toutes les réductions administratives possibles, réalisables, il les réalisera immédiatement et rigoureusement.
Mais, messieurs, en émettant ce vote affirmatif je n'entends en aucune manière poser un précédent ni me lier pour l'avenir ; je n'entends aucunement préjuger, quant à moi, la convenance des réformes qui vous ont été proposées et qu'on pourrait vous proposer encore dans le cours de cette discussion. Si j'ai cru, quant à présent, ne pouvoir me joindre à ceux de nos honorables collègues qui, dans un but d'économie, que je désire atteindre avec eux, réclament des réformes immédiates, c'est, je l'avoue, que j'ai reculé devant la gravité de la décision, l'immensité des questions que ces honorables membres ont soulevées ; c'est que je n'ai pu me dissimuler qu'il ne s'agit pas ici d'un débat purement ou principalement financier ; mais qu'il s'agit des intérêts les plus chers, des intérêts vitaux du pays, de son indépendance, de sa sécurité ; et que s'il est conforme à la raison, aux usages parlementaires, de se livrer, à l'occasion de la discussion des budgets, à l'appréciation des divers objets qui peuvent s'y rapporter, ce n'est pas cependant, incidemment à la discussion d'un budget, qu'on peut trancher des questions d'une aussi haute importance, des questions telles que notre existence elle-même s'y trouve intimement engagée ; que, d'ailleurs, ce n'est pas à la veille d'entrer dans un exercice nouveau et dont deux jours nous séparent à peine, qu'on peut incidemment encore bouleverser les bases sur lesquelles repose cet exercice et improviser des bases toutes nouvelles.
Cela étant, et jusqu'à ce que des réformes aient été décrétées, si tant est que des réformes soient jugées et nécessaires et praticables ; jusque-là nous nous trouvons en présence d'une loi qui règle l'organisation de notre armée ; cette loi existe ; cette loi a créé des besoins légaux ; ces besoins, il faut bien les satisfaire, car en décrétant que nous aurions les cadres d'une armée de 80,000 hommes, nous nous sommes nécessairement engagés à payer les cadres de cette armée.
Voilà pourquoi d'accord sur ce point avec plusieurs de mes honorables amis dont je ne fais qu'exprimer ici la pensée, voilà pourquoi je voterai pour toutes les dépenses qui sont le résultat de la loi organique actuellement en vigueur.
Mais vienne l'occasion, occasion qui ne peut être éloignée, car il est des nécessités que nous devrons subir ; vienne l'occasion de soumettre la question des réformes économiques à une discussion spéciale, complète, approfondie, et nous saurons faire usage des réserves que je prends soin de poser ; car si, moi aussi, comme un de mes honorables collègues, je sens, je comprends que pour tous les peuples, ainsi que pour tous les individus, le premier besoin, c'est d'être, et d'être avec honneur, si dès lors je suis fermement décidé à ne reculer devant aucun sacrifice que pourraient exiger de nous la dignité réelle, la sécurité du pays, je ne suis pas moins décidé à ne jamais confondre l'honneur national avec la vanité nationale, à ne jamais subordonner les intérêts de tous aux intérêts, aux convenances de quelques-uns, à ne jamais perdre de vue que ce qu'il faut avant tout à nos populations, c'est un peu moins d'éclat, et un peu plus de bien-être.
Des membres. - Très bien !
M. Manilius. - Je remercie M. le ministre de la guerre des promesses formelles d'économies qu'il a bien voulu faire à la fin de la séance d'hier.
Je le remercie encore de l'empressement qu'il a mis à déposer sur le bureau des amendements, qui en partie satisfont à ce que la section centrale attendait de lui, c’est ce que mon discours d'hier tendait également à obtenir de lui.
Le travail de la section centrale n'avait qu'un but : provoquer des économies possibles, rien que des économies possibles. M. le ministre nous en avait fait la promesse en section centrale, mais il n'avait pas encore répété cette promesse devant la chambre, il l'a faite hier.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'en ai fait la déclaration dès le début de la discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous l'avons répétée chaque jour.
M. Manilius. - Vous ne nous avez promis qu'hier de vous rendre aux économies que nous avons signalées. Je me plais à reconnaître la sincérité, la loyauté, les bonnes intentions de M. le ministre de la guerre. Cela n'est pas mis en doute. Je ne veux pas revenir sur la discussion d'hier. J'ai vu avec plaisir, dans la réponse de M. le ministre de la guerre, que la faute que j'ai signalée ne résidait pas dam une situation qui ne pût pas exister, mais dans une irrégularité de comptabilité.
M. le ministre de la guerre m'a répondu qu'il existait un arrêté royal du temps du baron Evain. Je réponds que la chambre, reconnaissant l’utilité qui a dicté cet arrêté royal, s'empressera de donner un bill d’indemnité au général Evain, et d'ajouter au traitement du général place à la tête du ministère de la guerre les quatre rations qui lui sont attribuées par arrêté royal. Nous voulons que ces rations lui soient allouées par la loi comme la loi de comptabilité l'exige.
Je regrette qu'on m'ait mal compris, car la justification est si claire, si droite qu'on ne peut pas s'y tromper. M. le général Chazal se trouve sur le budget parmi les lieutenants-généraux, certes, car si demain il n'était plus ministre il rentrerait dans le cadre, il faut donc bien que sa place y reste indiquée.
Il se trouve des généraux en pays étranger, croyez-vous qu'ils viennent réclamer la part qui leur est assignée dans le budget de la guerre ?
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Le général Willmar n'y figure pas.
M. Manilius. - Il y figure comme M. le général Chazal ; l'un et l'autre occupent un poste différent comme ministres du Roi ; ils ne sont pas lieutenants généraux en activité ; ils sont ministres du Roi avant tout.
Je n'ai voulu signaler qu'un acte d'irrégularité, dont je m'empresserai de voter la régularisation. Il ne s'agit ici ni d'attaques, ni de personnalité, il s'agit d'une lacune que je veux combler. J'espère enfin qu'on m'a compris et qu'on ne dénaturera pas ma pensée, elle est telle que je viens de l'exprimer. J'ai dit.
Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Dedecker. - Je demande la parole.
M. le président. - Vous avez la parole contre la clôture.
M. Dedecker. - Je sens que la chambre est impatiente de clore ce débat. Mais cette discussion se représentera sous l'empire de la pression de l'opinion publique. En effet, l'un des besoins les plus vivement sentis du pays est d'opérer des réductions sur les dépenses. Si le gouvernement n'avait pas annoncé la perception d'impôts nouveaux, le pays n'aurait pas songé à demander des réductions de dépenses. Pour moi, comme pour le pays, ces idées sont corrélatives.
En présence de la crise au milieu de laquelle se débat la nation, on cherche à rétablir l'équilibre financier au moyen d'une réduction de dépenses, plutôt que par le vote d'impôts nouveaux.
Je me borne donc à m'en référer aux observations que vient de présenter l'honorable M. Van Huffel. Le temps d'ailleurs ne serait plus suffisant pour opérer des réductions en supposent qu'on pût en trouver de compatibles avec les besoins du service et l'existence de l'armée. Aussi, c'est sans rien préjuger pour l'avenir que je voterai le budget, sont toutes réserves.
Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Lesoinne. - Je n'ai pas l'habitude de fatiguer la chambre, je parle rarement, je demande à pouvoir motiver mon vote.
M. de Mérode. - L'on ne peut pas prononcer la clôture sur un objet aussi important que le budget de la guerre avant d'avoir entendu tous les orateurs inscrits.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Dedecker a prononcé un petit discours en parlant sur la clôture, je demande que l'honorable M. Lesoinne puisse s'expliquer aussi.
M. le président. - D'autres orateurs sont inscrits avant M. Lesoinne.
- La clôture est mise aux voix. L'épreuve étant douteuse, la discussion continue.
M. de Mérode. - Dans toutes les occasions où il s'est agi de l'organisation de l'armée et des dépenses qu'elle entraîne, je me suis prononcé en faveur d'une institution sans laquelle il n'y a point de nationalité, sans laquelle un pays, place au milieu de l'Europe, n'est qu'un terrain à l'engrais, dévoué au premier occupant, et dont les habitants sont exposés au juste mépris de leurs voisins.
Qu'oppose-t-on, en effet, au maintien de notre état militaire actuel, réglé par une loi récente, et qui ne va pas au-delà des ressources proportionnelles de la Belgique, comparées à celles des autres Etats qui l'environnent ? On lui oppose la neutralité, contenue pour nous par les armées des nations qui savent supporter les frais de leur défense, les frais de leur existence et de leur honneur. Sans doute, nous n'ignorons point que la Belgique na pourrait pas seule, dans un grand mouvement belliqueux européen, protéger, maintenir son indépendance ; mais il suffit, pour qu'on la respecte, qu'elle prenne une large part active aux événements, et que ses troupes se distinguent au milieu des autres, par leur instruction et leur valeur. Que si nous nous posons, au contraire, en troupeau d'individus occupés seulement de leurs aises, de leur bien-être matériel, repoussant toutes charges qui ne se résolvent pas en bénéfices, en gains et profits, nous serons traités en conséquence de ce défaut d'énergie, de cette lâche mollesse, c'est-à-dire, comme le méritent des êtres qui ne veulent que jouir, mais qui ne savent presque rien souffrir, presque rien supporter pour l'amour et l'honneur de la patrie.
Messieurs, bien loin de vouloir réduire le budget de l'armée de terre, je regrette infiniment que nous n'ayons pas quelques navires de guerre, comme le brick le Comte de Flandre, construit sur des économies par les bons soins du capitaine de vaisseau Labure, qui montreraient notre (page 498) pavillon dans les diverses mers du globe, et protégeraient dans les lointains parages les navires du commerce, à quelque pays qu'ils appartinssent.
Ce faisant, messieurs, nos propres navires auraient un droit motivé à la protection de la marine militaire des autres nations. Nous ne serions pas dans cette position humiliante de gens qui participent à la sécurité que d'autres établissent pour eux sur les mers sans y contribuer si peu que ce soit, sans jamais rendre eux-mêmes service à qui que ce soit. Un pays de quatre millions d'habitants placés au bord de l'Océan, ne devrait pas se tenir si bas dans le monde maritime. Certes, je ne demande point pour lui la gloire que nos voisins de Hollande acquirent jadis en luttant contre les flottes de l'Angleterre ou de la France. Mais je voudrais qu'il eût du moins cet amour-propre libéral qui consiste à se mettre en position de reconnaître au besoin l'obligeance et les services d'autrui.
Il est donc facile de comprendre que je ne m'associerai jamais à ce dégradant système par lequel la Belgique se reposerait, à l'égard de sa défense, sur le sang que feraient verser pour elle, par leurs soldats, les autres nations. Non, messieurs, je ne veux pas de cette honte, de cet aplatissement, de cet anéantissement pour mon pays.
Messieurs, l'honorable M. de Corswarem s'est élevé contre la mise à la pension des officiers supérieurs parvenus à un âge qui paralyse l'action vigoureuse. Quant à moi, je suis d’une opinion tout à fait contraire à ce regret de l'honorable députe du Limbourg ; parce que nulle part l'influence à la fois intelligente et active des chefs n'est plus nécessaire que dans une armée. C'est là que le déploiement de toutes les facultés physiques et morales est le plus indispensable. La meilleure troupe. mal ou faiblement conduite, devient mauvaise. Il serait donc inutile de dépenser beaucoup pour entretenir de nombreux soldats si on faisait des économies pour leurs commandements supérieurs ; car là est leur force, là la condition de leurs succès ; aussi rien de plus funeste que l'avancement, exclusivement réservé à l'ancienneté.
Il faut donc qu'un ministre de la guerre soucieux de ses pénibles devoirs cherche constamment parmi les jeunes officiers de l'armée ceux qui donnent le plus d'espérance. Il faut qu'il ait la hardiesse d'en avancer quelques-uns autant que la loi le permet sans s'inquiéter des jalousies mesquines, et de les faire parvenir aux grades supérieurs avant que leurs forces ne s'énervent. Celui qui tient maintenant le portefeuille de la guerre est une preuve vivante de cette convenance, de cette nécessité ; car le salut du pays dépendra dans toutes les circonstances graves de la capacité, de la vigueur des chefs militaires qu'il importe d'avoir préparés de longue main ; mais ce qu'il est pénible de voir en fait de pensions, c'est ce que coûte à l'Etat, ce que coûte aux contribuables la mise en non-activité des hommes forts et capables de l'ordre civil, qu'on met de côté, qu'on rend inutiles par cette politique prétendue nouvelle d'exclusion, de destitution, qui nous reporte au temps arriéré, au temps réprouvé où le royaume des Pays-Bas était composé de deux nations distinctes dont l'une opprimait l'autre et la déclarait a peu près incapable d'occuper les emplois publics.
A l'époque où nous marchions au contraire dans les généreuses traditions du congrès, dans les voies du vrai libéralisme, les ministres qui les circonstances obligeaient de quitter leurs portefeuilles étaient utilisés par leurs successeurs. On n'en faisait pas des vaincus mis à la retraite aux dépens de la société dans la force de l'âge et de l'intelligence ; mais on savait mettre à profit leur expérience et leur valeur personnelle pour l'avantage de la commune patrie ; et c'était ainsi que, malgré des dissentiments inévitables sur certaines questions dont souvent on exagère la portée, le gouvernement demeurait fidèle à la devise libérale du congrès : l'union fait la force. Devise que le système actuel supprime en réalité bien qu'elle reste encore lettre morte sur les armes du royaume.
J'espère toutefois, messieurs, qu'elle reprendra vie quelque jour, pas trop éloigné du présent ; j'espère que la justice et le bon sens publics momentanément troublés, partiellement égarés à l'aide d'accusations fausses et répétées sans relâche, forceront à y revenir ; et qui doit désirer plus vivement ce retour que l'honorable et zélé ministre de la guerre, rendu légalement habile à occuper le poste qu'il remplit si bien par des suffrages largement recueillis sur tous les bancs de cette chambre.
M. Lesoinne. - Je suis un de ceux qui ont voté contre la loi d'organisation de l'armée, parce que cette loi consacre un système doublement vicieux. L'effectif entraîne une dépense trop forte en temps de paix, et il serait insuffisant en temps de guerre pour empêcher un ennemi puissant de franchir notre frontière.
L'honorable ministre de la guerre nous a représenté notre armée comme prête à défendre notre neutralité et à empêcher le passage d'une armée étrangère par notre territoire. Mais, comme l'a très bien fait remarquer l'honorable colonel Eenens, si la guerre venait à éclater, les traités seraient remplis et notre neutralité courrait grand risque de n'être plus observée. Quels seraient alors pour nous les résultats d’une bataille perdue, si le pays n'avait à compter que sur cette seule force pour sa défense ? Je me suis opposé à la loi d'organisation de l'armée, parce que la manière dont elle se recrute pèse d'un poids trop lourd sur les classes laborieuses. Beaucoup de familles sont réduites à la misère parce que la milice vient leur enlever leur principal soutien.
Je partage aussi l'opinion de mon honorable ami M. de Tornaco, lorsqu'il dit qu'on aurait dû attendre, avant de discuter l'organisation de l'armée, que l'on connût quelles étaient les forteresses que l'on conserverait et quelles étaient celles que l'on devrait démolir, et comprendre même dans cette discussion l'organisation de la garde civique. Je sais que cette organisation rencontre généralement dans le pays des difficultés et des répugnances ; mais la défense de la nationalité est un devoir sacré pour tous. Il n'est pas juste que dans un moment de danger une partie des citoyens aillent faire, malgré eux, le sacrifice de leur vie, tandis que les autres resteront tranquillement dans leurs foyers.
Donnez au pays des institutions en rapport avec ses besoins moraux et matériels, des institutions qui assurent une répartition plus égale des droits de citoyens. La Constitution vous permet de rendre plus vraie dans son application l'égalité des citoyens devant la loi. Le pays alors sentira le besoin de défendre ses institutions et comprendra beaucoup mieux la nécessité de s'organiser pour arriver à ce but.
Il y a un passage du premier discours de l'honorable ministre de la guerre que je ne puis pas laisser sans observation ; c'est celui où il manifeste la crainte de voir la tranquillité publique troublée par les différentes doctrines émises dans certains pays sur l'état social actuel. Je ne puis nullement partager cette crainte, principalement à cause de la liberté qui existe chez nous d'exprimer librement sa pensée ; car ces doctrines où sont-elles émises ? Principalement dans les pays où la liberté est comprimée ; mais chez nous où l'on est libre de dire, d'imprimer, de publier sa pensée de toutes les manières, un pareil danger n'existe pas. J'ai trop de foi dans le bon sens de mes concitoyens pour croire qu'ils se laissent séduire par des théories dont ils ne comprendraient pas l'application et qui ne renferment que de promesses vagues, mais d’un autre côté, je ne voudrais pas voir se propager dans l'armée l'opinion qu'elle doit agir d'une manière préventive sur l'expression de la pensée du pays.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je n'ai rien dit de semblable.
M. Lesoinne. - Je connais assez l'honorable général Chazal pour être convaincu que ce n'est pas sa pensée. Je dirai plus, j'ai l'honneur de connaître beaucoup d'officiers de l'armée, et je n'en connais pas un qui ne brisât son épée plutôt que d'être soupçonné de servir d'instrument à de pareilles tendances.
Je ne refuserai pas mon vote au budget parce qu'il est la conséquence d'une loi, et que l'on ne pourrait obtenir des réductions notables sans changer la loi d'organisation, changement qui, je l'espère, s'opérera avec le temps. Mais j'engage M. le ministre de la guerre à persévérer dans la voie des économies où il est entré aujourd'hui. On a fait légèrement des dépenses dans plusieurs branches du budget. Ainsi, pour l'armement on a confectionné à grands frais des fusils Heurleloup dont on n'a pu faire usage pour la troupe. Je citerai encore les carabines dont sont armés les chasseurs à pied ; ces armes coûtent très cher et ne sont guère supérieures pour la portée du tir au mousquet ordinaire, elles sont en outre peu propres au service de campagne ; je m'en rapporte du reste à cet égard à l'opinion de l'honorable ministre de la guerre lui-même.
Je l'engage en outre à examiner avec la plus sérieuse attention la question de savoir s'il n'y aurait pas moyen d'organiser la défense du pays de manière à la rendre moins onéreuse en temps de paix en diminuant l'effectif de l'armée, tout en se réservant la possibilité de l'augmenter si la guerre venait à éclater.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je ne puis réellement pas laisser se répandre l'opinion que les économies que j'ai proposées m'auraient été arrachées. Je vais vous donner la preuve qu'il n'en est rien. Avant que les chambres fussent réunies, j'avais préparé les amendements que j'ai présentés à la chambre. Mon honorable prédécesseur avait présenté un budget pour l'exercice 1848 ; j'ai fait subir à ce budget des réductions que j'ai soumises à la section centrale aussitôt qu'elle a été réunie. Voici ces économies. J'ai supprimé les secrétaires archivistes ; j'ai fait ainsi une économie de 36,700 fr. J'ai décidé que les miliciens seraient appelés 32 jours plus tard ; ce qui a produit une économie de 85,000 francs pour la solde et de 22 mille francs pour le pain. J'ai supprimé 74 chevaux pour l'artillerie, ce qui fait une économie de 87,500 fr. J'ai proposé, dans la prévision de la baisse qui aurait lieu sur les grains, une réduction de 1 centime sur la ration de pain ; j'ai produit ainsi une économie de fr. 91,000. J'ai apporté encore une économie de 1 centime par ration de fourrages, ce qui fait 43,000 fr. Enfin, j'ai fait sur les vivres de campagne une première réduction de 18,000 fr. De sorte que le budget que j'ai présenté différait de 333.914 fr. de celui qui vous fut soumis par mon honorable prédécesseur à la fin de la session dernière. J'apporte aujourd'hui une nouvelle économie, résultat de la baisse des céréales, de sorte qu'il y a en définitive entre le budget de cette année et celui de l'an dernier une différence en moins de 717,100 francs.
Ainsi ces économies ne m'ont pas été arrachées par les discours d'hier, j'en ai eu l'initiative, elles étaient résolues avant que personne en eût parlé.
Pour la question des rations de fourrages allouées au ministre de la guerre, je tiens à ce que vous soyez persuadé que quand j'avance un fait, mon intention n'est pas d'induire la chambre en erreur, et qu'il est exact.
L'honorable M. Manilius, je regrette de devoir de dire, s'est trompé complètement et je vais vous le prouver clairement. C'est la première fois qu'il est rapporteur ; le budget de la guerre est assez compliqué, il est difficile de bien le comprendre de prime abord, et son erreur s'explique. Il figure au budget neuf lieutenants-généraux qui reçoivent des rations de fourrages. Le gênerai Willmar n'est pas de ce nombre, comme l'a si positivement avancé l'honorable M. Manilius. Pour vous en donner (page 499) la preuve, voici les noms des neuf lieutenants-généraux en activité : Prisse, Anoul, l'Olivier, de Marneffe, Goblet,de Liem, d'Hane, Evain et Chazal.
Quant au général Willmar, il ne figure pas au budget de la guerre ; il est payé sur le budget du département des affaires étrangères en sa qualité de ministre plénipotentiaire.
M. Manilius. - Il est donc rayé de l'armée ?
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Nullement ; mais je ne puis pas le porter au budget de la guerre, puisque je ne le paye pas ; autrement il y aurait double emploi.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Loos. - Je m'étais fait inscrire pour motiver mon vote ; mais l'honorable M. Van Huffel a si bien exprimé ce que je me proposais de dire à la chambre que je renonce volontiers à la parole.
M. Lejeune. - Si la chambre veut clore la discussion, je n'irai pas à l'encontre de ses désirs. J'aurais voulu faire une courte réponse à M. le ministre de la guerre qui a dit hier que mon discours pourrait conduire à la potence.
M. Lebeau. - Alors demandez la parole pour un fait personnel.
M. Lejeune. - Je le pourrais ; mais il me répugnerait d'user de ce moyen. Ce serait méconnaître la sage modération, la loyauté, la parfaite convenance dont M. le ministre de la guerre n'a pas cessé de faire preuve dans cette discussion ; mais dans la discussion des articles j'aurai l'occasion de faire une simple observation.
- La clôture est prononcée.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
« Art. 2. Traitement des employés : fr. 160,000. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 3. Supplément aux officiers et autres militaires attachés au département de la guerre : fr. 17,000. »
M. Osy. - Il me paraît, messieurs, que nous pourrions très bien supprimer ces 17,000 fr. L'année précédente je me suis déjà élevé contre les suppléments de traitement qu'on accorde aux officiers détachés au département de la guerre. On m'a répondu alors que dans la ville de Bruxelles la vie est plus chère que partout ailleurs ; mais, messieurs, cette considération s'appliquerait également aux officiers qui sont en activité de service à Bruxelles, et cependant ceux-là n'ont pas de supplément de traitement ; je ne pense pas que ceux qui travaillent dans les bureaux doivent être traités plus favorablement.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, les officiers détachés au département de la guerre sont tous chargés d'un travail particulier, difficile et pénible, qui les occupe depuis le matin jusqu'au soir. Ce travail doit être spécialement rétribué. En outre, messieurs, ces officiers ne peuvent pas vivre comme les officiers des corps, qui sont réunis et qui ont tous les avantages de la vie en commun : ils sont obligés de vivre isolément, et par conséquent, ils ont plus de dépenses à supporter. Le faible supplément qu'on accorde à leur travail et à leur position est légitimement acquis. Remarquez-le bien d'ailleurs, cette indemnité n'est accordée qu'aux officiers qui jouissent des traitements les moins élevés ou qui occupent des positions au-dessus de leur grade.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Matériel du ministère : fr. 40,000. »
« Art. 5. Dépôt de la guerre.
« Charge ordinaire : fr. 19,000.
« Charge extraordinaire : fr. 15,000. »
« Art. 6. Secours à d'anciens militaires et employés du département de la guerre, à des veuves et enfants mineurs : fr. 10,000. »
« Art. 7. Frais de route et de séjour du ministre : fr. 5,000. »
« Art. 1er. Etat-major général : fr. 595,000. »
« Art. 2. Etat-major des provinces et des places : fr. 277,342 70. »
« Art. 3. Service de l'intendance militaire : fr. 110,644. »
- Ces différents articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 4. Service de santé et administration des hôpitaux : fr. 340,404 15. »
M. de Mérode. - A l'occasion de l'article qui concerne le service de santé et l'administration des hôpitaux, je réclame la bienveillante sollicitude de M. le ministre de la guerre en faveur de la propagation des sœurs hospitalières dans les hôpitaux militaires du pays.
Je visite de temps à autre l'hôpital militaire de Bruxelles., et là, messieurs, je puis dire que le soldat reçoit les soins les plus parfaits par l'excellent accord de la direction, du médecin en chef, M. .le docteur Lebeau, de l'aumônier et des sœurs du même ordre que celles qui ont été primitivement établies à l'hôpital d'Anvers. Les pères de famille seraient heureux de voir avec quels soins leurs enfants malades sont traités dans cet établissement, grâce aux combinaisons judicieuses adoptées pour la distribution de toutes choses. Il serait donc bien désirable de procurer aux soldats de nos principales garnisons les soins désintéressés et complets, sous tous les rapports, que leur vaut l'introduction des sœurs hospitalières dans quelques hôpitaux de l'armée.
- L'article est adopté
« Art. 5. Indemnités aux généraux, aux commandants des corps et officiers dans une position spéciale : fr. 22,000. »
« Art 1er. Infanterie, charge ordinaire : fr. 9,317,098. »
« Charge extraordinaire : fr. 23,902. »
« Art. 2. Cavalerie, charge ordinaire : fr. 2,977,607. »
« Charge extraordinaire : fr. 1,393. »
« Art. 3. Artillerie, charge ordinaire : 2,544,121 37. »
« Charge extraordinaire : fr. 10,878 63. »
« Art. 4. Génie : fr. 698,000. »
« Art. 5. Gendarmerie, charge ordinaire : fr. 1,658,983 10. »
« Charge extraordinaire : fr. 149,016 90. »
« Art. 1er. Masse de pain : fr. 1,649,517 84. »
M. le ministre de la guerre a proposé une diminution de 91,000 fr., ce qui réduit le chiffre à 1,558,518 fr. 84 c.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 2. Masse de fourrages : fr. 2,995,000 »
M. le ministre a proposé une diminution de 43,000 fr., ce qui réduit le chiffre à 2,952,000 fr.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 3. Masse d'entretien du harnachement. Traitement et ferrure des chevaux : fr. 67,000. »
« Art. 4. Masse de renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 154,500. »
« Art. 5. Masse de casernement des chevaux : fr. 81,000. »
« Art. 6. Masse de casernement des hommes : fr. 625,328. »
« Art. 7. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 86,000. »
« Art. 8. Transports généraux et autres : fr. 70,000. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 9. Primes de rengagement : fr. 2,000. »
M. de Mérode. - Un objet qui mérite toute l'attention de M. le général Chazal, c'est le remplacement. J'ai toujours été frappé de la défaveur malentendue et injuste qui s'attache à la qualité de remplaçant.
Lorsqu'un homme du peuple, dépourvu de toute propriété, qui ne peut disposer que de sa personne, consent à servir l'Etat à la place d'un autre individu, plus heureux que lui, en position meilleure pour occuper son temps, cet homme se dégrade-t-il, manque-t-il quelque peu à la délicatesse ? Certes non, messieurs ; car, s'il en était ainsi, vous ne pourriez en faire le camarade, l'égal du jeune soldat qui marche pour son propre compte ; trop souvent, il est vrai, le remplaçant dissipe ce qu'il a recueilli par l'acte en vertu duquel il s'engage sous les drapeaux ; enfant de l'imprévoyante populaire, il se laisse éblouir par une somme qu'il n'a pas l'habitude de manier, il la consomme d'une manière nuisible à sa moralité, à sa santé. Mais le gouvernement, qui doit être, autant que possible, un bienfaiteur, ne devrait-il pas exiger, en acceptant les remplaçants, qu'ils déposassent à une caisse d'épargne le prix qu'ils reçoivent, de manière à ne pouvoir jouir que des intérêts, jusqu'à l'époque de leur congé ? De la sorte, une vie déréglée de quelques semaines ne serait pas le commencement de leur carrière de soldat. En tous cas, le remplaçant qui montre un véritable esprit d'ordre est, à mes yeux, parfaitement honorable. Le salaire qu'il a reçu est aussi légitimement acquis que celui qu'on perçoit pour remplir les fonctions publiques, qui excitent tant d'ambitions.
Il faut donc combattre fortement le préjugé contraire au remplacement, loyalement, honnêtement, contracté et rempli. Et, si j'étais chef de corps, je ne permettrais jamais qu'on fît le moindre reproche au soldat remplaçant de bonne conduite ; je l'encouragerais, je le soutiendrais de toute manière, parce que la carrière qu'il embrasse est utile à la société ; parce qu'il rend un éminent service au citoyen pour lequel le service militaire serait plus onéreux.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, les remplaçants ne sont pas tenus dans une condition d'infériorité. Je ne sache pas que jamais leur qualité de remplaçant ait pu leur nuire. Cela est si vrai, que dans presque toutes les armées des remplaçants sont arrivés au grade d'officier. Tout dépend de la conduite qu'ils tiennent dans le corps.
Quant à vouloir retenir le prix du remplacement, je ne crois pas que l'Etat en ait le droit ; car c'est de l'argent qu'ils ont acquis par un contrat librement passé. Si ceux qui se présentent comme remplaçants n'ont pas les qualités requises,. l'Etat peut les refuser, mais je ne pense pas qu'il puisse intervenir dans les contrats qui se passent librement d'individu à individu. il y aura lieu d'examiner plus tard s'il ne serait pas utile d'introduire des modifications dans la législature relative au remplacement. Il est possible qu'alors l'Etat pourra prendre des mesures dans le sens de l'observation présentée par l'honorable M. de Mérode ; lorsqu'il s'agira de ces modifications, j'examinerai la question, et s'il y a quelque chose à faire dans l'intérêt de la moralisation des remplaçants, je le ferai avec empressement ; mais en présence des lois en vigueur, il y a (page 500) impossibilité absolue de donner suite aux idées de l'honorable comte de Mérode.
M. de Mérode. - Je suis satisfait des promesses que vient de faire M. le ministre. J'ai seulement voulu attirer son attention sur l'utilité qu'il y aurait pour les remplaçants eux-mêmes à ne pas leur laisser la facilité qu'ils ont maintenant de dissiper le prix de leur remplacement.
- L'article est adopté.
« Art. 10. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 60.000. »
- Adopté.
« Art. 11. Vivres de campagne aux camps, logement et nourriture : fr. 421,000. »
M. le ministre a proposé une diminution de 18,000 francs, ce qui réduit le chiffre à 403,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Messieurs, je demande la parole sur cet article parce que je désire vous donner une explication.
Au mois de septembre dernier, j'ai réuni un assez grand nombre de troupes à Bruxelles, pour y exécuter des grandes manœuvres ; j'ai fait bivaquer les troupes pendant 3 jours. Plusieurs personnes ont exprimé la crainte que ces opérations n'eussent entraîné l'Etat à de grandes dépenses ; eh bien, messieurs, pour que vous soyez bien persuadés qu'il n'en est point ainsi, je vous dirai que toutes ces opérations ont coûté 8,500 et quelques francs, et que j'ai économisé sur l'article relatif au camp près de 30,000 fr., de sorte qu'il reste de ce chef un excédant de 20,000 fr. à peu près sur le budget de 1847.
- L'article est adopté.
Art. 12. Remonte : fr. 389,470. »
« Art. 13. Frais de bureau et d'administration de corps : fr. 328,000. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
M. Eenens. - Messieurs, j'ai vu, à diverses reprises, dans le Moniteur, un appel fait par M. le ministre de la guerre aux jeunes gens qui désirent se destiner aux armes de l'infanterie et de la cavalerie, où une trentaine de places leur sont promises. Ces examens s'ouvriront au 1er février 1848, à l'école militaire, et la promotion des candidats admis aura lieu au 1er mai suivant.
La conséquence de cette mesure sera fatale aux sous-officiers d'infanterie et de cavalerie. Dans deux ans déjà, au lieu d'obtenir un légitime avancement, ils verront accorder trente places d'officier, vacantes dans leurs armes, à de jeunes gens sans expérience qui n'auront d'autre titre aux largesses du gouvernement que d'avoir passé deux années sur les bancs de l'école militaire. Je dirai même que ceux d'entre eux qui seront reçus dans la cavalerie seront tout à fait inhabiles à remplir leurs fonctions.
Le sort des sous-officiers devrait cependant exciter une vive sollicitude de la part du gouvernement, car ils y ont des titres incontestables.
Les sous-officiers, surtout en Belgique, ont à remplir des devoirs dont l'importance n'est compensée que par l'aridité. C'est sur eux que retombe le principal fardeau de l'instruction du contingent annuel de 10,000 hommes.
Les sous-officiers sont l'âme des corps ; ils composent la plus forte partie des cadres. L'esprit qui les meut réagit immédiatement sur le soldat que les relations de service mettent sans cesse en contact direct avec eux.
Il y a tout à la fois imprudence et ingratitude à ravir aux sous-officiers le fruit de leur zèle et de leur dévouement.
Qu'on leur assure dans l'infanterie et la cavalerie les places de sous-lieutenant vacantes dans ces armes et l'on ne tardera pas de voir les cadres de ces mêmes sous-officiers se compléter, au moyen de jeunes gens appartenant à des familles nombreuses de la petite bourgeoisie.
Ces familles n'ont pas assez de ressources pour pousser leurs enfants au-delà de l'instruction moyenne. Si, au moment où elles ne peuvent plus continuer les sacrifices que leur coûtent l'entretien et l'instruction de leurs enfants, elles avaient la certitude de pouvoir les envoyer, entre 16 et 17 ans, compléter leur instruction à l'école régimentaire, nul doute que l'armée n'obtint bientôt une pépinière d'excellents sous-officiers. Lorsque plusieurs années dans ce grade les auraient rendus aptes à figurer sur les tableaux d'avancement, on aurait, après les avoir détaché pour deux ans à l'école militaire, la garantie de nommer des officiers pleins d'aplomb et de vigueur, aimant leur état et l'envisageant comme une carrière et non comme une position dans le monde.
Mais on paraît tendre aujourd'hui à un autre but ; il semble même qu'on ait pris à cœur d'offrir les épaulettes et les appointements qui y sont attachés, à des fils de familles riches, à l'exclusion de la petite bourgeoisie qui, ne pouvant faire les frais de deux années de pension à l'école militaire, laissera le champ libre à une magnifique spéculation. Nous verrons ainsi ceux qui auront le moyen de s'y livrer, procurer à leurs enfants, par l'emploi d'un capital de l,600 francs, une rente annuelle de pareille somme au moins, susceptible d'accroissements successifs, par l'obtention de grades plus élevés.
Je ne doute pas qu'il ne convienne beaucoup aux privilégiés d'obtenir cette rente de 1,600 francs sur le trésor, mas il ne leur convient guère d'envoyer leurs enfants la mériter avant de l'obtenir, et si ces derniers cherchent à la disputer aux sous-officiers qui y ont droit par leurs services, ce ne sera point par la voie du mérite, mais par celle de la spoliation.
C'est pour éviter la consécration d'un abus aussi révoltant que je conjure M. le ministre de la guerre de n'admettre ces nouveaux candidats à l'école militaire qu'après avoir fait dans les corps un stage réel de 5 ans dont deux au moins comme sous-officiers. L'Etat y gagnerait, et ceux qui recevraient les épaulettes d'officier, après la double épreuve subie aux corps et à l'école militaire, n'en seraient pas à ignorer jusqu'à la valeur des ordres qu'ils sont chargés de faire exécuter. La faveur céderait la place au mérite, puisque c'est entre les plus capables des sous-officiers des corps que seraient distribuées les trente places d'officier d'infanterie et de cavalerie que M. le ministre annonce devoir être vacantes dans deux ans d'ici ; et certes les nouveaux candidats de 16 à 20 ans qui entreraient alors en lutte avec les anciens, seraient encore assez jeunes pour n'avoir rien à envier à leurs aînés s'il arrivait qu'ils les égalassent au concours.
Messieurs, j'insiste sur la position qu'on veut faire aux sous-officiers.
Je prie l'honorable général Chazal de faire connaître à la chambre s'il a l'assurance, qu'en accordant 30 places d'officiers dans l'infanterie et la cavalerie à des jeunes gens qu'on va préparer, à cette fin, pendant deux ans à l'école militaire, il ne portera pas le découragement et la démoralisation chez les sous-officiers, qui ont des titres réels à l'obtention de ces places. Quant à moi, je crains fort qu'il n'en soit ainsi.
Ce qui me porte à insister sur ce point, c'est l'impression désagréable que j'ai ressentie à la lecture d'une réponse de l'honorable ministre de la guerre à une observation de la section centrale, réponse consignée à la page 26 du rapport de cette section (pièce n°55) ; elle est ainsi conçue :
« De loin en loin seulement, parurent quelques rares nominations en échange des nombreuses vacances qui survenaient dans l'effectif, et ce, afin de ne pas décourager entièrement les sous-officiers et de leur laisser entrevoir que tout espoir d'avancement ne devait pas être perdu pour eux. »
Cette réponse de l'honorable ministre est d'un bien triste augure pour l'avenir des sous-officiers d'infanterie et de cavalerie, surtout si on les rapproche des paroles qu'il ajoute un peu plus bas : « qu'on ne peut, dès l'année 1848, compter sur des sorties de l'école militaire, pour l'infanterie et la cavalerie, en nombre suffisant pour atteindre la moyenne des pertes annuelles. »
Sans de bons sous-officiers vous n'aurez ni bataillons ni escadrons, partant point d'armée, telle est ma conviction ; et si l'école militaire était destinée à compromettre l'avenir des sous-officiers, je la regarderais comme bien plus nuisible qu'utile à l'armée. Il faut donc, je le répète, que les places d'officier d'infanterie et de cavalerie qui seront données après un séjour de deux ans à l'école militaire reviennent à ceux qui auront rendu auparavant des services réels à leurs corps. Tant qu'il en sera autrement, je me verrai forcé de voter contre les sommes demandées pour l'école.
Mais, dit-on, les jeunes gens, sortis de l'école, auront une instruction plus complète qui les prépare mieux aux connaissances nécessaires aux hauts grades.
Pour acquérir ces connaissances, il ne suffit pas d'avoir passé l'examen de sortie de l'école, il faut encore des facultés intellectuelles en quelque sorte supérieures. Sans quoi, malgré les succès obtenus à l'examen de sortie, on n'en resterait pas moins un sujet médiocre pendant toute sa carrière militaire.
Ce sont ces facultés intellectuelles qu'il importe de découvrir là où elles existent, et la chance d'arriver à cette découverte sera bien plus grande sur quelques milliers de sous-officiers, y compris nos jeunes récipiendaires, que sur les quelques candidats qui se présentent pour être admis à l'école militaire.
Que ces candidats aillent donc, eux aussi, avant d'être admis à l'école, faire le service dans les régiments... je dis, faire le service, et non, se faire inscrire sur les contrôles.
Messieurs, 40 adjudants-majors sont morts à la peine, nous a dit l'honorable ministre de la guerre, dans un de ses émouvants discours ; mais il ne nous a pas dit combien de sous-officiers sont morts à la peine de leur métier ingrat et fatigant. Eh bien, messieurs, jugez, par ce que je viens de vous dire, de ce que peuvent espérer les sous-officiers d'infanterie et de cavalerie après la mesure que vient de prendre l'honorable général Chazal, d'appeler à l'école militaire 30 jeunes gens pour en faire 30 officiers d'infanterie et de cavalerie au bout de deux ans.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Je remercie l'honorable colonel Eenens du discours qu'il vient de prononcer. D'abord la mesure qui crée une section d'infanterie ne m'appartient pas ; je le regrette beaucoup ; tout l'honneur en revient au général Prisse. Je dis : tout l'honneur, parce que je considère cette mesure comme entièrement favorable aux sous-officiers des corps, auxquels je porte aussi un vif intérêt. Si l’on a demandé des examens difficiles pour les jeunes gens qui n'appartiennent pas à l'armée, on a fait une exception pour les sous-officiers. Une section spéciale a été créée principalement pour leur faciliter l’obtention du grade d'officier. Cette section se composera, en grande partie, de sous-officiers d'infanterie et de cavalerie ; et si l'honorable M. Eenens avait lu l'instruction donnée aux inspecteurs généraux, il aurait vu qu'ils étaient chargés de désigner, pour faire partie de la section d'infanterie et de cavalerie, tous les sous-officiers possédant l'instruction et les qualités nécessaires pour devenir officiers, afin qu'ils puissent compléter leur instruction à l'école militaire.
Ces sous-officiers, messieurs, sont admis gratuitement à l'école. Leur (page 501) solde est suffisante pour faire face à tous leurs besoins, dans cet établissement où ils pourront étendre leur instruction. C'est donc là une mesure toute favorable, qui a été inspirée à mon honorable prédécesseur par sa sollicitude pour eux.
Quant à ma réponse à la section centrale, j'ai dit, messieurs, que, jusqu'à présent, on n'avait pas pu donner aux sous-officiers l'avancement auquel ils auraient eu droit, mais que cela tenait au passage du pied de guerre au pied de paix. C’est un regret que j’ai exprimé, et j’ai dit que désormais il y aurait plus d’avancement pour les sous-officiers. Voilà quel a été le sens de ma réponse que l'honorable colonel Eenens n'a pas comprise.
M. Eenens. - M. le ministre n'a pas répondu à ma demande. Je l'ai prié de faire passer également les jeunes gens qui voudront être admis à l'école militaire, de les faire passer par les corps, alors la partie serait égale.
M. de Mérode. - Je trouve parfaitement bien qu'on donne de l'avancement aux sous-officiers, mais il est important aussi qu'il y ait dans l'année des jeunes gens qui aient fait des études complètes avant d'entrer à l'école militaire et si vous obligez les jeunes gens à servir comme sous-officiers pendant deux ou trois ans, comment pourront-ils achever leurs études avant d'avoir l'âge requis pour entrer à l'école militaire ?
Il faut faire, dans un pays, la part de chacun, la part de toutes les classes de la société ; il faut surtout qu'il y ait dans l'armée des jeunes gens ayant fait des études complètes, connaissant les langues anciennes, afin que l'armée ne soit pas au-dessous des autres classes de la société, afin qu'il y ait parmi les officiers des hommes aussi instruits que dans les autres professions, que les avocats, les médecins, les ecclésiastiques, par exemple, et ce que demande l'honorable M. Eenens tendrait à empêcher les jeunes gens de cette catégorie d'entrer dans l'armée.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Traitements et indemnités : fr. 35,425. »
« Art. 2. Enseignement : fr. 69,049 33. »
« Art. 3. Solde des élèves : fr. 49,719 75. »
« Art. 4. Dépenses d'administration : fr. 23,729 93. »
Chapitre IV. - Matériel du service de santé et des hôpitaux
Articles 1 à 3
Art. 1er. Pharmacie centrale : fr. 120,000. »
« Art. 2. Solde, supplément de solde et pain des malades : fr. 507,675. »
« Art. 3. Loyer des bâtiments, réparations : fr. 13,500. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
M. Lejeune. - Messieurs, l'honorable général ministre de la guerre a bien voulu nous dire hier que pour me tranquilliser et pour tranquilliser tous ceux qui pensent comme moi, il déclarait qu'il y avait au département de la guerre une masse de documents concernant la défense du pays, que, de plus, il avait institué une commission chargée d'examiner la question de la défense du pays.
Messieurs, je crains fort que cette déclaration ne tranquillise personne ; elle ne fait qu'ajouter une preuve nouvelle à celles que j'ai citées hier pour démontrer que réellement on n'est pas fixé sur le système de défense du pays, qu'il n'existe réellement pas de système général de défense.
A Dieu ne plaise, messieurs, que je veuille exposer, par mes demandes, l'honorable ministre de la guerre aux rigueurs du Code pénal militaire. Si tel était le sens de mes observations, je devrais prier l'honorable général de ne pas m'écouter, car je serais probablement à côté de lui comme fauteur ou complice du crime dont il se rendrait coupable. Je me trouverais fort honoré de me trouver à côté de l'honorable général, mais ce ne serait pas précisément dans cette circonstance, que je l'engagerais beaucoup à éviter.
Mais, messieurs, l'honorable ministre a pris complètement le change sur le sens de mon discours : je n'ai pas voulu du tout soulever le voile des secrets qui doivent être gardés dans le cœur des chefs de l'armée. Ce que j'ai dit a trait uniquement à un système permanent de défense du pays.
Messieurs, si une pareille question ne pouvait pas être discutée, beaucoup de généraux se seraient déjà exposes aux rigueurs du Code pénal. Nous aurions couru ce danger en commun avec l’honorable général Dupont, qui ne s'est pas complétement abstenu de parler de la défense du pays, puisque la chambre a discuté la question concernant la tête de pont d'Aerschot. Dans cette discussion le général Goblet se serait rendu aussi très coupable, car l'honorable général nous a expliqué qu'une commission militaire avait été chargée d’étudier le système de défense de la frontière ou nord, et nous a dévoilé l'avis de cette commission ; il nous a dit quelles étaient les forteresses, les têtes de pont, etc., qui devaient se construire dans la Campine ; il nous a éclairés complètement sur les nombreuses routes faites et à faire dans la Campine, en les classant en catégories, en disant quelles étaient celles qui, dans toutes les hypothèses, étaient favorables à la défense, eu nous faisant connaître celles qui pouvaient se construire, à condition que les forteresses indiquées par la commission militaire fussent construites, en nous indiquant les routes qui seraient défavorables à la défense du pays dans tout état de cause.
Dans d'autres pays, on a également discuté publiquement le système de défense du pays. Lors de la discussion sur les fortifications de Paris, on est entré très avant dans l’examen de la question du système général de défense de la France. Nous ne devons pas sortir de notre territoire, pour trouver des précédents, et nous avons un exemple dans cette discussion même : l'honorable général Chazal nous a plus ou moins initiés au système de défense de la Hollande et de la Bavière ; ne pourrions-nous pas, avec toute la réserve nécessaire, parler aussi du système de défense de la Belgique ?
Il est évident que lorsqu'un système de défense permanent sera adopté, il faudra bien que les chambres en aient connaissance, car on ne pourra l'exécuter qu'au moyen des fonds qui devront être accordés par les chambres.
Ainsi, je suppose qu'on adopte le plan de défense de l'honorable colonel Eenens (quant à moi, je déclare que je suis complètement incompétent pour décider la question), mais je suppose que l'on adopte le plan de M. le colonel Eenens ; quelle eu serait la conséquence ? C'est qu'il faudrait démolir un certain nombre de forteresses, et en construire d'autres. La question devrait donc bien être publiquement discutée.
Et à propos de forteresses, n'est-ce pas une preuve qu'on n'est pas fixé sur le système permanent de défense, que les trente-six forteresses qui restent debout en Belgique ? Ces forteresses, en cas de guerre, ne seraient-elles pas, par leur grand nombre, un embarras pour la défense ?
Messieurs, je dois faire une dernière observation : c'est que tous mes efforts tendent à faire comprendre au gouvernement, à lui donner en quelque sorte cette conviction que j'ai si souvent exprimée, savoir que l'opinion de ceux qui croient que l'armée belge serait inutile, impuissante, en cas de guerre générale ; que cette opinion est très répandue et qu'elle est très fâcheuse ; qu'en général on s'appuie trop sur la garantie de la neutralité. Là tendent mes efforts, afin que le gouvernement, de son côté, fasse aussi tous ses efforts, pour combattre une opinion qui n'aboutirait à rien moins qu'à la désorganisation complète de l'armée belge.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Matériel de l'artillerie, charge ordinaire : fr. 501,573.
« Charge extraordinaire : fr. 38,427. »
- Adopté.
« Art. 2. Matériel du génie, charge ordinaire : fr. 752,000.
« Charge extraordinaire : fr. 400,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Traitements temporaires de disponibilité, de non-activité, de réforme, etc., charge ordinaire : fr. 272,484. »
M. de Corswarem. - Messieurs, hier à la fin de la séance, j'ai dit quelques mots à la chambre, qui était alors fort distraite, parce qu'elle était au moment de se séparer ; je me permettrai donc de revenir encore une fois sur le sujet que j'ai traité alors. J'ai surtout insisté pour que M. le ministre de la guerre ne mît plus d'officiers à la pension sans nous avoir soumis un projet de loi définitif sur les pensions militaires.
Il existe aujourd'hui un projet de loi qui, je crois, a été présenté par M. le général Evain, et dont la chambre a témoigné ne plus vouloir, lors de la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée. Une autre proposition avait été faite par la section centrale, et la chambre n'en a pas voulu davantage, et c'est cependant cette proposition sur laquelle on s'est basé jusqu'à présent, pour mettre à la pension plusieurs officiers.
Cet objet est d'autant plus important qu'il augmente tous les ans considérablement les dépenses. C'est ainsi que nous voyons par les tableaux joints au rapport fait par l'honorable M. Manilius, que depuis le 1er janvier 1840 jusqu'au 31 octobre 1847, le chiffre des pensions militaires s'est augmenté de 342,000 fr.
Ainsi, messieurs, en présence d'une augmentation pareille nous ne pouvons trop insister pour que M. le minière nous soumette dans un bref délai une loi définitive sur les pensions.
Cette augmentation n'est pas le fait du ministre actuel seul, car au 1er avril 1847, avant son avènement, il y avait déjà une augmentation de 239,701 francs sur l'année précédente. J'espère que l'importance de ces chiffres déterminera la chambre à appuyer mes observations et M. le ministre à y faire droit.
M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Toutes les pensions qui ont été accordées l'ont été, non en vertu d'un projet de loi, mais en vertu d'une loi, de la loi sur les pensions qui porte qu'à 55 ans d'âge ou quarante ans de service le Roi pourra pensionner les officiers. Or, depuis que j'ai l'honneur d'être à la tête du département de la guerre, tous les officiers qui ont été mis à la pension avaient beaucoup plus d'années d'âge et de service que ne l'exige la loi.
Je suis donc resté complètement dans les termes de la loi. Je ne me suis nullement réglé d'après le projet de loi soumis à la législature. Tous les officiers qui ont été pensionnés, je le répète, avaient droit à la pension. Quand un officier a l'âge et le temps de service exigé par la loi, s'il demande sa pension, on ne peut pas la lui refuser, c'est un droit qu'il a acquis par ses services.
Au reste, le chiffre des pensions n'est pas chez nous aussi élevé que (page 502) dans les pays qui se sont trouvés dans les mêmes conditions. En Hollande, le chiffre des pensions est de 3,800,000 francs ; en France, après 1815 quand il a fallu mettre l'année sur le pied de paix, il y a eu beaucoup d'officiers à pensionner, le chiffre des pensions s'est élevé à près de 60 millions ; aujourd'hui. il est réduit à 39 millions. En Belgique le chiffre des pensions ira à l'avenir en diminuant. Il est maintenant assez élevé, je le reconnais ; mais cela tient aux circonstances toutes particulières où nous nous sommes trouvés par suite des événements de 1830 ; il est relativement très modéré.
En 1830 beaucoup d'anciens officiers retirés ont repris du service ; des citoyens, par dévouement, sont entrés dans l'armée à un âge avancé ; le moment de la pension est donc arrivé promptement pour cette catégorie de militaires.
D'ici à quelques années, malheureusement, je le dis, des extinctions nombreuses arriveront et le chiffre des pensions diminuera. Il existe encore une autre cause qui a contribué à l'augmentation du chiffre des pensions depuis 1830, l’ophtalmie a sévi avec intensité dans notre armée, il a fallu pensionner des hommes à la fleur de l'âge, des miliciens de 20 à 24 ans. Voilà ce qui a contribué à augmenter le chiffre des pensions. L'ophtalmie ne fait plus les mêmes ravages maintenant ; par conséquent, nous n'aurons plus autant de pension à donner de ce chef.
M. de Corswarem. - Je n'ai pas reproché à M. le ministre de la guerre d'être sorti des termes de la loi pour accorder des pensions, mais j'ai dit que cette loi qui fixait à 55 ans l'âge auquel un officier pouvait être mis à la pension a été désapprouvée ans cette enceinte lors de la discussion de la loi d'organisation de l'armée ; on a reconnu qu'à cet âge il y avait une infinité d'hommes capables de rendre de boas services. C'est ce qui a porté la section centrale à proposer de fixer à 62 ou 63 ans l'âge de la mise à la pension des généraux ; la chambre n'a pas adopté cette proposition, elle a cru qu'à cet âge les généraux étaient encore en état de rendre de grands services ; elle a renvoyé cette proposition, elle l'a enterrée dans ses cartons.
Je ne puis pas attaquer, sous le rapport de la légalité, les mesures prises par le général Chazal ; mais je dis que la défectuosité ayant été reconnue alors et depuis, il conviendrait qu'on nous présentât une nouvelle loi des pensions.
L'honorable général Chazal nous dit que l'ophtalmie a été une des causes principales de l'augmentation des pensions. Je vois d'après le tableau joint au rapport de la section centrale, je vois que c'est sur le chiffre des pensions des officiers de 1846 au 31 décembre 1847 que l'augmentation est la plus forte ; elle est moindre sur le chiffre des pensions des sous-officiers et soldats.
- L'article premier est adopté.
Art. 2. Traitement des aumôniers : fr. 32,500. »
- Adopté.
« Art. 3. Traitements d'employés temporaires : fr. 2,500. »
- Adopté.
« Art. 4. Pensions civiles : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Pensions de militaires décorés sous l'ancien gouvernement, et secours sur les fonds de Waterloo : fr. 21,215 69. »
- Adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 44,993 31. »
- Adopté.
M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, lorsque l'on a demandé la clôture, je me proposais de prendre la parole pour expliquer mou vote. En votant pour le budget qui nous est soumis, je me joins à l'honorable M. Van Huffel pour déclarer que je n'entends contracter aucun engagement pour l'avenir.
Je crois aussi que des économies doivent être effectuées dans toutes les branches du service public, mais la discussion ne m'a pas éclairé sur l'importance des réductions qu'il est possible de faire sur le budget de la guerre sans compromettre la sûreté intérieure et la défense du pays. Aucune proposition de réforme n'a d'ailleurs été formellement proposée.
M. le président. - Nous passons au vote de l'article unique de la loi qui est ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère de la guerre est fixe, pour l'exercice 1848, à la somme de vingt-huit millions six cent quatre-vingt dix mille francs (fr. 28,690,000), conformément au tableau ci-annexé. »
Il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat ;
72 membres sont présents.
1 (M. Clep) s'abstient.
61 votent pour l'adoption.
10 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Raikem, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vandensteen, Van Huffel, Verhaegen, Vilain XIIII, Anspach, Brabant, Bruneau, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, de Baillet-Latour, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem. de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, Desaive, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Frère-Orban, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Nothomb, Orban, Pirmez et Pirson.
Ont voté contre : MM. Sigart, Tielemans, Bricourt, David, de Bonne, Delehaye, d'Hane, Eenens, Osy et Delfosse.
M. le président. - La parole est à M. Clep, pour motiver son abstention.
M. Clep. - Je n'ai pu voter pour l'adoption, parce que le budget de la guerre pèse lourdement sur les contribuables, et que la dépense, je crois, eût pu être réduite plus considérablement, sans toucher à la loi organique de l'armée.
Et je n'ai pas voulu voter contre, parce que. selon moi, il serait plus regrettable de rejeter le budget que de le voir adopter, tel qu'il est, encore pour 1848.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt) présente un projet de loi ayant pour objet l'obtention de l’assentiment de la législature au traité conclu entre la Belgique et le royaume des Deux-Siciles.
- La chambre donne acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation de ce projet de loi, dont elle ordonne l'impression, la distribution et le renvoi aux sections.
M. le président. - La chambre entend-elle aborder maintenant la discussion du budget de la justice qui est le premier objet à l'ordre du jour ?
De toutes parts. - Non ! non !
M. Rodenbach. - Je commence par déclarer que je resterai à mon poste si la chambre décide qu'elle votera le budget avant de se séparer.
Mais j'ai la conviction qu'avant deux heures d'ici l'on ne sera pas en nombre. Un grand nombre de membres sont déjà partis. Le ministère ferait donc infiniment mieux de demander à la chambre des crédits provisoires, plutôt que d'abuser de la bonne volonté de certains membres qui resteront pour s'occuper des budgets, sans qu'en définitive ils puissent être votés.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, a exposé dans une précédente séance les motifs impérieux qui devaient engager la chambre à continuer de siéger jusqu'après le vote des budgets. Je crois qu'il y a des motifs très graves pour qu'il en soit ainsi. Immédiatement après le vote des budgets, on pourrait se séparer pour un temps assez long afin que le gouvernement préparât les nouvelles mesures à soumettre à la chambre.
Si la chambre entendait interrompre ses travaux aujourd'hui, il faudrait qu'elle fixât l'époque de sa rentrée vers le 20 janvier ; car il faut bien que le gouvernement ait le temps de se préparer aux discussions. La vérité est que, pendant les sessions, et à raison du grand nombre d'heures que l'on doit consacrer à la chambre, il ne reste pas aux ministres un temps suffisant pour donner aux affaires, aux projets les soins qu'ils réclament.
Il faut laisser au gouvernement les heures nécessaires pour méditer les mesures qu'il doit soumettre à la chambre ou qu'il doit défendre devant elle. C'est indispensable. Mais nous croyons qu'il serait plus utile de ne prendre des vacances qu'après le vote des budgets. Les discussions s'en ressentiront avec avantage. Si l'on interrompt les travaux de la chambre pour reprendre dans dix ou quinze jours la discussion des budgets, les débats traîneront en longueur.
M. Delehaye. - Je comprends comme M. le ministre des travaux publics qu'il serait utile que la chambre, avant de se séparer, votât les budgets. Mais la chambre a des habitudes dont elle ne déviera que très difficilement. Si l'on ne se sépare pas aujourd'hui, il n'y aura néanmoins pas de séance d'ici à mardi ou mercredi. Nous aurons donc deux vacances au lieu d'une.
Une considération qui doit déterminer M. le ministre à ne pas insister, c'est que si nous abordons la discussion du budget de la justice, avant que nous ayons fini, le sénat se sera retiré.
Eh bien, messieurs, le sénat se retirera et ne reviendra pas immédiatement, parce que vous aurez voté les budgets.
Je demande que la chambre veuille bien décider dès aujourd'hui qu'elle prendra vacance. Nous pourrons employer le temps de cette vacance à étudier les budgets des travaux publics et de la justice, qui soulèvent de très graves questions.
M. Rodenbach. - Messieurs, il n'y a pas cinq minutes que nous avons voté le budget de la guerre et plusieurs de nos collègues me disent que déjà un tiers des membres ont quitté la salle. (Non ! non !) Si nous sommes en nombre, il est plus que probable que vous ne le serez plus demain. Vous ne pouvez discuter deux budgets en un jour. Celui des travaux publics nous prendra d'ailleurs huit à dix jours. Ainsi, dans (page 503) l’intérêt de MM. les ministres eux-mêmes qui nous disent qu'ils ont besoin de quelques jours pour étudier les questions qu'ils ont à nous soumettre, je les engage à nous présenter des demandes de crédits provisoires.
Je ferai encore remarquer que le rapport sur le budget des travaux publics n'est pas distribué ; qu'ainsi on ne pourra de toute manière atteindre le but qu'on se propose.
M. de Man d’Attenrode. - Il y a encore un document qui nous manque pour discuter le budget des travaux publics ; je désirerais savoir si M. le ministre sera bientôt à même de nous faire distribuer le compte rendu des opérations du chemin de fer pendant l'exercice 1846. Il serait important que nous en fussions saisis avant la discussion du budget.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Cela aura lieu.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Quelle que soit la décision de la chambre, elle ne peut se séparer aujourd'hui. Ce serait seulement demain qu'elle commencerait à prendre ses vacances. On pourrait donc remettre à demain la décision à cet égard. (Non ! non !)
Dans tous les cas le gouvernement doit saisir la chambre de demandes de crédits provisoires ; et M. le ministre des finances est retenu dans ce moment au sénat.
M. de Corswarem. - Si MM. les ministres pouvaient préparer immédiatement leurs demandes de crédits provisoires, rien n'empêcherait que nous eussions une séance du soir.
Mais on me dit que les projets sont signés et qu'il ne reste qu'à les présenter
M. Malou. - Je crois qu'on devrait prier M. le ministre des finances de se rendre un instant à la séance pour nous dire s'il est à même de présenter aujourd'hui des projets de loi de crédits supplémentaires.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je n'ai pas l'intention de revenir sur les observations que j'ai à plusieurs reprises présentées à la chambre sur l'inconvénient de se séparer avant de voter les budgets. La chambre est maîtresse d'agir comme elle l'entend, sous sa responsabilité. Mais dans la prévision que la chambre pourrait, malgré l'opinion que j'ai émise, se donner des vacances avant le vote des budgets, le ministère s'est mis en règle et il a fait préparer des demandes de crédits provisoires. M. le ministre des finances est occupé au sénat. Mais ses collègues sont nantis des demandes de crédits provisoires.
La chambre aura à décider si elle entend se donner immédiatement des vacances et pour combien de temps.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Rodenbach. Elle tend à faire décider par la chambre qu'elle s'ajournera immédiatement jusqu'au 18 janvier.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs comme conséquence de la résolution que vous venez de prendre, j'ai l'honneur de vous présenter un projet de loi ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics un crédit provisoire de un million trois cent quarante et un mille sept cent cinquante-neuf francs vingt et un centimes (fr. 1,341,759-21), pour faire face aux dépenses du mois de janvier de l’exercice 1848. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1848 ». »
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet.
M. Loos. - Je demande que ce projet soit renvoyé à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics, pour qu'elle puisse nous faire rapport demain.
M. de Corswarem. - Messieurs, il ne s'agit que d'une demande de crédit provisoire. Je proposerai de la discuter immédiatement.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ferai remarquée que, pour ne rien préjuger, je me suis borné à demander un douzième du budget de 1847.
- La chambre décide qu'elle passera immédiatement à la discussion. En conséquence la discussion est ouverte.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne sais s'il n'y aurait pas lieu de voter deux douzièmes du budget. Il est peu probable que le budget de. travaux publics soit discuté avant le 1er février, et il faudra que le gouvernement nous fasse une seconde demande de crédits provisoires.
M. Rodenbach. - M. le ministre ne nous demande que 1.300,000 francs. Je ne vois pas pourquoi il faudrait voter un chiffre supérieur. Nous ne nous ajournons qu'au 18 janvier ; si le gouvernement a besoin d'un second crédit, il nous le demandera.
- La discussion est close.
Les deux articles du projet sont successivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet ; il est adopté à l'unanimité des 73 membres présents.
Ces membres sont : MM. Raikem, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T’Kint de Naeyer, Tremouroux. Troye, Van Cleemputte, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Brabant, Bricourt, Bruneau, Clep, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, Desaive, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, du Roy de Blicquy, Eenens, Frère-Orban, Henot, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau, Orban, Osy, Pirmez, Pirson.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'ai l'honneur de présenter un projet de loi ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au ministère de la justice un crédit provisoire d'un million de francs (fr. 1,000,000) sur le budget des dépenses du département de la justice, pour l'exercice 1848. »
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet.
La chambre décide qu'elle passera immédiatement à la discussion.
M. Vilain XIIII. - Je rappellerai à M. le ministre de la justice qu'il a bien voulu promettre à la chambre, il y a environ un mois, de déposer les amendements qu'il avait préparés sur la loi du notarial. Je le prierai de vouloir bien s'occuper de cet objet pendant les vacances, pour que nous ayons ces amendements à notre retour.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, j'ai terminé l'étude de la loi du notariat. J'ai préparé les amendements que je me prépose de présenter à la chambre ; mais, à cause des questions importantes qui se rattachent au projet de loi, je dois nécessairement soumettre ces amendements à mes honorables collègues. C'est ce que je n'ai pu faire encore à cause des nombreux travaux dont le cabinet a eu à se préoccuper jusqu'ici ; mais je me propose de le faire pendant les vacances, et les amendements pourront être déposés, je l'espère, peu de jours après la rentrée de la chambre.
M. Rodenbach. - Je prie M. le ministre de la justice de vouloir, bien ne pas perdre de vue la promesse qu'il nous a faite, de présenter un projet de loi, pour la suppression de la bastonnade et d'autres peines dégradantes de cette nature dans l'armée de la marine.
M. Verhaegen. - Messieurs, je désire fixer l'attention de M. le ministre de la justice sur un point qui est devenu très important pour le commerce.
Il s'agit des sursis de payement, c'est un objet qui mérite toute la sollicitude du gouvernement et des chambres. Depuis quelque temps, il y a un très grand nombre du sursis, et je dois dire que là est la cause de la gêne dans laquelle se trouvent plusieurs maisons respectables de commerce. Je crois qu'on a abusé, depuis quelque temps, des sursis ; c'est une mauvaise voie dans laquelle on est entré et dont il faut sortir. Il y a des individus qui, ayant obtenu un sursis, continuent leur train de vie, comme auparavant, tout en narguant leurs créanciers, dont ils finissent par manger le gage, comme l'expérience ne l'a que trop démontré.
Je pense que si l'on ne peut pas présenter immédiatement une loi sur les faillites et les sursis, il y aurait lieu à prendre quelques dispositions sur les sursis.
Quoi qu'il en soit, je supplie M. le ministre de la justice d'être très avare de sursis. Je considère les sursis comme une plaie réelle pour le commerce, et beaucoup de commerçants sont obligés de suspendre leurs payements, parce que leurs débiteurs obtiennent des lettres de surséance.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je reconnais tout ce qu'il y a de fondé et de sérieux dans les observations que vient de présenter l'honorable M. Verhaegen. Depuis longtemps, le gouvernement est préoccupé de cette grave question ; et mon honorable prédécesseur avait déjà institué une commission, laquelle a préparé un projet de révision de la loi sur les sursis, et du titre du code de commerce concernant les faillites.
Le projet est terminé depuis quelque temps ; il a été envoyé à l'examen des cours et tribunaux du royaume ; les avis de plusieurs de ces corps sont déjà parvenus au département de la justice ; les avis des autres corps sont attendus ; mais je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir, pour accélérer l'instruction de cette affaire, et j'espère qu'avant peu je pourrai présenter un projet de loi complet sur cette importante matière.
M. d’Anethan. - Messieurs, je me joins à l'honorable M. Verhaegen, pour appuyer la demande, qu'il vient d'adresser à M. le ministre de la justice. Comme l'a dit M. le ministre, un projet de loi a été préparé au département de la justice ; il est soumis à l'examen des cours, des tribunaux et des universités. C'est un projet très long ; il contient, je pense, 3 à 400 articles. Il n'est pas probable, si ce projet devait être présenté tel qu'il a été élaboré, qu'on pût le discuter et voter dans cette session ; mais je pense qu'il y aurait moyen de disjoindre du projet sur les faillites les articles concernant le sursis et qui pourraient faire l'objet d'une loi séparée ; de cette manière on atteindrait le but indiqué par l'honorable M. Verhaegen. Je pense que cela serait d'autant plus désirable que les sursis se multiplient d'une manière extraordinaire. Déjà, il en a été accordé 9 depuis le 12 août, et pourtant M. le ministre de la justice déclarait l'année passée au sénat, que les sursis étaient très préjudiciables au commerce, et amenaient ordinairement la ruine des créanciers.
- La discussion est close
On passe à l'appui nominal sur l'article unique du projet de loi. Le projet de loi cm adopte à l'unanimité des 68 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.
(page 504) M. le président procède au tirage au sort de la grande députation chargée de complimenter le roi à l'occasion de la nouvelle année.
Les membres désignés sont : MM. Vilain XIIII, de Mérode, Jonet, de La Coste, d'Anethan, Pirson, de Baillet, Nothomb, Lebeau, T'Serclaes et Desaive.
M. le président. - Mardi 18 janvier, séance publique à deux heures. Ordre du jour discussion du budget de la justice.
M. Mercier. - La chambre a décidé qu'à la rentrée on discuterait les propositions de la section centrale relatives aux sucres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer que les budgets sont à l'ordre du jour. Ils doivent y être maintenus.
M. le président. - Si la chambre a décidé qu'elle s'occuperait, avant tout, des amendements de la section centrale concernant les sucres, le président devra se conformer à cette décision tant qu'elle ne sera pas révoquée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - On supposait qu'on ne se séparerait pas avant d'avoir voté tous les budgets.
M. Malou. - La décision qu'on a prise était une transaction, il a été décidé qu'on mettrait la discussion des amendements relatifs aux sucres à la suite des budgets et au plus tard à la rentrée si les budgets des dépenses n'étaient pas votés. A moins d'une autre résolution, c'est la question des sucres qui doit être mise en premier lieu à l'ordre du jour.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). -Je demande qu'on continue l'ordre du jour ; les budgets de la justice et des travaux publics y sont depuis plusieurs jours.
M. le président. - Nous ne sommes plus en nombre suffisant pour délibérer ; les résolutions précédemment prises seront exécutées, à moins que la chambre n'en décide autrement la première fois qu'elle se réunira.
- La séance est levée à trois heures et demie.