(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 333) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à une heure.
M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Blankenberghe demande la construction d'un port de refuge à l'est de cette commune. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Le conseil communal d'Ittre présente des observations contre le projet de loi qui supprime le premier canton de justice de paix de Nivelles. »
- Renvoi à la commission des circonscriptions cantonales.
« Le sieur Libert, sergent au régiment de chasseurs-carabiniers, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger, sans l'autorisation du Roi. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Plusieurs habitants de la commune de Samré prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession et toute augmentation de dépenses ou d'impôts qui lui serait proposée. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur les successions, et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Le sieur Germain-Joseph Hardy, préposé des douane» à Marcke, né à Gand, de parents étrangers, demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d’enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur de Damseaux réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la liquidation de ce qui revient aux employés belges pour travaux du cadastre dans les provinces septentrionales de l'ancien royaume des Pays-Bas. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur d'Henry présente des observations sur le mode de nomination au notariat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le notariat.
« Plusieurs cabaretiers et débitants de boissons distillées dans le Limbourg demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838 qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »
« Même demande de plusieurs habitants de Dison. »
M. Lys. - Je demande qu'à l'exemple de ce qui a été fait pour les autres pétitions de ce genre, celle-ci reste déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
- Cette proposition est adoptée.
« Les secrétaires communaux du canton d'Erezee demandent une augmentation de traitement et leur participation à la caisse de retraite des employés de l'Etat. »
- Renvoi au ministre de l'intérieur.
« Un grand nombre d'habitants de Namur prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.
« Le sirur Bonthier se plaint des retards qu'on apporte à son procès dont le tribunal de Charleroy est saisi.
- Renvoi à la commission des pétitions.
(page 334) « La dame Berckmans qui a été reconnue comme veuve du milicien Vandoren dont elle n'a pl.is reçu de nouvelles depuis 1813, demande que l'officier de l'état civil à Louvain soit autorisé à passer outre à son deuxième mariage, nonobstant le défaut de production de l'acte de décès de son premier mari. »
- Même renvoi.
Par vingt-deux messages, en date du 17 décembre, le sénat informe la chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de loi de naturalisation ordinaire.
- Pris pour notification.
MM. de Baillet-Latour et Cans demandent un congé.
- Ce congé est accordé.
M de Chimay, retenu chez lui depuis le commencement de la session par une indisposition grave, prête serment.
M. Sigart dépose des rapports de la commission des naturalisations.
M. Le Hon. - Messieurs, lors de la discussion sur la réponse au discours de la Couronne, j'avais attaqué le système suivi par les ministères de ces dernières années dans les rapports du gouvernement avec le clergé en matière d'enseignement public. Cette discussion était fermée.
L'honorable M. Nothomb, qui était absent à cette époque, saisit l'occasion du budget de l'intérieur pour renouveler le débat et nous y prendre la part qui lui revenait, j'en conviens, comme ayant été l'auteur des principaux actes sévèrement blâmés au-dehors comme au-dedans, de cette chambre.
Informé, au moins à un point de vue général, du sujet de la discussion qui allait s'ouvrir, je témoignai à M. le ministre des travaux publics le désir de connaître les pièces qui n'avaient fait qu'apparaître un instant dans la séance du 18 novembre.
Je me suis cru en droit de lui adresser cette demande, d'abord parce que, dans le conseil communal de Tournay, j'avais le premier signalé et publié les preuves authentiques du système épiscopal en matière d'enseignement ; ensuite, parce que, comme député, j'avais avancé les faits les plus graves dans le débat précédent.
M. le ministre consentit à me donner communication du dossier que j'ai parcouru pendant quelques heures et que je restituai immédiatement. Je pris des notes en forme d'extraits pour me préparer aux éventualités de la discussion, et sans avoir encore de parti bien arrêté sur l'usage que j'en ferais. Le discours de M. Nothomb a tracé le cadre du mien. J'ai eu à répondre immédiatement à un discours habilement étudié et à confirmer, par de nouvelles preuves, l'ensemble des faits administratifs qu'on venait de nier formellement. Opposer aux paroles de l'ex-ministre, ses propres actes, c'était mon droit.
Au nombre des éléments de ces preuves, s'est trouvé un passage final de la minute d'une lettre du 2 septembre 1844, passage qui portait deux traits d'écriture en croix. Cette circonstance donnait à penser que ce. paragraphe n'avait pas été transcrit dans la lettre originale transmise aux évêques, mais n'altérait en rien la réalité du fait et de ses circonstances consignés avec tant de précision, par le fonctionnaire rédacteur habituel de la correspondance du ministre, comme élément justificatif de son système de condescendance envers les évêques. Je l'ai mentionné, ayant soin de déclarer, en le citant, que je produisais ce passage, non à titre de paragraphe de dépêche, mais « comme note et comme fait ».
Le débat a eu son cours et il a été clos dans la séance de samedi. Je m'étais attendu à quelques observations vives et sérieuses dans cette seconde séance, et j'étais prêt à y répondre. Rien qui me paraisse avoir ce caractère ne m'a été opposé : mais la discussion qui était épuisée chez vous ne paraît pas l'être ailleurs ; elle continue dans la presse ; je ne m'en plains pas. La vérité se trouve toujours bien de la lumière. Mais quand les attaques dégénèrent, au-dehors, en incriminations calomnieuses, un député habitué à traiter sérieusement et avec mesure les choses graves n'accepte pas en silence, sur un pareil sujet, des imputations qu'il n'aurait certainement pas souffertes dans cette enceinte.
Deux journaux, organes avoués des opinions catholique et mixte publient ce matin des insinuations de cette nature. Cependant, eu égard aux droits de la presse et aux conséquences naturelles de sa liberté, je ne me serais pas ému de ces attaques auxquelles on m'a depuis longtemps habitué, si une note de l'honorable M. Nothomb, relative au même fait, ne figurait au Moniteur de ce jour.
Je ne conteste pas le droit dont il a usé, en donnant des explications par cette voie. Mais une grande question a été portée devant la chambre, elle préoccupe vivement le pays tout entier. Le débat qu'elle a soulevé doit aboutir au résultat qui éclaire enfin l'opinion publique.
Il est dans l'intérêt de l'ancien ministère d'être justifié si la justification est possible, et le vœu de tous doit être qu'aucun voile ne cache la vérité.
C'est dans ce but sans doute qu'à la fin de la séance de vendredi dernier plusieurs honorables membres avaient demandé l'impression des pièces : en quittant la chambre, ce même soir, je regardais la proposition comme adoptée. J'ai reconnu à l'examen du procès-verbal que j'étais dans l'erreur.
Je viens reprendre la proposition et prier la chambre, par voie de motion d'ordre, d'ordonner que les pièces dont je lui ai soumis des extraits sont imprimées textuellement et insérées au Moniteur. Le pays pourra juger alors si les extraits cités, dont l'effet déjà a été si grand sur les esprits, ne sont pas bien faibles auprès de la preuve puissante qui résultera de pièces complètes.
Je tiens à être exact en tout et, s'il y avait eu de ma part une altération quelconque soit du sens, soit du texte, soit de la portée des lettres, je serais le premier à le reconnaître.
Je désirerais aussi que le paragraphe bâtonné pût être imprimé littéralement soit à la suite, soit en marge de la lettre du 2 septembre, si on n’en décidait pas l’impression dans le corps de la pièce.
Un membre. - C'est impossible.
M. Le Hon. - Permettez ; la chambre en décidera. Je ne m'adresse pas ici à des sympathies ou à des opinions individuelles. Je m'adresse à rassemblée tout entière. Vous n'empêcherez pas la vérité de se faire jour, soyez-en sûrs.
Je demande, je le répète, la publication de toutes les pièces dont j'ai fourni des extraits, sauf au gouvernement et à la chambre à y joindre toutes autres dont ils jugeront la publication utile ou convenable.
M. Nothomb. - Messieurs, j'ai déjà déclaré qu'en ce qui me concerne, je ne m'opposais en rien à l'impression des pièces ; je le désire vivement ; mais il m'importe de saisir cette occasion pour appeler à mon tour l'attention de la chambre sur la marche qui a été suivie et sur celle qu'on aurait dû suivre.
Autre chose, messieurs, est d'imprimer le texte des pièces, lorsque, déjà par une discussion anticipée à l'aide de citations partielles, isolées, on a produit un certain effet. Autre chose eût été de publier d'abord toutes les pièces, de les livrer dans leur ensemble à la connaissance de la chambre et puis d'établir la discussion. Je me félicite de ce que l'honorable membre ait, par une motion d'ordre, rouvert pour un moment le débat.
Je prends la parole non pas seulement dans mon intérêt, mais dans l'intérêt de tous ceux qui sont appelés à occuper le pouvoir, qui l'occupent maintenant ou qui l'ont occupé. J'ai réfléchi à la marche qu'on aurait dû suivre ; je me suis même enquis de ce qui se serait fait au parlement anglais et en France. Je crois que si on eût annoncé que tel système de politique résultait des documents de tel ou tel département ministériel, sur la dénégation de l'ancien ministre, on eût alors décidé que, sans communication préalable à des tiers, l'ensemble des pièces serait déposé sur le bureau et textuellement imprimé en son entier. Alors il y aurait eu discussion impartiale, sans surprise. Evidemment, c'est la seule marche équitable ; c'est ainsi qu'on procède devant la justice ordinaire ; procéderez-vous autrement le jour où vous devenez un grand jury pour un ministre, pour un homme politique qui, par la force des choses, se transforme tout à coup devant vous en prévenu ? Supposez un moment que devant un tribunal quelconque on eût agi envers un individu ordinaire comme on agit envers moi, et prononcez.
Remarquez-le, je ne vais pas jusqu'à incriminer les intentions, je crois que ce qui est arrivé est dû à l'absence de précédents sur la marche à suivre.
On aurait dû, dans la séance de vendredi, déclarer qu'on trouvait dans mon discours des allégations insoutenables devant l'examen de certains documents ; et sur ma dénégation, sans que personne eût pu prendre la parole sur les documents à produire, les faire imprimer dans leur ensemble ; seulement alors une discussion se serait établie ; j'aurais été prévenu, toute la chambre l'aurait été, j'aurais pu discuter tous les documents, répondre à tous les faits. J'insiste donc et fortement sur tout ce qu'il y a eu d'irrégulier dans la marche qui a été suivie. Je ne m'en prends à personne, je m'en prends à notre inexpérience commune si avant toute discussion on n'a pas ordonné, comme on l'eût fait dans le parlement anglais, le dépôt de toutes les pièces sur le bureau et l'impression dans leur ensemble.
Je ne m'oppose pas à l'impression, je la désire, je m'en réfère au gouvernement ; le gouvernement en décidera ou la chambre si on fait la motion de faire statuer à la chambre. Dans la séance de vendredi j'avais dit que je m'en rapportais au ministère. Je demanderai l'impression de toutes les pièces depuis la première lettre des évêques du 20 avril 1844 jusqu'à celle de M. Van de Weyer, du 10 février 1846 inclusivement. Il doit y avoir une dizaine de pièces, il faut les mettre en rapport entre elles et les apprécier dans leur ensemble. Je demanderai en outre qu'on fasse un fac simile de la minute de la lettre du 2 septembre en ce qui concerne l'évêque de Gand. On verra que le passage qui a fait une si grande impression, sur l'assemblée ne fait pas partie de la lettre que j'ai écrite à ce prélat.
Quand ce fac-simile sera sous nos yeux, vous vous demanderez jusqu'à quel point on peut invoquer un passage raturé dans une minute, s'interposer entre le ministre et son homme de confiance dans l'intérieur des bureaux, établir, j'ose le dire, je ne sais quel système inquisitorial...
Une voix. - De qui est l'écriture ?
M. Nothomb. - L'écriture n'est pas de moi, c'est un employé qui a fait la minute ; il me l'a soumise ; j'y ai fait quelques changements et j'y ai biffé ce paragraphe tout entier.
Si maintenant vous aviez procédé comme je l'ai dit tout à l'heure, si vous aviez, d'abord, avant tout usage partiel du document, si vous aviez demandé que le ministère communiquât à la chambre ma correspondance véritable, ma correspondance expédiée aux évêques, mais, messieurs, on n'aurait pas même pu donner communication de ce passage (page 335) retranché, car la lettre que j'ai écrite à l’évêque de Gand ne renfermait pas ce passage.
Ainsi, messieurs, moi, qui n'ai fait prendre copie que de la lettre véritablement expédiée, ai-je été pris, je le répète, au dépourvu. Remarquez-le bien, des changements ont été faits : il y a plusieurs ratures dans cette lettre.
Je me suis mis à me demander si j'avais bien copie exacte. C'est hier, seulement, que j'ai pu m'assurer que ma copie était exacte. (Interruption.) J'ai copie de la lettre expédiée à l'évêque de Gand, je n'ai pas de copie littérale de la minute où se trouve le passage raturé ; ce n'est pas là la véritable correspondance avec l'évêque de Gand. Il est évident, messieurs, que je ne suis responsable que de la lettre réellement expédiée et signée par moi. Je ne suis pas responsable de la minute qui m'a été proposée. Cette minute n'est pas de ma main. (Interruption.)
Je sais bien que l'honorable M. Le Hon a donné lui-même cette indication, mais il n'en reste pas moins vrai qu'à l'aide d'une phrase qui ne se trouve pas véritablement dans ma lettre à l'évêque de Gand, qu'à l'aide de cette phrase on a produit un grand effet, qu'on a fait naître contre moi de grandes préventions. (Interruption.) Je dis que cela fait beaucoup ; je ne suis plus dans une position aussi favorable que je l'aurais été si les pièces avaient été publiées au préalable. En un mot, on m'a traité comme on ne traite personne, ni devant la juridiction criminelle, ni devant la juridiction civile.
Quant aux faits, messieurs ; je les ai expliqués, et je m'en réfère, sous ce rapport, à la note qui se trouve dans le Moniteur de ce matin. Je ne veux pas en outre introduire cette question dans le débat, je me borne à maintenir les faits tels que je les ai consignés aujourd'hui au Moniteur. Si je ne l'ai pas fait samedi, c'est que je n'en ai pas eu le temps ; j'ai dû employer une grande partie de la journée d'hier à réunir les renseignements.
M. Dedecker. - Les faits sont très exacts tels que vous les avez exposés.
M. Nothomb. - Il est très vrai que l'employé réducteur de la note m'avait proposé le paragraphe dont on a tiré un si grand parti. Je lui avais tout bonnement donné pour instructions : Faites une lettre où vous reprocherez en quelque sorte à l'évêque tout ce que j'ai fait pour lui. De la tendance chez cet employé à l'exagération ; il s'agissait d'une lettre de récrimination ; en se plaçant à ce point de vue, il a eu l'idée de se servir du fait indiqué, en se basant sur la réclamation de M. Willequet père, qui se regardait, lui, comme une victime du clergé ; d'après les instructions que je donnais au rédacteur et que je viens de faire connaître, il a cru qu'il pouvait aussi mettre à profit ce fait en se plaçant au point de vue même du sieur Willequet, père.
J'avais eu pour but principal, en donnant la préférence au sieur Van Blaeren, de faire disparaître un établissement qui était le rival de l'école primaire supérieure que le gouvernement créait. Je vais plus loin, je dis que le succès de cette école était impossible si l'établissement du sieur Van Blaeren n'avait pas disparu. C'est ainsi que le sieur Van Biaeren a été préféré ; mais je m'étais bien réservé de donner au sieur Willequet une ample compensation. Cette compensation, il l'a eue lui et sa famille.
Ce n'est donc pas dans mon intérêt seul que j'insiste, messieurs, sur la marche qui a été suivie ; c'est dans l'intérêt de tout le monde. Je dis que dans de semblables circonstances, on doit déposer sur le bureau l’ensemble des documents, l'ensemble du dossier et en demander l'impression au préalable. Alors la discussion peut s'établir sans qu'il y ait surprise pour personne. Alors, il faut bien le dire, il n’y a pas de ces effets de tribune qui deviennent presque ineffaçables.
Je ne m'oppose donc nullement à l'impression, mais je demande qu'on publie en même temps un fac-similé de la minute qui m'a été soumise, et je reproduis à l'égard du paragraphe raturé, en particulier, toutes les réserves que j'ai déjà faites tout à l'heure.
M. Le Hon. - S'il faut en croire l'honorable M. Nothomb, il ne lui resterait plus qu'à se poser en victime vis-à-vis de ceux qui ont attaqué son administration et qui en ont produit les actes. L'honorable membre semble n'avoir rien su, rien appris, même après les publications qu'en a faites le Moniteur, de toutes les questions agitées dans la discussion de l'adresse. Alors pourtant on a vivement attaqué le système politique des anciens ministères ; on a fait justice des allusions peu sincères au malentendu, à l'équivoque et à une prétendue communauté de principes libéraux sur l’indépendance du pouvoir civil ; alors aussi nos adversaires avaient soutenu qu'il n'existait aucune preuve de l'abandon des droits de l'Etat sur l'enseignement public : que la Constitution était intacte et la loi fidèlement exécutée.
Dans la séance du 19 novembre, j'avais opposé à ces allégations sans preuve des faits positifs, notoires, incontestables..
De son côté, M. le ministre des travaux publics avait produit un dossier qui renfermait une partie de la correspondance de l'ancien ministère avec l'épiscopat : il en avait lu quelques extraits fort significatifs à la chambre ; l'origine de ces pièces, leur transport à Berlin et leur renvoi à Bruxelles avaient été l'objet d'observations publiques. L'honorable M. Nothomb arrive au milieu du retentissement de ces débats. Il entreprend de faire une large apologie de son administration. Il s'efforce de vous démontrer qu'il n'a rien accordé au clergé qu'il eût été dans ses devoirs de lui refuser, et que toutes les concessions qu'il lui a faites si longtemps n'ont été que des moyens habiles de conciliation, que des actes de déférence très légitimes. Et quant aux combinaisons étudiées de son langage on vient opposer l'autorité de ses propres actes, il se récrie, comme s'ils lui étaient étrangers, comme s'il n'avait pu ni les connaître, après les avoir emportés, triés et renvoyés, ni en prévoir l'emploi, après l'apparition qu'elles avaient faite dans une discussion du mois de novembre.
On n'est jamais très admissible à venir se retrancher derrière l'ignorance de ses faits personnels.
Il y avait donc un fait acquis à la chambre, acquis à la discussion ; c'est qu'un dossier de pièces de correspondance existait, c'est qu'il avait été produit dans cette chambre, c'est qu'on en avait lu quelques passages, et qu'ils avaient fait une profonde impression. C'est pour détruire cette impression que l'honorable M. Nothomb est venu engager la lutte. A-t-il entendu, par hasard, qu'il lui serait loisible de cacher bien soigneusement son plan d'attaque et ses armes, et qu'il ne serait légitime et permis de le combattre par lui-même, qu’après un délai moins nécessaire à l'impression des pièces qu'il connaissait bien, qu'utile à l'effet espéré de son discours ?
Cela ne peut se supposer. Toutes les fois que l'honorable membre viendra rouvrir un débat, protester contre les faits les plus notoires ou les isoler pour échapper au poids écrasant de leur ensemble ; lorsqu'il viendra enfin se heurter étourdiment, violemment contre ses propres actes, il n'aura qu'à s'imputer à lui-même les conséquences de cette tentative. Peut-être serions-nous en droit de lui renvoyer ici le reproche de légèreté et d'inexpérience qu'il adressait aux autres tout à l'heure. Ce que j'ai fait, je le ferais encore dans les mêmes circonstances. Je ne conteste en rien le caractère particulier du paragraphe qui paraît l'avoir préoccupé beaucoup, par suite de la vive impression qu'il a faite.
L'honorable M. Nothomb déplore cet effet de tribune dont il lui paraît difficile d'effacer les traces. Croit-il donc que toute l'impression de la séance se soit concentrée sur l'épisode de l'affaire Willequet, quelque saisissant qu'il fût ? Non, assurément : l'effet a jailli de tous ses actes administratifs, de leur caractère de soumission absolue, humiliante, et s'ils ne peuvent être réunis sous les yeux du public sans faire une impression profonde et pénible, à qui la faute, si ce n'est à l'honorable membre ?
Une voix partie de ces bancs a demandé de qui était l'écriture de la pièce. Je reconnais que cela fournit très naturellement l'occasion de répondre : « Elle n’est pas de moi. » Mais, messieurs, en langage officiel cela est parfaitement indifférent.
Qui donc a écrit de sa main toutes les pièces de ce dossier ? Je vais vous le dire ; elles sont d'une seule et même écriture, c'est celle du chef permanent de la division de l'instruction publique, confident nécessaire de la pensée administrative et des précédents ministériels en fait d'enseignement ; oui, c'est ce chef qui a écrit la lettre du 2 septembre comme toutes les autres. Et il serait venu de lui-même consigner un fait grave et faux et des circonstances imaginaires dans la minute d'une dépêche ministérielle destinée aux évêques ! Cela est invraisemblable, impossible. Ce fait et les circonstances étaient de la nature des affaires dont ce fonctionnaire est spécialement chargé. D'ailleurs, vous l'avouez ; vous dites lui avoir donné pour instruction de rédiger une lettre où seraient réunis les faits qui pouvaient témoigner de vos déférences fréquentes pour l'épiscopat. Celui-là, de l'avis du rédacteur, était donc de cette catégorie. Que vous ayez jugé inutile de vous en prévaloir auprès des évêques, je le conçois ; mais cela n'altère en rien la réalité et l'importance du fait en lui-même, comme preuve d'une condescendance poussée jusqu'à l'injustice.
Assurément je n'ai pas dit que ce paragraphe avait été envoyé comme partie intégrante de la lettre officielle. J'ai posé cette question à l'honorable M. Nothomb : Le fait existe-t-il avec ses circonstances ? Y a-t-il eu une école laïque qui a été écartée en faveur d'une école épiscopale et spécialement protégée par l'évêque ? Voilà le fait important.
Vous convenez que cette préférence a été accordée, mais vous ajoutez qu'il était impossible que l'école primaire supérieure prospérât à Renaix, si elle avait eu pour rivale l'école de M. Van Blaeren ;vous allez beaucoup plus loin que vous ne pensiez ; d'abord, parce que c'est là impliquer l'éloge de l'école du sieur Willequet, et ensuite parce que vous cédez encore*ici à la préoccupation qui a produit les fautes de votre administration, vous cédez à cette idée qui est fausse à mes yeux, parce que, si elle était vraie, la liberté d'enseignement serait impossible chez nous. Vous croyez qu'une école primaire supérieure laïque ne peut pas prospérer à côté d'une école soutenue, favorisée par le clergé. Vous croyez que si vous aviez donné la préférence à cet honorable instituteur laïque, le clergé aurait tourné son influence et ses efforts contre l'école du gouvernement. L'expérience de Tournay prouve que quand le gouvernement sait garder ses positions, prendre des résolutions dignes, sages et fermes, en accord avec le sentiment public, le clergé est sans force pour lui aliéner la confiance des pères de famille..
L'administration communale de Tournay a dû renoncer à l'appui de l'autorité religieuse ; un collège de jésuites existe dans la même ville à côté de l'athénée ; est-ce que, par hasard, la prospérité de l'athénée en a été atteinte ? Non, l'athénée n'a jamais été plus florissant. Les chefs de famille ont compris que le clergé avait abusé de son droit d'abstention, et que l'administration communale avait de tout temps manifesté une très vive sollicitude pour l'enseignement moral et religieux.
Telle est l'influence de l'esprit de justice et du système de publicité sur la confiance des pères de famille ; il en eût été à Renaix, pour M. Willequet, comme il en a été à Tournay pour l'athénée.
(page 336) Ainsi les motifs mêmes, exposés ici par M. Nothomb, révèlent autant que ses actes, la pensée qui a dominé son administration ; c'est que partout il fallait s'incliner devant la toute-puissance du clergé, quelque respectable que fussent les titres d'un établissement laïque, tant était exagérée chez l'honorable membre la crainte de la concurrence cléricale, et la conviction qu'un établissement public d'instruction ne pouvait pas prospérer ni même se soutenir auprès d'un établissement ecclésiastique ou protégé par l'évêque.
L'honorable M. Nothomb est revenu avec complaisance sur la forme insolite dans laquelle on aurait procédé à son égard. Sa critique ou plutôt sa doléance à ce sujet ne saurait être sérieuse. Il a subi les chances d'un engagement improvisé : je l'ai combattu avec ses propres armes. Il n'y a ici ni prévenu ni accusé : il a voulu se poser en homme d'Etat qui aurait vu et traité de haut les grandes questions de législation organique et d'administration supérieure en fait d'enseignement. Je doute que la tentative lui ait été heureuse. C'est à la chambre et au pays qu'il appartient d'en juger. Quant à moi, je tiens à honneur d'avoir soutenu une discussion à la hauteur d'une grande question d'intérêt national au-dessus de toute misérable considération de personne.
Je persiste dans la demande que j'ai faite de l'impression des documents dont j’ai cité les extraits. et je me joins à l'honorable M. Nothomb pour demander en outre qu'il soit fait un fac-similé de la lettre du 2 septembre 1844. Je n'ai pas à m'occuper de la publication de toutes autres pièces ; cela regarde le gouvernement.
Mais je le remercie d'avoir demandé que l'on donnât le fac-similé de la lettre du 2 septembre.
M. Nothomb. - La chambre ne s'opposera pas à ce que je prenne de nouveau la parole ; je suis accusé, j'use de tous les droits de la défense.
M. de Corswarem. - Vous n'êtes pas accusé.
M. Nothomb. - Prévenu, si vous voulez.
Avant de m'occuper de nouveau de la marche qui a été suivie, je suis forcé de rectifier les faits en ce qui concerne la nomination qui a eu lieu à Renaix à la place de directeur de l'école primaire supérieure que le gouvernement allait instituer.
Il existait, à Renaix, deux établissements qui avaient quelque analogie avec les écoles primaires supérieures. Le conseil communal de Renaix s’est adressé au gouvernement, pour obtenir une école primaire supérieure du gouvernement. Les deux établissements avaient pour chefs l'un le sieur Van Blaeren, qui n'est pas, comme on l'a pensé, un ecclésiastique ; son établissement était un établissement privé ; l'autre avait un caractère que j'appellerai mixte, c'était une école communale à laquelle le sieur Willequet, père, avait ajouté différents cours qui en faisaient une espèce d'école primaire supérieure.
Si M. Willequet avait été nommé par le gouvernement directeur de l'institution nouvelle, l'école communale primaire subsistait toujours, les cours annexés venaient seulement à tomber ; mais, dans ce cas, l'école primaire supérieure de Van Blaeren subsistait dans son entier, il y aurait eu rivalité entre rétablissement Van Blaeren et l'établissement du gouvernement, C'est cette rivalité que j'ai voulu prévenir. Cette même rivalité n'était pas à craindre de la part de Willequet, parce que son établissement était l'école communale proprement dite, à laquelle on avait adjoint quelques cours qui venaient à disparaître. (Interruption.) Ces cours venaient à disparaître par l'application de la nouvelle loi.
Les deux directeurs se présentaient avec des titres à peu près égaux, c'est une simple question de concurrence, de rivalité qui a fait donner la préférence à Van Blaeren. L'établissement Van Blaeren s'est trouvé ainsi dissous ; Willequet, fils, a été attaché à l'école primaire supérieure dont Van Blaeren était devenu le chef. Il restait à faire quelque chose en faveur de Willequet, père. Je l'ai nommé directeur de l'école industrielle d'Andenne. Je me suis occupé de toute la famille ; d'autres faveurs lui ont été accordées. C'est avec plaisir que j'ai maintenu le fils aîné directeur-de l'école primaire supérieure à Gand.
Est-il vrai de dire après cela que cette famille a été sacrifiée ? Seulement, dit-on, la justice a été lente.
M. Le Hon. - L'injustice a été grande.
M. Nothomb. - Il n'y a pas eu d'injustice, la préférence que j'ai eue est justifiée par les excellents motifs administratif que je vous indique. La compensation que j'avais fait espérer n’a pu être immédiate ; elle s'est fait attendre : dans l'intervalle, sieur Willequet s'est plaint, il s'est adressé à l'honorable M. Dedecker, qui est nommé dans le paragraphe supprimé. J'espère que cet honorable membre voudra bien expliquer les faits dont sans doute il a gardé le souvenir. L'honorable M. Dedecker a regardé quelque temps Willequet comme victime, il m'a écrit des lettres dans lesquelles il a blâmé vivement la préférence accordée, et j'ai dû m’attacher à lui expliquer les véritables motifs de cette préférence. Si l'honorable M. de Dedecker veut prendre la parole, je la lui céderai, sauf à la reprendre ensuite.
M. Dedecker. - Puisque mon nom a été cité dans cette affaire, la chambre me permettra de donner, à mon tour, quelques explications.
Voici le fait dont la révélation a produit sur la chambre l'impression dont on vous a parlé. L'honorable M. Le Hon avait accusé l'honorable M. Nothomb d'avoir sacrifié un père de famille aux exigences du haut clergé. Eh bien ! le mot « sacrifié » est tout à f.nl injuste ; les faits tels que M. Nothomb vous en a fait dans le Moniteur d'aujourd’hui l'exposé (exposé auquel je suis, du reste, complètement étranger) sont parfaitement exacts.
Il y avait à Renaix deux écoles : l'une tenue par le sieur Willequet père, constituait l'école communale de la ville avec adjonction de quelques cours qui tendaient à rapprocher l'établissement d'une école primaire supérieure ; l'autre, était un pensionnat ou véritable école primaire supérieure tenue par le sieur Van Blaeren.
La question du choix à faire par le gouvernement entre ces deux établissements était si peu une question d'influence ecclésiastique, que le sieur Willequet avait pour lui le clergé de sa paroisse, tout comme le sieur Van Blaeren était soutenu par le clergé de la sienne. Monseigneur l'évêque de Gand paraît s'être rangé de l'avis du clergé de la paroisse à laquelle appartenait le sieur Van Blaeren.
Le sieur Willequet jouissait de la confiance de tous les parents, catholiques et autres ; il la méritait à tous égards.
L'honorable M. Nothomb, quand il prit sur lui de préférer le sieur Van Blaeren au sieur Wilepquet, commit une faute ; du moins, j'ai considéré alors cette nomination comme une faute.
Il est vrai, je n'étais pas, à cette époque, à même d'apprécier convenablement les motifs administratifs que M. le ministre pouvait avoir eus de préférer l'un à l'autre ; d'ailleurs, je connaissais de réputation la famille Willequet ; tandis «pie je ne connaissais point le sieur Van Blaeren. Aussi, adressai-je à l'instant même une lettre très énergique à M. le ministre à propos de cette préférence accordée au sieur Van Blaeren. Je me hâte d'ajouter, pour la justification de M. Nothomb, que dès ce moment il me fit entrevoir l'intention de donner au sieur Willequet père une autre position au moins équivalente.
Depuis, d autres membres de cette famille ont été très convenablement placés dans la carrière de l'enseignement.
En résumé, et cela suffit pour détruire l'odieux qu'on a voulu jeter, de ce chef, sur l'administration de l'honorable M. Nothomb, la famille Willequet, en définitive, n'a pas été sacrifiée et n'avait pas le droit de se poser en victime.
M. Nothomb. - Je continue. Ayant placé ou dédommagé la famille Willequet, quand dans la minute de la lettre que l'honorable M. Le Hon a lue j'ai vu le paragraphe retranché, il est évident que j'ai dû effacer tout ce passage.
Celui qui me proposait ce paragraphe agissait encore sors l'ancienne préoccupation des Willequet. Il allait au-delà de ma pensée, lorsque j'avais demandé une lettre de récrimination à l'évêque de Gand ; car c'est bien là tout le ton de cette correspondance ; on en jugera. Ainsi le fait est rectifié ; Willequet n'est pas victime ; il a été amplement dédommagé ; je souhaite que tous ceux qui auront été en concurrence avec des candidats préférés par le gouvernement, trouvent une aussi belle compensation que les Willequet. J'ose dire que la position a été parfaitement exploitée à leur profit.
J'ai fait acte de bonne administration, de très bonne administration, pas autre chose, en donnant la préférence à Van Blaeren. Si cet acte devait être également agréable à l'évêque de Gand, cela ne devait pas m'arrêter. Cela devait assurer à l'établissement naissant, de la part de l'évêque, un surcroît de bienveillance ; et je devais m'en féliciter. Je me serais créé les plus grandes difficultés à Renaix. J'aurais mieux fait de renoncer à l'établissement d'une école primaire supérieure de l'Etat à Renaix.
C'est ce que j'ai fait comprendre à l'honorable M. Dedecker, qui, aussitôt qu'il a été initié à ma combinaison tout entière, s'était rassuré sur le sort des Willequet.
Je dis que cet incident nous aura du moins été profitable en ce sens que nous devons nous fixer sur la marche à suivre à l'avenir. Si semblable chose se renouvelait, je dis que vous ne devez pas exposer un ancien ministre à être condamné, moralement à l'avance, sans que vous ayez toutes les pièces sous les yeux, sans que ceux qui partagent ses opinions aient les pièces sous les yeux, sans qu'ils aient pu consulter ces pièces, sans que lui-même ait pu se préparer. (Interruption.)
J’aurais peut-être dû demander l'impression du dossier, dès que l'honorable M. Le Hon a annoncé qu'il en ferait usage. L'honorable membre se serait sans doute arrêté dans ses développements. La discussion aurait été reportée après l'impression de l'ensemble des pièces ; j'aurais eu lieu de m'en féliciter.
Cette position eût été plus favorable que celle qui m'a été faite ; je lutte désormais contre un premier effet qu'on a su produire.
Je maintiens (je n'en fais de reproche à personne) que la marche suivie a été irrégulière. On devait imprimer les pièces, suspendre toute discussion, s'abstenir de toute citation partielle du dossier jusqu'à l'impression totale des pièces.
Voilà ce qu'on aurait dû faire : on aurait ainsi procédé régulièrement. C'est ce qu'on n'a pas fait. On doit s'en prendre à l'inexpérience commune, dans laquelle j'accepte ma part.
Il est un autre point que je qualifie d'irrégulier, c'est ce qui concerne l'usage qu'on a fait d'un paragraphe retranché par moi, qui n'existait plus, que j'avais anéanti.
M. Le Hon. - Et le fait ?
M. Nothomb. - Je l'ai expliqué.
Si M. le ministre de l'intérieur avait été invité par la chambre à délivrer une copie de ma correspondance avec l’épiscopat, l'honorable ministre n'aurait pas compris dans la copie le paragraphe retranché, vous n'en auriez jamais eu connaissance.
Si le ministre était venu vous dire : non seulement je vais produire (page 337) une copie des lettres aux évêques, mais je crois devoir ajouter un paragraphe retranché par le ministre, je pense que vous auriez trouvé ce procédé extraordinaire. La lettre à l'évêque de Gand, c'est seulement ce qui a été accepté, approuvé, maintenu, signé par le ministre, par moi. Tout ce qui a été retranché ne peut être invoqué. Aussi la copie que j'avais reproduit-elle seulement la lettre adressée à l'évêque, et rien de plus.
J'ai expliqué le fait. Invoquera-t-on comme présomption contre une erreur, la préoccupation du chef de service, qui, exagérant mes intentions, m'avait proposé ce paragraphe ? Je dis qu'on ne peut procéder de la sorte. Le ministre n'est réellement responsable que de la pièce signée par lui. Le paragraphe qu'il a retranché n'existe plus ; en le biffant, il l'a anéanti pour tout le monde.
Si l'on procédait autrement, je ne sais dans quelle voie on entrerait. Le ministre deviendrait responsable non seulement des actes qu'il aurait posés, mais encore des erreurs, des préoccupations de ceux qui l'entourent dans le secret du cabinet. Ce système est inadmissible.
Comme je viens de le dire, dans la copie qui m'a été remise, l'expéditionnaire n'a pas compris le paragraphe retranché. J'avais, à la séance de vendredi, cette copie sous les yeux ; ne m’attendant pas au paragraphe retranché, je croyais qu'il n'y avait pas autre chose. De là ma surprise.
Je dis qu'il est infiniment regrettable pour moi qu'il n'y ait pas eu impression préalable de la correspondance réelle. Dès lors, le paragraphe retranché n'aurait jamais vu le jour. Personne n'aurait été admis à dire :Il y a dans la minute un paragraphe retranché.
Il y a deux choses dans cette correspondance : les citations conformes au discours que j'ai prononcé, et le paragraphe retranché, énonçant une assertion que j'ai condamnée.
Vous prendrez connaissance du dossier. Je n'hésite pas à m'en rapporter à l'impression qu'il produira sur vous dans son ensemble.
M. Delfosse. - Le compte rendu de la séance de vendredi, donné par le Moniteur, me fait dire, à la fin de la séance, que la chambre statuerait à l'ouverture de la séance suivante sur la proposition de publier les pièces de la correspondance qui a eu lieu entre les évêques et M. Nothomb.
Je n'ai pas dit cela, et je n'ai pas pu le dire, puisque aucune proposition n'avait été faite ; M. Nothomb s'était borné à demander à M. le ministre de l'intérieur s'il trouverait quelque inconvénient à publier cette correspondance.
Tout ce que j'ai dit à la fin de la séance de vendredi, c'est que l'honorable M. de Theux, qui était inscrit, aurait la parole à l'ouverture du la séance suivante.
Comme on faisait alors beaucoup de bruit, le sténographe n'a pas entendu ces paroles ; de là l'erreur.
Permettez-moi maintenant de dire un mot, un seul mot, sur les explications que M. Nothomb vient de donner. Ce qu'il y a de plus clair pour moi dans ces explications, c'est que M. Nothomb ayant à choisir entre deux instituteurs, a sacrifié l'un des deux à l'autre qui était le protégé de l'évêque ; qu'il a ensuite accordé une compensation à l'instituteur sacrifié, mais pourquoi ? Parce que ce dernier avait trouvé un chaleureux protecteur dans l'honorable M. Dedecker qui, lui aussi, était, pour M. Nothomb, une puissance avec laquelle il fallait compter.
M. Nothomb se présente en ce moment comme une victime dont la réfutation serait restée intacte jusqu'au moment de la révélation faite par l'honorable M. Le Hon, comme un homme dont la réputation n'aurait souffert qu'à la suite de cette révélation. C'est là, messieurs, une illusion étrange.
Sans doute, la publication de la correspondance, si elle est ordonnée, fournira des preuves de la soumission de M. Nothomb aux volontés de l'épiscopat ; mais ces preuves manquaient-elles ? M. Nothomb a laissé, dans son passage au ministère, des traces indélébiles d'une soumission aveugle, continue aux exigences de l'épiscopat. Cette soumission était patente pour tous, c'est surtout ce qui a fait tomber M. Nothomb du ministère, c'est ce qui l'a perdu, c'est ce qui a perdu le parti qui a eu le tort de l'appuyer.
M. Dedecker. - Messieurs, je désire simplement rectifier une erreur qui a, involontairement sans doute, été commise par l'honorable M. Le Hon.
L'honorable M. Le Hon, ne connaissant pas exactement les faits, a paru supposer que l'établissement du sieur Van Blaeren qu'il oppose à celui du sieur Willequet, est un établissement ecclésiastique, et que M. Van Blaeren est lui-même un ecclésiastique.
M. Le Hon. - Je n'ai pas dit cela.
M. Dedecker. – On avait compris autour de moi que dans la pensée de l'honorable M. Le Hon, M. Van Blaeren est un ecclésiastique, et que son établissement était un établissement ecclésiastique. Or, c'est un établissement laïque comme l'était celui de M. Willequet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable M. Le Hon a demandé l'impression de certaines pièces d'une correspondance qui a passé sous ses yeux. Le motif qu'il donne à l'appui de sa demande, c'est que les citations qu'il a faites auraient été considérées comme inexactes. Je n'ai pas entendu reprocher à l'honorable M. Le Hon, dans cette enceinte, d'avoir fait des citations inexactes. Je ne pense pas que l'honorable M. Nothomb lui ait reproché l'inexactitude de ses citations.
M. Le Hon. - On a dit que les extraits défiguraient le sens de l'ensemble.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne pourrais donc, pour le seul motif qu'on aurait fait à l'honorable M. Le Hon un reproche d'inexactitude, consentir à la publication que l'on demande. Je ne m'occupe pas de ce qui se dit en dehors de cette enceinte ; nous aurions vraiment trop à faire si nous devions relever par des publications officielles les inexactitudes de toute espèce qui fourmillent dans certaines feuilles, et je crois que le meilleur parti à prendre serait de ne pas s'en préoccuper aussi vivement qu'on l'a fait.
L'honorable M. Nothomb a indiqué une marche qui, selon lui, eût été la seule régulière ; c'était le dépôt du dossier sur le bureau. Je regrette que l'honorable M. Nothomb n'ait pas lui-même indiqué cette marche, avant de prendre la parole ; il eût épargné probablement à la chambre la discussion qui vient encore de lui prendre un temps précieux. Ce dépôt ayant été demandé par l'honorable M. Nothomb, son discours se fût sans doute appuyé sur la correspondance même ; chacun aurait pu y recourir ; et dès lors ces reproches d'inexactitude ou de citations incomplètes n'auraient pas eu lieu.
Messieurs, aujourd'hui cette correspondance est à peu près connue tout entière de la chambre, du moins dans sa partie la plus importante ; sous ce rapport je ne verrais pas d'inconvénients à la publier. Cependant, je dois le dire, je ne voudrais pas que ceci fît antécédent.
J'ajouterai encore que si l'on veut bien connaître et les prétentions qui ont été mises en avant par le haut clergé en matière d'enseignement et la politique qui a été suivie par les administrations précédentes, ce n'est pas seulement ce dossier qu'il faudrait imprimer ; il y aurait à imprimer un très grand nombre de dossiers. On n'aura donc encore qu'une connaissance incomplète et inexacte des faits qui se sont accomplis et des prétentions qui ont été mises en avant.
Nous aurons encore probablement des discussions en matière d'enseignement, et si les circonstances amènent forcément des explications publiques sur les faits et les prétentions, alors peut-être pourrait-on réserver pour ce moment la question de savoir si nous devons publier tous ces documents.
Cependant si la chambre le juge nécessaire, et après que l'honorable M. Le Hon et l'honorable M. Nothomb auront bien voulu indiquer d'une manière spéciale les pièces qu'ils croiraient utile de publier, je ferai faire cette publication. sans vouloir toutefois, je le répète, poser là un antécédent. Je désire que l'on m'indique les pièces dont on demande l'impression.
M. de Theux. - Il paraîtrait résulter des quelques paroles de M. le ministre de l'intérieur, qu'il y a eu, postérieurement au ministère de M. Nothomb, d'autres correspondances que l'on pourrait considérer comme compromettantes. Je dois exprimer le désir que, si l'on trouve quelque chose qui se serait passé sous mon administration, on veuille bien le porter aussi à la connaissance de la chambre.
M. Nothomb. - Je ne sais pas ce que la chambre décidera, mais je suis très satisfait de ce que par cette discussion on ait pu faire ressortir ce fait que le paragraphe qui a ému l'assemblée ne fait pas partie de la lettre expédiée à l'évêque de Gand.
M. de Corswarem. - Et qu'il a été condamné par vous.
M. Nothomb. - Et qu'il a été condamné par moi comme il l'a été par la chambre. En retranchant ce paragraphe, je l'ai anéanti ; et en vous donnant mes explications, je vous ai prouvé pourquoi je l'anéantissais, pourquoi je le condamnais. Il était inexact ; il était contraire à mes intentions.
De sorte que voilà maintenant ce fait bien éclairci.
Reste la question de savoir si l'on peut faire usage à l'égard d'un ancien ministre d'une minute en se prévalant d'un paragraphe retranché par lui.
M. Le Hon. - Je n'ai pas fait usage de ces lignes, comme d'un paragraphe de la lettre ; j'ai dit que je les produisis comme note et comme fait ! Eh bien, le fait existe-t-il ? Répondez-moi. On affecte de rapporter toutes les impressions du public à l'affaire Willequet exclusivement : mais cette affectation ne trompera personne. Les autres extraits de la correspondance ont fortement agi sur l'opinion publique : ils ont révélé tout l'ensemble d'un système persévérant et continu.
Je le répète, j'ai embrassé fortement et avec réflexion la défense d'un de nos intérêts les plus graves et les plus menacés, et ce serait faire injure au sentiment qui me guide et me soutient dans cette lutte que de le faire descendre à d'ignobles considérations de personnalité.
M. le président. - Je vais consulter le chambre sur le point de savoir si l'on entrera dans le fond de la question, ou si l'on se bornera à discuter la motion d'ordre.
- La chambre décide qu'on se renfermera dans la motion d'ordre.
M. de Mérode. - Je pense que le grand crime de M. Nothomb, c'est d'avoir été le principal membre du ministère.
M. le président. - Ce n'est pas là la question.
M. de Mérode. - C'est là ce qui amène toute la question. On le comprendra. (Interruption.)
M. le président. - La chambre vient de décider qu'on se renfermerait dans la discussion de la motion d'ordre. (Aux voix ! aux voix !)
Voici la motion d'ordre :
« On demande l'impression du texte entier de la correspondance dont M. Le Hon a donné lecture. M. Nothomb demande qu'on publie en même temps un fac-simile de la lettre dont un passage a été retranché. »
(page 338) M. Dechamps. - Il est entendu qu'on imprimera également la lettre de M. Van de Weyer.
Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il est bien entendu que je ne publierai que les pièces qui me seront indiquées par M. Nothomb et M. Le Hon.
M. le président. - Je ne puis mettre aux voix que les propositions déposées sur le bureau.
- La chambre adopte successivement les propositions tendant à ce qu'on imprime la correspondance dont M. Le Hon a donné lecture, avec un fac-similé de la lettre qui renferme un passage raturé et avec la lettre de M. Van de Weyer.
M. Lejeune. - Messieurs, quelques renseignements ont été demandés par les sections et par la section centrale qui ont examiné le budget des voies et moyens. La section centrale n'a pas cru nécessaire de publier tous ces renseignements ; je dépose sur le bureau les documents qui ne sont pas compris dans le rapport.
En second lieu, messieurs, la section centrale vous a fait, le 8 décembre, un rapport sur des pétitions qui lui avaient été renvoyées.
Les conclusions de ce rapport sont le dépôt des pétitions sur le bureau pendant la discussion du budget et le renvoi à M. le ministre des finances.
Je pense qu'on pourrait, sans discussion, adopter ces conclusions. Cela n'empêcherait pas de rencontrer les observations que les pétitions renferment, dans la discussion des articles auxquels elles se rapportent.
- Les conclusions de la section centrale sont mises aux voix et adoptées.
M. Lejeune. - Il a été fait un troisième rapport sur une pétition, qui est relative au sucre indigène. Les conclusions sont également le dépôt sur le bureau.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Lejeune. - Il y a une dernière pétition qui a été renvoyée à la section centrale après qu'elle eût terminé ses travaux ; c'est une deuxième pétition du sieur Masquelin, concernant la valeur locative des maisons. Au fond, cette pétition a le même but que celle qui est comprise dans le rapport de la section centrale. J'ai donc pensé que, sans en occuper de nouveau la section centrale, je pouvais vous en proposer le dépôt sur le bureau et le renvoi à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Osy. - Messieurs, il ne reste plus que 10 jours jusqu'à l'époque où forcément la loi des voies et moyens doit être promulguée. Si la chambre, par suite de la proposition qui lui a été faite par la section centrale voulait maintenant s'occuper, d'une manière incidente, de changer la loi des sucres, je suis persuadé que nous ne finirions pas cette semaine la discussion d'une semblable question. Le premier orateur inscrit viendra combattre la proposition, je compte également la combattre ; d'autres membres viendront la soutenir ; la discussion sera très longue et le sénat n'aura peut-être plus même un jour pour discuter le budget des voies et moyens. Je propose donc de disjoindre du budget la proposition de la section centrale qui concerné les sucres et d'en reprendre la discussion après les vacances, si on le trouve convenable.
M. Mercier. - Messieurs, à l'époque de l'année où nous sommes parvenus je n'oserais prendre sur moi la responsabilité de combattre la motion d'ordre de l'honorable M. Osy. Je regretterais cependant tout ajournement que subirait la discussion de la proposition de la section centrale parce que cet ajournement ne pourrait être que très préjudiciable au trésor. Je ne crois pas exagérer en portant à deux cent mille francs au moins, la perte qu'un seul mois de retard entraînerait pour l'Etat par suite de l'activité qui serait imprimée aux travaux du raffinage et des fortes déclarations d'exportation de sucres raffinés qui seront faites dans cet intervalle.
La proposition de la section centrale ou une proposition analogue devait nécessairement entrer dans les vues du gouvernement, car le gouvernement a porté les prévisions des produits du sucre à 3 millions. Or, M. le ministre des finances est trop éclairé pour supposer un seul instant qu'avec la législation actuelle on puisse obtenir l'année prochaine un produit de 3 millions ; il importe donc que la chambre s'occupe de cet objet dans le plus bref délai possible ; si elle adopté la motion de l’honorable M. Osy, je demande qu’il soit décidé en même temps que les propositions de la section centrale seront mises à l’ordre du jour, après le vote du budget des voies et moyens.
M. Malou. - Messieurs, la proposition de l'honorable M. Osy doit avoir pour effet d'économiser les moments, actuellement si précieux, de la chambre ; il est évident que la discussion du budget des voies et moyens portera en très grande partie sur la question des sucres ; si la disjonction n'est pas préalablement prononcée, elle le serait quelques jours plus tard, que toutes les heures employées à la discussion de la question des sucres seraient complètement perdues pour la chambre. Je crois donc qu'il est de l'intérêt de nos travaux de statuer préalablement sur la disjonction.
Quant à la mise à l'ordre du jour de cette proposition spéciale, il serait utile, ce me semble, de la porter en première ligne à l’ordre du jour, lors de la rentrée de la chambre, après les vacances qu’elle a l’habitude de prendre de prendre. Déjà quelques rapports sur des budgets de dépenser sont déposés, et je crois me conformer à la pensée, souvent exprimée par M. le ministre de l'intérieur, en demandant que les budgets de dépenses aient la priorité sur la question des sucres. Cet ajournement n'est pas très long, et j'espère que l'honorable M. Mercier ne verra pas de difficulté à admettre la proposition ainsi modifiée.
M. de La Coste. - Messieurs, je ferai une seule objection, c'est qu'il résulte et de la loi et des observations de la section centrale, que l'augmentation du rendement est corrélative à une disposition qui concerne l'augmentation du droit sur le sucre indigène. On a suspendu la loi, relativement au rendement, et la section centrale a pensé qu'il eût été juste de la suspendre également relativement à l'augmentation du droit sur le sucre indigène. Maintenant je ne veux pas entrer dans le fond de la question, mais je veux seulement prendre acte de ceci, que si nous suspendons la discussion relativement au rendement, il doit être entendu que tout est également suspendu relativement au droit, que cette question est tout à fait entière.
M. Mercier. - Messieurs, en faisant tout à l'heure une motion, je n'ai pas espéré que la chambre pourrait s'occuper de la question des sucres avant les vacances que, selon son habitude, elle se propose sans doute de prendre ; aussi je ne vois pas de difficulté à me rallier à la modification que l'honorable M. Malou vient d'y apporter dans ce sens que les propositions relatives à l'accise sur les sucres seraient mises à l'ordre du jour, comme premier objet, immédiatement après la rentrée des chambres ; je spécifie exactement la proposition, parce que l'honorable M. Malou s'est appuyé en finissant sur une considération à laquelle je ne puis me rallier dans sa généralité, c'est-à-dire que tous les budgets de dépenses devraient être votés avant la discussion de cette question si intéressante pour le trésor. J'admets donc la proposition dans les termes précis où elle a été formulée, mais non dans ses considérants.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la chambre décidera de l'époque à laquelle elle s'occupera de la question des sucres ; si elle veut l'aborder immédiatement, je suis prêt. Je prévois toutefois, comme d'honorables préopinants, que cette discussion sera assez longue ; je me rallierai donc à la proposition de disjonction.
Quelle que soit la décision de la chambre, le chiffre de 3 millions, porté au budget de 1848, doit être maintenu.
L'année 1848 peut être encore une année de transition, mais après cela nous entrerons dans une voie normale. Je le déclare au début de la discussion, les chambres ayant décidé, de commun accord avec les deux industries et le gouvernement, que l'impôt des sucres devait produire 3 millions, il est de notre devoir de tenir la main à ce que cette somme soit versée au trésor. Ainsi, que les prévisions soient ou non assurées, le chiffre de 3 millions restera comme engagement, comme chiffre type au budget de 1848. Et pour 1849, le gouvernement s'engage à prendre les mesures que la loi met à sa disposition pour assurer la recette ; et s'il était trompé dans son attente, il proposera, au besoin, de nouvelles dispositions à la législature, en conservant le système de la loi, qui ne pourra être sainement apprécié que lorsqu'il sera débarrassé des entraves qui l'enrayent en ce moment.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - messieurs, j'entends parler des vacances que la chambre va se donner. J'espère que la chambre, avant de se donner des vacances, voudra bien terminer les travaux les plus urgents, et notamment voter les budgets. Tous les budgets peuvent être votés au plus tard dans les premiers jours du mois de janvier ; si alors la chambre, après avoir fait ces efforts, veut se donner des vacances un peu plus longues, elle pourra le faire, tout le monde s'en trouvera bien, le ministère le premier : nous ne sommes pas plus ennemis des vacances que les membres de cette chambre ; nous ne sommes pas fâchés de pouvoir consacrer exclusivement quelques semaines aux travaux administratifs. Mais il faut que tous les budgets soient votés avant que la chambre se sépare ; alors les travaux pourront chômer pendant plusieurs semaines. Si au contraire la chambre prend ses vacances à l'époque ordinaire, elles ne pourront durer que quelques jours ; et cela ne peut convenir à tout le monde.
Je crois que l'intérêt de nos travaux exige que la marché que j'indique soit suivie. Je fais de nouveau observer à la chambre que les budgets que nous discutons sont des budgets transitoires et qui ne peuvent donner lieu à aucun débat très-sérieux. Nous pouvons éliminer du budget des voies et moyens la question des sucrés ; voilà déjà un moyen d'abréger la discussion ; la discussion est également ajournée en ce qui concerne le droit de succession ; le budget des voies et moyens pourrait donc être voté en peu de jours. Vous aurez à discuter la question financière dans son ensemble, après les vacances ; alors le gouvernement viendra vous proposer le complément de mesures financières que les circonstances réclament.
Mais d'abord, je le répète, nous devons être fixés sur nos budgets ordinaires ; que ces budgets soient votés et qu'ensuite la chambre prenne des vacances aussi longues qu'elle le voudra, pour ma part je n'y ferai aucune opposition.
Il est très probable qu'en hâtant un peu le rapport du budget des travaux publics, nous pourrons aussi voter ce budget avant le premier janvier, ou sinon avant le premier, du moins dans les premiers jours de janvier : puis on se donnera des vacances dans le mois. On objecte que des membres ont des affaires personnelles à régler ; mais MM. les (page 339) sénateurs ont aussi des affaires personnelles et cependant ils n'hésitent pas à rester assemblés jusqu'au 1er janvier et au-delà. Ce que font les sénateurs, les membres de cette chambre peuvent le faire ; j'espère que, dans une pareille question, je serai soutenu des divers côtés de cette chambre.
J'insiste donc pour qu'avant de se séparer, la chambre pourvoie au plus pressé, à ce qui est impérieusement commandé par toutes les convenances..
M. Lejeune. - Comme on paraît d'accord sur la disjonction de la question concernant les sucres, je n'ai pas à entrer dans des explications pour vous faire connaître comment la section centrale a été amenée à faire ses propositions ; je dirai seulement que la section centrale s'est trouvée dans l'alternative ou de faire les proposions qui vous sont soumises, ou bien de réduire le chiffre de 3 millions porté au budget d'au moins la moitié. Je n'en dirai pas davantage.
Je voulais demander à l'auteur de la proposition de disjonction si à côté de cette proposition il n'en faisait pas une autre, celle de diminuer ! le chiffre porté au budget ; mais les explications de M. le ministre des finances m'ont prévenu et je déclare que j'en suis satisfait. Je conclus de ces explications que le gouvernement a l'intention formelle de faire produire au sucre ce que cette industrie doit au trésor et ce qu'elle lui a promis : car la loi sur les sucres est en quelque sorte une transaction faite avec les industriels. Dans cette question, on voit toujours deux intérêts en présence.
Plusieurs membres. - C'est le fond !
M. Lejeune. - Je dis comment nous avons été amenés à faire la proposition qui vous est soumise, et je dis que les deux intérêts privés qui s'agitent et se combattent ont certainement étouffé le troisième intérêt, celui du trésor public, toujours sacrifié. C'est au point de vue de l'intérêt du trésor public que la section centrale s'est placée. Je prévois que la disjonction entraînera nécessairement un retard qui fera éprouver une perte au trésor. Cependant comme les mesures que l'on peut prendre pour atteindre, en recette, le chiffre porté au budget, ne sont pas limitées à celles que propose la section centrale, je me contente des déclarations faites par M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je vois que je ne puis rien ajouter aux intentions que j'ai manifestées au nom du gouvernement, sans entrer dans la discussion ; je renonce donc à la parole, à moins que la chambre ne veuille que je développe ce que je me suis borné à énoncer.
M. Mercier. - J'avais consenti à la disjonction des propositions relatives à l'accise sur les sucres, à la condition qu'elles seraient discutées immédiatement après la rentrée des vacances que la chambre a l'habitude de se donner, mais M. le ministre de l'intérieur vient d'engager la chambre à ne pas se séparer ou à ne prendre de vacances que plus tard que de coutume, afin de voter auparavant tous les budgets des dépenses. Je m'oppose à cette proposition, en tant qu'elle aurait pour objet de reculer la discussion de la question des sucres jusqu'après une vacance qui ne commencerait que dans les premiers jours de janvier. Je trouve qu'on a beaucoup trop de souci d'une simple question de régularité.
Que les budgets des dépenses soient votés un peu plus tôt ou un peu plus tard, cela est d'un intérêt secondaire ; c'est sans doute une mesure d'ordre que je voudrais voir introduire, mais son utilité ne peut être mise en parallèle avec l'importance de la question qui nous occupe et qui touche à une des principales sources du revenu public ; vous devez avoir plus de hâte d'aviser aux moyens de mettre un terme à un état de choses qui prive le trésor de droits établis en sa faveur et nullement acquittés par les contribuables, que de faire voter quelques jours plus tôt les budgets des dépenses. L'essentiel est de s'assurer le revenu nécessaire pour faire face aux dépenses. La section centrale a été émue en voyant qu’une loi qu'y devait devenir une ressource de trois millions au minimum, ne produisait que moins de la moitié de cette somme ; frappés d'un résultat aussi désastreux pour nos finances, nous avons cru ne pouvoir trop nous hâter d'indiquer les moyens de faire rentrer au trésor les ressources qui en sont détournées au profit d'un petit nombre d'industriels qui profitent du vice de la loi et de mettre fin à des prodigalités aussi ruineuses.
Je désire que le gouvernement ne s’oppose pas à ce que cette proposition soit discutée dans un bref délai. Il est possible que les budgets soient votés en peu de temps, mais qu'il soit convenu qu'à l’époque ordinaire de la rentrée des chambres, la question des sucres sera mise à l'ordre du jour ; elle présente un assez vif intérêt pour que les chambres ne tardent pas à s'en occuper.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous nous montrerons en tout temps très soucieux des intérêts du trésor, nous espérons que nous serons suivis par l'honorable préopinant dans les propositions faites ou à faire dans l'intérêt du trésor.
Je ne me suis pas opposé à ce qu'on discutât la proposition de M. Mercier, j'ai seulement demandé qu'on ne se séparât pas avant le vote des budgets des dépenses. J'avais entendu dire qu'on allait prendre des vacances. j'ai insisté pour qu'on ne le fît pas avant d'avoir voté les budgets. L'honorable M. Mercier veut-il qu'on discute la proposition de la section centrale ? Je ne m'y oppose pas, je n'ai pas dit que je m'y opposais. Je demande seulement qu'avant de se séparer on fasse ce qui doit être fait.
Il me semble que l'honorable membre s'est ému un peu tardivement du déficit qui doit résulter de la loi sur les sucres ; ce déficit était à prévoir quand la proposition a été faite par M. Malou : on savait que cette proposition devait entraîner un déficit pour le trésor. L'honorable M. Mercier alors était probablement absent.
M. Mercier. - Je vous demande pardon.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Son opinion du moins n'a pas prévalu, la chambre savait ce qu'elle faisait alors.
Si en discutant la question d'ajournement on doit entrer dans le fond de la question et consacrer plusieurs séances à ces débats, mieux vaudrait aborder directement la question et en finir. Si au contraire on veut gagner du temps, le seul moyen est de discuter tout de suite le budget des voies et moyens, sans avoir égard à la question des sucres.
M. Mercier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Rien n'a été dit qui vous soit personnel.
M. Mercier. - Je vous demande pardon ; M. le ministre de l'intérieur a supposé que je ne m'étais pas opposé à la disposition sur laquelle je demande à la chambre de revenir.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'avais oublié que l'honorable M. Mercier avait fait de l'opposition ce jour-là.
M. Mercier. - Ce que je dis ici n'a pas pour but de faire de l'opposition ; comme à l'époque que rappelle l'honorable ministre, je n'ai en vue que l'accomplissement d'un devoir. Ce jour-là j'ai combattu de la manière la plus énergique la proposition qui lui était faite.
J'ai dit que c'était une véritable spoliation du trésor public. Pour expliquer comment je n'ai pas obtenu gain de cause, je dois ajouter que la proposition de suspendre les effets de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1846 a été introduite dans la chambre, sans que personne y ait été préparé ; les premières propositions du ministère ne renfermaient pas la disposition contre laquelle je proteste encore de toutes mes forces ; elle a été discutée à la fin de la session sans avoir été examinée ni par les sections, ni par la section centrale. J'ai déclaré, je le répète, qu'à mes yeux, c'était une véritable spoliation du trésor public ; je ne pouvais qualifier cette mesure d'une manière plus énergique ; malheureusement les faits m'ont donné raison.
M. Eloy de Burdinne. - Je partage l'opinion de M. le ministre qu'il faut voter, s'il est possible, les budgets pour le 1er janvier. Si la chambre ne se sépare pas sans les avoir votés, je demande qu'elle ne se sépare pas non plus, sans avoir résolu la grande question de l'impôt sur les sucres, qui peut, du reste, être disjointe ; je ne m'y oppose pas. Mais je dis que c'est un scandale que l'impôt sur le sucre na produise que 1,400,000 fr., quand l'impôt sur le sel produit 4,800,000 francs.
Plusieurs membres. - C'est le fond.
M. Eloy de Burdinne. - Oui. Mais c'est un motif pour ne pas ajourner la discussion. Le trésor perd 200,000 fr. par mois. Est-ce dans un moment où le gouvernement vous demande de nouveaux impôts qu'il faut négliger de faire rentrer dans les caisses du trésor 5 à 6 millions que le consommateur du sucre doit payer ? En réalité il les paye. Mais le trésor ne les reçoit pas.
M. Loos. - Je désire seulement faire remarquer à la chambre qui se préoccupe si souvent de la perte du temps qu'en ce moment nous en perdons beaucoup. Je ne comptais pas prendre la parole. La proposition de l'honorable M. Osy me paraissait si raisonnable que je ne croyais pas possible que l'on s'y opposât. S'il n'y avait pas de l'exagération dans certaines propositions, elle serait déjà votée. On dit qu'il faut voter aujourd'hui la proposition de la section centrale parce que le trésor perd deux cent mille francs par mois. Je ne voudrais pas que la chambre résolût la question des sucres sous l'influence d'une pareille exagération.
L'honorable rapporteur est venu mettre sous vos yeux toutes considérations sur lesquelles la section centrale s'est appuyée pour motiver sa proposition. Je ne m'occuperai pas de les réfuter en ce moment : je demande purement et simplement qu'on vote sur la proposition de l'honorable M. Osy.
M. Gilson. - J'appuie la disjonction, mais dans le sens indiqué par M. Mercier. Il est de la plus haute importance de déterminer l'époque à laquelle cette question sera traitée.
Je conçois que l'honorable M. Loos et ceux qui partagent son opinion sur la question des sucres ne soient pas disposés à hâter la discussion. La position du sucre exotique est magnifique. L'exécution de la loi est suspendue pour lui. Mais la betterave est frappée ; elle paye 44 francs d'impôt. On nous dit que nous avons des crédits à terme ; mais ces crédits à terme, nous les avons pour une partie des ventes seulement.
Il a été reconnu qu'il y avait équité à revenir sur une erreur qui a été commise. Cela a été reconnu par l'ancien ministre des finances et en section centrale par le ministre des finances actuel. Quand nous avons une position pareille, ce n'est pas trop demander sans doute que demander l'ajournement à jour fixe.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Nous entrons dans le fond de la question.
Si l'on fait valoir des motifs en faveur d'un cas spécial, comme vient de le faire l'honorable M. Gilson, je devrai répondre J'ai reconnu, en section centrale, qu'il y a des considérations d'équité qui peuvent être invoquées à l'appui du retour de l'accise de 34 fr. à 30 fr. pour le sucre indigène.
La chambre veut-elle examiner la question ? (Non ! non !) Pour moi, je crois qu'il vaudrait mieux l'aborder séance tenante ; car déjà nous l'avons touchée en plusieurs points.
(page 340) M. Malou. - On paraît d'accord pour la disjonction. Mais on diffère d'opinions, quant à la fixation de l'ordre du jour. J'avais proposé la mise à l'ordre du jour après la rentrée, supposant, sans prétendre les décréter, qu'il y aurait des vacances. On a fait observer que les budgets des dépenses doivent avoir la priorité. Je propose donc que l'on mette la discussion de la question des sucres à l'ordre du jour après les budgets des dépenses et, au plus tard, à la rentrée de la chambre, après ses vacances. De cette manière, ce débat, qui nous fait perdre du temps, sera, je l'espère, terminé.
M. Eloy de Burdinne. - Cette proposition est en opposition avec la mienne. Une question qui doit faire rentrer de l'argent an trésor doit inspirer beaucoup de sympathie à la chambre. Je demande que la discussion sur la question des sucres ait lieu avant notre séparation. J'en fais la proposition formelle.
- La discussion est close.
La proposition de M. Eloy de Burdinne, tendant à décider que la question des sucres sera discutée avant les vacances, est mise aux voix et rejetée.
La proposition de M. Malou est adoptée.
M. de Corswarem. - Messieurs, j'ai aussi à faire une motion dans le but d'abréger les discussions de la chambre.
Dans ce moment deux projets de loi sont à l’ordre du jour ; le budget des voies et moyens pour 1848 et le projet de loi sur la péréquation cadastrale.
Pour suivre un ordre rationnel, la discussion du projet relatif à la péréquation cadastrale devrait précéder celle du budget des voies et moyens, puisque le montant de l'impôt foncier doit figurer au budget. Cette discussion, messieurs, nous prendra probablement un jour ou deux ; car nous autres députés du Limbourg, et peut-être ceux du Luxembourg, nous aurons des observations très sérieuses à faire, lorsqu'on discutera le projet définitif de péréquation cadastrale. Je demande donc que M. le ministre des finances veuille bien, pour cette année encore, nous présenter une mesure provisoire, et que la discussion du projet définitif soit remise, après les vacances, mais que, dans tous les cas, elle ait lieu antérieurement à celle du budget des voies et moyens pour 1849.
M. le président. - Il n'y a pas à statuer sur cet objet.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Si cette motion n'est pas combattue par la chambre, je me regarderai comme engagé à présenter un projet de loi provisoire. Je comptais me préparer pour la discussion du projet de loi définitive ; cependant je crois que les observations de l'honorable M. de Corswarem sont fondées. La discussion de cette loi prendra probablement plus d'un jour. Nous arrivons à la fin de l'année, et je crains qu'il ne reste pas assez de temps au sénat pour s'occuper du projet. Quoi qu'il en soit, je répète que je n'entends mettre personnellement aucun obstacle à la discussion.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. Cogels. - Messieurs, nous avons eu une discussion politique assez longue. Nous avons passé en revue le système politique des dix-sept dernières années. Nous avons eu également une discussion financière fort intéressante ; et la situation de nos finances a pu être exposée clairement, de manière à convaincre le public de l'état réel des choses.
Il eût été à désirer qu'une discussion eût pu avoir également lieu sur notre système commercial et industriel, c'est-à-dire sur le système de l'impôt. Car. il faut le dire, le budget que nous allons discuter aujourd'hui et que nous devons discuter très rapidement, est le plus intéressant de tous ; c'est du système de l'impôt que dépend généralement le développement de la richesse nationale.
Cependant le peu de temps qui nous reste pour cette discussion m'engage à passer aujourd'hui sous silence les observations que j'avais compté présenter à la chambre, et qui peut-être auraient entraîné une discussion extrêmement longue, ou bien auraient été tout à fait infructueuses. Je me réserve donc de présenter ces observations, lorsque nous en serons au budget de 1849. Nous pourrons alors embrasser le système en général. Je crois entrer dans les vues de la chambre en abrégeant la discussion.
Je me bornerai à dire peu de mots sur la question qui vient d'être soulevée tout à l'heure à propos de la motion d'ordre de l'honorable M. Osy.
Je n'ai pas voulu prendre la parole dans la discussion à laquelle elle a donné lieu, parce que mon intention était bien de me renfermer dans la motion d'ordre elle-même.
Je ferai une seule observation à l'honorable M. Gilson. Cet honorable membre croit que les défenseurs de l'industrie du sucre exotique ont intérêt à provoquer des délais, à ajourner une décision.
Plusieurs membres. - C'est le fond.
M. le président. - Vous allez soulever une nouvelle discussion.
M. Cogels. - Je suis dans la discussion générale. Je crois être dans mon droit et je n'en abuserai pas.
M. le président. - Remarquez bien que la décision de la chambre emporte avec elle l'obligation pour tous les orateurs de ne pas discuter la question des sucres, sans cela d'autres membres se feront inscrire pour répondre et nous rentrerons peu à peu dans la discussion sur les sucres.
M. Cogels. - Je n'y rentrerai pas. Si je n'avais pas été interrompu, j'aurai déjà terminé.
Notre intérêt, messieurs, n'est pas d'avoir un ajournement. Au contraire, ce que le commerce redoute le plus, c'est l'incertitude, et nous serons les premiers à provoquer une prompte décision, mais nous désirons une discussion réfléchie.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, lors de la discussion du budget de la dette publique, une longue et intéressante discussion est intervenue sur la situation financière du pays dans le passé et sur ses effets quant au présent. Cette discussion eût mieux trouvé sa place à propos de l'examen du budget en discussion. J'ai par conséquent ajourné à la discussion d'aujourd'hui l'opinion que je désirais émettre à l'égard de la situation financière. J'ai même, depuis lors, fait de longues recherches ; je pense que ces recherches sont dignes d'attention et que vous les écouteriez avec intérêt.
Cependant un doute est né dans mon esprit sur l'opportunité du discours que j'ai à prononcer. Il me semble qu'il y aurait indiscrétion, qu’il y aurait en quelque sorte inconvenance a vous demander peut-être un heure d'attention, dans un moment où !a chambre renonce à la discussion d'une loi qui tend à améliorer les recettes du trésor. Il me semble que je serais très mal venu de vous tenir longtemps sur une discussion générale, quand le temps ne permet pas d'examiner ce que l'Etat est en droit de réclamer de la consommation du sucre.
J'ajourne donc ce que j'avais à dire à la discussion à laquelle l'honorable ministre de l'intérieur a fait allusion, celle qui interviendra probablement à propos de la discussion du budget des voies et moyens de 1849 et à propos de laquelle le cabinet a annoncé vouloir émettre son opinion tout entière sur la situation financière du pays.
Je renonce donc à la parole, je le fais comme un acte de déférence envers la chambre.
M. Osy. - J'avais demandé également à M. le président de m'inscrire pour parler contre la proposition de la section centrale relative aux sucres. Maintenant que nous avons décidé la disjonction, je dois ajourner mes observations à cet égard.
Mais il est un autre objet pour lequel j'ai été en désaccord avec la section centrale.
C'est un objet dont j'aurais à vous entretenir un instant, je veux parler de l'article tabacs. Il m'a été impossible d'appuyer la proposition faite à cet égard par la section centrale et je voudrais, par quelques mots, la combattre. Si cependant on veut l'ajourner au budget de 1849, je renoncerai à la parole.
M. Eloy de Burdinne. - Je voulais, messieurs, vous entretenir de la question des sucres. mais comme cette question est disjointe du budget je me bornerai à vous dire quelques mois de l'impôt sur le sel.
Messieurs, depuis plusieurs années j'ai provoqué dans cette enceinte une réduction de l'impôt sur le sel ; jusqu’à présent, je l'avoue, je n'ai guère obtenu de succès et les circonstance ne sont malheureusement pas plus favorables en ce moment, qu'elles ne l’étaient les autres années, quand j'ai fait cette proposition. On m'a toujours objecté et l'on m'objectera probablement encore les besoins du trésor ; mais, messieurs, en fait d'impôts 2 et 2 ne font pas toujours 4 et il arrive quelquefois que 4 moins 2 peut faire 5. J'ai la conviction que si vous réduisiez l'impôt de moitié en n'accordant plus aucune exemption pour quelque motif que ce fût, le trésor percevrait, non pas les premières années, mais dans un temps très rapproché un produit au moins égal à celui qu'il perçoit maintenant et qui est de 4,800,000 francs. Avant que l'impôt du sel ne fût élevé au taux actuel, on employait, principalement dans les campagnes, au moins trois fois autant de sel qu’on en emploie aujourd'hui. Le sel entrait en grande quantité dans la nourriture du bétail et dans les engrais. C'est, messieurs, que le sel présente d'immenses avantages aux éleveurs et aux cultivateurs. J'appelle donc l'attention du gouvernement et de la chambre sur cette grande question de savoir si dans l'intérêt général, si dans l'intérêt de l'agriculture, si dans l'intérêt des malheureux qui n'ont que le sel pour assaisonner leurs aliments, en général insipides, si dans l'intérêt du pays et de l'humanité, on ne devrait pas accepter la proposition que j'ai eu l'honneur de faire.
J'ai toujours considéré l'impôt sur le sel comme un impôt immoral, injustement réparti, supporté, pour la plus grande partie, par les classes pauvres, et je ne comprends pas, comme je l'ai dit tout à l'heure, que le trésor prélève sur le sel 4,800,000 fr., alors qu'il ne retire qu'un million, et souvent moins, d'un objet qui est exclusivement à l'usage des classes aisées, je veux parler du sucre. Je n'en dirai pas davantage maintenant, en ce qui concerne le sucre ; la question reviendra, et j'espère que la chambre voudra que, si le sel rapporte 4,800,000 fr. au trésor, le sucre lui rapporte tout au moins 10 millions, et nous avons le moyen de retirer cette somme du sucre.
Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien méditer les courtes observations que je viens de présenter. L'impôt du sel est un impôt odieux, un impôt qui frappe la matière première de 450 p. c. de sa valeur. Cet impôt doit être modifié dans le sens de la demande que je n'ai cessé de reproduire. Il y a d'autant plus de motifs de le faire, que si cet impôt est réduit de moitié, il rapportera encore 4,800,000, comme aujourd'hui, non pas pendant les deux premières années, mais au moins pendant la troisième.
(page 341) M. Lejeune, rapporteur. -Quelle que soit l'impatience de la chambre, je dois lui demander la permission de présenter quelques observations générales. Si cependant on tenait à passer outre, sans discussion, je saurais, à l'exemple de plusieurs honorables collègues, m'imposer silence et remettre à d'autres temps mes observations.
Cependant, après tout le temps qu'on a consacré à d'autres discussions, il me semble qu'on peut bien accorder quelques moments au budget des voies et moyens.
Messieurs, les évaluations du budget des voies et moyens sont établies avec beaucoup de modération. Si l'article Sucre (je n'en dirai que ce seul mot), si l'article Sucre rapporte trois millions, j'ai la confiance que l'ensemble des recettes atteindra au moins le chiffre proposé par le gouvernement, bien que la section centrale ait retranché la somme de 1,500,000 fr., portée au budget comme produit éventuel de la loi sur les droits de succession.
Du reste, messieurs, je ne ferai aucune proposition, ni je n'en provoquerai aucune pour changer le chiffre des évaluations, car, en définitive, ce chiffre n'est qu'une chose secondaire ; s'il est un peu au-dessous de la réalité, nous n'en recevrons pas moins ; s'il était au-dessus, nous n'en recevrions pas plus ; et comme il est impossible de fixer le chiffre des prévisions avec une entière exactitude, il vaut toujours infiniment mieux de rester au-dessous de la réalité que d'aller au-delà.
Je crois cependant devoir citer quelques chiffres sur lesquels je fonde l'espoir de voir les recettes atteindre au chiffre proposé par le gouvernement. Nous sortons de deux années calamiteuses, qui ont exercé une très fâcheuse influence sur nos recettes ; l'année dans laquelle nous entrons est meilleure, et il s'opérera nécessairement une réaction ; les recettes du trésor s'en ressentiront.
Messieurs, selon moi, on peut espérer que les recettes de 1848, sur les articles douanes et accises seront égales à celles de 1845. Il faut bien remarquer que ces recettes sont progressives, qu'annuellement elles augmentent ; pendant deux années, par suite des circonstances, elles ont diminué ; mais nous avons lieu d'espérer que nous atteindrons pour 1848 le chiffre de 1848. Or, pour 1845, le produit de la douane a dépassé de 633,000 fr. le chiffre porté au budget de 1848.
Pour les accises, la différence en plus au budget de 1845 est de 264,000 fr.
Quant aux droits de succession, la section centrale a retranché l'augmentation de 1,500,000 fr., portée du chef d'une loi non discutée ; mais le chiffre de 5 millions me paraît tellement modéré, qu'une recette beaucoup plus forte est probable.
Jetez les yeux sur les développements du budget, vous verrez que d'après les calculs ordinaires auxquels on se livre pour porter le montant probable de la recette au budget des voies et moyens, on arrive à un chiffre qui dépasse 6,300,000 fr., abstraction faite de la loi qui est présentée sur les droits de succession en ligne directe.
A l'article postes, je tiens pour certain que le chiffre sera dépassé. La recette pour 1847 peut être évaluée à 3,777,000 francs ; l'augmentation progressive annuelle sur cet article est 124,000 francs ; c'est l'évaluation la plus modérée ; c'est celle que nous a donnée M. le ministre des travaux publics ; la recette pour 1848, s'il n'y avait pas de modifications à la loi, pourrait donc être évaluée à 3,901,000 francs.
Mais nous avons voté une loi qui porte plusieurs modifications au régime des postes et qui affecteront les recettes jusqu'à un certain point. La diminution de recette, si l'on ne compte sur aucune compensation, est évaluée à 375,000 franc. Cette diminution provient des divers articles de la loi que nous avons récemment votée, et en outre de la convention postale faite avec la France. Mais, messieurs, cette diminution sera amplement compensée. Nous savons que l'administration des postes ne compte pas comme une perte l'abrogation du décime rural ; il y aura là compensation. Ce n'est pas non plus une perte que d'avoir modifié le régime des postes en ce qui concerne le transport des articles d'argent ; il y aura sans doute encore de ce chef augmentation de recette.
La perte que l'on éprouva, à raison de l'abrogation du décime cantonal, s'il y a perte, ne sera pas considérable.
Eh bien, messieurs, je suppose que, sur les 375,000 fr., nous perdions la première année 200,000 fr., ce qui n'est nullement probable, il nous resterait, pour la recette de 1848, 3,701,000 fr. La recette portée au budget n'étant que de 3,625,000 fr., il y aurait de ce chef une augmentation de 76,000 fr.
La recette du chemin de fer a été aussi l'objet d'une attention spéciale de la part de la section centrale. La première évaluation portée à 16,000,000 francs a été la suite d'une erreur, dans la prévision de recette pour 1847. (Interruption.) Le mot erreur est ici impropre ; l'honorable ministre qui a fait cette prévision n'a pas commis d'erreur proprement dite ; il ne pouvait pas prévoir quelle serait la recette ; mais il s'est attendu à une recette plus forte ; aujourd'hui que l'année 1847 est presque écoulée, on sait que la recette espérée alors ne sera pas attente.
La différence est telle que, dans l'état actuel du chemin de fer, la section centrale n'a pas cru pouvoir porter le chiffre des recettes à plus de 16 millions. Mais, messieurs, il faut remarquer que nous avons quelque chose à espérer des modifications que l'on compte introduire. On demande au budget des travaux publics plusieurs augmentations de dépenses pour le chemin de fer ; toutes ces augmentations de dépenses sont demandées pour des services qui doivent être nécessairement productifs. Pour moi, j'espère que toutes ces augmentations de dépenses, appliquées à des extensions de services ou à des services nouveaux, produiront en recette un chiffre égal ou même supérieur à celui des frais. De ce chef, on peut compter aussi sur une augmentation dans le chiffre des recettes, et en ne portant cette augmentation qu'à 200,000 fr., j'arrive, en additionnant tous les chiffres que je viens de mentionner à un total de 2,473,000 fr. au-delà du chiffre du budget tel qu'il a été proposé par la section centrale.
On voit que quand il y aurait quelques mécomptes ; dans ce chiffre en arriverait toujours au chiffre indiqué par le gouvernement sans cependant comprendre dans les recettes les 1,500 mille fr. portés du chef de la loi sur les successions.
Messieurs, la section centrale a indiqué quelques nouveaux moyens de recettes. Je ne dirai qu'un mot sur les tabacs. Il est, bien naturel, quand d'un côté on demande de nouveaux impôts, que d'un autre côté on demande de très grandes économies, économies que je verrais faire avec beaucoup de plaisir et auxquelles je voudrais pouvoir contribuer, mais au sujet desquelles il m'est impossible de me faire illusion, il est bien naturel, dis-je, que la section centrale se soit permis d'adhérer à l'opinion d'une section qui avait mentionné dans son procès-verbal que le tabac était une matière imposable : il paraît qu’il n'est plus permis de dire que le tabac est une matière imposable.
La section centrale n'a pas fait de proposition, elle a indiqué le tabac comme matière imposable, sauf à examiner la question. Elle a voulu dire que le tabac est une matière plus imposable que bien d'autres et qu'on pourrait en augmenter le droit de douane, sans donner un trop grand appât a la fraude. Aussitôt les réclamations sont arrivées, peu s'en faut qu'on ne prête la main à toute espèce d'impôt plutôt que d'imposer le tabac. Il y a cependant des pétitions en sens contraire. Il y a une pétition de Louvain qui recommande les économies au lieu d'imposer de nouvelles charges ; il y en a une autre de St-Nicolas qui appuie fortement l'opinion de la section centrale, mais dans un but que la section centrale n'a pas eu en vue, dans le but d'étendre la culture du tabac dans le pays.
A propos de nouveaux impôts, je ne sais si le gouvernement a songé à un moyen de recettes, ce serait de changer le degré de successibilité. Aujourd'hui le droit de succéder s'étend jusqu'au douzième degré ; je crois que les héritiers du douzième, di dixième et peut-être du huitième degré retirent fort peu des successions auxquelles ils sont appelés. Si de pareilles successions arrivent à leur destination, ce n'est qu'en très faible partie, la plus forte part en reste aux intermédiaires. Je serais assez porté à recommander une modification à la loi sur ce point, mais je ne sais si on pourrait compter de ce chef sur une recette un peu considérable, et ce n'est pas pour une bagatelle qu'on peut apporter des modifications à une loi de cette nature.
Messieurs, si, pour le présent, on peut encore se passer de nouveaux impôts, il faut néanmoins y songer pour l'avenir. Quelles que soient les économies que l'on puisse faire et que j'appelle de tous mes vœux, il sera nécessaire de créer de nouvelles ressources, soit pour remplacer ou diminuer quelques-uns des impôts actuels qui sont l'objet de réclamations incessantes, soit pour donner de nouveaux développements aux travaux publics. La section centrale a appelé l'attention du gouvernement sur la législation qui régit les brevets d'invention, sur l'organisation de la propriété intellectuelle, la propriété industrielle, artistique, littéraire.
Déjà à plusieurs reprises, j'ai demandé jusqu'à quel point le gouvernement s'est occupé de cette question. A la dernière discussion du budget de l'intérieur, le gouvernement a répondu que la question s'examinait à la direction de l'industrie, mais qu’elle était très vaste, qu'elle était hérissée de difficultés, qu'on l'examinait cependant et que l'examen portait sur les études qu'on faisait dans d'autres pays.
Aujourd'hui, je serais charmé d'apprendre jusqu'à quel point cet examen est avancé, quelles sont aujourd'hui les intentions du gouvernement à ce sujet.
Je dois avouer que quelque chose de très utile a été fait. J'ai entre les mains le recueil des lois et règlements sur les brevets d'invention chez les différents peuples. Je remercie l'administration d'avoir fait ce recueil pour ceux qui voudront s'occuper de cette matière, c'est un véritable faisceau de lumières. Quelle que soit la difficulté de la question, je ne pense pas qu'il existe encore des motifs graves pour l'ajourner, pour en retarder l'examen définitif.
Il ne s'agit pas d'une innovation qui entraîne à de grandes dépenses ; aucune dépense n'est attachée à la mise en pratique des principes dont nous demandons l'application et qui ont déjà tant occupé les esprits.
N'y a-t-il pas au contraire quelque nouvelle ressource pour le trésor dans l'organisation de la propriété intellectuelle ? Il y en a qui le pensent ; il y en a qui comptent sur des recettes considérables. Je ne me fais pas illusion, je ne veux pas que d'autres s'en fassent ; mais ce qui est bien certain, c'est que nous recevrions quelque chose tandis que maintenant nous ne recevons rien. Le chiffre des recettes pourrait être tel, au bout d'un certain temps, qu'il figurerait au budget des voies et moyens, comme une véritable ressource pour le trésor.
D'un autre côté, quels seraient les inconvénients de cet impôt ? Est-il de nature à exciter des réclamations ? Non ; au contraire, ceux qui devraient le payer en appellent l'établissement de tous leurs vœux. Ils ne demandent pas mieux que de payer un impôt, en échange des garanties efficaces dont la loi entourerait leur droit de propriété, et cet impôt serait payé, non seulement par des nationaux, mais par un grand nombre (page 342) d'étrangers qui viendraient se mettre sous la protection de la loi belge.
Enfin on ne payerait qu'aussi longtemps qu'on le voudrait. On cesserait de payer lorsqu'on serait décidé à abandonner son droit. Ce serait donc un impôt tout à fait volontaire et qui pourrait devenir considérable.
Si l'on était déçu dans cette attente, du moins l’on n'aurait engagé l'Etat dans aucune dépense, voilà le côté financier de la question.
Au point de vue moral et politique, il serait difficile de dire quelque chose qui n'eût pas été dit.
Ne serait-ce pas un grand acte de justice d'organiser et de garantir la propriété intellectuelle, d'en venir à mieux appliquer des principes qui ont d'ailleurs été toujours reconnus.
Que demandons-nous ? Que les garanties pour les inventeurs dépendent de la bienveillance de la loi et non du caprice des hommes. Ceci n'est pas nouveau, c'est ce que demandait M. de Boufflers à l'assemblée nationale.
Que disons-nous aujourd'hui en réclamant la révision de la loi sur les brevets d'invention ?
« Toute idée nouvelle appartient primitivement à celui qui l'a conçue. Ce serait attaquer les droits de l'homme que de ne pas regarder une découverte comme la propriété de son auteur. »
C'est ce qui a été dit à l'assemblée nationale.
« Les découvertes de l'industrie et des arts étaient une propriété avant que l'assemblée nationale l'eût déclaré. »
C'est ainsi que Mirabeau s'exprimait au sujet du principe que nous voudrions voir mettre plus largement en pratique.
On appelle l'introduction de nouvelles industries dans les Flandres ; mais quelle est la garantie assurée à l'inventeur qui viendrait y engager sa fortune ? Si son industrie ne réussit pas, il est ruiné ; s'il réussit, quelque capitaliste viendra le renverser et se mettre à sa place.
Voilà les résultats de la concurrence qui existe aujourd'hui, cette concurrence à brûle-pourpoint, comme on l'appelle très bien. L'industriel est à la merci d'un capitaliste puissant et jaloux de ses succès.
J'ai beaucoup d'espoir que l'examen des questions qui se rattachent aux brevets d'invention et qui ont, je le répète, un côté financier, ne tardera plus à arriver à un résultat.
Dans l'avant-propos de l'ouvrage que j'ai cité tantôt, je rencontre d'excellentes idées qu'on n'aurait en quelque sorte qu'à traduire en loi :
« Dans toutes les législations, des dispositions fort sages sont neutralisées par celles qui les suivent.
« II faut diminuer, la taxe la rendre annuelle et progressive.
« Il faut prolonger la période de la jouissance. »
« Il faut donner de la publicité à l'invention. »
Voilà quelques idées sur lesquelles on peut fonder des espérances, si le gouvernement veut bien s'occuper résolument de la question. Mais je ne fais de reproche à personne de ce qu'on n'est pas plus avancé aujourd'hui. Rien ne doit se faire avec précipitation. Il faut tenir compte de l'opinion publique en matière de brevets d'invention. Il est certain que l'on a longtemps considéré le brevet d'invention comme un monopole plus ou moins odieux et nuisible à la société. Quand on pouvait faire tomber un brevet dans le domaine public, c'était en quelque sorte une conquête. Tant que cette opinion erronée était très répandue, il eût été impossible de modifier convenablement la législation.
Généralement les bonnes choses ont de la peine à se faire jour et rien n'est plus capable de les compromettre que de les faire éclore avant terme. Aujourd'hui l'opinion publique s'est modifiée, et le moment est venu pour le gouvernement de s'occuper de cette question et de la formuler en loi.
M. Verhaegen. - Messieurs, je croyais examiner, comme les années précédentes, les bases de l'impôt. Dans les circonstances actuelles, et pour que la discussion générale puisse être close, je renoncerai à la parole. Je me réserve comme d'autres orateurs de présenter mes observations dans la discussion.
Plusieurs membres. - A demain !
M. Malou. - Je ne demanderai pas qu'on remette la séance à demain, je n'ai que quelques observations à présenter à la chambre.
Messieurs, pour apprécier le budget des voies et moyens, que nous discutons en ce moment, il faut se reporter aux circonstances dans lesquelles il a été fait, et aux bases qui ont servi à le former. C'est principalement d'après les faits de l'année 1846 que les prévisions de 1848 ont dû être établies.
Il résulte de là, messieurs, qu'en maintenant ces prévisions, et en supposant, comme on est en droit de le faire, lorsqu'on forme un budget des voies et moyens, que l'année 1848 sera une année normale, nous pouvons être assurés, dès à présent, que les prévisions fondées sur les rails de 1846, seront notablement dépassées dans leur ensemble.
L'honorable rapporteur vient de citer plusieurs articles ; il en est d'autres, et surtout les accises, à l'exception du sucre, peut-être, qui doivent donner, en 1848, des produits beaucoup plus considérables que ceux de 1846. Cela résulte en premier lieu de ce que les travaux out été en grande partie interrompus et de ce que les approvisionnements sont presque complétement épuisés.
Nous avons, d'ailleurs, l'expérience. Les prévisions de 1845 ont été dépassées en réalité de plus de 1,100,000 francs. En 1846, quoique les prévisions eussent également été faites d'après les faits constatés pour une année normale, les recettes réelles ont encore dépassé les prévisions de 567,000 francs ; et cependant, messieurs, c'était une année de crise alimentaire. Pour 1847, nous arriverons à peu près, à quelques cent mille francs en plus ou en moins, à réaliser les prévisions qui ont été formées.
Je cite sommairement ces faits à la chambre, parce qu'il me paraît en résulter à toute évidence que l'on ne doit pas, pour établir la nécessité d'impôts nouveaux, se préoccuper d'une manière absolue, d'une manière décisive, du chiffre auquel nous arrêterons notre budget des voies et moyens.
Je fais ces réserves, parce que plus tard, on pourrait dire : Le budget des voies et moyens est arrêté à la somme de 118,000,000. J'ai 118,200,000 francs de dépenses, donc il me faut immédiatement 200,000 francs d'impôts nouveaux. Cette conclusion ne doit pas être tirée plus tard du vote que nous allons émettre sur le budget des voies et moyens.
Lorsque le budget des voies et moyens a été formé au mois d'avril 1847, j'ai moi-même déduit 12 à 1,500 mille francs sur les prévisions qui avaient été formées conformément aux précédents. Je les ai déduits, parce qu'il me paraissait contraire aux intérêts de nos finances de présenter les budgets avec un solde actif trop considérable.
Je ne m'arrêterai pas à discuter telle ou telle évaluation. La chambre, dans un budget des voies et moyens, ne peut utilement examiner que l'ensemble, c'est-à-dire si les prévisions, telles qu'elles sont proposées, ont en elles le plus grand degré de probabilité possible.
On a parlé notamment du chemin de fer. Ici encore nous pouvons dire sans craindre d'erreur, que la recette de 16 millions qui est proposée, et que je ne veux pas combattre parce que c'est une simple prévision, sera notablement dépassée dans l'exécution. La prévision d'un produit de 16,800,000 fr. qui avait été portée au budget, était fondée sur ce que j'appellerai la loi d'accroissement des recettes du chemin de fer ; et, messieurs, lorsqu'il y a de nouvelles lignes à exploiter, lorsqu'il y a un matériel plus complet, lorsqu'on veut organiser des services nouveaux, on n'a fait autre chose, dans le budget des voies et moyens, que de tenir compte de cette loi d'accroissement, d'après laquelle, en dehors des circonstances que je viens de rappeler, les recettes ont continuellement progressé, année moyenne, de 11 à 12 cent mille fr.
Vous voyez donc que pour le chemin de fer aussi, la prévision d'une recette de 16 millions est plus que modérée, est en dessous des probabilités.
On vous a parlé, messieurs, de quelques bases d'impôts nouveaux, des tabacs, des restrictions à apporter au degré de successibilité.
Quant aux tabacs, messieurs, il faut bien prendre garde que deux systèmes seuls peuvent se réaliser en Belgique d'une manière utile pour tous les intérêts ; le système que j'appellerai commercial et le système fiscal.
Nous avons fait l'épreuve du premier. Par notre situation, par l'activité de notre industrie, nous avons acquis, après les premières années qui ont suivi la révolution, un commerce de tabacs très considérable. Nous l'avons en grande partie perdu, parce qu'on a quadruplé un droit qui était faible en lui-même.
Mais en perdant le mouvement commercial sur les tabacs, nous n'avons pas réalisé des recettes correspondantes. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais je crois pouvoir dire que si le mouvement commercial, après qu'on a eu quadruplé les droits, est notablement déchu, la recette ne s'est pas accrue autant qu'on l'avait espéré.
Si, donnant suite à l'idée énoncée dans le rapport de la section centrale, on doublait sur les quantités les plus considérables le droit de 10 fr., pour le porter à 20 fr., il en résulterait que vous auriez un produit moindre que celui que vous avez aujourd'hui, parce que vous auriez complètement supprimé le commerce des tabacs.
C'est ici le cas de dire cette vérité si connue en finances que 2 et 2 ne font pas quatre. Dans le cas actuel 2 et 2 feraient peut-être 1 1 /2. (Interruption.)
Je demande à M. le ministre des finances, puisque ce fait paraît être contesté, qu'il veuille bien faire prendre, dans la statistique des douanes, le mouvement du commerce spécial et du commerce général des tabacs pendant les années antérieures à la loi de 1844 et pendant les années postérieures, et de mettre ces données en rapport avec les recettes. On verra quelles peuvent être les conséquences anti-commerciales d'une loi, sans que le résultat financier qu'on avait en vue se soit réalisé.
Je conçois toutes les raisons que l'on peut donner pour demander l'augmentation de l'impôt sur les tabacs. Lorsqu'on dit que le tabac est une matière imposable, on dit une chose qui parait ne devoir exciter tes susceptibilités de personne.
Mais s'il s'agit d'aggraver la loi, c'est évidemment en vue d'une recette. Or, je crois qu'il résulterait de l'examen des faits qu'une aggravation de droits, loin d'augmenter les recettes, les diminuerait.
Il n'y a donc en réalité, pour ce qui concerne le tabac, qu'à opter entre le système commercial sous lequel nous avons vécu pendant plusieurs années, et le système fiscal, c'est-à-dire, puisqu'il faut prononcer le mot, le système qui existe en France. Car avec notre constitution territoriale, avec notre organisation de douanes, il n'y a évidemment que cette alternative. Je ne pense pas que ce soit le moment de discuter, je ne pense pas non plus qu'il soit dans l'intention du gouvernement d'établir ce système.
Un mot, messieurs, bien que l'heure soit très avancée, sur les restrictions à apporter au degré de successibilité.
(page 343) Lorsqu'on étudie les documents publiés en France, sur les produits du droit de succession, l'on peut se convaincre que les transmissions sont d'autant plus importantes que le degré est plus rapproché. Ainsi, en examinant une période de quelques années, on trouve qu'en France la moyenne des valeurs transmises en ligne directe est de 1,086,000,000, tandis que toutes les valeurs transmises en ligne collatérale, celles qui sont transmises entre époux et entre personnes non parentes, ne s'élèvent ensemble qu'à une moyenne de 467 ou 469 millions, je n'ose pas garantir exactement le chiffre, que je cite de mémoire. Il en résulte que les transmissions en ligne directe forment à peu près 69 p. c. de toutes les transmissions en général, tandis que celles de toute autre nature n'en forment guère que 31 p. c. Le même phénomène se présente lorsque l'on compare entre elles les différentes catégories de successions en lignes collatérales, c'est-à-dire que pour les degrés : les plus éloignés, les transmissions sont insignifiantes, se réduisent presque à rien.
Ce serait donc en vain que par cette espèce de droit de déshérence, de droit d'aubaine, de confiscation déguisée, on espérerait procurer des recettes au trésor. Mais il y a une raison plus décisive encore : dans notre droit civil et dans le droit civil de tous les peuples qui respectent la propriété, le droit de tester est considéré comme la base essentielle des droits de la famille ; or, dès que vous laissez intact le droit de tester, c'est inutilement que vous apporteriez des restrictions au droit de succéder ab intestat.
Je crois donc, messieurs, que les études du gouvernement doivent prendre une autre direction pour améliorer la situation financière à l'avenir. Je ne doute pas que M. le ministre des finances ne s'en soit déjà occupé, et je me permettrai de lui poser ici une question qui a déjà été posée dans la section à laquelle j'avais l'honneur d'appartenir, lors de examen du projet de loi sur le droit de succession. Si un jour la nécessité d'établir des impôts nouveaux est démontrée, la législature devrait être constituée juge, non pas d'un projet, puis d'un autre projet, mais elle devrait être constituée juge en une seule fois de toute la pensée du gouvernement sur l'amélioration de notre situation financière ; car, messieurs, entre les impôts, si la nécessité en est démontrée, la législature aurait à faire un choix ; il faut faire pour les impôts ce que l'on dit de tous les autres maux, il faut choisir le moindre.
M. le ministre des finances nous a annoncé la présentation successive d'autres lois d'impôt ; je lui demanderai de faire connaître, dès à présent, à la chambre, ou au moins de se mettre en mesure de nous faire connaître, lorsque nous discuterons le projet de loi sur le droit de succession, quelles sont les autres lois de finance qu'il a l'intention de présenter.
M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j'avais renoncé à traiter maintenant la question des tabacs pour ne pas retarder le vote des budgets. L'honorable M. Malou vient de dire quelques mots de cette question, et l'honorable M. de Corswarem a demandé la parole pour lui répondre. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne pourrait pas publier pour demain la statistique, qui se trouve au ministère, relativement à cette grande branche d'industrie.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je tiens en main ce tableau, et je vais le remettre à M. le greffier pour qu'il le fasse insérer au Moniteur. (Voir ce tableau pages 344 et 345).
M. Orban (pour une motion d’ordre). - On a déposé sur le bureau un rapport du conseil des mines, concernant la question de la redevance des mines. Comme je pense que ce rapport est imprimé, je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne pourrait pas le faire distribuer aux membres de la chambre.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, je n'ai reçu qu'un exemplaire de chaque rapport et je ne pense pas qu'il en existe en assez grand nombre au département des travaux publics pour en distribuer à tous les membres de la chambre. D'ailleurs, messieurs, je crois que le moment n'est pas encore venu de prendre une résolution sur cette question de la redevance des mines. Elle est encore soumise aux députations permanentes des provinces intéressées. Le gouvernement ne pourra faire une proposition que lorsqu'il aura reçu les renseignements qu'il leur a demandés.
- La séance est levée à 4 heures et demie.