(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 1679) M. Huveners procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance d'avant-hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners communique à la chambre les pièces qui lui sont adressées.
(page 1680) « Le sieur Haerden, secrétaire de la commune de Boorsheim, prie la chambre d'améliorer la position des secrétaires communaux. »
- Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
« Le sieur Crabbe, ancien soldat estropié, demande une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Senault, ancien officier des douanes, réclame l'intervention de la chambre, pour obtenir la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
M. Cans demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
Par divers messages du 30 avril et du 1er mai, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :
1° 94 projets de naturalisation ordinaire ;
2° 5 projets portant règlement définitif des budgets des exercices 1836 à 1840.
- Pris pour notification.
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Toussaint, entrepreneur de travaux publics, à Liège, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement d'une somme qui lui est due pour travaux exécutés dans le hangar aux affûts de la citadelle de Liège. »
Le pétitionnaire expose à la chambre qu'il a fait une entreprise avec le ministre de la guerre pour un travail à la citadelle de Liège, que cette entreprise a été loyalement exécutée de sa part, mais qu'il n'en a pas été de même de la part du département de la guerre, qui s'était engagé à lui faire payer au plus tard le 17 septembre de l'an dernier, une somme 2,834 fr. indépendamment du solde de son marché qu’il devait recevoir le 30 avril.
Sollicitant le payement auquel son contrat lui donnait droit, on lui fit connaître que le retard dans l'expédition de son mandat provenait d'une discussion entre la cour des comptes et le ministre des travaux publics, tout à fait étranger au marché dont s'agît.
Le crédit du pétitionnaire se trouvant compromis par un retard de payement prolongé pendant plus de huit mois, force lui a été de mettre M. le ministre de la guerre en demeure, en le faisant sommer par huissier, de remplir les conditions de son contrat.,
Mais n'ayant pas obtenu plus de succès par ses démarches officieuses, que par ses démarches judiciaires, il vient, réclamer l'appui de la chambre pour que justice lui soit enfin rendue.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre avec demande d'explication.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Les fabricants d'armes à Liège demandent une réduction de leur droit de patente. »
Les fabricants d'armes de Liège réclament contre le mode vicieux auquel leurs patentes sont soumises.
Le mode, qui est encore celui en usage sous le gouvernement précédent, les assujettit à un droit de patente de 1 1/2 cent ou 3 cents suivant la qualité des armes qu'ils soumettent à l'épreuve ; le droit est de 1 1/2 cent pour un fusil simple ou une paire de pistolets ; il est de 3 cents pour un canon double.
Mais là ne s'arrête pas l'injustice de la mesure. L'expérience prouve que dans les canons soumis à l'épreuve une quantité de 20 p.c. au moins est rejetée pour être réparée et soumise de nouveau à l'épreuve. Eh bien ! pour les armes rejetées, il faut payer un nouveau droit de patente qui se trouve ainsi élevé de 3 ou 6 cents, lorsque le prix des armes fabriquées est considérablement réduit, ce qui dans certains cas porte la patente de 4 à 5 p. c, ce qui est une charge inique.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances pour que, dans sa sagesse, il avise aux moyens de soulager une industrie qui a droit à toute sa sympathie.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Malherbe, fabricant d'armes à feu, de guerre et de luxe, à Liège, demande qu'il soit pris des mesures pour empêcher l'exportation du bois de noyer nécessaire à la fabrication des armes.
« Plusieurs fabricants d'armes de Liège présentent des observations contre la demande tendant à ce que le bois de noyer, qui est nécessaire à la fabrication des armes, soit prohibé à la sortie.
« Plusieurs marchands de bois à Liége présentent des observations contre la pétition du sieur Malherbe, tendant à ce qu'il soit pris des mesures pour empêcher l'exportation des bois de noyer propres à la fabrication des armes. »
Une pétition présentée par le sieur Malherbe, fabricant d'armes à Liège, exprime des craintes que le bois de noyer, libre à la sortie, et que nos voisins les Anglais, les Allemands et les Hollandais nous enlèvent en quantité considérable, ne finisse par devenir d'une rareté telle que nous ne puissions plus soutenir la concurrence avec les fabricants étrangers. Il sollicite, en conséquence, des mesures pour en restreindre la sortie, à l'instar de ce qui se fait en France, où. l'exportation n'est tolérée qu'en vertu d'une autorisation spéciale et moyennant un droit de 50 fr. par 100 kilog.
Par une autre pétition, plusieurs fabricants représentant plus de la moitié des armes qui se fabriquent à Liège, et qui emploient ensemble plus de 7/8 des ouvriers armuriers, font remarquer que les bois de noyer qui s'exportent sont destinés à la fabrication d'armes de toute première qualité, et que le prix, qui en est excessif, permet aux marchands de verser dans le commerce, à des prix très bas, le bois qui, sans être de première qualité, est cependant très convenable pour la fabrication d'armes de commerce ; ils invoquent, à l'appui de ce fait, une réduction de 20 à 30 p. c. qui s'est opérée successivement pendant les trois dernières années, et terminer par demander le maintien du tarif actuel.
« Par une autre pétition, plusieurs autres fabricants repoussent les craintes de disette que manifeste le sieur Malherbe. »
La plantation de noyers, disent-ils, a pris un accroissement considérable dans les Flandres, où presque toutes les digues en sont couvertes et où le nombre qu'on en doit abattre tous les ans surpasse la consommation qui s'en fait et surtout pour le petit nombre d'armes de première qualité.
Aussi la défense d'exportation, disent-ils, qui ne serait utile qu'au sieur Malherbe, serait préjudiciable à tous les autres fabricants ainsi qu'aux propriétaires de noyers.
Se résumant, les pétitionnaires prient la chambre de n'apporter aucun changement à la tarification déjà très élevée de 2 p. c. à la valeur.
En présence de ces diverses pétitions, le ministre des affaires étrangères a cru devoir consulter la chambre de commerce de Liège qui, à son tour, réclame l'appui du gouvernement pour le maintien du tarif actuellement en vigueur, et M. le ministre, dans sa lettre au président de la chambre, explique qu'eu égard au régime actuel et à ses résultats, il n'y a pas de raison suffisante pour appliquer la restriction demandée qui serait injuste et contraire aux intérêts de l'agriculture, d’où pourrait résulter que la culture du noyer, l’un des arbres fruitiers les plus utiles, serait plus ou moins négligée.
Votre commission d'industrie, partageant l'opinion émise par l'immense majorité des fabricants d'armes, par la chambre de commerce de Liège, et par M. le ministre des affaires étrangères, a l'honneur de vous proposer le dépôt de toutes ces pièces au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Orban. - Il n'est pas dans mes habitudes d'interrompre les travaux de la chambre par des motions étrangères à son ordre du jour. Si je m’écarte en ce moment de cette règle, ce n’est point, la chambre va le comprendre, sans regretter l’obligation où je me trouve de le faire. Des paroles ont été prononcées dans la dernière séance du sénat par un membre de cette assemblée, qui ne peuvent rester sans réponse et sans une protestation formelle à cette tribune. Je cite textuellement d'après le Moniteur.
« On a parlé du remplacement du service militaire, et, à cette occasion, un déplorable débat s'est engagé dans une autre enceinte. Je n'ai point à m'occuper des imputations calomnieuses auxquelles un esprit de prévention, que je m’abstiens de qualifier, s'est livré avec une légèreté que tous les gens sages et impartiaux ont su apprécier. ».
Messieurs, quand il s'agit de nos discussions intérieures, toute imputation de mauvaises intentions est sévèrement interdite est réputée violation de l'ordre par le règlement ; mais quand il s'agit des rapports des deux chambres entre elles, tout le monde comprend que de semblables imputations sont prohibées par le sentiment le plus ordinaire des convenances. »
Que deviendrait, en effet, l'harmonie qui doit régner entre le sénat et la chambre, si ces deux corps dont les droits sont égaux, mais dont l'action doit s'exercer isolément avec une égale liberté et avec une égale indépendance, pouvaient élever tribune contre tribune, et surtout se permettre d'exercer l'un vis-à-vis de l'autre une sorte de censure. A la déférence et au respect qu'ils ont toujours professé l'un pour l'autre, l'on verrait bientôt succéder un déplorable sentiment d'hostilité. Jusqu'à présent, je dois le dire, le sénat fidèle observateur de toutes les convenances, n'avait jamais manqué à celle que je viens de signaler.
En ce qui me concerne personnellement, messieurs, et pour la part que j'ai prise au débat auquel il a été fait allusion, en termes si peu mesurés, j'aurais pu garder le silence, et ne pas m'émouvoir de cet incident. L'accueil que vous avez fait aux paroles que j'ai prononcées alors, les nombreuses marques d'adhésion que j'ai reçues à cette occasion dans cette enceinte et au-dehors, et plus que tout cela les résultats qu'a eus cette discussion et les mesures que vous avez adoptées et auxquelles le sénat a donné son assentiment, pour empêcher le retour des abus que j'avais signalés ; tout cela aurait pu suffire et me dispenser de l'approbation du sénateur auquel je fais allusion, j'ajouterai même pour me permettre de me placer au-dessus de sa désapprobation ; mais plusieurs de mes honorables collègues m'ont représenté qu'à la tribune il n'y avait pas de paroles indifférentes ; que celles de l'honorable sénateur empruntaient une importance qu'elles n'avaient pas par elles-mêmes, au silence dont les a couvertes le président de cette assemblée.
Voilà pourquoi, messieurs, j'ai cru devoir les porter à cette tribune et en faire l'objet d'une protestation qui, j'espère, empêchera le retour d'un semblable précédent. La chambre me saura gré, j'en suis sûr, de la modération que j'ai mise dans mes paroles. (Assentiment).
(page 1681) M. le président. - M. Orban, les meilleurs rapports existent entre le sénat et la chambre des représentants. Si, dans cette enceinte, un orateur se permettait de qualifier d'imputations calomnieuses les paroles d'un sénateur, je m'empresserais de le rappeler aux convenances parlementaires, et s'il insistait, je le rappellerais à l'ordre. Je suis certain que M. le président du sénat est dans les mêmes sentiments à notre égard, et s'il n'a pas relevé les paroles auxquelles l'honorable M. Orban vient de faire allusion, c'est qu'il ne les aura pas entendues, c'est qu'elles auront passé inaperçues.
Des voix nombreuses. - Très bien ! Très bien !
M. le président. - Je n'ai pas le projet de la section centrale sous la main.
M. Brabant, rapporteur. - La section centrale adopte le projet du gouvernement en y introduisant un amendement que vous trouverez a la ligne 3, page 2 du rapport. Il tend à la suppression des six derniers mots du projet du gouvernement en destination de l'intérieur du pays.
Je n'ai pas cru devoir faire imprimer à la suite du rapport le projet amendé, parce qu'il est très simple.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il à cet amenderaient ?
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Oui, M. le président.
M. Lesoinne. - Messieurs, lors de la discussion du budget des travaux publies, M. le ministre a paru tenir beaucoup à maintenir l'équilibre entre les différents bassins houillers du pays, en refusant de toucher au tarif des chemins de fer, en ce qui concerne le transport des charbons de Liège, par chemins de fer, entre cette dernière ville et Anvers. Après cela, j'ai peine à comprendre comment il a consenti à baisser les péages sur la Sambre canalisée. De deux choses l'une : ou cette réduction de péage fera diminuer les produits de la Sambre canalisée et dès lors il y aura perte pour le gouvernement ; ou bien les recettes ne diminueront pas, et dans ce cas, c'est que les transports auront augmenté.
Or, si les transports augmentent, ce ne peut être qu'au détriment du bassin houiller de Liège ; dès lors, l’équilibre qu'on voulait maintenir naguère sera rompu.
Je ne suis pas ennemi des réductions de péage, j'en suis au contraire partisan ; car ce sont en définitive les consommateurs qui en profitent ; mais il est de toute justice que les exploitants, aussi bien que les consommateurs des différentes localités de la Belgique, profitent des réductions qu'il est possible au gouvernement d'accorder sur les voies de communication dont il est propriétaire. Il me paraît donc juste, messieurs, puisque l'on accorde au bassin de Charleroy une diminution de frais de transport qui lui permettra d'étendre le rayon de ses expéditions, d'étendre la même faveur au bassin de Liège en lui accordant une réduction sur le prix de transport par le chemin de fer, et, dans ce sens, je vais rédiger une proposition, que je soumettrai à la chambre, d'abaisser de 30 p. c. les péages sur le chemin de fer, pour les stations entre Liège et Anvers.
M. Castiau. - Pendant que mon honorable ami rédige son amendement, je demanderai à la chambre de me permettre de profiter de la présence de M. le ministre de l'intérieur, que je vois entrer, pour lui adresser une demande d'explication personnelle.
Je trouve dans le Moniteur, que M. le ministre de l'intérieur, à la séance de samedi, s'est servi des expressions suivantes :
« Dans une autre partie de son discours, l'honorable membre, je le dis à regret, s'est associé à ce que le journalisme a de plus méprisable, en ce qu'il détourne les paroles d'un ministre, d'un membre de cette chambre de leur véritable signification. »
Je n'avais pas entendu ces explications, l'agitation et le bruit m'avaient empêché de les saisir, car vous comprenez que si j'avais pu entendre une imputation d'un caractère injurieux, je l'aurais relevée à l'instant même, et si tout autre moyen de satisfaction m'avait manqué, j'aurais réclamé le rappel à l'ordre de M. le ministre. Je viens donc aujourd'hui lui demander une explication sur le sens de cette phrase. Je considère, je l'en préviens, comme une injure, comme une sanglante injure l'expression du mépris. Je viens demander à M. le ministre, et je m’adresse à sa loyauté, si oui ou non, de près ou de loin, directement ou indirectement, il a entendu faire retomber sur moi l'expression flétrissante dont il s'est servi.
J'attends sa réponse, et je saurai alors la suite que je dois donner à cette affaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je répondrai à l'honorable membre, lorsque lui-même aura déclaré s'il a, oui ou non, voulu incriminer mes intentions.
J'attends sa réponse.
M. Castiau. — Cette réponse n'en est pas une. Je n'ai pas à justifier mes intentions, ni mes paroles, en ce moment.
M. le président. - Mettons fin à ce débat.
M. Castiau. - Permettez, M. le président ; je tiens infiniment à la question que j'ai posée ; ce n'est pas une question de forme et de règlement, mais une question d'honneur. Il me faut une réponse.
Je porte à M. le ministre le défi de prétendre que je me sois servi à son égard d'expressions aussi violentes que celles dont je lui demande l'explication. Son attaque était d'autant plus déplacée que je lui avais fourni l'occasion d'expliquer une pensée qui, suivant lui, avait été mal comprise. J'ai été le premier à provoquer M. le ministre à prendre la parole pour se justifier. Comment donc pouvait-il prétendre que j'avais volontairement dénaturé le sens de ses paroles, lorsque je venais le presser de monter à la tribune pour expliquer des expressions qui avaient produit une si fâcheuse impression.
Je suis réduit à répéter ma demande : M. le ministre a-t-il entendu, oui ou non, faire retomber sur moi l'expression méprisante qu'il applique à certain journalisme ? Je m'adresse une dernière fois à sa loyauté. Comme il s'agit d'une question d'honneur, ce n'est pas le cas, je l'en préviens, de recourir à des faux-fuyants. Qu'il réponde catégoriquement : a-t-il entendu, oui ou non, m'appliquer l'expression injurieuse que j'ai relevée ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Puisque l'honorable M. Castiau déclare qu'il n'a pas voulu attaquer mes intentions, je déclare de même que je n'ai pas voulu attaquer les siennes.
M. Castiau. - Je n'en engagerai pas moins M. le ministre à être plus circonspect à l'avenir ; car, à la première personnalité injurieuse qu'il se permettrait, je la relèverais de manière à lui ôter le désir de recommencer.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'engagerai aussi l'honorable membre à ne plus laisser d'équivoque dans ses discours, quand il m'attaquera au sujet de mes intentions.
M. le président. - En voilà assez !
M. le ministre des finances (M. Malou). présente un projet de loi de crédit supplémentaire de 651 mille francs concernant le département des travaux publics et destinés, pour la majeure partie, à des dépenses relatives au chemin de fer.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'en demanderai le renvoi à l'examen de la section centrale du budget des travaux publics.
M. Veydt. - Si ce projet de loi comprend, entre autres, les deux crédits supplémentaires, montant à plus de quatre cent mille francs, et restés en suspens à la fin de la session dernière, ce serait un motif pour le renvoyer à la commission spéciale qui a déjà fait un premier rapport.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce crédit est indépendant de celui qui a été tenu en suspens à la session dernière.
Le dernier n'annule pas le premier.
Les deux crédits devront être votés. Il me paraît utile de renvoyer le crédit qui vient d'être présenté à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics pour 1847. Si la section centrale à laquelle ont été renvoyés les crédits demandés l'année dernière, doit en outre s'occuper de l'examen du projet qui vient d'être présenté, son travail pourra être assez étendu, tandis que le renvoi proposé par M. le ministre des finances aurait pour résultat de diviser la besogne et de permettre de la terminer plus tôt.
M. Osy. - Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire samedi, la section centrale chargée de l'examen des crédits demandés pour 1845, a dû suspendre ses travaux parce qu'elle attend les renseignements qu'elle a demandés à M. le ministre des travaux publics.
J'appuie du reste la proposition de M. le ministre des finances de renvoyer le projet qu'il vient de présenter à la section centrale qui a examiné le budget de 1847. De cette manière nous pourrons nous en occuper dès demain.
- Le renvoi du projet à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics pour l'exercice 1847, est ordonné.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Lesoinne :
« J'ai l'honneur de proposer à la chambre de réduire de 50 p. c. le tarif du chemin de fer sur les houilles et fontes entre Liège et Anvers et les stations qui se trouvent entre ces deux villes. »
Voici un autre amendement présenté par M. de Garcia :
« Je propose d'ajouter, après le mot ardoises de l'article unique, les suivants : Les terres plastiques, sables et briques réfractaires. »
- Ces deux amendements sont appuyés.
M. le président. - La parole est à M. de Garcia pour développer son amendement.
M. de Garcia. - Messieurs, une pétition a été adressée à la chambre par le directeur d'une fabrique importante de la ville d'Andenne, à l'effet d'obtenir que les matières reprises à mon amendement jouissent de la réduction de péages qui vous est proposée par le projet soumis en ce moment à votre examen. Ces matières sont les terres plastiques, les sables et les briques réfractaires, matières excessivement pondéreuses, matières premières d'une valeur minime sur les lieux et qui ne peuvent en acquérir que par le transport. Ce peu de mots devraient suffire pour démontrer la nécessité d'en favoriser l'exportation.
Il faut, messieurs, y faire attention. Cet objet, insignifiant en apparence, mérite la sollicitude de la chambre et du gouvernement. Beaucoup d'ouvriers sont employés à extraire ces matières ; beaucoup de (page 1682) voituriers sont employés à les conduire jusqu'à la Meuse, et de là elles sont embarquées sur ce fleuve et sur la Sambre, pour aller alimenter les hauts fourneaux et les verreries qui existent dans l'Entre-Sambre-et-Meuse.
Evidemment donc, en encourageant l'exportation de ces matières, vous donnez du travail aux ouvriers et vous favorisez des branches importantes d'industrie. Qu'il me soit permis, messieurs, de vous donner lecture d'une lettre qui m'a été adressée d'Andenne à cet égard et qui vous fera connaître l'importance de la proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre :
« L'extension de la réduction des péages à nos produits ne porterait aucun préjudice au trésor : l'accroissement du mouvement de nos opérations, par la Sambre, compenserait équitablement la diminution du prix des péages.
« La mesure sollicitée profiterait :
« 1° Aux propriétaires du sol par le développement qu'on imprimerait aux exploitations des terres plastiques.
« 2° A la classe ouvrière, où je comprends les voituriers, par la multiplication des mains-d'œuvre et des transports.
« 3° Aux exploitants et fabricants, par l'accroissement du placement de leurs produits.
« 4° Au batelage par une navigation active et suivie sur la Sambre.
« Et 5° A la forgerie et verrerie, elles-mêmes, du Hainaut qui se procureraient nos articles à des prix moins élevés, tout en rencontrant dans nous autres une concurrence qui amènerait une réduction de prix de leurs fournisseurs d'aujourd'hui.
« Enfin, pour nos produits pondéreux, c'est dans les voies de communication et une réduction des péages, que nous devons trouver notre planche de salut. »
Je crois, messieurs, que ces motifs sont plus que suffisants pour démontrer le fondement de ma proposition et pour déterminer les membres de cette assemblée à l'adopter.
M. Delfosse. - Messieurs, la déclaration que M. le ministre des travaux publics vient de faire, que le gouvernement se rallie à l'amendement de la section centrale, nous prouve qu'il y a, en ce moment, une entente cordiale, très cordiale entre le gouvernement et le district de Charleroy. Le gouvernement avait présenté un projet de loi par lequel il accordait une assez grande faveur aux exploitants du district de Charleroy. Il accordait à ces exploitants une réduction d'environ 50 p. c. sur le péage de la Sambre inférieure ; mais cette faveur était limitée aux houilles, fontes et ardoises destinées à la consommation intérieure ; cette faveur ne s'étendait pas à l'exportation. La section centrale propose d'étendre à l'exportation la faveur que le gouvernement proposait d'accorder pour la consommation intérieure.
Le sacrifice que le trésor s'imposait au profit des exploitants du district de Charleroy, était de 94,000 fr., si l'on s'en rapporte à l'évaluation de M. le ministre des finances, consignée dans l'exposé des motifs ; d'après l'amendement de la section centrale, la réduction de recettes serait beaucoup plus considérable, elle irait bien au-delà de 100,000 francs.
Ce n'est pas seulement le trésor, messieurs, qui serait lésé par cette mesure ; les exploitants du bassin houiller de Liège, qui soutiennent aujourd'hui avec beaucoup de difficulté la concurrence du bassin de Charleroy, la soutiendraient plus difficilement encore. Le trésor public et les exploitants de la province de Liège seraient-ils destinés à faire les frais de certaine candidature ? C'est ce que je laisse à la chambre et au pays le soin d'apprécier. Toujours est-il qu'il n'y a aucune raison pour appuyer le projet de loi présenté par le gouvernement, encore moins, beaucoup moins pour appuyer l'amendement de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié.
Vous vous souvenez tous, messieurs, que je me plaignais il y a quelques jours, et que d'honorables collègues se plaignaient avec moi, de l'élévation du prix de transport du charbon par le chemin de fer. Nous faisions ressortir cette circonstance extrêmement remarquable que beaucoup de waggons reviennent à vide d'Allemagne, et qu'il serait convenable de les utiliser, à leur passage par Liège, en les chargeant de charbon. Il y aurait là un grand avantage pour le trésor ; il y aurait, par ce fait que l'on utiliserait les waggons qui reviennent à vide d'Allemagne, une augmentation considérable de recettes ; il y aurait également avantage pour les consommateurs de Louvain et d'Anvers, qui pourraient se procurer le charbon à meilleur marché. Que m'a-t-on répondu ? qu'a-t-on répondu à ceux de nos honorables collègues qui ont appuyé mes observations ? On a répondu qu'il fallait bien se garder de toucher à l'équilibre qui existe entre les divers bassins houillers. Ainsi, on a répondu : une mesure avantageuse au trésor, avantageuse aux consommateurs, par un seul motif, par une seule considération. Il ne fallait pas, disait M. le ministre des travaux publics, détruire l'équilibre qui existe entre les divers bassins houillers. On ne voulait pas rompre cet équilibre au détriment de Charleroy ; aujourd'hui ou veut le détruire au profit de Charleroy ; on veut abaisser, sans compensation pour les autres bassins houillers, le tarif de la Sambre inférieure de 50 p. c.
On refusait, il y a quelques jours, une augmentation de recettes pour ne pas toucher à l'équilibre existant entre les divers bassins houillers ; on y touche aujourd'hui en diminuant les ressources du trésor d'une centaine de mille francs ; on veut donner aux exploitants du bassin de Charleroy, par des raisons que je laisse à la chambre le soin d'apprécier, une centaine de mille francs aux dépens du trésor public et au détriment des exploitants de la province de Liège.
Voilà la justice distributive du gouvernement ! Il a comme toujours deux poids et deux mesures ; tout pour les uns, rien pour les autres. Convenez, messieurs, que c'est là une singulière manière d'administrer.
Examinons quels sont les motifs plus ou moins spécieux que l'on donne, pour appuyer le projet de loi, et l'amendement de la section centrale.
On nous dit d'abord que la Sambre canalisée n'a coûté au gouvernement qu'une somme de 12 millions et 1/2 et que le produit net du canal équivaut à 3 1/2 p. c. des capitaux dépensés. 3 1/2 p. c. c'est un intérêt trop élevé, il faut se hâter de le réduire à 3 p. c. par le projet de loi, et même à 2 1/2 ou à 2 par l'amendement de la section centrale.
Le gouvernement, dit-on, a racheté la concession du canal de Charleroy moyennant 12 millions et demi ; je soutiens, moi, que ce rachat a coûté plus de 13 millions. Mais peu importe ; admettons qu'il n'ait coûté que 12 millions et demi, la section centrale n'arrive à un produit net de 3 1/2 p. c. qu'en prenant la moyenne des trois dernières années, qui ont été très productives ; si vous preniez la moyenne de 10 années, vous n'arriveriez peut-être qu'à un intérêt de 2 1/2 p. c.
Et c'est là l'intérêt que l'on veut encore réduire. Le gouvernement a dû emprunter à des conditions onéreuses, il a emprunté à 5 et 6 p. c ; il ne reçoit, d'après la moyenne des 3 dernières années, que 3 1/2 p. c, d'après celle de dix années que 2 1/2 p. ?., et l'on trouve que c'est trop ! Oh ! les habiles financiers !
Il est, messieurs, une circonstance qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que si le gouvernement n'avait pas racheté la Sambre canalisée, les concessionnaires auraient eu le droit, d'après l'acte de concession, de percevoir 12 cents par tonne et par lieue ; les exploitants du bassin de Charleroy auraient dû payer 12 cents, si la concession n'avait pas été rachetée par le gouvernement. Ces messieurs ont donc à s'applaudir de l'intervention du gouvernement ; si le gouvernement n'était pas intervenu, ils payeraient 12 cents par tonne et par lieue ; ils n'en payent que 9, et ils ne sont pas contents ; ils trouvent que c'est trop.
Pourquoi ne sont-ils pas contents ? C'est, disent-ils, que le fret est plus élevé de Charleroy à Namur, que de Liège à Namur ; de Charleroy il est de 4 francs, de Liège il n'est que de 3.
Ce sont là des chiffres que ces messieurs consignent dans leurs mémoires, mais qui ne sont pas le moins du monde prouvés ; le fret de Liège a Namur n'est pas de 3 fr., il est de 5 ou 6 fr. suivant les circonstances. On paye donc plus de Liège à Namur que de Charleroy à Namur ; vous ne payez que 4 fr., nous en payons 5 ou 6. Si MM. les exploitants de Charleroy veulent transporter le charbon de Liège à Namur au prix de 3 et même de 4 fr.. je suis sûr qu'un leur offrira des marchés considérables. Des industriels dignes de foi m'ont assuré que le fret de Liège à Namur est de 5 ou 6 francs.
MM. les exploitants de Charleroy disent dans leur pétition qu'il n'y a que 7 lieues de Charleroy à Namur, et qu'il y en a douze de Liège à Namur ; ils en concluent que le fret devrait être beaucoup moins élevé pour eux que pour nous ; on vient de voir qu'il est réellement moins élevé, et la distance de Charleroy à Namur n'est pas de 7 lieues, mais de 11 à peu près ; ces messieurs en conviennent eux-mêmes dans un mémoire qu'ils ont fait distribuer.
Si l'on en croit ces messieurs, ne livrent presque pas de charbon à Namur et aux environs. Je puis leur opposer une déclaration que l'honorable M. Deschamps a faite en 1844 alors qu'il était ministre des travaux publics ; mais il n'était pas encore candidat dans le district de Charleroy.
« Le bassin de la Sambre fournit la plus grande partie des charbons consommés à Namur, sur la Meuse belge entre Namur et Givet, et même en aval de Namur entre cette ville et Huy.
« Charleroy fournit par la Sambre inférieure 55,000 tonnes de charbon ; Liège seulement 50,200. »
Voilà ce que l'honorable M. Dechamps disait en 1844 ; c'est donc bien à tort que MM. les exploitants de Charleroy se plaignent de ne rien vendre à Namur et aux environs.
D'après l'honorable M. Dechamps le bassin de Charleroi fournit la plus grande partie des charbons qui se consomment en amont et même en aval de Namur. Le bassin de Charleroy fournit pour cette partie du pays 55 mille tonneaux de charbon, tandis que le bassin de Liège n'en fournit que 50,200.
Pour la consommation intérieure, Charleroy a donc sur la Meuse un marché plus important que Liège.
Voyons ce qui se passe pour l'exportation dans les Ardennes françaises. Les exploitants de Charleroy prétendent qu'ils avaient seuls cette partie du marché français avant 1830, et que, depuis, les exploitants de Liège s'en sont emparés à leur préjudice.
Messieurs, avant 1830, les exploitants de Liège avaient un grand marché en Hollande ; en 1830 ce marché a été perdu pour eux. De là une grande baisse dans le prix des charbons de Liège.
Les charbons de Liège, ne pouvant plus se vendre en Hollande, sont tombés à vil prix. On a pu alors en placer une partie dans les Ardennes françaises. Ce fait est une preuve des souffrances de notre industrie. Si nous avons fait une concurrence à Charleroy sur le marché français, c'est à des circonstances malheureuses pour nous qu'il faut l'attribuer et en aucune manière à l'intervention du gouvernement ; le gouvernement n'a rien fait pour donner ce marché aux exploitants de Liège. Il a, au contraire, accordé de grands avantages à Charleroy. Il a réduit les péages de la Sambre inférieure de 12 cents à 9, alors qu'il ne prenait aucune mesure en notre faveur.
C'est, je le répète, uniquement par suite du bas prix de nos charbons (page 1683) qu'il nous a été possible d'en placer dans les Ardennes françaises, et Charleroy n'a pas perdu tout ce marché, il n'en a perdu qu'une partie. Nous avons trouvé là une faible compensation de la perte du débouché de la Hollande que nous n'avons pas encore recouvré. Charleroy devrait d'autant moins se plaindre, qu'il a gagné de nouveaux débouchés par suite de la réduction des péages sur la Sambre supérieure.
On nous a distribué, il y a quelque temps, une carte de M. l'ingénieur Belpaire indiquant, par la largeur des bandes, l'importance des transports des bassins houillers du Hainaut et de Liège.
Si vous avez, messieurs, jeté les yeux sur cette carte, vous aurez vu que les bandes du bassin de Charleroy sont très larges, tandis que celles du bassin de Liège sont fort étroites ; c'est-à-dire que Charleroy vend beaucoup plus de charbon que Liège ; et cependant on veut encore élargir la bande de Charleroy et rétrécir la nôtre. On voudrait nous réduire à une simple ligne.
Le canal de Liège à Maestricht va, dit-on, nous rendre le marché de la Hollande. Mais le chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse nous enlèvera le marché des Ardennes françaises. Encore un an ou deux et ce marché, sur lequel nous luttons avec Charleroy, nous sera enlevé inévitablement.
Quand nous parlons du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, on nous répond qu'il n'est pas achevé ; nous pouvons en dire autant du canal de Liège à Maestricht ; ce canal n'est pas achevé non plus, et même il n'est pas aussi avancé que le chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse.
Le canal de Liège à Maestricht ne suffira pas, d'ailleurs, pour nous rendre le marché hollandais.
Je vous l'ai dit, messieurs, dans une autre discussion. La Ruhr a été considérablement améliorée depuis 1830 ; les charbons prussiens sont transportés en Hollande à meilleur marché que les nôtres. Pour lutter sur le marché hollandais, il vous faut deux choses : le canal de Liège à Maestricht et l'amélioration de la Meuse dans la traverse de Liège, que nous vous demandions il y a quelques jours et que vous nous avez refusée.
L'honorable M. Dumont me fait un signe négatif. Il est vrai que l'honorable membre s'est abstenu de voter sur notre amendement ; mais l'honorable M. Pirmez est venu tout exprès pour voter contre. Puisque j'ai été amené à parler de l'abstention de l'honorable membre, qu'il me permette de lui dire que j'en ai trouvé les motifs étranges. L'honorable M. Dumont s'est abstenu parce qu'il n'avait pas assisté à la discussion lors du premier vote. Mais le Moniteur avait rendu compte de la discussion, l'honorable membre pouvait très bien savoir ce qui avait été dit.
A quoi, je vous le demande, pourra nous servir un canal dont le tirant d'eau sera de 2 mètres 10 centimètres, si la partie de la Meuse située entre ce canal et nos principaux établissements industriels ne doit avoir pendant une grande partie de l'année qu'un tirant d'eau de 50 à 60 centimètres ? A rien du tout. A quoi servirait une maison dont le premier étage serait magnifique, s'il n'y avait pas d'escalier pour y arriver ? Vous nous avez donné un canal, mais vous n'aurez rien fait, si vous n'améliorez pas la partie de la Meuse qui se trouve entre le canal et tes établissements industriels. Nos principaux charbonnages se trouvent en amont de Liège.
Vous voyez, messieurs, que nous avons des craintes sérieuses à concevoir. La construction du chemin de fer d'Entre-Sambre et Meuse va nous enlever le marché des Ardennes françaises, sans que le canal de Liège à Maestricht puisse nous rendre la partie du marché hollandais que nous avions avant 1830.
Je dois le dire, messieurs, les exploitants de Charleroy savent faire des démarches très actives, il publient force mémoires qu'ils distribuent en profusion, pendant que ceux de Liège se bornent à nous envoyer des pétitions écrites qui restent sur le bureau et que personne ne lit.
A entendre MM. les exploitants de Charleroy, tous les avantages sont pour nous, toutes les pertes sont pour eux ; et cependant, c'est le contraire qui est vrai. Comme je le disais tantôt, ils ont une bande extrêmement large, tandis que la nôtre est fort étroite. Ils ont un vaste débouché dans une grande partie de la France ; nous n'avons qu'un faible débouché dans un ou deux départements français. Ils ont à l'intérieur, du côté même où nous devrions avoir en quelque sorte le monopole, par exemple entre Namur et Huy, un débouché aussi considérable que le nôtre. Et ce sont eux qui se plaignent ! et c'est pour eux que le gouvernement vient demander des faveurs à notre détriment.
Mon honorable collègue, M. Lesoinne, vous a présenté un amendement qui serait une compensation du mal que l'on veut nous faire par le projet de loi et par l'amendement de la section centrale.
L'honorable M. Lesoinne demande une réduction du prix des transports sur le chemin de fer entre Liège et Anvers. Si vous repoussez le projet de loi et l'amendement de la section centrale, notre honorable collègue consentira, j'en suis sûr, à retirer son amendement, et à attendre la révision générale des tarifs. Mais si le projet de loi et l'amendement de la section centrale sont adoptés, l'amendement de l'honorable M. Lesoinne doit l'être aussi.
Si l'on se préoccupe de l'intérêt du consommateur, nous avons, d'un côté, l'intérêt du consommateur namurois, intérêt très respectable, sans doute. Le vote regrettable que nos collègues de Namur ont émis, il y a quelques jours, ne m'empêchera pas d'appuyer leurs réclamations, lorsque je les trouverai fondées. Pour moi il n'y a pas deux Meuses, il n'y eu a qu'une, comme il n'y a qu'un Escaut. Ou ne peut guère améliorer la position d'une ville, située sur un fleuve, sans que les parties du pays qui se trouvent en amont ou en aval en retirent quelque avantage. Namur peut donc compter sur mes sympathies, et à plus forte raison Dinant, dont le représentant a si bien compris le lien qui existe entre tous les riverains de la Meuse. Je ne demande pas mieux que de voir améliorer la position des consommateurs namurois et dinantais.
Mais nous devons aussi porter quelque intérêt aux consommateurs d'Anvers et de Louvain ; les habitants de Bruxelles ont également des titres à notre sollicitude. Or, la réduction du prix des transports par le chemin de fer améliorerait la position des consommateurs d'Anvers, de Louvain et de Bruxelles, tout comme la réduction qu'on vous propose améliorerait la position des consommateurs namurois et dinantais.
Si vous voulez améliorer la position de tous les consommateurs, je ne demande pas mieux. Mais n'allez pas vous préoccuper uniquement de Namur et de Dinant. Je suis très porté pour les Namurois et pour les Dinantais ; ils sont sur les bords de la Meuse et nous avons avec eux des relations de bon voisinage. Mais je me préoccupe aussi des habitants de Bruxelles, de Louvain et d'Anvers. Ce sont aussi nos compatriotes.
Un membre. - Et de Malines.
M. Delfosse. - Et de Malines aussi. Je désire que le charbon soit partout au plus bas prix possible.
L'amendement de l'honorable M. Lesoinne est très acceptable. Si vous utilisiez le grand nombre de waggons qui reviennent du Cologne à vide il y aurait à la fois avantage pour le trésor et pour le consommateur. Le projet de loi n'améliore, au contraire, la position du consommateur qu'aux dépens du trésor. Ainsi, d'un côté amélioration pour Namur et pour Dinant et perte pour le trésor ; de l'autre côté, par l’amendement de l'honorable M. Lesoinne, amélioration pour Anvers, Louvain et Bruxelles, et bénéfice pour le trésor. Il y a donc des raisons plus fortes pour adopter l'amendement de l'honorable M. Lesoinne, que pour adopter le projet et l'amendement de la section centrale.
Messieurs, Charleroy prétend qu'il avait autrefois exclusivement le marché des Ardennes françaises. C’est là un point douteux ; c'est une de ces allégations que l'on peut repousser par une allégation contraire ; mais quoi qu'il en soit, Charleroy nous enlèvera bientôt ce marché. Nous demandons seulement d'en conserver une partie en attendant que nous ayons recouvré le marché hollandais. Il faut que Charleroy vende du charbon partout alors que nous n'en vendons nulle part.
Nous avions autrefois le marché de Louvain. Les représentants de Charleroy et les auteurs des mémoires qui nous ont été distribués à profusion, nient ce fait. Ils prétendent que nous n'avons jamais eu le marché de Louvain. Mais il est dit dans un rapport officiel fait en 1831, que les exploitants de Liège fournissaient à Louvain des quantités considérables de houille Si Liège livrait avant 1834 des quantités considérables de houille à Louvain, il est évident qu'elle devait en fournir bien plus encore avant la construction du canal de Charleroy.
La construction du canal de Charleroy nous a enlevé une partie du marché de Louvain. Charleroy a pu alors arriver à Louvain, à de meilleures conditions que nous. Cependant nous pouvions encore soutenir jusqu'à un certain point la concurrence, parce que beaucoup de routiers venaient charger à Louvain des marchandises destinées à l'Allemagne ; ils revenaient à vide, comme les waggons reviennent aujourd'hui ; mais ces routiers ne commettaient pas la même faute que le gouvernement, ils utilisaient leur retour en prenant du charbon à Liège, sans s'enquérir du dommage qui en résulterait pour Charleroy.
Le charbon de Liège était, par suite de cette circonstance, transporté à Louvain à un prix très bas ; c'est ce qui nous permettait de lutter encore sur le marché de Louvain, même après la construction du canal de Charleroy. Le canal de Charleroy ne nous avait donc fait qu'un demi-mal. Mais la construction du chemin de fer, que l'on nous présentait comme un moyen de placer nos charbons, nous a fait un mal plus grand ; il nous a enlevé tout à fait le marché de Louvain. Pourquoi ? Parce que le gouvernement, comme je le disais tantôt, s'est conduit autrement que les rouliers. Les rouliers utilisaient leurs retours en prenant du charbon ; nous pouvions ainsi placer nos charbons à Louvain, nous n'avions à payer qu'un prix de transport extrêmement faible. Mais le gouvernement ne veut pas nous accorder le même avantage. Le chemin de fer qui devait être si avantageux à l'industrie, nous a donc causé un grand préjudice ; il nous a enlevé les marchés de Louvain et de Tirlemont. Ces marchés, que nous avions presque entièrement avant la construction du canal de Charleroy, et que nous avions conservés en partie après la construction de ce canal, nous les avons perdus depuis la construction du chemin de fer. Le chemin de fer qui devait, disait-on, être une source de prospérité pour nos houillères, est une cause de ruine.
Eh bien, c'est quand tout tourne contre nous, c'est quand nous avons perdu les marchés de Louvain et de Tirlemont, que nous avions presque entièrement avant le canal de Charleroy, que nous avions encore en partie après la construction de ce canal, c'est quand nous avons perdu le débouché d'une partie de la Hollande, par suite de la concurrence que les Prussiens et les Anglais viennent nous y faire, c'est quand nous avons perdu tout cela, c'est quand Charleroy a prospéré, c'est quand il a un débouché immense dans une grande partie de la France, c'est alors qu'on veut encore nous enlever le marché des localités situées le long de la Meuse entre Givet et Huy et celui des Ardennes françaises !
Quand nous avons toutes les souffrances et Charleroy tous les avantages, on veut encore accorder des faveurs à Charleroy au préjudice de Liège ! Je le dis hautement, la conduite du gouvernement est odieuse. (page 1684) S'il r/y a pas parti pris de sacrifier l'industrie de Liège, de sacrifier la province de Liège, on ne peut s'expliquer la conduite du gouvernement, que par la circonstance fâcheuse pour nous (je ne sais si elle sera heureuse pour d'autres), qu'un de nos ministres se trouve candidat dans le district de Charleroy.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, cette question du marché de la Meuse supérieure a déjà été soumise à l'appréciation de la chambre, d'une manière beaucoup plus directe lorsque le gouvernement a présenté simultanément les projets du chemin de fer de Sambre-et-Meuse et du canal latéral à la Meuse. Il y a eu à cet égard une simultanéité, dont il faut tenir compte. Il est de toute évidence que le chemin de fer de Sambre-et-Meuse doit donner aux charbonnages de Charleroy une supériorité réelle pour l'approvisionnement du marché de la Meuse supérieure.
Mais en faisant cette proposition, le gouvernement a eu soin d'en faire une autre, qui avait pour l'industrie de Liège, et notamment pour l'industrie charbonnière, une haute importance. Je veux parler de la proposition relative au canal latéral à la Meuse, canal qui doit ouvrir au bassin de Liège non seulement le marché de la Hollande par le canal de Bois-le-Duc, mais encore le marché de tout le nord de la Belgique par les canaux de la Campine. Ces canaux sont construits jusqu'à Herenthals, et les projets sont dressés pour leur continuation jusqu'à Anvers. Le commerce de Liège a donc cette perspective d'un avenir qui n'est pas éloigné. Cette ligne de canaux permettra à Liège de faire des exportations en Hollande par l'Escaut aussi bien que par la Meuse.
C'est un point très important qui m'a été signalé naguère par un des grands industriels de la province de Liège, qui appréciait toute la portée de cette double issue vers le marché étranger.
C'est donc lorsque le gouvernement a proposé simultanément de décréter le chemin de fer de Sambre-et-Meuse et le canal latéral à la Meuse, que la question du marché de la Meuse supérieure a été en quelque sorte résolue.
Je pense qu'on peut dire que si le chemin de fer de Sambre-et-Meuse enlevait à Liège le marché du département des Ardennes, le canal latéral lui offrait une compensation infiniment plus importante.
L'honorable membre paraît croire que le canal latéral n'est pour ainsi dire rien sans les travaux de la traverse de Liège. Je dois d'abord faire remarquer que la non-exécution des travaux de la traverse de Liège n'est nullement décidée. Je crois même qu'on peut regarder comme probable que ces travaux se feront.
Un membre. - Vous le promettez ?
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce n'est pas une promesse, c'est l'indication d'un fait probable que chacun peut apprécier.
L'honorable membre pense que le canal latéral, sans les travaux de la traverse de Liège, n'est rien ; je crois que c'est une erreur. Ce canal latéral doit arriver jusqu'aux portes de Liège. Comme je l'ai dit dans une autre circonstance, ce canal sera pour Liège l'équivalent de ce qu'est le canal de Mons à Condé pour le couchant de Mons. Le canal de Mons à Condé ne touche pas aux houillères. Il en est assez éloigné. Il a fallu certains travaux, divers chemins de fer pour mettre les houillères en communication avec ce canal. Il n'en est pas moins vrai que ce canal a suffi pour assurer l'avenir du couchant de Mons.
L'honorable membre signale les débouchés de Liège, si restreints à Louvain et à Tirlemont depuis l'établissement du chemin de fer. Je crois qu'il y a là une certaine exagération. Il se fait aujourd'hui des transports assez actifs dans cette direction. C'est à tel point que différents établissements charbonniers louent régulièrement des waggons pour ces transports. Ce débouché a donc quelque valeur ; mais il en est un autre qui s'ouvre pour Liège, et dont l'importance peut devenir fort grande, c'est celui de la Prusse. Récemment les droits d'entrée sur les charbons ont été réduits à peu de chose en Prusse. Il en est résulté que le transport des charbons dans cette direction a pris immédiatement de l'extension. Il n'est pas douteux que, d'ici à très peu de temps, ce mouvement ne devienne beaucoup plus considérable.
C'est grâce au chemin de fer que les charbons de Liège vont aujourd'hui jusqu'à Cologne. Il est à remarquer que ces charbons sont transportés à des conditions très favorables. Comme ils sont destinés à l'exportation, ils jouissent d'une réduction de 30 p. c, ce qui établit le prix du transport à 35 c. par tonneau et par lieue. C'est déjà un prix fort modéré pour des transports par chemin de fer.
On a parlé, dans la discussion du budget des travaux publics, du produit des chemins de fer à l'étranger. Mais, à l'étranger, des prix de 35 c. par lieue et par tonneau sont à peu près inconnus : le chemin de fer du Nord, dont les transports de marchandises croissent d'une manière remarquable, a pour les trajets de 10 à 15 lieues, un prix de 60 c. par lieue et par tonneau, tandis qu'ici, pour les transports vers l'Allemagne, nous avons un prix de 55 c.
Je dois rectifier une idée erronée qui existe relativement aux waggons revenant à vide. On suppose que ces waggons pourraient faire un double transport dans le temps qu'exigent aujourd'hui un transport et un retour à vide. C'est une erreur. Si ces waggons faisaient un double transport, il leur faudrait beaucoup plus de temps, à cause des chargements et des déchargements en plus. Beaucoup de ces waggons qui sont loués reviennent immédiatement. De cette façon, expéditeur et destinataire ont intérêt à accélérer le chargement et le déchargement. Il peut arriver que des waggons, malgré le retour à vide, servent à des transports extrêmement actifs, extrêmement multipliés.
L'honorable membre a fait remarquer que, sur une carte de l'ingénieur Belpaire, les transports du bassin de Charleroy sont indiqués par une bande fort large, ce qui donne une haute idée de leur importance. Je pense que cette indication se rapporte bien moins aux charbons de Charleroy qu'aux charbons du bassin du Centre, Houdeng et Mariemont. Mais il faut dire aussi que les produits de ce bassin sont très fortement imposés. Ce sont ceux qui supportent les péages les plus élevés. Ces charbons font usage du canal de Charleroy, sur un développement d'environ dix lieues pour lequel ils payent un péage de 3 fr. 5 c. C'est donc un péage de 30 centimes par tonne et par lieue.
Je dois dire un mot de l'amendement de M. Lesoinne, qui me paraît absolument inadmissible. Ce serait apporter incidemment au tarif du chemin de fer, une modification radicale et telle que les produits des péages ne couvriraient plus même les dépenses d'exploitation. Car je ne pense pas que nous en soyons venus à faire des transports moyennant une dépense de 25 centimes par tonne et par lieue.
Ici force m'est de rappeler l'article 7 de la loi du 1er mai 1834. Cet article porte : « A dater de l'ouverture du chemin de fer entre Liège et Anvers, les péages sur les canaux du Hainaut seront réduits an taux du péage à établir sur le chemin de fer, par tonneau et par kilomètre ».
Cette disposition supposait que, sur le chemin de fer, les péages seraient distincts du prix de transport. Cette distinction n'existe pas ; mais il suffit de faire certains rapprochements pour démontrer que la loi du 1er mai 1834 s'oppose à l'amendement de l'honorable M. Lesoinne.
Cet honorable membre voudrait sur la ligne de l'Est un prix de transport qui ne dépassât pas 25 centimes. Or, ainsi que je l'ai dit, les charbons du centre payent sur le canal de Charleroy un péage de 30 centimes par tonne et par lieue. Si donc l'amendement était admis, le transport se ferait sur la ligne de l'Est à un prix inférieur à celui du péage du canal de Charleroy. A ce péage il faut ajouter le fret proprement dit comprenant le salaire du batelier, le halage et diverses autres dépenses, qui réunies varient de deux à trois francs, pour un trajet de 10 lieues.
On en viendrait donc à faire des transports sur la ligne de l'Est pour la moitié du prix de transport par le canal de Charleroy.
Quant à la question des retours à vide, elle trouvera sa solution dans la loi d'exploitation du chemin de fer, au chapitre des tarifs. Je pense qu'il serait absolument impossible de la résoudre aujourd'hui.
M. Sigart. - Je devrais renoncer à la parole, car je ne l'avais demandée que pour soutenir le système de l'équilibre entre nos divers bassins houillers. Or, ce système, consacré par dix de nos lois, le seul avouable par la raison et la justice, a été très bien défendu et n'a pas été attaqué.
Si je vous dis un mot en ce moment, c'est pour vous prévenir des conséquences du vote que vous allez émettre sur l'amendement de l'honorable M. Lesoinne.
Liège croit que la loi protège Charleroy à ses dépens. Liège répond à une agression par une agression. Mais contre qui cette agression est-elle dirigée ? Est-ce contre Charleroy ? Peut-être un peu ; mais elle est surtout dirigée contre Mons, qui n'en peut mais. Elle vient heurter Mons sur ses marchés d'Anvers et des Flandres. A son tour, il faudra bien que Mons attaque aussi quelqu'un. Je ne sais encore qui ce sera ; je ne sais quels sous-amendements nous présenterions au second vote ; mais, sans nul doute, nous nous adresserions à votre justice, qui ne pourrait nous repousser.
Ainsi, messieurs, vous n'avez pas seulement à calculer les pertes que vous feront éprouver les réductions sur les péages de la Sambre inférieure et du chemin de fer, mais aussi celles qui résulteraient d'autres abaissements de tarif.
M. Brabant. - Messieurs, le projet de loi, tel qu'il avait été présenté par le gouvernement, paraît n'exciter aucune réclamation. Ce n'est que l'amendement de la section centrale qui a été contesté. Je crois cependant utile d'établir qu'il était nécessaire de faire ce que le gouvernement a fait. Je compte établir aussi que nous ne froissons pas injustement les intérêts de Liège, en donnant une extension au projet du gouvernement.
Quant à ce dernier point, on ne conteste qu'un article. Le projet du gouvernement, celui de la section centrale comprennent trois catégories de marchandises, la houille, la fonte et les ardoises. L'honorable M. Delfosse n'a parlé que de la houille, je suppose que sa réclamation ne porte que sur cet article.
M. Delfosse. - Et sur les fontes aussi.
M. Brabant. - Nous traiterons alors les deux articles.
Namur et Charleroy sont attaqués à un double point de vue. La réduction proposée doit causer un tort considérable au trésor, premier point ; second point : on accumule tous les bienfaits sur Charleroy et Namur, puisque déjà il y a eu une réduction d'un quart sur les péages.
Quant à la perte qu'éprouvera le trésor public, par suite du projet de loi, j'avoue qu'il reste quelque incertitude. Il en est toujours ainsi lorsqu'on prend une mesure financière. Le gouvernement a estimé que la perte s'élèverait à 67,000 francs. Je n'oserais pas dire qu'il a raison, je n'oserais pas affirmer qu'il a tort, mais nous avons un antécédent, pour nous rassurer quelque peu sur cette perte.
(page 1685) Avant de faire le rapport, j'ai relu la discussion de la loi de 1840.Tout le monde craignait ce résultat fâcheux d'une diminution de ressources. Un seul membre (c'était, je crois, l'honorable rapporteur, M. Henri de Brouckere) soutenait que la chose serait avantageuse. Eh bien, l'honorable M. de Brouckere ne s'est nullement trompé !
Le gouvernement a repris la Sambre à la fin de 1835. Nous laisserons de côté le faible produit de cette année, qui ne porte que sur 41 jours. Mais pour les quatre années qui ont précédé le tarif réduit de 1840, nous avons une moyenne de 360,500 fr. de produit ; les quatre années avaient donné ensemble 1,441,951 fr. Est venu le tarif du 1er septembre 1840 ; et que croyez-vous, messieurs, que soit devenu le produit ? L'excédant moyen, sur les quatre années suivantes, a été de 111,000 francs. Le produit des quatre années postérieures à 1840 a été de 446,000 fr. supérieur au produit des quatre années qui avaient précédé le tarif du 1er septembre 1840.
Et remarquez que c'est une progression constante ; et quand je m'arrête aux quatre années qui ont immédiatement suivi la réduction du tarif, je fais une bien petite part à l'augmentation qui en a été le résultat.
En 1841 nous avions 422,000 fr.
En 1842, 436,000 fr.
En 1843, 507,000 fr.
En 1844, 521,000 fr.
Voilà déjà une très belle progression. Mais les deux années suivantes sont encore bien plus fortes ; en 1845, nous avons 626,000 fr., et en 1846,648,000 fr.
Croyez-vous, qu'en présence de faits pareils, il y ait encore tant à craindre la réduction ?
On a, dit-on, ouvert un nouveau débouché : Charleroy n'expédiait rien sur Paris, rien sur le bassin de l'Oise. C'est vrai : rien ou peu de chose, tandis que la consommation à l'intérieur est toujours alimentée par Charleroy. Cette consommation n'est pas susceptible d'accroissement. Mais en vérité, quand nous voyons ce qui se passe au chemin de fer, quand nous voyons combien est peu importante la recette produite par les transports à l'étranger, comparée à la recette qui se fait à l'intérieur, nous devons croire que la consommation intérieure a bien plus d'importance pour nous que n'en a toute la consommation du dehors.
La province de Namur qui consomme particulièrement les charbons du bassin de la Sambre ; la province de Namur qui est restée malheureusement stationnaire, à quoi doit-elle cette position anormale en Belgique ? Tandis que chacun progresse, Namur reste stationnaire ; mais à quoi l'attribuer, si ce n'est au haut prix de la matière première de toutes les industries, au haut prix résultant des malheureux tarifs qui ont été établis par l'acte de concession de la Sambre et qui n'ont été que beaucoup trop peu réduits postérieurement à la révolution.
Oui, le marché intérieur peut s'agrandir, peut produire une recette qui viendrait compenser la réduction du péage.
Mais, messieurs, ce n'est pas la première fois que je vous parle des péages de la Sambre. Le trésor dût-il y perdre, je dis qu'il y a équité, justice rigoureuse à accorder à la province de Namur ce que vous propose aujourd'hui le gouvernement.
Je dis dans le rapport que le fret est exorbitant sur la Sambre, que le péage est le plus élevé qu'il y ait en Belgique.
Ces faits ne seront pas contestés, quand on saura que le fret sur la Sambre est de 40 centimes par tonne et par lieue, tandis que le fret de Mons à Tournay n'est que de 18 centimes 2 millièmes, et que le fret de Mons à Gand n'est que de 11 centimes 2 millièmes. Ainsi, le fret de Charleroy à Namur est à peu près quadruple de celui de Mons à Gand et à peu de chose près triple de celui de Mons à Tournay ; et cependant la navigation, de Mons à Tournay, se fait sur un canal entièrement créé par la main de l'homme !
La navigation par une voie créée par la main des hommes...
M. Dolez. - A Antoing on prend l'Escaut.
M. Brabant. - Pendant deux lieues. Je ne connais pas bien les localités, mais la carte me renseigne. Je suppose qu'on n'emprunte que le canal de Pommerœul ; il y a 5 lieues ; et d'Antoing à Tournay on prend l'Escaut, il y a deux lieues. Ainsi la navigation de Mons à Tournay, dont les cinq dixièmes se font sur un canal de la main de l'homme, à point de partage, où il faut monter pour arriver au bief de partage et descendre ensuite vers Tournay, tandis que la navigation de la Sambre, de Charleroy à Namur nous avait été donnée par la nature, nous n'avions qu'à suivre le fil de l'eau.
Un membre. - Quand il y en avait !
M. Brabant. - J'aurai l'honneur de dire qu'il y avait toujours de l'eau à la descente. La navigation ne se faisait pas tous les jours comme elle se fait aujourd'hui ; elle se faisait deux fois par semaine ; les bateaux venaient aussi bien chargés qu'ils le sont aujourd'hui.
Il y a moyen de résoudre la question. Comment appréciez-vous les avantages de la navigation ? Par le prix du fret. Quel était le prix du fret de Namur à Charleroy avant la canalisation de la Sambre ? Il était de 2 fr. par tonneau, aujourd'hui il est de 4 fr. ; c'est un fait dont je suis certain, personne ne le contestera.
Commeut.se fait-il que le fret ait doublé ? Parce que le péage est égal au prix que le consommateur paye au batelier.
Je dis qu'il y a justice à réduire le péage ; je dis que très probablement le trésor ne perdra pas à la réduction et que peut-être il y gagnera considérablement.
Mais, dit-on, on privera Liège d'un débouché qui lui est acquis.
Il n'est pas sans importance de remonter aux faits antérieurs à la canalisation de la Sambre. Liège est-elle de temps immémorial en possession du marché des Ardennes ? Charleroy est-il un intrus, une espèce de voleur qui vient pour enlever à Liège une possession légitime, patrimoniale, séculaire ? Non ; Liège fournissait au département des Ardennes avant la canalisation de la Sambre, mais elle ne lui fournissait qu'une faible partie de sa consommation : la plus grande partie était fournie par le bassin de Charleroy. La comparaison des frets vous l'expliquera suffisamment. L'honorable M. Delfosse, contestant les assertions des charbonniers de Charleroy, dit que le fret de Liège à Namur est de 5 ou 6 fr. Pour le moment j'accepterai cela ; je dis qu'avant la canalisation de la Sambre le fret de Charleroy à Namur était de 2 fr.
Il y aurait donc, si Charleroy se trouvait placé dans la position qu'il avait avant la canalisation de la Sambre, une différence de 3 fr. si on prend le fret de 5 fr., et une différence de 4 fr. si on prend le fret de 6 fr. Eh bien, Liège prétend avoir, ou à peu près, toute l'alimentation du département des Ardennes à une époque où ses frets n'étaient certainement pas moindres qu'aujourd'hui. La Meuse est une rivière encore fort imparfaite, qui exigera de notre part de grands sacrifices, si vous voulez qu'elle satisfasse aux besoins de l'industrie des riverains ; mais telle qu'elle est, elle vaut mieux aujourd'hui qu'elle ne valait il y a dix, quinze et vingt ans.
Un membre. - En France !
M. Brabant. - Et en Belgique. C'est un fait que personne ne contestera ; vous ne pouvez pas dire que les 1,800 mille francs que vous avez consacrés à l'amélioration de la Meuse depuis que vous en avez repris l'administration, est de l'argent jeté à l'eau.
Un membre. - A peu près.
M. Brabant. - Je répète que la Meuse n'est pas ce qu'elle devrait être. J'espère que la nation fera encore des sacrifices et des sacrifices considérables pour son amélioration ; mais telle qu'elle est, elle vaut mieux qu'autrefois. Si votre fret est encore de 5 ou 6 fr. aujourd'hui, que devait-il être quand la rivière était moins bonne que maintenant ?
Vous prétendez que vous pouviez lutter avec Charleroy qui avait un fret de 2 fr. ? Si vous pouviez lutter avec Charleroy quand il avait un fret de 2 fr., vous le pourrez à plus forte raison quand il aura un fret de 3 fr., c'est-à-dire de 50 p. c. plus élevé que jadis.
De là, je conclus que Liège n'avait pas, comme elle le prétend, pour ainsi dire le monopole du marché des Ardennes. Comment y est-elle arrivée ? La canalisation d'une rivière est une opération de longue haleine ; la canalisation de la Sambre a duré plus de deux ans ; et, pendant ces deux années, la navigation entre Charleroy et Namur a été, non pas gênée, mais anéantie. Eh bien, pendant ces deux années, les consommateurs du département des Ardennes ont dû se rendre à Liège pour s'approvisionner de charbons ; c'était le seul bassin où ils pussent aller, celui de Charleroy étant fermé. Après la canalisation, quand la circulation sur la rivière a été établie, on a eu à lutter contre le péage exorbitant de 12 cents par tonneau et par lieue, péage qui était primitivement de 25 p. c. plus élevé que le fret primitif ; le fret était autrefois de 2 fr. et le péage de la rivière canalisée était de 2 fr. 50 c. C'est ainsi que Liège est arrivée à fournir au département des Ardennes à peu près les cinq sixièmes de sa consommation. Mais c'est un marché que la canalisation, l'exorbitance du péage a fermé à Charleroy au profit de Liège ! S'agit-il de rétablir les choses dans leur état primitif ? Non ; il s'agit de rétablir les deux bassins sur le pied de l'égalité, et je dis qu'il y aura égalité entre les deux bassins.
Au moyen de la réduction de péages qui vous est proposée, le fret de Charleroy à Namur sera réduit à trois francs ; mais c'est le même que de Liège à Namur.
M. Lesoinne. - C'est une erreur.
M. Delfosse. - Vous chargez-vous du transport à ce prix ?
M. Brabant. - Je ne suis pas entrepreneur, je ne suis pas batelier, mais je dis que le fret est de trois francs. Je m'en suis informé près des bateliers qui naviguent sur les deux rivières et à qui il est indifférent d’aller sur l'une ou sur l'autre. Je n'ai aucun intérêt ni dans les charbonnages de Charleroy, ni dans ceux de Liège ; je suis ici complètement désintéressé. Un de mes honorables collègues de Liège me disait même : Vous compromettez les intérêts de Namur en soutenant ceux de Charleroy.
Si je n'ai pas de données officielles pour établir que le fret n'est que de 3 francs, je puis l'établir par comparaison, Il y a de Namur à Liège 67 kilomètres....
M. Delfosse. - Les houillères ne sont pas dans la ligne ; elles sont plus haut.
M. Brabant. - Je le sais, et nous pouvons considérer Seraing comme le point milieu des exploitations de houille. Eh bien, il y a environ onze lieues de Seraing à Namur. Mais cela ne me dit pas quel est le fret de Seraing à Namur.
Maintenant je compare.
M. l'ingénieur Guillery, dans un mémoire inséré aux Annales des travaux publics (c'est un tableau extrait de son grand rapport sur la Meuse), dit (page 301 du troisième volume) que le fret de Namur à Vireux (France) est de fr. 3 50. Je suppose que l'ingénieur Guillery est bien renseigné. Tous les frets renseignés dans son ouvrage, dont je puis juger par moi-même, sont très exacts. Je dois supposer que celui-là l'est également.
De Namur à Vireux, par la Meuse, il y a 72 kilomètres. Si l'on (page 1686) parcourt 72 kilomètres pour 3 fr. 50 c., je crois qu'on peut en parcourir 55 pour 3 fr. Remarquez que la navigation de la Meuse devient d'autant plus difficile (ceci est commun à tous les cours d'eaux navigables) qu'on se rapproche plus de sa source. Elle perd en remontant les affluents qu'elle a à la descente. La facilité de la navigation est généralement en rapport avec le volume d'eau ; eh bien ! le volume d'eau de la Meuse est beaucoup plus considérable en aval de Namur qu'en amont. La navigation de Liège à Namur doit donc être plus facile que de Namur à Vireux. Cependant de Namur à Vireux (72 kilom.) le péage est de 3 fr. 50. On conçoit que le péage de Liège à Namur (55 kilom.) puisse être de 3 fr. Toutes les probabilités sont pour qu'il en soit ainsi.
Je le répète, ce sont les bateliers qui naviguent sur l'une et l'autre rivière (il y en a même qui naviguent plus souvent sur la Meuse) qui m'ont dit que le fret pour le charbon était de 5 francs de Liège à Namur.
Je sais qu'on paye parfois jusqu'à 5 francs par tonneau, j'ai payé moi-même ce fret, mais c'était pour une machine à vapeur, article de grande responsabilité qui tenait beaucoup de place dans le bateau sans en utiliser complètement le tonnage.
Ainsi je crois que l'équilibre ne sera pas rompu entre les bassins houillers de Charleroy et de Liége. Liège se trouvera dans une position plus avantageuse vis-à-vis de Charleroy, qu'avant la canalisation. La Meuse a été améliorée, le fret a dû être réduit. Charleroy a eu, à la vérité, une navigation améliorée, mais le fret de Charleroy est augmenté de 50 p. c ; de 2 francs il s'est élevé à 3. Si les charbons de Charleroy peuvent arriver à Namur à raison de 3 francs par tonneau, c'est parce que les bateaux peuvent prendre charge complète ; mais quand il s'agit de descendre à l'écluse de Namur, ce n'est plus la même chose. Généralement l'eau couvre de 1 mètre 75 centimètres le buse d'amont de l'écluse de Namur, tandis qu'au buse d'aval (j'y ai encore regardé hier), il n'y a pas 75 centimètres ; et j'ai constaté dans le courant de l'année dernière que parfois il n'y en avait pas cinquante. De manière qu'on est obligé de rompre charge à Namur, ce que ne sont pas obligés de faire les bateliers qui viennent de Liège à Namur. Ils prennent une charge légère, mais le fret est établi sur la charge qu'ils prennent. Si les bateaux qui viennent à Namur devaient prendre demi-charge, comme ils sont obligés de le faire quand ils sont arrivés à Namur, le fret augmenterait considérablement.
Messieurs, en forme de compensation, l'honorable M. Lesoinne a proposé une réduction sur le tarif du chemin de fer de Liège vers Anvers. Je crois que l'honorable membre ne s'est pas bien rendu compte de la différence qu'il y avait entre les deux opérations.
Sur le chemin de fer, le gouvernement n'est pas seulement collecteur des péages ; ce n'est pas un receveur des barrières, c'est un entrepreneur de transports. Quand la houille ou toute autre marchandise circule sur le chemin de fer, on ne rembourse pas seulement au gouvernement l'intérêt du capital qu'il a consacré à l'établissement du chemin de fer, on lui paye aussi ses soins comme voiturier.
Mais sur la Sambre, il n'en est pas du tout de même. Ce n'est pas le gouvernement qui est batelier. Nous ne vous demandons la réduction de moitié que sur la partie qui se perçoit à votre profit ; mais le batelier ne perdra rien.
Si l’honorable M. Lesoinne avait demandé une réduction d'un quart, dans la supposition que, dans le prix des transports sur le chemin de fer, il y ait moitié des péages pour les soins du voiturier, il se serait alors trouvé, et encore en apparence, sur le pied d'égalité avec la mesure qui est proposée le gouvernement ; mais l'honorable M. Lesoinne demande une réduction de moitié, et dès lors, comme l'a fait remarquer M. le ministre des travaux publics, il ne serait plus certain que le gouvernement fût remboursé, non pas des intérêts du capital consacré à l'établissement du chemin de fer, mais de ce qui lui vient pour les soins qu'il donne aux transports comme voiturier, des frais de locomotion.
Messieurs, une question de tarif des marchandises ne peut guère être bien examinée que quand on saura au juste quels sont les frais d'entretien et de locomotion sur le chemin de fer, et j'ai eu l'honneur de vous dire la semaine dernière que, pour mon compte, je ne les connaissais pas encore ; de manière que, jusque-là, je ne puis me prononcer. Je ne voudrais pas, dans l'intérêt de Liège, ni dans l'intérêt de personne, que le chemin de fer fût une opération à perte.
Messieurs, le tarif du chemin de fer est uniforme pour tout le pays. Un tonneau de houille transporté sur le chemin de fer de Liège vers Malines ne paye pas plus qu'un tonneau de houille transporté de Charleroy vers Namur ou de Jemmapes vers Quiévrain. Le taux est uniforme, et on ne peut pas faire de réduction pour Liège, si l'on n'en fait une équivalente sur toutes les lignes du chemin de fer ; et, messieurs, cela pourrait nous conduire beaucoup plus loin que la réduction des péages de la Sambre.
Ceux qui, pour la Sambre, voient les choses le plus en noir, disent : C'est une perte de 94,000 francs ; d'autres disent : C'est une perle de 67,000 francs. Moi, je dis qu'il n'y aura peut-être pas de perte. Il est possible qu'il y en ait une ; mais quelle qu'elle soit, dussions-nous perdre tous les produits actuels de la Sambre, ce ne serait pas l'équivalent de ce que nous pourrions perdre, je n'affirme pas que nous perdrions, mais je dis de ce que nous pourrions perdre en réduisant considérablement le tarif du chemin de fer.
Je me résume.
Pour la province de Namur, la réduction des péages proposée n'est qu'un acte de stricte justice. Nous avons été victimes d'une opération mal conçue dans tous ses détails, et de l'aveu même de ceux qui ont exécuté, de l'aveu du gouvernement lui-même.
Ainsi que le gouvernement l'avait proposé, le projet me paraît incontestable. Les considérations que je vous ai présentées en dernier lieu me paraissent établir également que vous ne ferez que justice à Charleroy, en la rétablissant en partie dans les conditions d'équilibre vis-à-vis de Liège qui lui a enlevé un marché dont elle était presque seule en possession avant la canalisation.
- La séance est levée à 4 heures et demie.