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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 4 mars 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Dumont.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1012) M. Van Cutsem fait l'appel nominal à midi et demi et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Le même secrétaire présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs propriétaires, dans la province de Liège, demandent que la chasse à la bécasse, dans les bois, soit permise pendant le temps du passage de ces oiseaux. »

M. Fleussu. - Je demanderai que, si un rapport peut être utile sur cette pétition, il soit fait promptement, car bientôt la saison de la chasse aux bécasses sera arrivée.

M. de Garcia. - Je demande que dans tous les cas il soit fait un rapport, car je pense qu'on n'est pas resté dans l'esprit de la loi quand on a prononcé la fermeture de la chasse à la bécasse, qui n'est qu'un oiseau de passage. Je demande donc que dans tous les cas il soit fait un rapport et que ce rapport nous soit présenté le plus tôt possible.

- La requête est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


Par 25 messages, en date du 3 mars, le sénat informe la chambre qu'il a pris en considération 25 demandes en naturalisation ordinaire.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par d'autres messages de la même date, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le budget de la justice et les projets de loi concernant : 1° un crédit supplémentaire de 200,000 francs pour le département de la guerre ; 2° l'établissement du canton de justice de paix de Sichen-Sussen-et-Bolré ; 3° un crédit supplémentaire de 52,500 francs pour le ministère des affaires étrangères. »

- Pris pour notification.


M. Goblet, retenu chez lui par une indisposition, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.

- Pris pour information.


« Le docteur Van Hecke présente un mémoire en réponse à la réclamation de M. Van Esschen, au sujet de la priorité d'invention du système de navigation aérienne. »

M. Dumortier. - Messieurs, de tout temps on a vu les inventions importantes devenir l'objet de protestations entre diverses personnes qui voulaient se les approprier. C'est ce qui arrive également dans cette circonstance. L'Institut de France avait adopté un rapport éminemment favorable à l'invention du docteur Van Hecke et la chambre, pour donner à ce citoyen un témoignage de sympathie nationale, a renvoyé ce rap-port à M. le ministre de l'intérieur. Depuis lors un conducteur des ponts et chaussées, M. Van Essvhen, est venu nous adresser une lettre et prétendre qu'il était, lui, l'inventeur du système qui avait obtenu l'approbation du premier corps savant de l'Europe. Aujourd'hui M. Van Hecke présente à la chambre des observations qui démontrent jusqu'à la dernière évidence le peu de vérité des assertions de M. Van Esschen.

Je dis donc que les observations que présente le docteur Van Hecke démontrent jusqu'à la dernière évidence le peu de fondement des assertions de son contradicteur. Les pièces déposées sur le bureau prouvent, en effet, que le système présenté par le docteur Van Hecke est en tous points différent de celui de M. Van Esschen ; elles prouvent que deux systèmes ont été mis en avant, que l'un était inexécutable, tandis que l'autre peut s'exécuter parfaitement et a obtenu l'assentiment de l'Institut de France ; elles prouvent, en second lieu, que le mémoire sur lequel s'appuie M. Van Esschen et qu'il prétend avoir remis au gouvernement, que c'est là une allégation sans preuve et inexacte, puisqu'une pièce écrite de la main de l'un des associés démontre que c'est seulement six mois après que M. Van Esschen a commencé son travail. Je le répète, messieurs, les deux systèmes ne se ressemblent en rien, et c'est ce qui m'a été déclaré aujourd'hui encore par le célèbre aéronaute français M. Dupuis Delcourt, qui a été consulté sur cette question par la commission de l'Institut.

Il est donc fort regrettable qu'un employé du gouvernement soit venu chercher à enlever à un honorable citoyen le fruit de huit ou dix années de travaux et de recherches. Je demande que la chambre prenne ces pièces pour notification, comme elle l'a fait pour les précédentes.

M. Lebeau. - Je crois, messieurs, que nous n'avons pas à nous mêler de cette question. La traiter ici serait certainement s'exposer à quelque ridicule. Je suis persuadé que l'honorable M. Dumortier se trompe sur le lieu, qu'il se croit à l'Académie des sciences.

M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, la proposition de M. Dumortier, tendant à ce que la chambre prenne pour notification le mémoire de M. Van Hecke, est adoptée.

M. Rodenbach. - Messieurs, M. le docteur Van Hecke...

Deux membres. - L'ordre du jour !

M. le président. - M. Rodenbach, en l'absence de toute réclamation, j'ai prononcé que la chambre adoptait la proposition de M. Dumortier.

M. Maertens. - Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable M. Dumortier ; mais je ne m'associe en rien aux éloges que l'honorable membre a faits de l'une des deux personnes qui se prétendent les auteurs de l'invention. Je fais toutes mes réserves à cet égard. Je ne veux me prononcer qu'en parfaite connaissance de cause.

M. Delfosse. - Nous sommes tous du même avis que l'honorable M. Maertens. Nous ne sommes pas compétents pour juger ces questions.

Projet de loi qui ouvre divers crédits au département des travaux publics (canal de Zelzaete et de Schipdonck, etc.)

Discussion des articles

Article 3

M. le président. - La discussion continue sur l'article 3.

M. Maertens. - Messieurs, si j'avais pu prévoir que le projet de loi, tendant à faire écouler les e3ux du sud de Bruges par le canal de Zelzaete, pût être l'objet d'une opposition sérieuse, certes, je ne me serais pas attendu à ce que cette opposition fût venue de la part des députés de Gand ; j'aurais pensé que ces honorables membres, conséquents avec ce qu'ils ont soutenu lors du vote de la loi, concernant le canal de Deynze à Schipdonck, auraient vu que les travaux projetés doivent venir en aide à l'exécution de ce canal ; j'aurais cru que, guidés par un sentiment de justice, ils n'auraient pas voulu nous inonder, sans nous donner le moyen de nous débarrasser du trop plein des eaux que nous avons maintenant.

Je ne veux pas croire que, de la part de l'honorable M. Delehaye, il y ait rivalité, rancune ; cependant je ne puis passer sous silence la dernière partie du discours de l'honorable membre.

Messieurs, vous devez vous rappeler avec quelle vivacité l'honorable membre s'est élevé contre deux honorables citoyens de Bruges qui, avant-hier, réunis à Gand, se sont prononcés contre l'utilité d'un chemin de fer direct de Gand sur Bruxelles ; vous devez donc vous rappeler que l'honorable membre a prétendu que ces deux citoyens n'étaient guidés par autre chose que par un esprit de rancune ; qu'ils n'avaient voté dans ce sens que parce que précédemment les députés de Gand avaient voté contre la section du chemin de fer d'Aeltre à Thielt.

Je ne sais ce qui a pu autoriser l'honorable M. Delehaye à s'exprimer de la sorte ; l'honorable membre devrait savoir que tel n'a pu être le mobile de ces deux citoyens, car si la ligne droite de Gand sur Bruxelles est utile pour Gand, elle l'est au même titre pour Bruges ; dès lors si ces deux citoyens se sont prononcés contre l'utilité de cette ligne, c'est qu'ils ont examiné la question à fond, qu'ils n'ont pas agi par esprit de localité, qu'ils n'ont vu que l'intérêt général ; qu'ils ne se sont pas laissé guider par des sentiments tels que l'honorable membre leur attribue.

Mais le ressentiment de l'honorable M. Delehaye s'est surtout trahi, lorsque, immédiatement après sa sortie contre ces deux citoyens, l’honorable membre, pour se venger de Bruges, a eu la singulière idée d'engager l'honorable M. Dumortier à faire une proposition ayant pour objet de nous enlever les 380 mille fr., qui nous étaient destinés, pour les jeter dans l'Escaut. Je crois que c'est la première fois qu'un semblable procédé s'est fait jour dans cette enceinte.

Mais, messieurs, faisons trêve à toutes ces mauvaises querelles, laissons là ce qu'un moment de mauvaise humeur ou de légèreté peut avoir inspiré à l'honorable membre et recherchons quels sont les véritables motifs qui guident les députés gantois dans leur opposition. Il suffira d'avoir indiqué ces motifs pour que prompte justice en soit faite.

Quand la chambre s'est occupée de la construction du canal de Deynze à Schipdonck, Bruges et Ostende se sont opposés à cette construction, parce qu'ils voyaient l'impossibilité de faire écouler les eaux de la Lys par le canal de Gand à Ostende, sans exposer les localités riveraines à des inondations très fréquentes, sans déplacer le fléau de ces inondations.

De leur côté, les députés de Gand ont insisté vivement pour la création de cette section de Deynze à Schipdonck ; et c'est malgré nous qu'elle a été adoptée. Cependant ces députés étaient persuadés que de ce côté ils ne pourraient trouver une voie d'écoulement suffisante, car ils n'ont pas refusé de se rallier à un amendement que nous avons proposé et qui pouvait rendre inutile l'écoulement des eaux de la Lys par le canal d'Ostende. Ces honorables membres craignent aujourd'hui, si on décrète l'écoulement des eaux du sud de Bruges par le canal de Zelzaete, ces honorables membres craignent qu'ils ne pourront obtenir pins tard le prolongement du canal de Schipdonck vers la mer, ils pensent que, débarrassés (page 1013) des eaux du sud, nous ne serons plus intéressés à nous joindre à eux pour demander le parachèvement des travaux et qu'ainsi ils n'auront toujours qu'un écoulement imparfait.

Voilà leur inquiétude : un simple raisonnement suffira pour la faire disparaître. De deux choses l'une : ou bien le canal de Gand à Ostende suffira pour l'écoulement des eaux de la Lys, ou il ne suffira pas ; s'il suffit, tout le monde sera content et nous avons épargné quatre à cinq millions ; s'il ne suffit pas, nous serons les premiers à en souffrir, et nous serons d'accord avec Gand pour demander le prolongement du canal de Schipdonck vers la mer.

Je dis donc aux députés de Gand : Si vous avez été sincères, quand vous avez soutenu la construction du canal de Deynze a Schipdonck, pour opérer l'écoulement des eaux de la Lys par le canal de Bruges à Ostende, vous devez vouloir qu'avant de faire cet écoulement nous débarrassions le canal de Bruges à Ostende, de tous les affluents qui l'obstruent ; car si vous voulez que nous donnions passage par cette voie aux eaux qui nous inondent, commencez par faire en sorte que nous puissions vous le donner, et nous ne le pourrons que quand les affluents du canal de Bruges auront été dirigés vers le canal de Zelzaete. Le canal de Bruges étant débarrassé de ces affluents, vous pourrez avec plus de chance de facilité écouler par cette voie les eaux que vous y conduirez par le canal de Deynze à Schipdonck. Je ne comprends donc pas l'opposition des honorables membres contre les travaux qui ont pour but de faciliter l'écoulement de leurs eaux.

Car, de deux choses l'une : ou vous sanctionnerez aujourd'hui l'exécution de ces travaux, et vous pourrez faire un essai par le canal de Bruges ; ou vous ne la sanctionnerez pas, et vous ne pourrez jamais faire cet essai.

En d'autres termes, ou vous voterez 380,000 fr., et vous aurez un résultat ; ou vous ne les voterez pas, et vous aurez la certitude de voter plus tard 4 ou 5 millions. Voilà un point d'où vous ne pouvez sortir.

J'ai cru devoir, dans l'intérêt du pays entier, présenter la question sous son véritable jour.

Je ne répondrai qu'un mot à l'honorable membre qui a voulu nous enlever cette somme pour la porter ailleurs.

Je suis animé d'une vive sympathie pour les travaux publics dont la nécessité est démontrée. Je n'ai jamais refusé les fonds demandés pour des travaux de cette nature.

Si l’honorable M. Dumortier propose un crédit, fût-ce même d'un million, pour les travaux à faire dans la vallée de l'Escaut, et si ce crédit me paraît nécessaire, je serai le premier à voter pour. Mais jamais, quand on demandera des fonds pour l'Escaut, je n'en proposerai l'application aux travaux à faire au sud de Bruges. Jamais je n'imiterai une telle manière d'agir. Je suis persuadé que l'honorable membre regrette déjà d'avoir agi avec tant de légèreté.

En terminant, je conjure la chambre d'accorder le plus tôt possible le crédit demandé. Vous savez ce qui se passe dans ma localité. Le moyen d'y mettre un terme, c'est de faire exécuter des travaux à Bruges où la misère est si grande. Je compte, messieurs, sur toute votre sympathie, pour venir en aide à de semblables malheurs.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - La question du sud de Bruges n'est pas, messieurs, une question nouvelle pour la chambre. Cette question, on l'a dit avec raison, se lie intimement à celle de rétablissement du canal de Deynze à Schipdonck.

Les inconvénients auxquels le gouvernement cherche aujourd'hui à porter remède, ont été signalés à la session dernière. Ces inconvénients ont été, jusqu'à un certain point, pris en considération par la chambre. J'en trouve la preuve dans la loi même du 18 juin 1846. L'article premier de cette loi renferme une restriction qui est, suivant moi, la preuve évidente ce que je viens de dire.

Voici cette restriction :

‘Avant qu'il ne soit fait emploi du canal de Deynze à Schipdonck, un arrêté royal déterminera, sur l'avis conforme des députations permanentes des conseils provinciaux des deux Flandres, toutes les dispositions relatives à la manœuvre des écluses. Une commission, composée de cinq membres, dont la majorité appartiendra à la Flandre occidentale, surveillera l'exécution rigoureuse de ce règlement. »

Cette disposition met en quelque sorte les manœuvres du canal de Schipdonck à la disposition de la province de la Flandre occidentale. Celle déposition atteste que la législature a reconnu qu'il y avait quelque chose de fondé dans les observations présentées à la chambre,

La discussion de l'année dernière n'a pas été inutile. C'est même cette discussion qu'on doit regarder comme le point de départ du projet présenté depuis pour le sud de Bruges.

La législature a voulu que le canal de Schipdonck ne pût pas être une cause de dommage pour la Flandre occidentale. Voilà, messieurs, ce que signifie le paragraphe 2 de l'article premier de la loi du 18 juin 1846.

Ce qui résulte de là, messieurs, c'est que l'administration de la Flandre occidentale serait en droit de repousser toute manœuvre du canal de Schipdonck de nature à porter préjudice à cette province. Ce qui résulte de là encore, me paraît-il, c'est que la Flandre occidentale serait en droit de subordonner l'écoulement des hautes eaux venant de la Lys, à l'écoulement des terres basses de la Flandre occidentale. Car, messieurs, l'écoulement des terres basses de la Flandre occidentale ne peut avoir lieu qu’à la condition de tenir le canal d'Ostende à un niveau fort bas. Dès lors, messieurs, il devient impossible de recevoir dans ce canal, avec une certaine abondance, les eaux supérieures. Il serait donc à craindre, messieurs, si les choses restent au point où elles sont, que le canal de Schipdonck ne fût lui-même inopérant et qu'on eût dépensé un capital élevé sans aucun résultat immédiat.

La proposition faite pour le sud de Bruges lève en très grande partie cette difficulté. Du moment que les affluents des canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende ont un écoulement séparé, toute la question est de savoir quelle est la quantité des eaux de la Lys que l'on peut recevoir dans ces deux canaux. Alors, messieurs, la question se simplifie beaucoup ; on n'a plus à pourvoir simultanément aux exigences distinctes de deux évacuations.

Le travail proposé pour le sud de Bruges est donc à mes yeux le complément nécessaire du canal de Schipdonck.

Je dois déclarer, messieurs, que je n'ai nullement la prétention de pourvoir par ces travaux du sud de Bruges à l'évacuation définitive et complète des eaux surabondantes de l'Escaut et de la Lys. Cette question, messieurs, a été réservée, et je pense qu'elle doit rester réservée. Mais il est incontestable que le sud de Bruges étant débarrassé de ses eaux, la situation des choses pour l'évacuation des eaux de la Lys sera améliorée, par deux raisons : la première, que les affluents des deux canaux n'occuperont plus une partie de la capacité de ces canaux, et la seconde, que les canaux pourront être tenus à une cote assez élevée, à tel point que dans certaines circonstances, ils pourront recevoir presque à plein bord les eaux supérieures ; ce qui est absolument impossible, s'il faut mener de front l'évacuation des eaux supérieures et l'évacuation des eaux des terres basses.

Lorsqu'il s'est agi du canal de Schipdonck, des observations ont été présentées dans l'intérêt de la vallée de l'Escaut. Ces observations ont aussi été prises en considération par la chambre, qui a alloué 300,000 fr. pour les travaux de l'Escaut ; bien qu'il n'y eût à cette époque aucune étude de faite, la chambre a admis le principe que des travaux seraient exécutés dans la vallée de l'Escaut, et elle a voté un crédit. Ici, messieurs, nous sommes beaucoup moins dans le vague qu'on ne l'était l'année dernière pour la vallée de l'Escaut. Ici un projet existe, et il me semble entièrement juste et convenable que ce projet soit pris en considération.

Je l'ai dit hier, messieurs, et c'est un point sur lequel j'insiste encore, les travaux proposés pour le sud de Bruges éclaireront la question générale du régime des eaux des Flandres. A ce point de vue, le travail proposé me paraît désirable, autant pour ceux qui pensent qu'un canal de Schipdonck à la mer doit être construit, que pour ceux qui pensent que cette construction ne serait pas indispensable. Les travaux du sud de Bruges exécutés, la question sera éclaircie et éclaircie plus qu'elle ne pourrait l'être par toutes les discussions possibles.

L'honorable membre qui a traité la question de la manière la plus approfondie dans la séance d'hier, l'honorable M. Lejeune n'a pas contesté qu'il ne fût utile d'isoler les canaux de leurs affluents ; seulement il a élevé quelques doutes sur la possibilité de travaux de ce genre dans la circonstance qui nous occupe. A cet égard, l'honorable M. Lejeune a pris jusqu'à un certain point le rôle qui est propre aux ingénieurs ; il a véritablement traité hier une question d'art devant cette chambre. Je suis porté à croire, messieurs, que cette question d'art peut être réservée à l'appréciation du gouvernement, du moins en ce qui concerne ses détails.

Un système de travaux est proposé par le gouvernement, système facilement appréciable dans son ensemble ; ce système est connu et jugé utile dans les localités qui y ont l'intérêt le plus direct.

Vous avez entendu hier un honorable député de Bruges et un honorable député d'Ostende se faire les appuis du projet avec une complète connaissance de cause ; je tire de ce fait, messieurs, la conséquence que le projet en discussion ne présente aucune impossibilité, ne présente même aucune des difficultés de détail qui ont paru faire impression sur l'esprit de l'honorable M. Lejeune.

L'honorable M. Lejeune a établi une distinction entre les trois affluents principaux des canaux de Gand à. Bruges et de Bruges à Ostende ; il a placé dans une catégorie spéciale un de ces affluents, appelé le Riviertje ; il a pensé que cet affluent ne devait pas nécessairement être isolé du canal de Gand à Bruges, qu'il avait sa décharge dans ce canal lorsque celui- ci était à sa cote de navigation. A cet égard, messieurs, je dois faire observer que cet affluent ne débouche dans le canal de Bruges qu'après avoir subi un certain gonflement, c'est-à-dire après avoir inondé une partie du bassin auquel il appartient. Ce qui est fort clair encore, c'est que cet affluent, conduit dans le canal de Zelzaete, dont le niveau est inférieur, aura une évacuation de beaucoup préférable à celle qu'il a aujourd'hui.

L'honorable M. Lejeune a émis l'idée qu'il pourrait être plus avantageux de canaliser le Rivierje. Je pense, messieurs, que celle canalisation ne pourrait amener le résultat qu'on a en vue : toute canalisation a pour objet de relever les eaux d'un cours d'eau quelconque par certaines retenues ; les travaux de canalisation, sous ce rapport, ne facilitent en rien la descente des eaux surabondantes ; ils y sont, au contraire, quelquefois un obstacle. Pour en citer un exemple, nous avons en Belgique la Sambre qui est canalisée depuis la frontière de France jusqu'à Namur. Eh bien, messieurs, celle canalisation n'est pas un remède aux inondations de la vallée de la Sambre ; au contraire, en temps de grandes eaux, l'on doit d'abord enlever les poutrelles des déversoirs, c'est-à-dire, faire en quelque sorte disparaître temporairement la canalisation. Je conçois donc que la canalisation du Riviertje puisse être utile pour permettre de pratiquer certaines irrigations, de tirer un parti plus grand des eaux de ce cours d'eau ; mais je ne comprends pas (page 1014) que la canalisation du Riviertje puisse avoir pour résultat de faciliter la décharge de ses eaux surabondantes.

Pour ce qui est des deux autres affluents, connus sous le nom d’eaux de St-Michel et d'Assebroeck, ces affluents ne peuvent être reçus dans le canal de Gand à Ostende, qu'à la condition de baisser ce canal de 70 à 80 centimètres. Là, messieurs, il n'y a évidemment de remède possible qu'en déplaçant ces affluents, car aussi longtemps qu'ils devront être réunis dans le canal d'Ostende, on ne pourra ni maintenir la navigation à un grand tirant d'eau, ni donner une évacuation un peu large aux eaux supérieures ; dès lors, messieurs, la situation vicieuse du canal de Bruges à Ostende sera nécessairement maintenue, et cette situation vicieuse maintenue ôtera au canal de Gand à Bruges une grande partie de sa valeur et de son utilité.

Pour en revenir, messieurs, au Riviertje, le projet aujourd'hui en discussion n'est nullement contraire à un projet de canalisation de ce cours d'eau, il se combine parfaitement avec ce projet.

Les projets de canalisation qui peuvent exister à cet égard, ne sont pas un motif d'ajournement pour les travaux du sud de Bruges.

L'honorable M. Lejeune a élevé des doutes sur le point de savoir si les eaux du sud de Bruges pourraient être reçues sans inconvénient dans le canal de Zelzaete.

Ici, messieurs, nous nous trouvons en présence d'un doute exposé par l'honorable membre, et rien de plus ; je pense que le discours de l'honorable membre prouve même que ce doute ne doit pas arrêter la chambre.

L'honorable membre reconnaît que la Rivièrette, comme volume d'eau, n'est pas d'une très grande importance. Cependant la Rivièrette est le plus volumineux des trois affluents qu'il s'agit de conduire au canal de Zelzaete ; dès lors, les conditions d'existence du canal de Zelzaete ne seront guère modifiées par l'introduction de ces eaux.

Il a été dit avec beaucoup de raison que le canal de Zelzaete avait aujourd'hui un débouché plus grand que celui du projet primitif ; et l'on a pensé que ce débouché supplémentaire pourrait être fort bien mis à profit dans l'intérêt du sud de Bruges. A mon avis, des considérations de plus d'un genre appuient cette objection.

L'honorable M. Lejeune reconnaît que la question de savoir quelle sera l'efficacité du canal de Zelzaete ne peut pas être tranchée a priori. S'il en est ainsi, personne n'affirmera certainement que les eaux du sud de Bruges, conduites dans le canal de Zelzaete, doivent y produire un gonflement préjudiciable. Si des calculs ne sont pas faisables, quant à l'effet maximum du canal, je pense qu'il doit en être de même, quant à l'effet minimum du canal. Ce qui reste vrai, c'est que le canal est plus grand qu'il ne devrait l'être par les données du projet. Ce qui reste vrai encore, c'est que le canal ne sera pas immédiatement appelé à livrer passage à toutes les eaux des bassins du Zwyn et du Brackman. Jusqu'à présent les eaux du Brackman trouvent une évacuation convenable par les écluses mêmes du Brackman ; jusqu'à présent, il n'y a pas d'urgence de construire la troisième section du canal de Zelzaete. C'est un point sur lequel les ingénieurs sont d'accord.

Eh bien, messieurs, la conséquence à tirer de ce fait, c'est que d'ici à bien des années, le canal de Zelzaete, ne fût-il que rigoureusement suffisant pour les eaux du Zwyn et du Brackman, ne sera pas appelé à livrer passage à toutes les eaux qui peuvent y trouver place. Dès lors, nous aurons là une capacité disponible, qui sera pour le pays une valeur présente dont il serait déplorable de ne tirer aucun parti.

J'ajouterai que le canal de Zelzaete se construit aux frais de l'Etat, et que l'Etat est lui-même le représentant des canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende ; n'est-il pas juste que l'Etat, qui fait les frais du canal de Zelzaete, puisse tirer parti de ce canal dans les limites de ce qui est raisonnable, pour améliorer deux canaux qui sont sa propriété, et sur lesquels il a mission de développer le mouvement de la navigation par toutes les facilités possibles ?

Me résumant sur ce point, je pense, comme l'honorable membre, qu'il est difficile de préciser au juste quel sera l'effet final du canal de Zelzaete ; mais qu'il y a présomption qu'on peut introduire dans le canal de Zelzaete les eaux du sud de Bruges. A différentes fois, nous avons même entendu parler de verser dans le canal de Zelzaete une partie des eaux du territoire néerlandais. Si cette possibilité a été entrevue, c'est qu'évidemment on prévoyait que d'autres eaux que celles du sol belge pourraient y trouver place ; et je pense qu'il serait fâcheux d'établir ici un titre d'exclusion à l'égard d'une partie de la Flandre occidentale, dont la situation, au point de vue de l'écoulement, est loin d'être satisfaisante.

M. Lejeune. - Messieurs, si j'avais pris devant vous le rôle d'ingénieur dans la séance d'hier, j'en demanderais pardon à la chambre. Ce rôle, je n'ai nullement la prétention de le prendre ; je n'ai pas eu, je n'ai pas le moins du monde l'intention de faire une excursion sur le domaine d'autrui.

Messieurs, si vous accordez quelque crédit aux observations qui viennent d'être présentées par M. le ministre des travaux publics, j'aurais fait le rôle d'un très mauvais ingénieur. Or, je ne désire nullement être transformé en un très mauvais ingénieur. Je préfère rester ce que je suis.

Mais, messieurs, j'ai été bien loin de vouloir faire l'ingénieur ; car, dès le premier moment, j'ai dit que je réclamais des éclaircissements, je me plaignais de n'avoir pas les études des ingénieurs. J'ai dit encore que ce que j'énonçais, je l'exprimais sous forme de doute. Je ne voulais pas prétendre que j'étais tout à fait dans le vrai ; mais je voulais prouver que j'avais des motifs de douter et de demander que les études fussent faites par les ingénieurs et communiquées à la chambre pour nous éclairer.

Messieurs, si nous ne pouvons pas faire le rôle d'ingénieur, nous avons un autre rôle, celui d'apprécier les propositions et les études des ingénieurs ; si l'on nous refuse cette faculté, alors nous n'avons plus rien à faire, nous n'avons qu'à voter tout ce qu'on nous dit être bon.

Messieurs, je ne rencontrerai pas toutes les observations de M. le ministre des travaux publics, car je serais entraîné à répéter la plupart de celles que j'ai faites hier, et je désire moi-même abréger cette discussion.

L'honorable M. Donny a dit hier que je faisais valoir pour le canal de Zelzaete un argument qui ne m'avait pas touché l'année dernière, quand il s'agissait du canal de Schipdonck ; c'est-à-dire que je m'inquiétais du gonflement que causerait dans le canal de Zelzaete l'arrivée des eaux du sud de Bruges, tandis que le même argument ne m'avait pas fait changer d'avis, quand il s'est agi du canal de Schipdonck. L'honorable membre se rappellera que lui-même a demandé contre le canal de Schipdonck des garanties, non pas dans les personnes, mais dans les faits. Je lui ai démontré que ces garanties dans les faits existaient. J'ai fait remarquer qu'à l'époque des grandes eaux le canal de Bruges était rempli à pleins bords dans l'état actuel des choses, et qu'il ne pourrait qu'en être de même lorsque les eaux de la Lys arriveraient dans ce canal par Deynze et Schipdonck ; que s'il arrivait trop d'eau par le canal de Schipdonck, les eaux reflueraient vers Gand au lieu de s'écouler vers Bruges. Une autre garantie est écrite dans la loi du 18 juin 1846.

Je rappellerai en deux mots quels ont été les motifs de mon vote pour le canal de Schipdonck. Je n'ai pas voté le canal de Schipdonck comme ouvrage isolé, comme ouvrage devant ou pouvant rester isolé ; je m'en suis clairement expliqué, ce canal a pu être décrété isolément parce qu'il faisait partie de trois systèmes d'écoulement ; un des trois systèmes doit nécessairement être exécuté ; mais on a voulu conserver la liberté d'examiner à quel système on donnerait définitivement la préférence. C'est donc toujours dans la prévision de la continuation d'un système que j'ai voté le canal de Schipdonck. Quant à moi, je n'avais pas de doute ; le seul système auquel, selon moi, on doit donner la préférence, est la continuation du canal de Schipdonck jusqu'à la mer du Nord. C'est là l'unique moyen de mettre fin à tous les maux que causent les eaux dans les vallées de l'Escaut et de la Lys.

Il faudra nécessairement qu'on en vienne là. Un honorable député de Bruges a répété ce qui avait été dit hier, que nous sommes guides par la crainte qu'on ne continue pas le canal de Schipdonck à la mer, si tant est qu'on exécute les travaux projetés pour améliorer le régime des eaux du sud de Bruges. Pour moi, cette crainte ne me touche nullement, je ne la partage pas ; c'est gratuitement qu'on nous l'attribue ; c'est sans raison aussi que les partisans du projet l'appuient par cet argument, que moyennant les travaux réclamés on pourra peut-être se dispenser de faire le prolongement du canal de Schipdonck.

Je m'en suis expliqué plus au long. Il ne me paraît pas possible de substituer le petit ouvrage dont il s'agit aux grands travaux que nécessite l'évacuation des eaux des Flandres.

L'honorable ministre des travaux publics vient de dire que quant à l'inquiétude que j'ai manifestée, concernant le canal de Zelzaete, elle se réduit à un doute de ma part ; j'admets cette appréciation, je reconnais que mon inquiétude se réduit à un doute ; mais permettez-moi de vous prouver encore que ce doute n'est pas sans quelque fondement.

On s'est appuyé, pour défendre le projet, sur la réputation, sur le mérite incontestable, je le reconnais, de l'ingénieur, auteur du projet. Que propose cet ingénieur ? Il propose d'amener un affluent au canal de Zelzaete, et de débarrasser d'un affluent le canal de Bruges et le canal d'Ostende.

Je vais opposer à cette autorité une autre autorité ; on ne contestera pas, en fait d'ouvrages hydrauliques, l'autorité de l'ancien ingénieur de Bruges.

L'ingénieur directeur de Broek, né et élevé dans les eaux de la Flandre occidentale, c'est lui qui a fait tous les ouvrages hydrauliques de cette province, l'honorable ingénieur de Brock voulait agir en sens inverse. Au canal de Zelzaete aboutissent deux affluents, la Liève et l'Eede ; ces deux affluents ont leur débouché dans le Zwin ; il était naturel de les recevoir dans le canal de Zelzaete. Eh bien, M. de Brock voulait isoler ces deux affluents du canal de Zelzaete. Il voulait débarrasser ainsi le canal de Zelzaete de deux affluents naturels ; il était persuadé qu'on pouvait les recevoir dans le canal d'Ostende sans baisser la cote de la navigation ; il prétendait avoir besoin de ces affluents pour alimenter le canal d'Ostende. Pour arriver à ce but, il voulait faire une dépense de 6 à 700 mille francs.

Arrive un autre ingénieur, et le système change. Au lieu d'isoler ces deux affluents, on les reçoit dans le canal de Zelzaete ; on ne s'arrête pas là, on demande un crédit de 380,000 fr. pour en amener un troisième.

Je ne fais pas ici le rôle d'ingénieur, je fais le rôle d'un homme qui a besoin d'être éclairé par les ingénieurs. Je trouve un ingénieur avisant dans un sens et un ingénieur professant une opinion contraire ; pour moi, qui ne suis pas ingénieur, et qui suis loin d'en avoir la prétention, le doute doit être permis, et la demande d'un examen plus approfondi ne doit pas être si étrange.

Voilà un des motifs de mon inquiétude, voilà pourquoi j'ai regretté que le projet fût présenté sans instruction suffisante et mêlé à des demandes de crédit pour des travaux longuement étudiés, discutés dans cette chambre et décrétés en principe.

M. de Saegher. - Messieurs, j'ai besoin de donner encore (page 1015) quelques explications relativement à la position que plusieurs députés de la Flandre orientale croient devoir prendre dans cette question.

L'honorable M. Donny nous a accusés hier d'agir avec peu de générosité à l'égard de la Flandre occidentale, en refusant au gouvernement les fonds qu'il demande pour remédier aux inondations que nous avons, dit-il, rejetées sur la Flandre occidentale.

Cependant, messieurs, vous vous le rappellerez, nous avons déclaré dès le commencement de cette discussion, que nous n'étions, sous aucun rapport, contraires aux travaux qu'on pouvait faire au sud de Bruges ; seulement nous avons soutenu, que dans l'état de la question, et surtout d'après la position que prenait M. le ministre des travaux publics, nous n'étions pas éclairés sur les conséquences des travaux qu'on projetait.

On dit : Vous ne voulez pas concourir à diminuer les inondations que vous-mêmes avez rejetées sur la Flandre occidentale ! On sait, messieurs, que cette accusation n'est pas sérieuse, que telle n'est pas notre intention. On doit même se ressouvenir que nous avons démontré, lors de la discussion de la loi relative au canal de Schipdonck, que la mise en exécution de cette loi ne peut pas avoir pour résultat de rejeter sur la Flandre occidentale les inondations qui affligent notre province. Mais savez-vous ce qu'on veut faire, messieurs ? On veut réveiller une question qui a déjà été pleinement décidée l'année dernière.

Aujourd'hui on ne s'en cache plus ; l'honorable M. Donny, notamment, s'est clairement expliqué, à cet égard, à la séance d'hier ; il a dit en propres termes : Le canal de Deynze à Schipdonck doit avoir nécessairement pour résultat de jeter sur la Flandre occidentale une partie du fléau des inondations ! Eh bien, dans la discussion qui a eu lieu l'année dernière, nous avons prouvé l'évidence que cela n'était pas. La chambre l'a admis ainsi.

C'est donc là une question décidée, entièrement indépendante de celle qui se présente aujourd'hui.

Quant à la question qui se présente en ce moment, nous avons dit et nous répétons qu'elle n'est pas suffisamment étudiée. Nous allons le prouver de nouveau.

L'ingénieur Gérardot de Sermoise a fort bien prévu les objections que l'on pouvait faire contre son projet. Aussi a-t-il voulu y répondre d'avance.

Nous lisons dans son rapport :

« Je terminerai, M. le ministre, en vous priant de vouloir bien remarquer que, s'il pouvait s'élever des doutes sur la possibilité de jeter les affluents des canaux de Gand et d'Ostende dans le canal de Zelzaete, sans nuire à l'assèchement des terres du nord, on doit être parfaitement rassuré à ce sujet ; il suffit en effet de rappeler que la section de ce canal entre Damme et la mer ainsi que les écluses de Heyst, se trouvent exécutées aujourd'hui dans des dimensions d'un cinquième en plus, que ne le comportait le projet primitif. »

Voilà donc l'ingénieur lui-même qui a compris d'avance l'objection qui pouvait être faite ; et il y répond en deux lignes, sans entrer dans aucun développement. Mais à côté de cette allégation de l'’ingénieur, vous avez entendu les développements dans lesquels est entré l'honorable M. Lejeune, développements qui sont sans doute de nature à faire impression sur vos esprits. Il en résulte que la question reste douteuse, puisqu'aucune des objections faites par l'honorable M. Lejeune n'a été réfutée ; car on ne considère pas sans doute comme une réfutation les deux lignes insérées dans le rapport de l'ingénieur Gérardot de Sermoise.

Il y a plus : j'ai des motifs de croire que, si la question était soumise au conseil des ponts et chaussées, ce corps serait loin d'être unanime au sujet des conséquences que le projet en question pourrait avoir. Voilà les motifs de nos craintes, de nos inquiétudes. Nous voudrions être éclairés sur la question par les hommes compétents. Nous désirons autant que les députés de la Flandre occidentale de voir améliorer le régime des eaux de cette province.

Que l'on veuille réveiller la question déjà résolue l'année dernière, cela résulte de tout ce qui a été avancé par ceux qui soutiennent le projet.

L'honorable M. Maertens vient de dire : Ou vous sanctionnerez le projet, et alors vous pourrez faire un essai de votre canal de Schipdonck ; ou vous ne sanctionnerez pas le projet, et alors nous vous disons d'avance que jamais vous ne pourrez faire un essai de ce canal. Vous le voyez, messieurs, hier, quand j'ai répondu à l'honorable M. Maertens, j'avais fort bien compris l'argument qu'il faisait valoir et qu'il reproduit aujourd'hui en d'autres termes.

Nous disons à notre tour : S'il en est ainsi ; si, en raison de la restriction posée dans la loi de 1846, vous êtes maîtres de laisser faire usage ou non du canal de Schipdonck, pourquoi avez-vous tant d'inquiétudes ?

Pourquoi nous empêcher d'examiner un nouveau projet, que nous ne désapprouvons pas, mais que nous ne pouvons admettre, parce que nous ne le connaissons pas ? Pourquoi nous empêcher d'examiner le projet, tandis que, de votre propre aveu, vous avez tous les moyens nécessaires pour empêcher que le canal de Schipdonck ne vous nuise ? Pour nous, nous avons pleine confiance dans la commission qui sera nommée pour diriger les manœuvres du nouveau canal. Nous savons que, quand il sera construit, il y aura moyen de mettre d'accord tous les intérêts.

S'il en était autrement, c'est-à-dire que, si dans le projet de loi qui décrète la construction du canal de Schipdonck, on n'avait pas prévu tous les travaux qui peuvent être nécessaires, ce n'est pas un motif pour nous faire voter des fonds pour l'exécution de travaux dont personne d'entre nous ne peut apprécier aujourd'hui les conséquences.

M. le ministre des travaux publics, en appuyant les motifs énoncés par quelques honorables membres, nous a dit : Le canal de Schipdonck deviendra inopérant, par suite de l’amendement qui a été introduit dans la loi de 1846, si vous n'admettez pas le projet que nous vous présentons en ce moment. Mais s'il en est ainsi, je ne conçois pas la conduite qu'a tenue M. le ministre des travaux publics, lors de la discussion de cette loi de 1846.

En effet, M. le ministre, loin de s'opposer alors à cet amendement, s'y est pleinement rallié. Il a donc consenti à laisser faire des travaux pour plus d'un million, qui ne pouvaient avoir, dans son opinion, aucun résultat utile. Mais cela est impossible ; nous devons admettre plutôt que M. le ministre a changé d'opinion.

Il en résulte que M. le ministre des travaux publics a mal apprécié les conséquences de la loi de 1846, ou qu'il apprécie mal les conséquences du projet qu'il nous présente aujourd'hui. Cette alternative est inévitable.

Maintenant, je vous le demande, messieurs, ne sommes-nous pas autorisés à désirer que l'opinion de M. le ministre des travaux publics soit contrôlée par le corps des ponts et chaussées, seul compétent en cette matière, puisqu'il résulte des paroles du ministre, ou qu'il s'est trompé l’année dernière relativement à la question qui nous occupe, ou bien qu'il se trompe aujourd'hui ?

Toute votre conduite, nous reproche-t-on, est contraire aux intérêts que vous voulez défendre. Les ingénieurs et le ministre conviennent de l'insuffisance de l'écluse de Slykens ; cela est confirmé par des études nouvelles. Vous devez donc voter le crédit puisqu'il doit servir à l'écoulement du canal de Schipdonck.

Mais, messieurs, je ne puis cesser de le répéter, les ingénieurs les plus compétents n'ont pas été consultés. J'ai même de bons motifs de croire que l'ingénieur de la Flandre orientale, connu par ses connaissances spéciales dans les matières hydrauliques, n'approuverait pas le projet.

Je le demande, messieurs, dans ce doute, pouvons-nous laisser voter un projet ici que celui qu'on nous présente ?

Vous voyez donc, messieurs, que notre conduite dans cette affaire est loin d'être injuste à l'égard de la Flandre occidentale. On peut qualifier seulement notre conduite de prudente, et elle l'est. Car ce serait, d'après moi, une grave imprudence que d'admettre un projet de loi qui n'a pas été suffisamment étudié, relativement auquel le corps des ponts et chaussées n'a pas été consulté. Il est réellement étonnant, messieurs, que lorsqu'on consulte le conseil des ponts et chaussées pour des objets minimes, pour des travaux de quelques milliers de francs, on refuse de nous faire connaître l'opinion de ce conseil relativement à des travaux aussi importants, relativement à des travaux, je l'ai dit hier, qui se rallient à d'autres déjà exécutés et dont l'importance est d'une valeur de 4 à 5 millions.

M. Delfosse. - Messieurs, lorsque le gouvernement est venu, à la fin de la session dernière, nous demander des fonds pour commencer les travaux du canal de Deynze à Schipdonck et pour améliorer l'Escaut, les représentants de Liège n'ont pas fait la moindre opposition à cette demande.

S'ils n'ont pas alors, comme dans d'autres circonstances, pris la parole pour signaler l'état défectueux de la Meuse, s'ils n'ont pas insisté pour qu'il y fût porté remède, c'est qu'ils avaient foi dans les promesses du gouvernement.

Ils étaient en droit d'espérer, d'après ces promesses faites à plusieurs reprises, que le gouvernement ne négligerait rien pour hâter l'exécution des travaux qui doivent mettre notre province, et surtout le chef-lieu, à l'abri du ravage des eaux.

Ils étaient en droit d'espérer que l'on ne présenterait plus de projet de loi pour l'amélioration des voies navigables, sans qu'il y fût question de la Meuse.

La présentation du projet de loi qui est en discussion a donc dû leur causer quelque surprise et quelque mécontentement.

Si M. le ministre des travaux publics s'était borné à nous demander des fonds pour continuer les travaux du canal de Deynze à Schipdonck, et de celui de Zelzaete, déjà décrétés par la loi, cette demande n'eût probablement pas rencontré d'opposition sérieuse, bien que la dépense doive dépasser de beaucoup les évaluations primitives.

On nous disait, l'année dernière, que le canal de Deynze à Schipdonck ne coûterait qu'un million ; on nous dit aujourd'hui qu'il coûtera (erratum,, p.1.043) 1,555,000 fr., et il n'est pas bien sûr que ce soit là le dernier mot.

Mais, si nous sommes disposés à admettre cette demande, nous avons lieu de nous plaindre que M. le ministre des travaux publics veuille, sans rien proposer pour la Meuse, obtenir des fonds pour l'amélioration du régime des eaux au sud de Bruges, travail qui n'est ni plus nécessaire, ni plus urgent, ni mieux étudié que la dérivation de la Meuse. Je pourrais même dire qu'il l'est moins.

Cette partie du projet de loi a été combattue avec vivacité, on devait s'y attendre.

L'honorable M. Orban a déposé sur le bureau une proposition de disjonction, d'ajournement, si l'on veut, à laquelle beaucoup de nos collègues sont disposés à se rallier.

Quatre honorables représentants de Tournay et d'Audenarde ont cru pouvoir tirer parti de l'opposition qui s'est produite, pour réclamer les fonds en faveur de l'Escaut. Nous pourrions, avec non moins de raison, avec plus de raison même, les réclamer pour la Meuse.

(page 1016) Ces honorables collègues ont fait un tableau bien sombre des inondations de l'Escaut. Nous pourrions faire à notre tour un tableau plus sombre encore des désastres causés par les inondations de la Meuse.

Nous pourrions montrer comme eux des centaines, des milliers même d'habitations fréquemment plongées sous les eaux, des populations entières livrées au désespoir.

Nous pourrions en outre, triste avantage, rappeler les constructions qui se sont écroulées, les navires qui se sont engloutis, les nombreuses victimes qui ont péri.

Nous pourrions ajouter, en nous emparant de l'aveu de M. le ministre des travaux publics dans une autre enceinte, que les dangers se sont aggravés par le fait du gouvernement.

Cependant nous ne soumettrons pas de proposition à la chambre. Nous avons la conviction qu'en pareille matière, c'est au gouvernement qu'il convient de prendre l'initiative ; nous avons la conviction que nous n'obtiendrions rien sans son secours.

Mais nous ne cesserons de rappeler au gouvernement qu'il a un devoir impérieux à remplir, et qu'une grave responsabilité pèse sur lui. Nous ne cesserons de lui dire qu'il serait coupable s'il tardait à accomplir ses promesses, s'il continuait à rester sourd aux plaintes légitimes que la province de Liège fait entendre depuis si longtemps.

On m'objectera sans doute encore la situation financière.

Je reconnais, et j'ai été le premier à le dire, qu'il y aurait des dangers à pousser l'émission des bons du trésor au-delà de certaines bornes. Mais je persiste à croire que le gouvernement ferait bien, même dans les circonstances actuelles, surtout dans les circonstances actuelles, où il importe plus que jamais de donner du travail aux classes ouvrières, où il serait extrêmement difficile d'accroître les impôts, je persiste à croire que le gouvernement ferait bien de recourir à l'emprunt.

Un emprunt de 40 millions suffirait, d'après ce que M. le ministre des travaux publics a dit dans une autre enceinte, pour améliorer les voies navigables dans toutes les provinces, et pour éteindre une grande partie de notre dette flottante.

Remarquez bien, messieurs, que les travaux ne se feront pas en un jour, qu'ils devront être répartis sur plusieurs années. On pourrait donc n'émettre actuellement qu'une partie de cet emprunt, 10 millions, par exemple. On ferait, je le sais bien, sur cette opération partielle une perte de 4 à 5 cent mille francs ; mais qu'est-ce qu'une perte de 4 à 5 cent mille francs, à côté des immenses avantages qui résulteraient des travaux, à côté des désastres épouvantables qu'il s'agit de prévenir ? Savez-vous, messieurs, que les inondations pourraient occasionner au pays des pertes qui se compteraient par centaines de millions ? Savez-vous qu'une partie de la ville de Liège pourrait être emportée par les eaux ?

Que M. le ministre des finances voie ce qui se passe en Angleterre : là on a le courage de recourir à l'emprunt pour soulager les populations, là on vient d'ouvrir un emprunt de plus de 200 millions de francs, et nous ne pourrions pas, nous, en contracter un de 10 millions ! M. le ministre des finances ne prétendra sans doute pas que nos ressources ne seraient pas, à celles de l'Angleterre, dans la proportion de 1 à 20 !

M. Delehaye. Messieurs, le premier orateur que vous avez entendu aujourd'hui m'a fait l'honneur de s'occuper spécialement de moi. Il a fallu que l'honorable membre donnât à mes paroles une portée beaucoup plus étendue que je ne l'avais fait pour y trouver une accusation contre deux honorables citoyens de Bruges, que je n'ai ni nommés ni désignés. Qu'il me soit permis de lire le commencement des observations que j'ai fait valoir hier, et l'honorable membre verra que c'est bien à tort qu'il m'a attribué des dispositions hostiles envers Bruges. Voici, en effet, ce que je disais :

« Il est incontestable, messieurs, que le travail qu'on propose est utile à la Flandre occidentale, et comme tel j'y prêterais certainement la main. Je n'imiterais pas ceux qui disaient, il y a vingt-quatre heures, qu'il fallait repousser le chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost, parce que les députés gantois ont voté le chemin de fer de Thielt à Deynze ; je dis que, quoique Gantois, je voterais pour le travail indiqué, quoique utile seulement à la Flandre occidentale.»

Voilà, messieurs, à quoi se sont bornées mes observations, et voilà ce qui a fourni à l'honorable M. Maertens l'occasion de m'accuser d'un ressentiment que certainement je ne nourris pas. Que l'honorable membre se rassure, il n'y a pas plus de ressentiment dans ces paroles que dans celles par lesquelles j'ai fait justice du mérite qu'il attribuait aux officiers de l'Ordre de Léopold : dans l'un et dans l'autre cas, je me suis borné à exprimer mon opinion qui, certes, n'avait rien d'hostile pour qui que ce pût être.

Messieurs, on a accusé les députés de Gand de vouloir transporter les inondations de la Flandre orientale dans la Flandre occidentale, et on n'a pas remarqué que, tout en défendant l'intérêt de la Flandre orientale, nous défendons aussi l'intérêt de la plus grande partie de la Flandre occidentale.

En effet, le canal de Schipdonck n'est pas seulement utile à une partie du territoire de la Flandre orientale ; il est aussi et il est principalement utile à une plus grande étendue encore du territoire de la Flandre occidentale ; car les honorables députés de Bruges n'ignorent pas que les inondations de la Lys se font sentir avec autant de rigueur depuis la frontière française jusqu'à la limite de la Flandre orientale, que depuis ce point jusqu'au canal de Schipdonck.

Nous n'avons donc pas défendu seulement l'intérêt de notre localité ; nous avons défendu en même temps l'intérêt de la plus grande partie de la Flandre occidentale, et il m'étonne que les honorables députés de Courtray, arrondissement qui est spécialement intéressé dans la question, ne se soient pas joints à nous ; car nous sommes ici principalement les défenseurs des intérêts de Courtray.

Lorsqu'il s'est agi, messieurs, de voter le canal de Schipdonck, nous avons rencontré la même opposition qu'aujourd'hui, et quelle était alors la garantie exigée par les honorables députés de Bruges et par l'honorable M. de Muelenaere, dont nous regrettons d'autant plus l'absence qu'elle est due à une indisposition sérieuse ?

L'honorable M. de Muelenaere demandait une garantie sur laquelle il pouvait lui-même exercer la plus grande influence ; il voulait que le jeu des écluses fût mis sous la direction d'une commission dont la majorité appartînt à la Flandre occidentale, c'est-à-dire que le jeu des écluses fût dirigé de manière à servir plutôt les intérêts de la Flandre occidentale, que ceux de la Flandre orientale ; eh bien, nous n'avons pas refusé cette garantie ; pourquoi donc veut-on aujourd'hui détruire à notre égard l'effet du vote qui a été émis à cette époque ? C'est cependant là qu'on veut en venir, et l'honorable M. de Roo ne s'en est pas caché. Il a dit : « Mais faites d'abord le canal qu'on propose, ce sera un siphon pour le Riviertje ; puis nous tâcherons de réaliser une économie de 3 à 4 millions. » Eh bien, messieurs, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que la deuxième section du canal de Schipdonck à la mer ne sera pas exécutée. Or, s'il doit en être ainsi, dans quelle position nous trouverons-nous, nous députés de la Flandre orientale, dans quelle position se trouveront les députés de Courtray ? C'est que non seulement on aura fait tourner contre leurs localités ce qui concerne les écluses, mais qu'on aura encore dépossédé ces localités du droit qu'elles avaient de voir construire le canal de Schipdonck à la mer. A cet égard, je rappellerai aux honorables membres qui nous accusent de vouloir déplacer les inondations, je leur rappellerai que lorsque l'année dernière on a proposé le creusement du canal de Schipdonck, c'est nous qui avons demandé que la chambre décrétât en principe le creusement de la deuxième section de ce canal, de la section qui devait le prolonger jusqu'à la mer, et qui devait rassurer complètement les honorables députés de Bruges (Interruption.) C'est un député de Gand qui, modifiant le projet soumis à la chambre, a proposé de dire que les fonds demandés seraient employés au creusement de la première section du canal, ce qui signifiait que le canal devait être continué jusqu'à la mer, que la partie dont l'exécution immédiate était proposée, n'en était que la première section. Eh bien, aujourd'hui à quoi tendent les observations de nos honorables adversaires ? A prouver qu'il ne faut pas faire la deuxième section, c'est-à-dire qu'il faut maintenir les inondations de la vallée de la Lys, qu'il faut maintenir les inondations dans une grande partie de la Flandre orientale et dans une partie plus grande encore de la Flandre occidentale.

Qu'il me soit permis de revenir un instant sur ce qu'on a dit hier du canal d'Ostende. L'honorable M. Donny a mis dans ses observations une réserve tout à fait diplomatique, cependant il n'a pas été difficile de reconnaître le but vers lequel il tendait. Il nous a dit que le canal d'Ostende devait surtout servir de canal de navigation.

Cela est parfaitement vrai, mais qu'avons-nous répondu l'année dernière à cette observation ? C'est que le canal d'Ostende, dégagé des eaux du nord de Bruges, qui s'écouleraient par le canal de Zelzaete, dégagé en second lieu des eaux du canal de Gand à Bruges, que le canal d'Ostende, dans cette position, pouvait répondre à toutes les exigences, tant à celles de la navigation, qu'à celles de petits affluents qui charriaient une partie des eaux du sud de la Flandre occidentale.

Mais remarquez-le, l'honorable membre ne tient pas compte des travaux qui ont été exécutés depuis. Le chemin de fer remplace en grande partie la navigation ; le chemin de fer met Ostende en communication avec la capitale, Liège et l'Allemagne, répond aussi partiellement aux besoins auxquels le canal d'Ostende devait pourvoir ; il en résulte que les besoins de la navigation sont modifiés depuis quelque temps. Et moi, messieurs, qui ai eu l'honneur de vous parler, j'habite aussi les bords du canal de Bruges, et je sais que la navigation y est réduite des deux tiers à peu près. Ainsi le canal d'Ostende se ressent de ce défaut de navigation, et comme tel, il n'est plus destiné à répondre aux besoins auxquels il devait pourvoir dans le principe.

Cependant, je ne demande pas du tout qu'on ne fasse pas droit aux exigences de l'honorable M. Donny ; je crois, au contraire, que dégager ce canal de tous les canaux d'écoulement qui s'y jettent actuellement, ce serait rendre un très grand service à ce canal ; mais je ne voudrais pts qu'on lui rendît ce service au détriment de la Flandre orientale ; je voudrais que les honorables députés de Bruges et d'Ostende voulussent tenir compte de la situation fâcheuse, faite à l'arrondissement de Courtray, arrondissement qui est aussi intéressé et même plus intéressé que nous dans la question.

Messieurs, quatre honorables députés ont fait une proposition dont je devrais, eu quelque sorte, réclamer partiellement la responsabilité, puisque c'est moi qui l'ai suggérée à ces honorables membres. J'ai cru, cependant, ne pas devoir donner mon assentiment à cette proposition, non pas parce qu'elle n'est pas utile, mais parce que j'aurais voulu que M. le ministre des travaux publics s'expliquât à cet égard. Eh bien, M. le ministre ne nous a donné réellement aucune explication. Déjà nous avons mis, l'année dernière, des fonds à la disposition du gouvernement, pour l'amélioration du régime des eaux dans la vallée de l'Escaut ; jusque présent on n'a fait aucun emploi de ces fonds. Ces fonds sont donc (page 1017) encore en caisse ; je ne crois pas qu'en y ajoutant 380,000 fr., on obtienne un avantage considérable.

En donnant l'idée de la proposition des quatre députés, j'avais agi dans la présomption que le gouvernement voudrait activer l'exécution des travaux publics, dans l'intérêt de la classe ouvrière ; je pensais que M. le ministre aurait apprécié la situation dans laquelle nous nous trouvons, et que lui-même eût poussé la chambre à prêter son concours à l'exécution de tous les travaux publics quelconques ; et dès lors, quelque fût le danger attaché à l'article 3, j'aurais été disposé à décréter le travail, pour fournir au gouvernement le moyen de venir au secours de la classe ouvrière. Mais le gouvernement n'a donné aucune explication ; il s'est borné à réfuter un discours de l'honorable M. Lejeune ; et je regrette de devoir ajouter que M. le ministre n'y a nullement réussi.

Si l'honorable M. Lejeune n'est pas ingénieur, il a cependant prouvé qu'il connaissait les localités et les travaux à exécuter, tout aussi bien que l'ingénieur auquel je réponds en ce moment, il a parfaitement étudié la question, et il l'a développée avec un talent vraiment remarquable de la part d'un homme qui n'a pas fait une étude spéciale des travaux hydrauliques. Ainsi, il ne suffit pas de répondre à un membre de cette chambre qu'il n'est pas ingénieur, pour réfuter la portée de ces arguments ; j'aurais voulu, au contraire, que M. le ministre se fût efforcé de répondre à ces arguments, en indiquant les améliorations qui sont attachées au projet qui a été présenté. Mais j'irai plus loin ; je demanderai à M. le ministre des travaux publics comment il se fait qu'après avoir reçu l'avis de M. l'ingénieur de Sermoise, il n'a pas cru devoir consulter l'ingénieur en chef de la Flandre orientale. Ce dernier ingénieur est à la tête des travaux hydrauliques depuis un grand nombre d'années ; et cependant on écarte tout à coup cet ingénieur si expérimenté, et l'on s'en rapporte exclusivement à l'opinion d'un ingénieur de mérite sans doute, mais qui n'est chargé de veiller qu'aux seuls intérêts de sa province.

M. Maertens. - M. de Sermoise est l'ingénieur en chef de la province de Liège ; il a été spécialement chargé des travaux du canal de Zelzaete.

M. Delehaye. - Je remercie l'honorable M. Maertens de m'avoir fourni ce renseignement. Ainsi, l'ingénieur qui a conçu l'idée de ce travail n'appartient pas même à la Flandre occidentale ; c'est un ingénieur qui appartient à la province de Liège ; et vous voulez que l'opinion de cet ingénieur vienne dominer celle de l'ingénieur qui depuis nombre d'années a présidé aux travaux hydrauliques dans la Flandre orientale.

M. Maertens. - M. de Sermoise a passé huit ans dans la Flandre occidentale. :

M. Delehaye. - M. l'ingénieur Wolters a passé toute sa vie dans la Flandre orientale ; nous ne contestons pas la capacité de M. l'ingénieur de Sermoise ; mais la chambre comprendra que nous avons le droit d'exiger que l'avis d'un ingénieur qui a commencé sa carrière dans la province de Liège, soit subordonné à celui d'un ingénieur plus compétent, quand il s'agit de la Flandre.

Je blâme fortement M. le ministre des travaux publics de n'avoir pas profité des dispositions favorables que montrait la chambre à décréter tous les travaux publics quelconques qui pouvaient s'effectuer aussi bien sur la Meuse qu'ailleurs ; j'aurais voulu que dans un moment où nous sommes obligés de nous imposer de durs sacrifices, distribués en pures aumônes, le gouvernement se fût mis à même de faire exécuter des travaux publics. Si le gouvernement avait poussé à ces travaux, incontestablement la classe ouvrière aurait moins souffert. J'aurais voulu que le gouvernement, au lieu de nous demander un crédit de 380,000 fr. pour un travail que personne ne peut apprécier, pour un travail qui doit nous inspirer des inquiétudes d'autant plus légitimes que l'ingénieur de notre province n'a pas été consulté ; j'aurais voulu, dis-je, que M. le ministre eût demandé à la chambre de consacrer les 380,000 fr. au parachèvement du canal de Schipdonck ; et ce n'est pas ici par esprit de localité que je parle ; la chambre avait décrété la première section de ce canal ; dès lors on se serait trouvé en présente d'une demande légitime, motivée sur une décision antérieure de la chambre.

Messieurs, le gouvernement a obtenu des fonds pour la première section du canal de Schipdonck ; eh bien, ces fonds ne sont pas encore employés. Comme l'a fait observer tout à l'heure l'honorable M. Delfosse, il est très possible que les prévisions excèdent les 1,500,000 francs ; mais c'était un motif de plus de consacrer les 580,000 francs à l'achèvement de cette première section.

J'ai dit tout à l'heure que le gouvernement n'avait pas encore fait emploi des fonds mis à sa disposition pour la première section du canal de Schipdonck ; il en est de même des fonds que la législature a votés pour des travaux à exécuter dans la vallée de l'Escaut. Ainsi tous ces fonds sont encore dans vos caisses, sans avoir reçu l'emploi utile auquel ils sont destinés ! Quelle garantie avons-nous que les sommes que vous demandez aujourd'hui ne resteront pas sans emploi ? La somme de 380,000 fr. est destinée au prolongement de la Rivièrette ; je crois que vous exécuterez ce travail, parce que vous êtes en présence d'un danger. (Interruption.)

On me demande : Qu'est-ce qu'on a fait ? Je me plains de ce qu'on n'a rien fait. J'attaque le gouvernement pour n'avoir rien fait ni chez nous ni chez vous ; mais je le répète, les 380 mille francs pour travaux au sud de Bruges seront employés parce que Bruges ayant un ministre d'Etat pour gouverneur de la province, ce ministre d'Etat exigera que ces travaux soient mis à exécution. Moi je suis convaincu que dans cette demande de 380 mille francs M. de Muelenaere a sa grande part ; il a bien fait, je ne lui fais pas un reproche de soigner les intérêts de sa province, de doter sa province de tous travaux publics qui peuvent être utiles. Mais nous, qui avons mis à la disposition du gouvernement des sommes considérables pour d'autres travaux, nous sommes en droit de nous plaindre de leur inexécution, et je me plaindrai jusqu'à ce qu'on ait mis la main à l'œuvre, parce que, outre l'utilité de ces travaux, je trouve les moyens d'alimenter l'activité de l'ouvrier qui s'abrutit à vivre de l'aumône.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Les paroles par lesquelles l'honorable préopinant vient de terminer son discours auront étonné tous ceux qui ont lu le projet de loi. En effet, des fonds sont demandés pour la première section du canal de Zelzaete à la mer du Nord, pour le canal de Deynze à Schipdonck et pour la deuxième section du canal de Zelzaete comprise entre Damme et St-Laurent.

Dans l'intérêt de quelle province devront se faire ces travaux ? Dans l'intérêt de la province de la Flandre orientale. Que demande-t-on pour la Flandre occidentale par ce projet de loi ? 380 mille francs, et un honorable membre trouve qu'on fait trop pour la Flandre occidentale et rien pour la Flandre orientale.

M. Lejeune. - C'est une erreur ; dans les 2 millions dont il s'agit, 1,370 mille fr. indépendamment des 380 mille fr. pour le sud de Bruges, sont demandés pour des travaux à exécuter dans la Flandre occidentale ; le crédit tout entier est donc demandé pour la Flandre occidentale ; à l'exception des 250 mille fr. destinés au canal de Schipdonck, hors de là il n'y a pas une pelle de terre à remuer dans la Flandre orientale.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Nous faut-il recommencer la discussion du canal de Zelzaete ? J'avais toujours compris que ce canal était créé aussi bien dans l'intérêt de la Flandre orientale que dans l'intérêt de la Flandre occidentale. Sans doute l'honorable M. Lejeune ne contestera pas ce point, cela suffit.

Diverses causes qui ont été plusieurs fois exposées à la chambre, ont empêché de mettre la main à l'exécution des travaux à faire à l'Escaut. L'honorable membre a tort de croire qu'on ne veuille pas commencer simultanément tous les travaux pour lesquels des crédits sont demandés.

Mon honorable collègue des travaux publics a annoncé que déjà les adjudications ont été faites, sauf l'assentiment des chambres. Les reproches de l'honorable membre sont donc mal fondés. La Flandre orientale n'a pas à se plaindre du projet de loi qui vous est soumis.

M. Rodenbach. - Je crois devoir énoncer en peu de mots mon opinion. Je commencerai par demander si les travaux qu'on demande à exécuter au sud de Bruges sont nécessaires, oui ou non. Il y a dans cette contrée environ 25 mille hectares qui sont inondés deux ou trois fois par an ; car deux ou trois fois par an, quand les pluies sont considérables, il y a inondation ; il en résulte un préjudice immense. Ces eaux ne peuvent pas se jeter dans le canal de Gand à Bruges, elles sont obligées de faire un circuit et de se rendre dans le canal de Bruges à Ostende. Ces eaux qui inondent ce pays doivent se rendre dans le canal de Bruges à Gand ; quand elles arrivent en abondance, elles empêchent la navigation ; en n'exécutant pas ces travaux, vous ferez un tort immense à l'agriculture, au commerce et à la navigation.

Puisqu'il y a utilité d'exécuter ce projet, il me semble que dans cette occurrence, c'est bien le moment où l'on doit voter les 380 mille francs, afin de pouvoir commencer immédiatement les travaux.

Vous le savez, la province de la Flandre occidentale est celle où il y a le plus de malheureux. Au moment où je parle, le peuple demande du pain, c'est-à-dire de l'ouvrage pour s'en procurer, car il ne demande pas l'aumône, il demande du travail. Je pense que vous accorderez les 380 mille francs pour lui procurer du travail.

Plusieurs honorables orateurs ont dit : Mais on n'a pas étudié ces travaux, il faut un projet de loi spécial. Je trouve, moi, que nous ne sommes pas conséquents, car nous avons des orateurs qui prétendent avoir plus de talent que les ingénieurs de la province, puisqu'ils improvisent des projets au milieu de la discussion.

Ces ingénieurs parlementaires sont venus demander la même somme de 380 mille francs. Ils ont un coup d'œil plus rapide que les ingénieurs de la province, car ils ont su dire : Les travaux à faire à l'Escaut doivent coûter les 380 mille fr. demandés par les ingénieurs pour remédier aux inondations de 25 mille hectares dont les eaux entravent la navigation.

Je pense que la chambre prendra en considération ce que je viens de dire. Toute la question est là : les travaux sont-ils utiles oui ou non ? Le gouvernement ne viendrait pas avec un projet non étudié vous demander des fonds pour l'exécuter. S'il s'agissait de plusieurs millions, je concevrais qu'on hésitât, mais on ne vous demande que 380 mille fr.

Jusqu'à présent on n'a pas encore su répondre à ce qu'on a dit. Vingt-cinq mille hectares sont exposés à des inondations fréquentes ; si vous n'y portez remède, vous faites un tort immense à l'agriculture.

Je consens à ce que les propriétaires de ces terrains payent une contribution, puisqu'ils retireront un grand avantage des travaux ; mais vous ne pouvez pas empêcher le gouvernement de procurer de l'ouvrage aux malheureux qui en réclament. Vous avez plusieurs fois reproché au ministre de ne pas leur en donner, il vient vous proposer un moyen de leur en donner, vous ne le repousserez pas ; vous êtes tous animés de sentiments généreux en faveur des pauvres de la Flandre occidentale.

M. Desmaisières. - Messieurs, les honorables membres de la Flandre occidentale, les députés de Bruges, d'Ostende, de Thielt et de Roulers me paraissent s'être étrangement mépris sur les motifs qui ont guidé nos (page 1018) honorables collègues de la Flandre orientale et du Hainaut, non dans l’opposition (car ils n'ont pas fait d'opposition à ce que le travaux du sud de Bruges soient décrétés et à ce que les fonds soient accordés pour ces travaux), mais dans l'appui qu'ils ont cru devoir donner à la question de disjonction. Ces honorables membres ont pensé que ces motifs résidaient, d'une part, dans des questions de rivalité, d'intérêt de localité, et d'autre part, dans les craintes que nous pouvons avoir dans la Flandre orientale et le Hainaut sur le non-prolongement du canal de Schipdonck jusqu'à la mer.

Messieurs, quant à cette dernière question, je crois avoir prouvé par les travaux auxquels je me suis livré, et par les rapports que j'ai faits sur la question d'écoulement des eaux de l'Escaut et de la Lys, que j'ai étudié cette question d'une manière tout à fait approfondie.

Je puis vous dire que j'ai, quant à moi, la conviction que, quels que soient les travaux que vous ajoutiez à ceux qui sont destinés à écouler dans le canal de Zelzaete les eaux du sud de Bruges, vous devrez finir par creuser le prolongement du canal de Schipdonck jusqu'à la mer, si vous voulez remédier d'une manière efficace aux calamités qui pèsent sur les localités du bassin de l'Escaut et de la Lys.

Ainsi nous ne devons avoir aucune crainte à cet égard. Ce ne peut donc être pour nous un motif de nous opposer à l'exécution des travaux au sud de Bruges.

Maintenant avons-nous le moindre autre intérêt à nous opposer à l'exécution de ces travaux au sud de Bruges ? Au contraire, les honorables députés de Bruges et d'Ostende l'ont dit eux-mêmes, nous avons le plus grand intérêt, nous avons plus d'intérêt que les localités autour de Bruges elles-mêmes à ce que ces travaux soient exécutés ; car, on vous l'a déjà dit, par suite des craintes (craintes qui, à la vérité, n'étaient pas fondées) qu'avaient manifestées les honorables députés de Bruges sur les entraves que pourrait apporter le canal de Schipdonck à l'écoulement des eaux du sud de Bruges, vous avez, dans la loi qui décrète ce canal, prescrit des entraves à la manœuvre des écluses.

Nous sommes donc actuellement en présence de l'opposition, nuisible à nos intérêts, que feront les localités des environs de Bruges, dans la commission qui devra être instituée en vertu de la loi pour diriger la manœuvre des écluses du canal de Schipdonck. Nous sommes dans la crainte de voir entraver le jeu des écluses du canal de Schipdonck, et par conséquent de voir entraver l'écoulement des eaux venant de l'amont du bassin de Gand, eaux qui appartiennent au haut Escaut et à la Lys, et par conséquent non seulement à la Flandre orientale, mais encore au Hainaut et à la Flandre occidentale elle-même. Nous avons donc, je le répète, le plus grand intérêt à ce que des travaux soient exécutés, de manière à écouler les eaux du sud de Bruges par une autre voie que le canal de Bruges à Gand, ou tout au moins à ce que, par l'exécution de travaux quelconques, on empêche l'écoulement des eaux du sud de Bruges de servir de prétexte pour entraver l'écoulement des hautes eaux de la Lys par le canal de Schipdonck.

La chambre doit comprendre qu'alors, en effet, le motif pour lequel on a introduit dans la loi du canal de Schipdonck des entraves aux manœuvres de ce canal, disparaîtrait alors entièrement et que dès lors l'écoulement des eaux du haut Escaut et de la Lys qui doit se produire par ce canal deviendrait plus assuré.

Messieurs, si nous reconnaissons l'urgence, la nécessité des travaux à exécuter en faveur de l'écoulement des eaux du sud de Bruges, nous devons aussi désirer que ces travaux soient exécutés de manière à être le plus utiles possible à cet écoulement, et à ne pas être nuisibles au régime que nous avons voulu assurer pour les canaux de Zelzaete et de Schipdonck.

Les honorables députés de Bruges et d'Ostende même ont le plus grand intérêt à ce qu'on exécute ces travaux de la manière la plus utile possible.

Mais par suite des documents qui sont entre nos mains avons-nous des garanties à cet égard ? Je dois le reconnaître, nous n'en avons aucune ; car nous sommes saisis d'un projet fait par un ingénieur d'un haut mérite sans aucun doute, mais qui ne nous est présenté que comme l'œuvre de cet ingénieur seul. Ce projet (nous devons le supposer puisqu'on ne nous produit aucun rapport) n'a été soumis ni à l'ingénieur en chef de la Flandre orientale, ni à l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale, ni au conseil des ponts et chaussées. Ainsi ce projet n'est arrivé qu'à son premier degré d'instruction ; il ne consiste que dans le travail d'un ingénieur spécial.

Toutes les questions qui concernent l'utilité de ces travaux, qui concernent l'efficacité des mesures projetées pour le régime soit du canal de Zelzaete, soit du canal de Bruges à Ostende, soit du canal de Schipdonck, qui concernent enfin la question de savoir, si d'autres travaux ne seraient pas plus utiles et ne dérangeraient pas moins le régime de ces divers canaux nous sont totalement inconnues. Nous n'avons pas la moindre donnée à cet égard.

Je crois donc qu'il faudrait tout au moins qu'on achevât l'instruction de ce projet, avant de commencer les travaux.

Quant à moi, je serais certainement disposé à voter dès à présent non seulement le principe de l'exécution des travaux destinés à favoriser l'écoulement des eaux du sud de Bruges, mais encore les fonds nécessaires pour l'exécuter, s'il est entendu qu'avant l'exécution le projet sera complètement instruit, qu'il sera soumis aux ingénieurs en chef des deux Flandres, et au conseil des ponts et chaussées.

Je mets cette condition à mon vote favorable, parce que avant tout nous devons vouloir qu'on exécute de bons travaux, des travaux qui répondent le mieux possible au but que l'on veut atteindre et qui ne nuisent pas aux bons effets d'autres travaux exécutés ou décrétés.

Il est encore un autre point sur lequel j'aurais besoin d'explications positives de la part de M. le ministre des travaux publics, avant de me décider entièrement à voter le crédit de 380,000 fr. pour l'exécution de travaux au sud de Bruges.

Messieurs, nous voyons, par l'exposé des motifs et les annexes qui y sont jointes que la seconde section du canal de Zelzaete est complètement étudiée ; nous voyons qu'il n'y a plus qu'à procéder à la mise en adjudication ; les devis, les cahiers des charges, tout est prêt, et les travaux de cette seconde section qui ne sont pas moins urgents que ceux du sud de Bruges, sont estimés à 1,590 mille francs. Cependant on ne nous demande dans le projet que 720,000 fr., et l'on dit que c'est pour les premiers travaux de cette section. Or, messieurs, celle section du canal de Zelzaete se divise en deux parties à peu près égales ; la première partie, celle en aval, par laquelle sans doute il faut commencer, si l'on disjoint les deux parties, est située dans la Flandre occidentale, et c'est ce qui a fait commettre tout à l'heure, par l'honorable ministre des finances, l'erreur dans laquelle il est tombé. Il a cru que ces 720,000 fr. étant demandés pour la seconde partie du canal de Zelzaete, seraient dépensés dans la Flandre orientale, où il a pensé que se trouvait en entier la seconde section du canal de Zelzaete. Mais il n'y a qu'une partie de cette section dans la Flandre orientale ; l'autre partie, ainsi que je viens de le dire, se trouve dans la Flandre occidentale, et bien que tous les devis et cahiers des charges soient terminés, pour les deux parties entières, on ne nous demande que 720,000 francs ; c'est-à-dire à peu près ce qui est nécessaire pour l'exécution de la partie comprise dans la Flandre occidentale.

Messieurs, je désire avoir des explications positives sur les motifs pour lesquels M. le ministre des travaux publics ajourne la demande de crédit pour l'exécution de la partie de la seconde section du canal de Zelzaete comprise dans la Flandre orientale. J'attendrai ces explications pour me décider sur le vote que j'aurai à émettre en ce qui concerne la question de disjonction.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je dois réitérer ici la déclaration que j'ai faite devant la section centrale relativement aux travaux de la deuxième section du canal de Zelzaete ; c'est que la demande du gouvernement est limitée à 720,000 fr., vu l'impossibilité de porter actuellement le crédit à un chiffre plus élevé. Nous sommes entrés, pour ces travaux, dans le système d'exécution successive ; il y a nécessité de nous y tenir.

Je dirai encore quelques mots relativement aux éludes du projet.

On a prétendu que le projet n'avait pas été étudié ; que les ingénieurs n'étaient pas unanimes. On a allégué que les ingénieurs en chef de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale n'avaient pas été entendus.

Messieurs, il peut arriver que, sur telle ou telle question, les ingénieurs ne soient pas unanimes, sans que cependant il soit défendu au ministre d'avoir une opinion arrêtée sur ce qu'il convient de faire. Dans l'occurrence, messieurs, le projet a été étudié par un des ingénieurs les plus capables d'étudier convenablement un projet de ce genre. C'est un point que je n'entends pas démontrer ; la chose est manifeste par elle-même.

Je ne m'en suis pas tenu à l'avis de ce seul ingénieur, j'ai consulté d'autres ingénieurs, et notamment M. l'ingénieur Forret, qui est en service dans la Flandre occidentale depuis 30 ans, et qui a dirigé par lui-même la manœuvre des canaux des Flandres.

C'est peut-être l'homme pratique le plus fort que nous ayons en cette matière. Eh bien, cet ingénieur m'a déclaré que l'exécution du projet de M. de Sermoise amènerait une énorme amélioration et lèverait la plus grande difficulté que l'on rencontre aujourd'hui dans la manœuvre des canaux des Flandres.

J'ai consulté également M. l'ingénieur Declercq en service dans la Flandre occidentale. J'ai consulté enfin M. l'ingénieur en chef Kummer, l'un de nos ingénieurs les plus distingués et les plus expérimentés en matière de travaux hydrauliques. Tous ces ingénieurs ont été unanimes pour me déclarer que le projet de M. de Sermoise était parfaitement conçu et devait produire de bons résultats.

On demande quel a été l'avis du corps des ponts et chaussées. Messieurs, il y a eu discussion sur la question au sein d'une commission des ponts et chaussées, mais cette discussion est restée sans résultat parce qu'elle s'est écartée de son véritable objet. On a discuté le pour et le contre d'une question qui, suivant moi, doit être tenue en suspens ; on a discuté jusqu'à quel point les travaux proposés par M. de Sermoise permettraient une évacuation complète des eaux de la Lys ; or, cette question, je l'ai dit, devait rester hors du débat. De là est né un dissentiment entre M. l'ingénieur en chef de Sermoise et M. l'ingénieur en chef de la Flandre orientale.

On a cité également l'ingénieur de la Flandre occidentale. Je dois déclarer, messieurs, que je ne pense pas que le fonctionnaire qui remplit les fonctions d'ingénieur en chef dans la Flandre occidentale puisse être considéré comme faisant autorité en cette matière. C'est un homme de mérite sans doute ; mais il est jeune, les travaux à faire dans la Flandre occidentale sont pour lui une matière entièrement neuve ; il a à peine eu le temps de se mettre au courant du service de la province. Evidemment l'opinion de cet ingénieur ne doit pas peser autant dans la balance, que (page 1019) celle d'un ingénieur de mérite également, mais plus expérimenté, d'un homme qui a passé trente ans au service du corps des ponts et chaussées et huit années dans la Flandre occidentale.

M. de Villegas. - Je demande la parole contre la clôture. J'ai une interpellation à adresser à M. le ministre des travaux publics. Sa réponse déterminera mon vote approbatif ou désapprobatif sur le crédit destiné à améliorer le régime des eaux du sud de Bruges. J'ai d'ailleurs une explication à donner à la chambre sur la proposition que j'ai signée avec M. Dumortier.

Voix nombreuses. - Parlez ! parlez !

M. de Villegas. - Si, dans la séance d'hier, nous avons tant insisté pour avoir des explications sur le motif pour lequel la somme de 300,000 fr. votée par la loi du 18 juin dernier dormait encore dans la caisse de l'Etat, c'était, d'une part, pour mettre le gouvernement en demeure de remplir les engagements qu'il a pris et d'exécuter les travaux sur l'Escaut, simultanément avec ceux du canal de Deynze à Schipdonck, et d'autre part, en vue de procurer du travail à la classe nécessiteuse dans une partie du pays où, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, les souffrances sont si grandes. Mon insistance disparaîtrait, si M. le ministre des travaux publics voulait prendre l'engagement d'employer la somme de 300,000 fr. par exemple, avant le 1er mai prochain.

S'il consent à prendre cet engagement, je retire ma proposition ; dans le cas contraire, je la maintiens, comme protestation contre l'inactivité du département des travaux publics. J'espère que dans l'état actuel où est arrivée la discussion, la réponse de M. le ministre sera plus satisfaisante que celle qu'il m'a donnée hier. Car dans son premier discours, il n'a pas fait entrevoir la possibilité d'entamer les travaux sur l'Escaut dans un délai même éloigné.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je n'ai pas dit un mot de semblable.

M. de Villegas. - Puisque vous déniez ce que j'avance, M. le ministre, je le prouverai. Voici ce que vous avez dit :

« Messieurs, immédiatement après le vote de la loi qui a décrété le canal de Schipdonck, j'ai donné des instructions pour qu'on fît l'étude des travaux à exécuter dans la vallée de l'Escaut. J'ai chargé de ce travail l'ingénieur en chef de la Flandre orientale. Cet ingénieur a poussé son travail presque à terme, et il m'a annoncé qu'il croyait être à même de proposer pour l'Escaut, des moyens très efficaces, dont on serait généralement satisfait. Cette étude présente des difficultés réelles ; c'est ce qui a entraîné quelques retards. Mais j'ai la conviction que les travaux dans la vallée de l'Escaut pourront, d'ici à un terme rapproché, être sinon entamés, au moins discutés contradictoirement avec les intéressés. »

Vous voyez bien, messieurs, que j'avais raison de dire que nous avions perdu l'espoir d'arriver à un commencement d'exécution de travaux dans la vallée de l'Escaut, et que M. le ministre a tort de se récrier contre mon allégation. La déclaration de M. le ministre est vraiment regrettable. Quoi ! dès l'année dernière, nous mettons à sa disposition une somme considérable pour exécuter des travaux sur l'Escaut, et M. le ministre se borne à nous dire que les études ne sont pas achevées, et, après qu'elles le seront, qu'il faudra s'entendre avec les parties intéressées ! Mais de cette manière, M. le ministre, il ne dépend que de vous d'éterniser, en quelque sorte, les éludes, et de nous opposer constamment la même fin de non-recevoir. Lorsque la somme de 300,000 fr. a été votée en 1846, je suppose que vous connaissiez déjà la destination à donner à ce crédit ; sans cela, l'eussiez-vous accepté ? Le crédit pour l'Escaut a été voté après une discussion qui a duré plusieurs jours ; il faut qu'il reçoive son application.

J'ai dit hier que M. le ministre cherchait des prétextes pour ne pas exécuter la loi qui ordonne de faire des travaux pour améliorer le cours de l'Escaut. L'honorable M. de Bavay a protesté contre cette expression ; si le mot « prétexte »lui déplaît, je me contenterai de lui dire qu'il a commis une faute, en restant en défaut d'employer la somme allouée par la législature.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je commence par déclarer que je n'accepte aucunement ces protestations contre l'inactivité du gouvernement. Ces protestations sont complètement déplacées. On doit savoir, messieurs, qu'il n'est aucun ministre qui fasse tout le travail de son département par lui-même. Tout ministre doit recourir à des agents ; ces agents doivent employer d'autres agents ; de là, messieurs, il peut résulter que certains retards se produisent, sans qu'il y ait faute de la part du ministre. Ces retards sont inhérents à toute gestion des affaires publiques, et le ministre est à l'abri de reproche, lorsqu'il a fait ce qu'il pouvait faire pour activer les travaux.

Les archives de mon département établissent que, pour les travaux de l'Escaut comme pour tous les autres, j'ai pressé les ingénieurs de tous mes moyens ; si donc les projets ne me sont pas parvenus, la faute ne peut m'en être imputée. Si je venais à reconnaître que certains agents n'ont pas fait ce qui était nécessaire pour répondre à ma confiance, eh bien, messieurs, je m'adresserais à d'autres agents.

L'honorable M. de Villegas me met en quelque sorte en demeure de prendre l'engagement de commencer les travaux dans la vallée de l'Escaut d'ici au mois de mai.

Messieurs, la loi votée l'année dernière constate elle-même à quel point les travaux de la vallée de l'Escaut sont délicats, et à quel point toute innovation au régime existant dans la vallée de l'Escaut cause des préoccupations. On a poussé la précaution jusqu'à vouloir que le gouvernement ne fît rien, en ce qui concerne ces travaux, sans recourir à l'avis des administrations des villes riveraines de l'Escaut. Eh bien, messieurs, pense-t-on que le gouvernement, ainsi garrotté, ainsi vinculé, ait le pouvoir d'agir du jour au lendemain ? II faut prendre, messieurs, nos institutions telles qu'elles sont : ce sont, avant tout, des institutions de garantie, mais ce ne sont pas des institutions qui donnent au gouvernement l'action la plus large, l'action la plus prompte. On ne peut pas vouloir tout à la fois des institutions de garantie extrêmement avancées et toute la vigueur, toute la promptitude d'exécution qui pouvait être inhérente aux actes du régime impérial, par exemple.

J'activerai les travaux de la vallée de l'Escaut autant qu'il sera en mon pouvoir, mais je ne puis pas prendre l'engagement de les mettre à exécution dans un délai déterminé, d'autant plus que nous sommes en présence des questions les plus délicates, et que je ne prendrai jamais sur moi de me décider autrement qu'en pleine connaissance de cause. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - La première chose à mettre aux voix, c'est l'amendement de M. Orban.

M. de Villegas. - Ne faut-il pas commencer par la proposition que M. Dumortier a déposée ?

Plusieurs membres. - Non ! non !

M. Orban. - Messieurs, je ne m'oppose pas à ce que la priorité soit accordée à l'amendement déposé par l'honorable M. Dumortier. Je pense même que la priorité est nécessairement acquise à cette proposition, car si vous décidez, comme je l'ai proposé, que les 380,000 fr. destinés aux travaux relatifs à l'écoulement des eaux du sud de Bruges, que ces 380,000 fr. feront l'objet d'une loi spéciale, vous décidez par cela même que la somme ne recevra pas l'emploi indiqué par les honorables députés de Tournay et d'Audenarde. Il faut donc mettre d'abord aux voix celle proposition et ensuite, si elle n'est pas adoptée, passer à la mienne.

M. Dumortier. - Messieurs, la motion que nous avons faite était en quelque sorte une protestation contre la non-exécution d'une disposition de la loi votée l'année dernière, disposition qui exigeait la simultanéité entre les travaux de la vallée de l'Escaut et les travaux du canal de Schipdonck. La loi exigeait positivement cette simultanéité, et dès lors nous avons dû être fort surpris de voir qu'on exécutait les travaux relatifs à la vallée de la Lys, et qu'on ne faisait rien pour la vallée de l'Escaut.

Quoi qu'il en soit, je viens de consulter mes honorables collègues qui ont signé avec moi la proposition, et nous consentons à la retirer sauf à présenter de nouvelles observations dans la discussion du budget des travaux publics, lorsque nous nous occuperons de l'article relatif à l'Escaut.

M. le président. - Ainsi, je mettrai aux voix la proposition de M. Orban.

Des membres. - L'appel nominal.

Il est procédé à l'appel nominal.

58 membres répondent à l'appel nominal. 25 répondent oui.

30 répondent non.

3 s'abstiennent.

En conséquence, la disjonction proposée par M. Orban, n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Castiau, Delehaye, Delfosse, de Meester, de Saegher, de Tornaco, de Villegas, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Loos, Lys, Manilius, Orban, Pirson, Rogier, Thienpont, Vanden Eynde, Vandensteen et Veydt.

Ont répondu non : MM. Biebuyck, Brabant, Clep, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Lannoy, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Henot, Lesoinne, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Rodenbach, Scheyven, Van Cutsem et Vilain XIIII.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus, sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Sigart. - Je me suis abstenu, parce que je n'ai pas assisté à la plus grande partie de la discussion.

M. de Garcia.- Je n'ai pas non plus assisté à la plus grande partie de la discussion ; je n'ai pu dès lors me former une opinion sur ce point.

M. Desmaisières. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que, reconnaissant d'une part la nécessité et l'urgence d'exécuter des travaux pour l'écoulement des eaux du sud de Bruges, je n'ai pas voulu voter en faveur de la disposition ; mais, d'un autre côté, je n'ai pas voté contre la disposition, parce que les explications, données par M. le ministre des travaux publics sur les deux questions que j'ai posées, ne m'ont pas paru satisfaisantes.

Des membres réclament la parole sur l'article 3.

M. le président. - Mais la discussion a été close sur l'article 3 et sur les amendements. La chambre veut-elle rouvrir la discussion sur l'article 3 ?

De toutes parts. - Non ! non !

(page 1020) M. le président. - En ce cas, je vais mettre l'article aux voix ; mais je demanderai d'abord à M. le ministre des travaux publics s'il se rallie aux amendements de la section centrale.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois pouvoir me rallier aux amendements proposés par la section centrale. Il est très vrai que le sud de Bruges se trouve par ces amendements appelé en quelque sorte à un double concours ; il devra concourir pour sa part au remboursement du quart des frais de construction du canal de Zelzaete imposé aux divers intéressés par la loi de 1842.

Il est à observer à cet égard que le sud de Bruges aurait à la rigueur un écoulement complet par les canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende si l'on y sacrifiait constamment la navigation ; mais le sud de Bruges ne peut pas avoir cette prétention. Evidemment il serait toujours dans la position où il est aujourd'hui, d'être sacrifié, dans certains moments, à la navigation et, dans d'autres, d'obtenir que la navigation lui fût sacrifiée. Il y a pour le sud de Bruges avantage réel à conduire ses eaux au canal de Zelzaete ; il y a équité à ce que les propriétaires qui profiteront de ces travaux participent, par le concours, à leur exécution comme cela a eu lieu pour le canal de Zelzaete. Ces travaux sont estimés à 380 mille francs. Ils sont mixtes, ils ont un but d'intérêt général très évident, puisqu'ils doivent contribuer puissamment à l'amélioration des deux canaux. De ce chef, le gouvernement pourra supporter une part notable de la dépense, il restera à apprécier quelle sera la part à imposer aux intéressés. La rédaction proposée par la section centrale fait une réserve qui permettra à la chambre de trancher ultérieurement cette question en pleine connaissance de cause.

Plusieurs membres demandent la parole.

M. le président. - La discussion a été close, il nous reste à voter sur l'article 3 proposé par la section centrale.

M. Delehaye. - Je demande la parole pour une motion d'ordre ; je demande à parler sur la question dont M. le ministre des travaux publics vient d'entretenir la chambre. Si les choses sont arrivées à ce point qu’un membre, ne puisse pas prendre la parole sur l'article 3, M. le ministre ne pouvait pas le faire davantage. MM. les ministres n'ont d'autre avantage sur nous que d'obtenir la parole quand ils la demandent tant que la discussion n'est pas fermée ; quand la discussion est close pour nous, elle l'est également pour les ministres, et quand un ministre parle sur une question il est permis à chacun de nous de lui répondre.

Je demande la parole pour répondre à M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Malou). - La chambre vient de décider que la discussion était close sur l'article 3 et sur les amendements qui s'y rattachent. On a demandé à M. le ministre des travaux publics s'il se ralliait aux amendements de la section centrale ; il a répondu affirmativement, il en a dit les motifs ; il ne s'ensuit pas qu'on doive rouvrir la discussion sur l'article 3.

M. Delehaye. - Je suis prêt à accepter les raisons données par M. le ministre des finances, quelque réserve qu'il ait mise dans ses explications.

Je me permettrai d'adresser à M. le ministre une interpellation qui lui procurera le moyen de rallier beaucoup de voix à son projet.

Il nous a dit qu'il avait consulté plusieurs ingénieurs, je lui demanderai s'il a consulté l'ingénieur de la Flandre orientale ; il me répondra que non ; je lui demanderai alors pourquoi il ne l'a pas consulté, attendu que cet ingénieur est le plus capable de décider ces sortes de questions. (Interruption.)

On me dit qu'il n'a rien à faire dans la Flandre occidentale ; mais comme la Flandre orientale est intéressée dans les travaux qu'on veut exécuter, il m'est permis de faire cette question.

M. de Roo. - Voyez le rapport.

M. Delehaye. - Je pense que par cela même que vous avez besoin de notre vote, il m'est permis de vous faire cette question. Je demande pourquoi l'ingénieur de la province la plus intéressée dans la question n'a pas été consulté ?

M. Manilius. - Je demande à répondre à l'interpellation de l'honorable M. Delehaye.

M. le président. - La discussion est close.

- L'article 3 proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Un crédit de sept cent vingt mille francs (fr. 720,000) est ouvert au même département, pour les premiers travaux de la deuxième section du canal de Zelzaete à la mer, comprise entre Damme et Saint-Laurent. »

M. Desmet. - Messieurs, je fais compliment à la chambre : nous sommes arrivés au dernier article qui va allouer une si forte somme pour procurer du travail aux pauvres qui en ont tant besoin. Je suis désolé que le sénat soit ajourné et ne puisse pas voter le projet de loi, de manière qu'on puisse employer immédiatement les crédits qu'il ouvre au gouvernement.

Je demanderai à M. le ministre, si les adjudications pour ces travaux sont déjà faits, parce que si elles ne l'étaient pas, je l'engagerais à les faire exécuter en régie. En voici le motif ; c'est que je désirerais que les ouvriers qui sont dans le besoin pussent avoir une journée complète.

Je crains que les entrepreneurs ne profitent de l'occasion pour ne leur donner qu'une partie de leur journée. Je félicite les contrées qui vont pouvoir donner du travail à leurs pauvres. Bruges, Thielt, Eecloo, vos pauvres vont être soulagés !... Ne puis-je pas demander quelque chose pour les autres parties du pays ? Nous avons 12 millions qui dorment dans la caisse des cautionnements, qui ne font rien ; s'ils étaient à la disposition du gouvernement, il ne tarderait pas à donner de l'ouvrage à ceux qui en manquent. Je supplie à genoux M. le ministre d'examiner s'il n'y a pas moyen de laisser travailler les sociétés avec les millions qui dorment dans les caisses.

A chaque instant on demande du travail, et les sociétés demandent à travailler. La société du Luxembourg vous dit : Accordez-nous quelques facilités et nous allons mettre trois mille hommes à l'ouvrage aux portes de Bruxelles. Ce n'est pas le moment d'avoir des scrupules de légalité ; il faut donner de l'ouvrage aux malheureux coûte que coûte ; si les travaux continuent à faire défaut, vous devrez accorder des subsides pour les empêcher de périr de faim. Ce n'est pas pour les Flandres seules que je parle ; car dans tout le pays, qui s'étend d'Enghien à Grammont, d'après les lettres que je reçois la misère est telle qu'on ne peut l'envisager sans trembler, sans frémir.

Je demande. pour l'amour de Dieu, qu'on soulage la misère des pauvres, qu'on fasse une proposition à la chambre pour être autorisé à employer les millions qui dorment dans la caisse des consignations. Je le demande avec instance.

- L'article 4 est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Ces dépenses seront provisoirement couvertes au moyen d'émissions de bons du trésor. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 52 membres qui ont pris part au vote, deux membres (MM. Sigart et de Garcia) s'étant abstenus, parce qu'ils n'ont pas assisté à la discussion.

Ont pris part au vote : MM. Eloy de Burdinne, Fleussu, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries,. Mercier, Nothomb, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII, Biebuyck, Brabant, Clep, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Huart, Donny, Dubus (aîné) et Dumont.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la marine

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. Mast de Vries sur l'ensemble du projet de loi.

M. Mast de Vries. - Dans la discussion du budget de la marine, j'ai demandé des renseignements sur les recettes et les dépenses du passage d'eau d'Anvers à la Tête-de-Flandre et d'Anvers à Tamise. Ces renseignements se trouvent à la page 9 du rapport (annexe 2.) Si vous voulez y jeter les yeux, vous reconnaîtrez que l'opération que fait là le gouvernement est une des plus piètres opérations qu'il ait jamais faites. En effet, il résulte des renseignements donnés par le gouvernement qu'en six années la recette s'est élevée à 255,265 francs 32 centimes et la dépense à 248,609 fr. 83 c, sans compter une dépense annuelle de 50 à 60 mille fr. pour usure de trois bateaux à vapeur. Le gouvernement peut-il continuer à allouer une pareille prime pour ces passages d'eau ?

Autrefois, c'était la ville d'Anvers qui affermait ce passage d'eau et elle en tirait un très gros bénéfice. Aujourd'hui il y a là annuellement, pour le gouvernement, une perte de 50 à 60 mille francs. Voilà une première observation.

J'ai une seconde observation à faire à M. le ministre de la marine ; elle concerne le service de la Tamise à Anvers. Il existe une demande de concession de chemin de fer par Boom sur Malines, qui paraît être favorablement accueillie et qui rendrait inutile le service d'Anvers à Tamise, car si cette ligne de chemin de fer était arrêtée, on se rendrait directement de Tamise sur Malines ; on ne prendrait plus la voie d'Anvers pour venir à Bruxelles et dans les autres parties du pays.

Le bateau à vapeur, une fois le chemin de fer établi, sera à peu près inutile. A présent que la demande de concession de ce chemin de fer est faite et qu'elle pourrait obtenir l'assentiment du gouvernement, je demande à M. le ministre s'il ne croit pas que le service d'Anvers à Tamise deviendra à peu près un hors-d'œuvre.

Je dis que, dans tous les cas, ce service coûte beaucoup trop cher au gouvernement ; il lui coûte 50 à 60,000 fr. par an.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'honorable M. Mast de Vries croit que le service d'Anvers à Tamise est onéreux à l'Etat et deviendra inutile, lorsqu'une concession de chemin de fer dont il a parlé sera accordée par la législature.

Je ferai d'abord une remarque générale. Je pense que l'utilité du service pour le passage de l'Escaut d'Anvers à la Tête-de-Flandre ne sera pas contesté par la chambre. Le gouvernement est tenu par la loi de frimaire an VII de maintenir en bon état les passages d’eau ; et le passage d'Anvers est le plus important du pays. Or, pour que le passage d'Anvers à la Tête-de-Flandre puisse être convenablement desservi, il faut deux bateaux : le second servant de bateau de rechange pour remplacer l'autre pendant les chômages que nécessitent, deux ou trois fois par mois, la réparation des machines et le nettoiement des chaudières.

Ainsi, en supposant un moment que le service de Tamise dût être abandonné comme inutile, encore faudrait-il un second bateau à vapeur (page 1021) pour le passage de l'Escaut. C'est ainsi que la chambre en a jugé en 1842, lorsqu'elle a alloué les fonds nécessaires pour la construction d'un second bateau à vapeur.

Mais, messieurs, le service de Tamise a son utilité spéciale. On emploie le bateau de réserve à ce service, afin de l'utiliser mieux.

Je n'ai pas fait le total des chiffres qui se trouvent à l'annexe 2 du rapport de l'honorable baron Osy ; mais, d'après le calcul fait par l'honorable M. Mast de Vries, les recettes monteraient à 255,000 fr. environ et les dépenses à 248,000 fr. Il en résulte que les recettes excèdent les dépenses d'exploitation de près de 7,000 fr. Ce service n'a donc pas été onéreux à l'Etat.

Le service de Tamise a d'ailleurs, je le répète, une utilité spéciale. Les populations riveraines de l'Escaut et du Ruppel, éloignées de tout chemin de fer, sont dans un état d'isolement, et leurs relations avec Anvers sont fréquentes. Le gouvernement a donc fait un acte de bonne administration en employant le bateau de réserve à un service sur Tamise pour lequel la province d'Anvers et la ville de Tamise se sont imposé des sacrifices.

Mais, je le répète, en supposant un moment, ce qui n'est pas, que ce service de Tamise n'eût pas toute l'utilité que je lui attribue, encore faudrait-il allouer la somme demandée pour la construction d'un second bateau à vapeur, dans le but de desservir le passage de la Tête-de-Flandre à Anvers.

M. Mast de Vries. - Messieurs, je suis loin de vouloir contester qu'il faille faire un nouveau bateau à vapeur ; je suis loin de contester l'utilité du passage d'eau de la Tête-de-Flandre. Mais ce que je demande, c'est que le gouvernement avise à ce qu'il y aurait à faire pour qu'au moins les frais du passage fussent couverts par les péages.

Je viens de vous dire que, sur les six dernières années, l'excédant des recettes n'avait été que de 6,000 fr. Et encore cet excédant de recette n'est-il pas réel, puisque plusieurs employés sont payés sur d'autres allocations. Je dis que vous avez en outre l'usure des bateaux ; et si je tiens compte de ces frais d'usure pendant les six dernières années, je trouve que le service coûte à l'Etat 40 à 50 mille francs par an.

Je demande s'il n'y aurait pas moyen d'augmenter quelque peu les péages, qu'on a rendus tellement minimes qu'ils sont presque nuls, et de faire en sorte que le gouvernement rentre dans ses dépenses ? C'est ce que nous tâchons de faire pour le chemin de fer, pour toutes les entreprises. Il est évident qu'ici vous ne retirez rien pour couvrir les frais de matériel, et que lorsqu'il faut remplacer un bateau à vapeur, vous devez recourir à une nouvelle demande de fonds.

M. Loos. - Messieurs, le rapporteur de la commission qui a examiné le projet, mon honorable collègue et ami, M. le baron Osy, ayant dû s'absenter, par suite de la maladie de l'un des siens, et n'étant pas ici pour répondre aux observations de l'honorable M. Mast de Vries, je tâcherai de le faire moi-même.

L'honorable M. Mast de Vries ne conteste pas, je crois, l'utilité du service entre Anvers et Tamise ; seulement, si j'ai bien compris, il voudrait que cette exploitation fût desservie avec plus d'économie ou que le prix des places fût augmenté ; en un mot, il voudrait que la recette fût plus forte.

Messieurs, à l'occasion de la discussion du budget des affaires étrangères, j'ai eu occasion de vous dire que lorsque pour la première fois le besoin de communications plus rapides s'était fait sentir entre Anvers et Tamise, une compagnie s'était présentée pour exploiter cette même ligne, mais que le gouvernement avait pensé qu'il était prudent, dans l'intérêt du chemin de fer, de réserver cette entreprise à l'Etat.

On ne peut méconnaître, messieurs, que le service des bateaux à vapeur entre Anvers et Tamise amène au chemin de fer des recettes importantes. Si cette communication rapide entre les deux localités n'existait pas, le chemin de fer serait privé de recettes considérables qu'il fait aujourd'hui.

Faut-il, messieurs, tuer la poule aux œufs d'or ? Faut-il, en augmentant le prix des places, diminuer l'importance des communications ? Faut-il suivre pour ce service un autre système que pour le chemin de fer, qui ne rapporte pas non plus l'intérêt des capitaux engagés ? Je ne le crois pas. Je pense qu'élever les péages, ce serait enlever au chemin de fer des revenus considérables, et qu'au lieu de voir augmenter la recette vous la verriez diminuer.

Je pose en fait, messieurs, que depuis que le service des bateaux à vapeur est organisé, les communications entre Tamise et Anvers ont plus que doublé ; et je crois que ces communications ne feront qu'augmenter.

Quant aux frais d'exploitation, je suis un des plus intéressés, comme représentant du district d'Anvers, à y voir introduire toutes les économies possibles, toutes les économies compatibles avec la célérité du service et les besoins qu'il réclame. Je ne puis indiquer à M. le ministre quelles sont les économies à introduire ; je pense qu'il est à cet égard meilleur juge que moi, mais je déclare que je verrai toujours avec plaisir introduire des économies dans toutes les parties du service.

Si, messieurs, l'entreprise du service des bateaux à vapeur n'a pas produit immédiatement les résultats sur lesquels l'honorable M. Mast de Vries comptait, je crois pouvoir lui assurer qu'avant peu les recettes seront considérablement augmentées. Lorsque le chemin de fer entre Anvers, on plutôt entre la Tête-de-Flandre et Gand, sera complétement achevé, et je crois qu'il le sera cette année, il est évident que le passage entre Anvers et la Tète-de-Flandre deviendra infiniment plus important, et que par suite les recettes seront beaucoup plus considérables.

- Personne ne demandant plus la parole sur l'ensemble du projet, la chambre passe à l'examen des articles.

Discussion des articles et vote sur l’ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au budget de la marine de l'exercice 1847, un crédit de cent vingt-cinq mille francs (fr. 125,000), destiné à la construction d'un bateau à vapeur pour le passage de l'Escaut.

« Ce crédit formera l'article 2 du chapitre VI. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 50 membres présents.

Ce sont : MM. Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu. Kervyn, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Nothomb, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Veydt, Vilain XIIII, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Meester, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Huart, Donny et Dubus (aîné).

La séance est levée à 4 heures et quart.