(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 955) M. Van Cutsem fait l'appel nominal à midi 3/4.
M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Van Cutsem présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le comte Walery de Rottermund, propriétaire à Spa, né à Pustomyty (Pologne), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Plusieurs médecins vétérinaires, à Hasselt, prient la chambre de discuter, pendant la session actuelle, les projets de loi sur l'enseignement agricole, sur l'exercice de la médecine vétérinaire et sur l'organisation de l'école vétérinaire de l'Etat. »
- Renvoi aux sections centrales chargées d'examiner ces projets.
« Par message, en date du 26 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le budget de la justice. »
- Pris pour notification.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l'honorable M. Rogier, dans le discours qu'il a prononcé à la fin de la séance d'hier, a paru croire que les propositions soumises à la chambre par le gouvernement avaient été dictées par l'idée de faire, au profil du trésor, ce qu'il a appelé avec raison un petit bénéfice. Toute la discussion, tous les motifs qui ont été allégués par l'organe du gouvernement et par d'autres membres de la chambre font voir que la question de bénéfice s'efface complétement, est nulle à nos yeux ; qu'il s'agit en réalité ici d'une question d'utilité générale, d'intérêt public.
Depuis l'origine de ces débats comme auparavant, je n'ai jamais ni cherché ni calculé quel pouvait être le bénéfice pour l'Etat, et si le bénéfice était réel. L'honorable M. Osy avait indiqué le chiffre de 300,000 fr. à peu près ; je l'ai accepté sans même le contrôler. Ecartons du débat cette question mesquine ; elle ne peut pas agir sur l'esprit de la chambre, comme elle n'a pas agi sur les déterminations du gouvernement.
Il faut savoir s'il est de l'intérêt du pays de fabriquer en Belgique une certaine quantité de monnaie d'or nationale, et, en second lieu, ainsi que je l'ai déjà rappelé, en quels termes la loi doit être conçue pour qu'elle reçoive son exécution.
On a parlé encore hier de la fausse monnaie, de l'altération des monnaies. Mais veuillez remarquer, messieurs, que d'après l'opinion émise par certains membres, on n'aurait à aucune époque fabriqué de la monnaie vraie, on aurait toujours et partout altéré la monnaie.
Lorsqu'on fabrique une monnaie, c'est pour qu'elle continue à être un agent des échanges ; ce n'est pas pour que, le lendemain de la fabrication, elle devienne une marchandise, on passe au creuset. Il résulte de là que si l'on veut avoir réellement une monnaie, il doit y avoir entre la valeur échangeable de la monnaie et sa valeur intrinsèque, une différence quelconque. Voici, en effet, comment on a procédé : Au moyen-âge, il y a quelques siècles, la valeur relative de l'or et de l'argent, était à peu près de 12 à 1, c'est-à-dire qu'un kilog. d'or valait 12 kilog. d'argent.
Aujourd'hui un kilog. d'or vaut à peuples 16 kilog. d'argent. Dans l'intervalle qu'est-il arrivé ? La monnaie d'or a été plusieurs fois refondue pour mettre la valeur légale en rapport avec la valeur commerciale ou intrinsèque. Je ne veux pas remonter aussi loin, mais voici des faits qui se sont passés en France depuis un siècle et demi. En 1726, le rapport légal, en France, entre l'argent et l'or était de 1 à 14. On a frappé, de 1726 à 1785, 986 millions d'or et 2,042 millions d'argent.
(page 956) La proportion, comme vous le voyez, est restée constante jusqu'à un certain point ; au moins la perturbation n'a pas été assez grande pour faire disparaître l'une ou l'autre de ces monnaies.
En 1785, la proportion a été fixée de 1 à 15 1/2, c'est-à-dire qu'en 1785, on a augmenté (et cette proportion a été maintenue par la loi de germinal an XI) la valeur légale du kilog. d'or de 300 fr.
Ce n'était pas une altération de la monnaie. C'était seulement la reconnaissance de ce fait que les rapports étaient changés, que pour avoir de la monnaie d'or, il fallait avoir égard à ce fait. La loi française a mis la monnaie d'or en rapport avec la valeur commerciale.
Depuis lors, on n'a pas changé la proportion légale. Comme on n'a pas en égard aux faits, la monnaie d'or a cessé d'être monnaie ; elle est devenue marchandise, et a été constamment en dehors des véritables fonctions d'un agent de la circulation.
Lorsqu'en 1816 il s'est agi de fabriquer de la monnaie d'or dans les Pays-Bas, on a augmenté de nouveau la valeur légale du kilog., précisément parce qu'il était établi que le rapport de 1 à 15 1/2 entre l'argent et l'or n'existait plus. On a porté alors la valeur du kilog. d'or à 3,495 francs ; c'est-à-dire qu'on a fait, comparativement à la loi de germinal an XI, en l'espace de 15 ans une augmentation de 50 fr. 70 c.
Depuis 1816, l'écart de la valeur a encore augmentent l'on est arrivé à ce point que la fabrication des pièces de 10 fl., dans les conditions de la loi de 1816, est devenue souvent impossible.
Lorsque la loi fixe la valeur légale de l'or et qu'elle tient compte des faits, il n'en résulte donc pas une altération de la monnaie, mais la valeur de la monnaie d'or est mise en rapport avec la valeur commerciale. (Interruption.)
L'honorable M. Pirmez me fait observer que c'est relativement à l'argent. Sans doute quand je parle ici de la valeur de l'or, ce n'est que relativement à l'argent. Je n'ai jamais entendu employer ces expressions dans un sens absolu. Il est évident que ces deux valeurs ne sont que relatives ; pour avoir une idée exacte de la valeur, il faudrait savoir ce que l'or et l'argent représentent d'autres objets.
Si la chambre me permettait cette digression, je dirais que la valeur de l'or et de l'argent relativement à d'autres objets a changé dans des proportions bien autrement considérables.
En faisant quelques recherches j'ai appris, par exemple, que les ouvriers employés à la construction de la cathédrale de Strasbourg recevaient un salaire de 4 centimes, c'est-à-dire, qu'on leur donnait, pour rémunérer le travail, une quantité d'argent équivalente à 4 cent. Le prix du blé était alors d'un à deux francs l'hectolitre.
Ce fait prouve combien les évaluations changent rapidement.
Cette digression terminée et la question de la valeur relative de l'or et de l'argent étant éclairée, il ne reste plus en réalité qu'à définir les conditions légales de la création d'une monnaie d'or.
Puisque tous nous sommes d'accord pour maintenir le titre monétaire de 9/10, à quel poids devons-nous émettre cette monnaie, pour qu'elle puisse conserver la fonction que nous voulons lui assigner, pour qu'au moins elle ait une certaine durée ?
J'avais pensé qu'on pouvait émettre de la monnaie d'or au prix de 3,527 fr. 77 c. le kilog., soit à une valeur à peu près égale à celle que représente l'or dans le commerce, lorsque la livre sterling est au cours de 25 fr. 80 c. Je veux bien reconnaître que nous pouvons nous rapprocher davantage de la valeur commerciale, faire la part de ce que j'appellerai des préjugés (permettez-moi l'expression), et restreindre la possibilité, quant au temps et quant à la quantité, de fabriquer de la monnaie d'or. J'irai même plus loin que la majorité de la commission de 1846, et j'espère qu'en faisant ce pas dans la voie de la conciliation, j'aurai facilité la solution de cette question difficile.
Messieurs, permettez-moi de m'arrêter un instant à l’examen des deux tableaux qui se trouvent joints au n°250 des documents parlementaires (Rapport de la commission de 1846). Vous y voyez, mise en rapport avec la possibilité de la fabrication et avec la refonte, le montant de la prime d'or, d'après le taux fixe de Paris, de 3,434 fr. 44 c.
Dans le système du projet primitif, l'on pouvait fabriquer en Belgique de la monnaie d'or, lorsque la prime n'atteignait pas 21 1/2 ; dans le système de la commission de 1816, on cessait de pouvoir en fabriquer, lorsque la prime atteignait 17 1/2.
Je proposerai, à l'article 5 du projet, de substituer au poids de 7 grammes 874 millig. le poids de 7 grammes 905 millig. Pour les pièces de 10 fr., le poids serait 5 grammes 162 millig. De cette manière, l'on aurait au kilog. 126 1/2 pièces de 25 fr., et le prix d'émission du kil. d'or fin serait de 3,513 88 et 88 centièmes de centime. La fabrication serait possible, aussi longtemps que la prime ne serait que de 16 1/2 ; d'après les variations constatées récemment, on pourrait fabriquer de la monnaie d'or en Belgique pendant quelques mois, de temps en temps. Si on descend plus bas, on aura fait une chose inutile ; mieux vaut ne pas faire de loi que d'avoir une loi à l'état de lettre morte, dont l'exécution est à jamais impossible.
Dans les discussions précédentes, j'ai négligé de répondre à une observation qui aura pu faire quelque impression à la chambre. La pièce de 25 fr., dit-on, ne rentre pas dans le système décimal. Sans doute, nous devons nous tenir au système décimal autant qu'il est possible. Mais quelle est la législation française, et quelle est notre législation ? Quels sont les faits qui se produisent en Belgique ? En l'an XI, quand on a établi le système français, on a admis la pièce de 40 fr. La pièce de 40 fr. n’est pas du tout décimale, tandis que celle de 25 fr. l'est jusqu'à un certain point.
En présence des faits, peut-on s'arrêter à cette objection ? Nous avons en Belgique pour base de notre monnaie le franc de 5 grammes d'argent aux neuf dixièmes ; nous avons ensuite la pièce de 10 florins qui appartient à un système décimal établi sur d'autres bases. La pièce de 25 fr. n'est-elle pas préférable dans les échanges à la pièce de 10 fl. que nous avons, et que nous conserverons si nous ne faisons pas d'or belge.
La pièce de 5 fr. n'a-t-elle pas l'utilité du système décimal, la même facilité de numération, quelques pièces de cette taille ne forment-elles pas toutes sommes décimales !
Je prie la chambre d’ordonner l'impression de la nouvelle proposition que je viens de lui soumettre afin de simplifier le débat.
Qu'il me soit permis de m'arrêter un moment à la question soulevée dans la séance d'hier par les honorables MM. Cans et Rogier. Le système de circulation d'un pays n'est pas créé arbitrairement, il est fondé non seulement sur sa position géographique, mais sur ses habitudes ; et ces habitudes elles-mêmes ne sont pas arbitraires non plus, elles sont la conséquence de besoins qui se font jour dans la nation.
L'unité du système monétaire en Europe est une grande idée ; malheureusement l'exécution en est impossible, La force des choses a amené en Europe deux intérêts principaux qui continueront à maintenir la différence monétaire. L'unité monétaire entre l'Angleterre et la France (pour formuler mon idée en fait) est une chose impossible. L'Angleterre a et conservera le système d'or, comme la France a et conservera le système d'argent.
La circulation des papiers-monnaies n'est pas non plus arbitraire. Vous ne pouvez pas du jour au lendemain, ni même par une longue série d’efforts, changer les habitudes d'une population quant à la circulation du papier.
L'expérience qu'ont faite diverses nations est très éloquente ; sous ce rapport, je voudrais comme l'honorable M. Rogier, que la circulation du papier de crédit eût une plus grande importance. Je voudrais que nous pussions nous rapprocher des habitudes françaises, et même des habitudes de l'Angleterre où la proportion est infiniment plus considérable qu'en France.
Mais comment peut-on arriver là ? Rendons-nous compte d'abord des motif pour lequel on accepte diverses espèces de papier. On ne les accepte pas, parce que la loi l'ordonne, mais parce qu'il y a confiance. On y a confiance à raison des garanties qu'il offre, à raison de la facilité de l'échange de ce papier contre du numéraire.
L'honorable membre disait hier que nos bons du trésor étaient des assignats, pires même que des assignats.
Mais non, il n'y a aucune ressemblance entre nos bons du trésor et les assignais. Il n'y en a qu'une, c'est la représentation par des morceaux de papier. Mais sous tout autre rapport la différence est complète. Les bons du trésor sont des emprunts à terme, sauf la durée, ils sont de la même nature que les titres de notre dette. Le porteur sait qu'il recevra l'argent au jour de l'échéance.
Un membre. - S'il y en a.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Oui, s'il y en a. Mais le porteur sait qu'il y a pour le gouvernement engagement d'honneur à ce que l'argent y soit. Je considérerais comme le plus grand malheur, comme une espèce de banqueroute que l'argent n'y fût pas le jour de l'échéance.
On accepte les bons du trésor, parce qu'on est assuré d'en recevoir le montant le jour de l'échéance ; et parce qu'ils portent intérêt. Mais émettez des bons du trésor sans intérêt, on ne les acceptera pas.
Lorsque les bons du trésor émis à l'intérêt de 2 1/2 ou 3 p. c. n'ont pas trouvé de preneurs, lorsqu'ils n'en ont pas trouvé à l’intérêt de 4, taux fixé au mois d'octobre, comment en trouveraient-ils lorsqu'ils seraient émis sans intérêt !
Voici donc deux différences entre les bons du trésor et les assignats.
Il y en a une troisième, c'est que l'acceptation des bons du trésor est tout à fait volontaire. En prends qui veut, tandis que le papier-monnaie emporte avec lui l'idée d'une circulation forcée.
Si j'admets ces trois différences, les seules qu'il me soit possible de saisir à l'œil nu, quelle analogie y a-t-il entre les assignats et les bons du trésor ?
Les billets de banque ! Pourquoi les accepte-t-on ? Parce qu'on a confiance dans les établissements qui les émettent, parce qu'il y a une réserve de numéraire dans tout système de banque bien organisé, et qu'on est sûr de les échanger contre du numéraire, non à une échéance fixe, mais à tout moment, lorsqu'on le veut.
Emettez des bons du trésor qui ne donnent pas d'intérêt, qui ne soient pas échangeables du jour au lendemain contre du numéraire, qui soient simplement acceptés en payement, ce sera réellement une émission de papier-monnaie ; c'est-à-dire, que la conséquence d'une telle émission sera de forcer à l'accepter.
Je m'étonne, et vous aurez été étonnés, comme moi, de voir que l'honorable M. Rogier, qui avait trouvé une espèce de dol fait au public dans la différence de 10 centimes, d'après la nouvelle proposition, sur les pièces d'or de 25 fr. entre la valeur commerciale et la valeur légale de la monnaie d'or, propose d'émettre des bons, des morceaux de papier qui seraient de la monnaie.
Les auteurs que j'ai pu consulter disent que l’émission du papier-monnaie est le « dernier terme de l'altération de la monnaie ». Ce sont leurs propres expressions, et elles sont très exactes.
On est donc amené à donner un cours forcé à un effet de cette nature. La loi l'a fait quelquefois à des époques fâcheuses. La loi décidait bien qu'on était obligé d'accepter ce papier ; mais les intérêts, les habitudes (page 957) plus fortes que la loi tarifaient le papier-monnaie, dont la circulation était forcée, et la décroissance de la valeur prenait des proportions effrayantes.
Lorsqu'on a émis du papier-monnaie, on l'a toujours fait, avec l'intention de ne pas dépasser certaines limites, avec la ferme volonté d'y assigner un gage certain. Consultez l'histoire ; vous verrez que partout, par des motifs différents, on a été entraîné bien au-delà.
Dans mon opinion, la création du papier-monnaie, de la manière proposée par l'honorable M. Rogier, est impossible. Elle doit être repoussée en Belgique.
Peut-être y a-t-il des mesures à prendre directement ou indirectement pour que la circulation des papiers de crédit garantis par une réserve métallique, des billets de banque, par exemple, prenne plus de développement.
Sous ce rapport, je crois qu'il y a quelque chose à faire. Mais ce ne peut être la création d'un papier-monnaie, c'est-à-dire d'un papier avec circulation forcée.
On me demande de m’expliquer. Je réponds que l'on pourrait, par exemple, perfectionner le système des banques, l'organiser de telle sorte que la circulation de leurs billets ne soit plus restreinte à deux ou trois grands centres d'affaires, mais qu'ils soient généralement acceptés, comme en Angleterre.
L'honorable M. Cans a indiqué un amendement à l'article 7. Il voudrait que l'on gravât sur les pièces le titre et le poids. C'est une chose très insolite et toute nouvelle.
Ce serait graver sur les pièces de monnaie un extrait de la loi belge ; or notre loi est rendue publique ; nos pièces sont frappées conformément à la loi. Il n'est pas de banquier qui ne possède le tarif indiquant le poids et la valeur intrinsèque de toute espèce de monnaie qui se fabrique dans le monde.
Je crois donc l'amendement inutile.
Je doute si l'exécution en est bien possible en fait, eu égard au diamètre des pièces et à l'inscription qu’il faudra y graver.
Ce doute, jusqu'à ce que nous soyons arrivés à l'article 7, je m'efforcerai de l'éclaircir.
Je ne me prononce pas d'une manière absolue contre cet amendement ; je dis seulement que c'est imprimer sur la monnaie belge un extrait du Bulletin officiel.
Il est un dernier changement sur lequel je dois dire un mot à la chambre. On a craint la fabrication d'une trop grande quantité de monnaie d'or. Depuis la discussion, et depuis, notamment, que j'ai évalué le chiffre de la circulation intérieure à 200 millions environ, il m'a été fait des objections. En Belgique, comme ailleurs, les opinions sont diverses sur le montant total de la circulation. Je crois donc, messieurs, qu'au lieu de dire qu'il sera fabriqué 25 millions d'or, et d'ajouter provisoirement, ce qui suppose d'autres fabrications, on pourrait dire : « Il sera fabriqué des pièces d'or de 10 et de 25 fr. jusqu'à concurrence de 20 millions de francs. »
Un membre. « Il pourra être fabriqué ». Sans cela vous seriez obligé de fabriquer 20 millions.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Aucune loi monétaire n'est conçue en ce sens ; toutes les lois disent : « La monnaie sera fabriquée en de telles conditions. » Naturellement le gouvernement aura à choisir les moments opportuns pour la fabrication, les moments où le prix de l'or ne sera pas trop élevé.
M. Osy. - Comme je l'avais prévu hier, M. le ministre des finances, par la proposition qu'il vient de faire, se rapproche déjà un peu du système hollandais ; mais cependant la différence est encore très grande. En 1832, dans la discussion de la loi monétaire en sections, j'ai manifesté le désir que l'on conservât le système de l'or, c'est-à-dire que l'on fit des pièces soit de 20 francs, soit de 25 francs, mais dont la valeur fût proportionnellement la même que celle des pièces de 10 florins, d'après la loi de 1816, qui a subi un léger changement en 1839. Personne alors ne voulait entendre parler de fabriquer de l'or selon le système hollandais ; le temps a fait justice de ce préjugé et aujourd'hui on ne s'arrête plus même au système hollandais ; mais M. le ministre des finances, par la proposition qu'il vient de faire, diffère encore de 19 francs par kilog. de ce système.
Messieurs, j'ai examiné ce que, depuis 1830, la France a fabriqué de monnaie d'or en vertu de la loi de 1803 qui est la même que notre loi de 1832. Eh bien, depuis 1830 jusqu'en 1845, la France a fabriqué pour 220 millions de pièces de 20 francs, et il y a une année où elle a fabriqué jusqu'à 49 millions. Voici quels ont été les chiffres de la fabrication pour quelques-unes des années de 1830 à 1845 : 1831 : 49 millions ; 1834 : 30 millions ; 1839 : 20 millions ; 1840 : 41 millions ; 1842 : 12 millions.
Vous voyez donc, messieurs, que la France peut très bien fabriquer de la monnaie d'or avec un système conforme à celui de notre loi de 1832.
J'ai également examiné ce qu'on avait fait dans le royaume des Pays-Bas en vertu de la loi de 1816. Nous n'avons jusqu'à présent des pièces officielles que jusqu’à l’année 1828 ; mais depuis 1825, époque où l'on a commencé à exécuter la loi de 1816, jusqu'en 1828, c'est-à-dire en trois ans, on a fabriqué pour 108,673,920 florins de pièces d'or. Ainsi, messieurs, en vertu de la loi de 1816, beaucoup plus favorable au public que ce que propose M. le ministre des finances, on a pu fabriquer en trois ans pour plus de 108 millions de florins de pièces d'or, et en France avec une loi beaucoup plus favorable encore au public, on a pu frapper en 15 ans pour 220 millions de pièces d'or.
Il m'est donc impossible, messieurs, d'accepter les chiffres que propose M. le ministre des finances.
Il est vrai que, depuis 1825, nous sommes habitués à faire nos payements, soit en pièces de 10 fl., soit en pièces de 5 fr. ; tous ceux qui ont des engagements peuvent se libérer avec des pièces de 10 fl.et avec des pièces de 5 fr.. Je pourrais donc, pour me montrer aussi conciliant que M. le ministre, accepter un système de pièces de 5 fr. qui eussent juste la même valeur, proportionnellement, que les pièces de 10 fl. M. le ministre nous dit que nous ne pourrions pas fabriquer de semblables pièces, mais je le prierai de voir le tableau qui se trouve à la page 11 du rapport de la commission de 1846 ; il y trouvera la preuve qu'en adoptant le système hollandais, il peut fabriquer de la monnaie d'or même quand l'agio de l'or est à 12fr., qu’alors non seulement les frais de monnayage sont payés, mais qu'il reste encore 10 fr. pour le change, et la commission qu'il y a à supporter lorsqu'on achète de l'or à Paris. Eh bien, en ce moment l'or est à Paris à 8 fr., de sorte que si la proposition que j'indique était convertie en loi, si on pouvait l'exécuter immédiatement, il y aurait encore une marge de 4 fr., c'est-à-dire de près d'un demi pour cent.
Quant à moi, je suis persuadé que si nous adoptions le système hollandais nous pourrions frapper de l'or pendant tout le courant de l'année, car l'or qui était en 1845 et en 1846 a 14 et 15 fr. en moyenne est tombé maintenant, je le répète, à 8 fr., parce que l'Angleterre, par le besoin de denrées alimentaires qu'elle éprouve, est obligée d'exporter beaucoup d'or.
Mais, messieurs, le prix de l'or a été bien plus bas ; dans un tableau imprimé à la suite du rapport de la section, vous voyez qu'il y a des moments où la prime de l'or est tombée au-dessous de 4 fr. ; ainsi au mois de décembre 1840 elle était à 3 fr. 75 c ; elle était, en janvier 1841, à 4 fr. 3 c., en février de la même année, à 4 fr. 22 c., et ce n'est qu'au mois de mai suivant, lorsque la crise américaine commençait à ne plus se faire sentir, que cette prime est remontée à 9 fr. 27 c.
Pendant trois ans le change sur l'Angleterre étant de 25 fr. 80, on a exporté de Belgique et de Hollande de grandes quantités d'or hollandais ; mais le change est tombé par suite de la crise des denrées alimentaires, il est tombé un instant à 25 fr. 20 c, cependant je ne m'arrête pas à ce chiffre et je prendrai le taux actuel, qui est de 25 fr. 40 c.
Eh bien, messieurs, à 25 fr. 40 c, aussi longtemps que le change est à ce taux et même peut-être un peu au-dessus, vous pouvez retirer de l'Angleterre toutes les pièces de 10 florins qui y sont. Aussi, si je suis bien renseigné, depuis le commencement de janvier jusqu'aujourd'hui, la Belgique seule a retiré de l'Angleterre pour 10 millions de francs en pièces de 10 florins. C'est du moins ce que je dois conclure de ce que m'ont dit les différents banquiers chez qui j'ai pris des renseignements et qui ont fait venir de l'or de l'Angleterre.
Vous voyez donc que nous pouvons frapper aujourd'hui d'après le système hollandais ; qu'après le payement des frais de monnayage, de commission à Paris, de perte d'intérêt, il restera encore au gouvernement 4 francs par mille.
Je crois donc, messieurs, que si la majorité de la chambre trouve qu'il faut changer la loi de 1832, et si l'honneur national exige que nous ayons des pièces d'or à l'effigie de notre souverain, nous ne devons pas aller plus loin que n'a été la loi de 1816. Alors au moins vous aurez des pièces en rapport avec celles que vous avez aujourd'hui, et les engagements du gouvernement et des particuliers envers les créanciers ne seront pas frustrés.
La première question à décider est donc de savoir si l'on veut avoir une monnaie d'or ; en cas d'affirmative, je demande que nous adoptions le système hollandais, et non celui de M. le ministre des finances qui présente sur le système hollandais une différence de 19 fr. par kilogramme d'or fin. Le système nouveau de M., le ministre des finances donne sur le système français une perte de 79 fr. 44 c. par kil., et le système hollandais seulement 60 fr. 56 c.
Dans le cas où vous adopteriez ma proposition, il y aurait à calculer quel devrait être le poids des pièces et combien on pourrait en fabriquer avec un kilogramme d'or. Je prierai M. le ministre des finances de bien vouloir nous faire ces calculs pour lundi, et après avoir décidé qu'il faut changer la loi de 1832 pour l'or, j'aurai l'honneur de vous proposer de décider des pièces de 10 et 25 fr. dans la proportion de 3,495 fr. par kilog. fin.
M. Mercier. - Messieurs, les nouvelles propositions qui viennent de vous être faites par M. le ministre des finances, modifient considérablement l'état de la question et exigent quelque examen. Je crois cependant devoir soumettre à la chambre quelques observations sur les principales difficultés qui me paraissent se rattacher à la loi en discussion. Ces difficultés sont au nombre de trois ; elles concernent :
La désignation à faire d'un ou de deux étalons de monnaie ;
Les espèces de coupures à créer,
Et la valeur légale attribuée à l'or.
Le principe du projet de loi est basé sur deux étalons, l'or et l'argent.
La valeur relative de ces deux métaux n'étant point invariable, la loi n'aura pas de fixité, ne recevra qu'une application éphémère ; telle est l'objection très grave qui a été faite contre l'adoption du double étalon, même avec la limite posée à la fabrication de la monnaie d'or.
(page 958) Cependant, les orateurs qui ont attaqué le plus vivement le projet n'ont pas repoussé d'une manière absolue la monnaie d'or ; c’est contre l'exagération de valeur attribuée au kil. d'or qu'ils se sont élevés avec le plus de force.
L'honorable député d'Anvers, qui a pris trois fois la parole dans cette discussion, ne paraît pas éloigné d'adopter la valeur légale donné à l'or dans les Pays-Bas. Du moins en se montrant disposé à conserver la monnaie néerlandaise, il accepte par cela même une monnaie d'or belge établie dans la même proportion.
Un autre honorable député d'Anvers a aussi fait porter sa critique principale sur la surévaluation de l'or et non sur le système de la loi.
Un honorable député de Bruxelles, qui a fait une étude spéciale de la question, bien qu'il ait combattu le double étalon de monnaie comme illogique, a cependant déclaré que lui aussi désirait que nous eussions notre monnaie d'or, sous la réserve toutefois qu'il ne voulait pas de pièce de mauvais aloi.
Plusieurs autres orateurs se sont prononcés dans le même sens, c'est-à-dire qu'ils repoussent une monnaie d'or qui s'écarterait trop de la même valeur nominale en argent, mais ils acceptent les deux espèces de monnaies.
En général, messieurs, le système monétaire ne s'est modifié que par les habitudes, les besoins du commerce et la force des choses. L'or n'a été légalement établi comme seul étalon de la monnaie en Angleterre, que lorsque déjà il y était presque exclusivement employé dans tous les échanges. En France, la force des choses et non la volonté de la loi, a empêché l'or de continuer à faire l'office de monnaie autrement que dans des cas exceptionnels.
Sommes-nous, dès ce moment, préparés à ne plus faire usage que de la monnaie d'argent ? Telle est, me semble-t-il, la question que nous devons nous poser. Eh bien, les faits répondent non, car il y a encore aujourd'hui dans le pays une forte circulation de monnaie d'or ; elle est tellement recherchée que nous consentons à la payer au-dessus de sa valeur, et bien au-dessus du cours légal qu'elle a dans le pays où elle est émise.
Cette circonstance prouve à toute évidence le besoin qui se fait sentir de monnaie d'or en Belgique. C'est pour ce motif, sans doute, que beaucoup d'honorables membres, qui ont pris la parole dans cette discussion, tout en rendant hommage aux principes théoriques qui veulent l'étalon unique et qui, tôt ou tard, recevront nécessairement leur application, que ces honorables membres, dis-je, se sont particulièrement attachés à démontrer le vice d'une monnaie surévaluée.
De ce fait qu'une monnaie d'or étrangère n'a cessé, depuis 1830, d'entrer en grande quantité dans notre circulation et qu'elle coexiste avec la monnaie d'argent, on doit nécessairement tirer cette conséquence qu'il est possible de trouver une combinaison qui produise le même effet, pour une monnaie d'or nationale, pendant un espace de temps plus ou moins étendu ; le seul résultat fâcheux que puisse avoir cette création aux yeux de ceux qui ne veulent pas la coexistence des deux espèces de monnaie, c'est de n'amener qu'un peu plus tard, et lorsque nous y serons mieux préparés, l'état de choses qu'ils voudraient dès ce moment ériger en système.
Je crois utile de répondre ici à une objection présentée par l'honorable député de Bruxelles auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. L'honorable membre a pensé qu'une émission de 25 millions de monnaie d'or créerait un capital improductif et occasionnerait par conséquent au pays une perte considérable d'intérêts. Cet honorable membre me paraît avoir perdu de vue que cet or ne ferait que remplacer une égale somme de la monnaie d'or ou d'argent qui se trouve actuellement dans la circulation. C'est là cependant ce qui aurait lieu, et dès lors le pays n'aurait aucune perte à essuyer.
La possibilité de la création d'une monnaie d'or belge, pour consacrer en quelque sorte ce qui existe actuellement/ étant admise, je ne comprendrais pas que l'on s'opposât à ce qu'une monnaie nationale à l'effigie de notre souverain fût substituée à une monnaie étrangère. Les difficultés à résoudre ne peuvent plus concerner que les coupures à adopter et l'évaluation à donner au kilogramme d'or. Je vais m'occuper rapidement de ces deux questions.
Le gouvernement propose de créer des pièces d'or de. 25 fr. et des pièces d'argent de 2 fr. 50 ; il a, en adoptant ces coupures, un double but : le premier, c’est que la Belgique soit toujours pourvue d'une quantité suffisante de numéraire pour les besoins ordinaires des transactions et pour assurer le crédit du papier au porteur que plusieurs établissements financiers sont autorisés à émettre ; le second motif indiqué par le gouvernement pour créer une pièce de 2 fr. 50 et ne pas maintenir la pièce d'or de 20 fr., dont le poids seul serait modifié, c'est la crainte de voir considérer comme fausses en France nos nouvelles pièces de 20 fr., qui n'auraient pas le même poids que celles de ce pays, bien que portant l'indication d'une même valeur nominale et conservant le même diamètre.
C'est pour ces deux raisons que l'on propose de toucher aux habitudes contractées, d'altérer le système de division décimale.
Je n'hésite pas à déclarer que je ne partage aucunement les craintes manifestées par la majorité des commissions de 1837 et de 1846 ; mon opinion, en ce qui concerne le danger de voir exporter notre monnaie, est conforme à celle de la minorité de ces commissions ; cette opinion dominait dans la première section centrale dont j'ai eu l'honneur d'être nommé rapporteur, et elle est aussi celle de la section centrale, au nom de laquelle l'honorable M. Cogels nous a présenté un rapport vraiment remarquable.
Comme les quatre députes de Bruxelles et d'Anvers qui ont traité ce côté de la question, j'ai la conviction intime qu'il serait très utile à le Belgique d'avoir un système monétaire commun avec un grand nombre d'autres Etats, et notamment avec la France. La monnaie d'or, il est vrai, n'a pour ainsi dire plus de circulation en France et n'y est plus guère employée que comme lingot ; mais il est évident que si, comme il en est question, la législation monétaire de ce pays est révisée, la pièce de 20 fr. sera conservée dans l'intérêt de l'harmonie du système décimal et que le poids seul en sera modifié.
Si cette révision devait être prochaine, je me joindrais au vœu qui a été émis pour que notre gouvernement s'entendît avec le gouvernement français avant de rien arrêter définitivement par rapport à notre monnaie d'or. C'est dans cette prévision que je désire conserver la pièce de 20 fr. Je désirerais que M. le ministre des finances pût nous fournir quelques renseignements sur l'époque à laquelle le gouvernement français se propose d'apporter des changements à sa législation.
A mon avis, les crises monétaires qui se sont manifestées en Belgique n'ont pas été attribuées à leurs véritables causes, et c'est de cette erreur qu'est émanée la proposition de créer des pièces de 25 fr. et de 2 fr. 50. Ces causes ont été exposées avec talent et lucidité aux pages 9, 10 et 11 du rapport de notre section centrale ; ce rapport prouve à toute évidence, par des raisons qui n'ont pas été réfutées, selon moi, que le mal eût été beaucoup plus grand si notre système monétaire eût différée de celui de la France. Un honorable député de Bruxelles est entré dans de nouvelles considérations très sérieuses, a cité de nouveaux faits à l'appui de cette opinion que je partage entièrement.
Je pense donc qu'il est tout à fait inutile de créer la pièce de 2.50 et qu'il convient, dans la prévision que j'ai indiquée, de maintenir la pièce de 20 fr. dont le poids seulement serait modifié dans la proportion de la nouvelle valeur légale qui serait donnée à l'or. La grande difficulté à résoudre est la fixation de cette valeur. Je vais soumettre à la chambre quelques observations sur ce point.
Pour faire un rapprochement qui ne sera peut-être pas sans utilité, je suis obligé de rappeler que la commission de 1837 a émis l'opinion que le système hollandais ne pouvait pas être adopté, attendu, dit-elle, « que les pièces d'or de cette nation n'ont point une valeur relative, et qu'elles sont ainsi une espèce de dol fait au public. »
Nous voyons, par le rapport de notre section centrale, qu'au mois d'octobre 1837, la prime était d'environ 9 par mille ; à cette époque, la commission jugeait la fabrication de la monnaie d'or possible, en portant à 3,485 fr. 72 c. le prix du kil. d'or pur, à Bruxelles.
A ce taux, l'Etat devait faire un léger bénéfice, ou du moins pouvoir couvrir les frais de monnayage et autres. On taxait de dol une valeur qui eût fourni au trésor environ 3 par mille de plus, c'est-à-dire environ 10 fr. sur un kil. d'or.
La commission de 1846 est en contradiction manifeste avec celle de 1837, puisque, pendant l'année 1845 et les 4 premiers mois de 1846, c'est-à-dire pendant les 16 mois qui ont précédé son rapport, la prime a été en moyenne de 14 3/5 ; donc de 5 3/5 par mille au-dessus de celle de 1837. La valeur du kil. d'or, en y ajoutant cette prime, serait de 3,504 fr. 95 c. En proposant de porter ce prix à 3,515 fr., la commission de 1846 a fait précisément ce que la commission de 1837 a condamné en termes fort sévères.
Je fais remarquer qu'au taux de 3,504 fr. 95 c, la fabrication eût pu se faire avec avantage en 1845, non pendant quelques jours, mais pendant tout ou partie des mois de janvier, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre, et pendant deux mois sur les 4 mois dont les primes sont indiquées pour 1846.
Pourquoi supposer, d'ailleurs, que les primes augmenteront toujours ou resteront constamment à un taux élevé ? Ne les avons-nous pas vue atteindre, en 1838, le taux de 10 38, et redescendre, en 1846, à 3 75 et, en 1841, à 4 03 ?
Les mêmes circonstances peuvent se reproduire encore ; et même en ce moment la prime est beaucoup plus faible qu'il y a quelques mois.
Pour rester dans les termes des propositions de la commission de 1837 et en ayant égard à l'augmentation extraordinaire de la prime, pendant les années 1845 et 1846, il y aurait lieu de porter la livre d'or fin à fr. 3,504 95, soit fr. 3,505. J'avoue toutefois que j'aurais encore quelque scrupule à admettre ce chiffre comme base de la monnaie d'or, en présence du système hollandais qui se maintient encore aujourd'hui, bien que la livre d'or ne soit portée, dans les Pays-Bas, qu'à 3,495, et que la pièce de 10 fl. n'y représente qu'une valeur de 21 francs. Il y aurait là encore un excédant de 10 fr., qui ne serait pas suffisamment justifié, à moins qu'il ne soit avéré que depuis deux ans la monnaie néerlandaise a cessé d'être en activité, ce que je ne suppose pas.
Quoi qu'il en soit, l'évaluation de fr. 3,515, proposée par la commission, est évidemment trop élevée ; M. le ministre des finances vient, d'ailleurs, de proposer un chiffre inférieur, celui de fr. 3,513 88 ; le débat me semble devoir s'établir sur cette dernière évaluation ; sur celle de fr. 3,495 adoptée dans la législation des Pays-Bas, celle de fr. 3,505 que je viens d'expliquer, ou quelque autre chiffre intermédiaire entre celui de la législation néerlandaise et celui que vient de présenter M. le ministre des finances.
Je ne me prononcerai pas encore définitivement entre ces différents chiffres ; je pense que plusieurs d'entre eux devront être mis nécessairement (page 959) aux voix, et je réserve mon vote jusqu'à ce que la question ait été de nouveau débattue.
M. Pirmez. - Messieurs, l'honorable ministre des finances a reproché à plusieurs orateurs d'avoir dit que l'on proposait une véritable altération de monnaie. En dépit de ce reproche, je viens soutenir encore qu'il s'agit ici d'une véritable altération de monnaie.
Les deux monnaies sont légales ; le poids et le titre ont été fixés par la loi, et tous les contrais qui ont été faits, avec stipulation de sommes en francs, sont basés sur ces deux monnaies, sur un tel poids en or et sur un tel poids en argent. Il est évident que si l'on touche à l'un des deux titres ou à l'un des poids de ces deux métaux, on touche à tous les contrats qu'on a faits, en stipulant sur le poids et le titre de ces métaux.
M. de Mérode. - Je demande la parole.
M. Pirmez. - La discussion a démontré que les deux étalons ne pouvaient pas exister simultanément, qu'évidemment le métal qui, relativement à sa tarification légale, avait la valeur moindre devait naturellement expulser celui qui avait la valeur supérieure, et véritablement vous n'échappez au reproche qu'on vous fait, d'altérer la monnaie, qu'en limitant extrêmement la quantité que vous frapperez, c'est-à-dire en n'en frappant pas en réalité. Mais si vous laissiez aller les choses à leur cours naturel comme dans les autres pays, si vous laissiez frapper l'or en aussi grande abondance qu'on le voudrait, vous toucheriez à tous les contrats qui ont été faits en francs.
Tout à l'heure lorsque je me suis permis d'interrompre M. le ministre quand il parlait de la valeur de l'or, j'ai dit qu'il était nécessaire qu'il ajoutât, pour faire comprendre sa pensée, que c'était de la valeur de l'or relative à l'argent. L'absence de celle explication peut jeter de la confusion dans la discussion. Au reste sur ce point nous sommes d'accord.
M. le ministre a dit qu'il n'était point contraire à la justice de diminuer le poids ou le titre du franc d'or. Je lui demanderai maintenant si nous pouvons, sans manquer à la justice, réduire le poids ou le titre du franc d'argent. Evidemment si nous prenions cette mesure, il n'est point de contrat auquel nous ne portions atteinte. Il est nécessaire d'attirer l'attention sur ce point, d'autant plus que la commission ne paraît point se faire scrupule d'adopter une pareille idée.
Pour en revenir à la monnaie d'or proposée, vous ne pouvez échapper à la conséquence de toucher aux transactions qu'en n'en frappant qu'une très petite quantité. Cette mesure est, comme on l'a dit, une juste critique de la loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'avais communiqué hier à l'honorable M. Osy l'état de la fabrication en France. L'on a fabriqué, depuis 1830, à peu près 2 milliards de monnaie d'argent et 220 millions de monnaie d'or ; s'ensuit-il que dans les conditions actuelles de la loi française, qui sont aussi les nôtres, la fabrication de la monnaie d'or est possible ? Non, certainement ; il en résulte seulement que la liste civile, de grands banquiers, pour certains usages spéciaux, font fabriquer de la monnaie, pour leur compte.
Ces 220 millions ne sont pas de la monnaie d'or créée en France, mais de la marchandise d'or. Aussi, l'exemple que l'honorable membre a cité, prouve trop ; si l'on faisait la même chose en Belgique, si même l'on y fabriquait de l'or en petits lingots, on l'émettrait comme marchandise ; cet argument prouve donc trop ; que l'honorable membre me permette d'ajouter : il ne prouve absolument rien quant à la question actuelle.
L'honorable M. Mercier vient de le dire, la prime moyenne, pendant les époques les plus rapprochées de nous, a été de 14 3/5. Quand la prime moyenne existe, nous ne pouvons pas fabriquer, nous perdrions a la fabrication de l'or ; en d'autres termes, la loi resterait, comme la loi de germinal an XI, à l'état de lettre morte.
Quelles sont les circonstances qui font baisser la prime, et si nous frappons de la monnaie dans ces circonstances, aurons-nous véritablement de la monnaie ? J'examinerai ces deux questions en peu de mots.
La prime est à un taux très bas aujourd'hui ; elle était à un chiffre très bas en 1840 ; elle l'est toujours lorsqu'il y a une crise, et lorsque l'or, au lieu de suivre son cours naturel qui est l'Angleterre, reflue de l'Angleterre sur le continent. Ainsi, au moment d'une crise, on peut, pendant quelques jours, pendant quelques semaines peut-être, fabriquer de l'or en Belgique. Si telles sont les conditions de la loi belge, vous allez augmenter le nombre des kilog. de marchandises d'or, mais vous n'aurez pas une monnaie pour la circulation ; du moment que la prime est rétablie, soit à un taux moyen, soit à un taux supérieur, ce n'est plus une monnaie pour nous. Ainsi, encore une fois, dans ces conditions, vous n'aurez pas fait de monnaie d'or ; vous vous êtes donné le plaisir de créer quelques petits lingots qui feront le voyage d'Angleterre en Belgique, et de Belgique en Angleterre, selon qu'il y aura crise ou qu'il n'y en aura pas.
On nous dit qu'en ce moment les pièces de 10 florins arrivent en Belgique, qu'il en est arrivé au moins pour 10 millions ; je le crois ; cela doit être. Lorsque le change est bas sur l'Angleterre, les, pièces de 10 florins sont appelées en Belgique, et lorsque le change remonte, ces pièces sont renvoyées de Belgique en Angleterre ; c'est là le voyage que font les pièces de 10 florins qu'on nous propose de prendre pour type de notre future monnaie nationale. Ces faits expliquent comment la situation actuelle donne lieu à des opérations très profitables, et comme quoi nous rencontrons sur certains points de très vives résistances, lorsqu'il s'agit de changer l'état actuel des choses.
Lorsque la livre sterling est à 25-20, les guillaumes déposés à la banque d'Angleterre reviennent en Belgique ; et quand, comme passé quelques mois, le change est à 25-80, les guillaumes retournent en Angleterre pour 25-80. Cette opération est très simple, je pense qu'elle est comprise de la chambre.
Si vous voulez une monnaie d'or qui circule et fasse le service d'auxiliaire dans les échanges, il faut d'autres conditions de fabrication que celles de l'or hollandais. Quelle doit être la différence ? Je l'ai déjà un peu réduite. L'honorable M. Mercier vient d'indiquer un autre chiffre.
Je ferai faire des calculs sur ce chiffre non seulement par kilogramme, mais par pièce, ce qui les rendra plus sensibles, pour voir quelle est à telle prime sur une période donnée, la différence légale, non par kilog. mais par pièce de 25 fr. J'établirai ainsi dans deux ou trois hypothèses la différence de la valeur intrinsèque et de la valeur légale.
Je n'ajouterai qu'un mot sur le discours que vous venez d'entendre. Si l'honorable M. Pirmez a raison dans l'appréciation qu'il fait, toutes les nations à toutes les époques ont eu tort dans les actes qu'elles ont posés.
Pourquoi n'a-t-on pas, dans la loi de l'an XI, maintenu le titre et le poids de l'édit de 1726 ? Si en l'an XI, sans avoir égard aux faits, l'on a créé la monnaie telle qu'elle existe aujourd'hui en France, si en 1816 on a fait la même chose dans le royaume des Pays-Bas, nous ne faisons que ce que l'on a fait toujours et partout, sous toutes les formes de gouvernement, ce qui a toujours été reconnu parfaitement loyal et honnête. Les réductions de monnaie, si justement blâmées, sont tout autre chose. Si, après avoir déclaré quels seraient le titre et le poids de la monnaie, j'émettais une monnaie d'un titre ou d'un poids inférieur, ou si je décrétais que cette monnaie serait acceptée pour une somme supérieure, ce serait un acte de déloyauté nationale qui attirerait au pays de justes reproches. Mais avec nos institutions, à l'époque où nous vivons, de tels faits sont impossibles.
Je ne puis trop insister sur ce point ; nous faisons aujourd'hui ce qu'on a fait toujours et partout, ce qu'on a le droit de faire : on peut l'avouer hautement et publiquement.
Nous altérons, dit-on, les contrats faits ; mais encore une fois, il résulte de là que depuis l'établissement et depuis les modifications des systèmes monétaires, on n'a jamais eu égard à aucun fait, à aucun contrat.
En 1726, en 1785, en 1803, il y avait aussi des contrats passés. La loi cependant, en rapprochant les faits, en y ayant égard, a changé le rapport entre l'or et l'argent. Or que faisons-nous autre chose aujourd'hui ?
L'honorable membre me dit que l'or et l'argent ne peuvent pas exister simultanément comme étalon. J'ai commencé par le reconnaître. Tous les faits que j'ai rappelés rapidement démontrent que la relation que nous établissons n'est pas éternelle ; un jour viendra où la valeur que nous assignons à l'or, valeur rapprochée de la valeur commerciale, s'écartera plus encore dans l'un ou l'autre sens, et que l'un des métaux devra être refondu. Ce qu'on a fait toujours et partout en matière de monnaie est condamné par l'honorable M. Pirmez. Il s'ensuit que les nations pour être loyales auraient dû continuer à se servir de la première monnaie qu'on a créée lorsque la terre est sortie des eaux du déluge.
M. Pirmez. - M. le ministre des finances a invoqué ce qui s'est fait dans d'autres pays et à d'autres époques. Nous n'avons pas nié ce qui s'est passé dans des temps antérieurs. Ce que nous avons soutenu, c'est qu'il ne pouvait y avoir qu'un seul étalon de la valeur, une monnaie d'or ou une monnaie d'agent ; que le reste doit être marchandise ; nous avons soutenu que vouloir prendre ces deux choses pour monnaie et les mettre en rapport, c'est impossible. Dans les temps dont M. le ministre a parlé, on n'avait pas autant de connaissance qu'aujourd'hui sur la possibilité ou l'impossibilité de l'existence simultanée des deux métaux comme monnaie. Aujourd'hui cela est reconnu ; on proclame que ce qu'on a fait, dans les temps antérieurs était mauvais, que ceux qui ont soutenu l’existence simultanée de la monnaie d'or et de la monnaie d'argent ont eu tort, qu'il ne faut qu'un seul étalon, que le reste doit être marchandise. Oui, j'ai critiqué ce qui a été fait précédemment et j'ai demandé que si vous preniez l'argent comme monnaie, l'or fût laissé marchandise, haussant ou baissant suivant la rareté ou l'abondance.
Ce que j'ai soutenu à cet égard, je l'ai soutenu arec la plus grande partie des auteurs qui ont écrit sur la matière, et qui n'ont pas craint de combattre le système des deux monnaies quoiqu'il fût très ancien.
Mais lorsque vous avez fixé un poids légal de la monnaie, si vous le changez, vous touchez certainement aux contrats faits ayant votre monnaie pour base ; le moyen de maintenir les contrats dans leur intégrité, c’est-à-dire d'être justes, c'est de n'avoir qu'un seul étalon, dont le poids et le titre sont irrévocablement fixés.
M. le ministre ne m'a pas répondu quand je lui ai demandé s'il croyait qu'il serait équitable de diminuer le poids du franc d'argent, après avoir diminué le poids du franc d'or ; le poids et le titre des deux métaux sont fixés par la loi. Avec les idées que j'entends émettre on pourrait en venir là ; d'ailleurs elles paraissent se trouver dans le rapport de la commission.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il n'est nullement entré dans ma pensée de ridiculiser un argument de l'honorable préopinant ; j'ai seulement fait voir quelles me paraissaient en être les conséquences. Si on pouvait faire la Belgique comme on la désire, il faudrait (page 960) n’avoir qu'un seul étalon : l'argent : mais prenons les hommes, les peuples comme ils sont. Les habitudes de la Belgique sont d'avoir de l'or et de l'argent ; ces habitudes, vous ne les changerez pas par une disposition de loi. Il s'agit donc de satisfaire aux besoins de la circulation, d'établir entre l'argent et l'or à peu près la relation qui existe actuellement dans le commerce, un peu moins que cette valeur, afin que la monnaie puisse rester en circulation pendant une assez longue période, jusqu'à ce que l'écart ait augmenté.
Tant que l'argent sera la base de notre système, il serait d'une très mauvaise politique (toute question de droit mise à part), de toucher à la valeur légale de l'argent.
Je réponds ainsi directement, autant qu'il m'est possible de le faire, à la question de l'honorable M. Pirmez, sans trop lier les générations futures..
Si par le progrès de la richesse et par le changement des habitudes, nos descendants adoptent un jour définitivement le système anglais, une réduction de l'argent serait inévitable, sinon le système n'existerait pas ; il serait établi à rebours. C'est ce qui est arrivé en Angleterre, quand un système s'est substitué à un autre.
Dans le système d'argent (tant qu'il existera, et je crois qu'il durera encore plusieurs siècles) la réduction de l'argent est chose impossible.
M. de Mérode. - Messieurs, un fait m'a toujours frappé, c'est que les pièces de dix florins passaient en Belgique, depuis un grand nombre d'années, pour 21 fr. 16 c, sans que l'on en ait éprouvé de préjudice grave.
Je me rappelle même que l'honorable gouverneur de la Société Générale, précédemment membre de cette chambre, y a soutenu qu'il était bon pour le pays d'accepter, en concurrence avec la monnaie française, la monnaie d'un autre pays voisin qui n'avait pas cours en France, de manière que le numéraire existant chez nous ne pouvait pas, aussi facilement que les pièces de cinq francs, sortir par la frontière du Midi.
Après avoir écouté attentivement les discours prononcés contre le projet, je n'ai pas entendu d'objection sérieuse à l'usage admis en Belgique des pièces de dix florins. On a dit, il est vrai, que cette circulation pouvait être critiquée, mais sans rien préciser, sans rien démontrer par des raisons positives.
Si, donc, l'or hollandais a pu, sans inconvénient grave, circuler en Belgique avec l'empreinte du roi Guillaume, pourquoi les pièces belges de 25 francs, frappées dans les conditions rapprochées de celles qu'admet le système hollandais, pourraient-elles entraîner des résultats dangereux, lorsque ces résultats n'ont pas été produits depuis tant d'années par l'usage des pièces de dix florins de la Hollande ?
Je pense que si nous frappions, à un titre convenablement fixé, des pièces de 25 francs, en rapport convenable avec la valeur actuelle de cinq pièces de cinq francs, ces pièces d'or seraient recherchées en France, parce que le voyageur ne peut s'y procurer de l'or qu'avec un solde de 25 ou 30 centimes par pièce, tandis que les pièces belges l'affranchiraient de cette perte.
En tout cas, messieurs, nous devons, par les raisons politiques et nationales indiquées par M. de Corswarem, frapper de la monnaie d'or belge, et, si l'on n'adopte pas la loi proposée, il faut que le gouvernement fasse battre des pièces de 20 francs à l'effigie du Roi des Belges en les vendant à la monnaie au prix des changeurs, et le débit en serait encore assez considérable pour qu'au moins elles se montrent en Europe aussi bien que les pièces de 20 francs à l'effigie du roi de Sardaigne qu'on y rencontre presque partout.
Il me semble, du reste, que M. le ministre des finances a suffisamment démontré l'avantage de ne pas donner aux pièces d'or à créer en Belgique la valeur absolue de leur titre nominal. Il y a évidemment une tolérance admissible et qui, ne sortant pas de ses limites convenables, ne présente rien de similaire avec la fausse monnaie.
Quant à l'émission d'un papier-monnaie, ce serait la plus fatale des combinaisons, si ce n'était pas la plus impraticable ; car, remarquez-le bien, les assignats de la république française, une et indivisible, avaient pour gages les biens de l'Eglise déclarés nationaux et les biens des émigrés, tandis qu'heureusement, chez nous, il n'y a point de confiscation applicable à pareil usage ou à aucun autre, tant que durera la liberté sincère pratiquée en Belgique depuis 1830.
Ensuite, messieurs, je considère tous ces moyens de dévorer l'avenir comme funestes, et les bons du trésor eux-mêmes n’ont pas peu contribué à l'accroissement regrettable et si fâcheux de notre dette publique. En effet, comment marchons-nous habituellement pour couvrir les déficits de chaque budget ? Nous créons des bons du trésor, c'est-à-dire une dette flottante, et quand elle devient trop considérable, on la fixe par un emprunt consolide pour recommencer immédiatement l'émission de nouveaux bons du trésor. Ce manège est extrêmement commode pour les ministres et pour le pouvoir parlementaire élu, parce que ceux qui sont soumis à l’élection obtiennent ainsi la popularité des dépenses que fait le trésor public, sans subir l'impopularité qui s'attache au moindre impôt nouveau ; car la foule, messieurs, n'a jamais que peu de prévoyance pour les affaires financières de l'Etat. Elle n'est touchée que de ce qu'on lui demande immédiatement. Mais c'est ainsi qu'on a conduit l'Angleterre et la Hollande aux surcharges qu'elles ont à subir aujourd'hui, et dont nos anciens compatriotes du Limbourg cédé connaissent malheureusement le fardeau.
Messieurs, je n’aimerais pas à voir frapper, comme le conseille l'honorable M. Mercier, des pièces de 20 francs à un titre moindre que celui des pièces françaises, parce que toutes les fois qu'on aurait à compter un rouleau de pièces de 20 francs, on serait obligé d'examiner si l'un de ces rouleaux, dont la composition serait présumée en pièces de 20 francs françaises ou sardes, ne renferme pas quelques pièces de 20 francs belges afin de les séparer des autres.
Or, ce serait là une opération qui donnerait à notre monnaie d'or une couleur de monnaie défectueuse, tandis que la pièce de 25 francs rentrerait tout à fait dans la position qu'occupe la pièce de 10 florins hollandaise admise en Belgique pour 21 fr. 16 c. et qui, depuis tant d'années, n’a pas joué le rôle de fausse monnaie.
M. Anspach. - J'avais fait valoir comme un argument important contre le projet de loi, la réprobation unanime des banquiers contre ce projet. M. le ministre a bien senti que cet argument avait quelque force, puisqu'il y a répondu par une comparaison assez piquante. Il nous a dit que si l'on demandait aux avocats s’il convient de supprimer les procès, ces messieurs ne seraient pas de cet avis. C'est très bien, cela a fait rire toute la chambre. Mais, comparaison n'est pas raison ; et cette comparaison manque de justesse. En effet, que l'on supprime les procès, que deviendront les avocats ? Ils devront fermer leur cabinet et exercer une autre profession, tandis que si vous adoptez la loi, les banquiers n'en feront pas moins bien leurs affaires. Mais bien loin d'avoir intérêt au rejet de la loi, les banquiers sont intéressés à ce qu'elle passe ; car plus il y a de matières sur lesquelles ils puissent opérer, plus ils peuvent grappiller.
M. le ministre a bien fait une distinction entre les banquiers et les banques. Sans doute, ce n'est pas l'intérêt des banques que la loi passe ; mais il s'agit d'un intérêt tellement minime que le chef d'un de ces établissements conseille d'adopter la loi.
M. le ministre vient de dire que lorsque le change sur l'Angleterre sera bas, les guillaumes resteront en Belgique, et que, lorsque le change sera haut, ils partiront pour l'Angleterre. (Erratum, p. 971) Ce que M. le ministre a dit est parfaitement vrai, tellement que, lorsqu'il y a quelque temps le change était élevé, nous n'avions presque plus de pièces de 10 florins ; il n'en restait que ce que chacun garde dans sa poche ; maintenant que le change est bas, ces pièces nous reviennent en masse. Toutes les transactions commerciales se font en billets de banque et en pièces de 5 francs. M. le ministre conclut de là que la monnaie d'or n'est pas une monnaie pour la circulation. Mais il en sera de même avec vos léopolds, parce que si le change baissait à tel point qu'il y eût avantage à les envoyer à Londres, on les y enverrait.
(Erratum, p. 971) Les facilités que donne la monnaie pour égaliser le change sont un avantage pour le commerce et une source de bénéfice pour les banques. Lorsqu'un négociant. Lorsqu'un négociant a une remise à faire à Paris, si la banque n'était pas là pour envoyer des pièces de 5 fr. pour empêcher que le cours ne s'élevât au-delà d'un quart, le négociant devrait payer plus cher. De sorte qu'en définitive, ces bénéfices sont les bénéfices du commerce.
(Erratum, p. 971) Nous voulons tous, à ce qu'il paraît, des pièces d'or, mais nous voudrions qu'il fût possible d'en faire ; nous voudrions que la France eût changé la proportion de l'or avec l'argent, de telle manière qu'elle pût battre sans perte des pièces de 20 fr. ; car si la France était dans cette position, il ne serait venu dans l'esprit de personne de faire des pièces autres que celles de 20. Pourquoi ne prendrions-nous pas l'initiative ?
Pourquoi ne ferions-nous pas ce que la France fera peut-être cette année, ce qu'elle devrait faire ? Car le système qui fait de la monnaie d'or une marchandise ne peut durer. Qui nous empêcherait de frapper des pièces de 20 francs, établies d'après les principes rationnels ? Pourquoi donner la préférence aux pièces de 25 francs qui sortent du système décimal ?
Si le principe de la loi passe, je ferai un amendement pour qu'au lieu de frapper des pièces de 25 francs, on conserve le système décimal.
Comme l'a dit l'honorable M. Mercier, je préférerais des pièces de 20 francs, même avec un agio, aux pièces de 25 francs qui dérangent le système décimal.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai omis de répondre à une demande de l'honorable M. Mercier.
Depuis longtemps on s'occupe en France de la question des monnaies. Aujourd'hui il s'agit plus spécialement de la refonte de la monnaie de billon.
Il est possible qu'on en vienne à ce que nous nous proposons de faire en Belgique, c'est-à-dire à diminuer le poids de la monnaie d'or, tel qu'il est établi par la loi de germinal an XI. Mais personne ne peut prévoir quand et comment se feront ces changements. Il ne faut pas subordonner l'intérêt belge à ce qui se fera en France, dans plusieurs années, je ne sais quand, peut-être dans 10 ou 20 ans. Mais il faut voir si dans la fabrication de la monnaie d'or il y a un intérêt belge.
Voilà toute la question.
Je ne pense pas que nous puissions convenablement créer des pièces de 20 fr., dont le poids serait moindre que les pièces frappées en France.
Assurément, ce ne serait pas de la fausse monnaie. Mais ces pièces pourraient se confondre avec celles de France. Le diamètre serait le même ; la valeur différente. Les convenances internationales exigent que nous changions le diamètre et la valeur des pièces, pour qu'il ne puisse y avoir confusion entre ces pièces.
Cette idée a dominé dans les commissions de 1837 et de 1846. Il me suffira de l’énoncer pour démontrer que l'on ne peut agir autrement.
Quant à l'émission de la monnaie d'or belge au titre et au poids de la loi de germinal an XI et de la loi de 1832, ce ne serait pas de la monnaie. (page 961) L'honorable M. Anspach vient de le reconnaître, ce serait de la marchandise que nous créerions.
Ici, messieurs, il s'agit du système monétaire, mais pas de créer des lingots qui ont une valeur commerciale. Permettez-moi, à cette occasion, un mot sur le système indiqué récemment par l'honorable M. Sigart. Supposez qu'au lieu d'émettre des pièces ayant une valeur légale, vous émettiez un certain poids d'or à un certain titre, sans indiquer quelle en est la valeur légale, cette marchandise varierait selon les variations de la prime ; et dans les transactions, après s'être concerté sur le prix de la marchandise, on devrait se concerter sur le prix de l'or qu'on donnerait en échange. Il faudrait que chacun eût toujours avec lui une balance et la cote de l'or à Paris et à Londres. Ce ne serait donc pas de la monnaie que vous auriez créée.
- La discussion générale est close.
M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, plusieurs systèmes sont en présence ; M. le ministre des finances vous a fait une proposition ; l'honorable M. Mercier en a fait une autre. J'ai dit moi-même que si la chambre décidait qu'il y a lieu de modifier la loi de 1832 en ce qui concerne la monnaie d'or, je proposerais le système de 1816 ; nous avons tous des calculs à faire sur ces différents systèmes. Je demande donc que la discussion soit renvoyée à lundi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je crois qu'il est impossible de voter en ce moment. Je demande moi-même que la discussion soit remise à lundi.
- La séance est levée à 3 heures et quart.