(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 875) M. Van Cutsem procède à l'appel nominal à une heure.
- La séance est ouverte.
M. A. Dubus donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. Van Cutsem fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Eemars, ancien commis aux écritures de l'hôpital militaire de Bruxelles, prie la chambre, en attendant qu'elle ait statué sur sa position, de lui faire payer le montant de la différence qui existe entre le chiffre de sa pension et le minimum fixé par la loi. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs fabricants et négociants en toiles à Bruges, demandent que la société d'exportation ne puisse opérer sur des marchés d'Europe, ni se livrer à la fabrication. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la formation d'une société d'exportation.
« Le sieur Routier demande que son fils Eugène, qui a été désigné pour le service militaire, puisse se faire remplacer ou substituer.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
Message du sénat, faisant connaître l'adoption par cette chambre des projets de loi relatifs 1° à l'inaliénabilité des pensions de veuves d'officiers, etc. ; 2° à l'érection île la commune de Petit-Hier ; 3° à la nomination des juges de paix. »
- Pris pour information.
« Plusieurs habitants de Bruxelles et de ses faubourgs demandent la prompte discussion du projet de loi sur le notariat. »
M. Desmet. - Je demande le renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
En même temps, je me permettrai de demander à l'honorable M. Lys s'il espère déposer sous peu le rapport sur le projet de loi relatif à l'organisation du notariat.
M. Lys. - Chaque jour, la chambre renvoie à la section centrale des quantités de pétitions. Ensuite, j'ai souvent des visites des intéressés. Tout cela me distrait du travail important et difficile dont je suis chargé. Il m'est impossible de dire quel jour j'aurai terminé mon rapport.
M. de Corswarem. - Il y a près d'un mois que le rapporteur est nommé ; car cette nomination est, je crois, du 28 janvier. L'honorable M. Lys, interpellé une première fois sur le même objet, a déclaré qu'il comptait s'en occuper pendant les vacances du carnaval. L'honorable membre a joui de ces vacances pendant huit jours. Chacun de nous s'attendait à ce qu'il aurait déposé son rapport à son retour à la chambre.
On sait combien le retard qu'éprouve le dépôt de ce rapport excite d'inquiétudes parmi les notaires ; et ces inquiétudes sont bien fondées, car ils se trouvent dans une situation véritablement provisoire. Tous les jours, non seulement le rapporteur, mais tous les membres de la section centrale reçoivent des visites, qui commencent à devenir importunes.
Je voudrais donc que l'honorable rapporteur précisât le jour où il déposera son rapport.
Que quinze jours encore s'écoulent, et M. le rapporteur aura eu six semaines pour terminer son travail. Ne pourrait-il pas s'engager à déposer son rapport au bout de ce terme, soit du 10 au 15 mars ?
Ainsi nous serions à l'abri des importunités, et les intéressés seraient plus ou moins calmés.
M. Lys. - Je me suis occupé du rapport pendant le carnaval ; j'y travaille constamment. Je ne puis rien dire de plus à la chambre.
M. Vilain XIIII. - Dans tous les cas, je demande que cette pétition ne soit pas renvoyée à la section centrale qui a terminé son travail, et qui ne pourrait rien y faire. On pourrait ordonner le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
M. Desmet. - Je me rallie à cette proposition. Je retire celle que j'avais faite de renvoyer la pétition à la section centrale. Ainsi l'honorable rapporteur ne sera pas dérangé de son travail.
- La chambre consultée ordonne le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
M. le président. - Le bureau a composé de MM. Osy, de Man d'Attenrode, de Brouckere, Brabant et Lejeune la commission chargée de l'examen du projet de loi présenté hier par M. le ministre des finances et relatif à la convention conclue entre l'Etat et la Société Générale.
M. Brabant. - Je suis absorbé par la rédaction du rapport sur le budget des travaux publics. Il me serait donc impossible d'assister aux séances de la commission. Je prie donc le bureau de me remplacer.
M. le président (après avoir consulté MM. les secrétaires). - Le bureau nomme M. Dubus (aîné) à la place de M. Brabant.
MM. les présidents des sections se sont réunis hier pour s'entendre sur la marche à suivre quant à l'examen de projets de loi en section. Ils ont renvoyé, sauf l'approbation de la chambre, à l'examen des sections de février le projet de loi relatif à l'extension du matériel du chemin de fer et le projet de loi relatif à l'organisation des monts-de piété, deux projets de loi pour lesquels aucune section précédente n'avait nommé de rapporteur.
Si personne ne fait d'opposition, je considérerai ce renvoi comme approuvé.
M. de Garcia. - J'ai l'honneur de présenter à la chambre le rapport sur le projet de loi présenté par le département de la guerre et tendant à accorder une pension au major honoraire Boine.
Le rapport conclut à l'adoption de ce projet. La section centrale propose un seul amendement au projet, il consiste à rendre une partie de la pension du titulaire réversible sur la veuve ; c'est-à-dire que la pension du major Boine serait de 1,250 fr., et celle de la veuve, en cas de décès de son mari avant elle, on de moitié, de 625 fr.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le président. - Ce projet est urgent, la chambre veut-elle le mettre à l'ordre du jour de demain ? (Oui, oui.)
- La chambre décide que ce projet figurera en tête de l'ordre du jour de demain.
M. Brabant. - Dans la séance de samedi dernier, M. le ministre des finances nous a présenté un projet de crédit provisoire pour le département des travaux publics, s’élevant à la somme de 1,107,981 fr. 03.
La section centrale a adopté ce projet à l’unanimité sous toutes les réserves qui avaient été faites antérieurement et par le gouvernement et par la section centrale.
- La chambre décide qu'elle passe, a immédiatement à la discussion de ce projet de loi.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département des travaux publics, un crédit provisoire d'un million cent sept mille neuf cent quatre-vingt-un francs trois centimes [fr. 1,107,981 05), pour faire face aux dépenses du mois de mars de l'année 1847.
M. Lebeau. - Messieurs, je voudrais demander si nous aurons (page 876) bientôt le rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics. Nous avons à nous occuper de travaux urgents, les vacances de Pâques approchent, et je crains que nous ne puissions voter ce budget avant Pâques.
Sans doute nous accordons des crédits provisoires ; mais il est à ma connaissance que cet état de choses entraîne pour l'administration des embarras en assez grand nombre et des inconvénients assez fâcheux pour les personnes.
Je crois que l'honorable M. Brabant est chargé de présenter le rapport. C'est une raison pour moi, je le dis volontiers, de l'attendre avec patience, parce que je crois que nous serons dédommagés du retard qu'éprouve le dépôt du rapport par le travail qui nous sera présenté.
Mais je désirerais savoir si nous pourrons voter le budget avant les vacances de Pâques.
M. Brabant. - Messieurs, il m'est impossible de répondre d'une manière positive à la question qui m'est posée par l'honorable M. Lebeau. Je ne m'occupe plus que du rapport du budget des travaux publics, et je crois pouvoir dire que tout au plus tard d'ici à quinze jours ce rapport sera déposé. Je le ferai le plus court possible, afin que l'impression ne soit pas bien considérable, et que l'attention des membres de la chambre ne soit pas distraite par la longueur de la rédaction.
- L'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er mars 1847. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 62 membres présents. Ce sont : MM. Dumont, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, de Brouckere, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Meester, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, Donny, Dubus (aîné) et Dubus (Albéric).
M. de Lannoy, rapporteur. - La commission m'a chargé de vous faire le rapport sur la pétition qui vous a été adressée par le sieur Jean Jacobs, d’Anvers, qui réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le payement de sommes qu'il dit lui revenir du chef de travaux exécutés pour la construction des bassins de la ville d'Anvers.
Cette pétition, qui se rapporte à une affaire commencée depuis 40 ans environ, est accompagnée d'un dossier très volumineux, dont il est nécessaire de vous donner une analyse très succincte, pour vous faire connaître la nature des prétentions du sieur Jacobs.
Le 7 janvier 1806 l'entreprise des travaux du port et bassins d'Anvers a été adjugée aux sieurs de Pauw et Van de Weghe. Par acte sous seing privé du 20 février 1806, de Pauw et Van de Weghe cédèrent au sieur Jacobs, pétitionnaire, un tiers dans leur entreprise.
Une contestation s'étant élevée entre les adjudicataires et leur associé, pour règlement de compte des travaux exécutés en 1806 et 1807, l'affaire fut portée devant les tribunaux. La cour de Bruxelles, par arrêt du 15 janvier 1810, confirmé par arrêt de la cour de cassation, à Paris, le 28 février suivant, reconnut la validité des prétentions du sieur Jacobs à participer pour un tiers aux bénéfices opérés, non seulement sur les travaux de 1806 et 1807, mais encore sur ceux de la suite de l'entreprise.
Le sieur Jacobs n'ayant pu, malgré ces arrêts, obtenir payement de ses coassociés, un nouvel arrêt de la cour de Bruxelles du 28 août 1813, lui alloua une somme de 20,000 fr. par provision.
Ces contestations duraient encore à la chute de l'empire français.
Les travaux des bassins d'Anvers n'étant pas entièrement soldés, cette affaire dut être réglée par la commission de liquidation qui fut nommée pour fixer le montant des dettes entre les gouvernements de France et des Pays-Bas, et il fut reconnu que la somme qui restait à payer montait à 443,331 fr. 75 c.
Le sieur Jacobs s'empressa de faire notifier à la commission de liquidation à la Haye, saisie-arrêt sur cette somme, par acte du 1er juin 1818, comme il conste de pièces déposées au dossier.
De Pauw, pressé par ses créanciers, ne pouvant, par suite de cette mesure, obtenir le payement des sommes déposées à la Haye, présenta, le 15 septembre 1819, une requête au président du tribunal d'Anvers, pour qu'il voulût, vu l'urgence, assigner Jacobs à comparaître à l'audience du 18 (cinq jours après), pour y entendre prononcer la nullité et obtenir la main levée de toute saisie-arrêt mise et à mettre par ledit Jacobs sur ce qui restait dû par le gouvernement français des travaux faits au port et bassins d'Anvers.
Le sieur Jacobs ne se présenta point à cette audience, n'ayant pu réunir en si peu de temps ses moyens de défense, et, par un arrêt rendu contre lui, par défaut, le tribunal prononça la nullité et ordonna la main levée de toute saisie-arrêt et opposition sur les sommes dues par le gouvernement, pour les travaux faits au port et bassins d'Anvers, et ordonna, attendu qu'il y avait titre, que le jugement serait exécutoire par provision, nonobstant appel ou opposition, sans caution.
Le sieur Jacobs interjeta appel de ce jugement qui fut annulé par arrêt de la cour supérieure de justice de Bruxelles, du 4 février 1820.
Mais il paraît que pendant cet intervalle le sieur de Pauw s'était rendu à la Haye et que, produisant à la commission de liquidation le jugement rendu par défaut contre Jacobs, il était parvenu à faire liquider son compte moyennant une perte considérable.
Le sieur Jacobs prétendit, avec raison, paraît-il, que le payement fait à de Pauw, au mépris de ses prétentions reconnues valables par plusieurs arrêts, était illégal, arbitraire et injuste ; et ses démarches pour se faire rendre justice duraient encore au moment de la révolution de 1830.
Le traité du 19 avril 1839 vint relever l'espoir du pétitionnaire ; il fit des démarches pour que ses prétentions fussent comprises au nombre de celles qui devaient être réglées par la commission mixte d'Utrecht.
Le ministre des finances, auquel le sieur Jacobs s'adressa à cette fin, lui répondit, par lettre du 18 août 1841, page 4, que l'examen auquel sa requête avait donné lieu avait fait connaître que sa demande ne rentrait, sous aucun rapport, ni dans les attributions de la commission mixte d'Utrecht ni dans celles du département des finances.
C'est contre cette décision, que le pétitionnaire regarde comme un déni de justice, qu'il n'a cessé de réclamer depuis : c'est contre cette décision qu'il réclame encore aujourd'hui, dans la pétition qu'il vous a adressée, soutenant que M. le ministre n'était pas compétent pour trancher la question et qu'il lui a été fait un tort notable.
La commission a puisé dans l'examen de cette affaire la conviction que les intérêts du sieur Jacobs ont été lésés d'une manière très grave et qu'il a été victime d'une suite de circonstances très malheureuses pour lui ; sous ce point de vue il est digne de l'intérêt de la chambre.
La commission, sans vouloir rien préjuger sur cette affaire assez compliquée et notamment sur le refus de M. le ministre des finances de la comprendre parmi celles qui ont fait matière de l'examen de la commission mixte d'Utrecht, a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances.
M. Rogier. - Messieurs, d'après les conclusions de la commission, la pétition serait renvoyée à M. le ministre des finances. Le rapport exprime une opinion favorable à la situation du pétitionnaire. Je demanderai que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des finances avec demande d'explication.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, pour prévenir un travail inutile, je donnerai immédiatement une explication sur la position du gouvernement et du pétitionnaire, en ce qui concerne la liquidation d'anciennes créances.
La chambre se rappellera qu'on a alloué, par le traité du 5 novembre 1842 et à forfait, une somme de 7 millions de florins à 2 1/2 p. c. pour achever les liquidations et que, par le même traité, on a institué une commission chargée de juger souverainement toutes les questions qui se rattachent au payement des anciennes créances. Je ne pourrais donner d'autres explications à la chambre que celle-ci : la commission a statué sur la pétition du sieur Jacobs ; elle a reconnu que celui-ci ne rentrait pas dans les termes du traité, que, par conséquent, il n'y a aucun droit à la charge de la Belgique.
Il est impossible que le gouvernement entre dans la discussion de tous les faits relatifs à la liquidation de toutes les dettes, depuis l'existence des Pays-Bas autrichiens. Le chiffre connu des créances frappées de déchéances, prescriptions et autres fins de non-recevoir, non compris les créances qui ont été admises, s'élève à peu près à 37 millions, et dans ces 37 millions se trouve la créance du sieur Jacobs. Je crois que l'énoncé seul du fait suffit pour démontrer qu'on ne peut pas sortir des termes de la loi et des règles générales de la liquidation.
M. Osy. - Messieurs, après le traité de paix, le gouvernement a fait un appel à tous les anciens créanciers du royaume des Pays-Bas. Le pétitionnaire s'est adressé à M. le ministre des finances d'alors, qui, si je ne me trompe, était l'honorable M. Smits. Le pétitionnaire se plaint de ce que M. le ministre des finances a oublié de saisir de sa réclamation la commission de liquidation à Utrecht ; ensuite, la commission qui devait répartir les sept millions, a rejeté la liquidation de cette créance. C’est donc sur l'erreur que le pétitionnaire dit avoir été commise à son préjudice par son prédécesseur, que M. le ministre des finances doit porter son attention, et sous ce rapport il ne doit pas s'opposer à la demande d'explications proposée par l'honorable M. Rogier.
M. de Garcia. - Messieurs, il m'est impossible n'admettre la justesse de l'observation qui vient d’être faite par l'honorable M. Osy. De deux choses l'une, ou le requérant a satisfait aux obligations qui lui sont imposées par nos lois, ou il n'y a pas satisfait ; s'il n'y a pas satisfait, les déchéances que prononcent les lois, doivent être maintenues. Je pourrais citer l'exemple de la ville que j'ai l'honneur de représenter. Elle avait des sommes énormes à réclamer contre l'Etat, du chef de la construction de la route de Namur à Louvain. Partout l'Etat a combattu ces prétentions par des déchéances, et toutes nos réclamations ont échoué dans cette enceinte.
Quel serait le motif de déroger à cette règle dans l'espèce actuelle ? Rien de plausible n'a été produit à cet égard.
Un fait pourtant a été signalé par l'honorable M. Osy ; c'est qu'un haut fonctionnaire aurait négligé les intérêts du pétitionnaire, et que cette négligence serait la cause des pertes qu'il a essuyées. Si ce fait est vrai, l'Etat ne serait pas encore soumis à sa réparation.
Si un ministre ou un fonctionnaire quelconque écartait une réclamation, et qu'on pût le constater, je crois que le ministre ou le fonctionnaire devrait être tenu personnellement aux réparations et aux dommages-intérêts résultant d'actes semblables à ceux qu'on vient de signaler.
(page 877) M. Osy. - Je n'affirme pas que le ministre des finances ait été cause de la déchéance que le pétitionnaire a encourue ; je dis seulement ce qui e trouve dans la pétition ; je dis que le pétitionnaire se plaint de ce qu'un ministre n'aurait pas adressé sa réclamation en temps voulu au gouvernement des Pays-Bas, ce qui aurait motivé le rejet de sa créance par la commission de liquidation. Je ne dis pas que la chose s'est passée ainsi, je dis seulement que la réclamation faite dans ces termes mérite d'être l'objet d'un examen et d'explications de la part du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Malou). - En supposant que le ministre n'aurait pas transmis la réclamation du pétitionnaire à la commission d'Utrecht, ce serait indifférent pour la question de droit. On a alloué 7 millions, non pour payer toutes les créances dont le payement pouvait être réclamé près de la commission d'Utrecht, mais pour payer les sommes dues en 1830.
La somme réclamée par le pétitionnaire a été rejetée par la commission de liquidation, comme n'étant pas due en vertu des traités. Je ne m'oppose pas au renvoi pur et simple, mais je désire que le renvoi ait lieu sans demande d'explications.
M. Rogier. - Quand j'ai proposé le renvoi de la pétition au ministre des finances, avec demande d'explications, c'était pour attirer son attention spéciale sur le contenu de cette pétition. Le fait dont se plaint le pétitionnaire, c'est que par suite de ce qu'il appelle la négligence d'un prédécesseur de M. le ministre, sa réclamation n'aurait pas été envoyée à la commission de liquidation qui n'a pas pu statuer sur sa créance ; nous n'avons pas à examiner le fond de la réclamation, mais nous demandons que M. le ministre veuille bien examiner la pétition avec tout l'intérêt qu'elle mérite. Quant à l'explication, je voudrais qu'elle portât sur le fait de n'avoir pas envoyé cette pétition à la commission de liquidation. Voilà un fait assez grave pour réclamer les explications de M. le ministre.
M. Donny. - Je viens confirmer l'observation présentée par M. le ; ministre des finances. Il vous a dit qu'il était inutile d'examiner si la réclamation du pétitionnaire avait été envoyée ou non à la commission d'Utrecht. Cela est parfaitement vrai. Cette commission était chargée par, le traité de 1839, de faire la liquidation des créances y mentionnées ; si la commission avait rempli ce mandat, toute négligence apportée par le ministre des finances à faire parvenir à cette commission les réclamations des parties intéressées aurait pu être fatale à ceux-ci, et, dans ce cas, le gouvernement devrait naturellement expliquer et justifier sa conduite ; mais les choses ne se sont point passées de cette manière.
La commission a commencé par faire des tentatives de liquidation, mais elle s'est convaincue bien vite qu'il était, sinon impossible, du moins extrêmement difficile d'effectuer la liquidation d'une manière convenable. Alors, laissant de côté toutes les réclamations qui lui avaient été présentées, elle a tâché de conclure un arrangement à forfait, au moyen duquel la Belgique se serait chargée de la liquidation de toutes les dettes non liquidées existantes encore en 1830, sans distinguer entre celles présentées à la commission et celles qui ne l'étaient pas. Cet arrangement à forfait a été conclu ; la commission d'Utrecht n'avait dès lors plus à s'occuper et ne s'est plus occupée de réclamations faites par des particuliers ; dès lors aussi la présentation à la commission d'Utrecht est devenue une circonstance complétement indifférente.
- Le renvoi à M. le ministre des finances est ordonné. La demande d'explication n'est pas admise.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au budget du ministère des finances un crédit supplémentaire de 175,000 francs applicable :
« 1° A concurrence de 165,000 francs, à l'acquisition des terrains et bâtiments de la Société belge de librairie, imprimerie et papeterie, rue du Nord, n° 8, à Bruxelles ;
« 2° A concurrence de 10,000 francs, aux dépenses d'appropriation de ces bâtiments.
« Ce crédit formera l'article unique du chapitre VII du budget du ministère des finances, pour l'exercice 1847. »
- La section centrale propose l'adoption du projet de loi tel qu'il a été présenté, mais sous une condition, à savoir que, lors de la discussion, le gouvernement prendra l’engagement précis de réaliser, dans le cours de 1848, sur les loyers mentionnés à l'annexe n°1 de l'exposé des motifs, une économie au moins égale à la somme représentant l'intérêt du capital à employer à l'achat de l'immeuble et aux frais d'appropriation, intérêt calculé à 6 p. c. l'an.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Le but de cette acquisition a été de faire l'économie de quelques loyers de locaux épais dans la ville de Bruxelles. La réserve faite par la section centrale rentre donc dans les intentions du gouvernement. C'est pour atteindre ce but, pour faire de cette propriété une espèce de succursale des ministères, que l'acquisition vous est proposée. Comme cela est indiqué dans l'exposé des motifs et dans le rapport, le gouvernement désire aussi pouvoir y placer immédiatement les nouvelles archives accumulées dans les hôtels des ministères.
La question du placement des anciennes archives demeure entièrement réservée. Le projet ne change rien à cet égard. Le gouvernement continue d'étudier cette question. Quand il sera arrivé à un résultat, il fera, quant aux anciennes archives, une nouvelle proposition à la chambre.
M. Jonet. - J'étais membre de la 3ème section qui a émis l'avis suivant énoncé dans le rapport de M. Veydt :
« La 3° section s'est abstenue de se prononcer. Elle a chargé son rapporteur de s'assurer si le local choisi répondrait à sa nouvelle destination et si de grandes dépenses d'appropriation ne seraient pas nécessaires. Elle s'est demandé aussi s'il ne vaudrait pas mieux bâtir sur un terrain libre appartenant à l'Etat ou acquis dans ce but. »
Cette opinion de la 3ème section est également la mienne. Je la propose encore aujourd'hui.
Je pense que l'acquisition qu'on ferait de la propriété de M. Hauman ne remplirait pas le but qu'on se propose, que cette propriété serait insuffisante, que l'Etat ferait beaucoup mieux d'acheter dès aujourd'hui un terrain plus vaste, pour construire un bâtiment propre à conserver non seulement les nouvelles archives, mais encore les anciennes.
Cette question a été soulevée plusieurs fois dans la chambre, notamment à l'occasion du budget de l'intérieur.
Si l'on trouvait une propriété plus étendue, où l'on pût construire, non pas en un an, mais en quatre ans, dix ans s'il le faut, un bâtiment plus convenable, qui serait à l'abri de l'incendie, parce qu'il serait construit sans bois, en pierres, en briques et en fer, il y aurait économie à adopter ce système ; car si vous achetez la propriété de M. Hauman, vous n'aurez fait qu'une opération du moment. A mon avis, ce ne sera qu'un replâtrage. Vos archives principales resteront toujours sans bâtiments convenables, exposés à la pluie et aux incendies. Il suffirait d'avoir une propriété plus grande. Je crois qu'on pourrait la trouver. Il s'en trouve une qui n'est pas très éloignée et dans une situation beaucoup plus favorable que celle de la propriété qu'on veut acquérir. J'ai fait quelques recherches : j'ai à proximité du palais de la Nation et des ministères une propriété qui pourrait très bien convenir, sauf le prix qu'on demande et qui ferait l’objet d'une négociation particulière.
Je pense donc que, dans l'intérêt de l'Etat, il ne faut pas acheter la propriété de M. Hauman, parce que, en s'entendant avec le propriétaire, on pourrait avoir une propriété plus étendue dans le prolongement de la rue de la Loi, quartier Léopold, derrière la maison de M. Meeus, à quelques centaines de pas des ministères et de la chambre des représentants. Il y a là un terrain carré, isolé, vos archives y seraient parfaitement placées.
Vous me direz que l'on ne pourra pas bâtir en une année ; je suis de cet avis. Mais vous pourriez bâtir une partie en deux ans, le reste dans les deux années suivantes. Avec les 250,000 fr. qu'il vous faudra dépenser pour l'achat et l'appropriation des bâtiments dont il s'agit, vous achèteriez ce terrain.
C'est l'opinion que ma section m'a chargé de soutenir. La section centrale ne l'a pas repoussée ; mais la majorité pense néanmoins qu'il fallait acheter la propriété de M. Hauman.
Quant à moi, je considère cette dépense comme inutile.
M. Lebeau. - A certains égards la 4ème section, dont j'avais l'honneur d'être président, a exprimé une opinion analogue à celle de l'honorable préopinant, c'est-à-dire que la section a été unanimement d'avis que si la destination principale des bâtiments acquis par le gouvernement, dans la rue du Nord, était la conservation de nos archives, il y aurait à cela des objections sérieuses à présenter. La section s'en est expliquée de la manière la plus positive. Cependant la section a émis un vote favorable au projet de loi.
Voici comment elle s'est expliquée :
« La quatrième section a été unanimement d'avis que le local désigné ne convient, sous aucun rapport, pour y réunir et conserver les archives ; mais elle s'est montrée disposée à accorder le crédit si, pour d'autres destinations, ce local peut remplacer avec avantage et économie les divers bâtiments loués maintenant et qui se trouvent disséminés dans toute la ville. Elle a chargé son rapporteur de s'enquérir si ces conditions seraient remplies et d'examiner les pièces, plans et devis relatifs à l'acquisition et aux constructions à y faire. »
Du moment qu'il serait question d'établir dans ces bâtiments le dépôt, non seulement des archives anciennes, mais des archives de toute nature, de tout ce qui pourrait être considéré comme sortant du courant des affaires, comme pouvant être mis dans un lieu spécial de dépôt, le local dont il s'agit ne nous a paru en aucune façon propre à cette destination ; mais nous avons été frappés des autres raisons présentées par le gouvernement à l'appui de son projet.
Nous voyons d'abord, quant à l'acquisition en elle-même, que le prix en est très modéré. En effet, messieurs, l'estimation a été faite par deux hommes dont la capacité et l'intégrité sont au-dessus de tout soupçon. Cette estimation est de 170,000 fr. L'achat est de 165,000 fr. Il paraît que la construction seule des bâtiments a coûté au-delà de 150,000 francs, et je ne crains pas d'en appeler à l'opinion de la section centrale et des honorables membres de cette chambre qui se sont rendus sur les lieux ; ils diront avec moi que cette évaluation n'est pas exagérée.
Indépendamment d'une construction récente que l'on dit avoir coûté 150,000 francs il y a trente mille pieds de développements, trente mille pieds de surface dans une situation destinée, selon moi, à devenir un jour centrale, dans un quartier où le pied carré se vend de 3 à 4 francs. (Interruption.)
Permettez ; j'en parle avec connaissance de cause. Je connais des personnes qui ont acheté des terrains à bâtir, non pas dans le centre de la ville, (page 878) non pas dans la proximité du Parc, mais dans le quartier Léopold, et dans une partie excentrique du quartier Léopold. J'ai pu me convaincre qu'au quartier Léopold, le prix du pied carré varie de 3 à 5 francs, que le minimum est en général de 3 francs, et qu'il y a des parcelles de terrains qui s'y vendent jusqu'à 5 francs. Ainsi les parties qui font face au boulevard se vendent à 5 francs le pied ; et dans la situation où M. Jonet voudrait placer l'hôtel des archives, le pied carré se vend peut-être 4 fr. -De sorte que pour l'acquisition à laquelle on convie le ministère, il faudrait, rien que pour le sol, dépenser environ 400,000 fr.
Eh bien, les trente mille pieds qui se trouvent dans la rue du Nord, qui touchent à la rue de Louvain, et qui certes sont bien près des ministères, sont acquis absolument pour rien. On ne rembourse que le coût des bâtiments.
Je dis donc que, sous le rapport de l'acquisition, c'est essentiellement un bon marché.
A Dieu ne plaise cependant, si l'acquisition qui a été faite ne répondait pas au but que l'on se propose, qu'il fallût encourager le gouvernement dans cette voie ; à Dieu ne plaise qu'en présence de la position de nos finances, il fallût sans nécessité faire cette acquisition ! Mais nous ne sommes pas libres de ne pas faire des acquisitions de cette nature. Car déjà aujourd'hui le gouvernement est obligé de payer, pour placer le trop plein des bureaux des différentes administrations, des loyers qui répondent, en comptant sur un intérêt de 4 p. c. seulement, à un capital d'au-delà d'un million. Il faut en loyers 40,155 fr., d'après la note soumise par M. le ministre des finances.
Remarquez que, même sous le rapport de nos finances, nous faisons une bonne affaire, si M. le ministre, comme je n'en ai pas le moindre doute, renouvelle à la tribune la déclaration, faite par lui à la section centrale, qu'il est prêt à transporter immédiatement différents bureaux dans les bâtiments dont il a fait l'acquisition, si la vente est ratifiée par les chambres, et à supprimer différents loyers montant à une somme de 11,350 fr., c'est-à-dire pour une somme représentant un capital de près de 300,000 fr. à 4 p. c. Vous voyez donc que de toutes façons l'opération est avantageuse, indépendamment de la proximité du local de tous les hôtels de ministère pour l'acquisition desquels la chambre a déjà voté des sommes considérables. Or, si c'est comme succursale des ministères, si c'est surtout pour y placer un personnel ressortissant aux différentes administrations, je crois qu'il y avait convenance de la part du gouvernement, à donner la préférence à l'acquisition qui a été faite.
Mais, messieurs, à moins qu'on ne nous donne des renseignements qui nous manquent encore, je proteste contre toute idée de faire de ce local un dépôt d'archives. Je crois que pour un dépôt d'archives il faut un bâtiment spécial, un bâtiment isolé, un bâtiment où le bois n'entre une très exceptionnellement. Je crois que pour ce bâtiment il faudra des subsides particuliers, une situation toute particulière et un plan spécial qui ne ressemble à rien de ce que l'on achète aujourd'hui.
A cette occasion, je voudrais jeter en avant, sans arrêter trop longtemps la chambre sur cette question, une idée qui m'est souvent venue quant aux archives.
Je suis grand partisan de la conservation des archives ; mais je connais sous ce rapport des fanatiques comme il y en a à peu près dans tous les genres. Il y a des hommes qui croiraient se rendre coupables du crime d'Omar, s'ils lacéraient, s'ils mettaient au pilon la farde la plus insignifiante.
Je suis convaincu que les trois quarts peut-être des archives conservées si religieusement, non seulement à Bruxelles, mais aux hôtels des gouvernements dans les provinces, ne seront jamais d'aucune utilité et que leur véritable destination, c'est l'épicier.
Je voudrais donc que tout ce qui n'est pas historique, ou statistique, ou titre de propriété, enfin tout ce qui n'est pas d'un intérêt évident, fût mis à néant. Mais il faudrait procéder à une opération de ce genre avec la plus grande prudence, il faudrait, ce me semble, entre autres mesures, commencer par nommer des commissions provinciales, dans lesquelles je voudrais voir représenter les partisans les plus superstitieux de la conservation des archives. Je voudrais que ces commissions, après leur travail, fissent des propositions au gouvernement qui statuerait sur le sort des archives à mettre à néant, comme inutiles, encombrantes et propres seulement à rendre les recherches plus difficiles ; pour l'anéantissement de tout ce qui peut être considéré comme parfaitement inutile, je le répète, le gouvernement seul pourra il statuer.
Je dois dire, messieurs, que j'ai vu dans les archives des provinces des fardes sous lesquelles ployaient eu quelque sorte les planchers et qui ne contenaient que des pièces complétement inutiles.
.Je voudrais donc que l'on en vînt un jour à examiner jusqu'à quel point on peut désobstruer les dépôts d'archives tant de la capitale que des provinces.
M. Jonet. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l'honorable M. Lebeau.
Il vous a dit que le terrain auquel j'avais fait allusion coûterait au moins quatre francs le pied.
Messieurs, il y a au quartier Léopold des terrains qui se vendent, il est vrai, jusqu'à cinq francs le pied, et il y en a qui coûtent 4, 3 et 2 fr. le pied.
Quant à celui dont je vous ai parlé, j'ai été le voir sans mission de personne. J'ai vu le propriétaire et je lui ai demandé à quel prix il le laisserait. Il m'a demandé si ce serait pour prendre le tout. Je lui ai répondu que oui, que ce serait pour prendre tout le carré qui contrent 100,000 pieds à peu près, entièrement entouré de murs et situé en face de l'église Saint-Joseph. J'en ai demandé le prix, et comme je ne voulais pas annoncer une chose qui pût paraître incertaine, j'ai demandé qu'on me donnât le prix par écrit. Eh bien, messieurs, le prix qu'on m'a demandé est 2 fr. 50 le pied ; mais je suis convaincu que si vous faisiez une offre vous obtiendriez un rabais, car la société civile a intérêt à voir établir un nouveau monument au Quartier-Léopold. Quand je dis : un monument, je n'entends pas qu'on doive faire quelque chose de fastueux : mais il faut une construction solide, dans le genre du nouvel entrepôt de Bruxelles, quelque chose qui soit bien à l'abri du feu, où il y ait surtout le moins de bois possible.
Maintenant, messieurs, faut-il, dans cette position, acheter le terrain et les bâtiments dont M. le ministre des finances a fait l'acquisition provisoire ? Vous êtes tous d'accord, et je crois que M. le ministre des finances conviendra également, que cette propriété ne suffira pas pour y déposer toutes les archives, alors même qu'on en enverrait une bonne partie chez l'épicier. Tôt ou tard, messieurs, quoi que vous fassiez, il vous faudra autre chose. Dès lors pourquoi ne pas acheter dès aujourd'hui un terrain comme celui dont je viens de parler ? Vous pourriez ainsi, dans un an, atteindre le but que vous avez en vue en faisant l'acquisition de la propriété rue du Nord, qui, soit dit en passant, ne vaut pas le quart de celle dont je viens de parler, sous le rapport de la situation, car il est certain que la situation de la rue de la Loi vaut bien le double et peut-être même le quadruple de celle de la rue du Nord, qui n'est certes pas des plus belles. Je disais donc que dans un an vous pourriez atteindre le but que vous avez en vue : en effet, dès la première année il vous serait facile d'avoir des locaux pour le personnel ; la deuxième année vous en auriez pour les archives nouvelles, et la troisième ou la quatrième vous en auriez pour les archives anciennes. Vous pourriez en outre placer dans le bâtiment à construire une foule d'établissements pour lesquels vous êtes obligés de louer des locaux, ce qui vous ferait économiser non seulement 11,000 francs par année, mais la somme entière de 40,000 fr. Vous auriez alors un bâtiment solide, isolé des petites maisons et des boulangeries, ce qui n'est pas le cas pour la propriété dont vous voulez faire l'acquisition.
Je persiste à croire, messieurs, que l'opération que je viens de vous indiquer serait de beaucoup préférable à celle qu'on nous propose de sanctionner.
M. Veydt, rapporteur. - L'honorable M. Jonet vient de faire valoir les considérations qu'il avait présentées dans la section centrale. Comme il l'a dit, messieurs, il avait bien voulu s'informer du prix auquel on pourrait acquérir un terrain vaste et convenable pour y bâtir un local destiné à servir de dépôt à toutes les archives, et ce prix est jusqu'à présent de 2 fr. 50 cent. le pied. Mais, messieurs, la section centrale eût-elle pu obtenir le terrain dont il s'agit pour la moitié de ce prix, eût-elle pu même l'obtenir gratuitement, elle n'aurait pas encore proposé, dans les circonstances actuelles, la construction d'un bâtiment spécial pour les archives, et cela pour plusieurs raisons, pour des raisons d'économie et pour des raisons administratives. En effet, messieurs, il est nécessaire d'avoir immédiatement un local convenable afin de pouvoir débarrasser les ministères d'une grande partie des archives modernes qui les encombrent et les exposent, en cas d'incendie, aux plus grands désastres. Cette seconde considération s'applique aussi au dépôt actuel du cadastre, même à un plus haut degré.
Dans l'état actuel des choses, le gouvernement doit louer des maisons situées dans différentes parties de la ville, et il paye de ce chef annuellement des sommes considérables. L'acquisition dont il s'agit dans le projet de loi permettra d'abandonner immédiatement trois ou quatre de ces maisons occupées par les départements de l'intérieur et des affaires étrangères et qui sont désignées à l'annexe sous les n°3, 13, 15 et 16. Nous arrivons ainsi à une économie dont le montant dépasse l'intérêt de la somme que coûte la propriété.
L'honorable M. Jonet a parlé de 250,000 fr., mais il a été bien entendu, messieurs, que la dépense ne s'élèvera pas au-delà de 175,000 fr., car au moyen du supplément de 10,000 fr., M. le ministre des finances pourra largement pourvoir à toutes les dépenses d'appropriation et d'emménagement.
Quant aux bâtiments de la rue du Nord, ils ont été visités par plusieurs membres de la section centrale, qui ont trouvé qu'ils sont très propres à la double destination qu'ils recevraient. La partie qui sert d'habitation est construite, en quelque sorte, comme un petit hôtel de ministère : il y a un grand nombre de places et de dégagements. Le magasin de la librairie est un vaste bâtiment tout à fait convenable à un dépôt d'archives. La construction en est solide, et elle n'est en contact, du côté de la caserne, avec aucun local qui inspire des craintes d'incendie. On pourrait même l'isoler, s'il le fallait.
Telles sont les principales considérations, messieurs, qui ont déterminé la section centrale à appuyer l'acquisition faite provisoirement par le département des finances. Ce n'est pas une affaire d'éclat, une affaire de grande importance en elle-même ; mais c'est une chose utile, d'un usage immédiat. Suivant moi, ce ne sera jamais une affaire onéreuse ; car si le dépôt des archives s'établit ailleurs et si l'on n'avait plus besoin des bâtiments de la rue du Nord, il sera possible de les vendre et même d'en retirer la somme qu'on veut y consacrer aujourd'hui.
Cependant, messieurs, la section centrale a mis une condition à son approbation au projet de loi ; elle désire que le gouvernement prenne l'engagement bien positif de résilier des baux jusqu'à concurrence d'une (page 879) somme au moins équivalente au montant des intérêts du capital qu'il s'agit de dépenser. M. le ministre dit bien qu'il y aura résiliation de baux ; mais il faut nous entendre sur le chiffre des réductions qui en résultera.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je me suis exprimé sur ce dernier point d'une manière aussi formelle qu'il était possible de le faire. Nous avons aujourd'hui à notre disposition l'hôtel de la rue de la Montagne, et nous acquerrons la disposition des locaux très vastes situés rue du Nord, dont il s'agit en ce moment. A mesure que les baux pourront être résiliés selon les convenances des diverses administrations et du public, nous les résilierons. Il sera très facile, dans mon opinion, de résilier ceux de la maison rue des Sables, n°13 du tableau, de la maison rue Royale, n°15, et de la maison place des Barricades ; ce qui donnera lieu à une économie de plus de 11.000 fr. ; et si plus tard nous pouvions résilier encore les baux de la succursale des archives, rue de la Paille, et de la maison rue Notre-Dame-aux-Neiges, l'économie s'élèverait à 17,000 fr.
La chambre appréciera parfaitement les motifs qui m'empêchent de dire dès aujourd'hui : Tel bail sera résilié plus tôt que tel autre ; mais je puis prendre l'engagement positif que nous résilierons des baux à concurrence de 10,000 fr. au moins.
Indépendamment de ces économies, nous obtenons immédiatement de vastes magasins, construits avec beaucoup de solidité, et qui peuvent être mis à l'abri des plus grandes chances d'incendie.
Dans ces magasins, après un triage fait avec circonspection, mais aussi sans un amour exagéré des vieux papiers, nous pourrons placer les archives nouvelles des ministères qui méritent d'être conservées. Il y a ici deux sortes d'utilité qui m'ont déterminé et qui ont déterminé la majorité de la section centrale à préférer dans ce moment cette acquisition à toutes les autres qui nous ont été proposées.
Il est sans doute fort facile d'acheter au Quartier-Léopold, là où finissent les constructions nouvelles, des terrains très vastes ; il est très facile d'y dépenser 250,000 fr. pour 100,000 pieds carrés, et d'y construire pour un ou deux millions un hôtel pour les archives. Mais il m'a paru que dans ce moment il fallait faire exclusivement ce qui était utile et économique ; qu'en le faisant, il fallait ne créer d'obstacle pour aucune amélioration dans l'avenir, et c'est à ce point de vue que j'ai passé l'acte relatif à l'acquisition de la propriété de la Société belge de librairie.
Ainsi, la question des archives anciennes est réservée ; nous nous en occuperons ; nous tâcherons de trouver la solution à la fois la plus convenable pour la conservation des archives et la plus économique. Mais dès à présent, nous pouvons établir une succursale devenue nécessaire pour les ministères, et nous pouvons y placer en même temps toutes les archives qui encombrent aujourd'hui les hôtels des départements ministériels. Si plus tard, par exemple, l'on voulait créer un local général pour les archives, si on avait plus tard des sommes disponibles pour ériger un monument, la propriété que vous aurez acquise vaudra au moins alors ce qu'elle vaut aujourd'hui ; ce n'est pas une valeur morte ou détruite dans les mains de l'Etat.
M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, quand j'ai demandé la parole, M. le ministre des finances n'était pas encore arrivé à la fixation d'un chiffre ; il était constamment resté dans le vague : nous ferons ce qui sera possible ; mais nous ne pouvons pas prendre d'engagement formel, quant à l'économie qui pourra être réalisée. Or, la section centrale, en présence de pareilles déclarations, ne vous aurait pas proposé l'adoption du projet de loi. Maintenant M. le ministre des finances vient de nous dire que l'économie sera au moins de 10,000 francs ; de cette manière la section centrale et M. le ministre des finances sont bien prêts de s'entendre ; en effet par la résiliation des baux indiqués sons les n°13, 15 et 16 il y a déjà en économie une somme de 10,150 francs ; la section centrale avait également indiqué le n°3 relatif à la maison louée pour l'état-major de la garde civique et qui entraîne une dépense annuelle de l,200 francs ; cette économie pourra sans doute être également réalisée. Ainsi sur l'ensemble il y aura une réduction de 11,350 francs sur l'état de fr. 40,135, annexé à l'exposé des motifs.
M. Rogier. - Messieurs, quoi qu'en ait dit M. le ministre des finances, je n'ai pas été frappé de l'urgence de l'acquisition proposée et qui va entraîner le trésor public dans une nouvelle dépense de 175,000 fr. à couvrir encore par des bons du trésor.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Non ! non !
M. Rogier. - Comment alors couvrirez-vous cette dépense ? Les voies et moyens de 1847 ne suffiront pas même à faire face aux dépenses courantes.
D'après les explications que vient de donner M. le ministre des finances, le nouveau local, occupé par la maison de librairie Hauman et compagnie, serait destiné à remplacer divers locaux éparpillés dans la capitale. Mais d'abord il y aura une dépense de 10,000 fr. en frais d'appropriation, et je doute que cette somme soit suffisante. En second lieu, je crois qu'on ne fera pas tous les transferts qu'on nous annonce. En troisième lieu, il s'agirait de transporter dans ce bâtiment le trop plein des archives qui se trouvent dans les différents ministères. Eh bien, cette dernière mesure, si elle n'est pas impérieusement commandée par les circonstances, ne serait pas bonne en elle-même.
Si, quand les temps seront devenus meilleurs, l'on veut arriver an déplacement du dépôt des archives générales du royaume, il faut en quelque sorte qu'on y soit forcé par l'encombrement même des archives ; il faut se réserver de bonnes raisons à donner aux chambres. Si vous distrayez des différents départements le trop plein des archives modernes, la nécessité d'un dépôt général d'archives apparaîtra moins urgente. Aujourd'hui, personne ne conteste la nécessité d'un nouveau local ; ce qui arrête, c'est la situation financière, car chacun est frappé de l'état dangereux, précaire, dans lequel se trouvent les archives si précieuses du royaume. M. le ministre des finances doit être le premier à reconnaître combien il serait désirable de voir ce dépôt dans une situation moins périlleuse. Sous ce rapport, le gouvernement aurait dû agir de manière à se ménager auprès des chambres le plus grand nombre d'arguments possible, afin d'obtenir le déplacement des archives. Or, je le répète, si vous placez dans un bâtiment séparé les archives modernes, vous rendez moins nécessaire le déplacement des archives anciennes qui doivent nécessairement recevoir les archives modernes.
Pour faciliter les recherches, il est indispensable que toutes les archives se trouvent dans le même local et qu'on ne soit pas renvoyé de la rue du Nord à tout autre quartier de la ville, pour consulter les archives antérieures à 1830.
Voilà pour les archives ; quant au reste, je ne vois pas la nécessité de nouvelles acquisitions.
Sous le rapport de la dépense, tout au plus, arrivera-t-on au statu quo, si M. le ministre des finances parvient à renoncer à la location de certaines maisons qui sont occupées aujourd'hui par les jurys d'examen, par la garde civique et par quelques administrations.
Quant à ces locaux même, on se plaint de leur insuffisance ; mais n'aurait-on pas pu y mettre plus de réserve ?
Les ministères se sont successivement agrandis, des locaux ont été achetés, des constructions ont eu lieu ; cependant on a cru devoir ajouter à ces constructions nouvelles de nouveaux locaux. La maison rue Royale, je ne sais quelle est sa destination aujourd'hui.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La direction du commerce !
M. Rogier. - Autrefois, la direction du commerce se trouvait dans le ministère ; je ne sache pas que les attributions se soient tellement agrandies qu'on ait dû placer cette direction ailleurs.
Autrefois, les jurys d'examen se réunissaient dans des locaux appartenant à l'Etat ; on a loué depuis pour leurs séances des maisons particulières. Dans le principe, on avait l'Observatoire, l'hôtel de l'ancien ministère de l'intérieur, etc., qui ne nécessitaient pas de loyers. Ces jurys, n'étant pas assemblés toute l'année, n'avaient pas besoin de résidence fixe. Ce sont là des détails d'administration, mais ils valent, ce me semble, la peine d'être mentionnés.
L'inconvénient principal qui me frappe dans l'acquisition actuelle, qu'on nous propose, c'est qu'elle ne soit un obstacle à l'établissement futur des archives générales dans un emplacement convenable. Si le local qu'il s'agit d'acquérir était disposé et situé de manière à pouvoir devenir plus tard le dépôt général des archives, le gouvernement aurait bien fait de saisir l'occasion de l'acquérir. Mais on est loin d'être d'accord sur la convenance de ce local pour une pareille destination, et dès lors, je ne puis admettre ni l'urgence ni l'utilité de l'acquisition dont il s'agit.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je crois qu'on ne manque pas de bonnes raisons pour la construction d'un local destiné à recevoir les anciennes archives. Cette question continuera à être étudiée ; nous ferons une proposition à la chambre dès que la question pourra être résolue.
Je ferai remarquer de nouveau que l'acquisition actuelle ne ferait aucunement obstacle à l'exécution de ce projet ; indépendamment des améliorations à apporter à la situation des anciennes archives, l'acquisition actuelle a toujours pour elle une somme d'utilité plus que suffisante pour justifier l'achat que le gouvernement a fait. Je ne puis pas expliquer en ce moment pour quel motif l'on a été amené à prendre en location telle ou telle maison à telle époque ; mais je sais qu'au département des finances, par exemple, le développement des affaires et des attributions a été tel que le personnel est littéralement entassé dans les bureaux quoique l'hôtel soit très vaste.
Il en est de même dans les autres départements, l'augmentation des affaires et des attributions a été considérable, ce qui est une preuve du perfectionnement de notre administration générale ; de là la nécessité de louer des locaux, notamment pour la division du commerce et de l'industrie.
M. de Brouckere. – Il résulte des renseignements joints au projet de loi qui nous est soumis, que le gouvernement à différentes époques a loué un assez grand nombre de maisons dans différents quartiers de la ville. Ces maisons ont été louées pour y placer certaines administrations on débris d'administrations.
L'honorable M. Rogier a demandé des explications sur la nécessité de ces locations ; M. le ministre répond qu'il lui est impossible de justifier la nécessité de louer tous les bâtiments que le gouvernement emploie ; je conçois cela, mais je dis au ministre que s'il voulait chercher les moyens de diminuer le nombre des maisons qu'on loue, ce ne serait pas difficile ; je lui en indiquerai un, il pourra chercher les autres, c'est de commencer par faire déguerpir les personnes qui se sont logées dans les bâtiments appartenant à l'Etal et auxquels le gouvernement ne doit pas le logement. Qu'il commence par exécuter cette mesure, il en résultera l'économie d'une ou deux maisons qu'il a louées.
- La discussion est close.
Il est procédé au vote par l'appel nominal, sur l'article du projet.
En voici le résultat :
60 membres ont répondu à l'appel.
54 ont répondu oui.
(page 880) 5 ont répondu non.
1 s'est abstenu.
En conséquence la chambre adopte ; le projet sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Dumont, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIIÎ, Biebuyck, Brabant, Clep, de Baillet, de Brouckere, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus ainé et Liedts.
Ont répondu non : MM. Eloy de Burdinne, Jonet, Rogier, de Villegas et Dubus Albéric.
M. le président. - M. de Bonne est invité à motiver son abstention.
M. de Bonne. - Je me suis abstenu parce que j'ai été actionnaire dans la Société belge de Librairie. J'ai eu, en cette qualité, quelques procès avec M. Hauman. J'ai cru ne pas devoir émettre un vote qui aurait peut-être été mal interprété.
M. le président. - L'article unique du projet de loi dont la commission propose l'adoption est ainsi conçu :
« Art. unique. Il est ouvert au budget du ministère des travaux publics un crédit supplémentaire de cent vingt-six mille francs (fr. 126,000) pour la restauration de l'hôtel de la cour des comptes.
« Ce crédit formera le paragraphe 2 de l'article 39, chapitre Il, du budget du ministère des travaux publics pour l'exercice 1846. »
M. Veydt, rapporteur. - Comme vous avez pu vous en convaincre, messieurs, par la lecture de l'exposé des motifs et du rapport de la section centrale, l'ingénieur des bâtiments civils a proposé de reconstruire l'hôtel incendié de manière qu'il soit à l'abri du feu qui pourrait venir du dehors.
Afin de mieux assurer l'exécution de ce plan, la cour des comptes a exprimé le désir que l'hôtel soit isolé de tout contact avec le bâtiment, qui a été le foyer de l'incendie, du côté de la maison de sûreté civile et militaire.
L'ingénieur des bâtiments civils s'est arrêté à un autre moyen de prévenir la communication du feu ; il veut remplacer la toiture de ce bâtiment qui est, si je ne me trompe, une écurie, par une plate-forme en maçonnerie, et prendre d'autres mesures de précaution contre le feu.
La cour des comptes, quand elle a eu connaissance de ce projet, n'a pas insisté sur l'isolement. Mais aucune des pièces du dossier communiqué à la section centrale, n'indique qu'une résolution ait été prise. Je saisis cette occasion d'engager M. le ministre des travaux publics à s'entendre avec son collègue de la justice pour que les travaux de reconstruction sur le terrain de la prison soient exécutés conformément à la proposition qui en a été faite. L'utilité ne saurait en être contestée.
M. le ministre des finances (M. Malou). – Il a été entendu entre les deux départements que la reconstruction par le département de la justice serait faite de telle manière que l'incendie ne pût plus être communiqué à l'hôtel de la cour des comptes. La prudence la plus vulgaire l'indiquait. Quand le cheval est volé, il faut au moins fermer l'écurie.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 58 membres qui ont pris part au vote.
Ce sont : MM. Dumont, Eloy de Burdinne, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Veydt, Vilain XIIII, Biebuyck, Brabant, Clep, de Bonne, de Brouckere, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus, ainé.
M. Delfosse. – Il est impossible de discuter ce projet de loi : ni M. le ministre de la justice ni M. le rapporteur ne sont présents.
M. le ministre des finances (M. Malou). - M. le ministre de la justice est au sénat pour la discussion de son budget. Il s'agit au reste d'une simple régularisation. S'il y a des observations, on pourra renvoyer à la prochaine séance.
M. de Corswarem. - A propos de la discussion de ce projet de loi, j'avais l'intention de demander à M. le ministre de la justice comment il se fait que des renseignements demandés depuis plusieurs mois, sur d'autres circonscriptions du Limbourg, n'aient pas été fournis.
Je demanderai à la chambre la permission d'interpeller à ce sujet M. le ministre de la justice, un autre jour, quand il sera présent. (Adhésion.)
M. Delfosse. - La justice de paix que l'on veut créer se compose de quelques communes seulement. Je voudrais savoir quelle est leur importance, quelle est leur population.
M. de Renesse. - Le maintien de ce canton a été proposé par le conseil provincial du Limbourg. Toutes les autorités administratives et judiciaires consultées se sont également prononcées pour le maintien de ce canton qui aurait une population de 11 à 12 mille habitants. Je n'ai pas la statistique des communes sous les yeux ; mais je crois pouvoir assurer que tel serait le chiffre de la population.
Si l'on réunissait les onze communes qui composeront le canton de Sichen à d'autres cantons, cela offrirait cet inconvénient que plusieurs communes seraient à plus de 3 lieues du chef-lieu.
M. Delfosse. - Il s'agit, non pas de maintenir un canton de justice de paix, mais d'en créer un nouveau.
M. de Renesse. - Je m'oppose à l'ajournement de ce projet de loi, qui est à l'ordre du jour depuis plus de quinze jours. Il est indispensable qu'il soit voté ; car M. le ministre de la justice doit nommer ce juge de paix en même temps qu'il confirmera la nomination des autres juges de paix.
- La proposition d'ajournement est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
M. le président. - L'article premier du projet est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les communes de Sichen-Sussen-et-Bolré, Bassenge, Canne, Eben-Emael, Fall-et-Mheer, Lanaye, Riempst, Roclenge (sur le Jaar), Vlytingen, Vroenhoven, Wonck, sont réunies en un canton de justice de paix dont la commune de Sichen sera le chef-lieu. »
M. de Brouckere. - Si j'ai bonne mémoire, Sichen-Sussen-et Bol ré sont trois hameaux qui ne forment qu'une commune ; il faut donc dire à la fin de l'article : « dont la commune de Sichen-Sussen-et-Bolré sera le chef-lieu. » J'en fais la proposition.
M. de Renesse. - Ce que vient de dire l'honorable M. de Brouckere est parfaitement exact. Le village est composé de trois hameaux. Il y a donc lieu d'introduire dans l'article la modification proposée.
- L'article premier, modifié comme le propose M. de Brouckere, est adopté.
« Art. 2. Les causes provenant de ces communes pendantes devant les justices de paix de Tongres et de Bilsen, seront poursuivies devant la nouvelle justice de paix sur une assignation faite à personne ou à domicile. »
- Adopté.
La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote sur l'ensemble de la loi.
Voici le résultat du vote par appel nominal :
57 membres répondent à l'appel nominal ;
56 votent l'adoption ;
1 (M. Delfosse) s'abstient.
Ont voté l'adoption : MM. Dumont, Eloy de Burdinne, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Malou, Manilius, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Veydt, Vilain XIIII. Biebuyck, Brabant, Clep, de Bonne, de Brouckere, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delehaye, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus, (aîné), Dubus, (Albéric).
Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Delfosse. - Je me suis abstenu, à cause de l'absence de M. le ministre de la justice et de M. le rapporteur auxquels j'aurais voulu adresser quelques interpellations sur le projet de loi.
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me rallie aux légers changements que la section centrale a introduits dans le projet que j'avais amendé.
Je ferai seulement remarquer qu'à l'article 5 amendé, au deuxième paragraphe, il faut substituer le mot semestriellement au mot mensuellement. C'est la conséquence de l'amendement adopté à l'article 4.
- La discussion générale est ouverte.
M. Osy. - M. le ministre se ralliant à l'opinion de la section centrale, sauf quant à l'article 5, je crois que nous serons facilement d'accord. Mais l'observation que j'ai à faire se rapporte à l'article 4, et par conséquent à la déclaration que vient de faire M. le ministre des finances.
Messieurs, pour l'amortissement de tous les emprunts faits à l'étranger, il est naturel que les fonds soient mis à la disposition de la commission d'amortissement par semestre, parce que nous nous sommes engagés à faire l'amortissement par semestre. Mais pour les emprunts faits dans le pays et notamment pour notre 4 1/2 p. c. qui se monte à plus de 160 millions (page 881) et dont l'amortissement se fait dans le pays, je voudrais que cet amortissement se fît par douzièmes et non par semestre. Je crois que cette mesure serait tout à fait dans l'intérêt de notre crédit publie.
Pour les emprunts de 5 p. c. contractés à l'étranger et qui se montent au-delà de 100 millions, j'espère que l'amortissement pourra encore se faire par tirage.
J'espère que nous pourrons le faire par tirage, c'est-à-dire que notre 5 p. c. restera au-dessus du pair, et alors il ne peut pas être question de rachat. Je n'entrerai pas dans la discussion du point de savoir si nous pourrions être obligés de rembourser par la voie du tirage au sort quelques-uns de nos emprunts, dans le cas où ces emprunts seraient au-dessous du pair ; les traités sont là, et la commission d'amortissement prononcera sur le différend qui existe à cet égard entre M. le ministre des finances et moi.
Je crois, messieurs, qu'il serait très utile de mettre les fonds destinés à l'amortissement du 4 1/2 et du 5 p. c., qui s'élèvent à une somme considérable, de les mettre à la disposition de la commission par douzièmes. Je demanderai donc à M. le ministre des finances s'il verrait quelque inconvénients à ce qu'on dît dans l'article 4 : « Par semestre ou par douzièmes, » au lieu de dire seulement « par semestre. » Alors la commission, d'accord avec M. le ministre des finances, ferait ce qui serait le plus avantageux au trésor.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L'amendement de l'honorable M. Osy me paraît inutile : l'article 4 dit bien que les dotations de l'amortissement seront remises par semestre, mais non que ce sera le dernier jour du semestre ; dès lors, si le ministre des finances, d'accord avec la commission de surveillance, instituée en vertu de la loi, pense qu'il y a lieu de racheter avant la fin du semestre, les fonds pourront être mis à la disposition de la commission, non seulement par douzièmes, mais même par semaine ou par jour. L'article ne s'oppose en aucune manière à cette marche. On ne fait, d'ailleurs, que s'en référer aux contrats.
Il n'est pas inutile, dans l'intérêt du crédit public, de répondre à l'observation que vient de présenter l'honorable M. Osy, sur nos emprunts 8 p. c. lorsque les nouveaux emprunts ont été faits, on a soigneusement écarté la clause qui existait pour l'emprunt de 100 millions, et d'après laquelle l'amortissement se faisait par tirage au sort et forcément ; cette mesure avait pour effet de maintenir le 5 p. c. à un taux peu élevé ; on l'a écartée et on y a substitué une clause de non-remboursement pendant un terme déterminé. Depuis que l'honorable membre m'a fait les observations dont il s'agit, j'ai de nouveau revu les contrats relatifs aux emprunts de 1840 et de 1842, et je puis donner l'assurance la plus positive à tous les porteurs de titres de ces emprunts, qu'ils ne sont nullement menacés de recevoir le remboursement de leurs capitaux par la voie du tirage au sort, et au pair.
M. Osy. - Je ne veux pas plus que M. le ministre des finances, menacer les porteurs d'obligations, mais il me semble que lorsque les périodes pendant lesquelles le remboursement est interdit, seront expirées, nous devrons amortir par la voie du tirage au sort ; de sorte que l'amortissement doit être fait ainsi à partir du mois de septembre de l'année dernière, pour l'emprunt de 1840, et à partir de 1848 pour l'emprunt de 1842. Je le répète, du reste, je ne veux pas insister sur ce point, la question devra être décidée par la commission d'accord avec le gouvernement, et s'il y a dissidence entre le gouvernement et la commission, nous pourrons nous en occuper dans la discussion du budget de l'année prochaine.
Quant à la modification que je voudrais voir introduire dans l'article 4, je sais bien que le gouvernement pourra mettre les fonds de l'amortissement à la disposition de la commission, dès le commencement du semestre, mais je voudrais qu'il fût dit positivement dans la loi que l'amortissement pourra se faire par douzième. En France l'amortissement se fait par jour, et on fait connaître par avis affichés à la bourse combien on rachètera tous les jours. Je conçois que le montant de nos emprunts n'est pas assez considérable ; pour que nous puissions faire l'amortissement par jour ou même par semaine ; mais je crois qu'il faut le faire par mois. Or il me semble que si nous ne changeons pas l'article 4, le gouvernement éprouvera des difficultés à cet égard, tandis que si nous adoptions la modification que j'ai indiquée il serait entièrement libre de faire, d'accord avec la commission, ce qui serait le plus avantageux à notre crédit.
- Personne ne demandant plus la parole sur l'ensemble du projet, la chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Il est institué une administration de la caisse d'amortissement et de celle des dépôts et consignations.
« Les comptes et registres de chaque caisse sont tenus séparément. Leurs fonds ne peuvent jamais être confondus.
« La vérification des deux caisses est toujours faite simultanément. »
- Adopté.
« Art. 2. Une commission de cinq membres surveille les opérations de la caisse d'amortissement et de celle des dépôts et consignations.
« Cette commission est composée :
« D'un sénateur élu par le sénat ;
« D'un représentant élu par la chambre, et de trois membres nommés par le Roi.
« La commission est renouvelée par séries de trois en trois ans.
« Les membres sortants peuvent être maintenus.
« Les fonctions de membres de la commission sont gratuites.
« Le règlement d'ordre intérieur de la commission sera soumis à l'approbation du Roi.
« Tous les documents et renseignements que la commission juge utiles pour l'exercice de sa surveillance, lui sont communiqués par le gouvernement. »
M. Delfosse. - Je ferai remarquer qu'on ne dit pas combien il y aura de séries.
M. Veydt. - L'intention a été qu'il y aurait deux séries.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Le nombre des membres étant impair, on ne pouvait pas dire que la commission serait renouvelée par moitié ; mais on a dit qu'elle serait renouvelée en deux fois et par séries, l'une étant composée de deux membres et l'autre trois. C'est ce qu'on doit entendre, je pense, par les mots : « sera renouvelée par séries. »
M. de Bonne. - Je demanderai si les membres, faisant partie de la commission, seront nommés pour six ans, et comment se fera la première sortie : s'ils sont nommés pour six ans, alors ils se renouvellent de trois en trois ans.
Des membres. - Un règlement d'ordre intérieur pourvoira à cela.
M. de Man d’Attenrode. - Ce point est expliqué j dans le rapport de la section centrale. Voici ce que je trouve dans ce rapport, page 6 :
« Le § 2 de l'article 2 a été adopté par la section centrale. Il lui a paru suffire d'indiquer dans le rapport que la première série sortante serait de trois membres à désigner par le sort, de manière à ce que la première série comprît l'un des membres élus par la législature. »
Il me paraît que cette explication donnée dans le rapport suffit pour indiquer de quelle manière la commission se renouvellera.
Le règlement d'ordre que prévoit un des articles de la loi sera rédigé en conséquence de cette explication. La première série sortante sera de trois membres, que le sort désignera. La première série comprendra l'un des membres élus par les chambres ?
- L'article 2 est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. La caisse d'amortissement et celle des dépôts et consignations sont dirigées et administrées par un directeur chargé du maniement des deniers et valeurs.
« Cet agent comptable est placé sous les ordres du ministre des finances, responsable envers lui de sa gestion et justiciable de la cour des comptes.
« Il fournit un cautionnement dont le montant est fixé par arrêté royal, sur la proposition de la commission. »
M. Delfosse. - M. le ministre des finances propose à l'article primitif des changements de rédaction qui ne me paraissent pas heureux. On lit dans le premier paragraphe, la caisse « dirigée » par un directeur. Le deuxième paragraphe est rédigé d'une manière incorrecte et obscure.
D'après la rédaction de M. le ministre, c'est lui et non le directeur qui serait responsable. Il faut changer cela.
M. de Bonne. - Messieurs, il me semble qu'en retranchant les mots : « envers lui », cela suffirait. Il est tout naturel que le comptable, qui est sous les ordres du ministre des finances, soit responsable envers lui de sa gestion et justiciable de la cour des comptes. Il semblerait que par ces mots : « envers lui », le comptable est uniquement responsable envers le mini-Ire et que, si le comptable commettait une faute quelconque, personne ne pourrait s'en plaindre ; M. le ministre des finances pourrait dire : « Le comptable n'est responsable qu'envers moi seul ; j'ai donné des ordres. »
Il y a dans la loi de comptabilité une disposition où il est dit que les vérificateurs seront tenus, sous leur responsabilité personnelle, de déclarer quand ils auront trouvé la caisse du comptable en défaut. Ainsi, s'ils trouvaient un comptable en défaut, et qu'ils en prévinssent le ministre, on ne pourrait pas destituer le comptable ou le suspendre, si le ministre ne voulait pas, parce que le comptable ne serait responsable qu'envers lui.
Les mots « envers lui » pourraient donc être retranchés.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il y a lieu, ce me semble, de maintenir dans une loi spéciale le principe admis par la loi de comptabilité. Toute administration suppose une hiérarchie, c'est-à-dire une subordination ; il faut donc que les comptables soient responsables envers le ministre des finances, sauf à être justiciables de la cour des comptes. Il ne faut pas que, dans le cas qui nous occupe, le comptable puisse être considéré comme l'agent de la commission ; ainsi, il faut qu'il soit responsable envers le ministre des finances et non envers la commission qui est chargée d'une simple mission de contrôle et de surveillance.
L'article du projet, dont nous nous occupons, a été calqué sur l'article 7 de la loi de comptabilité ; je pense qu’il n'existe aucun motif pour dévier ici du principe général.
- La discussion est close.
M. le président. - M. Delfosse propose la suppression des mots « dirigés » et dans le premier paragraphe.
- Cette suppression est adoptée.
M. le président. - Dans le second paragraphe, on propose de faire précéder le mot « responsable » par la particule « est », et de remplacer les mots et « justiciable » par ceux-ci, « il est justiciable ».
(Un débat s'engage sur la position de la question.)
M. de Brouckere. - Il semblerait, d'après le paragraphe 2, qu'on place l'agent dont il est question, dans une position spéciale, et comme responsable vis-à-vis du ministre des finances, et comme justiciable de la cour des comptes ; il n'en est rien, le but qu'on a eu en vue, en rédigeant le paragraphe a été de dire que l'agent comptable dont il s'agit, est, placé j dans la même position vis-à-vis du ministre des finances et vis-à-vis de la (page 882) cour des comptes que tous les comptables. Eh bien, j'aimerais mieux mettre : « l'article 7 de la loi de la comptabilité de l'Etat est applicable à cet agent comptable. » De cette manière toutes les objections qui ont été présentées, viendraient à tomber.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. -Messieurs, je ne comprends pas du tout les motifs de la proposition de ce changement de rédaction ; je ne vois réellement pas qu'on ait fait une observation sérieuse contre la rédaction du paragraphe 2 qui me paraît parfaitement claire. L'honorable M. Delfosse, d'abord, a paru croire que parce que le mot responsable n'était pas précédé de la particule et, on pourrait croire que le mot responsable concerne le ministre des finances. En lisant le paragraphe, il est impossible de se méprendre, de se figurer que le mot responsable s'applique au ministre des finances ; on comprend immédiatement que cette expression se rapporte à l'agent comptable ; une virgule se trouve placée entre les mots finances et responsable ; de sorte que ce dernier mot s'applique uniquement à l'agent comptable. La particule « et » a été supprimée entre les deux mots finances et responsable, parce qu'elle se trouve employée un peu plus loin.
Je ne vois aucun motif, je le répète, pour modifier la rédaction ; elle me semble parfaitement claire.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il suffirait d'ajouter, dans le premier paragraphe, après le mot directeur, ceux d'agent comptage (entre virgules) ; en disant qu'il est agent comptable, on renvoie à toutes les dispositions de la loi de comptabilité, et toutes les difficultés de rédaction viendraient à disparaître.
Je dirai : « La caisse d'amortissement et celle des dépôts et consignations sont administrées par un directeur, agent comptable chargé du maniement des deniers et valeurs. »
De cette manière le deuxième paragraphe de l'article disparaît et le troisième reste.
M. de Brouckere. - Je me rallie à la proposition de M. le ministre des finances qui rentre entièrement dans ma pensée. Ce n'est pas seulement ici qu’il faut un changement ; à l'article 4, j'en proposerai un autre pour le même motif. Je vois en tête de l'article 4 « dispositions particulières à la caisse d'amortissement », et je lis dans cet article : « A cet effet il est émis des ordonnances de payement qui sont soumises au visa préalable de la cour des comptes, etc. »
Mais cela n'est pas spécial a la caisse d'amortissement, ce visa préalable est exigé pour toutes les ordonnances de payement. Il ne faut pas avoir l'air de porter des dispositions spéciales pour la caisse d'amortissement, quand on ne fait que répéter les prescriptions de la loi de comptabilité.
Je me rallie à l'amendement de M. le ministre des finances, qui vaut mieux que celui que j'ai proposé.
- L'amendement proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.
L'ensemble de l'article 5, tel qu’il a été amendé, est également adopté.
« Art. 4. Les dotations et les intérêts des capitaux amortis, qui sont affectés au remboursement des emprunts, sont mis, par semestre, à la disposition de la caisse d'amortissement, pour servir au rachat des rentes dans les limites déterminées par les lois spéciales ou par les contrats passés avec les bailleurs.
« A cet effet, il est émis des ordonnances de payement qui sont soumises au visa préalable de la cour des comptes et imputables sur les allocations ouvertes, chaque année, au budget de la dette publique.
« Les rachats se font avec la coopération de la commission de surveillance : ils ont lieu avec concurrence et publicité, lorsqu'il peut en résulter un avantage quelconque pour le trésor. »
M. Osy. - Par suite du principe adopté à l'article 3, et des paroles prononcées par l'honorable M. de Brouckere, il est évident que nous devons effacer au deuxième paragraphe les mots : « qui sont soumises au visa préalable de la cour des comptes. »
Il va sans dire que la loi de comptabilité ordonne le visa préalable de toutes les ordonnances de payement ; il est inutile de le mettre dans la loi actuelle.
Le premier projet a été présenté par M. Mercier, il y a trois ans, par conséquent longtemps avant la loi de comptabilité ; maintenant il est inutile de prescrite, dans le projet que nous faisons, des choses prévues par la loi de comptabilité.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Osy. Il a dit que le projet de loi qui nous occupe avait été déposé avant la loi de comptabilité, que cette loi ayant suffisamment établi qu'aucun payement ne pouvait se faire sans le visa préalable de la cour des comptes, il était inutile de le répéter ici. Du reste, les explications qui ont été données sont suffisantes pour établir qu'il est impossible qu'il en soit autrement.
J'ai demandé la parole pour répondre à ce qu'a dit l'honorable M. Osy sur l'art. 4.
M. Osy. - Je n'ai pas présenté d'amendement.
M. de Man d’Attenrode. - M. Osy n'insiste pas ; cependant je dois lui faire observer qu'il s'est trompé en supposant que l'amendement de la section centrale avait la portée de mettre obstacle à ce que les achats se fissent mensuellement. Il n'en est rien ; nous avons voulu que les sommes nécessaires aux rachats fussent mises à la disposition de la commission par semestre, mais la commission de surveillance n'en pourra pas moins racheter par douzième, si elle le juge avantageux ; rien ne s'y oppose. Il me semble qu'il est inutile de faire aucun changement à l'article proposé.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me rallie à la suppression proposée par M. Osy.
M. Delfosse. - Nous sommes, je pense, tous d'accord que l'on ne doit opérer les rachats par semestre que quand on y est obligé par le contrat d'emprunt. Quand on a une entière liberté, il est bon que l'action de l'amortissement soit plus fréquente ; c'est le moyen d'empêcher des variations trop brusques dans le cours des fonds publics ; le rachat par semestre doit être l'exception, le rachat par mois la règle.
M. Osy. - Je n'ai pas proposé d'amendement ; par suite des déclarations de M. le ministre et de M. le rapporteur, nous sommes d'accord que si on met les fonds à la disposition de la commission par semestre, elle n'en peut pas moins faire ses rachats par mois, ce qui vaut mieux pour éviter des mouvements brusques toujours fâcheux pour le crédit public. Si les rachats se faisaient par semestre, il pourrait en résulter des mouvements considérables dont souvent beaucoup de personnes seraient victimes.
M. le ministre des finances (M. Malou). - La loi a pour but de donner au ministre la commission de surveillance pour l'aider dans l'action de l'amortissement et l'administration des fonds de dépôt. Des règles positives expresses ne peuvent être posées pour toutes les circonstances. Je suppose qu'une baisse très forte se manifeste au-dedans et au-dehors, m'obligerez-vous à faire agir l'amortissement semaine par semaine, jour par jour, quand je puis réaliser un bénéfice de 15 p. cent en faisant agir l'amortissement d'une manière brusque et précipitée. Je n'admets pas qu'on doive agir toujours d'une manière continue ? Je reconnais que quand c'est possible, il peut en résulter des avantages ; mais il est des circonstances où il est de l'intérêt du public et du trésor, qu'on puisse agir brusquement.
M. Delfosse. - Il est évident qu'il faut se régler d'après les circonstances, et qu'il y a des moments où le gouvernement doit suspendre l'action de l'amortissement, quand il le peut, quand il n'est pas lié par le contrat. Je n'ai parlé qu'en règle générale ; cela n'exclut pas, cela suppose même des exceptions, c'est à la commission de surveillance à décider, d'accord avec le ministre, dans quels cas on fera bien de s'écarter de cette règle ; l'action de l'amortissement doit autant que possible être fréquente pour qu'il n'y ait pas des mouvements trop brusques dans les fonds.
- La suppression proposée par M. Osy est adoptée.
L'article 4 ainsi amendé est également adopté.
M. le président. - Le gouvernement a proposé la suppression de l'article 5 ; la section centrale l'a admise.
« Art. 5. Sont exceptées des dispositions de l'article précèdent, les dotations dont l'emploi, pour l'amortissement, a été ajourné temporairement par la loi.
« Néanmoins il est ouvert dans le grand-livre de la trésorerie un compte spécial à la caisse d'amortissement, où celle-ci est créditée semestriellement de la portion des donations qui ne sont pas applicables au rachat des rentes.
« Cette opération se fait au moyen d'une ordonnance de payement visée par la cour des comptes et imputable sur l'allocation compétente du budget.
«L'ordonnance de payement dûment quittancée par l'agent comptable, ne donne lieu à aucune sortie matérielle de fonds du trésor public ; elle est transférée au crédit de la dotation de l'emprunt et au débit du compte de la trésorerie.
« Le ministre des finances délivre, en échange des ordonnances ainsi quittancées, un récépissé qui est produit au soutien des comptes de l'agent comptable. »
- Adopté.
« Art. 6. Le tirage au sort des obligations d'emprunt qui doivent être amorties et l'annulation de celles rachetées se font publiquement par un fonctionnaire du département des finances que le ministre désigne à cette fin, et en présence du délégué de la commission de surveillance, d'un membre de la cour des comptes et des prêteurs, lorsque, l'intervention de ces derniers est requise par les contrats passés avec eux.
« Il est dressé procès-verbal de ces opérations.
« Les numéros des obligations sorties ou annulées sont immédiatement insérées au Moniteur. »
- Adopté.
« Art. 7. Indépendamment des consignations de toute nature, autorisées par les dispositions actuellement en vigueur, la caisse des dépôts et consignations reçoit :
« 1° Les cautionnements en numéraire ou en valeur exigés des personnes qui prennent part aux adjudications publiques, ou qui obtiennent des concessions de chemins de fer, de routes ou canaux ;
« 2° Les cautionnements des comptables et d'autres agents des diverses administrations publiques soumis à cette obligation ;
« 3° Les cautionnements en numéraire fournis par les contribuables dans le cas prévu par l'article 271 de la loi du 20 août 1822 (Journal officiel, n°58) ;
« Les cautionnements en numéraire fournis par les personnes qui prennent pari aux adjudications publiques, ou qui obtiennent des concessions de chemins de fer, de routes ou canaux, sont assimiler à tous points, aux dépôts et consignations. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - La section centrale émet le vœu que les cautionnements soient constitués en inscriptions au grand-livre, (page 883) au lieu d'être versés en numéraire. J'ai examiné cette question. La mesure indiquée par la section centrale se concilierait difficilement avec les intérêts des comptables et avec l'intérêt du trésor.
Les dispositions que la chambre a adoptées pour le payement des indemnités dues par suite de la guerre de la révolution, permettront d'inscrire, au nom de la caisse, la plus grande partie de l'actif qui lui appartient en fonds de la dette publique : tout le reste devra également être inscrit nominativement en vertu d'un article de la loi que nous discutons. Dès lors tout danger pour les titres au porteur va disparaître.
La fixation des cautionnements n'est pas en rapport avec les sommes formant îles inscriptions de rentes sur l'Etat. Il en résulterait que les comptables devraient verser une partie du cautionnement en numéraire. L'on créerait donc un double embarras, bien loin de simplifier les formalités.
Du reste, le placement des cautionnements se fait en rentes sur l'Etat, par l'intermédiaire du gouvernement. Le but qu'on se propose est donc atteint, et les formalités sont plus simples que si l'on forçait les comptables à fournir eux-mêmes leur cautionnement en inscriptions.
J'ajouterai que cette mesure serait parfois rigoureuse et injuste, en ce sens que les fonds pourraient être très élevés, quand on verserait le cautionnement, et très bas quand on le retirerait.
Cet inconvénient ne se fait pas sentir aujourd'hui, parce qu'on restitue au comptable ce qu'il a versé, et qu'on réalise l'inscription de rente quand les circonstances sont favorables.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, l'honorable ministre des finances vient de dire que la section centrale avait émis le vœu que les cautionnements ne fussent plus versés en numéraire, mais qu'ils fussent constitués en inscriptions au grand-livre. La section centrale n'a pas émis ce vœu ; mais elle s'est bornée à recommander l'étude de cette question à l'attention du gouvernement.
J'avoue cependant que je ne conçois pas que M. le ministre considère comme une source de difficultés une modification que j'envisage quant à moi comme une amélioration qui offrirait beaucoup d’avantages.
Avant 1830, sous le gouvernement des Pays-Bas, les cautionnements n'étaient pas versés en numéraire ; ils étaient constitués eu inscriptions au grand-livre. Ce système n'a jamais soulevé de réclamation ; je suis donc fondé à croire que les difficultés dont on nous a parlé ne sont pas bien sérieuses.
Est arrivée la révolution de 1830 : un arrêté du gouvernement provisoire du 23 novembre a décidé que les versements seraient faits en numéraire. Le gouvernement provisoire a pris là une mesure, comme en prennent les gouvernements dans des moments difficiles, où l'on a besoin d'argent ; c'est un moyen de disposer des fonds des cautionnements.
C'est ce qui se pratique en France depuis longtemps ; à présent encore les cautionnements sont versés en numéraire dans les caisses publiques, le gouvernement s'en sert pour faire face aux dépenses ordinaires, et ces fonds font ainsi un service de dette flottante. Mais le gouvernement français vient de présenter un projet de loi pour changer ce système, pour obliger les comptables à constituer leurs cautionnements en inscriptions au grand-livre.
Le fait est qu'il est incontestable que le système proposé par le gouvernement français tend à faire disparaître de nombreuses formalités, et à décharger le trésor d'une grande responsabilité. Avec ce système la trésorerie n'a d'autre formalité à remplir, que celle de constater que le comptable a pris une inscription au grand-livre suffisante pour servir de gage à sa gestion. Dans le système actuel, le comptable verse son cautionnement : l'administration est obligée de faire valoir les fonds, parce que le gouvernaient est obligé d'en payer les intérêts. Il y a là une foule de formalités à remplir, et toute la responsabilité que la gestion de ces capitaux entraîne avec elle.
J'ai à vous signaler encore un avantage à obliger le comptable à constituer son cautionnement en rentes sur l'Etat, c'est qu'on l'intéresse à la stabilité du gouvernement et des institutions nationales.
C'est là encore un argument d'une grande valeur en faveur de cette mesure.
D'ailleurs, comme je l'ai dit en commençant, la section centrale n'a pas formulé de vœu ; elle s'est bornée à engager le gouvernement à étudier la question, et je l'engage, pour ma part, à le faire de la manière la plus sérieuse, et à ne pas se prononcer avant de l'avoir examinée.
M. Osy. - Le mode indiqué par l'honorable préopinant serait préférable, en ce que les risques seraient, non pour l'Etat, mais pour les comptables. Au reste, je crois que la loi doit être muette sur ce point qui sera réglé de commun accord entre le gouvernement et l'administration de la caisse. Si la chambre a des observations à faire à ce sujet, elle pourra les faire à l'occasion du rapport que le gouvernement devra faire chaque année.
M. de Man d’Attenrode. - Je conviens, messieurs,- que cette question pourra se discuter d'une manière plus convenable dans une autre circonstance ; et cette circonstance se présentera tout naturellement, lorsque le gouvernement présentera le projet de loi, destiné à fixer la base de l'affectation des cautionnements.
La section centrale, qui a été chargée de l'examen de la loi de comptabilité, en proposant l'article 8 de cette loi, qui a été admis, a exprimé à l'unanimité, dans son rapport, qu'il y avait lieu d'arrêter par la loi le taux des cautionnements.
La section centrale, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, avait été frappée de ce qu'aucune règle ne guidait le gouvernement pour la fixation des cautionnements ; de ce que le taux était entièrement abandonné à son arbitraire.
En effet, messieurs, cette matière n'est réglée, pour le moment, que par un arrêté de 1814, qui est très incomplet, et qui n'a pas même été publié d'une manière convenable.
Lors de la mise en discussion de l'article 8 de la loi de comptabilité, proposée par la section centrale, accompagnée du vœu émis dans son rapport, que le taux des cautionnements fût fixé par une loi, le ministre a laissé adopter l'article sans aucune réclamation et sans aucune discussion. J'ai donc lieu de croire que M. le ministre des finances s'est rallié à ce vœu, et qu'il déposera incessamment un projet pour satisfaire à ce vœu.
Le gouvernement français a déposé il y a un an un projet, qui tend par une de ses dispositions à fixer le taux des cautionnements, abandonné jusqu'à présent aux caprices de l'administration, qui tend à les rendre proportionnels et susceptibles de varier d'après les produits, de manière à ce que le gage reste en rapport avec les intérêts auxquels il sert de garantie.
J'espère que notre gouvernement imitera ce bon exemple, et que M. le ministre des finances tiendra à assujettir à des règles précises les garanties que doivent offrir les comptables.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je me félicite d'avoir demandé quelques explications sur l'idée émise par la section centrale. Car il paraîtrait, d'après ce que vient de dire l'honorable rapporteur, que lorsqu'un article est adopté sans discussion et que la section centrale a émis un vœu à l'occasion de cet article, le gouvernement est censé s'y rallier.
Messieurs, j'ai cherché vainement dans mes souvenirs et dans la discussion de la loi de comptabilité, si l'on avait pris un engagement pour la fixation, par la loi, des cautionnements ; je n'ai rien trouvé de semblable.
Les cautionnements sont fixés d'après des règles certaines, et sous le contrôle de la cour des comptes. C'est là un véritable acte d'administration. Il y a une certaine mobilité dans les recettes, dans les produits des places de comptables, et la même mobilité se remarque dans les cautionnements. On ne conçoit pas l'utilité d'une loi pour régler des faits aussi variables.
Je pense donc qu'il n'y a pas lieu de présenter une loi pour régler la matière des cautionnements. Il n'y a pas lieu non plus de changer le mode actuellement établi pour le versement des cautionnements.
Ainsi, un comptable aura, je suppose, un cautionnement de 1,300 fr. à fournir. Il ferait acheter à l'une des bourses du pays une inscription de 1,000 fr., je suppose, et il verserait 300 fr. en numéraire. Il aurait donc, d’une part, des formalités à remplir pour immobiliser comme cautionnement cette inscription qu'il aurait acquise, et d'une autre part, il aurait pour le solde de 300 fr., les mêmes formalités à remplir que s'il avait versé toute la somme en numéraire. De plus, il y aurait contre lui des chances de perte qu'il ne subit pas aujourd'hui, et que, par la combinaison adoptée, l'Etat ne subit pas non plus.
M. Lejeune. - Messieurs, dans son projet, le gouvernement terminait ainsi le 1° de l'article en discussion : « ou qui obtiennent des concessions de routes ou canaux. » La section centrale propose de dire : « ou qui obtiennent des concessions de chemins de fer, de routes ou canaux ».
Ne vaudrait-il pas mieux d'employer, au lieu de cette énumération, un terme général et de dire : « ou qui obtiennent des concessions de péages.» Je proposerai ce changement de rédaction.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Pour généraliser l'expression, on pourrait dire : « qui obtiennent des concessions de travaux d'utilité publique. » Il pourrait y avoir certaines concessions où il n'y aurait pas de péages.
- Le changement de rédaction proposé par M. le ministre des finances est adopté, ainsi que l'ensemble de l'article.
« Art. 8. Il est interdit aux cours, tribunaux et administrations quelconques, d'autoriser ou d'ordonner des consignations ailleurs que dans la caisse des dépôts et consignations, auquel cas elles sont nulles et non libératoires. »
M. de Bonne. – Il me semble que cet article laisse à désirer dans sa rédaction.
« Il est interdit aux cours, tribunaux et administrations quelconques, d'autoriser ou d'ordonner des consignations ailleurs que dans la caisse des dépôts et consignations, auquel cas elles sont nulles et non libératoires. »
Quel est ce cas ? Est-ce quand les cours et tribunaux ont autorisé ou ordonné des consignations ? Il me paraît que l'article serait plus clair s'il était rédigé comme suit :
« Les cours, tribunaux et administrations quelconques ne pourront autoriser ou ordonner des consignations ailleurs que dans la caisse des dépôts et consignations. Tout dépôt ou consignation fait ailleurs, est non-libératoire. »
Je retranche le mot « nulles », parce que si la consignation n’est pas libératoire, elle est nulle.
M. Delfosse. - Je crois que l'on ferait bien de supprimer la dernière phrase. L'interdiction adressée aux cours et aux tribunaux doit suffire.
(page 884) Nous ne devons pas supposer que les cours et les tribunaux violeront la loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je crois me rappeler que l'article 9 du projet est copié textuellement dans l'ordonnance générale portée en 1838 par le gouvernement français. Je reconnais du reste bien volontiers que la rédaction n'est pas très correcte. Mais, je crois qu'on ne peut se méprendre sur le sens de l'article. Lorsqu'on dit qu'il est interdit de consigner ailleurs, auquel cas la consignation sera nulle et non libératoire, il me semble résulter clairement de cette rédaction que l'on veut parler de toute consignation faite ailleurs que dans la caisse désignée par la loi.
Messieurs, l'article ne suppose pas du tout que les cours, tribunaux ou administrations quelconques auraient l'intention de violer la loi ; seulement la loi déclare que toute consignation qui ne serait pas faite conformément à ses dispositions, sera nulle comme consignation, et non libératoire ; c'est la peine, la sanction de ces dispositions.
Je crois donc, messieurs, qu'il y a lieu de maintenir la rédaction telle qu'elle a été présentée et telle que la section centrale l'a adoptée.
M. le président. donne une nouvelle lecture de la rédaction proposée par M. de Bonne.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demande qu'on ajoute toujours le mot « nulle » qu'on dise : « sera nulle et non libératoire. »
- La rédaction proposée par M. de Bonne, ainsi modifiée, est mise aux voix et adoptée.
« Art. 9. La caisse des dépôts et consignations demeure exclusivement chargée de rembourser les consignations et les cautionnements et d'en payer les intérêts échus.
« Toutes les sommes et valeurs provenant des consignations et des cautionnements non remboursés à l'époque où la présente loi deviendra obligatoire, seront remises à la caisse des dépôts et consignations, »
- Adopté.
« Art. 10. il est ouvert à la caisse des dépôts et consignations un compte courant :
« 1° Pour les dépôts et consignations ;
« 2° Pour les cautionnements de toute nature autres que ceux exigés des personnes qui prennent part aux adjudications publiques, ou qui obtiennent des concessions de routes ou canaux ;
« 3° Pour les autres fonds attribués à la caisse des dépôts et consignations. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il faudrait faire ici le changement qui a été fait à l'article 7, et remplacer les mots « routes et canaux », par ceux de « travaux d'utilité publique ». Pour éviter une répétition désagréable, il conviendrait alors de supprimer le mot « publiques » après adjudications.
- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Les sommes portées au crédit de chaque compte, qui ne sont pas nécessaires pour le service courant, sont placées, par les soins du ministre des finances, en rentes sur l'Etat ou en obligations de trésor, la commission préalablement entendue. »
- Adopté.
« Art. 12. Les rentes sur le grand-livre de la dette publique sont inscrites au nom de la caisse des dépôts et consignations.
« Un compte spécial est ouvert pour chaque fonds dont l'administration lui est confiée.
« L'indication du fonds auquel les rentes appartiennent est également reproduite sur les extraits des inscriptions. »
- Adopté.
« Art. 13. Les inscriptions au grand-livre et les extraits qui en sont délivrés portent l'annotation suivante :
« La présente inscription ne peut être transférée qu'en vertu de l'autorisation du ministre des finances, donnée sur le vu de l'avis de la commission de surveillance. »
- Adopté.
« Art. 14. Les arrérages résultant du placement en rentes sur l'Etat ou en obligations du trésor, des dépôts et consignations, et des cautionnements versés en numéraire, sont attribués au trésor à la charge par celui-ci d'acquitter les intérêts courus au profit des tiers pour le compte et à la décharge de la caisse des dépôts et consignations d'après le taux fixé par les lois et règlements, et d'en régler les comptes avec ladite caisse.
« Sont portés annuellement :
« a. Au budget des voies et moyens et dans les comptes, les arrérages à percevoir au profit du trésor ;
« b. Au budget des dépenses et besoins et dans les comptes, les intérêts à payer aux tiers. »
- Adopté.
« Art. 15. Toutes les fois qu'elle le juge utile, et une fois au moins par trimestre, la commission instituée par l'article 2 constate les deniers et valeurs existant dans la caisse d'amortissement et dans celle des dépôts et consignations, contrôle l'emploi qui a été fait des sommes portées en recette, vérifie les écritures et approuve provisoirement les comptes annuels.
« A l'expiration de chaque semestre, il est inséré dans le Moniteur un résumé présentant à cette époque la situation de chacune des deux caisses. »
- Adopté.
« Art. 16. Avant la fin du premier trimestre de chaque année, le ministre des finances fait aux chambres, après avoir entendu la commission de surveillance, un rapport sur l'administration et la situation matérielle des deux caisses au 31 décembre de l'année précédente.
« Ce rapport est inséré au Moniteur. »
- Adopté.
« Art. 17. L'agent comptable rend annuellement à la cour des comptes, avant le 1er mars, les comptes de sa gestion, séparément pour la caisse d'amortissement cl pour celle des dépôts et consignations. »
- Adopté.
« Art. 18. Les deux comptes, appuyés des pièces justificatives, présentent, avec les distinctions nécessaires :
« 1° Le tableau des valeurs de toute nature, existant en caisse et en portefeuille au commencement de la gestion ;
« 2° Les recettes et les dépenses faites pendant le cours de cette gestion ;
« 3° Le montant des valeurs qui se trouvent dans la caisse et en portefeuille à la fin de la gestion.
« A ces comptes sont annexés des tableaux de développement indiquant les capitaux placés en rentes sur l'Etat ou en obligations du trésor, appartenant à chacun des services au 31 décembre de chaque année. »
- Adopté.
« Art. 19. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1848.
« Un arrêté royal réglera les mesures relatives à son exécution. »
- Adopté.
Le vote définitif est renvoyé à après-demain.
M. Osy. - Messieurs, l'heure est trop avancée pour que nous puissions aborder maintenant le projet de loi relatif aux monnaies d'or, pour la discussion duquel je prie M. le président de bien vouloir m'inscrire. Je proposerai à la chambre de discuter aujourd'hui le projet de loi ayant pour objet d'accorder un crédit de 52,000 fr. au département des affaires étrangères.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je reconnais que l'heure est trop avancée pour nous occuper aujourd'hui du projet de loi sur la monnaie d'or ; mais je demande que ce projet conserve à l'ordre du jour le rang qu'il y occupe sauf, toutefois, à voter à l'ouverture de la séance de demain le projet de loi relatif au major Boine. Pour aujourd'hui, je demanderai que la chambre vole aussi le crédit supplémentaire demandé pour le département de la guerre.
M. Delfosse. - Je demande que M. le ministre de la guerre soit présent à cette discussion : j'ai une interpellation à lui adresser.
M. le président. - L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« II est ouvert au département des affaires étrangères un crédit supplémentaire de cinquante-deux mille cinq cents francs (52,500 francs], crédit destiné à couvrir des dépenses arriérées de 1845 et 1846.
« Cette somme sera ajoutée à l'allocation votée pour le chapitre IV, article unique, du budget de 1846, intitulé : Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses. »
- La discussion générale, qui se confond dans celle de l'article, est ouverte.
La parole est à M. Delehaye.
M. Delehaye. - Messieurs, à l'occasion de ce crédit, je me permettrai d'adresser une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères ; M. le ministre sera d'autant plus à même de répondre que je l'ai prévenu de mon interpellation.
Messieurs, vous savez que nos relations avec l'Espagne ont beaucoup souffert des modifications ministérielles survenues dans ce pays. Personne n'ignore non plus que l'Espagne était jadis un des débouchés les plus importants pour les produits de notre industrie linière. A la dissolution des dernières cortès, il était question d'une révision du tarif espagnol. C'est surtout dans cette question de révision du tarif que l'industrie linière était intéressée. La chambre comprend que quand un pays se propose de réviser son tarif, c'est surtout alors que les envoyés des nations étrangères doivent veiller avec le plus de soin aux intérêts qu'ils ont mission de défendre. Or, je m'étonne, avec le commerce, que le moment de la réunion des cortès soit précisément celui que le gouvernement belge a choisi pour rappeler son agent d'affaires à Madrid ; la révision du tarif va occuper les cortès, et la Belgique n'a pas actuellement de représentant près du gouvernement espagnol.
Le gouvernement me répondra sans doute qu'en l'absence d'un chargé d'affaires titulaire, nous avons à Madrid des attachés qui pourront défendre nos intérêts.
Mais remarquez, messieurs, qu'en général ces attachés sont des personnes qui n'ont pas encore assez d'expérience, qui ne sont pas au courant des questions ; ce sont, la plupart du temps, des apprentis-diplomates, des jeunes gens qui ne sont attachés à la légation que pour la forme.
J'aurais donc voulu que le gouvernement ne rappelât pas notre chargé d'affaires en Espagne ; ou, s'il jugeait nécessaire de le remplacer, il aurait (page 885) dû le remplacer immédiatement par une personne parfaitement au courant des importants intérêts qui sont en jeu.
Je demanderai donc à M. le ministre des affaires étrangères s'il a pris toutes ses précautions pour que les intérêts belges ne soient pas lésés par le rappel de notre chargé d'affaires à Madrid.
Je désire que M. le ministre donne à la chambre quelques éclaircissements qui soient de nature à dissiper les craintes que le commerce a conçues à cet égard.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, le gouvernement a pris toutes ses précautions, pour que les intérêts belges, engagés dans la question de la révision du tarif espagnol, ne puissent pas souffrir de l'absence de notre chargé d'affaires à Madrid. Le projet de révision, qui avait été élaboré par M. Mon, ancien ministre des finances, était terminé ou près de l'être, lorsque M. le comte de Marnix est revenu en Belgique ; de manière que l'influence que le gouvernement a pu exercer sur le projet de révision du tarif était épuisée.
En l'absence de M. le comte de Marnix, M. le comte de Hamal qui est parfaitement au courant de tout ce qui concerne nos intérêts commerciaux, a été chargé de surveiller ces intérêts et de faire part au gouvernement de tous les incidents qui pourraient surgir. Je puis affirmer que les intérêts belges, engagés dans la question, n'ont nullement à souffrir de l'absence momentanée d'un chargé d'affaires. Du reste le poste de Madrid ne restera pas longtemps inoccupé.
M. Sigart. - J'adresserai, à mon tour, une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères ; je lui demanderai s'il est exact que le gouvernement a affrété un navire pour le retour des orphelins et des colons de Santo-Thomas.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je demanderai à l'honorable membre de ne pas répondre directement à la question qu'il vient de poser, le gouvernement examine la question relative aux orphelins et aux colons de Santo-Thomas. J'ai déclaré à la chambre, dans une discussion précédente, quelle était la position que le gouvernement voulait prendre, quels étaient les devoirs qu'il croyait avoir à remplir dans certaines circonstances données. Le gouvernement examinera si ces circonstances se sont produites, et il ne reculera certes pas devant l'accomplissement d'un devoir d'humanité, s'il lui est commandé. Mais je désire qu'une discussion ne s'entame pas sur ce sujet. Si le gouvernement prend une mesure, il en assumera la responsabilité ; la chambre aura le droit de la discuter, lorsqu'elle aura été prise.'
M. Sigart. - Je dois donc tenir en réserve le compliment que je voulais vous adresser.
M. Verhaegen. - Messieurs, sera-ce le seul crédit supplémentaire qu'on nous demandera pour 1846 ?
M. le prince de Chimay offrirait-il peut-être à l'Etat, vu les temps difficiles où nous vivons, la remise de son indemnité ?
Et à ce sujet, je me permettrai de faire quelques interpellations à M. le ministre des affaires étrangères.
1°Est-il vrai que le prince de Chimay ait été envoyé à Rome avec le titre d' « ambassadeur extraordinaire » près le saint-siége, et que par suite de difficultés que le choix de ce titre aurait fait naître à Rome, il ait été obligé de prendre, le lendemain même du jour de la remise de ses lettres de créance, le titre et le rang d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, c'est-à-dire de descendre d'un degré dans la hiérarchie diplomatique ?
Si le fait est exact, et je crois qu'il l'est, de deux choses l'une, ou bien le gouvernement aura fait preuve d'une extrême légèreté en donnant à M. le prince de Chimay, contrairement aux usages en vigueur à la cour de Rome, le rang diplomatique le plus élevé (celui qui lui faisait représenter notre souverain lui-même), ou bien il aurait montré une condescendance très blâmable à l'égard des exigences non fondées que la cour de Rome aurait mises en avant pour amoindrir la position et le caractère de l'envoyé belge. Sans vouloir me prononcer sur l'une ou l'autre de ces deux hypothèses en l'absence de données positives, je ferai remarquer que le saint siége a chez nous un nonce, c'est-à-dire un envoyé ayant rang d'ambassadeur, et représentant par conséquent près de notre gouvernement, non seulement le gouvernement pontifical, mais le saint-père lui-même.
2° Les journaux allemands étaient-ils bien informés en publiant que M. le prince de Chimay était parti de Rome pour Naples, porteur de lettres de créance l'accréditant près du roi des Deux-Siciles en qualité d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ?
N'est-il pas vrai, d'un autre côté, que le gouvernement belge a déjà, à deux reprises différentes, envoyé à Naples un diplomate de ce rang et que S. M. Napolitaine n'a daigné répondre ni à l'une ni à l'autre de ces deux avances ?
Si la réponse du ministre à cette double question était affirmative, et je crois qu'elle le sera, la chambre trouverait sans doute qu'en agissant ainsi le gouvernement aurait complétement manqué de dignité. Jamais un gouvernement qui se respecte ne renouvelle une demande de cette nature lorsque le gouvernement étranger auquel il a fait une gracieuseté y répond par quelque chose qui a un caractère tout opposé.
Quoi qu'il en soit je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, si la mission de Naples terminée, M. le prince de Chimay rentrera en Belgique ou bien, s'il ira reprendre à Rome ses fonctions d'envoyé extraordinaire et de ministre plénipotentiaire.
3° Est-il vrai qu'il y a 7 ou 8 mois, un arrêté royal ait attaché à notre ambassade en France, un agent spécial pour les questions commerciales et industrielles que nous avons un si grand intérêt à faire suivre à Paris, et que M. le prince de Ligne n'ayant pas été préalablement consulté comme il aurait dû l'être sur le choix de la personne nommée, se soit opposé à l'exécution de l'arrêté royal ?
La chambre reconnaîtrait sans doute que ce fait, s'il n'était nié, aurait quelque chose d'excessivement grave. Or, il ne peut pas être nié : si le prince de Ligne n'avait pas été consulté au préalable il y aurait eu certainement manque de procédé à son égard ; mais cette circonstance, quelque blâmable qu'on puisse la trouver, ne serait cependant pas de nature à laisser permettre qu'une atteinte aussi grave fût portée à la signature royale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable M. Verhaegen a demandé s'il était vrai que le prince de Chimay avait revêtu le titre et le caractère d'ambassadeur pour l'abandonner le lendemain du jour où il en avait été investi, laissant supposer que le prince de Chimay aurait par là accepté un rôle peu digne de la nation qu'il représente.
L'honorable membre ignore sans doute que pour toutes les missions de courtoisie, quand un diplomate est nommé pour complimenter un prince étranger soit à l'occasion d'un mariage, soit à l'occasion d'un avènement au trône, il est généralement d'usage que celui qui en est chargé revête momentanément, pour le temps que dure cette mission spéciale, le rang supérieur à celui assigné à la légation.
Je pourrais citer de nombreux exemples de précédents semblables pris à l'étranger et en Belgique même. Quand le prince de Ligne a été nommé pour complimenter la reine Victoria, il a pris le titre d'ambassadeur, tandis que le rang assigné à la mission de Londres n'est que celui de ministre plénipotentiaire ; M. de Saegher a été chargé d'une mission analogue pour laquelle il a pris le titre de ministre plénipotentiaire. M. F. Rogier a également rempli, comme ministre plénipotentiaire, une mission dont il avait été chargé auprès de S. M. Louis-Philippe, dans une circonstance récente et extraordinaire. Je pourrais multiplier ces citations. Il est d'usage, je le répète, que pour les missions de courtoisie, qui sont toujours temporaires, celui qui en est chargé occupe un rang diplomatique supérieur à celui assigné à la légation ordinaire.
Ainsi, le prince de Chimay a remis à Rome et à Naples des lettres de créance de ministre plénipotentiaire ; mais seulement, conformément aux règles établies, il a pris le rang d'ambassadeur, quand il fut reçu par le souverain pontife pour le complimenter sur son avènement.
C'est ainsi que le ministre plénipotentiaire de Portugal à Rome, à peu près à la même époque, a été chargé d'une mission de courtoisie toute semblable, et il a revêtu momentanément le caractère d'ambassadeur et l'a abandonné le lendemain du jour où cette mission a été remplie.
Ainsi ce qui s'est passé quant au prince de Chimay n'est pas extraordinaire, n'est pas une chose particulière à la Belgique. Le prince de Chimay n'a pas manqué de dignité en acceptant cette position, qui a été faite à son collègue, le ministre du Portugal.
L'honorable M. Verhaegen m'a adressé une seconde interpellation ; il m'a demandé s'il était vrai que la Belgique, après avoir accrédité à deux reprises des ministres près de la cour de Naples, n'avait jamais obtenu la réciprocité de la part de la cour des Deux-Siciles.
L'honorable membre aurait pu se dispenser de m'interpeller à cet égard, car c'est moi qui ai fait connaître ce fait dans la discussion du budget des affaires étrangères. Il est vrai que deux fois des ministres belges à Rome ont été accrédités près de la cour de Naples, sans que la cour de Naples ait jugé convenable d'accréditer un ministre napolitain près de la cour de Bruxelles. Je dirai que ce fait n'avait pas été posé en vue de considérations politiques dont la Belgique aurait pu s'offenser ; c'était une question d'économie qui avait dominé la cour de Naples, question d'économie qu'elle avait appliquée à tous les autres pays secondaires.
Le prince de Chimay avait dans ses instructions de ne pas remettre ses lettres de créance, sans avoir la certitude que la cour de Naples userait cette fois de réciprocité. C'est ce qui est arrivé ; la cour napolitaine a accrédité près de la cour de Bruxelles le duc de Serra Capriola, son ministre à Paris, comme notre ministre à Rome a été accrédité près de la cour de Naples. Il y a maintenant parfaite réciprocité entre ces deux cours. Le prince de Chimay est donc parvenu à régulariser entre les deux gouvernements une position qui ne l'était pas. C'est un premier résultat obtenu.
L'honorable M. Verhaegen m'a demandé si, après que le prince de Chimay aurait rempli sa mission, négocié le traité de commerce avec Naples, il reviendrait en Belgique. J'ai déjà eu occasion de déclarer que le prince de Chimay n'avait voulu accepter qu'une mission temporaire que les circonstances justifiaient. Il en résulte donc que lorsque le but spécial pour lequel il a été nommé sera atteint, il reviendra en Belgique.
L'honorable membre a cru devoir parler d'un fait tellement insignifiant que je m'étonne qu'il l'ait produite la tribune. Il m'a demandé s'il était vrai qu'un arrêté royal avait attaché un employé de mon département près de la légation de Paris, et que cet arrêté avait été retiré parce que le prince de Ligne n'avait pas accepté cette nomination.
Messieurs, comme je ne m'attendais pas à cette interpellation, il est possible que mes souvenirs me servent inexactement, et que M. Verhaegen soit plus au courant que moi des petits secrets des bureaux. Mais je ne pense pas qu'il y ait eu nomination par arrêté royal ; voici les faits, tels qu'ils se sont passés, si je ne me trompe.
Mon intention avait été d'attacher à la légation de Paris un secrétaire, (page 886) n'importe de quel rang, chargé spécialement des questions commerciales. Je pense que ce but d'utilité devra être atteint tôt ou tard.
Le prince de Ligne, à qui j'en avais parlé, avait considéré en principe une telle nomination comme utile dans une légation aussi importante que Paris. J'allais mettre ce projet à exécution, lorsque la crise ministérielle qui précéda la formation du ministère actuel commença.
Un fonctionnaire fut désigné, sa nomination fut sur le point d'avoir lieu, mais elle resta suspendue ; on n'y donna pas suite, précisément parce que je n'avais pas eu le temps de demander au prince de Ligue si cette nomination ne rencontrerait pas de sa part des objections. |
La nomination de ce fonctionnaire n'a donc pas été régularisée, il n'y a donc pas eu d'arrêté royal retiré.
Relativement à la question de personnes, je ne la discuterai pas à cette tribune. Je ne dirai pas quels obstacles ont empêché de donner suite à la nomination que j'avais eu l'intention de proposer ; seulement j'ajouterai que ces obstacles n'ont rien qui doive blesser le mérite et le caractère du fonctionnaire auquel ou a fait allusion.
M. Verhaegen. - Je vois que M. le ministre est d'accord avec moi sur les faits que j'ai signalés. Seulement il cherche à donner à ces faits une couleur autre que celle qu'ils comportent.
Je réponds de suite à ce qui a été dit sur la mission à Paris.
M. le ministre se trompe, en disant qu'il n'y a pas eu d'arrêté royal. J'ai tout lieu de croire {(e me tiens dans cette réserve) qu'il y a eu un arrêté royal. L'honorable M. Dechamps convient qu'il n'avait pas consulté le prince de Ligne sur le choix d'un chargé d'affaires commerciales et industrielles à Paris ; voilà bien un manque de procédés, car on n'adjoint pas à un ambassadeur ou à un ministre plénipotentiaire, sans le consulter, un employé quelconque à qui l'on donne la mission de diriger des affaires qui rentrent directement dans les attributions de la légation.
Comme toujours, le ministère ayant rencontré de l'opposition, n'a pas donné suite à la mesure, et la signature royale a été compromise !
Eu ce qui concerne la mission de M. le prince de Chimay, M. le ministre des affaires étrangères est d'accord avec moi sur les faits qui ont été de ma part l'objet d'une double interpellation. Mais il y donne encore une fois une couleur autre que celle que ces faits ont réellement.
Je m'attendais, j'en conviens volontiers, à sa réponse, et elle me donne la preuve que la mission du prince de Chimay est une mission non pas temporaire, mais une mission définitive.
En effet, que dit M. le ministre des affaires étrangères pour expliquer comment le prince de Chimay a d'abord paru à la cour de Rome, en qualité d'ambassadeur, représentant le souverain lui-même, comment il a déposé ce titre le lendemain, pour prendre le titre de ministre plénipotentiaire, enfin comment il se fait qu'après un double refus essuyé par notre gouvernement de la part de la cour de Naples, le prince de Chimay ail été chargé de négocier avec celle cour une convention d'après laquelle l'ambassadeur napolitain à Paris serait accrédité près de la cour de Bruxelles, tandis que le prince de Chimay serait accrédité près de la cour de Naples ? Il n'a présenté qu'un véritable jeu de mots.
Tout cela ne prouve-t-il pas à l'évidence que le prince de Chimay représente effectivement la Belgique près des cours de Rome et de Naples ? S'il y a là du temporaire, il y en a partout ; car, à coup sûr, il n'y a pas de mission perpétuelle !...
Il résulte des explications de M. le ministre, que M. le prince de Chimay aurait eu une mission temporaire extraordinaire pour complimenter le pape, comme ambassadeur, et qu'après il aurait déposé le costume d'ambassadeur pour prendre celui de ministre plénipotentiaire et d'envoyé extraordinaire à Rome et à Naples.
Ce qui est évident dans tout cela, c'est que le prince de Chimay représente réellement aujourd'hui la Belgique près des cours de Rome et de Naples, comme elle est représentée près de toutes les autres cours par des ambassadeurs ou des ministres plénipotentiaires.
On a ajouté le mot « temporaire » pour échapper aux conséquences d'une mission ordinaire.
Voilà l'explication de M. le ministre des affaires étrangères.
Voilà ce que tout le monde appréciera.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable membre a voulu tirer du mot mission extraordinaire une conclusion parfaitement inexacte. Il a voulu en déduire que la mission du prince de Chimay n'était pas temporaire, que c'était une mission permanente, déguisée sous le nom de mission temporaire. C'est une erreur. Ce qui fait le caractère d'une mission temporaire, c'est sa durée limitée ; or, le fait prouvera que le prince de Chimay a été charge d'une mission temporaire, comme M. Lebeau à Francfort et M. de Stassart à Turin, c'est-à-dire dans un but spécial.
Le but de la mission temporaire, quel était-il ? Il était d'abord de complimenter le souverain pontife sur son avènement, et en second lieu de nouer une négociation commerciale à Naples. Eh bien, messieurs, c'est ce qui a eu lieu. L'honorable prince de Chimay a accompli sa mission spéciale auprès du souverain pontife, et il n'a pas tardé à partir pour Naples, pour y suivre une négociation commerciale. Lorsque cette négociation commerciale sera terminée, et j'espère qu'elle le sera bientôt, le prince de Chimay aura rempli sa mission temporaire et il reviendra en Belgique.
Est-ce parce que le prince de Chimay avait le rang d'ambassadeur lorsqu'il a complimenté le souverain pontife, que sa mission a perdu son caractère temporaire ? Mais non, le prince de Chimay n'a fait que suivre les usages généralement établis. C'est une question d'étiquette qui n'est nullement relative au fond de la mission.
.le dis, messieurs, que cette mission est réellement temporaire, temporaire à Rome, temporaire à Naples, et le fait, comme je l'ai dit tantôt, le prouvera.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne me serais pas mêlé à cette discussion, si M. le ministre des affaires étrangères n'avait pas de nouveau, car ce n'est pas la première fois, invoqué un exemple qui me concerne personnellement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je n'ai rien dit de malveillant pour vous.
M. Lebeau. - Je suis persuadé qu'il n'y a rien de malveillant pour moi dans vos observations ; vous parlez dans l'intérêt de votre défense. Mais je crois que vous ne tenez pas assez compte des grandes différences qu'il y a entre la mission réellement temporaire que j'ai remplie et la mission dont les honorables membres se sont occupés.
Je suis obligé, messieurs, par l'insistance que l'on met à jeter mon nom dans le débat, d'entrer dans quelques explications. J'en demande pardon à la chambre, mais je ne réclame que quelques moments d'attention.
Remarquez, messieurs, quelle différence dans les circonstances ! Lorsque j'ai été chargé d'une mission à Francfort, nous venions de conclure le traité de 1839, en vertu duquel la Belgique entrait en relations officielles avec l'Allemagne, notamment avec la confédération germanique, qui jusque-là n'avait pas reconnu la Belgique. Beaucoup de princes de la confédération n'avaient pas non plus, avant le traité, reconnu la Belgique.
Immédiatement après la conclusion de ce traité, le gouvernement crut utile de nouer de premières relations, d'établir en quelque sorte des liaisons avec l'Allemagne. C'est ainsi que M. le général Goblet fut chargé, et c'était bien là une mission temporaire, de visiter, si je ne me trompe, cinq ou six princes souverains de l'Allemagne. Je fus chargé en même temps de visiter non seulement la confédération, mais trois ou quatre princes appartenant à la confédération.
A la différence de ce qui existe à Rome, où la légation est établie, je pense, depuis dix ans, il n'y avait pas de légation établie en Allemagne ; j'étais réellement envoyé, ainsi que le général Goblet et d'autres personnages, pour former les premières relations.
Il n'y eut rien là, messieurs, qui ressemblait à une place à traitement. Nous fûmes tout simplement remboursés de nos frais, moyennant un abonnement par jour, convenu avec M. le ministre des affaires étrangères. Cela est tellement vrai, que ce n'est qu'à partir du jour (et je prie M. le ministre d'être attentif à cette circonstance qui, je crois, n'existe pas dans le cas dont la chambre s'occupe), ce n'est qu'à partir du jour où l'on s'est mis en route que les indemnités ont compté ; et au bout de trois ou quatre mois toutes ces missions étaient remplies. Elles étaient donc bien temporaires. Voilà, messieurs, les faits tels qu'ils se sont passés. Je laisse à l'impartialité de la chambre, et à l'impartialité de M. le ministre lui-même, le soin de reconnaître s'il y a identité entre ces cas et celui dont on vient de s'occuper.
M. Osy. - Messieurs, lors de la discussion du budget des affaires étrangères, nous vous avons parlé de la mission du prince de Chimay en Italie. A cette occasion il y a un antécédent dont nous n'avons pas parlé. En 1836, un honorable sénateur, M. le comte de Baillet, a été envoyé en mission temporaire à Berlin ; lui-même avait fait la condition que la mission ne serait que temporaire, et cependant il s'est soumis à la réélection, il s'est représenté devant les électeurs de Bruxelles qui l'ont réélu. C'est là un antécédent sur lequel j'appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères.
Maintenant, messieurs, je viens, comme rapporteur, vous parler du crédit qui nous est demande.
Nous avons voté en 1846, pour le seul chapitre du budget des affaires étrangères dont il s'agit, une somme de 70,000 fr. On vous demande pour cette année-là seule, un crédit de 44,000 fr. pour missions extraordinaires. Je conviens qu'il y a eu des mutations en 1845 et en 1846 ; mais je vous avoue que, selon moi, plusieurs de nos envoyés font des voyages et des frais véritablement inutiles.
La majorité de la section centrale propose à la chambre l'adoption de ce crédit. Mais, messieurs, un de mes honorables collègues et moi nous n'avons pu donner notre assentiment au projet, d'autant plus que nous avons vu qu'on accordait des indemnités a certains envoyés parce qu'ils allaient pendant l'été à la campagne. Dans la lettre de M. le ministre des affaires étrangères qui est jointe au rapport, on vous dit que ces voyages sont nécessaires, que notre envoyé eu Portugal doit se rendre à Cintra, que notre envoyé en Turquie doit se rendre à Buynkière parce que les cours se rendent dans ces résidences. Mais je crois que la vérité est tout bonnement que le séjour de Lisbonne et de Constantinople n'est guère agréable l'été et que l'on préfère la campagne.
Selon moi, messieurs, on cherche là un moyen détourné d'augmenter les traitements. Si les traitements ne sont pas suffisants, qu'on le dise. Mais je ne puis donner mon approbation a des demandes continuelles de crédits supplémentaires dans le but d'augmenter indirectement ces traitements.
Messieurs, je vous avoue que je suis étonné que le gouvernement ne nous demande un crédit supplémentaire que pour un seul chapitre du budget des affaires étrangères. Je demanderai à M. le ministre si nous pouvons espérer d'une manière positive que pour 1845 et 1846 on ne (page 887) viendra pas nous demander des crédits supplémentaires sur d'autres chapitres de son budget. Je crains qu'il ne nous arrive de nouvelles demandes à la fin de la session, alors que nous n'aurons plus le temps de les examiner convenablement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, j'avais oublié de répondre à une interpellation de l'honorable M. Verhaegen, qu'a reproduite l'honorable M. Osy.
Il avait demandé si un autre crédit supplémentaire ne serait pas présenté à la chambre.
Messieurs, oui, un nouveau crédit supplémentaire sera présenté à la chambre, et j'avais eu soin déjà de l'annoncer à la chambre lorsque nous avons discuté le budget de mon département.
J'ai remis ce projet de créait supplémentaire à mon honorable collègue des finances qui, je pense sous peu de jours le présentera à la chambre.
L'honorable M. Osy croit que le gouvernement a autorisé des voyages et des frais inutiles. Messieurs, cette critique est générale ; je voudrais qu'on pût la spécialiser, qu'on pût indiquer quels sont les voyages inutiles que le gouvernement a autorisés. (Interruption.) L'honorable membre a cité deux cas ; ils concernent notre agent à Constantinople et notre ministre à Lisbonne ; ce sont les voyages que font ces agents aux résidences d'été à Buyukiléré et à Cintra.
J'ai fait connaître, messieurs, comme vous pouvez le voir par la note que reproduit le rapport de la section centrale, j'ai fait connaître les motifs qui ont toujours fait autoriser ces voyages.
En effet, messieurs, à Constantinople comme à Lisbonne, la résidence d'été est assez éloignée de la capitale et il est d'usage que tous les agents diplomatiques suivent le gouvernement à cette résidence d'été. Vouloir que l'agent belge fasse exception, ce serait en réalité demander la suppression, pendant les mois d'été, de la légation de Constantinople et de la légation de Lisbonne ; ce serait interdire à nos agents diplomatiques accrédités dans ces deux capitales d'exercer pendant une partie de l'année l'influence en vue de laquelle ils sont nommés. Il faut que les agents diplomatiques suivent les usages établis et acceptés par tous les gouvernements étrangers, sous peine de se rendre inutiles.
M. Delfosse. - M. le ministre des affaires étrangères nous a dit tantôt que ce qui constitue une mission temporaire c'est le temps, et il a ajouté que le temps prouverait que la mission conférée au prince de Chimay est réellement temporaire, ce personnage devant revenir sous peu en Belgique.
Je ferai remarquer que les prédécesseurs du prince de Chimay revenaient aussi de temps en temps en Belgique, et cependant leur mission n'était pas temporaire. Nos agents diplomatiques à Rome nous reviennent presque toujours à l'approche de l'été, époque où il fait trop chaud en Italie ; le prince de Chimay aura, en outre, un autre motif pour être ici au mois de juin prochain ; mais qui nous dit que son retour sera définitif ? On pourrait bien publier, au mois de juin prochain, un arrêté royal qui ferait cesser la mission prétendument temporaire et qui conférerait une mission permanente. Je ne sais ce que M. le ministre des affaires étrangères nous prépare, mais je ne puis m'empêcher de croire que l'on élude ici la Constitution.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable membre semble croire qu'il y aurait dans ce que j'ai dit une espèce de jeu de mots, qu'on accorderait au prince de Chimay un congé, comme on en a accordé à quelques-uns de ses prédécesseurs, qu'il viendrait passer quelques mois en Belgique sauf à reprendre sa position après l'expiration de ce congé. Interpréter mes paroles de cette manière, c'est-leur donner un sens qui n’est nullement dans ma pensée, et qui serait réellement peu sérieux et peu digne du gouvernement.
Evidemment lorsque j'ai parlé de la cessation de ces fonctions, j'ai voulu dire, non pas qu'on accorderait un congé au prince de Chimay, mais que ses fondions viendraient en réalité à cesser. C'est l'intention du prince, comme c'est l'intention du gouvernement.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet, qui est adopté par 39 voix contre 10.
Ont voté l'adoption : MM. Anspach, Brabant, Clep, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, de Haerne, de Lannoy, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Huveners, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Malou, Orban, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen.
Ont voté le rejet : MM. Biebuyck, de Bonne, Delfosse, de Villegas, Lys, Manilius, Osy, Sigart, Verhaegen, Veydt.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.