(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 375) M. A. Dubus procède à l’appel nominal à 1 heures et quart.
La séance est ouverte.
M. Van Cutsem lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
(page 376) « L’administration communale d’Assche réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le payement de ce qui lui revient du chef des prestations militaires fournies aux troupes hollandaises cantonnées à Assche au mois de septembre 1830. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Dubois et Dupont proposent des modifications au projet de loi sur le notariat. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen de ce projet.
« Les commissaires de police de la ville de Tongres prient la chambre d’accorder aux commissaires de police un traitement spécial du chef des fonctions de ministère public qu’ils remplissent près des tribunaux de simple police. »
- Même demande des commissaires de police d’Ath, Lessines, Peruwelz, Leuzq et Furnes. »
M. Dumortier. - Messieurs, je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget de la justice.
M. le président. - Cette section centrale a fait son rapport.
M. Dumortier. - Elle pourrait être investie, comme commission spéciale, de l’examen des pétitions.
M. le président. – Il nous est arrivé plusieurs pétitions de même nature, et la chambre en a ordonné le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
M. Dumortier. - En ce cas je demanderai la même décision pour celles-ci.
- La chambre ordonne le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
Par dépêche du 21 décembre, M. le ministre de l’intérieur transmet à la chambre 96 exemplaires du tome V des Annales de l’observatoire royal de Bruxelles.
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. d’Huart informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à ses travaux.
- Pris pour information.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à là chambre le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’érection d’une commune nouvelle dans le Luxembourg, commune qui aurait pour chef-lieu le village de Petithier.
Je propose, messieurs, de fixer la discussion de ce projet de loi après celle des objets qui sont déjà à l’ordre du jour. Je ne pense pas qu’elle puisse entraîner un long débat. Je crois que ce ne sera même qu’un vote.
- Ce rapport sera imprime et distribué. La discussion du projet est fixée après celle des objets déjà à l’ordre du jour.
M. Osy. - J’ai l’honneur de présenter le rapport de la section centrale sur le projet de loi tendant à accorder au département des travaux publics un crédit provisoire.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion de ce projet est fixée à demain.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à l’examen des articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit provisoire de cinq millions de francs (fr. 5,000,000), à valoir sur le budgut des dépenses de l’exercice 1847 dudit département. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité des 62 membres présents. Ce sont : MM. Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Manilius, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vandensteen, Verhaegen, Wallaert, Biebuyck, Cans, Clep, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné) et Dubus (Albéric) et Liedts.
M. le président. - La discussion continue sur l’article 2 du chapitre X, relatif à l’agriculture.
M. de Tornaco. – Messieurs, la section centrale a proposé de réduire le chiffre de 313,000 francs à une somme de 274,000 francs. Pour arriver à ce chiffre de 274,000 francs, elle retranche d’abord 40,000 fr. de la somme qui est destinée ordinairement à couvrir les dépenses de l’acquisition de chevaux étrangers. Messieurs, je pense que la section centrale n’a pas exprimé clairement sa pensée dans cette circonstance. Le chiffre qui est destiné à l’acquisition de chevaux étrangers ne s’est élevé l’année dernière qu’à 38,000 francs ; or, il serait assez difficile de réduire 40,000 francs de 38,000 francs.
Je suppose, messieurs, que la section centrale a l’intention d’opérer la réduction de 40,000 fr. non seulement sur le chiffre destiné à l’acquisition des chevaux étrangers, mais encore sur le chiffre employé aux courses de chevaux, ainsi qu’à l’entretien et au service des haras. Si telle est l’intention de la section centrale, je partage entièrement son opinion, et j’appuierai la réduction de 40,000 francs qu’elle propose. (Interruption.) L’honorable rapporteur a dit hier d’une manière catégorique que c’était principalement sur le chiffre destiné à l’acquisition des chevaux étrangers que la section centrale entendait opérer cette réduction. Or il y a à cela impossibilité matérielle, puisqu’il n’est porté pour ce dernier objet que 38,000 francs.
M. de Brouckere, rapporteur. - Voulez-vous me permettre de m’expliquer ? J’ai dit « en grande partie ».
M. de Tornaco. - M. le rapporteur pourra s’expliquer quand j’aurai fini.
M. de Brouckere. - Je demande la parole.
M. de Tornaco. - Messieurs, j’appuierai donc la réduction proposée par la section centrale, pour autant que cette réduction s’opère sur les trois chiffres que j’ai indiqués, c’est-à-dire sur le chiffre destiné à l’acquisition de chevaux étrangers, et sur ceux destinés au service du haras et aux courses.
C’est assez vous dire, messieurs, que je ne puis approuver l’amendement que l’honorable M. Orban vous a présenté, et qui tend à affecter une somme de 30,000 fr. à l’acquisition d’étalons de gros trait. Dans l’état actuel du fonds d’agriculture, il est absolument impossible de consacrer une somme de 30,000 fr. à l’achat d’une seule espèce de chevaux. Je suppose que l’honorable membre n’insistera pas pour l’adoption de son amendement, il ne peut pas être adopté ; s’il l’était, il jetterait une perturbation complète dans les fonds destinés à l’encouragement de l’agriculture, à moins qu’on n’allouât une nouvelle somme de 50,000 fr.
Une autre réduction que la section centrale vous a proposée est celle de 3,000 francs sur la culture de la garance. Comme il n’y a pas d’objection de la part du gouvernement, il est probable que la réduction est adoptée. A l’occasion de cette culture, diverses observations ont été faites. Ici, je suis encore parfaitement d’accord avec la section centrale. Le gouvernement doit supprimer le plus tôt possible les subsides qui sont accordés à des industries parasites. Un honorable député de Hasselt, défenseur de la culture de la garance, a dit que cette culture était déjà très ancienne ; eh bien, si elle est ancienne, les cultivateurs doivent la connaître assez pour savoir si elle offre des bénéfices ; si elle offre des bénéfices, ils peuvent la continuer sans subsides ; si elle n’offre pas de, bénéfices, ils feront bien de la supprimer.
J’en dirai autant de l’industrie séricicole ; les établissements qui ont cette industrie pour objet ont déjà beaucoup de peine à avoir des fruits dans le centre de la France ; il en est beaucoup qui sont presque continuellement en perte.
Messieurs, une autre réduction est celle qui concerne l’acquisition des chevaux de remonte pour le département, de la guerre. La section centrale propose de renvoyer cette discussion à la discussion du budget de la guerre. Je suis entièrement de son avis.
Mais il est une réduction, concernant l’agriculture, que propose la section centrale, et que je ne suis nullement disposé à accorder. Je veux parler de la réduction de 8,000 fr. sur les 12,000 fr. que le gouvernement a demandés, pour encouragement des concours, des sociétés agricoles. La section centrale paraît attacher assez peu d’importance à ces concours, à ces sociétés agricoles. Je crois que la section est, sous ce rapport, dans une profonde erreur.
La section centrale dit qu’il serait dangereux d’accorder des subsides de cette nature, parce que des demandes pourraient être formées par toutes les villes, par toutes les communes. Je conçois que les villes et les communes qui ont besoin de subsides en demandent au gouvernement. Mais je suis étonné que, d’après un raisonnement comme celui-là, la section centrale n’ait pas proposé la suppression du crédit de 19 mille francs alloué l’année dernière au même titre.
Pour être conséquente avec elle-même, la section centrale aurait dû faire cette proposition ; mais elle s’est contentée d’arrêter cette dépense ;’ elle ne veut pas qu’on aille au-delà de ce qui a été fait.
Pour ma part, je ne crois pas que tout est dit, parce que des subsides sont accordés à la ville de Bruxelles et à la commune de Tervueren. Ce qui se fait pour cette ville et pour cette commune doit se faire pour les autres.
Je propose donc d’une manière formelle que le chiffre du gouvernement soit maintenu.
Je proposerai même de l’augmenter de 2,000 fr. C’est-à-dire que le chiffre, demandé par la section centrale, soit porté de 274,000 francs à 284,000 fr.
Ainsi j’ai l’honneur de proposer à la chambre une augmentation de 40,000 fr. ; 8,000 fr. serviraient à couvrir la diminution que la section centrale a fait essuyer au chiffre proposé par M. le ministre.
Les deux autres mille francs, je les ai ajoutés, parce que je désire qu’ils soient accordés à la société agricole de Liége. Je ne crains pas d’être accusé ici de plaider pour mon clocher ; car s’il est une société qui rende des services à l’agriculture, c’est à coup sûr celle de Liége ; et j’aime assez que chacun soit rétribué d’après ses mérites.
(page 377) Il y a d’autres sociétés qui reçoivent des subsides de 3,000 francs, de 4,000 francs même, et qui ne s’occupent que de l’amélioration de la race chevaline, tandis que celle de Liège s’occupe de l’amélioration de toutes les races d’animaux. Elle ne se borne pas là ; elle donne des concours ; son action s’étend hors des limites de la province ; car elle a donné, cette année, un concours dans la province de Namur. Je crois qu’une société qui rend d’aussi grands services doit être encouragée.
Je ne dis pas que les subsides accordés aux agricoles sociétés doivent être perpétuels.
Je prie M. le rapporteur de la section centrale de faire cette remarque ; je ne demande pas que les subsides qu’on accorde pour encourager ces sociétés soient perpétuels ; c’est seulement quand elles sont naissantes, quand elles commencent leurs opérations qu’il faut les encourager. Ces subsides sont très utiles, car non seulement elles servent à réunir les cultivateurs, à répandre une sorte d’enseignement mutuel, mais elles sont encore un encouragement pour les éleveurs, Je prie M. le ministre de se montrer à cet égard plus généreux qu’il ne se proposait de le faire. Je demande qu’il porte à trois mille francs l’encouragement qu’il avait l’intention de leur accorder ; c’est pour cela que je propose d’augmenter de 40 mille francs le chiffre proposé par la section centrale, qui serait ainsi porté 284 mille francs.
M. de Breyne. - Messieurs, j’ai voté pour la division de l’article 41 du budget de l’intérieur, telle que vous l’a proposé la section centrale, et je croyais présenter quelques observations relativement aux indemnités pour bestiaux abattus d’office et sur la nécessité de payer ces indemnités immédiatement après l’abattage, c’est-à-dire dans le temps le plus court possible ; mais plusieurs orateurs ayant traité ce sujet mieux que je ne pouvais le faire, j’ai cru devoir m’abstenir de prendre la parole, pour ne pas vous répéter les mêmes observations.
Messieurs, ce qui m’a frappé d’étonnement dans l’état des imputations faites sur l’article des encouragements à l’agriculture, c’est de voir sous le littera B, la faible somme destinée à servir de primes pour les établissements de gros trait, eu égard à l’allocation suivante, portée sous le littera C, pour courses de chevaux instituées par le gouvernement.
En effet, messieurs, on donne moins de neuf mille francs, pour l’amélioration de notre race chevaline indigène, qui forme une des branches les plus productives de notre agriculture ; race qui peut suffire à tous les besoins et qui est indispensable pour le plus grand nombre des services publics ; race que nous envient et l’Angleterre et la France, et dont elles nous enlèvent les meilleurs produits ; tandis que l’on accorde trente et un mille francs pour encourager la production du cheval de course, qui ne sert qu’à satisfaire le plaisir du riche.
Messieurs, je félicite l’honorable M. Orban de nous avoir présenté un amendement tendant à allouer une somme de trente mille francs en primes pour les étalons de gros trait. Cet amendement n’est d’ailleurs que la mise en exécution d’un arrêté royal, que le gouvernement a négligé depuis six ans. Il ne vient aucunement augmenter les charges du budget, puisqu’il ne propose qu’un transfert de chiffres ; et je pense, sans vouloir contester en rien les services que rend le haras de l’Etat, que cet établissement pourra facilement s’imposer ce sacrifice en faveur des haras particuliers.
J’espère que M. le ministre se ralliera à l’amendement s’il ne veut être taxé d’indifférence pour les intérêts de la grande majorité de la nation, et je suis convaincu que la chambre l’adoptera. Si nous voulons améliorer la race chevaline indigène par l’étalon de la même race, il faut que nous donnions des primes de certaine valeur, afin que les propriétaires d’étalons soient stimulés pour faire des sacrifices en faveur des sujets les plus propres à la reproduction. C’est alors, messieurs, que nous ne verrons plus l’étranger nous enlever les meilleurs reproducteurs, et que le pays retirera le fruit des sacrifices faits dans l’intérêt de cette branche de notre industrie.
Messieurs, la section centrale pense qu’il y a lieu de la faire une distinction entre les subsides réclamés par les provinces et qui doivent avoir pour résultat de faciliter, d’assurer l’exécution des règlements pour l’amélioration de la race bovine, et ceux qu’on voudrait accorder à des villes ou des communes rurales, soit pour des concours de bestiaux, soit pour d’autres objets, ou à des sociétés particulières. Autoriser, dit-elle, légèrement ces subsides, c’est s’exposer à voir un grand nombre de communes, de sociétés, solliciter la même faveur, qu’il serait d’autant plus difficile de leur refuser qu’elles pourraient presque toutes faire valoir les mêmes titres.
Je ne puis partager l’opinion de la section centrale sur cet objet ; et je crois, au contraire, que, puisque le gouvernement ne peut pas tout faire, il faut du moins qu’il encourage par des subsides toutes les tentatives que feront les provinces, les communes et les sociétés pour l’amélioration de toutes les branches de l’industrie agricole.
Je connais, dans la Flandre occidentale, une société agronomique, qui s’occupe principalement de l’amélioration de la race bovine. Cette société est établie à Thourout, c’est-à-dire dans un des cantons de la province où l’espèce bovine laisse beaucoup à désirer. Eh bien, cette société fait à ses frais et dépens, acheter, dans les pays étrangers, des animaux de la meilleure espèce, pour les vendre publiquement au chef-lieu du canton. Les frais et les pertes qui doivent en résulter sont supportés par la société.
D’après les principes de la section centrale, cette société n’aurait droit à aucune faveur ; tandis que, d’après ma manière de voir, elle mérite toute la sympathie de la chambre, et je crois remplir un devoir, en appelant l’attention du gouvernement sur les services qu’elle rend dans la sphère le son action.
Loin de contribuer à décourager le petit nombre de sociétés d’agriculture qui se trouvent dans le pays, en leur refusant de légers subsides, je voudrais, au contraire, voir élever dans chaque arrondissement administratif des associations, qui s’occupassent de toutes les branches de l’industrie agricole.
Ces sociétés, composées de propriétaires et de fermiers, d’hommes instruits et de praticiens, étudieraient les besoins de l’arrondissement, feraient connaître les améliorations toujours si difficiles à introduire, et formeraient, pour tout ce qui intéresse l’agriculture, des comités que le gouvernement pourrait consulter avec fruit.
Messieurs, en prenant ici la défense des sociétés agricoles, ce n’est pas que je veuille donner, à tort ou à raison, des subsides à toutes celles qn pourraient en faire la demande ; telle n’est pas ma pensée ; je veux, au contraire, que le gouvernement mette des conditions à l’allocation de ses subsides, et qu’il surveille les opérations des sociétés, afin de s’assurer que les deniers de l’Etat soient employés dans un but d’utilité publique. Je ne renouvellerai pas les observations que j’ai faites sur l’introduction des taureaux de race perfectionnée ; je me réfère, à cet égard, à ce que j’ai eu l’honneur de vous dire lors de la discussion du budget de l’intérieur pour l’exercice courant.
M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, un honorable préopinant s’est appliqué à démontrer à la chambre que de 38 mille fr. il était impossible de déduire 40 mille fr. Si la section centrale avait proposé une semblable opération, elle aurait sans doute mérité la leçon d’arithmétique qu’on lui a donnée. Mais il n’en est rien ; je vous prie, pour vous en convaincre, de me permettre de lire trois lignes du rapport. Voici comment la section centrale s’explique : « L’augmentation de 40 mille fr. serait prise sur l’article suivant, et les dépenses faites pour les haras et l’achat d’étalons, qui paraissent trop considérables, seraient réduites dans la même proportion.
Or, les dépenses faites pour les haras et l’achat d’étalons s’élèvent, non à 38 mille francs, mais à plus de 80 mille francs ; et dans les explications que j’ai données sur l’article premier j’ai dit que dans l’intention de la section centrale une « grande partie » des 40 mille francs devait être prise sur les 38 mille francs destinés à l’achat d’étalons, et « le reste » sur les 140 mille francs destinés à l’entretien des haras.
Il me semble qu’il est difficile de s’expliquer plus clairement que ne l’a fait la section centrale.
Messieurs, deux orateurs qui viennent de parler se sont opposés à la réduction que propose la section centrale sur le chiffre de 12,125 fr. demandé par M. le ministre de l’intérieur, et dont la plus grande partie doit être employée en subsides qu’on allouerait à des provinces, à des communes et à des sociétés.
Vous savez que la section centrale n’a admis que la partie de cette somme destinée aux provinces, et a rejeté celle qui devait être accordée aux communes et aux sociétés.
La section centrale, dans sa proposition, a été guidée par la crainte que si le gouvernement persistait à accorder avec une certaine facilité, des subsides aux communes et aux sociétés, nous ne fussions entraînés à des dépenses très élevées. Vous avez entendu qu’un des honorables préopinants a déjà dit qu’il fallait en effet se montrer très large pour cette sorte de subsides.
Déjà, messieurs, plus de 19,000 francs sont accordés en subsides, on en accorderait encore dix aujourd’hui, et l’année prochaine les demandes iraient à un chiffre bien plus élevé.
La section centrale, messieurs, pense qu’il faut s’arrêter dans cette voie de subsides, qui nous mènerait loin.
Mais, dit-on, si vous voulez être conséquent, supprimez aussi les 19,000 francs, accordés l’année dernière en subsides. Car, ajoute-t-on, il ne suffit pas que la ville de Bruxelles reçoive un subside pour que tout le royaume se tienne pour satisfait. Ce qu’on a fait pour la ville de Bruxelles, il faut le faire pour les autres parties du royaume.
Messieurs, je vous prie de remarquer que la ville de Bruxelles n’entre dans la distribution des 19,000 francs que pour une petite part, et que presque toutes les parties du royaume ont obtenu quelque chose dans le partage de ces 10,000 francs. C’est ainsi, par exemple, que la province à laquelle appartient l’honorable orateur auquel je réponds, y est pour plus de 2,000 francs. 520 fr. accordés comme subsides à la ville de Verviers, 530 fr. à la société d’horticulture de Liége et 4,000 fr. à la commune de Spa ; ce qui forme un total de 2,050 fr.
Mais il faudrait, dit-on, retirer ces 19,700 fr. Messieurs, vous savez qu’il est beaucoup plus facile de refuser un premier subside, que d’ôter le subside à ceux qui en ont joui pendant quelque temps. Car, c’est en vain qu’on vient vous dire que ces subsides ne sont pas perpétuels ; quand ils ont été alloués pendant deux ou trois ans, le gouvernement semble faire une injustice criante à la province, à la société ou à la commune à laquelle il l’enlève ; et il vaut mieux ne pas commencer.
Du reste, je n’hésite pas à dire que, dans notre opinion, les subsides alloués jusqu’ici aux villes et aux sociétés devront être retirés dans un certain temps, sous peine d’être taxé de partialité en faveur de certaines communes au préjudice d’autres communes.
Vous avez vu, messieurs, quelles sont les propositions de la section centrale, quant aux primes allouées pour la culture de la garance et pour l’industrie séricole. Les primes pour la garance s’élèvent à 10,000 fr. environ, et pour ces 10,000 fr. on cultive à peu près 100 hectares de (page 378) garance. C’est une prime exclusivement élevée que 100 fr. par hectare, et cette prime a été accordée depuis un grand nombre d’années. La section centrale pense qu’il est temps d’en finir de cette protection spéciale accordée à une seule culture. On accorde des primes à une culture nouvelle, parce qu’il faut encourager des essais ; on accorde des primes à une culture qui serait absolument indispensable, parce qu’alors l’intérêt du pays le commande. Mais la culture des garances n’en est plus aux essais ; il y a plus de trente ans que l’on cultive la garance en Belgique, si l’on ne peut la cultiver aujourd’hui sans recevoir des primes aussi élevées de la part du gouvernement, il faut renoncer à cette culture ; et n’est pas non plus indispensable ; à défaut de garance cultivée en Belgique, on fera venir de la garance étrangère.
La section centrale alloue donc encore une fois les 10,000 fr. demandés, dés, mais elle insiste pour que le gouvernement s’explique sur ses intentions quant à l’avenir. Elle pense que l’année prochaine les primes devraient être réduites de moitié et supprimées entièrement dans deux ans. Mais il faut que le gouvernement en informe, dès à présent, les cultivateurs, afin qu’on ne vienne pas l’année prochaine et l’année suivante comme cette année, faire valoir une espèce de droit acquis.
Il en est de même, messieurs, pour l’industrie séricicole. Pour cette industrie aussi la section centrale alloue le chiffre nécessaire ; mais elle demande que le gouvernement prenne des mesures dès à présent, afin que les cultivateurs se tiennent pour avertis que les primes sur l’industrie séricicole cesseront dans un certain temps.
M. Rodenbach. - Messieurs, je pense, comme l’honorable préopinant, que la culture de la garance. est devenue, en Belgique, une culture en serre chaude. Voilà déjà assez d’années que nous accordons des subsides considérables pour la protéger. Il me semble que si cette culture devait se naturaliser dans le pays, elle n’aurait plus besoin de subside. Pans la Flandre occidentale nos cultivateurs l’ont abandonnée complétement ; ils ont vu qu’on ne pouvait retirer grand profit de cette nouvelle culture. En effet, messieurs, il faut reconnaître qu’une prime de 10,000 fr. pour 100 hectares plantés en garance est une prime réellement exorbitante. Il est plus que temps qu’on renonce à des innovations qu’une expérience de plusieurs années prouve ne devoir être d’aucune utilité pour le pays.
Messieurs, j’ai demandé la parole pour dire quelques mots à propos de la proposition qui vous a été faite par un honorable député de Liége. Il a demandé un subside de 3,000 fr. pour une société agricole. Comme l’honorable rapporteur, je pense que si nous allons entrer dans cette voie des subsides pour les sociétés, on finira par nous demander une somme de 50 à 80 mille fr. et peut-être de 100,000 fr. Car il existe déjà dans plusieurs provinces des sociétés agricoles, et il paraît qu’il s’en forme de nouvelles d’année en année. J’en citerai notamment une dans la Flandre occidentale ; c’est celle de Thourout. Tous les ans, messieurs, cette société fait venir du bétail de l’étranger et procure ainsi de grands avantages à l’agriculture. Elle publie aussi des mémoires ; car elle s’occupe aussi d’agronomie. Dernièrement encore elle a publié une brochure sur le vry-geweid ou l’exploitation des bruyères de quelques villages voisins.
Cependant jusqu’aujourd’hui cette société n’a pu obtenir aucun subside du gouvernement.
Si l’amendement de l’honorable député de Liége devait être adopté, j’en présenterais immédiatement un en faveur de la société agricole de Thourout ; j’engage même vivement le gouvernement à bien vouloir lui accorder un subside sur les fonds alloués au budget.
Mais je crois, messieurs, que, surtout dans la situation actuelle de nos finances, il vaut beaucoup mieux ajourner toute augmentation considérable, car cela nous entraînerait à dépenser des centaines de mille francs.
M. de Garcia. - Je me propose, messieurs, de dire quelques mots pour appuyer une partie des considérations présentées par l’honorable M. de Tornaco. Cette partie est celle qui est relative aux subsides accordés aux provinces, aux communes et aux sociétés pour l’encouragement de l’agriculture, pour l’encouragement de la reproduction de toutes les espèces d’animaux employés à l’agriculture. Quant à moi, je considère ces encouragements comme un des moyens les plus puissants et les plus efficaces que le gouvernement puisse employer pour faire progresser rapidement toutes les richesses agricoles.
C’est assez vous dire, messieurs, que je ne suis nullement touché par les considérations émises par la section centrale contre cette idée. La principale et la seule objection faite à cet égard, c’est la crainte que les communes et les associations ne prennent trop de développement, et ne soient une source de dépenses pour le trésor, et partant elle demande une réduction sur la somme de 12,000 fr. pétitionnée pour cet objet. J’avoue, messieurs, qu’il m’est impossible de me rendre compte d’une objection semblable ; de deux choses l’une, ou la mesure est bonne, ou elle est sans utilité. Dans la première hypothèse, il faut la favoriser autant qu’il est en nous ; dans la seconde, il faut la supprimer complétement. Or, selon moi, et d’après les considérations présentées par divers orateurs qui m’ont précédé, cette mesure est propre à conduire aux résultats les plus heureux et les plus utiles. Je suis tellement convaincu de la grande utilité de ces résultats, que je consentirais volontiers à doubler, tripler, quintupler même la sonate pétitionnée. On nous a soumis, messieurs, un projet de loi relatif à la création d’un institut agricole ; eh bien, je voudrais qu’il fût possible de faire un essai sur deux parties égales de notre territoire ; je voudrais que, dans une moitié du pays, on pût appliquer le système développé par M. de Tornaco, et que, dans l’autre, on appliquât le système que le gouvernement a en vue dans le projet de loi dont je viens de parler, un institut agricole. Si une semblable épreuve pouvait avoir lieu, je suis persuadé que l’on serait bientôt généralement convaincu de la supériorité du système d’encouragement à accorder aux citoyens qui s’ingénieraient d’eux-mêmes à faire progresser toutes les améliorations agricoles, sur le système d’un institut agricole dont les résultats, selon moi, sont encore bien problématiques.
Remarquez, messieurs, que les primes données pour l’amélioration des races d’animaux ne constituent pas une récompense gratuite, ni un cadeau envers celui qui les a méritées. Si vous donnez une légère prime à un cultivateur parce qu’il a produit le plus beau cheval, la plus belle bête à laine, la plus belle bête à cornes, l’instrument d’agriculture le plus perfectionné, le plus utile, vous ne faites que lui accorder une indemnité à titre des essais peu fructueux, par lesquels il a dû passer, pour arriver aux résultats heureux qui le distinguent de ses rivaux et qui produisent les révolutions utiles qui se manifestent de temps à autre dans toutes les industries.
Je ne conçois donc pas, messieurs, que l’on puisse craindre de voir augmenter ces primes, car si vous entrez dans cette voie, vous obtiendrez les résultats des plus précieuses découvertes.
Je n’ai, messieurs, qu’un seul reproche à faire à la proposition de l’honorable M. de Tornaco, c’est qu’il la restreint à une seule localité. Je pense, moi, qu’il faut laisser au gouvernement le soin d’accorder les primes là où elles peuvent être le plus utiles.
M. de Tornaco. - C’est cela.
M. de Garcia. - Si l’honorable membre l’entend ainsi, nous sommes parfaitement d’accord.
Messieurs, s’il est une industrie que l’on peut développer sans aucune crainte, sans aucun inconvénient, c’est certainement l’agriculture. L’agriculture ne vous amènera jamais ni exhubération ni paupérisme. Loin de là, si le paupérisme doit disparaître, cette mission doit lui appartenir. A la différence des autres industries, jamais elle ne peut vous amener un encombrement de produits, jamais elle ne peut, par suite, laisser derrière elle une masse d’ouvriers sans travail et sans pain ; jamais vous ne pouvez trop faire produire à la terre ; plus vous cultiverez ses produits, plus vous répandrez le bien-être dans toutes les classes de la société.
Je pense dès lors, messieurs, qu’on ne doit pas ici reculer devant des considérations d’économie ; des économies de cette nature seraient funestes au bien-être général et destructives de la prospérité publique.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Bien que la chambre ait, hier, ajouté généreusement 40,000 fr. au fonds d’agriculture, il ne faut pas croire, messieurs, qu’elle ait par là, consacré une nouvelle dépense. Ces 40,000 fr. sont ajoutés au fonds d’agriculture pour que le gouvernement ne soit plus dans la nécessité de retarder les indemnités dues du chef de l’abattage de bétail infecté. A ce point de vue, messieurs, nous avons approuvé la proposition de la section centrale, bien que nous espérons amener quelques économies dans cette partie du service ; ces économies profiteront au trésor, mais il restera cet avantage que les indemnités pourront être payées immédiatement.
Mais, messieurs, de ce que vous avez alloué anticipativement en quelque sorte, ces 40,000 fr., de ce que vous les avez accordés maintenant, au lieu d’attendre qu’un crédit supplémentaire vous fût demandé, il n’en résulte pas que vous deviez retrancher une pareille somme de 40,000 fr., de l’article qui est en ce moment soumis à vos délibérations et qui concerne le haras et les encouragements à l’agriculture ; car, en opérant sur cet article une réduction de 40,000 fr., vous forceriez le gouvernement d’abandonner plusieurs encouragements dont l’utilité est établie depuis très longtemps. En effet, messieurs, sur quoi porte la réduction de 10,000 fr. qui est proposée ? C’est principalement sur le haras. Eh bien messieurs, je vous soumettrai quelques considérations non seulement sur le haras mais aussi sur l’arrêté du 7 décembre 1840 dont l’exécution est invoquée par l’honorable M. Orban.
L’institution du haras et l’arrêté du 7 décembre 1840 sont deux mesures qui doivent marcher de front, si l’on veut obtenir des résultats favorables à l’amélioration de la race chevaline. Ce ne sont point des mesures qui s’excluent ; ce sont, au contraire, des mesures qui tendent au même but. L’honorable M. Orban nous a lu, messieurs, quelques-uns des considérants de l’arrêté du 7 décembre 1840, mais il n’a pas lu d’autres considérants de cet arrêté, dans lesquels la nécessité du haras est pleinement établie. En effet, messieurs, on dit dans les considérants de cet arrêté qu’il ne suffit pas d’acheter des chevaux pur sang, 1/2 sang, 3/4 sang, à l’étranger, mais qu’il faut, en même temps, améliorer la race indigène par les étalons indigènes, afin de préparer la race indigène à recevoir les améliorations que les étalons étrangers doivent encore y apporter.
L’honorable M. Orban a pensé qu’on ne tenait aucun compte de l’arrêté de 1840. Il est tout à fait dans l’erreur : la dépense que l’on fait annuellement de ce chef dépasse 20,000 fr. ; toutes les provinces, à l’exception de la province de Liége, ont aujourd’hui adopté un règlement pour l’amélioration de la race indigène par les étalons indigènes. Indépendamment des primes instituées par l’arrêté du 7 décembre, il est, messieurs, une quantité de frais qui se rattachent à l’exécution de cet arrêté ; ces frais, qui s’élèvent annuellement à 10,000 fr., ont été jusqu’ici prélevés sur le fonds d’agriculture, parce que ce sont nos artistes vétérinaires et les secrétaires des commissions d’agriculture qui interviennent, aux (page 379) termes des règlements, dans tout ce qui est relatif aux primes ; ce sont eux qui visitent les étalons, les juments et les poulains.
Ainsi, messieurs, au lieu de 30,000 fr., c’est 20,000 fr. que l’on dépense, il n’y a donc qu’une différence de 10,000 fr. Pourquoi n’a-t-on pas dépensé la somme entière de 30,000 fr. ? C’est que jusqu’à présent il n’y a pas eu matière à la dépenser. J’aime à croire, messieurs, que successivement, d’année en année, les dispositions de cet arrêté produiront leurs fruits, et qu’on arrivera ainsi à pouvoir employer la totalité des 30,000 fr.
Maintenant, messieurs, si l’on adoptait l’amendement de l’honorable M. Orban, amendement tendant à faire un article spécial de ce chiffre de 30,000 fr., il y aurait une nouvelle réduction de 20,000 fr. sur les encouragements généraux ; je dis 20,000 fr. ; car des 20,000 fr. qui ont été dépensés de ce chef jusqu’ici, 10,000 fr. ont été pris sur les fonds d’agriculture ; d’autre part, ces fonds seraient diminué de 40,000 fr. suivant la proposition de la section centrale, ce qui fait une réduction réelle de 60,000 fr. sur cet article. Vous voyez donc, messieurs, que c’est une chose inadmissible, à moins d’abandonner complétement le haras. Messieurs, c’est bien à tort que l’on dit que l’institution du haras n’a pour objet en quelque sorte que le plaisir ds amateurs, qu’il n’apporte aucune amélioration à l’agriculture.
Messieurs, dans tous les pays où l’on s’est occupé de l’amélioration de la race des chevaux, l’on s’est toujours attaché à se procurer des chevaux étrangers, c’est surtout par les chevaux de la race du Midi qui sont les chevaux de pur sang et par ceux qui en dérivent qu’on s’est efforcé de perfectionner la race chevaline.
Aujourd’hui, la France même qui a déjà une race assez parfaite, s’impose encore des dépenses très fortes, pour acheter des chevaux de sang en Angleterre ; l’on a fait en Angleterre des acquisitions tellement considérables, pour la France et pour d’autres pays encore, qu’aujourd’hui les chevaux y deviennent d’un prix très élevé et qu’il est à prévoir qu’à une époque prochaine on ne pourra plus s’en procurer.
C’est pourquoi l’inspecteur des haras demande que cette année encore on fasse quelques nouvelles acquisitions en Angleterre. Sept entiers ne seront plus d’usage pour 1847, et cependant quinze autres seront réformés encore prochainement.
Ainsi, messieurs, du moment où l’on demande des stations d’entiers pour plusieurs localités, on voudrait supprimer toute la dépense, je ne dirai pas seulement pour l’extension du haras, dans le but de satisfaire à ces demandes, mais même pour l’entretien du haras dans son état actuel.
Qu’on ne dise pas que l’institution du haras n’est pas populaire. La meilleure preuve qu’elle est populaire, c’est la concurrence des demandes pour les stations ; d’autre part, c’est le progrès incessant des montes qui, en 1840, se sont élevées à 3,000, c’est 500 en plus que l’année antérieure. Voilà la réponse la plus péremptoire que l’on puisse faire aux adversaires du haras et de son organisation.
La question de la composition du haras a été mûrement étudiée par les hommes les plus compétents ; l’on a reconnu qu’il fallait des chevaux de pur sang, des 3/4 et des 1/2 sang, et que sans cet ensemble, il était impossible d’obtenir le résultat désiré.
Indépendamment de ces chevaux de race, on a encore 12 étalons de gros trait pour améliorer la race de nos forts chevaux.
Messieurs, il est constant que depuis l’institution du haras, le pays possède déjà un nombre considérable de chevaux de luxe indigènes ; et c’est une circonstance qui profile évidemment aux cultivateurs qui en font l’élève. Si le pays n’en fournit pas aux amateurs de chevaux, ils vont les acheter à l’étranger. C’est donc un capital qui s’exporterait.
D’une autre part, l’on veut aussi arriver à pouvoir faire la remonte de la cavalerie dans le pays ; et c’est pour ce motif qu’on a étudié la question d’un dépôt de remonte. Cette question n’est pas encore arrivée à sa solution. Cependant je pourrai, pour la discussion du budget prochain, déposer un rapport qui fera connaître à la chambre les diverses opinions qui ont été émises et les conclusions que le gouvernement aura adoptées.
Messieurs, vous savez que le principal obstacle qui s’est opposé à la remonte de la cavalerie dans le pays, c’est qu’en général nos cultivateurs sont trop empressés de faire travailler les jeunes chevaux, et ils les déforment avant l’âge où le département de la guerre peut en faire l’acquisition.
Il faudrait donc pouvoir acquérir ces chevaux, avant que les cultivateurs les emploient à de durs travaux, et après les avoir tenus un an ou deux dans le dépôt de remonte, le département de la guerre pourrait les utiliser.
La seule considération qui doive entier en ligne de compte, et celle-là est très sérieuse, c’est la question de la dépense ; toutefois, je dois ajouter qu’à côté de la question de la dépense, se place une question de politique.
Vous vous rappellerez, messieurs, qu’à certaine époque, les gouvernements d’Allemagne avaient défendu l’exportation des chevaux de cavalerie ; une pareille circonstance pourrait encore se représenter.
Ainsi, si l’on adopte la proposition de la section centrale, ainsi que l’amendement de l’honorable M. Orban, je dois le déclarer, il n’y a pas un centime qui puisse être employé à l’entretien du haras. Il faudra dès lors se résigner à voir cette institution déchoir, c’est-à-dire que les étalons qui devront être supprimés, ne seront pas remplacés.
L’on a aussi critiqué les dépenses qui ont été faites pour les courses de chevaux. L’on pourra examiner si les dépenses doivent continuer absolument sur le même pied. Mais il est une chose certaine, c’est que dans tous les pays où l’on s’occupe de l’amélioration de la race chevaline, il y a des courses de chevaux ; ce sont deux choses en quelque sorte parallèles ; et puis il on résulte un relief pour les solennités auxquelles, dans nos grandes villes, on les rattache successivement ; tantôt c’est Gand, tantôt c’est Bruxelles, ou Liége ou Namur.
Ce sont là des divertissements doublement utiles. Un pays riche en civilisation ne peut pas rester en arrière de tous les autres sous le rapport de cette institution, pas plus que sous celui de toutes les autres institutions ; car si l’on voulait rayer du budget de l’Etat, ainsi que de ceux des communes, tout ce qui a trait à un art ou à un amusement quelconque, il y aurait des suppressions assez nombreuses à faire dans ces budgets, mais aussi la Belgique ne serait plus au niveau des autres nations.
Toutefois, ainsi que je l’ai dit, j’examinerai si cette dépense est susceptible de quelque réduction.
Non seulement, l’on a voulu remettre en question ce qui avait été décidé à la suite d’une longue discussion, dans le sein des deux chambres, en ce qui concerne le haras, mais on a encore voulu remettre en question ce qui concerne la garance. Messieurs, vous vous rappellerez que les primes pour la culture de la garance ont été accordées à la suite d’un rapport spécial fait par l’honorable M. Desmaisières en 1839 ; et à la suite de la discussion de ce rapport, la chambre a voté un crédit en dehors du budget. Ultérieurement ce crédit a fait partie du budget. Voici les motifs pour lesquels on a admis des primes pour la culture de la garance : c’est que dans l’intérêt de l’industrie on a supprimé les deux tiers du droit protecteur qui existait sous le gouvernement des Pays-Bas, qui existe encore aujourd’hui en Hollande et en France.
La prime en Hollande et en France est de 12 fr. 67 c. ; en Belgique, elle n’est que de 4 fr. 24 c. ; il est impossible que nos cultivateurs puissent continuer à cultiver la garance si on leur refuse toute prime, en présence d’une différence de droit d 8 fr. 43 c.
L’honorable M. Osy a exprimé le désir que le gouvernement fît un rapport sur la culture de la garance. Je m’engage volontiers à faire ce rapport ; il sera joint au projet de budget de 1848, qui sera présenté dans le courant de l’année 1847.
A la suite de ce rapport, vous pourrez en pleine connaissance de cause décider s’il y a lieu de réduire ou de maintenir les primes pour la culture de la garance ; mais, dans l’état actuel des choses, je pense qu’il serait imprudent de s’engager à prendre une décision dans un sens ou dans un autre.
En ce qui concerne la question des subsides et encouragements divers, je dois faire observer qu’indépendamment des demandes que j’ai énumérées, plusieurs me sont parvenues encore : notamment la société d’agriculture du Limbourg s’est réunie à d’autres pour annoncer la demande de subsides ; d’autre part la société d’horticulture de Gand, qui occupe le premier rang parmi les sociétés de ce genre en Europe, qui a rendu à la culture des fleurs des services immenses, a demandé un subside de trois mille francs pour la publication de ses Annales avec planches coloriées. C’est là un ouvrage du plus haut intérêt. Je n’hésite pas à dire que je suis disposé à accorder ce subside en le prenant en partie sur le crédit alloué pour l’agriculture.
Des demandes me sont aussi adressées pour faire venir d’Angleterre quelques instruments aratoires ; ainsi, pour faire face à ces diverses demandes, il faudra user de beaucoup d’économie dans l’emploi du fonds d’agriculture et faire un choix parmi celles qui paraîtront le plus utiles. Mais il est impossible de s’engager aujourd’hui à allouer un subside à telle ou telle société ou pour tel objet spécial. Je demande à pouvoir demeurer juge de l’emploi de ce fonds, d’autant plus que des demandes nouvelles peuvent encore survenir qui aient un caractère d’utilité plus grande que celles que j’ai communiquées à la section centrale.
En communiquant ce tableau, mon intention n’a pas été de m’engager à accorder les subsides dont les demandes m’ont été faites.
D’après ces divers motifs, je demanderai à la chambre de vouloir bien maintenir la demande du gouvernement pour encouragements à l’agriculture et pour les dépenses relatives aux haras.
M. Eloy de Burdinne. - Je viens appuyer la proposition faite par notre honorable collègue M. de Tornaco. Je suis de l’avis de l’honorable préopinant ; nous ne demandons pas qu’on encourage l’agriculture au détriment du trésor ; ainsi nous ne demandons pas de nouvelles allocations, mais nous demandons que les fonds votés pour encouragements à l’agriculture ne soient pas détournés de leur destination ; comme on l’a prouvé hier, il n’est presque pas question d’encouragements à l’agriculture dans les 313,000 fr. qu’on vous demande à l’article qui nous occupe.
Je dirai aussi quelques mots du subside pour encourager la culture de la garance. Je crois, comme plusieurs de nos honorables collègues, que cette dépense est superflue, qu’on parviendra difficilement à implanter cette culture en Belgique. Au surplus, je proteste contre la qualification qu’on donne à cette dépense : l’encouragement de la culture de la garance n’est pas un encouragement donné à l’agriculture. Pourquoi indemnise-t-on le cultivateur qui cultive cette plante ? C’est pour la rendre plus commune, pour que le teinturier puisse l’acheter à meilleur marché. C’est donc un encouragement à l’industrie, car l’agriculture ne demande pas d’encouragement pour produire telle ou telle plante.
Cela me paraît incontestable : on vous a beaucoup parlé de l’avantage qu’il y aurait à améliorer la race chevaline au moyen des chevaux demi- sang et pur sang. Cela n’a pas grande importance pour les cultivateurs, (page 380) car ils sont guéris de l’envie de faire produire à leurs juments de labour des chevaux fins. En thèse générale, ceux qui ont adopté ce moyen d’amélioration ont toujours été dupes ; comment voudriez-vous qu’un cultivateur puisse tenir des jeunes chevaux jusqu’à l’âge de 5 ou 6 ans avant de pouvoir s’en défaire ? Il faudrait avoir bien peu de chevaux pour être à même de les loger et de les nourrir. Le cultivateur doit vendre ses jeunes chevaux à deux ou trois ans ; il ne peut pas les conserver jusqu’à l’âge de 5 ou 6 ans.
S’il y avait à cela de grands avantages, depuis le temps où les haras sont formés vous auriez vu des cultivateurs s’empresser d’améliorer leur race, si amélioration il y a. Nous avons vu des amateurs qui ont voulu croiser les races ; où ont-ils marché ? à leur ruine. Un grand propriétaire a voulu faire cette opération, je crois que s’il avait continué, il aurait mangé sa fortune, qui était colossale, en très peu de temps.
Messieurs, croyez-moi, notre pays n’est pas propre à élever des chevaux de race, des chevaux de course, des chevaux de luxe. Pour cela, il faut des pays, comme la Normandie et le Danemark, où il y a beaucoup de pâturages et où le foin est à vil prix.
Ici, nous avons la race des chevaux anciens du pays qui, si elle était perfectionnée, offrirait infiniment plus d’avantage que l’élève des chevaux étrangers.
Croyez-moi, si vous voulez favoriser l’agriculture, favorisez-la de manière à encourager la production des chevaux qui sont d’une grande utilité.
Sous ce rapport, j’appuie aussi l’amendement de l’honorable M. Orban. C’est un moyen d’améliorer notre race de chevaux, la véritable ancienne race de notre pays, qui d’ailleurs, comme on l’a dit, est appréciée à l’étranger. Les Français viennent acheter des chevaux en Belgique ; les Anglais achètent également chez nous des chevaux d’une très grande force. Cherchons donc à améliorer cette race.
S’il s’agissait de grever le trésor d’une nouvelle dépense, j’hésiterais à appuyer l’amendement qui vous est soumis ; mais comme c’est seulement une répartition plus juste, plus équitable et bien plus dans l’intérêt du pays que propose l’honorable M. Orban, je crois devoir appuyer sa proposition.
Cependant, comme c’est une question qui intéresse 1’agriculture, je crains qu’on ne trouve le chiffre trop élevé. Si donc il était rejeté, je proposerais, par sous-amendement, le chiffre de 20,000 fr., sauf l’année prochaine à voir si l’on ne pourrait pas adopter le chiffre proposé par l’honorable M. Orban.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je dois dire, en réponse aux observations de l’honorable M. Orban, que si le gouvernement trouve moyen d’employer 30,000 francs aux termes de l’arrêté royal, il serait heureux de le faire. Cela prouverait que l’arrêté porte ses fruits. Mais le gouvernement ne peut accorder des primes qu’aux sujets que la commission aura déclarés dignes d’en obtenir. Toutes les primes, décernées par les jurys, seront accordées ; jamais aucune n’a été refusée. On a exécuté scrupuleusement les règlements portés dans les diverses provinces, en exécution de l’arrêté royal.
Si même en 1847, sans qu’on adopte l’amendement de l’honorable M. Orban, la dépense s’élevait à 30,000 francs, dût-elle même s’élever au-delà, elle serait payée. Voilà notre manière de voir.
Nous n’entendons en aucune manière contester l’allocation des primes accordées par l’arrêté royal.
M. Manilius. - Je viens aussi appuyer l’amendement de M. de Tornaco, et celui de M. Orban. J’aurai peu d’observations à ajouter à celles qui ont été présentées par les honorables préopinants.
Cependant, je viens d’entendre M. le ministre de l'intérieur dire qu’un arrêté règle les conditions auxquelles sont accordées les primes pour l’amélioration de la race chevaline. Je ne crois pas que cette observation soit sérieuse ; car M. le ministre doit savoir qu’un arrêté peut intervenir pour fixer la quotité des primes d’après le crédit alloué par la chambre.
Lorsque j’ai demandé la parole, c’était surtout pour dire quelques mots relativement à la culture de la garance ; on a dit qu’elle est cultivée en serre chaude ; c’est une erreur ; la garance se cultive dans des terres ordinaires, mais qui doivent être choisies avec discernement ; elle a lieu avec beaucoup de succès dans notre province, ainsi que dans les polders de Zélande.
Je crois donc qu’il est utile de propager cette culture.
L’honorable membre, qui a fait cette observation, a été plus loin ; il a dit qu’on avait fait des dépenses énormes pour encourager la culture de la garance. C’est encore une erreur. L’honorable membre peut se rendre à la cour des comptes ; il s’assurera que les 30,000 francs alloués depuis longtemps à ce titre n’ont pas été dépensés, que de très fortes sommes ont été en quelque sorte arrachées au gouvernement, trois, quatre et cinq années après l’exercice où la première allocation a été votée. Après cela les ayants droit avaient encore beaucoup de peine à toucher les sommes allouées.
Ce n’est pas un reproche que je fais à l’honorable M. de Theux ; car ce n’est pas de son ministère que je parle, à moins que ce ne soit de son avant-dernier ministère.
On distribue des plantes ; mais ce n’est pas un avantage réel pour l’agriculture, ces plantes font l’objet d’un marché. Il n’en est pas ici comme pour l’industrie sétifère, pour laquelle on va chercher des plantes dans l’établissement que nous avons vendu, avec l’obligation d’en distribuer.
Pour l’achat des plantes de garance, on alloue 13,000 f. Lorsque les paysans se présentent pour en obtenir, en général la distribution s’en fait de telle sorte que l’agriculteur ne peut plus en faire usage, tant elles sont endommagées.
Je ne demande pas que le crédit soit augmenté. Mais j’insiste pour qu’il soit employé avec discernement, surtout pour les plantes ; car j’y vois un côté très utile, non pas pour l’industrie, mais pour l’agriculture ; or tout ce qui est favorable à l’agriculture est favorable à tous ; car il n’est pas exact de dire, avec l’honorable M. Eloy de Burdinne, qu’en favorisant la culture de la garance, on ne favorise pas l’agriculture. C’est une grave erreur. C’est comme si l’on disait qu’on ne favorise pas l’agriculture, en favorisant l’élève du bétail. Lorsque vous favorisez la production des subsistances, vous favorisez l’agriculture.
Je crois donc que l’honorable M. Eloy de Burdinne reviendra de son erreur.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’ai oublié de donner un mot d’explication sur le contrat qui a été fait pour obtenir des plantes de garance. Ce contrat a été fait pour 4 ans. Je crois qu’il expire en 1849. C’est un million de plantes que le gouvernement s’est engagé à prendre. Le motif qui a déterminé le gouvernement à passer ce contrat, c’est qu’on éprouvait de grandes difficultés pour obtenir ces plantes ; on devait les chercher de côté et d’autre ; on a donc cru utile de faire un contrat avec un cultivateur qui s’occupe de cette culture en grand. Nous aurons fait l’expérience ; et si l’on reconnaissait des inconvénients tels qu’on ne dût renouveler le contrat, on ne le renouvellerait pas.
Quant aux observations faites dans la chambre, nous les avons entendues avec plaisir ; nous serons heureux d’y faire droit, s’il y a lieu. Nous ne demandons pas mieux que de recevoir de bons conseils. Ce que nous demandons, c’est que la chambre ne change pas brusquement de système.
M. Orban. - Messieurs, je serai extrêmement bref ; je me bornerai à vous présenter les motifs qui doivent me faire persister plus que jamais dans l’amendement que je vous ai présenté.
Messieurs, hier, lorsque j’ai présenté mon amendement, je me demandais s’il n’y avait pas quelques motifs particuliers à moi inconnus qui eussent pu autoriser le gouvernement à disposer de la somme de 30,000 fr. portée au budget pour étalons de gros traits, en faveur de tout autre chose. L’arrêté royal déclare que la somme de 30,000 fr. sera prélevée sur le chiffre figurant au budget pour encouragements à l’agriculture ; mais il ajoute que cette somme ne sera distribuée qu’aux provinces qui feront elles-mêmes des sacrifices pour cet objet. Eh bien, je craignais que M. le ministre ne vînt nous dire : Toutes les provinces n’ont pas fait de sacrifices, et par conséquent nous n’avons pas pu employer toute la somme figurant au budget. Je pensais qu’un petit nombre de provinces étaient entrées dans la voie qui leur était indiquée par le gouvernement, et avaient adopté les mesures nécessaires pour arriver à l’amélioration de la race chevaline.
Mais nous venons d’apprendre par M. le ministre de l’intérieur lui-même, que des neuf provinces, une seule, celle de Liége, n’a pas adopté de règlement sur cette matière. Ainsi sur les neuf provinces il en est huit qui, se confiant dans les promesses de l’arrêté royal du 7 décembre 1830 se sont imposé des sacrifices plus ou moins considérables pour pouvoir participer à la somme de 30,000 fr.
Cependant, messieurs, on n’a prélevé sur cette somme que 8,000 fr. en 1846, que 6,000 fr. en 1845, et en 1847 on se propose de ne dépenser que 10,000 fr. environ. Le reste du subside que M. le ministre de l’intérieur vous annonce avoir été également dépensé, l’a été pour les frais d’expertises, pour payer l’artiste vétérinaire et le secrétaire de la commission d’agriculture.
Je dis, messieurs, que les choses se passant ainsi, il y a une dérogation formelle à l’arrêté du 7 décembre 1830, qui doit cependant recevoir son exécution, et c’est pour faire cesser cet état de choses que je propose de consacrer par un article spécial la fixation du chiffre destiné aux primes pour les étalons de gros trait.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu’il était disposé à consacrer la somme entière de 30,000 fr. à l’usage que mon amendement a pour objet ; qu’il ne demandait pas même mieux que de pouvoir effectuer cette dépense.
Messieurs, il n’existe qu’un moyen pour que le gouvernement effectue cette dépense ; il faut que la somme de 30,000 fr. soit portée au budget de manière à ce qu’il ne puisse en disposer pour une autre destination. Car si vous continuez à confondre cette somme avec le subside pour encouragement à l’agriculture, on l’emploiera, comme par le passé, à des encouragements pour chevaux de luxe, à l’achat d’étalons pour le haras de Tervueren, aux courses de chevaux de Bruxelles, et lorsque les provinces viendront demander leur part dans les 30,000 fr., on leur dira qu’il n’y a pas moyen de la leur payer, parce que le crédit a été employé à autre chose.
Je persiste donc, messieurs, dans mon amendement.
M. de Roo. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement de M. Orban, parce qu’il aura pour résultat l’amélioration de la race chevaline. En effet, messieurs, on nous envoie, dans notre province (Flandre occidentale), où la rare des chevaux est très forte et robuste, des étalons anglais d’une constitution très faible, et aucunement en rapport avec la race du pays. Il en résulte que le produit en est très faible et n’est plus recherché par qui que ce soit, notamment par le cultivateur, tandis que le produit des croisements de nos étalons indigènes sont très recherchés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et sont généralement recherchés par les étrangers sur nos marchés, et s’y vendent à des prix très élevés. Si donc on veut un bon croisement des chevaux (page 381) et une véritable amélioration de la race chevaline, qu’on nous envoie des étalons d’une force égale ou supérieure à nos chevaux, par exemple, de beaux étalons normands, ou autres semblables en force ; alors, et seulement alors, nous aurons une amélioration réelle de notre race chevaline. Mais il paraît qu’on fait tout à fait l’inverse : on envoie les faibles étalons chez nous où la race indigène est forte et robuste, et dans le Luxembourg il paraît qu’on envoie les étalons normands.
Quant au subside ou primes à accorder aux sociétés agronomiques, je crois que cela peut être très utile ; mais j’y mettrais une condition, qui serait celle de devoir mettre en pratique les nouvelles inventions qui doivent faire progresser l’agriculture ; telle est, par exemple, la composition de nouveaux engrais, auxquels la chimie a fait faire un progrès immense, mais que le laboureur ou que le paysan ne suivra pas ni ne mettra pas en exécution, à moins qu’il ne voie de ses propres yeux le résultat de cette invention. Il en est ainsi des autres inventions agronomiques. Si donc on exige des sociétés qui demandent des primes ou des subsides, la mise en pratique de ces inventions, on procurera un véritable bénéfice à l’agriculture.
Maintenant, messieurs, relativement à la culture de la garance, c’est une culture qui a favorablement existé jadis, qui reprend actuellement, et que je trouve bon d’aider par des primes, comme tout ce qui est favorable à l’agriculture.
Je voterai donc d’abord l’amendement de l’honorable M. Orban, et subsidiairement les subsides aux sociétés agricoles et à la culture de la garance.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n’ai plus qu’un mot à dire sur l’amendement de l’honorable M. Orban
Il veut à toute force qu’on distribue 30,000 fr. en primes pour les étalons indigènes et les juments présentés avec un poulain, et qui ont été jugés dignes de la prime. Mais, messieurs, si la commission instituée aux termes du règlement ne trouve pas une quantité suffisante de primes à allouer, que faudra-t-il faire du surplus du crédit ? Il n’en sera pas disposé ; il restera au budget.
Je crois, messieurs, que tout ce que le gouvernement peut faire, c’est d’allouer toutes les primes qui sont demandées et de payer les frais auxquels l’allocation des primes donne lieu aux termes des règlements qui les ont instituées. Car il ne faut pas scinder ces deux dépenses qui se lient intimement. Lorsqu’on a indiqué la somme de 30,000 fr., on y a compris nécessairement les frais résultant de l’allocation des primes et dès lors si l’on adoptait l’amendement de l’honorable M. Orban, il faudrait encore majorer le chiffre pétitionné par le gouvernement.
- La discussion est close.
M. le président. - Il y a trois chiffres : celui du gouvernement, qui est de 325,000 francs ; celui de M. de Tornaco, qui est de 284,000 francs, et celui de la section centrale, qui est de 274,000 francs, Il est dans les habitudes de la chambre de voter d’abord sur le chiffre le plus élevé. Mais quel que soit le chiffre, M. Orban demande qu’on en retranche une somme de 30,000 francs pour faire un article séparé. Il me semble que c’est cette division de l’article que je dois d’abord mettre aux voix.
M. Vanden Eynde. - Je demanderai, M. le président, si, en votant l’amendement de l’honorable M. Orban, comme j’ai l’intention de le faire, je refuse le subside pour la culture de la garance.
M. le président. - Nullement.
M. de Brouckere, rapporteur. - Je crois que M. le ministre consent à la réduction de 30,000 francs sur le subside pour primes à la culture de la garance.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Non, je n’ai pas consenti à une réduction de ce chef. J’ai dit que la question devait demeurer entière, qu’il ne fallait pas la préjuger. Je me suis seulement engagé à faire un rapport à la chambre avec conclusions dans le courant de 1847, en présentant le prochain budget.
M. le président. - Il vient d’être déposé par M. Eloy de Burdinne un sous-amendement à l’amendement de M. Orban ; mais la discussion étant close, il m’est impossible de mettre ce sous-amendement aux voix.
- L’amendement de M. Orban est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’article est ensuite mis aux voix avec le chiffre de 325,000 fr. ; il est adopté.
« Art. 3. Organisation d’un dépôt de remonte, fr. »
La section centrale propose la suppression de cet article.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Mon intention n’a jamais été de faire aucune espèce de dépense relativement au dépôt de remonte avant d’avoir fait une proposition spéciale à la chambre. Je ne vois donc pas d’inconvénient à ce que l’article soit supprimé. Il en est de même de l’article 4.
- L’article 3 est supprimé.
« Art. 4. Organisation d’un institut central agricole, fr. »
- Cet article est également supprimé.
« Article unique. Frais d’impression des listes alphabétiques : fr. 1,600. »
- Adopté.
« Article unique. Frais de voyage de l’inspecteur général de la garde civique, des aides de camp qui l’accompagnent, et frais de bureau de l’état-major ; achats, réparations et entretien des armes et équipements de la garde civique : fr. 20,000. »
M. Delfosse. - Il paraît que des officiers supérieurs de la garde civique reçoivent un traitement à l’aide de cette allocation ; c’est un abus contre lequel je dois m’élever. Que l’on accorde des frais de bureau et de déplacement, je le conçois ; on pourrait néanmoins les supprimer sans inconvénient, puisque la garde civique ne rend en ce moment aucune espèce de service ; mais, ce qui est intolérable, c’est que l’on accorde un traitement à des officiers dont les fonctions doivent être gratuites.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, les choses sont sur le même pied où elles se trouvent depuis plusieurs années, et je pense que ce n’est pas le moment d’apporter des changements à cette faible dépense. La chambre est saisie d’un projet de loi tendant à réorganiser la garde civique. Vous savez, messieurs, que dans presque toutes les localités on s’est soustrait aux charges de cette institution, et force nous bien de prendre un jour cette œuvre en examen et d’arriver l’organisation définitive à la garde civique. Je pense donc que dans l’état actuel des choses il ne faut pas toucher à l’organisation de l’état-major.
M. Delfosse. - M. le ministre de l’intérieur nous a dit que le chiffre est le même que celui qui a été voté l’année dernière ; je le sais bien, mais j’ai voté l’année dernière contre ce chiffre, et ce n’est pas parce qu’un abus aurait été admis précédemment, que je pourrais consentir à l’admettre.
- Le chiffre de 20 mille francs est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage : fr. 8,200. »
- Adopté.
« Art. 1er. Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, et pensions de 480 francs par personne aux décorés de la croix de Fer, non pensionnés d’autre chef, peu favorisés de la fortune ; subsides à leurs veuves ou orphelins : fr. 90,000. »
M. de Garcia. - Messieurs, l’an dernier et les années précédentes, des amendements ont été présentés à cet article, en faveur des légionnaires de l’empire. Une des raisons principales qui ont déterminé la chambre à ajourner la décision à prendre sur ce point, a été la déclaration faite par le gouvernement, que la question était l’objet d’un procès. Je demanderai à M. le ministre si ce procès est terminé. La section centrale ne dit pas un mot des droits de ces anciens serviteurs de la patrie, et je fais des réserves formelles pour le cas où les tribunaux viendraient déclarer que ces droits ne sont pas fondés en justice. Je m’explique dans cette hypothèse ; je me réserve de faire une proposition fondée sur les principes d’équité, pour réparer ce que le strict droit refuserait à cette classe si intéressante de citoyens.
Je prie M. le ministre de nous donner quelques explications à ce sujet, et de nous dire notamment si le procès auquel je viens de faire allusion est terminé.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ne pense pas que le procès soit terminé ; au moins ce fait n’est pas à ma connaissance.
La section centrale a fait quelques observations en ce qui concerne les veuves des légionnaires. Je crois, en effet que, maintenant on pourra cesser d’accorder des secours aux veuves, c’est-à-dire que l’on se bornerait à conserver les secours aux veuves qui en ont joui jusqu’à présent, mais qu’on n’accorderait plus de secours nouveaux aux femmes ds légionnaires qui viendront à décéder dans la suite.
Voici, messieurs, les motifs qui, dans le temps, ont porté la chambre à accorder aussi des secours aux veuves des légionnaires, contrairement à ce qui existe en France, où l’institution de la Légion d’honneur a pris naissance. Pendant un grand nombre d’années les légionnaires n’ont rien touché, et l’on s’est dit que ceux d’entre eux qui se trouvaient dans une position fâcheuse, devaient au moins laisser une espèce de droit à leurs veuves, en compensation de ceux qu’eux-mêmes avaient perdus. Or, messieurs, voilà un grand nombre d’années que nous accordons des secours aux légionnaires, et par conséquent les veuves de ceux qui viendront à décéder à l’avenir ont joui des secours accordés à leur mari, le motif d’humanité qui a guidé la chambre n’existe donc plus en ce qui concerne ces veuves.
- L’article est adopté.
« Art. 2. Subside au fonds spécial des blessés de septembre : fr. 20,000. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je prierai la chambre de vouloir bien majorer ce chiffre de 5,000 fr. L’administrateur du fonds spécial m’a demandé une augmentation de 5 à 10,000 fr., vu la cherté des vivres qui existe depuis plusieurs années et la situation malheureuse (page 382) de plusieurs de ces blessés. Nous croyons, messieurs, que moyennant une augmentation de 5,000 fr., nous pourrons satisfaire aux justes réclamations qui nous sont adressées de ce chef.
M. Rodenbach. - Messieurs, j’appuierai la majoration de 5,000 fr. que vient de demander M. le ministre de l’intérieur. Il y a à peu près mille personnes qui doivent recevoir des secours sur les 20,000 fr. portés au budget ; c’est à peu près vingt francs par personne. Il y a des individus qui ont été blessés à la révolution, mais pas assez grièvement pour leur donner des titres à une pension ; on leur accorde une somme d’environ vingt francs ; si la chambre vote l’augmentation de 5,000 fr., on pourra peut-être leur donner vingt-cinq à trente francs.
Je saisis cette occasion pour faire connaître à la chambre qu’il existe une lacune dans la loi des pensions. Messieurs, vous connaissez les événements de Louvain ; il y a plusieurs gardes civiques qui ont été grièvement blessés lors de ces événements, et qui y ont même perdu la vue ; et bien, aucune disposition de la loi des pensions ne s’applique à ces gardes civiques qui ont cependant combattu comme les autres pour la patrie et on devra encore leur donner des secours sur le fonds spécial dont il s’agit en ce moment.
M. le ministre ne demande qu’une augmentation de 5,000 fr. ; c’est insuffisant ; toutefois, l’année est calamiteuse : je ne demanderai pas cette année de majoration.
Pour prouver d’une manière plus évidente la nécessité de cette augmentation, je dirai que les veuves des décorés de la croix de Fer ne reçoivent que 100 fr. ; il y en a encore qui reçoivent moins. Je puis citer un fait. La veuve du major Boulanger, connu de tous les patriotes de 1830, et qui a combattu avec gloire pour la cause de l’indépendance du pays, la veuve de ce brave officier, dis-je, ne reçoit que 75 fr. par année, tandis que des veuves de légionnaires reçoivent quelques centaines de francs. C’est une différence de position que rien n’explique.
- Le chiffre de 25,000 fr., y compris l’augmentation demandée par M. le ministre de l’intérieur, est mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Encouragements à l’industrie (A. achats de modèles, etc., 40,000 francs ; B. écoles de métiers, 30,000 fr. D. industrie linière, etc., 150,000 fr.) ; total 220,000 fr. »
M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, le gouvernement demande sur le premier littera de cet article une augmentation de 10,000 francs ; la section centrale n’accorde que 5,000 fr., ce qui réduit le chiffre total des deux premiers litteras à 6,500 fr. ; et quant au littera C, la section centrale propose d’en faire un article spécial.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je me rallie à ces diverses propositions.
« Art. 1er. Encouragements à l’industrie : fr. 65,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Subsides en faveur de l’industrie linière et de la classe des tisserands et des fileuses ; exécution de diverses mesures proposées par la commission d’enquête ; distribution de métiers, etc. : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais présumés de l’exposition des produits de l’industrie nationale en 1847 : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Primes et encouragements aux arts mécaniques et à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, n° 6, sur les fonds provenant des droits de brevets, publications de brevets, frais d’administration (personnel et matériel) : fr. 18,300. »
- Adopté.
« Art. 5. Musée de l’industrie nationale : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l’Etat. Bourses. Médailles et subsides pour le matériel : fr. 631,800. »
M. Fleussu. - Messieurs, il y a quelques jours, lors de la discussion générale du budget, on vous a parlé d’une manière incidente du haut enseignement, et l’on vous en a entretenus dans des termes très différents. Selon M. le ministre de l’intérieur, l’état des universités du gouvernement est satisfaisant, et à cette occasion M. le ministre a vanté sa sollicitude pour ces établissements, tandis que quelques orateurs vous ont représenté ces institutions, comme tombant en décadence, comme étant déjà en quelque sorte à l’état de cadavre.
Messieurs, je crois que pour rester dans le vrai, on ne doit, d’une part, accepter que sous bénéfice d’inventaire l’assurance que donne M. le ministre de l’intérieur de son vif intérêt pour les universités de l’Etat ; d’autre part, on ne doit pas méconnaître qu’on vous a représenté sous des couleurs trop sombres le tableau qu’on a fait de ces établissements.
Je vous parlerai, messieurs, de l’université de Liége qui m’est plus particulièrement connue.
Sous le rapport du mérite et du talent, je vous dirai que le corps professoral renferme des hommes d’une haute distinction, des savants qui font autorité chez les érudits des pays voisins.
Quant au nombre des élèves qui fréquentent l’université, il va au-delà de 400 ; ce nombre est sans doute, aussi très satisfaisant, eu égard à la coexistence de trois autres établissements d’enseignement supérieur.
Comme la faculté de philosophie est la première des élèves pour les trois autres facultés, j’ai désiré savoir et j’ai demandé quel était le nombre d’élèves qui fréquentaient la faculté de philosophie. J’ai appris que dans le cours de littérature grecque et latine que doivent suivre tous les élèves se destinant au droit, à la médecine et même aux sciences, il y avait 90 ou 95 élèves ; que le cours d’histoire moderne et d’histoire du moyen âge, fréquenté par les élèves qui se destinent au droit, réunissait 80 auditeurs.
Messieurs, je vous cite ces deux cours, pour vous amener à faire un rapprochement, rapprochement qui vous fera faire avec moi une observation digne de remarque c’est que des 90 ou 95 élèves qui sont inscrits dans la faculté de philosophie, 80 se destinent à l’étude du droit ; il en résulte que les 10 ou 15 autres se réservent soit pour la médecine, soit pour les sciences.
Cette forte disproportion entre les élèves qui se destinent à l’étude de la médecine et les élèves qui se destinent à l’étude du droit, m’a frappé, et je me suis dit qu’elle devait avoir une cause. On m’en a signalé plusieurs. Il en est sur lesquelles je me réserve de prendre des renseignements. Mais, selon moi, la véritable cause, ce sont les difficultés nombreuses dont on a hérissé l’abord de l’étude de la médecine. J’ai calculé qu’il fallait 18 ans d’études, pour qu’un jeune homme pût aspirer à l’obtention du grade de docteur en médecine. Et quelles sont ces études ?
Ouvrez, messieurs, la loi de l’enseignement supérieur, et vous serez véritablement effrayés, en voyant ce qu’on exige des jeunes gens. Quand le jeune homme a fini ses humanités et qu’il se rend à l’université, il doit d’abord passer un examen sur des auteurs grecs et latins, sur la logique, l’anthropologie, la philosophie morale, l’histoire élémentaire de la philosophie, l’arithmétique, l’algèbre jusqu’aux équations du second degré, la géométrie élémentaire, la trigonométrie rectiligne, la physique élémentaire.
Des jeunes gens ayant fait de bonnes études, après une année passée à l’université peuvent subir cet examen ; mais voici la véritable difficulté, c’est l’examen pour la candidature en sciences. Il est évident qu’on exige des connaissances tout à fait superflues et tellement variées que le médecin le plus capable ne saurait suffire à un tel examen.
Les jeunes gens qui se présentent doivent connaître la physique expérimentale, les éléments de la chimie organique et inorganique, la botanique, la physiologie des plantes, la zoologie, la minéralogie, la géographie physique et ethnographique, l’algèbre jusqu’aux équations du second degré, la géométrie élémentaire, la trigonométrie rectiligne, l’introduction aux mathématiques supérieures.
Je conçois que la connaissance de la physique expérimentale soit utile à celui qui se destine à la médecine ; il en est de même des éléments de la chimie organique et inorganique, de la botanique et de la minéralogie, mais pour le reste, je dis que c’est du luxe que de l’exiger des jeunes gens qui veulent étudier la médecine. Savez-vous ce qui arrive. C’est que les professeurs qui aiment que leurs cours soient suivis exigent, au jury, que l’élève réponde également sur ce qui est inutile et sur ce qui est indispensable ; il s’ensuit que les élèves ont une connaissance superficielle de toutes les matières, et qu’ils n’en ont approfondi aucune ; ils ne connaissent que d’une manière superficielle ce qui leur est indispensable, parce qu’ils ont dû divertir leur temps sur trop de matières.
Je conçois que pour les études humanitaires on enseigne beaucoup de choses ; on ne sait pas à quoi l’élève se destine, mais quand il a fait choix d’une carrière, qu’il veut devenir une spécialité, il ne faut pas multiplier les connaissances : il faut enseigner ce qui est strictement nécessaire à l’état auquel il se destine. Voilà une des principales causes qui, selon moi, font que l’étude de la médecine est désertée, du moins à l’université de Liége. J’appelle l’attention du gouvernement sur ce point ;si la même chose se remarque dans d’autres universités, il est évident qu’il y a quelque chose à faire pour remédier à l’abus que j’ai signalé. Je ne sais si la chose est exacte, mais on m’a assuré que les médecins qui se formaient ne suffisaient pas pour remplacer ceux que la mort enlève. Si cela est, il y aura bientôt disette de médecins ; vous n’en aurez plus que dans les grands centres de population. Il y aurait de l’inhumanité à vouloir que les habitants des campagnes ne puissent pas se faire soigner comme les habitants des villes. Si vous laissiez continuer cet état de choses, vous rétabliriez les officiers de sauté pour les campagnes. Vous ne pouvez pas vouloir un résultat semblable.
J’engage le gouvernement à prendre mes observations en considération, et à voir si le fait que j’ai remarqué à l’université de Liége se reproduit dans les autres universités. Je crois qu’il n’y a qu’à Louvain qu’il y ait une distinction favorable ; peut-être un jour connaîtrons-nous la cause de cette différence. On a toujours remarqué, je le sais, une grande disproportion entre les jeunes gens qui se livrent à l’étude du droit et ceux qui se livrent à l’étude de la médecine ; mais jamais elle n’a été aussi frappante que celle que je viens de vous signaler.
Après cette digression, réglons notre compte avec M. le ministre de l’intérieur.
(page 383) Il y a des actes posés par lui qui sont à son avantage, mais il en est d’autres qui semblent accuser une certaine indifférence pour les universités de l’Etat. Je commencerai par parler de ce qui est à son avantage. C’est toujours de l’université de Liége que je m’occupe. La mort d’un professeur de médecine, de M. Vottem, avait laissé un grand vide dans l’enseignement de la médecine. Il y a un grand nombre de professeurs de médecine à Liége, mais, chose assez bizarre, presque tous sont pour les cours supérieurs ; les professeurs de cours élémentaires sont assez rares. Le professeur enlevé par la mort faisait un cours élémentaire.
Il était question de charger un des professeurs du cours élémentaire que faisait le professeur décédé : un entre les autres semblait désigné au choix du gouvernement. Ce professeur fit remarquer qu’il était déjà chargé d’un cours spécial très important, et qu’il lui était impossible de se charger de deux cours, à moins qu’on ne le dispense d’enseigner les principes élémentaires des deux cours, et qu’on ne lui accordât une indemnité pour l’augmentation de travail. Cette proposition avait été repoussée par le prédécesseur de M. de Theux. Les élèves en médecine sont venus me trouver pour me signaler les inconvénients de cet état de choses. Grâce à M. de Theux, les propositions du professeur dont je parle ont été acceptées, et cette mesure a été accueillie très favorablement par l’université de Liége.
Si je vous signale un fait qui montre quelque sollicitude de la part du gouvernement pour notre université, il en est d’autres qui accusent une certaine indifférence.
Une chose qui paraît insignifiante au premier abord, c’est l’ouverture des cours. Vous savez qu’aux termes de la loi de 1835, elle doit avoir lieu le 1er mardi d’octobre ; c’était le 6. Pour que les cours commencent, il faut qu’un programme ait été arrêté et que le gouvernement l’ait approuvé.
Eh bien, le programme n’a été adopté et n’a figuré au Moniteur que le 10 octobre ; et la solennité de la remise du rectorat n’a eu lieu que le 19. Les élèves n’ont pu reprendre leurs leçons qu’à la fin du mois d’octobre ; ils ont par là perdu un mois, ils ont eu près de trois mois de vacances. Je ne sais quelle est la cause de ce retard. J’engage le gouvernement à faire en sorte que les programmes des cours soient approuvés avant la rentrée légale de l’université.
Voici un autre fait.
Un professeur de mathématiques se retire pour cause de santé. Qui nous donne-t-on ? On nous envoie un professeur d’une autre université de l’Etat. Je ne connais pas ce professeur ; il est possible qu’il soit très capable ; mais ce dont je me plains, c’est qu’on ait déplacé ce professeur qui, s’il était bien à Gand, pouvait y rendre des services. Ce dont je me plains, c’est qu’on ait remplacé un valétudinaire par un maladif. L’un se retire pour cause de santé, celui qui le remplace est en instance pour avoir un congé à cause du mauvais état de sa santé. On m’assuré que la santé du professeur qu’on nous a envoyé était à peu près dans le même état que celle du professeur que vous avez mis à la retraite parce qu’il ne pouvait plus donner son cours à cause du mauvais état de sa santé.
On m’a assuré même (mais je ne garantis pas le fait) que ce professeur était en instance pour obtenir un congé, à l’effet d’aller en pays éloigné, rétablir sa santé. Quand on s’intéresse vraiment à la prospérité d’un établissement, on ne fait pas de ces nominations.
Mais ce qui pèse surtout sur les professeurs des universités, c’est l’influence bureaucratique. Vous ne croiriez pas qu’on pousse la manie des statistiques au point de demander aux professeurs quel est le nombre d’heures nécessaire pour leurs cours, quelles matières on enseigne dans chaque heure de leçon. Je vous demande s’il est possible qu’un professeur donne la solution d’un tel problème. Il est évident que le professeur ne peut annoncer d’avance quel temps il consacrera à chaque matière d’enseignement ; il ne peut borner son imagination, la régler sur le mouvement d’une pendule. On ne distribue pas la science l’heure comme on mesure la toile à l’aune.
Je dis que de pareilles mesures tendent à ôter aux professeurs la considération dont ils ont besoin pour répandre la science.
Après ces observations, je me permettrai de vous signaler ce que je considère comme une espèce de lacune dans nos institutions, au point de vue du haut enseignement.
Nous avons exigé beaucoup des jeunes gens qui se consacrent à l’étude du droit et de la médecine. Mais je ne veux, en ce moment, vous parler que des jeunes gens qui étudient le droit ; on astreint les jeunes gens qui veulent exercer la profession d’avocat à des examens d’une grande difficulté ; on a raison. On donne ainsi à la société de véritables garanties ; elle avait le droit de les exiger. Mais ce qui est bizarre, c’est qu’il se trouve que les avoués qui ont, devant certains tribunaux, tous les droits attachés à la profession d’avocat, qui peuvent plaider, consulter, remplacer un juge, lorsque c’est nécessaire pour compléter le tribunal, ne soient astreints à rien de semblable, et qu’on exige seulement d’eux un certificat du tribunal devant lequel ils doivent exercer, constatant qu’ils ont la capacité nécessaire. Je demande si ce n’est pas là une véritable anomalie.
Je ferai la même observation sur les charges de notaire. Les fonctions de notaire sont très importantes, pour la sécurité des familles et pour garantir l’exécution des transactions civiles. Cependant on n’exige pour ainsi dire rien de celui que se destine au notariat.
Un jeune homme qui a fréquenté l’étude d’un notaire, et qui a un certificat de capacité délivré par la chambre des notaires, peut embrasser la profession la plus lucrative et la plus importante de la société.
Je crois que le gouvernement fera bien de prendre ces observations en considération, et de faire en sorte que des cours spéciaux soient ouverts, dans nos universités, pour ceux qui se destinent à l’état d’avoué, et pour ceux qui se destinent à l’état de notaire. J’ai dit.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L’honorable M. Fleussu vous a parlé de certaines mesures concernant les universités, et notamment l’université de Liége. Je le remercie d’avoir reconnu l’utilité de la mesure que j’ai cru devoir prendre, en ce qui concerne la faculté de médecine.
Pour les autres facultés, toutes les améliorations qui m’ont été indiquées ont été également introduites, et je me suis entendu spécialement avec le recteur de l’université, pour qu’il mette à exécution toutes les instructions ministérielles et les arrêtés royaux, et spécialement sur les avertissements à donner aux parents des élèves qui ne fréquentent pas assidûment les cours, qui négligent de prendre des inscriptions et dissipent ainsi le patrimoine de leur famille. Nous avons donc, sous ce rapport, fait tout ce qui est en notre pouvoir pour que les choses fussent arrangées au mieux.
L’honorable M. Fleussu a cru que c’était en quelque sorte au détriment de l’université de Liége et au profit de celle de Gand qu’avait eu lieu la mutation d’un professeur. Je sais que cette opinion a eu quelque créance à Liège, car ce n’est pas la première fois qu’un professeur de l’université de Gand passe à celle de Liége. Mais une chose certaine, c’est que plusieurs professeurs de l’université de Gand ont souvent exprimé le désir de passer à l’université de Liège ; et il est remarquable qu’en général on se plaint de l’insalubrité de Gand.
C’est ainsi qu’un professeur qui a dû quitter Gand pour cause de maladie (je puis le nommer car il est maintenant décédé ; c’est M. Dehaut, ancien professeur à l’université de Louvain), a demandé sa permutation avec tant d’insistance, que j’ai dû la lui accorder. A Gand, il ne pouvait continuer son enseignement ; il l’a continué à Liége pendant plusieurs années ; c’est là qu’il a terminé sa carrière.
L’honorable professeur, auquel M. Fleussu a fait allusion, avait des certificats de médecin constatant que, quand il restait quelque temps à Gand, il était atteint de maladie, tandis que, quand il revenait à Bruxelles dans sa famille, sa santé se rétablissait immédiatement. Quoiqu’il m’eût demandé un congé pour cause de santé, lorsqu’il a su qu’il y avait une place vacante à l’université de Liége il m’a demandé à pouvoir l’occuper ; je lui ai fait des observations relativement à sa santé ; il m’a dit alors qu’il avait la conviction de pouvoir remplir ses fonctions à Liége. J’ai la confiance que son espoir ne sera pas trompé.
L’honorable membre se plaint de ce que le programme de l’université de Liége et la nomination du recteur aient paru après le délai ordinaire.
De ce chef, aucune négligence ne peut nous être imputée, car la nomination du recteur et du secrétaire devait avoir lieu six semaines avant l’époque fixée pour l’ouverture des cours. Mais il s’est trouvé que le projet d’arrêté pour le recteur était égaré. Il a fallu envoyer un nouvel arrêté. Telle a été la cause du retard.
Je regrette cette circonstance ; mais l’honorable membre doit reconnaître qu’elle ne nous est pas imputable.
Il s’est également plaint de certaine inquisition, en ce qui concerne la durée des cours et l’étendue donnée à l’enseignement de certaines matières. Cela peut paraître minutieux et attentatoire à la dignité des professeurs. Mais quand on y regarde de près, on doit reconnaître que ces mesures, si elles ne sont pas appliquées minutieusement, peuvent être utiles.
Il est à remarquer que, dans les différentes universités, les professeurs donnent une étendue différente aux matières de leurs cours, ce qui a un grand inconvénient pour les examens.
Ceci, messieurs, a même un grand inconvénient pour les professeurs d’une même faculté. Il faut qu’il y ait autant que possible harmonie entre tous les professeurs d’une même faculté, pour que l’un n’empiète pas sur les cours de l’autre. C’est là le seul but de cette inquisition qui a été faite ; c’est de laisser à chaque professeur le temps convenable pour que chacun puisse utilement enseigner les matières qui lui sont assignées, et aussi pour que les élèves des diverses universités se trouvent dans des conditions à peu près égales pour leurs examens.
L’honorable membre a aussi parlé des difficultés qui existent pour obtenir le grade de docteur en médecine, en chirurgie et en accouchement. Il est vrai, messieurs, qu’il nous a été signalé que si ces circonstances se perpétuaient encore pendant un certain temps, il faudrait aviser à quelque mesure pour amener la réception d’un plus grand nombre de docteurs, de crainte que les campagnes ne se ressentent de la rareté des médecins. C’est là une question dont nous nous occupons, et nous ne laisserons pas arriver les choses à un degré tel qu’il y ait un mal réel et avéré.
M. Rodenbach. - Je répondrai à l’honorable député de Liége que l’assertion qu’il a émise qu’il y avait trop peu de médecins, ne me paraît pas complétement exacte. La statistique nous apprend qu’il y a dans le royaume 1,900 médecins et chirurgiens, ce qui fait un homme de l’art sur 2,300 habitants. Il me semble que ce nombre est assez considérable.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il y a deux choses à observer. D’abord il faut voir si le nombre de médecins reçus est en proportion avec le nombre de médecins pratiquants qui viennent à décéder ; d’autre part, il faut tenir compte du lieu de résidence des médecins ; et quant à ce dernier point, il y aura à examiner s’il ne (page 384) conviendrait pas de prendre quelques mesures pour amener la résidence d’un médecin au moins dans chaque canton ; car il y a des cantons qui en sont dépourvus. Mais on en fait l’objet d’une instruction spéciale.
- La discussion est close.
« Art. 1er. Traitement des fonctionnaires et employés des deux universités de l’Etat. Bourses. Médailles et subsides pour le matériel des deux universités : fr. 631,800. »
- Adopté.
« Art. 2. Frais des jurys d’examen pour les grades académiques : fr. 94,100. »
- La section centrale propose le chiffre de 92,000 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - La réduction est le résultat d’un transfert.
- Le chiffre de 92,000 francs est adopté.
« Art. 3. Dépenses du concours universitaire : fr. 15,000. »
« Art. 4. Frais d’inspection des athénées et collèges : fr. 12,000.’
- Par suite d’un transfert, ce chiffre doit être réduit de 2,000 fr.
Le chiffre de 10,000 fr. est adopté.
« Art, 5. Subsides annuels aux établissements d’enseignement moyen et industriel (écoles de Gand et de Verviers), autres que les écoles d’art et métiers et les ateliers d’apprentissage : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Indemnités aux professeurs démissionnés des athénées et collèges : fr. 5,000. »
M. Orban. - Messieurs, le chiffre de 5,000, destiné à procurer des indemnités et traitements d’attente aux professeurs démissionnés ou sans emploi, est le même que les années précédentes. Je crois devoir saisir cette occasion pour engager le gouvernement à replacer, lorsque l’occasion s’en présente, ceux d’entre ces anciens fonctionnaires qui sont capables de se livrer à la carrière de l’enseignement. De ce nombre il en est un, objet d’un injuste oubli, sur lequel je prendrai la liberté d’appeler l’attention bienveillante de M. le ministre de l’intérieur.
Je veux parler d’un des professeurs de l’une de nos écoles primaires supérieures, personnellement et avantageusement connu de plusieurs membres de cette assemblée. Amené à donner sa démission par une promesse formelle du gouvernement qu’une nouvelle position lui serait faite, il attend depuis plus de deux ans que cette promesse s’accomplisse, et, en attendant, il doit pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille avec un modique traitement d’attente de quatre à cinq cents francs.
Je prie instamment M. le ministre de l’intérieur de vouloir se faire remettre sous les yeux les détails de cette affaire ; il verra qu’un engagement contracté par le gouvernement est en souffrance, et que sa personne à l’égard de laquelle il a été pris, mérite toute sa bienveillance. Ayant, si ma mémoire est fidèle, servi d’intermédiaire entre le gouvernement et le professeur démissionnaire, j’ai cru de mon devoir de rappeler ici ses droits et d’engager le gouvernement à y satisfaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les observations de l’honorable membre sont très justes ; mais il sait aussi bien que moi que dans l’état actuel des choses le gouvernement n’a pas le droit de nommer des professeurs. Tout ce qu’il peut faire, c’est d’user d’une influence morale pour amener la nomination de tel ou tel individu. En ce qui concerne le professeur dont parle l’honorable membre, je m’y suis moi-même intéresse.
- Le chiffre 5,000 fr. est adopté.
« Art. 7. Frais d’inspection. Service annuel ordinaire l’instruction primaire communale, et subsides aux communes. Matériel, constructions, réparations et ameublement d’écoles. Encouragements. Subsides à des établissements spéciaux. Enseignement normal : écoles primaires supérieures : fr. 903,839 40 c. »
M. Orts. - Messieurs, pour la quatrième fois depuis 1842, je suis dans le cas de constituer le ministère en demeure d’exécuter les dispositions de la loi du 23 septembre, que je regarde comme vitales, comme constituant la partie la plus précieuse du système qui nous régit depuis quatre ans.
Vous vous le rappelez, messieurs, si cette loi a été votée par l’immense majorité de cette chambre, c’était sous la promesse souvent répétée pendant tout le cours de la discussion, par l’honorable ministre de l’intérieur de cette époque, qu’une exécution franche, complète et satisfaisant à tous les désirs, suivrait l’émanation de la loi.
Que direz-vous, messieurs, si je vous établis en peu de mots, car je craindrais d’abuser de vos moments, que des points essentiels ne sont pas même en germe d’organisation ?
Je n’en citerai que quelques-uns.
L’article 9 de la loi sur l’enseignement primaire a établi un principe que je regarde comme éminemment sage, c’est qu’il y aurait uniformité dans les livres consacrés a cette instruction.
Et, en effet, messieurs, rien n’est plus pénible que cette anarchie qui existe dans le choix des ouvrages à employer dans l’instruction primaire. L’article 9 voulait que les livres destinés à l’instruction primaire, dans les écoles, soumises au régime de l’inspection, fussent examinés par la commission centrale et approuvés par le gouvernement.
Eh bien, messieurs, ni la commission qui aurait dû s’occuper de ces objets, ni le gouvernement, qui devait approuver son travail, n’ont donné signe d’existence, ou si l’on travaille on travaille dans l’ombre. En attendant, aussi bien dans les villes que dans les campagnes, et à Bruxelles même, personne ne sait de quels livres on doit se servir. C’est cependant là un point qu’il importe de décider dans l’intérêt de l’enseignement et même dans l’intérêt de l’économie. En effet, les populations craignent de faire acheter tel ou tel livre par les élèves, parce que du jour au lendemain peut paraître un règlement qui prescrive l’emploi d’autres livres. Il y a plusieurs années que cette question a été signalée à l’attention de M. le ministre de l’intérieur et jusqu’à présent rien n’a été fait.
Un deuxième objet, messieurs, est celui que prévoit l’article 14. On avait senti, sous le gouvernement des Pays-Bas, combien il était utile de réunir les instituteurs primaires en conférence, afin qu’ils pussent s’éclairer mutuellement et sur les méthodes et sur les livres à employer. La grande utilité de ces conférences n’avait pas échappé au gouvernement en 1842, lorsqu’il présenta la loi, et la chambre elle-même en a consacré le principe dans cet article 14.
Eh bien, messieurs, ou sont ces conférences ? Naturellement il devait y avoir un règlement d’administration, qui eût fixé la marche à suivre dans ces réunions, qui les eût organisées. Or il est fort douteux que ces conférences existent, ou, s’il en existe quelques-unes, c’est uniquement par l’effet de la bonne volonté de certains instituteurs, maïs il ne paraît pas qu’elles sont organisées sur le pied et d’après les règles établies dans la loi du 23 septembre 1842. Le législateur a assigné un but spécial à ces conférences : il veut qu’elles aient trait à l’examen des méthodes, point si important, et au choix des livres à employer dans les écoles. Ces conférences devraient avoir lieu tous les trois mois. Eh bien, jusqu’à ce jour rien ne s’est fait, si ce n’est, je le répète, que quelques instituteurs se réunissent spontanément, par un effet de leur zèle, mais ce n’est point là ce que la loi a voulu ; la loi veut que ces conférences soient obligatoires.
Un troisième point, messieurs, qui est peut-être le plus important de tous, ce sont les concours à établir entre les écoles primaires appartenant soit au même arrondissement, soit au même canton. Ces concours ne seraient, du reste, pour l’enseignement primaire, que ce que le gouvernement a jugé si utile pour l’enseignement moyen. On vante à bon droit les concours, car ils ont produit d’heureux résultats. Il y a beaucoup d’améliorations à apporter dans les concours pour l’enseignement moyen, quant au mode d’exécution, mais au moins ces concours existent et ils ont déjà fait le plus grand bien.
C’est à la fois encourageant pour les élèves et un grand stimulant pour les instituteurs. Le gouvernement regarde ces concours comme tellement utiles, tellement nécessaires, que lorsqu’il accorde des subsides à un athénée ou à un collège, il y met toujours cette condition que les élèves de rétablissement qui reçoit ce subside, prendront part au concours.
Eh bien, messieurs, l’instruction primaire est-elle donc si peu importante qu’on ne doive pas établir pour elle ces concours qui sont reconnus si utiles pour l’enseignement moyen et qui existent même pour l’enseignement supérieur ?
Remarquez, messieurs, que la loi sur l’enseignement primaire est votée depuis quatre ans, et que c’est après un laps de quatre ans que cette loi devrait être exécutée dans toutes ses parties.
C’est en effet le terme de 4 ans qui avait été assigné pour la nomination des instituteurs à prendre parmi les écoles normales et des cours normaux annexés aux écoles primaires supérieures. Ces quatre années se sont écoulées, sans que le gouvernement ait rien établi à cet égard.
Voici, messieurs, que ce porte l’article 29 :
« Art. 29. Des concours pourront être institués, soit par ressort d’inspection, soit par canton, en réunissant les écoles indistinctement on en séparant celles des villes d’avec celles des campagnes.
« La participation à ces concours est obligatoire pour les établissements soumis au régime de la présente loi et facultative pour les écoles privées.
« Une bourse pourra être accordée par le conseil provincial à celui des élèves qui, peu favorisé de la fortune, aura subi les épreuves du concours avec le plus de distinction. »
Voici maintenant ce que dit l’article 32 : « Art. 32. Un règlement préparé par l’inspecteur provincial et arrêté par la députation permanente du conseil provincial, fixera les matières d’examen et déterminera le mode et la durée des concours, ainsi que l’époque à laquelle ils auront lieu. »
Vous voyez, messieurs, quelle importance le législateur de 1842 a attachée aux concours : il s’occupe des matières qui doivent faire l’objet des concours ; il décerne des récompenses aux élèves qui se seront le plus distingués ; il ordonne la rédaction d’un règlement. Eh bien, messieurs, ni les concours ni le règlement, rien n’existe ; nous sommes aujourd’hui au point où nous étions le 23 septembre 1842. Et remarquez-le, messieurs, cette lacune est d’autant plus sensible que nous devons à la sollicitude des conseils provinciaux l’établissement des concours.
En 1840, le conseil provincial du Brabant avait organisé un pareil concours ; il a eu lieu à Bruxelles, à l’hôtel du gouvernement provincial, la ville de Hal et d’autres localités de la province y avaient envoyé des (page 385) élèves ; on s’est admirablement bien trouvé de ce concours ; des prix ont été discernés aux élèves qui avaient obtenu le plus de succès. Arrive la loi de 1842, et voilà qu’une institution si utile est tuée, tandis qu’il s’agissait de la faire vivre, de l’organiser. Les provinces n’iront plus établir de concours comme avant 1842, alors que cette obligation incombe aujourd’hui au gouvernement.
Ne sont-ce donc pas là des objets de la plus haute importance ? N’est-il pas du devoir de tout député qui s’intéresse à la franche et entière exécution de la loi, de mettre le ministère en demeure, toutes les fois qu’il en trouve l’occasion ? C’est le delenda Cartago ; toutefois, il ne s’agit pas ici de ne rien détruire, mais d’édifier.
Voilà, messieurs, quelques points capitaux que j’ai cru devoir vous signaler ; j’aurais bien autre chose à dire, mais je veux rester absolument étranger à toute discussion concernant les personnes ; je ne parlerai pas du choix de tel ou tel inspecteur, de tel ou tel autre fonctionnaire qui a eu lieu. Pas de questions de personne, les choses avant tout ! Mais je dois le dire, dans cette négligence d’organiser les institutions les plus utiles, je dois nécessairement voir un défaut de sympathie pour l’instruction primaire civile légale.
Un dernier mot sur un point que j’ai traité les années précédentes et qui n’est pas plus exécuté aujourd’hui qu’il ne l’a été en 1843, en 1844 et en 1845. Je veux parler de l’organisation définitive et réelle des cours normaux qui, d’après la loi, peuvent être annexés à une école primaire supérieure dans chaque province. Eh bien, ces cours normaux n’existent nulle part, ou tout au plus ils doivent exister à Bruges.
M. le ministre me dira sans doute que dans quelques écoles primaires supérieures certains cours ont été donnés à des jeunes gens qu’on croyait pouvoir entier dans la carrière de l’enseignement primaire ; mais ces jeunes gens n’étaient que des élèves de l’école, et il s’agit de fonder le cours « pédagogie » proprement dit. Voilà où est la lacune.
Lors de la discussion de la loi, l’honorable ministre de l’intérieur, qui était alors M. Nothomb, nous fit entendre que c’était principalement dans les cours normaux que l’on prendrait les instituteurs urbains, et que les instituteurs ruraux seraient recrutés dans les deux écoles normales de l’Etat, ou dans les sept écoles normales adoptées qui sont les écoles normales du clergé et qui ont les mêmes prérogatives que les écoles de l’Etat.
Eh bien, les villes, sous le rapport des instituteurs, sont en disette ; je ne sais où l’on en est dans les campagnes ; mais voici un fait depuis le 23 septembre dernier, les communes doivent, aux termes du deuxième paragraphe de l’article 10 de la loi, choisir leur instituteur parmi les élèves sortis des écoles normales de l’Etat, ou des cours normaux, ou des écoles normales adoptées ; eh bien, depuis cette date, l’administration communale de la capitale s’est trouvée dans le cas de devoir appliquer cette disposition de la loi : L’administration communale a donc fait un appel aux élèves sortis de l’une ou de l’autre des trois catégories d’établissements que je viens d’indiquer ; eh bien, un seul de ces élèves a répondu à l’appel de la ville de Bruxelles, c’était un jeune homme sorti de l’école normale de Nivelles comme il ne connaissait pas le flamand, et qu’un instituteur communal à Bruxelles, doit nécessairement posséder cette langue, il était difficile de le nommer ; l’administration avait reçu des requêtes de 20 autres candidats qui n’avaient pas suivi le cours d’une école normale, ni des cours normaux qui auraient dû être attachés aux écoles primaires supérieures.
Je vous le demande, messieurs, où voulez-vous que les villes aillent prendre leurs instituteurs, si, d’un côté, les écoles normales proprement dites ne forment des instituteurs que pour les campagnes, et si, d’un autre côté, il n’existe pas encore de cours normaux organisés près des écoles primaires supérieures.
Lorsque l’année dernière j’ai appelé l’attention de M. le ministre sur l’absence d’organisation des cours normaux à l’école primaire supérieure de Bruxelles, il m’a répondu qu’on avait demandé à l’administration communale un local pour interner les élèves de la section normale de l’école. D’abord, la ville n’avait pas de local qu’elle pût mettre à la disposition du gouvernement ; si elle en avait eu un, elle l’aurait offert à l’autorité supérieure, afin de venir en aide à l’exécution d’une des mesures les plus utiles de la loi. Toutefois il y aurait eu une raison péremptoire, pour ne pas déférer à la demande du gouvernement. Ou est-il écrit que les élèves qui suivront les cours normaux, devront être internés ? Est-ce dans la loi de 1842 ? Elle n’en dit pas un mot. Et pourquoi interner les élèves ? Ces jeunes gens seront pour les trois quarts des élèves qui se seront distingués dans écoles primaires de la ville. Ces jeunes gens habiteront dans leur famille ou chez leurs amis. Si d’autres instituteurs veulent prendre part à l’enseignement normal, ils fréquenteront les cours normaux, comme les élèves suivent les cours de l’école primaire supérieure. Il est à remarquer qu’il n’y a pas même de pensionnat annexé à l’école primaire supérieure de Bruxelles. Et vous voulez faire interner ceux qui se destinent à l’état d’instituteur, vous élevez comme fin de non-recevoir, pour ne pas exécuter une des principales prescriptions de la loi, qu’il n’y a pas de local pour interner. Cette exception dilatoire, messieurs, vous la jugerez comme moi, et vous gémirez sur le retard, pour ne rien dire de plus, que le ministère a mis dans l’organisation de ces cours normaux, comme pour tout ce qui concerne les autres points capitaux de la loi de 1842. Je conjure M. le ministre de vouloir bien combler cette lacune. S’il a fallu quatre ans pour avoir le rapport sur les écoles primaires qui, à la vérité, ne doit être fait qu’au bout de trois ans, il n’y a pas de délai triennal pour l’organisation des institutions et des mesures d’ordre qui doivent consacrer la prospérité de nos écoles primaires.
J’ai cru qu’il était de mon devoir de signaler de nouveau ces lacunes au gouvernement, et toutes les fois que l’occasion s’en présentera, je m’empresserai d’appeler son attention sur l’exécution sérieuse de ce que je crois indispensable pour les progrès, je dirai même pour l’existence de l’enseignement civil et légal dans les écoles primaires de Belgique.
M. Rogier. - J’ai demandé à M. le ministre où en était l’impression du rapport sur l’instruction primaire. En dehors de ce rapport, il est difficile de se livrer à une discussion approfondie de la question qui se rattache au chapitre en discussion ; on ne peut que faire des conjectures dont il est impossible de tirer des inductions certaines ; en voulant discuter en l’absence de ce document on est exposé à tomber dans des erreurs. Il est regrettable que ce rapport n’ait pas été livré à l’impression de manière à pouvoir nous être distribué dès le commencement de la session. M. le ministre nous l’avait promis pour le mois de novembre ; il l’a en effet déposé dans le courant de ce mois ; mais il n’est pas encore imprimé. Les fragments que nous pouvons avoir ne suffisent pas pour se former une idée complète sur la manière dont la loi a été exécutée.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je regrette plus que l’honorable M. Rogier que le rapport n’ait pas encore pu être distribué, car il faciliterait la discussion et il préviendrait plusieurs observations si les membres de la chambre avaient pu en faire la lecture. Je dirai qu’il ne se termine qu’au 31 décembre 1845. A dater de cette époque, il a fallu réunir tous les documents ; ensuite il a fallu un temps considérable pour la rédaction ; chacun de vous pourra voir qu’il n’y a eu aucune espèce de négligence dans la confection de ce document. Le 19 novembre il a été déposé ; il est vrai qu’il n’était pas terminé, mais les chapitres ont été successivement remis à l’imprimeur, et on a toujours été en avance sur lui, car il n’est pas encore entièrement imprimé, quoiqu’il soit terminé depuis plusieurs jours, et on ne pourra pas l’avoir avant le 25 ou le 26 de ce mois. Je regrette beaucoup, je le répète encore, qu’il n’ait pas pu être distribué plus tôt.
M. Nothomb. - Mes regrets doivent être au moins aussi vifs que ceux de M. le ministre de l’intérieur, car ce rapport concerne presque exclusivement mon administration. D’après l’autorisation de M. le ministre, les épreuves me sont communiquées. L’impression est assez avancée, je crois cependant que tout le travail ne pourra pas être terminé et distribué avec les pièces justificatives avant les premiers jours de janvier. Je n’oserais pas promettre le rapport pour le 26 ou le 27 de ce mois, Mes regrets sont très vifs, car je désire que tous les faits concernant l’exécution de la loi sur l’instruction primaire soient connus et appréciés.
Je compte avec une entière confiance sur l’effet de la lecture de ce rapport ; je m’adresse à vous tous indistinctement : l’exécution de la loi, je me bornerai à cette observation, n’a pu être que graduelle ; je n’ai pu avoir la prétention d’exécuter en trois ans toute la loi sur l’instruction primaire. Vous verrez ce qu’on a fait en trois années, vous rechercherez ce qu’on a pu faire et vous jugerez s’il était possible de faire davantage. Ce qui reste à faire, ce qu’on a pu faire depuis, ne me concerne pas. Je pense avec l’honorable M. Rogier que commencer la discussion sans le rapport est chose impossible. Je la désire cette discussion, je souhaite qu’une occasion prochaine de l’ouvrir se présente ; je sais que M. Rogier est trop juste, trop loyal, pour s’engager dans une discussion semblable, en l’absence de documents qui doivent en faire la base ; il s’exposerait, d’ailleurs, fort souvent à raisonner sur des assertions qui seraient démenties quand les faits seraient connus. Pour moi, je le répète, j’en appelle en toute confiance à ce rapport.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il est évident qu’il est impossible d’établir une discussion sur la loi concernant l’instruction primaire en l’absence du rapport. La position entre le gouvernement et l’opposition ne serait pas égale ; le gouvernement a une connaissance des faits que n’ont pas les membres de la chambre. Mais il me serait agréable aussi de pouvoir vous lire le rapport ; on conçoit que dans une matière aussi étendue il est impossible qu’un ministre, quelque mémoire qu’il ait, soit à même de répondre en détail à toutes les objections qui pourraient être faites.
Il se présentera une occasion naturelle et prochaine de discuter cette question en pleine connaissance de cause ; les budgets de 1848 pourront être présentés dans le cours de la session, la chambre devra en discuter quelques-uns si elle veut arriver à t’exécution de la loi de comptabilité. On pourra dès lors s’occuper de la question de l’instruction primaire au budget de l’intérieur pour l’exercice 1848.
M. Nothomb. - N’aura-t-on pas d’autre occasion ?
M. Rogier. - M. le ministre n’aura-t-il pas dû demander de crédit supplémentaire à faire ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Si ; j’accepte la discussion à cette occasion.
M. Rogier. - J’aurais quelques questions à adresser à M. le ministre, il pourrait répondre.
Un grand nombre de voix. - A demain, à demain.
- La séance est levée à quatre heures trois quarts.