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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 7 décembre 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M*.* Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 211) M. Van Cutsem procède à l’appel nominal à 2 heures.

- La séance est ouverte.

M. A. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Van Cutsem présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Yétis receveur de l’enregistrement et des successions à Namur, prie la chambre de considérer comme non avenue sa demande tendant à obtenir la place de conseiller vacante à la cour des comptes. »

- Pris pour information.


« Les exploitants de mines et industriels du bassin de Charleroy réclament l’intervention de la chambre, pour obtenir une réduction des péages sur le canal de Charleroy et sur la Sambre canalisée.

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens. Cette pétition étant imprimée, elle sera distribuée a tous les membres de la chambre.


« Plusieurs habitants de Bruxelles et de ses faubourgs prient la chambre de s’occuper du projet de loi sur le notariat, ou de prendre des mesures pour augmenter le nombre des notaires dans la capitale. »

- Renvoi à la section centrale qui examine le projet de loi en question


« Les brasseurs de la ville de Poperinghe demandent le maintien de la restitution des droits d’octroi à la sortie des bières. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et du bureau de bienfaisance de Flobecq prient la chambre de voter pour cette commune un crédit de 40,000 fr. destiné à subvenir aux besoins de la classe nécessiteuse. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi de crédits pour mesures relatives aux subsistances.


« Plusieurs habitants de la commune de Rumbeke prient la chambre de voter les fonds nécessaires à la canalisation du Mandel, afin de procurer du travail à la classe ouvrière. »

M. Rodenbach. - Messieurs, dans la séance de samedi, une pétition vous a été adressée par la commune de Cachtem, district de Roulers, demandant la canalisation du Mandel. Aujourd’hui, c’est la commune de Rumbeke, du même district, qui demande que, dans la section centrale du budget des travaux publics, on s’occupe de cette canalisation. 70 notables ont signé cette pétition dans l’intérêt de la classe ouvrière qui est tout à fait sans travail.

On a remis aujourd’hui à la chambre un travail sur le défrichement de la bruyère de Vrygeweld située sur les communes de Lichtervelde, Ruddervoorde et Zwevezeele.

Ce travail est de la plus haute importance ; la section centrale doit s’occuper de défrichements, j’appellerai son attention sur ce travail qui vient d’arriver et sera distribué à tous les membres, ce soir.

- Le renvoi à la section centrale du budget des travaux publics est ordonné.


Par dépêche en date du décembre, M. le ministre de la justice adresse à la chambre huit demandes en obtention de la naturalisation ordinaire, accompagnées de l’instruction dont elles ont été l’objet.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. de Man d’Attenrode informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.

- Pris pour information.

Projet de loi sur l'exportation des sucres bruts de betterave

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, le Roi m’a chargé de présenter un projet de loi tendant à accorder décharge de l’accise pour l’exportation du sucre brut de betterave.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet, qui sera imprimé et distribué, ainsi que les motifs qui l’accompagnent.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Ce projet contient une modification, ou plutôt une extension du principe de la loi du 17 juillet dernier. Je demanderai que ce projet, qui présente un certain caractère d’urgence, soit renvoyé à la section centrale qui a examiné la loi des sucres à la dernière session.

- Ce renvoi est ordonné.

Projet de loi qui exempte de l'accise le sel employé à l'alimentation du bétail ou à l'amendement des terres

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je suis également chargé de présenter un projet de loi ayant pour objet de proroger indéfiniment l’exemption de l’accise sur le sel employé à l’alimentation du bétail. La loi existante expire le 31 décembre, ce projet présente donc aussi une certaine urgence, je demande le renvoi à une commission nommée par le bureau.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet. Il sera imprimé et distribué avec les motifs qui l’accompagnent, et si personne ne fait d’autre proposition, il sera renvoyé à l’examen d’une commission.

- Cette proposition est adoptée. La chambre décide que la commission sera nommée par le bureau.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1847

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere. - J’ai l’honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de budget du département de l’intérieur.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quel jour veut-on en fixer la discussion ?

M. le rapporteur peut-il nous dire quand son rapport pourra être imprimé ?

M. de Brouckere. - Il résulte des renseignements que j’ai pris que le rapport pourra être imprimé et distribué vendredi soir.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Garcia. - Il y a d’autres objets à l’ordre du jour très urgents ; tel est le projet de loi sur le service de santé de l’armée. Une simple réflexion démontrera cette urgence ; c’est que le service de santé forme un chapitre dans le budget de la guerre, et qu’en laissant cet objet en arrière il y aura lacune dans la discussion du budget de la guerre. D’après ces courtes observations, je pense qu’il est utile de maintenir l’ordre du jour, à la suite duquel serait mise la discussion du budget de l’intérieur.

M. de Brouckere. - Je n’ai rien à objecter à l’observation de l’honorable M. de Garcia. Seulement vous savez tous que M. le ministre de la guerre vient d’être frappé d’un très grand malheur de famille, et je doute qu’il puisse se rendre de si tôt à la chambre, pour défendre un projet qui réclame de sa part une très grande attention. Il me semble que l’on pourrait, si M. de Garcia n’y fait pas opposition, mettre le budget de l’intérieur à l’ordre du jour, après le projet qui concerne le service sanitaire. Si M. le ministre de la guerre se rend dans la chambre, le ser vice sanitaire aura la préférence ; sinon, la chambre sera prévenue que la discussion du budget de l’intérieur commencera mardi.

Si j’insiste pour qu’on ne remette pas à un délai trop éloigné la discussion du budget du département de l’intérieur, c’est parce que la chambre doit désirer que le plus grand nombre possible de budgets soit voté avant le 1er janvier.

M. Sigart. - J’ai reçu tout à l’heure une communication de M. le ministre de la guerre, qui me prévient qu’il sera jeudi à la disposition de la chambre.

- La chambre, consultée, adopte la proposition de fixer à mardi la discussion du budget de l’intérieur.


M. Osy (pour une motion d’ordre). - Je vois sur le bulletin de convocation qu’on a mis à l’ordre du jour un projet relatif à la fixation des limites d’une commune. Déjà les rapports ont été faits sur plusieurs projets du même genre. Je emande qu’on veuille bien les mettre tous ensemble à l’ordre du jour avant la discussion du budget de l’intérieur.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1847

Discussion générale

M. de Brouckere. - Messieurs, M. le ministre des finances s’est beaucoup applaudi de ce que la balance était rétablie dans nos budgets, de ce que les voies et moyens suffisaient pour couvrir en entier le montant des budgets des dépenses.

Je m’applaudis autant que lui de ce résultat ; mais je ne m’en applaudis que dans l’espoir que d’ici à quelque temps nous obtiendrons des résultats plus satisfaisants encore.

En effet, messieurs, ce serait se servir d’une expression inexacte que de dire que la balance est rétablie entre nos voies et moyens et nos dépenses ; parce que, dans le fait, s’il est vrai que les dépenses portées au budget sont couvertes, il est tout aussi vrai de dire que chaque année, sans exception, nous avons en dehors des budgets, des dépenses que l’on appelle dépenses extraordinaires, mais qui sont devenues de véritables dépenses ordinaires, par la fréquence et la régularité avec laquelle elles sont représentées.

Ainsi, pour tout homme qui voudra avoir un peu de prévoyance, il est clair que la balance ne sera véritablement rétablie dans notre position financière, que lorsque nos recettes dépasseront de deux à trois millions au moins nos dépenses prévues au budget.

Je suis ici parfaitement d’accord avec la section centrale ; elle s’en est expliquée clairement, et je ne fais qu’appuyer ses observations.

Mais, messieurs, ce n’est pas pour entretenir la chambre de cet objet je me suis levé. J’ai demandé la parole pour relever une erreur extrêmement grave, dans laquelle quelques membres de la chambre se trouvent encore actuellement ; et je dis actuellement parce que j’ai pu m’en convaincre par diverses conversations que j’ai eues ce matin ; une erreur très grave que semble partager l’honorable M. de Man, et qu’il professe au nom de la section centrale ; une erreur que M. le ministre des finances semble vouloir accréditer.

Je vais m’expliquer.

(page 212) L’honorable M. Delfosse, dans le premier discours qu’il a prononcé. A expliqué de la manière la plus claire que les 13,438,000 francs que forme l’encaisse qu’avait le caissier de l’Etat en 1830, ne représente pas du tout un capital que nous avons encore à toucher à l’heure qu’il est, mais qu’ils sont une véritable non-valeur.

Cependant, messieurs, voici ce que nous lisons dans le rapport de la section centrale ; et il importe que l’erreur que renferme ce document soit relevée, parce que plus tard il pourrait l’entretenir, tandis qu’il faut la détruire radicalement.

Voici comment s’exprime la section centrale :

« La section centrale, considérant que le chiffre réelle de la dette flottante ne s’élevait qu’à fr. 5,731,910 75 c., puisqu’il est dû au trésor une valeur de 13,460,409 fr., qui, il est vrai, n’est pas immédiatement disponible, mais, qui doit pouvoir se réaliser à une époque peu éloignée, se prononce contre la consolidation demandée par la cinquième section. En effet, si la dette flottante disparaît complétement en allant grossir la dette consolidée, sa disparition sera une cause de dépenses nouvelles, qui la feront renaître plus menaçante que jamais pour les finances du pays.

« Les 19 millions de dette flottante qui pèsent sur le trésor, imposent d’ailleurs au gouvernement le devoir de prendre des mesures efficaces, afin que l’encaisse de l’ancien caissier général soit mis au plus tôt à sa disposition. »

Vous voyez que dans l’opinion de M. le rapporteur de la section centrale, il me paraît s’en expliquer de la manière la plus claire et la plus catégorique, le trésor aurait à toucher en espèces une somme de 13,438,000 francs, constituant l’encaisse du caissier de l’Etat en 1830.

Mais, messieurs, si M. le rapporteur s’est trouvé dans l’erreur, il a partagé cette erreur avec beaucoup d’entre nous, et la chose n’est pas surprenante, lorsque vous examinez le discours dont M. le ministre des finances a fait précéder le budget des voies et moyens.

Voici ce qu’on y lit :

« Toutefois, parmi les valeurs attribuées à la Belgique par le traité du 5 novembre 1842, 13,460,409 fr. n’étant pas immédiatement réalisables, cette somme doit être ajoutée ici pour fixer le maximum.

« D’où il résulte qu’il y a lieu d’autoriser l’émission à concurrence de 19,192,319 fr. 75. »

Eh bien, messieurs, je le répète, la vérité est que nous n’avons aucun capital, quel qu’il soit, à toucher du chef de l’encaisse de 1830. Que la chambre me permette de lui rappeler ce qui s’est passé. Il a été constaté que l’encaisse de l’Etat s’élevait à la somme que je viens d’indiquer, mais par suite d’une convention faite avec la Société Générale et de différentes opérations qui s’en sont suivies, le trésor public possède aujourd’hui en 4 p. c. 13,438,000 francs...

M. le ministre des finances (M. Malou). - C’est là l’erreur. Il ne possède pas.

M. de Brouckere. - Qu’il les ait ou qu’un autre les détienne, c’est la même chose. Je me servirai de telle expression que l’on voudra. Je ne dirai donc plus que le trésor possède, mais je dirai qu’il y a dans certaine caisse pour 13,438,000 francs d’obligations belges à 4 pour cent.

Chaque année, le trésor public perçoit les intérêts de cette somme ; mais le même intérêt figure au budget de notre dette publique, c’est-à-dire que d’un côté nous touchons cet intérêt, et que de l’autre nous le payons. Maintenant on parle toujours du moment où ces fonds seront disponibles. Eh bien, quand ils seront disponibles, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera tout simplement ceci : ces 13,438,000 fr., qui sont actuellement en prison, seront libres entre les mains du gouvernement ; mais si on les émet, notre dette publique se trouvera surchargée de l’intérêt de ces 113,438,000 fi., c’est-à-dire à la lettre, que nous aurons consolidé pour une pareille somme de dette flottante.

Je ne sais pas si je m’explique bien clairement, mais si vous voulez, messieurs, vous reporter à la page 4 du budget général, dette publique, voici ce que vous y trouverez :

« Intérêts de l’emprunt de 30 millions de francs, à 4 p. c., autorisé par la loi du 18juin 1836 : fr. 1,200,000.

« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 300,000.

« Total : fr. 1,500,000. »

Ainsi, vous voyez, messieurs, qu’on porte comme faisant partie de la dette publique, la totalité de l’emprunt de 30 millions ; eh bien, en fait, il n’y a en circulation de cet emprunt autorisé de 30 millions, que 16,562,000 fr. Voilà l’état actuel des choses.

Maintenant on parle de cette magnifique somme de 13,438,000 fr. que nous aurons à toucher, et qui améliorerait beaucoup notre situation ; elle n’améliorera notre situation en rien, littéralement en rien : ou bien vous déciderez que ces 13,438,000 fr. en papier seront annulés, et alors, je le répète, il ne reste rien ; ou bien vous déciderez qu’ils seront mis en circulation, et c’est un emprunt de 13,438,000 fr. que vous aurez décrété ; dans ce cas, le budget de notre dette publique restera bien le même, mais au budget des voies et moyens vous trouverez en moins l’intérêt de 13,438,000 fr.

Je crois que M. le ministre des finances ne contestera pas la parfaite exactitude…

M. le ministre des finances (M. Malou). - Si ! si !

M. de Brouckere. - Eh bien, je serais bien curieux d’entendre les explications de M. le ministre des finances, et j’avoue que je serai enchanté si M. le ministre me prouve que nous sommes plus riches de 13 millions et demi ; il sera à coup sûr le meilleur ministre des finances que la Belgique ait eu.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, des explications ont déjà été échangées sur le même objet dans la séance de vendredi dernier ; la question a été posée exactement dans les mêmes termes par l’honorable M. Osy ; la chambre me permettra car je suppose que l’honorable M. de Brouckere n’était pas présent, de relire les explications que j’ai données. Voici ce que portent les Annales parlementaires, p. 199 :

« L’encaisse de 1830 est une valeur qui est demeurée acquise à la Belgique, en vertu du traité du 5 novembre 1842. Cette valeur est représentée par des obligations de l’emprunt de 30 millions à 4 p.c. Ces 14 millions ne sont pas des écus, mais c’est une partie de la dette constituée ; de sorte que si aujourd’hui l’encaisse était à la disposition du gouvernement, si le gouvernement remettait en circulation ces 14 millions, la dette flottante serait réduite dans la même proportion. C’est, me dit-on, créer un nouvel emprunt. Non, messieurs, c’est seulement ne pas amortir un emprunt existant. «

Nous ne sommes donc pas plus riches de 14 millions, mais ces 14 millions lorsqu’ils seront mis à notre disposition nous permettront de réduire d’autant notre dette flottante qui effrayait dernièrement si fort les honorables MM. Osy et Delfosse. (Interruption.) L’encaisse de 1830 est représenté par des titres à 4 p. c. ; l’émission de ces titres détruirait en grande partie notre dette flottante, selon les émissions autorisées.

M. de Brouckere. - Messieurs, M. le ministre des finances vent absolument vous présenter la question relative aux 13 millions et demi d’une autre manière que moi, c’est-à-dire d’une manière qui laisse subsister du doute ; M. le ministre répète toujours qu’à l’aide de ces 13millions et demi, nous diminuerons notre dette flottante ; mais il ne veut pas ajouter que vous augmenterez dans la même proportion votre dette constituée. (Interruption.) M. le ministre dit : « Non, vous ne l’augmenterez pas, seulement vous n’amortirez pas un emprunt décrété ». Voici la vérité : on a décrété un emprunt de 30 millions ; mais de cet emprunt il n’y a en circulation que 16,562,000 francs. Eh bien, si M. le ministre des finances diminue la dette flottante de pareille somme, je le répète, vous aurez en réalité votre dette constituée, augmentée d’une somme de même valeur ; elle le sera, parce que vous n’aurez plus à votre budget des voies et moyens l’intérêt, qui y figure, de la somme de 13,458,000 francs.

En effet, à la page 28 du budget des voies et moyens, vous trouvez cet article-ci :

« Intérêts de 13,438 obligations de l’emprunt de 30,000,000 de fr., à 4 p. c., provenant de l’emploi de l’encaisse de l’ancien caissier général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 537,520. »

Eh bien, lorsque M. le ministre des finances aura mis en circulation la partie de l’emprunt de 30 millions, qui n’y est pas, votre dette constituée sera, je le dis encore une fois, augmentée en réalité de la somme que j’ai indiquée.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demande la parole.

M. de Brouckere. - M. le ministre me répondra encore une fois : « Non, la dette n’est pas augmentée, parce que les 30 millions y figurent. Mais ces 30 millions ne figurent que nominalement ; car, en réalité, il n’y a que 16 millions et demi, et non pas 30 millions.

Il me semble que cette erreur était assez importante pour la relever, puisque je la voyais partagée par des membres d’une section centrale composée d’hommes extrêmement capables.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L’emprunt à 4 p. c. a été émis, et les conditions d’amortissement ont été fixées. Je ne sache pas qu’elles aient été changées par une loi ; dès lors, qu’il y ait en circulation 16 ou 10 millions de cet emprunt, l’obligation du gouvernement vis-à-vis des porteurs reste la même ; il doit consacrer à l’amortissement un pour cent du capital, plus les intérêts des obligations amorties. L’honorable membre raisonne comme si la législature avait décrété l’amortissement de fait de toutes les obligations que le gouvernement possède.

La législature, par plusieurs votes, a décidé implicitement le contraire ; il a été entendu que toutes les valeurs résultant du traité de 1843, quelle que fût la représentation actuelle, viendraient en déduction de la dette flottante.

Ainsi, aujourd’hui, si je vendais les 14 millions que représente l’encaisse de 1830, il rentrerait dans les caisses publiques des sommes plus que suffisantes pour éteindre la dette flottante. Nous aurions à pourvoir à l’intérêt que représente aujourd’hui l’encaisse, mais nous aurions à supprimer aussi l’intérêt de la dette flottante, de sorte que l’équilibre serait maintenu et la situation serait changée en ce sens que vous n’auriez plus de dette flottante. D’une part vous supprimeriez les intérêts de l’encaisse de 1830, et d’autre part vous supprimeriez les intérêts de la dette flottante.

Pour résumer ces observations en peu de mots : l’encaisse est représenté par des titres de l’emprunt à 4 p. c. ; la législature n’a pas décrété l’amortissement de ces titres, elle a décrété au contraire que leur émission réduirait la dette flottante suivant les émissions autorisées.

M. de Mérode. - Ce qui résulte des observations qui viennent d’être présentées, c’est qu’on aurait bonnet blanc au lieu de blanc bonnet. Ou aurait la dette flottante de moins, mais aussi on aurait l’intérêt de l’encaisse de moins à toucher. L’avantage que vous auriez, si cela peut être considéré comme un avantage, et il y en a un à certain point de vue, (page 213), c’est qu’au lieu d’une dette flottante, vous auriez une dette consolidée ; ceux qui voulaient que la dette flottante fût consolidée seraient satisfaits, car elle serait consolidée par l’opération indiquée par M. le ministre des finances. Nous ne serions pas plus riches, nous aurions une dette consolidée au lieu d’une dette flottante ; nous n’aurions pas, il est vrai, des ressources de plus ; mais comme on a demandé la consolidation de la dette flottante, l’explication de M. le ministre avait pour but de démontrer que cette consolidation n’était pas nécessaire.

M. Osy. - Dans les séances précédentes j’ai dit qu’une dette flottante de 21 millions était trop considérable ; je reste toujours dans la même opinion ; comme le gouvernement ne veut pas prendre d’initiative, je vais conclure par une proposition que je prie M. le ministre d’examiner mûrement et de mettre à exécution s’il le trouve convenable.

En 1835, la première convention faite avec la Société Générale était de convertir l’encaisse de l’Etat en bons du trésor. Voilà la première opération qui a été faite par l’honorable M. Duvivier ; plus tard le gouvernement a trouvé convenable de faire acheter par la Société Générale du 4 p. c. belge. Cette opération a donné du relief à nos fonds ; et plus tard le gouvernement a voulu faire la même opération pour le 4 p. c. Il a vendu le 5 et acheté du 4, de manière qu’aujourd’hui le gouvernement a véritablement la disposition de l’encaisse.

Je voudrais qu’on en revînt à l’opération de 1833. Aussi longtemps que les comptes de la Société Générale ne sont pas apurés, je conçois qu’on veuille conserver en papier le nantissement de l’encaisse ; mais pourquoi ne pas donner 13 millions de bons du trésor et retirer les titres 4 p. c. pour les émettre quand on le jugera convenable ? Le gouvernement aurait à émettre 13 millions ; il pourrait faire une opération avantageuse ; car les 4 1/2 p.c. au pair représentent 89 pour du 4, et les 4 sont à 96. Voilà pourquoi j’ai toujours attaqué la trop grande somme de bons du trésor qu’on veut nous faire autoriser.

Le gouvernement serait autorisé à négocier les 4 p. c., formant l’encaisse, quand il le trouverait convenable ; et il n’aurait à placer que sept millions de bons du trésor pour avoir les 21 millions dont il croit pouvoir avoir besoin. Pour le trésor la chose serait la même. Le gouvernement demande 600,000 fr. pour intérêts de bons du trésor à émettre ; par suite de l’émission des titres 4 p. c., il y aurait une petite différence, mais cette différence n’est que fictive, car les 600,000 fr. ne suffiraient peut-être pas s’il fallait émettre les 21 millions. Je prie M. le ministre d’examiner mûrement ma proposition et de voir s’il ne serait pas convenable de la mettre à exécution.

M. le ministre des finances (M. Malou). - J’examinerai volontiers les conséquences de l’opération que vient d’indiquer l’honorable M. Osy. Mais je ne puis prendre seul une décision sur cette question. Je pense qu’en tout état de cause nous devons passer outre au vote du budget des voies et moyens, parce que si on émettait le 4 p. c. de l’encaisse, cette mesure devrait être exécutée avec infiniment de prudence et de lenteur, Car le fonds 4 p. c., l’honorable membre ne l’ignore pas, est précisément celui dont le placement est le plus difficile et le moins recherché. On me dit que c’est le plus élevé ; mais cela tient surtout à l’existence de l’encaisse. L’honorable M. de Brouckere disait que nous avions 16 à 17 millions de l’emprunt 4 p. c. en circulation ; il n’y en a que 10 millions, parce que la caisse des cautionnements et consignations en possède une partie et parce que l’amortissement a déjà agi à concurrence de millions environ, ainsi qu’on peut le voir par le tableau joint au budget de la dette publique.

Ma conclusion est de voter le budget des voies et moyens tel qu’il est proposé, parce que s’il y a un léger changement à faire ensuite au chiffre de 537,000 fr., par suite de cette opération, ce changement ne sera pas de nature à apporter une perturbation dans la balance des budgets.

M. Lejeune. - Messieurs, je regrette qu’une indisposition empêche l’honorable rapporteur de la section centrale d’assister à la séance. En son absence je dirai quelques mots au sujet d’un passage du rapport cité dans la discussion.

L’honorable M. de Brouckere a semblé croire que les explications qu’il a données au sujet de l’encaisse de l’ancien caissier général, sont tout à fait contradictoires à l’opinion de la section centrale. Au fond, messieurs, il n’en est rien.

De quoi la section centrale avait-elle à s’occuper ? On demandait la consolidation de la dette flottante.

L’honorable M. de Brouckere a dit : « Vous vous opposez à cette consolidation, vous voulez que l’encaisse vienne diminuer les bons du trésor. Si cet encaisse devient disponible, et si vous l’émettez de nouveau, ce sera consolider les bons du trésor, et, au fond, il ne sera rien change au budget des dépenses. »

Messieurs, la section centrale n’a pas pensé autre chose. Mais c’est précisément parce que l’encaisse de 13 à 14 millions devenant disponible, on pourra, au moyen de cet encaisse, consolider les bons du trésor que la section centrale n’a pas voulu la consolidation immédiate.

Il y a donc, messieurs, cette différence entre l’opinion de M. de Brouckere et celle de la section centrale c’est que peut-être l’honorable membre voudrait consolider immédiatement au moyen d’un emprunt les bons du trésor, et que la section centrale préfère qu’on ne fasse pas d’emprunt et que les bons du trésor soient consolidés au moyen d’une partie de l’emprunt existant, ainsi que l’a indiqué M. le ministre des finances.

Ce que je viens de dire, revient donc aux explications qu’a données M. le comte de Mérode, et au fond, c’est bien, comme il le disait, bonnet blanc et blanc bonnet ; sauf que, suivant notre opinion, les bons du trésor seront en grande partie consolidés, et c’est ce qu’on a réclamé.

M. de Foere. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour rectifier un fait inexact que l’honorable M. Osy vient de présenter à la chambre. Il a dit qu’en 1833, M. Duvivier, alors ministre des finances, avait conclu une convention avec la Société Générale par laquelle cette société avait versé des millions dans la caisse de l’Etat contre des bons du trésor. C’est une erreur. Cette convention n’a jamais existé. Je ne pense pas même que la proposition en ait été faite. Voici ce qui a eu lieu, en 1833, sous le ministère de M. Duvivier : Des dépenses avaient été faites que les revenus n’avaient pu représenter. Il y avait, par conséquent, un déficit. D’un autre côté, il fallait à l’Etat des fonds pour faciliter l’administration de l’exercice courant. Le ministère de cette époque a présenté un projet de loi, qui a été adopté, tendant à lever un emprunt de trente millions en bons du trésor. Si mes souvenirs sont fidèles, 16 millions étaient affectés à couvrir le déficit et 14 millions avaient pour but de donner au ministère des finances le moyen d’effectuer les payements pendant une période de l’année pendant laquelle les rentrées ne s’opéraient pas régulièrement.

Cette dernière partie de l’emprunt devait chaque année être couverte par les excédants des revenus.

Les 30 millions de bons du trésor n’ont point été demandés à la Société Générale. Ils ont été présentés, en souscription publique, aux capitalistes du pays, et la souscription a eu lieu dans les bureaux de la Société Générale qui alors, comme aujourd’hui, était le caissier de l’Etat.

Ce n’est donc pas par convention avec la Société Générale qu’en 1833 les fonds, représentant alors l’émission des bons du trésor, ont été fournis à l’Etat.

Puisque j’ai la parole, je ferai observer, en outre, que je ne puis m’associer à la proposition, faite par M. Osy, de mettre en circulation nos obligations 4 p. c. Je ne pense pas que ce soit le moment favorable. Cette mesure porterait, au surplus, atteinte à notre crédit public. Je n’en dirai pas davantage pour le moment, sur cette question délicate. J’espère que le gouvernement et les chambres en comprennent assez la gravité, pour qu’on n’en vienne pas à un semblable résultat.

Je voudrais qu’à l’égard de la levée et de l’extinction de notre dette flottante, on suivît le système adopté, depuis longtemps, en Angleterre. Là les bons du trésor, ou, ce qui est la même chose, les bills de l’échiquier, sont aussi émis pour faciliter l’administration des finances ; mais ils sont amortis par un excédant des revenus dans les temps ordinaires. Ils entrent, en outre, dans la circulation journalière et facilitent toutes les transactions commerciales et industrielles. Il en résulte de grands avantages pour le pays. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé plusieurs fois à la chambre ce mode d’émettre et d’administrer notre dette flottante.

M. Rogier. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour relever une erreur dans laquelle l’honorable préopinant vient de tomber.

Il a confondu deux opérations tout à fait distinctes du ministère de 1833.

Le ministère de 1833 a en effet proposé à la chambre un projet de loi tendant à introduire les bons du trésor. Mais à cette époque, messieurs, les bons du trésor n’étaient pas, dans l’intention des auteurs de la loi et dans celle de la chambre, ce qu’ils sont devenus depuis. Les bons du trésor en principe étaient simplement une ressource provisoire, destinée à remplacer provisoirement les capitaux provenant de l’impôt. Il ne s’agissait pas alors de faire sous ce nom des bons du trésor des emprunts déguisés, comme on l’a fait depuis.

Les bons du trésor sont devenus par abus de véritables emprunts à court terme, et leur chiffre a toujours été bien au-delà du produit des impôts.

Mais une autre opération a été faite par le ministère de 1833, et voici en quoi elle consiste :

Dès 1830, il y eut contestation entre le gouvernement et son caissier, relativement à la disposition de l’encaisse. La banque, représentant le caissier de l’Etat, s’était reconnue débitrice d’un encaisse fixé alors à 12,990,000 fr., soit 13 millions. Mais elle refusait de mettre ce capital à la disposition du gouvernement belge, dans le doute où elle se trouvait, disait-elle, de savoir à qui cet encaisse était dû, si c’était au gouvernement des Pays-Bas, ou si c’était au gouvernement belge.

Les choses restèrent dans cet état de 1830 à 1833. A cette époque, le gouvernement était obligé de contracter des emprunts. On reprochait à la banque de tenir dans sa caisse 13 millions d’écus, que nous prétendions nous appartenir, alors que le gouvernement belge se voyait forcé d’emprunter ou de frapper le pays de nouveaux impôts.

Le ministère d’alors fit cette opération avec la banque ; il lui dit : Vous possédez 13 millions que nous soutenons nous appartenir ; vous ne voulez pas vous en dessaisir sans garantie ; eh bien ! nous allons transformer ce capital écus en capital papier ; nous allons mettre à la place de ces écus 13 millions de notre emprunt. Cet arrangement convint encore aux deux parties.

Tout en donnant une garantie à la banque, le gouvernement rendit le capital de 13 millions productif d’intérêts à son profit. Les 13 millions de papier substitués aux 13 millions d’écus constituèrent une sorte d’amortissement de l’emprunt de 5 p. c. jusqu’à concurrence de cette somme ; en d’autres termes, depuis 1833, 13 millions furent distraits de l’emprunt avec leurs intérêts, et le trésor eut à payer en moins les intérêts de ces 13 millions.

(page 214) C’était alors du 5 p. c. Par une autre opération postérieure, on a substitué aux obligations 5 p. c. des obligations 4 p. c. ; mais le résultat est toujours resté le même.

Si le ministère de 1833 avait laissé subsister l’état des choses primitif, que serait-il arrivé ? C’est que la somme de 13 millions aurait continué à rester enfermée dans les caisses de la banque, mais sans profiter nullement au trésor belge ; et la difficulté que vous avez aujourd’hui, quant aux intérêts, difficulté qui ne s’étend qu’aux années 1830 à 1833, se sera. produite pour les années 1830 à 1847. Au moins à partir de 1833 le gouvernement belge a mis les intérêts de son encaisse à l’abri de toute contestation.

Voilà, messieurs, en quoi a consisté cette opération. Nous pensons qu’elle a été très bonne. Quelques membres de cette chambre l’avaient critiquée sous le rapport de la forme ; ils prétendaient qu’on avait fait une concession de forme à la banque. Mais il n’en est pas moins vrai qui c’était une excellente opération, qui consista à faire profiter le trésor de l’intérêt d’un capital considérable qui, sans cela, était mort pour lui.

Il y eut, messieurs, un autre avantage à cette opération : c’est que les fonds rachetés alors ne le furent pas au pair, mais à 96 1/4, si j’ai bonne mémoire ; de manière qu’on trouva à gagner encore sur le capital tout en provoquant une hausse dans les fonds publics.

Cette opération fut donc marquée au coin de la prudence et de l’intérêt général.

Je dirai maintenant un mot sut la valeur véritable de l’encaisse, transformé, comme il vient d’être dit, en obligations. Il est clair, me paraît-il, il doit être clair surtout pour M. le ministre des finances, que cet encaisse ne constitue plus une ressource réelle pour le trésor public ; et que la section centrale s’est grandement trompée lorsqu’elle a cru que 13,468,000 fr. étaient dus au trésor belge.

Non, messieurs, du jour où la banque remettrait au gouvernement l’encaisse représenté aujourd’hui par 13 millions d’obligations, qu’est-ce que le gouvernement aurait à faire ? Il aurait à faire l’une de ces deux choses : ou bien brûler ces obligations, ou bien les émettre de nouveau. S’il les supprime, il aura à rayer du budget le montant des intérêts qui sont portés à la fois en recette et en dépense, et la situation restera absolument la même. S’il les émet de nouveau, ces obligations emporteront avec elles la nécessité de payer leur intérêt ; et alors évidemment le budget des dépenses s’accroîtra du montant de ces intérêts qu’aujourd’hui le gouvernement se paye à lui-même, et qu’il faudra alors payer aux tiers détenteurs.

Sans doute, le gouvernement a la faculté d’émettre de nouveau ces 13 millions d’obligations. Mais une pareille faculté ne représente pas un capital. Rien n’empêcherait les chambres d’autoriser le gouvernement à déposer dans les caisses de la banque 50 millions d’obligations. Seriez- vous pour cela riches de 50 millions ? Pourriez-vous dire que ces 50 millions vous sont dus ? Non, ils ne vous seraient pas plus dus que les 13 millions dont il s’agit. En fait, ces 13 millions sont amortis. Vous pouvez faire renaître cette partie de l’emprunt, mais alors elle doit renaître avec ses conséquences. Du jour où vous aurez émis une obligation nouvelle de 1,000 fr., il faudra porter au budget de la dette publique l’intérêt de ces 1,000 fr.

Cela est clair comme le jour, je ne conçois pas qu’on cherche à obscurcir une pareille question. Rien ne sert de s’attribuer des valeurs qu’on ne possède réellement pas. Il ne faut pas induire à cet égard le public en erreur.

J’avais à répondre à l’honorable M. de Foere, qui avait confondu, comme je l’ai dit, deux opérations d’un précédent ministère. J’ai profité de cette occasion pour donner mon opinion sur le fond de la question. Je n’aspire pas à jouer ici le rôle de financier, mais la question me paraît tellement simple que, pour ne pas la comprendre, il faudrait y mettre de la mauvaise volonté ; et j’ai voulu à cet égard appuyer les observations de mes honorables amis.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, loin de chercher à obscurcir une question qui n’est pas difficile par elle-même, j’ai cherché à la faire comprendre comme je la conçois moi-même.

Le trésor possède aujourd’hui 14 millions à 4 p. c. Le trésor possède en outre bien d’autres parties de la dette. Mais s’ensuit-il que la possession de ces valeurs par le trésor soit leur amortissement ? Oui, si la chambre le décide, mais non jusqu’à ce qu’elle l’ait décidé. En d’autres termes vous avez une valeur représentée aujourd’hui en papier, une valeur qui, comme vous l’a expliqué l’honorable M. Rogier, a éprouvé deux ou trois transformations, mais qui existe dans votre dette constituée.

Ce que l’honorable membre perd encore de vue, c’est qu’en émettant par exemple un de ces titres, pour simplifier les idées, vous ne devriez pas porter une somme de plus à votre budget de la dette publique, mais vous devriez y supprimer la somme que vous affectez aux intérêts de 1,000 fr, de la dette flottante.

J’espère m’être fait comprendre cette fois. Si vous opériez sur un million, si vous émettiez un million de 4 p. c., vous ne devriez pas ajouter un centime à la dotation qui est portée à votre budget de la dette publique pour l’emprunt à 4 p. c., mais vous supprimeriez de ce budget l’intérêt correspondant à une égale somme de la dette flottante.

M. de Foere. - L’honorable M. Rogier a cru que j’avais confondu deux opérations financières distinctes.

M. Lebeau. - C’est clair.

M. de Foere. - M. Lebeau dit que c’est clair ; s’il veut bien d’abord m’entendre, il verra après comme c’est clair. (Interruption.) S’il y a eu confusion, elle a été du côté de M. Rogier. L’honorable membre a cru que j’ai entretenu la chambre de l’affaire de l’encaisse. Je n’ai pas touché à cette question ; seulement j’ai rétabli un fait, relatif à la première émission de nos bons du trésor, que M. Osy avait rapporté inexactement.

J’ai dit qu’en 1833, sous le ministère de M. Duvivier, les fonds, constituant notre dette flottante, avaient été obtenus par souscription publique et non par convention avec la Société Générale, comme M. Osy l’avait avancé.

L’honorable M. Rogier est tombé dans une autre erreur lorsqu’il a dit qu’en 1833 nos premiers bons du trésor ont été exclusivement émis pout faciliter l’administration de nos finances. Si l’honorable membre veut bien se donner la peine de relire l’exposé des motifs du projet de loi de 1833, qui a créé notre dette flottante, il verra qu’une partie des fonds levés en bons du trésor a été destinée à couvrir des dépenses déjà faites, et que l’autre partie seulement a reçu la destination qu’il a attribuée à la dette flottante.

Cependant, il est vrai de dire que, dans l’intention du gouvernement d’alors et des chambres, la dette flottante, ou la levée des bons du trésor, ne devait servir, pour les exercices futurs, qu’à faciliter l’administration du trésor pendant les mois de l’année où les revenus ne suffisaient pas aux payements à effectuer par l’Etat, et que la somme levée en bons du trésor devait être représentée par les revenus totaux opérés à la fin de l’année.

Il est encore vrai de dire que la dette flottante a été depuis dénaturée sons ce rapport. Quelle en a été la cause ? Non seulement on n’a pas créé des excédants de revenus pour couvrir les bons du trésor ; mais on en a successivement émis à d’autres fins, avec l’assentiment des chambres. On a proposé divers travaux publics dont les dépenses devaient être couvertes au moyen d’une émission de bons du trésor. Telle a été la véritable cause qui a fait dévier la dette flottante du but pour lequel elle avait été instituée.

M. de La Coste. - Messieurs, je n’ai point demandé la parole pour vous entretenir de l’objet qui vient d’être traité, Je me propose de réunir quelques observations qui pourraient également trouver leur place dans la discussion des articles, mais je préfère les présenter simultanément pour mettre plus de liaison dans mes idées et pour ne pas devoir prendre plusieurs fois part à la discussion.

Messieurs, au sein de la paix dont nous jouissons avec toute l’Europe, un grand besoin d’améliorations intérieures travaille les populations, et ce besoin est encore stimulé chez nous par des institutions qui donnent à tous les intérêts, à tous les vœux des organes. Ce besoin est quelquefois si légitime, si impérieux qu’il surmonte le désir que nous avons de ne pas augmenter les charges publiques. De là la nécessité, nécessité fâcheuse, où le gouvernement se trouve de chercher à étendre ou à perfectionner les moyens de procurer des ressources au trésor.

M. le ministre des finances, dans une des séances précédentes, a indiqué un des objets sur lesquels son attention s’est fixée dans cette vue, c’est le projet de réserver au trésor le monopole des assurances contre l’incendie. Messieurs, je n’entends point combattre cette idée, qui n’est encore qu’une idée, et rien de plus, qui n’est pas encore du moins une proposition, et j’estime que, surtout en matière de finances, on ne peut se former une opinion définitive sur une simple idée, car il s’agit de la considérer non seulement en elle-même, mais en rapport avec les moyens d’exécution et toutes les conséquences de celle-ci. C’est simplement donc, messieurs, dans le but de fournir à M. le ministre des finances une objection à peser, que je lui soumettrai celle-ci. Il existe actuellement, comme M. le ministre le sait très bien, différentes sociétés qui ont le même objet. Ces sociétés se sont établies dans le pays assez difficilement. Dans l’origine, c’étaient des sociétés étrangères qui pourvoyaient à ce besoin. Le gouvernement d’alors, par un sentiment qu’on peut appeler patriotique, a cru qu’il importait d’implanter ces entreprises dans le pays, et il a stimulé leur établissement. Maintenant ces sociétés sont formées, elles existent, quelques-unes prospèrent. Je pense que dans le plan que voudra combiner M. le ministre des finances, il sera très important ou bien (ce dont je ne vois pas trop la possibilité) de maintenir l’existence de ces sociétés ou, au moins, de leur procurer une indemnité convenable.

Cette observation, messieurs, je crois d’autant plus nécessaire de la faire que si elle n’était pas produite dans notre discussion, la déclaration de M. le ministre des finances pourrait, dès à présent, réagir d’une manière très fâcheuse sur la position des détenteurs d’actions et sur les autres intérêts qui se rattachent aux sociétés dont il s’agit.

Une autre observation que j’ai à présenter, concerne la contribution personnelle et celle des patentes. Lorsque le gouvernement a dirigé l’opération du recensement, il a fait connaître qu’elle n’avait aucun but fiscal. Je ne sais pas trop, cependant, comment le gouvernement pourra réaliser la promesse qui semble contenue, dans ses paroles. Il est certain que pour les patentes et pour différentes bases de la contribution personnelle, la population des communes est une règle absolue qui s’applique par la seule force de la loi, par suite d’un recensement admis par le gouvernement. Je pense donc que comme il importe surtout que la bonne foi du gouvernement ne puisse jamais, en aucune occasion, être suspectée, il faudra pourvoir à ce que cette promesse se réalise.

Il y a lieu de croire, messieurs, que l’on verrait disparaître en partie les difficultés que l’on rencontre pour arriver à la connaissance exacte de la population des communes si la gradation établie par les lois auxquelles je viens de faire allusion, était plus lente, plus insensible : maintenant une différence de quelques centaines d’habitants fait passer une ville (page 215) d’une classe inférieure dans une classe où la taxation est infiniment plus forte. Il faudrait que les classes fussent plus nombreuses et que l’on passât d’une classe à l’autre d’une manière insensible ; alors les communes n’auraient pas le même intérêt à s’armer en quelque sorte contre la vérité des recensements.

Je passerai maintenant à quelques observations relatives à l’une des branches les plus importantes du revenu public, je veux parler de l’accise. A mes yeux il n’y a pas d’industries qui aient plus de droits à la sympathie de la chambre que celles qui sont frappées de l’accise. Dans notre pays, malgré quelques différences d’opinion, malgré ces luttes qui se reproduisent quelquefois entre l’intérêt agricole et l’intérêt industriel, il faut le dire, nous nous préoccupons tous des intérêts de l’industrie ; le gouvernement en fait un des objets les plus essentiels, les plus graves de ses méditations. Les intérêts de l’industrie, messieurs, mais c’est pour les faire prospérer que nous négocions des traités avec les nations étrangères. Eh bien, quelques industries (et c’est là une considération qui pousserait à la réforme du système financier, si, sous d’autres rapports, elle ne devait pas rencontrer de graves difficultés), quelques industries, au milieu des faveurs dont les autres jouissent, ne semblent attirer l’attention de la législature que pour être frappées de charges. Messieurs, je crois que cette position tout exceptionnelle leur donne un droit tout particulier à nos sympathies, à notre sollicitude.

Parmi ces industries, il y en a une dont je suis tout naturellement le champion, le champion, messieurs, en toutes choses justes, en toute occasion où elle a des droits légitimes à faire valoir. Je veux parler de l’industrie des bières. Cette industrie des bières, qui a des droits spéciaux à vos sympathies, est dans un état fort peu prospère. On pourrait croire que la diminution du produit de l’accise qui l’atteint vient de ce que les procédés de fabrication en font échapper une grande partie à l’impôt. Mais, messieurs, il y a à cet égard un moyen de contrôle, au moins dans la localité que je connais particulièrement. A Louvain, l’octroi est perçu non pas sur la contenance de la cuve, comme l’accise, mais à l’entonnement.

On constate donc les quantités du liquide fabriquées ; eh bien, ces quantités diminuent tout comme la contenance imposable des cuves. Cette industrie est donc souffrante et devrait faire l’objet de la sollicitude du gouvernement. Je voudrais, pour moi, que cette espèce de guerre qui existe entre le fisc et les industries qui ont le malheur d’être soumises à l’accise ; je voudrais que, par les soins de M. le ministre des finances, cette guerre ne fût pas trop vive à l’égard des bières, qu’elle fût tempérée par des égards qui ne compromettraient point les intérêts du trésor.

Je citerai trois points sur lesquels j’appelle la sollicitude de M. le ministre. Il y en a un sur lequel, je pense, il a déjà l’intention de faire quelque chose pour faire droit aux réclamations qui se sont élevées. Il s’agit d’une mesure qui devait être exécutée, à partir du 1er janvier 1847, et qui soumet les débitants de cette boisson à n’employer que des vases poinçonnés, et ayant la capacité voulue, suivant le système métrique.

Messieurs, on a allégué en faveur de cette mesure l’intérêt des consommateurs. On répond à cela, et je crois que la réponse est fondée, que les consommateurs savent fort bien si la contenance des vaisseaux dans lesquels on leur sert la bière est plus on moins forte dans tel ou tel établissement. La civilisation en est à ce point qu’on sait parfaitement où se vend la meilleure bière, où les pots sont plus grands et les verres plus pleins.

Mais il paraît qu’il y a au fond de ceci une certaine lutte de localités. Il y a des bières qui se conservent facilement ; il y en a d’autres qui doivent être tirées dans des cruchons ou bouteilles ; et les brasseurs des localités où la bière se conserve facilement ne voient pas de mauvais œil qu’il y ail des entraves à la mise en bouteilles. C’est en quelque sorte une guerre entre la bière blanche et la bière brune ; et M. le ministre des finances doit, je crois, être impartial entre la brune et la blanche. (Hilarité.) Je suis persuadé qu’il a cette intention.

Mais, messieurs, il y a des charges très onéreuses qui résultent de cette mesure, et son exécution est soumise à des difficultés réelles. Il est fort onéreux pour les débitants de bière de renouveler à l’instant même tous les vases dont ils se servent. En outre, il leur est très difficile de se procurer la quantité de bouteilles nécessaires pour satisfaire à ce règlement ; celles qu’ils trouvent dans le commerce sont souvent rejetées comme n’ayant pas précisément la capacité nécessaire.

Un second point sur lequel je fixerai également l’attention de M. le ministre des finances, est celui des crédits.

On a soulevé, depuis quelque temps, une question relativement aux crédits dont jouissent les brasseurs ; cette question a été mise sur le tapis avant l’entrée de M. le ministre des finances aux affaires, mais je crois qu’elle a été résolue depuis qu’il y est. La plupart des brasseurs donnaient des cautions personnelles, on ne trouvait à cela aucun inconvénient. Tout à coup il a été exigé qu’il fût pris inscription sur tous leurs biens. Ainsi, pour un crédit de quelques milliers de francs, les brasseurs qui sont connus pour être d’une solidité extrême, ont été soumis à l’inscription sur tous leurs biens.

Cette mesure, il est vrai, a déjà été mitigée ; on a consenti à ce qu’ils donnassent pour hypothèque leurs établissements. Eh bien, plusieurs d’entre eux ont trouvé cette formalité si onéreuse, l’ont trouvée si peu motivée, si peu en rapport avec leur position qu’ils ont refusé le crédit, qu’ils ont renoncé à cette faveur de la loi. Je désirerais beaucoup que M. le ministre des finances voulût bien examiner cette question, et voir s’il n’y aurait pas quelque moyen de concilier tous les intérêts. Je crois véritablement que celui du trésor n’y est pour rien, qu’il ne s’agit que de l’exécution trop littérale d’une loi tombée depuis longtemps en désuétude et qui aurait pu sans inconvénient rester dans l’oubli.

Un troisième point est relatif à la restitution lors de l’exportation.

Lorsque nous avons approuvé le traité avec la Hollande, le gouvernement est convenu que la diminution des droits d’entrée, accordée par cette puissance pour nos bières, objet qui figurait autrefois pour une part importante dans nos exportations ; le gouvernement, dis-je, est convenu (et il fallait bien en convenir) que cette diminution était à peu près illusoire ; que le droit que la Hollande se réservait était tel que l’importation serait à peu près impossible de notre part.

Le gouvernement s’est fait alors autoriser à prendre des mesures pour rendre nos exportations possibles par une restitution convenable. J’avoue que, quand cette proposition a été faite, je pensais que le gouvernement avait l’intention de rendre la restitution à la sortie plus considérable. Le gouvernement ne l’a pas pensé ainsi il a simplement maintenu la restitution telle qu’elle existait auparavant, et dès lors je ne conçois pas trop comment il avait besoin de se faire autoriser par la loi à maintenir les choses sur le pied où elles se trouvaient antérieurement. Cependant, j’en conviens, les choses n’ont pas été entièrement maintenues sur l’ancien pied ; on a accordé certaines facilités, quant aux quantités qui donnent droit à l’exportation, mais c’était là un détail peu important. Qu’arrive-t-il maintenant ? La restitution, déjà très faible, est presque à demi absorbée par les frais des formalités auxquelles cette restitution est subordonnée.

Je sais que les intentions favorables que le gouvernement a montrées dans cette occasion, que ces intentions auxquelles je me plais à rendre hommage ont également excité la reconnaissance des brasseurs de Louvain. Mais il faut remarquer que les brasseurs se trouvent dans des positions très différentes : les uns n’exportent pas et n’ont pas dû examiner de très près la portée de la mesure ; mais ceux qui exporteraient, si elle était plus favorable, ceux-là m’ont déclaré qu’ils sont disposés à renoncer à la faveur qu’on leur offre, parce qu’elle est détruite par les frais et les formalités qu’on y a annexés.

Messieurs, je dirai aussi un mot d’une autre industrie soumise à l’accise, d’une industrie dont j’ai beaucoup entretenu la chambre, et à l’égard de laquelle, pour ce motif même, je m’expliquerai très brièvement ; je veux parler de la sucrerie indigène. Dans le moment actuel et grâce à des circonstances extérieures favorables, l’équilibre qu’on a cherché à établir entre les deux industries qui s’occupent, l’une de la fabrication, l’autre du raffinage du sucre, paraît assez bien établi. Je souhaite que M. le ministre des finances le maintienne, ce qui deviendra un peu difficile si l’on suit rigoureusement certaines prescriptions de la loi.

Au reste, ce n’est pas le moment de traiter cette question ; mais ce qui se rattache aux observations que je viens d’avoir l’honneur de vous présenter, ce sont les plaintes qui s’élèvent quant à l’action si vive, si immédiate des agents du fisc dans nos sucreries.

Il est certain qu’une surveillance est nécessaire ; mais n’y aurait-il pas moyen de simplifier le système de telle sorte qu’il ne fallût pas qu’à toute heure du jour et de la nuit une nuée de commis s’abattît sur ces établissements ? Ne serait-ce pas aussi un moyen de diminuer les frais de perception ?

M. le ministre des finances doit, je pense, dans le courant de cette session, vous soumettre des propositions pour convertir en loi les mesures provisoires d’exécution ; c’est une des raisons qui m’ont engagé à présenter ces observations, afin que le gouvernement veuille bien les mûrir d’ici à la présentation de son projet, et les prendre en sérieuse considération.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Le moment n’est pas encore venu où une discussion approfondie sur la question des assurances par l’Etat peut avoir lieu dans cette enceinte. Je remercie cependant l’honorable préopinant d’avoir reproduit une objection qui ne m’était pas échappée. J’y avais mûrement songé, et sans admettre le principe d’indemnité, j’avais pensé que des mesures transitoires devraient être prises en ce qui concerne les compagnies existantes.

Je passe aux observations que l’honorable membre a présentées concernant deux de nos industries : la bière et le sucre.

Il existe, messieurs, un système général de poids et mesures ; il existe dans la législation ; mais il n’existe pas encore entièrement dans les habitudes populaires, il n’est pas passé dans les mœurs pour toutes ses parties. Je le regrette parce que, si l’on se pénétrait de l’utilité du but et du résultat de cette grande mesure, on applaudirait aux efforts que fait le gouvernement pour généraliser, pour étendre, dans l’intérêt des classes ouvrières, le bienfait du système métrique. C’est uniquement à cette fin que j’avais pris une mesure par laquelle j’avais prescrit que toutes les bouteilles, cruches et cruchons et tous vases servant à la vente de la bière, fussent une division du système métrique et poinçonnés à partir du 1er janvier 1847.

Cette mesure n’était pas une intervention active dans la guerre civile entre la bière brune et la blanche, ce n’était pas un acte de partialité en faveur de l’une des deux ; le gouvernement n’est pas plus disposé en faveur de l’une qu’en faveur de l’autre, car en fait de bière, il doit aimer la brune et la blanche.

J’ai reconnu que par suite des objections qui ont été faites et un peu aussi à raison de la difficulté de faire des approvisionnements, il y avait lieu de surseoir pour quelque temps à l’exécution de cette mesure. J’examinerai de nouveau les difficultés qui ont été produites, et je m’attacherai à les résoudre, car je n’abandonne pas le principe ; nous devons (page 216) assurer l’application du système métrique et du poinçonnage, le seul qui donne au consommateur une parfaite garantie.

En ce qui concerne les crédits accordés aux brasseurs, la loi a des exigences qu’il ne dépend pas toujours de moi de tempérer. Ainsi pour l’inscription sur les bières des redevables, quand ils donnent une caution personnelle, je ferai remarquer que le gouvernement n’a pas de responsabilité directe pour les crédits en matière d’accise ; ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’il reprend à lui la responsabilité pour donner des facilités au contribuable débiteur ; mais cette responsabilité ne peut pas être facilement déplacée, parce qu’on pourrait compromettre les intérêts du trésor. Pour le crédit accordé à l’industrie des bières, je me suis toujours attaché, quand la solvabilité de l’industriel était notoire, à l’affranchir des formalités de l’inscription. C’est ainsi que j’ai usé de cette faculté qui consiste à transférer la responsabilité du comptable au gouvernement, et c’est la première fois qu’on le fait depuis 1830.

L’honorable membre a fait une troisième observation relativement à la restitution de l’accise à l’exportation. Je me suis fait reproduire la note que j’avais remise à la section centrale, par suite de laquelle la chambre a adopté une disposition spéciale dans la loi qui a approuvé le traité du 29 juillet. En consultant ce document, l’honorable membre pourra se convaincre que le but que le gouvernement s’était proposé est atteint. J’avais demandé le pouvoir de changer les conditions de l’exportation, mais non d’accorder une prime d’exportation. Je devais donc me borner à accorder des facilités nouvelles, mais je ne pouvais pas accorder une véritable prime d’exportation. Il est très vrai, comme l’honorable préopinant l’a dit, que la chambre de commerce de Louvain s’est montrée satisfaite des mesures qui avaient été prises. Plus tard, on peut avoir rencontré dans les droits qui existent en Hollande quelques difficultés d’importation ; mais il est impossible d’admettre, lorsqu’un système d’accise existe dans le pays qui exporte et dans le pays où l’on veut importer, que celui-ci, que le gouvernement hollandais, par exemple, ait pu réduire les droits d’entrée sur les bières de manière à percevoir l’accise sur les bières produites en Hollande et à ne pas le pouvoir sur celles qui seraient exportées de l’étranger. Dans le système des dispositions prises par le gouvernement, on a remis simplement, peut-être un peu largement, les droits d’accise sur les bières.

J’ai entendu avec plaisir l’honorable membre déclarer que jusqu’à présent l’équilibre que la loi avait voulu établir, entre les deux industries du sucre, existe réellement. Mais l’honorable membre se plaint de la rigueur de la surveillance qui est exercée sur les sucreries indigènes. Si la surveillance n’était pas active, incessante, cet équilibre, que nous avons tous voulu maintenir, aurait bientôt disparu. Les procédés de l’industrie sont tels, que sans une surveillance de tous les instants, on verrait se reproduire ce que l’on a appelé la protection de fait, protection que de toutes parts, dans les deux chambres, on a voulu supprimer.

En m’exprimant ainsi, je n’entends pas poser en principe dès à présent que l’arrêté du 13 août devra être maintenu dans toutes ses dispositions. L’expérience de cette campagne prouvera si quelques formalités peuvent être simplifiées, sans compromettre l’équilibre entre les deux industries. Dès le début de la campagne, j’ai recommandé que non seulement les études des agents de l’administration portassent sur l’application du système tel qu’il est, maïs qu’on s’appliquât aussi à connaître quelles simplifications pourraient être introduites dans le système de surveillance, sans compromettre ni l’équilibre ni surtout les intérêts du trésor.

M. Osy. - Messieurs, j’ai demandé la parole, uniquement pour faire mes réserves sur quelques mots qui ont été dits la semaine dernière par M. le ministre des finances, relativement à l’intention qu’il aurait d’établir un système d’assurances obligatoires par l’Etat. Messieurs, c’est là une question extrêmement grave, et si nous gardions le silence, on pourrait croire à une approbation de notre part.

Comment ! le gouvernement a défendu, dans le temps, aux compagnies étrangères de venir assurer dans le pays ; sur cette défense, plusieurs compagnies d’assurances se sont formées, surtout à Bruxelles et à Anvers ; il y en a aussi à Liége et à Tournay ; tous les jours nous voyons que le gouvernement sanctionne les statuts de nouvelles sociétés, ou renouvelle les statuts de sociétés existantes ; sur la foi de ces statuts, ces sociétés ont pu prendre de très grands engagements, et le gouvernement voudrait tout d’un coup prendre les assurances pour son compte. C’est là, messieurs, un acte qui ne pourrait recevoir notre approbation.

Je suppose, messieurs, que le gouvernement a un but, c’est de vouloir encore se faire des créatures. Car il est impossible d’étendre les assurances à toutes les parties du pays, sans avoir encore une nouvelle armée de fonctionnaires.

Vous savez, d’ailleurs, comment le gouvernement agit en matière d’impôts, pour recevoir le plus possible ; sa fiscalité va à l’extrême. Aujourd’hui quand vient un incendie, les compagnies d’assurances s’arrangent à l’amiable, par le moyen d’arbitres, avec l’assuré. Mais le gouvernement voudra toujours avoir recours aux tribunaux. Aussi,, soyez persuadés que si l’idée de M. le ministre des finances passe en fait, beaucoup de personnes se feront réassurer aux compagnies restant encore dans le pays ou aux compagnies étrangères, pour ne pas être dans le cas de devoir supporter des procès contre le gouvernement.

Messieurs, j’aurais tant de choses à dire contre ce principe, que je fais toutes mes réserves pour qu’on ne puisse pas croire que je lui donne mon adhésion.

Je dois, messieurs, faire une observation.

Vous avez vu paraître, avant le 15 octobre, différentes circulaires de M. le ministre de l'intérieur aux gouverneurs, dans lesquels il leur disait : « Rassurez les populations, tous les renseignements que je demande n’ont aucun but de fiscalité. » Or, messieurs, en tête des bulletins de recensement on demandait : Etes-vous assuré ? Par quelle compagnie ? Pour quelle somme ?

St, messieurs, vous rapprochez les paroles de M. le ministre des finances de ces renseignements, vous verrez qu’ils étaient bien demandés dans un but de fiscalité. Je dis donc que les promesses de M. le ministre de l intérieur n’ont pas été tenues et qu’il a induit le public en erreur.

Il y a plus ; M. le ministre des finances doit déjà avoir écrit à plusieurs gouverneurs de province pour les inviter a demander aux compagnies d’assurances combien elles ont d’assurances dans les communes. Je connais un gouverneur, celui de ma province, qui a écrit aux compagnies d’assurances de Bruxelles pour leur demander combien elles ont d’assurances dans la province d’Anvers. Il est probable que le gouverneur du Brabant adressera la même question aux compagnies d’Anvers pour sa province.

C’est donc bien, messieurs, dans un but de fiscalité que le recensement a eu lieu, et dès lors les populations out été induites eu erreur. C’est, messieurs, ce que nous avions prévu. Aussi nous n’avons pas craint les effets de cette loi de 1818, dont on menaçait ceux qui ne remplissaient pas convenablement leurs bulletins ; plusieurs grands propriétaires, et moi, nous avons refusé les renseignements qui nous étaient demandés et je vois que nous avons parfaitement bien fait.

Je proteste donc, messieurs, contre l’idée de vouloir encore accaparer au profit du gouvernement une nouvelle branche d’industrie, ainsi que contre les circulaires de M. le ministre le l’intérieur par lesquelles il a induit les populations en erreur sur le but du recensement.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, en énonçant l’autre jour, dans la discussion générale, une vue d’avenir sur notre système financier, je n’ai entendu préjuger l’assentiment d’aucun membre de la chambre.

Pour obtenir l’assentiment des chambres, surtout à une mesure aussi vaste, qui peut soulever tant d’objections de détail, le gouvernement doit produire un projet parfaitement mûri, dans lequel toutes les objections se trouvent résolues.

Je n’ai pas jeté à la légère cette idée dans nos débats et dans les discussions du pays. Je l’ai mise en avant, lorsque je l’ai eu suffisamment étudiée pour la croire pratique, utile, éminemment nationale. Mais, de ce que j’ai acquis cette convention, s’ensuit-il qu’aujourd’hui on puisse utilement discuter telle ou telle objection spéciale ? S’ensuit-il qu’on puisse créer des préjugés pour ou contre cette mesure ? S’il en était ainsi, je regretterais presque de l’avoir annoncée avant qu’elle ne fût complétement étudiée sous toutes ses formes.

Ainsi, messieurs, il n’est nullement entré dans ma pensée, l’honorable M. Osy n’eût-il pas fait de réserves, de préjuger son opinion ou celle d’aucun membre de la chambre.

Les sentiments qui m’animent dan l’exercice des devoirs qui me sont imposés, sont beaucoup plus élevés que celui de chercher à me faire des créatures, comme dit l’honorable M. Osy. Si cette mesure se réalise, comme j’espère qu’elle se réalisera (et aucun de mes efforts ne lui manquera), elle aura une grande influence, non seulement sur la situation financière, mais aussi sur le bien-être de toutes les classes de la société. Après avoir acquis cette conviction, je me suis décidé à en parler dans cette enceinte ; c’est donc très mal qualifier cette mesure que d’y voir une simple mesure fiscale. Il s’agit de tout autre chose dans la pensée du gouvernement, et lorsque cette idée pourra être développée, on verra que ce qu’on appelle aujourd’hui un raffinement de fiscalité, viendra se joindre dans le sentiment du bienfait que nous pouvons accorder à notre pays.

Messieurs, le plan du recensement général a été fait par la commission centrale de statistique longtemps avant que le gouvernement n’eût pu se former un opinion sur la mesure de l’assurance obligatoire par l’Etat. On ne peut donc nous accuser d’avoir eu cette mesure en vue lorsque nous avons fait le recensement. D’ailleurs si, comme je viens de le dire, la mesure n’est pas fiscale, pourrait-on encore reprocher au gouvernement d’avoir manqué à sa parole, d’avoir, sous le prétexte de faire le recensement, cherché les bases d’une loi fiscale ?

J’ai fait cette observation dès à présent, parce que, dans l’intérêt des travaux de la chambre, je regretterais que l’idée mise en avant dans une précédente séance donnât lieu aujourd’hui à une discussion qui ne peut encore avoir aucun résultat. Certes une mesure de ce genre donnera lieu à de nombreuses objections, elle devra être l’objet d’une discussion approfondie ; il y aura des mesures transitoires à prendre, des intérêts à ménager, mais la chambre ne pourra s’en occuper utilement que lorsqu’un projet de loi lui sera présenté. Dès que je pourrai le faire, je mettrai la main à l’œuvre, pour que le gouvernement soit en mesure à l’époque que j’ai indiquée dans une précédente séance.

M. Pirmez. - J’ai aussi entendu avec déplaisir l’annonce de la présentation d’un projet d’assurances obligatoires. C’est avancer à pas immenses dans la carrière que nous avons déjà parcourue, en livrant a l’Etat les intérêts de la société. Cette absorption continuelle de ces intérêts par l’Etat doit être cause, me paraît-il, d’un grand affaiblissement social, et doit faire perdre la moralité et l’énergie aux individus.

En émettant la première idée de ce projet, M. le ministre, pour lui donner sans doute une couleur favorable, l’a présentée comme une solidarité établie forcément entre tous les habitants du royaume.

Je suis persuadé, messieurs, que toute solidarité obligatoire renferme (page 217) en soi un principe de dégradation et d’immoralité. Quel effet peut-on attendre d’une solidarité imposée forcément, par exemple, entre l’homme plein de moralité, conservateur soigneux de sa propriété, et celui qui, loin d’avoir aucun souci de la conservation de sa maison, est porté à l’incendier lui-même ? Une pareille situation décourage, elle amoindrit l’énergie et la moralité, et puisque forcément chacun est placé sur la même ligne, et que le courage et la moralité ne trouvent aucune récompense, il est naturel qu’ils se perdent.

Chaque solidarité forcée, c’est-à-dire chaque intervention de l’Etat dans les intérêts de la société, porte en soi le principe d’un affaiblissement social et d’une dégradation individuelle. Elle tend à mettre tout ce qui est énergique, moral, intelligent au niveau de la faiblesse, de l’immoralité.

Cet effet de la solidarité forcée on de l’intervention de l’Etat n’est, dans aucun cas, plus saisissable à l’esprit que dans les assurances obligatoires ; mais cet effet existe pour tous les autres cas.

Remarquez, messieurs, que nous allons tout à l’encontre des idées qui sont maintenant déjà mises en application par un grand peuple, qui sont adoptées par tous les esprits justes, parce qu’elles sont vraies. Nous ne pouvons pas les mettre maintenant en application sans doute, mais ces idées ne sont rien autre chose que la négation de la solidarité obligatoire, c’est-à-dire la consécration la plus étendue qu’il est possible du droit de l’individu et autant qu’il est possible la répulsion de l’Etat dans les intérêts de la société.

M. de Villegas. - L’honorable M. de La Coste a présenté des observations fort judicieuses et qui méritent de fixer l’attention du gouvernement. Les instructions émanées récemment du département des finances concernant le poinçonnage de certaines mesures, ont soulevé des réclamations. Répondant à ces observations, M. le ministre des finances a déclaré, si je l’ai bien compris, qu’il retirerait les instructions par lesquelles les détaillants sont tenus de faire poinçonner les bouteilles et les cruchons, avant le 1er janvier prochain.

M. le ministre des finances (M. Malou). - J’ai dit que j’ajournerai l’exécution.

M. de Villegas. - Soit. Je me déclare satisfait et je demande acte de votre déclaration.

Entre-temps, j’engage M. le ministre des finances à examiner la question, s’il n’est pas nécessaire de procéder à la révision de la législation sur les poids et mesures, Il ne me serait pas difficile de démontrer à la chambre les défectuosités de cette législation, suffisamment connues d’ailleurs de M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Malou). - En déclarant que j’ajournerais l’exécution de cette mesure qui, d’abord, m’avait paru praticable immédiatement, j’ai ajouté que je rechercherais tous les moyens de résoudre les difficultés qu’elle rencontre, et de maintenir le système métrique, sauf à admettre, s’il y a lieu, quelques corrections de détail.

M. Lys. - Je ne veux faire qu’une seule observation concernant les assurances, dont le gouvernement veut s’emparer.

Je partage les opinions de l’honorable baron Osy. Il est certain que le gouvernement aurait un bien grand nombre d’employés à nommer, de créatures à se faire. Il est si vrai, d’ailleurs, que les assurés par le gouvernement iront se faire réassurer à l’étranger, qu’en ce moment, dans les provinces rhénanes, les assurances des immeubles se font par l’Etat, et que les propriétaires viennent se faire réassurer en Belgique.

M. le ministre des finances (M. Malou). - La hiérarchie de l’administration des finances est telle que le nombre des fonctionnaires nouveaux à instituer (puisque nous devons déjà entrer dans la discussion de ces détails) ne serait pas très considérable. J’espère le démontrer dans la discussion de ce projet.

Le système prussien peut être conçu de manière que les habitants de la Prusse, assurés par le gouvernement, aient intérêt à se faite réassurer. L’objection prouve seulement que nous devrons combiner le système belge de manière que les habitants de notre pays n’aient pas cet intérêt.

- La clôture est demandée.

M. de Brouckere. - Je n’ai qu’une simple observation à présenter.

M. le président. - Contre la clôture ?

M. de Brouckere. - Non, M. le président.

M. le président. - La clôture est demandée par dix membres.

M. de Brouckere. - Je demande à ces dix membres qu’ils me permettent de faire une simple observation, dans le sens de ce qu’a dit M. le ministre des finances. Ce n’est que l’affaire d’une minute.

Voici ce que je voulais dire à la chambre.

Par suite de l’annonce faite par M. le ministre des finances, qu’il s’occupait d’un projet d’assurances générales à faire par le gouvernement, trois membres de la chambre se sont levés et tous trois ont condamné le système de M. le ministre des finances. Moi je me lève pour engager M. le ministre des finances à étudier la question avec soin, parce qu’elle est de la plus haute importance et que, exécutée d’une certaine manière, elle pourrait produire des résultats extrêmement avantageux.

Voilà, messieurs, pourquoi je me suis levé. Je n’ai pas voulu que parce que trois membres avaient successivement combattu l’idée de M. le ministre des finances on pût la considérer comme repoussée par la chambre. (Non ! non !)

Je pense, moi, que la chambre doit examiner cette question avec le plus grand soin lorsqu’elle en sera saisie. (Assentiment.)

- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.