(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)
(Présidence de M*.* Liedts.)
(page 37) M. Van Cutsem fait l’appel nominal à 2 heures un quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Van Cutsem présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Pierre Gachot, messager à l’administration du chemin de fer de l’Etat, né à Avesnes (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Matagne, tonnelier à Namur, demande qu’on établisse un droit sur les pompes qui servent à soutirer les bières et qu’on oblige les propriétaires de maisons à faire construire les lieux d’aisance de manière à ne pas nuire à la salubrité des locataires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Perroux, clerc de notaire à Bouillon, prie la chambre de le relever de la déchéance de la naturalisation qui lui a été accordée, et demande l’exemption du droit d’enregistrement. »
- Même renvoi.
« Le sieur de Boock demande l’annulation d’un acte de bail d’une partie de terre située dans le polder de Saint-Liévin, qui appartient à l’église de la commune de Sainte-Marguerite. »
- Même renvoi.
« Le sieur Lebacq, commissaire de police à Hal, demande une augmentation de traitement, du chef des fonctions de ministère public qu’il remplit près le tribunal de simple police de son canton. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du budget de la justice.
« Le conseil communal de Waereghem prie la chambre de voter un crédit pour subvenir aux besoins de la classe nécessiteuse. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet de loi concernant des crédits pour mesures relatives aux subsistances.
« Plusieurs habitants de Gulleghem prient la chambre d’accorder à cette commune un subside pour l’aider à subvenir aux besoins de la classe nécessiteuse. »
- Même renvoi.
Par divers messages, en date du 12 novembre, le sénat informe la chambre qu’il a pris en considération vingt demandes en naturalisation ordinaire, et qu’il en a rejeté cinq.
- Pris pour notification.
M. de la Coste informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances avant jeudi prochain.
- Pris pour notification.
M. Delfosse. - Messieurs, je ne saurais donner mon assentiment au projet d’adresse.
Le langage que la commission nous propose de tenir à Sa Majesté me paraît convenir à des courtisans plutôt qu’aux représentants d’une nation libre.
Il y a bientôt quinze ans que l’on dit au Roi sous toutes les formes, et à toutes les occasions, qu’il a sauvé le pays.
Il serait temps d’abandonner ce thème. Les meilleures choses trop répétées deviennent fastidieuses.
On peut continuer à le penser, mais on devrait cesser de le dire, ou au moins on devrait le dire avec moins d’emphase.
On sert mieux les rois par des avertissements utiles que par la flatterie.
Au lieu de répéter sans cesse à Sa Majesté qu’elle a sauvé le pays, on devrait, dans son intérêt et dans le nôtre, l’avertir des dangers que le pays court. On trompe Sa Majesté lorsqu’on lui fait croire que la situation politique du pays est calme.
Sans doute l’émeute ne gronde pas dans les rues, sans doute les masses ne sont pas sur le point de s’insurger.
Les sentiments d’ordre et de légalité sont profondément enracinés en Belgique. La nation comprend qu’avec des institutions telles que les nôtres, les moyens légaux suffiront pour amener le redressement des griefs ; elle comprend que le recours à la force brutale ne pourrait que compromettre et retarder les améliorations qu’elle désire.
Des faits qui jetteraient probablement la perturbation ailleurs, peuvent se passer chez nous impunément. N’avons-nous pas vu non seulement Sa Majesté, mais la plupart des membres du cabinet quitter les uns le pays, les autres la capitale ? N’avons-nous pas vu les rênes de l’Etat en quelque sorte abandonnées à un seul homme, un ministre auquel de fâcheux souvenirs se rattachent, sans que l’on ait eu à déplorer la moindre atteinte à la paix publique ?
Mais si l’agitation n’est pas dans les rues, l’irritation est dans les esprits, non pas l’irrigation factice, imaginée en 1840 par M. le ministre des affaires étrangères, mais une irritation vraie, sérieuse, qui s’étend de plus en plus et qui gagne même les régions du pouvoir.
J’en ai plusieurs fois signalé les causes dans cette enceinte: l’accroissement continu des charges publiques, le système défectueux des impôts qui pèsent top sur les classes laborieuses, la partialité révoltante que l’on met dans la distribution des emplois, d’autres motifs encore ont contribué à la produire ; mais la cause principale, celle qui constitue surtout le vice de la situation, c’est l’attitude prise par le haut clergé.
On ne saurait le nier aujourd’hui, l’épiscopat belge ne se contente plus de la liberté d’enseignement, c’est à la domination qu’il aspire ; il menace hautement de frapper d’une espèce d’interdit les écoles moyennes créées aux frais de l’Etat et des communes, si elles ne sont placées sous sa tutelle, s’il n’a le veto, un veto absolu sur le choix de tous les professeurs.
Ces prétentions d’une autre époque alarment les bons citoyens ; ils ne savent que trop dans quel état de dégradation sont tombés les pays soumis à la domination cléricale. Ils se rappellent le Portugal, l’Italie, l’Espagne. Et, pour ne pas sortir de chez nous, ne voyons-nous pas que les provinces les plus misérables sont justement celles où l’influence du clergé a dépassé de justes bornes ?
Autant le clergé est utile, autant il a droit à nos respects, lorsqu’il se renferme dans les limites qui lui sont assignées par la nature de ses fonctions, autant il devient dangereux, autant il faut le combattre avec énergie quand il en sort. Dieu s’est fait homme pour nous sauver ; le clergé, lorsqu’il usurpe l’autorité temporelle, se fait homme pour nous perdre.
L’irritation produite par cette cause est d’autant plus vive que l’on a généralement la conviction que le ministère manque de courage et mène de volonté pour faire respecter les prérogatives du pouvoir civil, conviction qui n’est que trop fondée sur les antécédents de MM. les ministres.
Le triste rôle qu’ils ont joué dans la discussion de la loi du jury d’examen, la sympathie qu’ils ont montrée pour la proposition Brabant-Dubus, bien d’autres faits encore les rendent suspects ; et ce n’est pas la réserve diplomatique dans laquelle M. le ministre de l’intérieur se renferme, qui calmera l’opinion justement alarmée.
Il y a peu de temps encore, lorsque M. Van de Weyer était au pouvoir, l’honorable M. de Theux approuvait hautement les prétentions de l’évêque de Tournay.
Aujourd’hui que l’honorable membre est assis au banc des ministres, a-t-il changé d’avis ? C’est ce que l’on ne saurait dire ; rien, ni dans le projet de loi soumis à la chambre, ni dans le discours de la couronne, n’indique quel est, sur ce point délicat, le fond de la pensée ministérielle.
Le discours de la couronne ne contient pas un seul mot qui fasse sentir ce que les prétentions du haut clergé ont d’exorbitant ; le projet de loi soumis à la chambre porte bien que si les conditions du concours du clergé pour l’enseignement religieux sont incompatibles avec les principes de la loi, l’enseignement religieux sera suspendu, sans que pour cela on cesse de donner les autres cours ; mais il ne dit pas si, dans l’opinion de M. de Theux, les prétentions de l’évêque de Tournay sont incompatibles avec les principes de la loi.
Je conçois l’embarras de M. le ministre de l’intérieur : porté par ses sentiments que je respecte, par ses habitudes qui ne sont que trop connues, à une soumission aveugle aux exigences de l’épiscopat, il craint d’un autre côté de compromettre, aux prochaines élections, ses amis et son parti. De là la réserve dans laquelle il se renferme, de là les efforts qu’il fait pour donner le change à l’opinion, sans toutefois prendre des engagements qui mécontenteraient le haut clergé.
Mais je le prédis hautement, les efforts de M. le ministre de l’intérieur seront vains, l’opinion publique ne prendra pas le change ; il aura beau, comme disait naguère mon honorable ami M. Castiau, imiter le chat de la fable, il aura beau s’enfariner et même se faire sac, il ne parviendra à dissiper ni les soupçons, ni les défiances.
Le ministère sent si bien que l’opinion publique lui est hostile et qu’il ne peut la ramener, qu’il prépare déjà pour la lutte électorale des moyens extraordinaires destinés à tenir lieu de l’influence légitime qui lui manque.
Dernièrement M. le ministre de la justice montait à la tribune pour donner en quelques mots communication d’un projet de loi qui paraissait avoir peu d’importance. Eh bien, messieurs, ce projet n’est rien moins que le droit pour le ministère de déplacer et de renvoyer les juges de paix au moment même de la lutte électorale. La coïncidence est frappante ; et on connaît assez M. le ministre de la justice pour être sûr qu’il saura tirer de ce projet un admirable parti.
J’ignore si l’emploi de ce moyen et d’autres auxquels on ne manquera (page 38) pas d’avoir recours, car on est déjà entré dans la voie des destitutions, j’ignore si l’emploi de ces moyens sera couronné du succès qu’on espère ; mais ce que je sais, c’est que si le ministère obtient par là une majorité selon son cœur, il faudra plaindre et le pays et le Roi.
Je regarde comme un devoir, comme un devoir impérieux de signale à Sa Majesté les dangers de la situation, et je répète que si l’adresse n les expose pas en termes clairs et dignes, elle n’aura pas mon assentiment.
Un de mes honorables amis se propose de présenter, au paragraphe relatif à l’enseignement moyen, un amendement que j’appuierai.
M. le président. - La parole est à M. de Brouckere, inscrit « sur » le projet.
M. de Brouckere. - Quelque dénué de couleur politique que soit le projet d’adresse en réponse au discours du trône, j’avais bien pensé que le vote de cette adresse serait précédé d’une discussion politique. Puisque cette discussion politique a surgi, j’y prendrai part ; mais j’émets, le premier, le vœu qu’elle ne se prolonge pas trop longtemps, afin que nous puissions, dans un bref délai, aborder la discussion des projets de loi dont nous sommes saisis ; je donnerai l’exemple de la brièveté.
Un nouveau cabinet a été formé depuis quelques mois. Je dis un « nouveau cabinet, », bien que nous y voyions figurer trois membres du cabinet précédent ; mais il est nouveau par son chef, qui succède à un autre chef dont l’opinion politique était (tout le monde le sait) diamétralement opposée à la sienne.
Le cabinet est encore nouveau par son principe ; car c’est la première fois que la chambre se trouve en présence d’un cabinet composé en entier de personnes appartenant à la droite.
Messieurs, vous vous rappelez tous que le cabinet, en entrant aux affaires, n’avait point publié son programme. M. le ministre de l’intérieur, en prenant le pouvoir, s’est contenté d’adresser une circulaire aux gouverneurs ; mais, qu’il me permette de le dire, cette circulaire était bien insignifiante, puisqu’elle n’avait pas d’autre objet que d’annoncer son avènement au pouvoir et de demander un loyal concours.
Il est bien vrai que, peu après l’avènement du cabinet, une discussion politique a eu lieu dans cette assemblée ; mais le nombre et l’importance des griefs articulés contre les membres du cabinet étaient tels, que le cabinet a dû se borner au triste rôle de se défendre contre les accusations dont il était l’objet.
De cette discussion politique, ce qui est resté quant au ministère, c’est, il faut bien le dire, une impression très fâcheuse, par suite des révélations apportées à cette tribune, révélations que le pays n’a pas encore perdus de vue aujourd’hui.
L’ouverture de la session offrait au cabinet une bien belle occasion pour nous annoncer quelle serait sa conduite politique, pour combler la lacune qu’il avait laissée, en ne publiant aucun programme à son avènement.
Eh bien, messieurs, qu’a fait le ministère ? Il a composé un discours du trône, dans lequel vous chercheriez vainement une seule pensée politique. Le discours semble avoir été composé, messieurs, avec cette intention bien calculée de cacher toute espèce de pensée par l’abondance des mots et des phrases. On dirait d’un homme qui, se trouvant dans une conférence obligée, n’a qu’une préoccupation, c’est qu’on aborde une matière qu’il redoute, et qui, pour éviter qu’on ne puisse l’aborder, remplit tout le temps de la conférence en paroles oiseuses
Le discours du trône, messieurs, j’en appelle à chacun de vous, n’est rien autre chose qu’une longue nomenclature de projets de loi dont nous nous occuperons ou dont nous ne nous occuperons pas, qui nous seront présentés ou qui ne nous seront pas présentés. C’est presque comme une de ces longues affiches par lesquelles on annonce un spectacle monstre ; et je crains bien qu’il n’en soit de cette représentation comme il en est souvent de celles auxquelles ces affiches s’appliquent, c’est-à-dire qu’on n’en supprime, pendant la présente session, une bonne partie.
Messieurs, il me semble que jamais ministère ne s’est trouvé dans une position où des explications franches fussent plus nécessaires que le ministère actuel. Il est composé, je viens de le dire, de membres appartenant tous à la même couleur ; c’est un ministère pur et sans tache ; c’est un ministère tel que, passé quelques mois, l’honorable M. Malou serait le premier monté sur la brèche pour l’attaquer. L’honorable M. Malou a changé depuis lors de manière de penser ; je suis persuadé qu’il a eu pour cela d’excellentes raisons.
Le ministère est de plus, il ne peut pas se le dissimuler lui-même, un ministère de pis-aller.
Le cabinet actuel n’a été composé qu’après qu’on eut essayé d’un grand nombre d’autres combinaisons ; huit jours avant l’avènement de l’honorable M. de Theux, il était regardé, désigné par ceux-là mêmes qui l’ont poussé au banc où il siège, comme l’homme le plus impossible. L’honorable M. de Theux était présenté à tous ceux auxquels on faisait quelque ouverture pour la composition d’un cabinet, était présenté comme un épouvantail ! Je vous en parle avec une certaine science ; à moi-même on m’a dit : Mais si vous n’acceptez pas telle ou telle combinaison, telle ou telle condition, vous aurez M. de Theux !
Messieurs, je suis bien aise de trouver cette occasion de donner à l’honorable M. de Theux un témoignage de mon estime particulière. Savez-vous ce que j’ai répondu à ces menaces par lesquelles on croyait m’effrayer ? J’ai répondu : Mais je ne crains pas du tout M. de Theux.
En effet, je le dis ici franchement, comme je l’ai dit alors, je ne redoute pas de me trouver en face d’un adversaire loyal et honnête, d’un adversaire qui se présente le front levé, conséquent avec ses antécédents, avec les principes qu’il a toujours professés et s’annonçant comme devant les défendre encore. Je le répète, la présence au pouvoir de l’honorable M. de Theux ne m’a jamais effrayé et ne m’effraye pas encore. Moi, messieurs, je ne crains un ennemi que quand il n’est pas loyal. J’aime beaucoup mieux un adversaire prononcé que ces hommes qui arrivent au pouvoir après avoir successivement professé toutes les opinions, que ces hommes qui tiennent un langage aux membres de la droite, un langage contraire aux hommes de la gauche, qui ont toujours deux drapeaux dans leur poche, un qu’ils tirent quand ils ont affaire avec des hommes qu’ils regardent comme faisant partie de l’opposition, un autre qu’ils arborent quand ils se trouvent en présence de députés qu’ils considèrent comme ministériels. J’aime surtout, messieurs, beaucoup mieux un adversaire comme l’honorable M. de Theux, que ces ministres que l’on vient prendre dans les rangs de l’opposition, et qu’on ne place sur les bancs du ministère qu’après avoir exigé d’eux une espèce d’abjuration. Ce sont ces adversaires-là qui pour nous sont des hommes dangereux, parce que, quand un homme est obligé de renier tous ses antécédents, toute sa vie politique, cet homme inspire nécessairement de la méfiance à ses nouveaux amis ; et comme il a besoin de confiance, qu’il n’en peut plus trouver non plus chez ses amis d’autrefois, que fait-il ? Il veut donner des gages de sa bonne foi à ses amis nouveaux, et va au-devant de toutes leurs exigences. Ces ministres-là sont toujours moins tolérants, plus exagérés, et, à mon avis, les plus dangereux.
Maintenant je demanderai à la chambre la permission de lui dire deux mots du discours du trône et de l’adresse.
Je lis dans le discours du trône : « L’état des populations qui s’occupent de l’industrie linière exige des mesures immédiates. Encourager et perfectionner le travail en vue d’une augmentation des salaires, organiser l’industrie pour mettre les produits mieux en harmonie avec les besoins du commerce, étendre les exportations, tels sont les objets principaux des soins de mon gouvernement. Les moyens d’une intervention active de l’Etat vous seront proposés. »
Je demanderai au cabinet s’il ne pourrait pas nous faire quelques révélations quant à ces grandes mesures que la chambre appelle de tous ses vœux et qu’il nous annonce si pompeusement ?
Je ne pense pas que le ministère se figure avoir satisfait à cette magnifique et brillante promesse par le projet de loi que M. le ministre de l’intérieur a présenté le lendemain de l’ouverture de la session.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Non.
M. de Brouckere. - Je ne pense pas non plus que le cabinet ait voulu faire allusion ici à cette union douanière avec la France, dont il a déjà été si souvent parlé. Cependant, à vrai dire, quant à cette union douanière, nous ne savons encore à quoi nous en tenir. D’un côté M. le ministre des affaires étrangères la proclame impossible, d’autre part le représentant du gouvernement dans la Flandre occidentale, ministre d’Etat, membre du cabinet, donne les mains à une espèce de proposition au gouvernement ayant pour objet d’obtenir l’union douanière ; il y donne si bien les mains qu’il en facilite la rédaction. M. le ministre des affaires étrangères voudra bien, j’espère, nous expliquer cette contradiction si flagrante et nous donner quelques explications quant aux mesures qu’il a annoncées dans le discours de la Couronne.
Je lis encore, messieurs, dans ce discours, la phrase suivante que je crois devoir relever :
« Les opérations du recensement se poursuivent avec régularité. Les données déjà recueillies, bien qu’elles soient incomplètes, constatent un accroissement notable de la population. Comme la situation politique du pays est calme (remarquez cette phrase), je puis, dès aujourd’hui, vous annoncer la présentation d’un projet de loi pour augmenter le nombre des membres des deux chambres. »
« Comme la situation politique du pays est calme ! » Est-ce que MM. les ministres auraient voulu par là insinuer que depuis que le pays a le bonheur d’être gouverné par eux, il est beaucoup plus heureux, beaucoup plus calme qu’auparavant ? Mais, messieurs, il me semble qu’avant l’avènement de l’honorable M. de Theux, de l’honorable M. Prisse, de l’honorable M. de Bavay, le pays était assez calme, et je ne vois pas ce qu’il y a de particulier dans la position actuelle. Mais je soupçonne quelque arrière-pensée dans cette phrase qui serait sans cela bien insignifiante. « Comme la situation politique du pays est calme. »
Est-ce que l’on n’aurait pas eu en vue d’empêcher les membres de la chambre qui croiraient que le pays n’est pas aussi calme que le pense le ministère, de venir le déclarer à cette tribune, comme vient de le faire l’honorable M. Delfosse ? Est-ce que le gouvernement se serait ménagé une petite retraite dans le cas où il lui conviendrait de ne pas présenter le projet de loi, en accusant l’opposition du retard qu’il y mettrait ? Car voici alors ce qu’il dirait : « Oh ! nous avons annoncé un projet de loi pour mettre le nombre des représentants et des membres du sénat en rapport avec la population ; mais nous ne l’avons annoncé que pour autant que la position politique du pays fût parfaitement calme ; or, vous dites, plusieurs de vos organes disent que le pays n’est pas tout à fait calme, que notre présence aux affaires excite de l’irritation dans certains esprits ; ou cette irritation est vraie, et alors nous ne présentons pas le projet de loi ; ou elle n’est pas vraie, et alors votre opinion nous a faussement accusés, nous a imputé des résultats qui ne sont pas exacts. Le ministère, j’en suis convaincu, nous donnera encore sur ce point quelques explications qui dissiperont toute espèce de doute.
Quant à ce qui regarde le projet de loi en lui-même, la chambre se souviendra que je n’ai pas été le dernier à démontrer qu’il y avait urgence, pour ne point s’écarter de l’esprit de la Constitution, à compléter la représentation (page 39) nationale ; mais avant de me réjouir de l’annonce qui nous est faite, que le projet satisfera aux vœux du pays, j’attends le projet et, je puis le dire, je l’attends avec une certaine défiance ; il dépendra du ministère de dissiper cette défiance.
Messieurs, si nous faisions aujourd’hui un examen de tous les actes posés par le cabinet depuis son avènement aux affaires, nous serions certes parfaitement dans notre droit. Mais pour ma part, je m’abstiendrai de faire cet examen, afin de ne pas prolonger outre mesure la discussion que nous venons de commencer. Je me réserve, d’ailleurs, de m’expliquer, lorsque nous aborderons les budgets des divers départements,
Mais il est deux actes que le ministère a posés bien récemment et dont je crois ne pas pouvoir ma dispenser de dire quelques mots.
D’abord, messieurs, je veux parler de la mesure qui a été prise par le gouvernement relativement à certaines publications, publications que tous, d’un commun accord, j’en suis sûr, nous déplorons bien sincèrement, publications que je m’abstiendrai de qualifier aujourd’hui, parce qu’elles font l’objet d’un procès, et que, quand la justice est saisie d’une affaire, on ne doit jamais en parler qu’avec une grande réserve.
Mais enfin ces publications ont figuré aux vitrines des rues les plus fréquentées de la capitale, elles ont été vendues publiquement, colportées, mises sous les yeux de toutes les classes de la société pendant plus d’un mois, et le ministère est resté spectateur paisible et de cette exposition publique et de cette vente publique et de cette distribution publique. Et quand tout le mal est fait, et quand ces publications ont eu tous leurs résultats possibles, alors seulement le ministère se réveille tout à coup, ordonne la saisie de ces publications distribuées à plusieurs milliers d’exemplaires et fait intenter un procès. Et quel moment le ministère choisit-il ? Il fait coïncider ces poursuites avec le retour, dans le pays, d’un auguste personnage sur lequel il semble par là avoir voulu faire retomber la responsabilité de ces poursuites, auxquelles il n’est aucun de nous qui ne sache qu’il est complétement étranger, parce que nous savons tous combien sont libéraux les principes qu’il professe en matière de presse et de publications.
Je veux bien croire, car la faute serait par trop grande ; je veux croire qu’il n’y a pas eu mauvaise intention de la part du ministère ; mais de la maladresse, il y en a eu jusqu’au dernier degré. Le gouvernement ne sortira pas de ce dilemme : ou il fallait poursuivre immédiatement ; ou, le mal fait, il ne fallait pas ajouter par la publicité des poursuites à la malheureuse publicité de publications… J’allais les qualifier, je m’arrête.
Il est un autre fait dont je dois entretenir la chambre, et qui a encore une malheureuse coïncidence. Il s’agit, messieurs, de la mesure qui a été prise récemment, je ne dirai pas contre les fonctionnaires publics, mais relativement aux fonctionnaires publics auxquels on vient d’intimer la défense de faire à l’avenir partie d’aucune association politique.
Cette mesure, comme toutes les autres mesures adoptées par le ministère, il l’a prise avec peur, sans franchise, sans loyauté ; car personne, m’a-t-on dit, n’a vu d’écrit ; la défense a été colportée par des secrétaires de ministres, par des employés de confiance ; on se disait à l’oreille: « Il faut que vous cessiez de faire partie de cette association ; il faut adresser voire démission, sinon, vous serez destitué. «
Des recommandations verbales, de grandes menaces, et pas un mot d’écrit.
Messieurs, je n’entends pas examiner la mesure en elle-même. Je ne le cache pas, et mes antécédents sont là pour le prouver : mon éducation, mon caractère et aussi, je le crois, ma longue carrière administrative me rendent extrêmement circonspect quand il s’agit de blâmer une mesure gouvernementale ; je ne me prononce donc pas sur la mesure en elle-même ; je ne veux en ce moment ni l’approuver, ni la condamner.
Mais si la mesure est bonne, politique, juste, pourquoi ne l’a-t-on pas prise plus tôt ? M. le ministre de l’intérieur, chef du cabinet actuel, qui s’est assis sur le banc du ministère, sans aucune espèce d’avertissement, sans avoir donné, pour ainsi dire, connaissance de son avènement ; M. le ministre de l’intérieur, qui a une si longue expérience des affaires, qui a été à même de réfléchir sur cette matière, ne pouvait-il pas, à son entrée dans le cabinet, et d’accord avec ses collègues, prendre une mesure, la signifier avec certains ménagements aux fonctionnaires, leur donner des conseils ? Non. Des associations politiques existent, des fonctionnaires de tout grade et de tout genre en font partie ; je puis parler avec une certaine assurance, car je n’appartenais à aucune association jusqu’ici ; des fonctionnaires de tout grade, dis-je, en faisaient partie ; le gouvernement savait que ces fonctionnaires, et parmi eux ses confidents les plus intimes, étaient affiliés à ces associations ; par son silence, par sa tolérance, il les encourageait ; et tout à coup, par la mesure dont je viens de parler, le ministère se réveille ; et puis, en tapinois, sans décision écrite, par des mots glissés à l’oreille, il signifie à tous ces fonctionnaires qui jusque-là avaient pu, à ce qu’il paraît, dans l’opinion des ministres, appartenir à des associations, il leur signifie qu’ils aient à y renoncer brusquement et sans délai ! Cette conduite est une espèce de guet-apens. Quoi ! un fonctionnaire fait partie d’une association avec l’assentiment tacite du gouvernement, et puis, par un caprice subit, on le met presque entre sa dignité et ses intérêts ! Car enfin on entre volontairement dans une association, on la quitte volontairement ; mais il y a quelque chose de pénible dans la position d’un homme à qui on ordonne de rompre avec des concitoyens avec lesquels il sympathisait. Je le répète, on a encouragé les affiliations, et puis subitement, sans avertissement préalable, on met tous les fonctionnaires entre leur dignité et leurs intérêts, et on fait sans franchise et sans loyauté.
Je m’informe fort peu de ce qui se passe ; j’ignore si tous les fonctionnaires ont fait leur option ; mais j’ai appris par les journaux qu’il y a eu une victime de cette mesure. On a prononcé une destitution, et contre qui ? Contre un homme politique sans doute ? Contre un homme que ses fonctions associaient à l’action du gouvernement ? Non, contre un homme chargé de surveiller des plantations ! Cet homme est impitoyablement destitué ; eh bien, cet homme, je ne le connais pas ; je ne l’ai jamais vu ; mais par la destitution, destitution qui est le résultat d’une espèce de guet-apens, par le résultat de cette destitution, cet homme est devenu intéressant aux yeux de tous ; à mes yeux c’est une victime. (Interruption.)
Je le répète, à mes yeux, c’est une victime ; et comme cette interruption ne peut être que le résultat d’une distraction, je vais m’expliquer de nouveau. Si, de tout temps, il eût été interdit à un fonctionnaire de faire partie d’une association politique, la personne dont je parle ne fût pas entrée dans une pareille association ou elle n’eût pas accepté de fonctions ; mis il a accepté ses fonctions dans un temps où le gouvernement, non seulement par son silence, mais par des actes positifs, comme je pourrais le prouver, autorisait les associations. Cet employé est en droit de croire et devait croire qu’il pouvait être bon fonctionnaire et appartenir à une association quelconque. Tout à coup on le met entre sa dignité et son emploi ! On peut le blâmer de n’avoir pas abandonné l’association, mais il doit exciter l’intérêt, parce qu’il est une victime.
Je mettais tout à l’heure en doute si tous les fonctionnaires, membres d’associations, avaient fait leur option. On m’a assuré qu’un ministre d’Etat, un gouverneur de province, figure encore dans la liste des membres de l’association dont faisait partie le fonctionnaire destitué. Je suppose que ce haut personnage, en ne se prononçant pas, n’a voulu qu’une chose, éviter de rappeler qu’il fait partie de l’association. Mais il faudra bien qu’il opte entre rester membre de l’association ou donner sa démission ; et s’il prend ce dernier parti, je crois que sa démission ne restera pas dans les cartons.
Il n’est pas difficile d’expliquer comment les ministres se sont réveillés tout à coup aussi courageusement. Ils avaient appris que dans le camp de leurs adversaires avaient surgi quelques divisions, comme il y en a aussi dans le camp de leurs amis ; ils se sont dit : On se divise, donc on s’affaiblit, frappons.
Oui, mais l’on m’a assuré que dans le cabinet on avait fait certaines objections ; on aurait dit : Frappons ! Mais c’est frapper assez fort, et l’opinion libérale n’est pas à dédaigner. Un membre du cabinet aurait répondu, je n’affirme pas la chose, mais seulement j’affirme qu’elle m’a été rapportée par une personne digne de toute confiance, narrat refero ; un ministre aurait répondu : L’opinion libérale, bah !c’est de la mousse ; on souffle dessus, il ne reste rien.
Je suis très persuadé que ce membre du cabinet, en tenant ce langage peu convenable, peu indulgent pour nous, ne faisait pas un retour sur lui-même, Dieu me garde de cette pensée ; mais il aura eu en vue quelques-uns de ses prédécesseurs dont l’opinion libérale s’est en effet bien vite évanouie au souffle du pouvoir et des honneurs.
J’ai assez longtemps entretenu la chambre ; je dirai en terminant que, moins sévère que l’honorable M. Delfosse, je suis assez disposé à voter l’adresse, sauf à m’expliquer, s’il y a lieu, sur l’amendement dont on a annoncé la présentation et qui doit concerner l’enseignement secondaire. Je suis assez disposé à voter l’adresse, parce qu’en effet je ne vois pas qu’elle compromette en rien ma position vis-à-vis du ministère. Loin de blâmer les membres de la commission d’adresse, je leur envoie des remerciements sur la réserve tout à fait remarquable avec laquelle ils ont rédigé cette adresse. Je vois que dans le discours du Trône le ministère faisait un appel à la chambre pour qu’elle lui promît son appui. Cela se trouve textuellement dans le discours du Trône : « L’accord des grands pouvoirs de l’Etat, l’appui que vous avez donné à mon gouvernement et sur lequel je compte encore, permettront de conserver et de consolider nos institutions. » Le ministère faisait donc un appel à la chambre, il lui demandait de promettre formellement son appui en toute circonstance.
La commission a sagement passé outre et répond par quelque phrase de louanges adressées au chef de l’Etat. Moi, j’ai trop souvent, en mon particulier, proféré hautement les louanges que je lis dans le projet d’adresse, j’éprouve trop profondément les sentiments qu’il exprime pour que je voie dans cette phrase un sujet de vote négatif. Je voterai pour le projet, sauf à examiner l’amendement annoncé.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Vous n’aurez remarqué dans cette discussion qu’une seule chose nouvelle, la critique de la phrase qui témoigne au Roi des sentiments de reconnaissance dont la représentation nationale est animée pour les immenses services qu’il a rendus à l’indépendance du pays. Cette partie, j’en suis persuadé, ne sera pas retranchée du projet d’adresse ; elle sera admise comme elle l’a été dans toutes les sessions précédentes. Le motif en est simple, c’est que d’année en année les services que la royauté rend au pays s’accumulent au lieu de décroître.
L’on veut à toute force que le pays soit plein d’agitation, d’irritation, et surtout que cette agitation et cette irritation soient causées par le cabinet. Nous ne nous dissimulons pas qu’il y a dans le pays des opinions contraires, hostiles même au cabinet ; c’est là le sort de tous les cabinets.
Mais il y a ici un fait particulier, c’est que cette irritation ne s’adresse pas seulement à nous, mais encore à un cabinet qui n’a pas gouverné, à (page 40) qui le pouvoir a été offert et dont le programme n’a pas été accepté. Ce qui nous rassure, c’est que l’on reconnaît que l’opposition trouve dans les moyens constitutionnels une ressource suffisante pour obtenir le redressement des griefs dont elle se plaint. C’est là aussi la source de notre confiance, que l’irritation, quelles que soient les opinions qui la causent, n’a rien de compromettant pour la tranquillité publique. Le calme, selon nous, règne dans le pays ; il y règne d’une manière suffisante pour que le gouvernement ne craigne pas de paraître devant la grande épreuve des élections.
On a dit que nous craignons cette épreuve. Nous déclarons franchement que nous la verrons arriver avec confiance.
Un membre. - Et la dissolution ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Nous n’avons pas besoin de nous expliquer sur une dissolution. Mais j’avoue que si les circonstances rendaient cette mesure opportune, nous ne reculerions pas devant cette nécessité ; elle ne me paraît en aucune manière de nature à troubler le calme dont jouit le pays.
On dit: c’est de l’intimidation.
M. de Tornaco. - Pas du tout !
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Nullement. Il y aurait intimidation, si nous demandions un blanc-seing à la royauté, pour opère une dissolution à notre guise. Mais il n’en est pas ainsi. Si nous sommes dans le cas de proposer cette mesure à la Couronne, elle en jugera en toute liberté.
Je dois ajouter que je ne trouve dans la situation actuelle rien qui doive nous déterminer à proposer cette mesure.
Je réponds seulement à une interruption qui semblait faire croire que cette mesure nous aurait effrayés, que nous aurions quelques motifs pour craindre les résultats d’une élection générale.
Une des grandes causes de l’irritation dont on parle, c’est, dit-on l’influence que le clergé exerce dans le pays, influence toujours fâcheuse et dont les effets désastreux se font remarquer dans certaines parties du pays, en proie à de pénibles souffrances.
Sans doute, nous sommes de l’avis de l’honorable membre que la confusion des pouvoirs ne doit pas exister, que l’autorité religieuse doit appartenir au pouvoir spirituel, comme au pouvoir civil appartient l’autorité temporelle. Ces principes, nous les avons toujours professes et mis en pratique.
Mais l’influence morale du clergé n’a jamais été considérée comme nuisible dans un pays. Au contraire, elle a toujours été considérée comme un moyen de civilisation, comme une garantie pour les classes faibles et souffrantes que l’autorité de la religion prend sous sa sauvegarde.
Nous voyons dans les pays non chrétiens la misère s’accroître, la dignité de l’homme disparaître jusqu’à l’esclavage. Au contraire, dans le pays où domine la religion chrétienne, nous voyons disparaître l’esclavage, l’homme s’élever à une haute dignité, la justice rendue à ceux qui la réclament.
Pour répondre à une allusion qu’on a faite, et qui se rapporte directement aux deux Flandres, nous en appellerons aux députés de ces provinces, et nous leur demanderons, si nous n’avons pas eu raison d’adresser des remerciements au clergé, dans l’exposé des motifs du projet de loi de crédit de deux millions, pour le concours puissant qu’il a prêté l’autorité civile, pour soulager la misère, autant que cela était en son pouvoir. Nous ne craignons pas de recevoir un démenti sur les sentiments charitables, généreux, qui ont animé le clergé de ces provinces.
Mais des parties considérables de ces provinces souffrent ; le clergé est l’ami des populations ; donc il est l’auteur de la misère. J’avoue que cet argument ne me paraît pas solide. Je ne sache pas que ce soit le haut clergé qui ait fermé le débouché aux toiles que les Flandres fabriquent en trop grande abondance. Le clergé n’a pas exercé cette influence sur la législation de la France. Ce qui a amené la fermeture de ce débouché c’est la concurrence, c’est l’extension de l’industrie linière en France.
On demande que nous ayons assez de courage, assez de fermeté, de volonté, pour résister aux empiétements du clergé. J’avoue qu’il m’est impossible de comprendre qu’il faille grand courage pour conserver ce qu’on appelle l’indépendance du pouvoir civil. Comment ! Le gouvernement qui participe au pouvoir législatif, qui a en mains le pouvoir exécutif, qui dispose, au moyen des budgets, de toutes les ressources de l’Etat, qui dispose de tous les emplois, aurait besoin de courage pour résister à des évêques qui n’ont qu’une autorité morale, qui ne disposer de rien ! La lutte est trop inégale pour me faire un titre d’honneur de l’accepter. J’ai toujours considéré comme une faiblesse de caractère de redouter le clergé ; car la domination du pouvoir civil par le pouvoir spirituel est tellement impossible en Belgique qu’il faut avoir peur de son ombre, ne se sentir aucune énergie de caractère pour la craindre. Telle est toujours l’impression que j’ai reçue, lorsque ces prétendues craintes pour l’indépendance du pouvoir civil ont été manifestées.
En ce qui concerne l’enseignement moyen, nous n’avons pas tardé vous présenter les développements au projet de 1834, projet auquel nous avons participé, à la demande de l’honorable M. Rogier, qui avait alors comme ministre l’instruction publique dans ses attributions.
Ce projet de 1834, nous ne l’avons pas amoindri par les propositions ultérieures que nous avons soumises. Au contraire ! Chacun doit reconnaître que nous avons donné à ce projet une extension raisonnable et proportionnée à la situation actuelle du pays.
On aurait désiré que, dans le discours du Trône, nous eussions en quelque sorte provoqué des discussions politiques. La provocation ne sied pas à un gouvernement. Le ministère a reçu sa mission de la Couronne ; il s’est présenté avec ce mandat devant la représentation nationale. La question de confiance a été agitée, longuement traitée. Le ministère vous a exposé les titres qu’il croit avoir à votre confiance et à celle du pays. Il a accepté franchement cette longue discussion ; il n’a cherché en aucune façon à l’écourter, ses explications ont été franches et complètes sur tous les points.
Il est vrai que nous n’avons pas cru nécessaire de présenter un programme monstre. Nous avons dit avec sincérité notre manière de voir sur les questions à l’ordre du jour. Mais, dit-on, dans la discussion politique, on s’est attaché à des questions lui ne touchent pas immédiatement à la formation du cabinet. Nous avons établi que les questions que nous avons été forcés de traiter touchaient immédiatement à la formation du cabinet ; car enfin nous avons dû dire pourquoi nous avions accepté la mission de former le cabinet alors que d’autres l’avaient déclinée, ou que le programme présenté n’avait pas été accepté par la couronne. Eh bien, messieurs, sur ces matières encore nous nous sommes expliqués avec toute liberté et franchise.
Mais ces discussions, nous les croyions finies, nous croyions que nous aurions été à juste titre critiqués, si nous avions en quelque sorte rouvert le débat de gaieté de cœur.
Ce que le pays, ce que les chambres avaient le droit de nous demander, c’étaient les projets que nous avions préparés dans l’intervalle des sessions, c’étaient les propositions que nous comptons soumettre à la législature. Chose étrange, messieurs, en mettant à profit le court intervalle des sessions, en remplissant cet intervalle laborieusement, en préparant des projets d’une grande importance, nous avions cru bien mériter du pays, et mériter l’assentiment des chambres, voire même de l’opposition. Messieurs, quelle a dû être notre surprise de voir que ce zèle pour les intérêts du pays, ce soin que nous avons donné à la préparation des projets et l’exposé fidèle que nous vous avons fait, deviennent l’objet des critiques
Mais, dit-on, nous ne discuterons pas tous ces projets.
Je ne vois, messieurs, aucune impossibilité à ce que la plupart des projets qui vous sont déjà présentés et ceux qui vous ont été annoncés comme devant être immédiatement présentés, soient discutés. Cela dépendra absolument des chambres. Si l’on veut, messieurs, se renfermer dans ce qui est utile, si l’on ne veut pas perdre de temps, j’ai l’intime conviction que la session ne s’écoutera pas, sans que ces projets aient été votés.
Mais, messieurs, dans des corps nombreux où chacun a le droit de prendre part aux discussions, il ne dépend pas du ministère, il ne dépend pas même du président de la chambre, d’arrêter ces discussions et de faire voter l’ensemble des projets.
Ainsi, messieurs, je réponds à l’avance à ce qui nous a été dit, qu’une faible partie de nos propositions serait discutée. Je décline tout à fait, messieurs, la responsabilité de ce fractionnement de nos propositions.
M. le ministre des affaires étrangères pourra, messieurs, vous dire plus en détail, quelle a été la pensée du gouvernement en ce qui concerne l’industrie linière. Déjà nous avons dit au sénat que le complément de nos propositions se trouverait dans une société d’exportation qui aurait pour objet de créer des débouchés, en même temps que d’encourager et de déterminer le travail en vue des exportations.
Deux actes posés récemment par le cabinet ont été l’objet des critiques de l’honorable député de Bruxelles. M. le ministre de la justice vous donnera des explications relatives aux poursuites judiciaires. Quant à la mesure qui concerne les fonctionnaires publics, il est très vrai, messieurs, qu’il a été décidé en conseil des ministres que les fonctionnaires et employés faisant actuellement partie de la société dite de l’Alliance seraient priés de cesser d’en faire partie ; qu’ils seraient eu même temps invités à ne pas faire partie d’une société semblable.
Messieurs, le fond de cette mesure est approuvé par l’honorable député de Bruxelles.
M. de Brouckere. - Je n’ai pas dit cela.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il trouve que le gouvernement a droit en principe.
M. de Brouckere. - Je n’ai rien dit.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je croyais que vous aviez donné votre approbation. Je me trompe.
M. de Brouckere. - Je n’ai exprimé aucune opinion.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Quant à moi, je dis que cette mesure est fondée en droit et qu’elle était opportune. En effet, messieurs, quand on y réfléchit bien, on ne peut pas admettre que les fonctionnaires publics et employés fassent partie d’une société qui a pour mission de retirer au Roi les pouvoirs que les chambres ont cru nécessaire de lui donner, pouvoirs que l’on a indûment qualifiés de lois réactionnaires.
On doit encore convenir, du moins c’est notre opinion, qu’il ne convient pas que les fonctionnaires publics et employés fassent partie d’une société qui a pour mission de concourir de tous ses efforts à une réforme électorale, que le cabinet considère comme dangereuse dans son principe et dans ses conséquences.
Voilà, messieurs, les deux motifs qui nous ont guidés.
Mais, dit-on, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas pris cette mesure plus tôt ?
Messieurs, quand il s’agit de mesures semblables, le gouvernement naturellement demeure juge de l’opportunité des circonstances dans (page 41) lesquelles il prend une semblable détermination. Il la prend sous sa responsabilité. C’est donc à lui aussi à juger de l’opportunité.
Mais ne s’est-il rien produit de nouveau depuis notre arrivée au cabinet. La formation d’un congrès libéral, émule, en quelque sorte, du congrès national, ayant plus ou moins pour mission de réformer l’œuvre du congrès en ce qui concerne la loi électorale ; le dissentiment qui s’est manifesté dans une grande association politique, dissentiment dans lequel plusieurs membres, un grand nombre de membres ont déclaré qu’ils étaient obligés de se séparer de leurs anciens amis politiques parce qu’ils se voyaient débordés par eux, parce qu’ils voyaient du danger dans cette association ? Ne sont-ce pas là des circonstances qui légitiment la détermination prise par le gouvernement ?
Mais, messieurs, la mesure que nous avons prise vis-à-vis des fonctionnaires publics, n’a rien eu d’offensant pour eux. J’ose garantir que toutes les convenances ont été observées, qu’il leur a été démontré que le gouvernement, faisant abstraction de leurs opinions personnelles et ne voulant en aucune manière rechercher quels pouvaient être leurs principes politiques, désirait qu’ils conservassent leurs emplois, mais en même temps qu’ils se retirassent de toute participation à une société dans laquelle ils étaient entraînés à employer leur influence, à contribuer en quelque sorte au triomphe de principes que le gouvernement considérait comme dangereux.
Messieurs, le même orateur, en terminant, a félicité la commission d’adresse de la réserve qu’elle a gardée vis-à-vis du ministère. Il a semblé que la commission de l’adresse avait, avec intention, passé le ministère sous silence.
Messieurs, nous étions certains que cette objection serait produite, et pour y couper court nous nous sommes donné la peine de prendre lecture d’un certain nombre d’adresses qui ont été votées par la chambre des représentants. Nous avons commencé par la session de 1840-1841. Eh bien, messieurs, dans le paragraphe final de cette adresse nous n’avons point non plus trouvé de mention du ministère.
Voici ce que nous y trouvons :
« Un profond amour de notre indépendance, une grande unité de vues entre le gouvernement et les chambres nous feront éviter les écueils que présentent les temps difficiles et nous permettront d’exécuter dans les époques de sécurité et de calme les projets généreux que Votre Majesté a conçus pour le bonheur du pays et à la réalisation desquels nous serons heureux de contribuer. »
Eh bien, messieurs, la chambre ne parlait pas même de la situation actuelle ; elle disait que dans les temps difficiles qui pourraient surgir il serait à désirer qu’il y eût harmonie de vues entre le gouvernement et les chambres, qu’alors toutes les épreuves qui pourraient survenir seraient facilement surmontées, que les grands projets que le Roi avait conçus pour le bonheur du pays seraient plus facilement réalisés par le concours des chambres.
En 1841-1842, l’adresse porte:
« La modération et l’impartialité du gouvernement, l’union de tous les Belges, voilà ce que le pays réclame pour réaliser les grands desseins que Votre Majesté a conçus et pour lesquels, Sire, notre loyal concours ne vous manquera jamais. »
Dans les sessions de 1842-1843, 1843-1844, 1844-1845, silence absolu de la part de la commission d’adresse.
Que faut-il conclure de là, messieurs ? C’est que la chambre ou plutôt les commissions d’adresse ont, en général, pris pour principe de rédiger l’adresse d’une manière telle que l’on ne fût pas obligé d’entrer dans une discussion ministérielle ; et c’est, messieurs, par ce motif que les adresses ont généralement été votées par la chambre à l’unanimité, alors cependant qu’à toutes les sessions il a toujours existé une opposition plus ou moins considérable.
Messieurs, tout ce que nous demandons se trouve dans le projet d’adresse, c’est que la commission d’adresse et la chambre, nous en sommes persuadés, sont disposées à discuter sans entraves les propositions que le gouvernement vous a soumises. Voilà messieurs, le concours dont le gouvernement a besoin ; c’est le désir commun de faire des choses utiles pour le pays.
Messieurs, je négligeais de répondre à une espèce de demande d’explications qui vous a été adressée sur cette phrase du discours du Trône: « Comme le pays est calme, le gouvernement peut donner l’assurance qu’un projet sera présenté pour augmenter le nombre des membres de représentation nationale. » Le commentaire de cette phrase est infiniment simple : c’est-à-dire que si le pays n’avait pas été calme, le gouvernement n’aurait point annoncé la présentation de ce projet, parce que nous croyons, messieurs, que cette grande question était une question d’opportunité avant tout, et que, dans des circonstances difficiles, il eût été imprudent d’en saisir la législature. Voilà, messieurs, notre pensée tout entière.
Vous le voyez, messieurs, nous n’avons reculé devant aucune des explications qui nous ont été demandées. Nous sommes prêts à aborder avec franchise, avec confiance, toutes les discussions qui pourront avoir un caractère véritablement utile ; nous tâcherons seulement de faire en sorte de ne point nous lancer dans des discussions inutiles et de ne point prolonger outre mesure les discussions même utiles. C’est encore là, messieurs, un article de notre programme ; c’est la voie que nous avons suivie constamment, soit au ministère soit en dehors du ministère, et dans laquelle nous comptons marcher encore jusqu’à la fin de notre carrière politique.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l’honorable M. de Brouckere a critiqué un des actes posés récemment par le cabinet. Cet acte concerne mon administration. Je m’empresse de répondre aux observations de l’honorable membre.
D’après l’honorable M. de Brouckere, il y aurait eu, de la part du ministère, une véritable maladresse à faire intenter tardivement des poursuites à raison de faits ayant de caractère de délits, et ayant reçu longtemps avant une grande publicité. Messieurs, je pense qu’il ne sera pas difficile de justifier en cette circonstance la conduite du ministère, et pour fournir cette justification, je n’aurai que quelques mots d’explication à donner à la chambre.
Depuis l’existence du royaume, aucune poursuite du chef de faits semblables à ceux qui sont aujourd’hui dénoncés à la justice, aucune poursuite de ce genre n’avait eu lieu.
Le ministère actuel ne s’est pas ému plus que les ministères précédents de l’apparition et de la publication de quelques gravures quelque inconvenantes, quelque coupables même qu’elles fussent ; le ministère a pensé qu’il fallait laisser le bon sens public faite justice de semblables turpitudes, et qu’il était inutile d’intenter des poursuites judiciaires pour des faits dont l’oubli et le mépris public auraient bientôt fait raison. J’avais eu connaissance des premières publications vers le milieu du mois d’octobre ; je pris des informations auprès de M. le procureur général et dès ce moment, après en avoir conféré avec mes collègues, la marche suivre fut arrêtée.
Messieurs, si ces publications n’avaient pas continué, si elles n’avaient pas reçu une publicité extraordinaire, par de nombreux tirages successifs, si elles n’avaient pas été répandues avec profusion, non seulement à Bruxelles, mais même dans toutes les provinces, si ces gravures n’avaient pas été expliquées et commentées, le ministère aurait conservé le silence qu’il avait gardé d’abord ; mais, messieurs, ce silence n’était plus possible, lorsque ces gravures furent suivies dans différents journaux d’articles qui les rappelaient et expliquaient la pensée et le but de leurs auteurs.
Ces articles se renouvelèrent jusqu’à la veille du jour où les poursuites furent intentées, et à ces articles vinrent se joindre des chansons et des annonces répandues avec une égale profusion à Bruxelles et dans tout le pays. Les outrages prenaient un caractère tellement odieux, annonçaient avec une telle évidence un système combiné d’attaques contre la personne royale, un véritable complot de quelques organes de la presse, que le ministère crut devoir ordonner de commencer les poursuites qui avaient, du reste, été décidées dès l’instant de l’apparition des premières gravures, pour le cas où elles auraient été suivies de publications de même nature.
Les poursuites eurent donc lieu, non pas uniquement à raison des gravures publiées, mais encore à raison des articles qui les suivirent, et des publications souvent répétées. La preuve de ce que j’avance résultera des débats de l’affaire soumise maintenant à l’autorité judiciaire.
La conduite du ministère se justifie donc naturellement. Il s’est déterminé à faire intenter des poursuites lorsque la licence passa toutes les bornes et qu’il était temps de prouver que l’impunité n’était pas assurée aux auteurs des publications les plus infimes.
Voilà les raisons qui ont motivé la conduite du gouvernement, dans cette circonstance, et je pense qu’en agissant ainsi, il n’a mérité aucun reproche. Dans le principe, il s’est abstenu ; mais lorsque les faits ont pris un véritable caractère de gravité, à cause de la tendance qu’ils révélaient, il a ordonné des poursuites, pour réprimer des attaques, sans cesse renouvelées, contre la royauté et la personne royale.
Puisque j’ai la parole, je répondrai un mot à l’honorable M. Delfosse.
L’honorable membre a dit que j’avais présenté un projet de loi dont la conséquence était que de nouvelles nominations étaient nécessaires pour tous les juges de paix.
C’est là une véritable erreur ; le projet de loi dont il s’agit, est le résultat d’une décision qui a été prise par la chambre.
Une loi de 1834 a ordonné la nomination de tous les juges de paix, nommés avant 1832, six mois, je pense, après que serait votée la loi de circonscription cantonale. Or, la chambre ayant déclaré qu’elle ne s’occuperait pas de cette dernière loi, il fallait bien remplacer par un nouveau délai le délai fixé par la loi de 1834 ; il fallait que les juges de paix, qui ne sont pas inamovibles, le devinssent dans un délai à déterminer.
(page 47) M. Verhaegen. - Je ne me proposais pas de prendre part aujourd’hui à la discussion ; je n’ai demandé la parole que quand j’ai entendu les réponses de MM. les ministres de la justice et de l’intérieur à deux griefs principaux qui ont été présentés contre le cabinet par mon honorable ami M. de Brouckere, et je m’empresse de rétorquer ces réponses contre ceux qui les ont faites.
M. de Brouckere avait reproché, et avec raison, à M. le ministre de la justice l’inopportunité ou au moins la tardiveté des poursuites au sujet de la publication de certaines caricatures et chansons obscènes, et M. le ministre de la justice a cru pouvoir se justifier en disant que depuis très longtemps de semblables publications avaient eu lieu et que des poursuites avaient été jugées inutiles, en « laissant au bon sens du public le soin d’en faire justice. »
Eh bien, messieurs, ce n’est pas au « bon sens du public » que le gouvernement a laissé le soin de faire justice, c’est aux mauvais instincts de quelques hommes que, pour l’honneur du nom belge, je désire ne pas connaître, qu’il s’est abandonné par cela même qu’il n’a pas fait son devoir : l’ordre légal a fait place à la force brutale ; des excès graves ont été commis, au même moment, contre plusieurs propriétés privées ; il y a eu un commencement de pillage ! et ces excès, qui auraient pu amener les plus fâcheuses conséquences, sont dus tout au moins à l’imprudence et à l’impéritie du ministère.
De deux choses l’une : ou les faits de prétendue diffamation étaient insignifiants, ou ils étaient assez graves pour attirer l’attention du gouvernement: dans le premier cas, la poursuite était inutile, dangereuse même ; dans le second cas, elle était nécessaire, mais à condition d’être immédiate.
Le moment que le cabinet a choisi pour éveiller l’attention du parquet, précisément le lendemain du retour du Roi, était inopportun, compromettant pour la couronne, et la conduite de M. le ministre de la justice dans l’occurrence restera injustifiable.
M. le ministre de l’intérieur n’a pas été plus heureux que son collègue de la justice dans la réponse qu’il a faite à l’honorable M. de Brouckere
En frappant indistinctement tous les fonctionnaires, l’honorable M. de Theux a violenté les consciences, il a enlevé à des citoyens des droits que leur assure la Constitution, entre autres les libertés d’opinion et d’association.
Je puis admettre qu’un fonctionnaire politique engageant par ses actes la responsabilité ministérielle soit tenu, et seulement encore lorsqu’il agit en sa qualité de fonctionnaire, à suivre, sous peine de destitution, l’impulsion du gouvernement ; mais je n’ai jamais admis et je n’admettrai jamais qu’un fonctionnaire purement administratif, un simple employé, puisse être recherché ou inquiété à raison de ses opinions et des actes qu’il pose comme particulier, comme citoyen.
L’acte du ministère contre les fonctionnaires non politiques, contre de simples employés de l’administration, au sujet de leur affiliation à certaines associations, est donc un acte tyrannique, réactionnaire.
Et cependant quelle a été, en d’autres circonstances, l’opinion de l’honorable M. de Theux et de ses amis au sujet du droit de s’associer ?
Nous ne parlerons pas seulement des couvents dont le pays est inondé et auxquels on a accordé la personnification civile en violant toutes les lois sur la matière ; nous parlerons des associations religieuses, des congrégations qui paraissent inoffensives aux jours ordinaires, mais qui prennent une part très active à certains événements et surtout aux élections. Pourtant nous ne sachions pas que l’autorité ait jamais pris des mesures contre les citoyens qui usaient de la liberté de s’associer. Loin de là: elle encourageait les fonctionnaires à faire partie de ces congrégations. Des ministres, des secrétaires généraux, des membres de la chambre et du sénat les ont honorées de leur concours personnel et tout au moins de leur protection. L’influence des sociétaires était arrivée à un tel degré d’insolence que des agents subalternes couverts de méfaits administratifs demandaient et obtenaient de l’avancement en écrivant à leurs chefs: « Vous ne pouvez pas me refuser ma demande, car je suis affilié à. la société de Jésus. »
Plus d’une fois on a dénoncé au pays les machinations qui se tramaient contre nos libertés dans des conciliabules ténébreux et impénétrables ; c’était tellement irréfutable que l’opposition, lorsqu’elle était sur le point de prendre le pouvoir, réclamait du Roi le droit de destituer les fonctionnaires politiques qui lui seraient hostiles dans l’exercice de leurs fonctions.
La droite se récriait contre ce qu’elle appelait une étrange hardiesse ; elle exagérait outre mesure une protection très légitime et elle faisait des (page 48) phrases pleines de sentiment dans l’intérêt des fonctionnaires même non politiques.
Que sont devenues toutes ces lamentations, aujourd’hui que le ministère déclare aux simples employés qu’ils aient à choisir entre leur existence et leur qualité de membre d’une société électorale ?
La thèse soutenue naguère par M. Rogier et ses amis à l’égard de fonctionnaires, et attaquée alors avec acharnement par le parti catholique, se trouve aujourd’hui appliquée sans ménagement par ce même parti, parce qu’il se croit bien assis au pouvoir. C’est un précédent qui se retrouvera sans doute, en temps et lieu.
Maintenant, la mesure ministérielle, comme l’a déclaré l’honorable M. de Theux, s’applique non seulement aux fonctionnaires publics, membres de la société de l’Alliance, mais aux fonctionnaires membres de toute autre société politique ; et cela devait être, car les mêmes principe régissent toutes les associations du même genre ; aussi pouvons-nous déclarer officiellement qu’aucun fonctionnaire public ou employé du gouvernement ne se trouve jusqu’à ce jour affilié à l’association libérale de Bruxelles.
Messieurs, puisque nous parlons de sociétés politiques, nous ferons remarquer que l’honorable M. de Theux, en prononçant les mots de scission, de démembrement, ou plutôt en répétant ce qui depuis quelque temps fait la joie de son parti, s’est étrangement trompé. Ce que M. le ministre de l’intérieur appelle une scission, n’est au fond que la régularisation d’une position commandée par les circonstances ; la déclaration de guerre et le démembrement qui en aurait été la conséquence ne gisent que dans l’imagination de ceux qui s’y croient intéressés. Aussi, n’auraient-ils pas manqué de fomenter la désunion si l’occasion leur en avait été offerte ; ils savent bien que des exagérations d’un côté amènent toujours des exagérations de l’autre, et que tous les partis extrêmes tendent à déborder ; mais ils feignent d’ignorer qu’il est beaucoup plus facile d’allumer le feu que de l’éteindre.
Quoi qu’il en soit, en prenant la résolution à laquelle le ministère a donné une portée toute autre que celle qu’elle a réellement, nous avons été guidés par l’intérêt même de notre parti, en même temps que nous avons mis à couvert notre responsabilité vis-à-vis du corps électoral. Dans une grande opinion telle que celle à laquelle nous appartenons, il existe d’ordinaire plusieurs nuances qui, toutes également respectables, doivent conserver leur dignité et leur indépendance. S’agit-il d’une question sur laquelle tous soient d’accord ? S’agit-il de la réforme électorale, par exemple, dans certaines limites convenues, toutes les nuances viennent se confondre dans une seule et même opinion. S’agit-il au contraire d’une question spéciale qui soit diversement appréciée par certaines nuances, alors chacune de ces nuances conserve ses droits et les fait valoir avec une pleine et entière indépendance.
M. de Theux, encouragé par un événement qu’il apprécie mal, a prononcé le mot de dissolution. Eh bien, s’il croit nous intimider aujourd’hui par ce mot, il se trompe ; loin de craindre la dissolution, nous l’appelons de tous nos vœux, et ici, comme toujours, nous sommes d’accord avec nos antécédents.
Messieurs, il nous reste maintenant à dire quelques mots sur le projet d’adresse actuellement en discussion.
Un point que je considère comme principal et sur lequel le ministère, quelques efforts qu’on fasse, ne donnera pas d’explications catégoriques, est celui relatif à l’instruction secondaire: on ne trouve absolument rien d’explicite à l’égard de la loi sur l’enseignement moyen dans le discours du Trône, rien d’explicite non plus dans le projet d’adresse.
M. le ministre de l’intérieur, qui sur cette question vitale ne veut pas se compromettre, vient nous dire que l’indépendance du pouvoir civil n’est contestée par personne, que d’ailleurs le gouvernement avec tous les ressorts dont il dispose n’a rien à craindre du clergé, et qu’il lui serait très facile de s’opposer aux envahissements de l’épiscopat, si des envahissements venaient à se manifester. Nous répondons à M. de Theux que si le gouvernement dispose de beaucoup de ressorts, il en est un toutefois qui lui manque, et celui-là, le plus important de tous, se trouve entre les mains du clergé !... Que deviendrait le ministère dans les luttes électorales sans l’appui de ceux qui disposent des votes au moyen du prône et du confessionnal ?
L’indépendance du pouvoir civil, dites-vous, n’est pas contestée ; mais comment donc entendez-vous cette indépendance ? Admettez-vous les exigences de l’épiscopat qui se sont manifestées naguère non seulement par des écrits, mais par des faits graves et nombreux ? Admettez-vous ou rejetez-vous la convention faite avec la ville de Tournay ? Voilà la véritable question, la question nettement posée ; car il s’agit une fois pour toutes de sortir de ce vague qui peut vous convenir, je le comprends, mais qui ne convient pas au pays, pressé qu’il est d’obtenir une solution. Vous, MM. les ministres, qui vantez si haut votre courage et votre franchise, vous devez avoir tout au moins la franchise et le courage de nous dire ce que vous entendez par indépendance du pouvoir civil en fait d’instruction secondaire, en d’autres termes, de vous expliquer catégoriquement sur la convention faite entre l’évêque et la ville de Tournay ; l’amendement qui sera présenté par un de mes honorables amis aura pour but de vous forcer à cette explication.
Messieurs, il ne faut pas nous le dissimuler, la croisade de l’épiscopat belge contre l’enseignement laïque a pris des proportions très vastes ; il y a quelque temps encore, ce n’étaient que quelques villes des deux Flandres et une ville du Hainaut, celle de Tournay, qui avaient vu leurs établissements d’instruction secondaire placés en interdit ; mais depuis l’avènement d’un ministère entièrement dévoué au parti jésuitique, on ne s’arrête plus en si beau chemin : après l’athénée de Tournay, le collège de la ville de Chimay a mérité, on ne sait pas pourquoi, la colère de l’évêque de Tournay. Dans cette dernière ville un ecclésiastique dirigeait l’établissement, et un jour, l’évêque, sans faire connaître ses motifs, sans même avertir l’autorité communale, a révoqué M. l’abbé Vilain de ses fonctions
L’évêque de Liége a suivi la même voie, en cherchant une mauvaise querelle à l’autorité communale de Verviers, pour lui refuser un ecclésiastique qui pût donner l’enseignement de la doctrine religieuse à l’école industrielle de cette ville.
Pour peu que cela continue, l’exception deviendra la règle, et les institutions laïques se verront privées d’aumôniers ! Au moins si les moyens qu’on emploie pour discréditer l’instruction communale peuvent être difficilement combattus, on doit avouer qu’il y a quelque chose d’audacieux à refuser l’instruction religieuse à des jeunes Belges, nos concitoyens, tandis que d’un autre côté l’Etat, la province, la commune font au clergé un budget de six à sept millions.
Eh bien, le pays tout entier s’est ému de la conduite de l’épiscopat.
Presque tous les pères de famille ouvrant enfin les yeux, voyant quelles sont les exigences du clergé, ont fini par se passer de son concours dans les collèges et se sont contentés d’envoyer leurs fils pour l’instruction religieuse dans les églises ; c’est le système que nous avions soutenu dans la discussion de la loi sur l’instruction primaire. Nous aimons à le proclamer, ces pères de famille ont agi sagement ; car leur responsabilité est à couvert, et celle des évêques est gravement engagée.
Quel a été le résultat de cette conduite des évêques ? Un mécontentement général, une irritation qui prend tous les jours des proportions plus grandes.
Dans le but de calmer cette irritation, un organe de la presse qui prend ses inspirations chez un des membres les plus influents du cabinet, s’était permis, il n’y a pas bien longtemps, de condamner la conduite des évêques et de chercher ainsi à justifier le gouvernement à leurs dépens,. Voici ce qu’on lit dans l’Emancipation du 27 octobre 1846:
« Nous croyons avoir exprimé fidèlement l’opinion de tous les hommes modérés, catholiques ou libéraux, en blâmant, non pas les intentions, mais tout au moins les prétentions de l’évêque de Tournay.
« Dans les négociations qui ont eu lieu entre l’évêque de Tournay et le conseil communal, les plénipotentiaires de l’évêché ont manifesté des prétentions que les catholiques les plus sincères ne sauraient admettre. Prétentions qui renferment précisément ce quelque chose d’absolu que condamne la constitution et que condamnerait le bon sens à défaut de la constitution. Nous n’accusons pas Mgr. de Tournay de conspirer contre la liberté ; nous sommes loin de penser qu’il prétendît abuser du pouvoir absolu qu’il exigeait ; nous accordons même qu’il en aurait fait le plus noble usage ; mais il n’en sollicitait pas moins un pouvoir absolu.
« Si vous refusez le concours du clergé, disent les défenseurs de l’évêque de Tournay, le clergé ne se plaint pas de votre refus ; pourquoi vous plaignez-vous de ses conditions ? A cela on peut répondre : d’abord, que la liberté d’accepter ou de refuser le concours du clergé n’a rien de commun avec la nature des conditions que l’on met à ce concours. Si ces conditions sont inacceptables, la liberté de la commune se réduit à bien peu de chose.
« Le clergé a incontestablement le droit de se séparer partout de l’autorité civile. Ferait-il bien d’en user ? Dès que cette séparation serait accomplie, la société n’aurait-elle pas essuyé un échec grave ? N’aurait-elle pas déjà subi une moitié de révolution, et ne serait-elle pas prête à subir l’autre moitié ? Nous faisons ici un appel à tout ce qu’il y a de plus ferme et de plus dévoué dans l’opinion catholique ; auront-ils lutté pendant plus de trente ans ; auront-ils signé la Constitution la plus libérale du monde entier, pour qu’un citoyen ait le droit de dire un autre citoyen, pour qu’un pouvoir ait le droit de dire à un autre pouvoir : C’est à moi de commander, c’est à vous d’obéir ?
« Les passions politiques n’ont pas toujours besoin de preuves certaines. Elles savent très bien se contenter de prétextes. Et il ne faut pas que l’opinion catholique se dissimule qu’en fait de prétextes, il ne pouvait pas y en avoir de plus malheureux que la convention de Tournay.
« On crie à l’influence occulte. Si ces accusations ne reposent sur aucun fait sérieux, elles finiront par se discréditer. Mais nous ne connaissons rien de plus propre à les fortifier, à les grandir que la convention de Tournay.
« Les évêques sont libres d’avouer ou de désavouer les prétentions de Liége, de Tournay. Le gouvernement n’est pas libre, lui. Il est de son honneur de protester ; et puisque la loi sur l’enseignement doit être discutée à l’ouverture de la session, une occasion toute naturelle se présente pour protester avec éclat contre les doctrines de l’évêque de Tournay. «
Ainsi parlait l’organe qui d’ordinaire défend le ministère. Mais ce n’était là qu’une bravade, et le cabinet avait compté sans son hôte, car aussitôt l’épiscopat le gourmanda sévèrement et exigea de lui des gages nouveaux.
Le mea culpa de nos hommes d’Etat ne s’est pas fait attendre: toujours dociles aux ordres des princes de l’Eglise, ils ont reçu avec une respectueuse résignation le manifeste de l’épiscopat imprimé dans son organe officiel.
Voici ce que disait le Courrier de l’Escaut dans les premiers jours du mois de novembre:
« Nous eussions volontiers fait grâce à l’Emancipation de cette nouvelle contradiction, si son langage mensonger n’était de nature à égarer (page 49) l’opinion publique et à jeter de l’odieux sur le respectable chef de ce diocèse, en lui prêtant des intentions aussi indignes de son caractère que de son cœur. Nous protestons donc hautement contre les accusations de la feuille bruxelloise, et nous la défions de leur trouver aucun fondement, soit dans la convention ou dans aucune des pièces émanées de l’évêché touchant cette affaire. Aussi l’Emancipation a-t-elle jugé prudent de ne rien prouver ; toutes ses assertions sont gratuites et se font remarquer par beaucoup d’audace et de mauvaise foi. »
Plus loin, après avoir de nouveau discuté à sa manière les dispositions de la convention de Tournay, le Courrier de l’Escaut dit :
« Nous ajouterons encore un mot à l’adresse de l’Emancipation. Ce journal affecte d’isoler Mgr. l’évêque de Tournay de ses honorables collègues dans l’épiscopat. Les catholiques, nous l’espérons, ne se laisseront pas prendre à cet artifice. Ils ne croiront pas, quoi qu’on en puisse dire, à une divergence d’opinion de la part de nos premiers pasteurs, sur une question qui touche de si près aux intérêts les plus précieux de la religion. Nous défions, sur ce point comme sur les autres, l’Emancipation d’administrer aucune preuve, et nous ne craignons pas d’affirmer que les principes de l’évêque de Tournay sont ceux de l’épiscopat tout entier. »
Après cela, MM. de Theux et ses collègues oseraient-ils aujourd’hui s’émanciper une seconde fois ? L’occasion, s’ils sont sincères, se présente belle et grande ; ils pourraient alors nous dire définitivement comment ils entendent l’indépendance du pouvoir civil, et entre autres, s’ils sont disposés à admettre l’intervention du clergé dans l’instruction moyenne à titre d’autorité, car toute la question est là.
Mais non, ils ne l’oseraient point ! Leur première incartade leur a valu des reproches trop amers, et ils ont été obligés, pour se faire absoudre, de donner des gages nouveaux de soumission.
En voici un entre autres :
Il y avait quelque part un homme qui, par son dévouement au parti clérical, inspirait une grande confiance à l’épiscopat, mais qui, à part cela, n’avait aucun titre pour présider aux destinées de l’instruction moyenne ; eh bien, on est allé chercher cet homme dans le fond d’une bibliothèque, et on l’a nommé aux fonctions devenues vacantes par la mort du vénérable M. Vautier, dont le corps enseignant sent aujourd’hui la perte plus vivement que jamais. On a fait de cet homme un inspecteur général des athénées et des collèges !
Et nos ministres osent se dire les ministres du pays ! Moi, je dis qu’ils ne sont que les ministres de la ligue épiscopale !
L’honorable M. de Theux se donne néanmoins des airs de libéralisme en nous répétant à satiété qu’il adopte le projet de 1834 ; mais ce projet de 1834 a été présenté à une époque où les exigences du clergé n’avaient pas encore été mises à nu.
Il ne s’agissait pas alors des prétentions exorbitantes de l’évêque de Tournay, de l’évêque de Liége et de tous leurs collègues. On était loin de supposer jusqu’où ces messieurs iraient quelques années plus tard : moi seul j’ai vu un peu plus loin que d’autres. Depuis 1837 que je me suis occupé de ces questions, j’ai eu l’intime conviction qu’on serait arrivé en peu de temps au point où nous sommes, et c’est peut-être à raison de cette conviction profonde que, dans les discussions qui se sont engagées, j’ai mis une chaleur et une insistance qui m’ont valu plus d’une dénomination et dans cette enceinte et au dehors. J’étais alors un exagéré, un exalté par excellence. Eh bien, la plus grande satisfaction que j’emporte de ces dix années de ma vie publique, c’est que mon opinion d’alors, qui m’a valu ces qualifications, est aujourd’hui l’opinion de la grande majorité de la nation.
Messieurs, vous dirai-je encore quelque chose du projet d’adresse qui n’est en définitive, comme on l’a fait remarquer déjà, qu’une nomenclature de plusieurs projets de loi qu’on peut appeler lois d’affaires. Mais la première et la plus importante des lois d’affaires, c’est celle qui se rattache aux intérêts des classes nécessiteuses de la société, et, précisément à l’égard de cette loi, le ministère n’entre dans aucun détail.
Quelles mesures le cabinet entend-il prendre pour venir efficacement au secours des Flandres ? Le paupérisme, cette lèpre qui dévore une partie de notre pays, quel remède y apportera-t-il ?
Nous avons toujours pensé, messieurs, que le meilleur moyen de venir au secours des classes nécessiteuses était de réformer notre système d’impôts. Le ministère nous annonce-t-il quelques améliorations ? Lorsque nous sommes en sections, pour discuter le budget des voies et moyens, on nous dit : Il faut bien voter cette année encore le budget, on ne peut pas refuser les subsides nécessaires à la marche du gouvernement ; mais on s’occupera de la réforme des impôts l’année prochaine. Eh bien, dans le discours du trône que nous dit-on ? Nous laisse-t-on entrevoir quelques changements pour l’année prochaine ? Rien, absolument rien. C’est la classe nécessiteuse qui continue à payer à la décharge de la classe aisée. Toujours les mêmes injustices !
Mais à côté du paupérisme, messieurs, vous avez le monachisme. On fait arrêter et conduire au dépôt de mendicité, après les avoir condamnés correctionnellement, des gens qui mendient leur pain, forcés qu’ils y sont pour ne pas mourir de faim ; et nous avons des ordres mendiants, des capucins, des moines gris, des moines blancs, rouges ou noirs, que sais-je ? Je serais curieux de savoir comment on tolère le délit de mendicité commis avec ostentation pas les moines de toute couleur, alors qu’on condamne la mendicité dans le chef d’un malheureux père de famille qui souvent cache sa misère ? Il y a donc deux poids et deux mesures ; le ministère favorise le monachisme et tarit ainsi les sources de la bienfaisance.
J’aurais, messieurs, beaucoup d’autres observations à faire encore ; mais je veux suivre l’exemple de mes honorables collègues en abrégeant la discussion, et je termine par un dernier mot.
On a félicité la commission d’adresse de n’avoir pas mis dans son projet un seul mot d’approbation pour le ministère, et pour mon compte j’en félicite également la commission. Mais l’honorable M. de Theux ne se plaint, pas de ce silence assez significatif, cependant ; d’après lui, cette omission est dans les usages parlementaires, et s’il en avait été autrement, il pense fermement que la commission tout entière lui aurait donné des marques de sympathie.
Illusion, M. le ministre ! Je voudrais bien savoir comment la commission d’adresse, dans laquelle figurent au moins trois membres qui ont refusé dans une circonstance solennelle leur confiance an ministère, aurait pu placer dans l’adresse une phrase impliquant une approbation quelconque pour le ministère ? Ces messieurs se seraient mis en contradiction avec eux-mêmes ?
Comment M. Dedecker aurait-il jamais consenti à donner son adhésion au cabinet, lui qui, au moment même de son avènement, avait déclaré que la formation du cabinet de Theux était un anachronisme, sinon un défi ?
(page 41) - La séance est levée à 4 heures et demie.