(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 1469) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Coulon, capitaine pensionné, prie la chambre de statuer sur sa réclamation contre une décision du ministre de la guerre qui refuse de lui tenir compte de ses services civils, dans la liquidation de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres de l'administration et des propriétaires de la commune de Bevere demandent la construction d'un canal de décharge du haut au bas Escaut, de Meirelbeke à Melle et des rectifications au haut Escaut, en amont de Gand jusqu'à Audenarde. »
- Dépôt sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi sur le canal de dérivation des eaux de la Lys.
« Plusieurs habitants de Bruxelles, intéressés dans l'industrie du pelage et du mondage du riz, demandent le rétablissement de la loi du 25 juillet 1844 et subsidiairement des modifications à la loi du 24 septembre 1845, en faveur de l'industrie du riz. »
M. de Renesse. - Plusieurs industriels réclament, dans l'intérêt 'de l'industrie du pelage et du mondage du riz contre la prorogation de la loi du 24 septembre 1845, en ce qui a rapport au riz.
L'industrie du pelage et du mondage du riz, protégée par la loi du 25 juillet 1844, avait pris en Belgique un assez grand développement, et enrichissait le pays d'une main-d'œuvre considérable, lorsque la loi du 24 septembre 1845 y est venue lui porter un coup fatal.
Les pétitionnaires pensent, que les craintes qui ont nécessité la loi du 24 septembre l845 ne peuvent plus exister actuellement.
Les nombreux approvisionnements de riz qui se trouvent encore à Anvers et qui, d'après les dernières revues commerciales, dépassent 3,600,000 kilog., empêcheront le. pays de manquer de cette denrée ; ils demandent, en conséquence, que la chambre veuille accorder à cette industrie nationale, procurant de l'ouvrage à la classe ouvrière, la protection dont elle jouissait en vertu de la loi du 25 juillet 1844, ou au moins modifier celle du 24 septembre 1845, en ce qui concerne l'industrie du riz.
J'ai l'honneur de proposer à la chambre, en appuyant la demande des pétitionnaires, de vouloir ordonner le renvoi de la pétition à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi, du 24 septembre 1845.
M. le président. - Je dois faire observer que la commission a terminé son rapport sur le projet de loi relatif aux denrées alimentaires ; et qu'il faudrait la réunir pour cet objet.
M. de Renesse. - Je crois devoir insister, pour que la pétition de MM. les industriels, qui réclament contre la prorogation de la loi du 24 septembre 1845, soit renvoyée à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi qui doit proroger ladite loi du 24 septembre 1845 : il me semble que l'industrie du pelage et du mondage du riz, qui procure du travail à la classe ouvrière, a assez d'importance pour que l'on examine la requête adressée à la chambre ; la section centrale pourrait examiner s'il n'y aurait pas lieu d'introduire un amendement au projet de loi, pour permettre l'entrée libre du riz en paille, et imposer le riz travaillé, dans la proportion de la loi du 24 juillet 1844.
M. Manilius. - Puisque la commission a terminé son travail, je pense que ce qu'il y a de mieux a faire, c'est de déposer la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi. J'en fais la proposition.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
« Le sieur Hembrechts, locataire de l'Hôtel du Grand Faucon, à Bruxelles, dont une partie est emprise dans la construction des galeries de Saint-Hubert, réclame l'intervention de la chambre pour être maintenu dans les droits qui lui ont été reconnus par les tribunaux, de jouir, jusqu'à l'extinction de son bail, de la parue de l'hôtel non emprise dans l'exécution du plan des galeries. »
M. Delfosse. - Cette pétition présente un caractère urgent ; il s'agit d’expropriation pour cause d’utilité publique. Je demanderai que la commission veuille bien faire un très prompt rapport.
- La pétition est renvoyée a la commission avec invitation de faire un très prompt rapport.
M. de Garcia demande un congé pour cause de santé.
- Accordé.
M. Vifquain adresse à la chambre un exemplaire de son mémoire, relatif à la construction d'un chemin de fer atmosphérique du Bruxelles à Louvain. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Les tanneurs de Stavelot demandent des modifications à la loi des droits différentiels pour ce qui concerne les cuirs des îles. »
M. David. - Messieurs, dans la position douloureuse où se trouve aujourd'hui le représentant de Stavelot, M. Vandensteen, il n'a pu lui-même présenter la pétition qui est sous vos yeux ; il m'a chargé toutefois, avant de quitter la chambre, et même le pays, pour quelque temps, d’appuyer cette pétition, et de demander qu'elle soit renvoyée à la commission d'industrie, avec prière de faire un prompt rapport.
Messieurs, il y a des griefs véritablement incroyables dans la loi des droits différentiels, relativement, à l'importation des cuirs sauvages. Les cuirs sauvages, messieurs, fournissent l'aliment d'une des industries les plus importantes de la Belgique.
Il y a quelques jours, messieurs, une semblable requête, je le confesse, est passée inaperçue devant moi ; elle émanait des tanneurs de Neufchâteau ; toute l'industrie de la tannerie belge, frappée dans ses intérêts, fera la même réclamation. Je suis sûr que Namur, Louvain, Liège, et toutes les autres contrées de quelque importance, se joindront à ma voix pour obtenir une modification dans la loi des droits différentiels sur un point aussi préjudiciable à la Belgique.
La tannerie belge est aujourd'hui en défaveur d'environ.4 p. c., comparativement à la tannerie du Zollverein. Le Zollverein a absorbé tous nos débouchés et ne nous a laissé que les ports hanséatiques, le Danemark, la Suède, où ses 4 p.c. d'avance par les droits différentiels aident à nous battre, et ces 4 p. c, messieurs, nos voisins les trouvent par nos ports mêmes, pour les étrangers, pendant que les indigènes souffrent et se verront peut-être bientôt débordés chez eux-mêmes par l'industrie de ces propres étrangers, qui de toutes parts nous repoussent de plus en plus.
Cette question, messieurs, la question de la tannerie, n'est pas assez connue par la chambre. Je me réserve d'y revenir après l'étude qu'aura faite la commission d'industrie, dont j'ai l'honneur de faire partie, et alors j'entrerai dans les développements qu'elle comporte.
Je demanderai que la commission permanente d’industrie fasse au plus tôt l'examen de la réclamation des tanneurs de Stavelot. Cette réclamation ne se borne pas à l'article cuirs ; elle fait ressortir les faveurs qui ont été accordées au Zollverein, pour l'exportation de ses écorces ; enfin elle prouve que la position de cette industrie est insoutenable, en présence de ses débouches, à l'extérieur, qui déjà ne sont devenus que trop faibles.
Je n'en dirai pas davantage pour le moment ; j'attendrai que la commission ait éclairé la chambre par son rapport ; je demande seulement que la commission permanente d'industrie soit invitée à faire un prompt rapport.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
Première section
Président : M. de Garcia
Vice-président : M. Lejeune
Secrétaire : M. Veydt
Rapporteur des pétitions : M. de Saegher
Deuxième section
Président : M. Coppieters
Vice-président : M. Dubus (aîné)
Secrétaire : M. Kervyn
Rapporteur des pétitions : M. Simons
Troisième section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. de Renesse
Secrétaire : M. Lesoinne
Rapporteur des pétitions : M. Zoude
Quatrième section
Président : M. Osy
Vice-président : M. Vanden Eynde
Secrétaire : M. Orban
Rapporteur des pétitions : M. Henot
Cinquième section
Président : M. Duvivier
Vice-président : M. Goblet
Secrétaire : M. de Mérode
Rapporteur des pétitions : M. de Bonne
Sixième section
Président : M. Sigart
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Van Cutsem
Rapporteur des pétitions : M. de Roo
M. Brabant., rapporteur. - La commission, que vous avec chargée de l'examen du projet de loi présenté à la séance d'avant-hier par M. le ministre de l'intérieur, tendant à proroger la loi du 24 septembre 1845 relative aux denrées alimentaires, conclut à l'unanimité à l'adoption du projet du gouvernement. La commission a reçu communication des analyses des opinions des députations permanentes des conseils provinciaux, des commissions provinciales d'agriculture et des chambres de commerce. L'expos des motifs indique le nombre des opinions qui ont été favorables au projet et le nombre de celles qui ont été contraires à ce projet.
La commission n'a pas cru nécessaire de faire imprimer ces analyses, elle en propose simplement le dépôt sur le bureau pendant la discussion.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué ; à quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le sénat se réunira jeudi, je désirerais que cet objet pût être discuté et voté avant cette époque, le sénat pourrait s'en occuper immédiatement. Je proposerai de mettre ce projet à l'ordre du jour de mardi.
M. Osy. - L'objet mis à l'ordre du jour de mardi par la chambre est la loi sur les sucres. Si nous pouvions finir la discussion du projet de loi relatif (page 1470) à la dérivation des eaux de la Lys demain, nous pourrions discuter samedi les deux lois de crédit et le projet de loi relatif aux denrées alimentaires ; nous pourrions ainsi commencer mardi la discussion de la question des sucres, comme la chambre l'a déjà décidé.
M. David. - Le chemin de fer du Luxembourg a la priorité, je demande que l'ordre du jour qui a été réglé soit maintenu.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je crois que la loi des céréales, dont l'urgence est reconnue de tout le monde, doit primer tous les autres objets. J'appuie la proposition de l'honorable M. Osy de mettre ce projet à l'ordre du jour de samedi.
M. le président. - La loi sur les sucres ne peut pas être discutée avant le 2 juin, d'après la résolution prise par la chambre.
M. Pirmez. - On veut mettre à l'ordre du jour de samedi le crédit demandé pour la monnaie ; ce crédit a pour objet de se procurer des ustensiles ou matériel d'affinage. Nous sommes saisis d'un projet de loi sur la fabrication de la monnaie qui doit être discuté avant, car si cette loi n'était pas adoptée, il pourrait arriver que le crédit ne fût pas nécessaire.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Le crédit que j'ai demandé pour l'augmentation du matériel et des locaux de la Monnaie est nécessaire indépendamment de la discussion de la loi relative à la monnaie d'or, et se trouve déjà à l'ordre du jour ; je demande qu'il y soit maintenu. Je me proposais, lorsque la discussion de cette motion sera terminée, d'en faire une autre relativement au projet qui concerne la fabrication de la monnaie d'or.
Quand la chambre aura statué sur l'ordre du jour, je demanderai la parole au sujet de ce projet de loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Osy : je me joins à lui pour demander la mise à l'ordre du jour, après la discussion du projet de loi concernant le canal de dérivation.
M. David. - Je ne puis m'empêcher d'insister sur l'observation si juste de l'honorable M. Pirmez. Il y a un projet de loi sur la monnaie. Vous allez décider que vous achèterez le matériel nécessaire pour faire de la monnaie, avant de décider que vous ferez de la monnaie.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - En ce moment, il ne s'agit pas de cela.
- La chambre consultée met la discussion du projet de loi concernant les denrées alimentaires après le projet de loi relatif au canal de dérivation des eaux de la Lys.
M. le président. - La parole est à M. Pirmez sur la mise à l'ordre du jour du projet de loi concernant la fabrication de la monnaie d'or.
M. Pirmez. - On nous présente un projet de loi sur la fabrication de la monnaie d'or et un autre pour nous procurer des instruments d'affinage. Celui sur la fabrication de la monnaie d'or doit évidemment avoir la priorité. Ou bien ce crédit ne concerne pas la fabrication de la monnaie d'or. C'est ce qu'il faut établir. S'agit-il donc de l’affinage de l'argent ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Le projet de loi tend à accorder au gouvernement un crédit de 80,000 fr. pour augmentation du matériel et des locaux de la Monnaie. Ce crédit sera nécessaire dans toutes les hypothèses et quelle que puisse être la décision de la législature sur le projet de loi concernant la fabrication de la monnaie d'or.
M. Pirmez. - C'est ce qu'il faut voir.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Assurément. Mais pour le voir, il faut discuter. C'est pour qu'il soit discuté que je demande la mise à l'ordre du jour.
Quant à la fabrication de la monnaie d'or, la chambre est saisie d'un projet de loi qui date de 1837 et sur lequel l'honorable M. Cogels a fait un rapport. J'ai déjà eu l'occasion de déclarer à la chambre qu’avant de demander la mise à l'ordre du jour du projet de 1837, j’avais institué une nouvelle commission. Cette commission a examiné, d'après l'état actuel des faits, les questions relatives à la fabrication de la monnaie d'or. Elle m'a remis son rapport, il y a quelques jours. J'ai l'honneur de le déposer sur le bureau.
Je prie la chambre d'en ordonner l'impression.
L'honorable rapporteur de la commission qui a examiné le projet de 1837, ayant cessé de faire partie de la chambre, je pense que les membres restants de la commission, pourront se réunir et nommer un rapporteur chargé de soutenir la discussion, au nom de la commission qui a terminé ses travaux. C'est ce qui a été fait en d'autres circonstances, notamment pour la loi relative aux entrepôts.
Je reconnais, messieurs, que quelques jours peuvent être nécessaires pour l'examen du projet primitif, du rapport de l'honorable M. Cogels, et du rapport de la commission nouvelle que je dépose aujourd'hui sur le bureau de la chambre. Je proposerai donc de mettre la loi relative à la fabrication de la monnaie d'or à l'ordre du jour à la suite des projets qui s'y trouvent déjà.
M. David. - Joignez-y le projet relatif au crédit de 80,000 fr.
M. le ministre des finances (M. Malou). - C’est-à-dire à la suite du projet de loi relatif aux sucres qui occupera probablement assez longtemps la chambre.
Je ne demande pas qu'on joigne les deux projets parce que, je le répète, le crédit pour l'amélioration de la monnaie est nécessaire en toutes hypothèses, et je dirai plus, il est urgent. Le sénat se réunira probablement la semaine prochaine, et s'il n'est pas saisi dans cette réunion du projet relatif au crédit, les travaux seront beaucoup plus longtemps différés ; on perdra une plus grande partie de la saison utile pour des travaux d'appropriation.
Le projet ne serait voté que vers la fin de la session, et c'est ce que je désire éviter. Le matériel de la monnaie, les locaux sont dans un état tel que, dût-on même se borner à fabriquer de la monnaie d'argent, la dépense de 80.000 fr. est nécessaire.
M. Lebeau. - Il me semble cependant que l'objection de l'honorable M. Pirmez est parfaitement fondée et reste debout. M. le ministre n'y a pas répondu. Si M. le ministre pouvait nous dire qu'en tout état de cause, et alors même qu'il ne s'agirait pas de faire de la monnaie d'or, le projet de loi déjà à l'ordre du jour aurait encore son caractère d'utilité, que le crédit à allouer devrait encore être de 80,000 fr., je comprendrais qu'on passât outre à l'objection. Mais, M. le ministre nous dit que le crédit est demandé dans la prévision que l'on fabriquera de la monnaie d'argent et de la monnaie d’or, alors que le projet de loi qui avait pour objet de faire fabriquer de l'or, est repoussé par la section centrale, qui ne voit pas l'utilité pour le pays d'avoir une monnaie d'or, ou tout au moins qui subordonne la fabrication de cette espèce de monnaie à un changement complet de notre système monétaire.
Je crois, messieurs, que dans cette situation l'honorable M. Pirmez a parfaitement raison de dire qu'il y a quelque chose d'illogique à vouloir préjuger la question de la fabrication de la monnaie d'or par une loi qui doit embrasser tous les genres de fabrication.
Si vous pouviez établir qu'alors même qu'il ne s'agirait pas de fabriquer de l'or, le crédit est indispensable, vous aurez raison ; mais sans cela, c'est, permettez-moi l'expression, mettre le char avant les bœufs.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Les observations qui viennent d'être présentées m'obligent à renouveler la déclaration que j'ai faite.
Le crédit de 80.000 fr. a été demandé pour approprier les locaux de la Monnaie et pour renouveler en partie le matériel, et ce crédit est nécessaire, quelle que soit la décision qui sera prise sur la fabrication de la monnaie d'or. En d'autres termes, la chambre vînt-elle à décider qu'il n'y a pas lieu de fabriquer de la monnaie d'or, encore serait-il nécessaire d'approprier les locaux et d'améliorer le matériel, de manière à pouvoir fabriquer convenablement de la monnaie d'argent et de la monnaie de cuivre.
Un membre. - Vous parlez d'affinage.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Mais quand même on ne fabriquerait pas de monnaie d'or, on aurait besoin d'un établissement d'affinage.
La Monnaie dans son état actuel ne peut suffire pour fabriquer des pièces d'argent.
Les honorables membres qui ont lu probablement l'exposé des motifs du projet et le rapport de la section centrale admettront, je l'espère, que le crédit demandé est nécessaire indépendamment de la décision que l'on prendra quant à la monnaie d’or.
M. Lebeau. - Il en faudra un second.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Mais non, on crée un affinage et on le crée de manière à suffire aux besoins futurs de la Monnaie. Mais cet affinage servira en même temps s'il y a lieu à la fabrication de l’or et de l’argent, et si l'on décide qu'il ne sera pas fabriqué de la monnaie d’or, il servira pour la fabrication de la monnaie d'argent.
Si j'insiste, messieurs, pour le maintien de l'ordre du jour tel qu'il est fixé, c'est parce qu'il résulterait d'un changement, un long retard que je tiens à éviter. Il est plus que temps que l'on puisse mettre la main à l'œuvre pour donner à la Monnaie nationale l'activité qu'elle n'a pas eue jusqu'à présent.
M. Lejeune. - Je n'ai qu'un seul mot à ajouter, en réponse à l'observation de l’honorable M. Lebeau, c'est que le projet de loi présenté est accompagné d'une convention par laquelle le directeur de la fabrication s'oblige à mettre en activité dans le délai de 3 mois, à dater de la publication de la loi proposée, la fabrication de la monnaie d'argent. Or cette fabrication est entièrement indépendante de la décision que la chambre prendra sur la fabrication de la monnaie d'or.
M. Dumortier. - J'entends parler encore d'une nouvelle dépense de 80,000 fr., pour la monnaie, mais puisque la monnaie se fabrique au bénéfice du directeur, il me semble que les frais relatifs à cette fabrication sont à la charge du directeur.
M. le président. - C'est le fond.
M. Dumortier. - Je ne voulais faire que cette seule observation.
M. le président met aux voix la proposition de M. Pirmez, tendant à distraire de l’ordre du jour le projet de loi qui accorderait au gouvernement un crédit supplémentaire de 80,000 fr. ; elle n'est pas adoptée.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai demandé en même temps que l'on mît à l'ordre du jour le projet de loi sur la fabrication de la monnaie d'or, à la suite du projet de loi concernant les sucres.
Un membre. - N’aura-on pas enfin le rapport sur le budget de la guerre ?
M. le président. - M. le rapporteur est absent jusqu'à la fin de la semaine.
M. Manilius. - Je remarque, messieurs, qu'on enfle tellement l'ordre du jour que nous allons arriver très avant dans le mois de juin sans nous être occupés du traité avec la France. Je crois qu'au lieu de mettre à tous moments de nouveaux objets à l'ordre du jour, nous devrions inviter la section centrale à hâter un peu son travail et à vouloir présenter son rapport dans le plus bref délai, car c'est là un projet de la plus grande urgence, qui doit certes passer avant le projet de loi sur la fabrication de la monnaie d'or et autres projets qu'on pourrait mettre à l'ordre du jour en ce moment.
(page 1471) Je demanderai que M. le président ou un membre de la section centrale veuille bien nous dire si nous serons bientôt saisis du rapport sur le traité avec la France.
M. d’Elhoungne. - Je puis répondre à l'interpellation de mon honorable ami M. Manilius, que la section centrale chargée de l'examen du traité avec la France ne peut avancer que très lentement dans cet examen ; cette lenteur provient de ce que M. le ministre des affaires étrangères a été constamment en retard de fournir à la section centrale les communications qu'elle lui a demandées et même souvent d'assister à ses réunions. Si donc l'examen de ce projet n'avance pas et si le rapport n'est pas même commencé, ce n'est pas la faute de la section centrale.
M. Manilius. - Je demanderai que M. le président veuille bien inviter M. le ministre des affaires étranger s à ne pas retarder ce travail par ses absences. Il me semble que la chambre pourrait très raisonnablement faire une semblable invitation. Il est assez singulier que M. le ministre agisse, comme vient de le révéler un honorable membre de la section centrale et qu'il se fasse désirer en quelque sorte à la section centrale. La révélation de notre collègue est une espèce d'accusation contre M. le ministre des affaires étrangères ; je ne veux pas, quant à présent, m'étendre davantage là-dessus ; je me borne à prier M. le président d'inviter M. le ministre à être un peu plus actif.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je regrette que ces observations soient faites en l'absence de M. le ministre des affaires étrangères...
Un membre. - Il est toujours absent.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, lorsque j'ai demandé la mise a l'ordre du jour du projet de loi relatif à la monnaie d'or, c'était sans préjudice d'autres objets plus urgents. Si le rapport sur la convention conclue avec la France était fait, avant que la chambre abordât la loi sur la monnaie, je demanderais moi-même la priorité pour la discussion de la convention ; sous cette réserve, je persiste dans ma proposition.
M. David. - Messieurs je suis souvent d'accord avec les honorables membres des Flandres qui viennent de prendre la parole, mais celle fois je dois manifester un vœu contraire au leur ; car s'ils ont un grand intérêt à voir arriver le plus tôt possible une discussion, dans laquelle ils croient à un triomphe certain, nous avons, nous, un intérêt tout aussi fondé, tout aussi grave, à retarder cette discussion ; et je vous avoue, messieurs, que si jamais j'ai su gré à M. Dechamps d'une chose, c'est de la circonstance de le trouver absent de cette enceinte dans ce moment-ci.
- La chambre consultée met le projet de loi sur la monnaie d'or à l'ordre du jour après la loi des sucres.
M. le président. - Il est parvenu au bureau un amendement dont je vais donner lecture à la chambre :
« Pour le cas de rejet de l'amendement proposé par MM. Delehaye, d'Elhoungne, Manilius et Lesoinne, j'ai l'honneur de proposer :
« L'ajournement du projet de loi, jusqu'à l'achèvement d'une enquête administrative, ayant pour objet de rechercher quelles seront, pour la Flandre occidentale, les conséquences de l'ouverture du canal de Deynze à Schipdonck, construit isolément, sous le rapport :
« l° De l'ensablement du port d'Ostende ;
« 2° De la navigation sur les canaux de cette province ;
« 3° De réparations à faire à ces canaux ;
« 4° De l'écoulement des eaux des terres basses. »
La parole est à M. Donny, pour développer son amendement.
M. Donny. - Messieurs, M. le ministre des travaux publics vous a dit que si la proposition faite par les honorables MM. Delehaye, d’Elhoungne, Manilius et Lesoinne était adoptée, il proposerait alors l'ajournement du projet de loi. Je viens proposer ce même ajournement pour le cas contraire, pour le cas où l'amendement proposé par ces quatre honorables membres ne serait pas adopté.
M. le ministre a justifié sa manière de voir, en s'appuyant sur des considérations d'économie qui pour moi, je l'ai déjà dit, sont sans valeur ; moi, j'appuie ma proposition d'ajournement sur des considérations qui me paraissent mériter toute l'attention de la chambre ; et les voici :
Si l'on adopte l'amendement des honorables membres dont je viens de parler, c’est-à-dire la construction d'un canal qui, prenant les eaux de la Lys à Deynze, va les jeter directement dans la mer, le fond de l'affaire est suffisamment instruit ; car il doit être a présent certain pour tout le monde, d'un côté, que cette mesure sera efficace pour débarrasser le pays du fléau des inondations et, d'un autre côté, que ces travaux ne peuvent causer de tort à aucune localité, à aucun intérêt belge quelconque.
Mais si l’on rejette cet amendement et si l'on veut se borner à construire le canal du Deynze à Schipdonck, à prendre les eaux à la Lys et à les jeter, non pas dans la mer, mais dans les canaux de Gand et de Bruges, alors l'affaire n'est plus instruite ; l’instruction en est ou nulle ou tellement incomplète qu'il est impossible à la majorité de la chambre de décider en pleine connaissance de cause, s'il faut, oui ou non, exécuter le projet ; et je vais vous le prouver.
En présence du projet primitif du gouvernement, des amendements de la section centrale dont le gouvernement accepte les uns et rejette les autres ; en présence des quatre, cinq ou six rapports différents, quelquefois contraires, qu'on nous a communiqués ; en présence d'une quarantaine de réclamations qui nous sont parvenues, nous avons tout d'abord à nous occuper de trois questions.
Première question. Quel est le but qu'on se propose ?
Deuxième question. Quels sont les moyens les plus propres à atteindre ce but ?
Troisième question. Les moyens qu'on veut employer sont-ils, oui on non, de nature à blesser considérablement d'autres intérêts belges ?
Eh bien, messieurs, aucune de ces trois questions n'est instruite de manière à jeter la moindre lumière dans nos esprits.
Quel est le but qu'on se propose ? Je vous l'ai déjà dit, la commission de 1841 veut débarrasser le pays du fléau de l'inondation, et, je suis charmé de pouvoir le constater, la section centrale se propose le même but ; car ja vois, à la page 13 de son rapport, qu'elle est d'avis que, pour remédier aux inondations du haut Escaut et de la Lys, il faut faire tels et tels travaux qu'elle propose.
Le conseil des ponts et chaussées a un autre but : il veut faciliter l'écoulement des crues de la Lys, et dégager autant que possible la ville de Gand.
Le gouvernement a un but plus restreint encore, ou mieux un but plus vague : il veut obtenir au moyen de la construction du canal de Deynze à Schipdonck une amélioration sensible.
Vous le voyez, messieurs, à l'exception de l'accord qui règne sur ce point entre la section centrale et la commission de 1841, tout le monde se propose ici un but différent. Quel est celui que la chambre doit se proposer ? Elle ne peut le savoir qu'à la suite d'une instruction complémentaire.
Quant au moyen, le projet primitif du gouvernement nous proposait simplement l'ouverture du canal de Deynze à Schipdonck. Pour le conseil des ponts et chaussées, cela ne suffit pas ; il faut et le canal de Deynze à Schipdonck et le recreusement du Moervaert ; pour la section centrale, cela ne suffit pas encore ; il lui faut, et le canal de Deynze à Schipdonck, et le recreusement du Moervaert et d'autres travaux pour rectifier le cours de l'Escaut. Dans le premier système de la commission de 1841, tout cela est inutile, si l'on ne construit pas le canal de Schipdonck à la mer.
Maintenant, si l'on ne fait pas une instruction complémentaire, où puiseriez-vous les éléments de conviction pour décider quels sont les moyens qu'il faut employer ; quels sont les moyens vraiment efficaces ?
La troisième question est surtout celle où l'instruction est incomplète. Le gouvernement n'a rien fait pour instruire cette question : c'est-à-dire pour rechercher jusqu'à quel point la construction du canal de Deynze à Schipdonck, faite isolément, peut causer préjudice à d'autres intérêts belges. La section centrale a fait quelque chose ; elle a examiné les pétitions qui lui ont été envoyées ; mais par une erreur que j'ai été le premier à excuser, et dont elle est déjà plus ou moins convaincue, la section centrale n'a pas fait sur ces réclamations une instruction satisfaisante et complète.
Quant à MM. les ingénieurs, il y en a de très recommandables, je rends justice à leurs lumières, à leur expérience, à leurs talents, qui sont d'avis que la construction du canal de Deynze à Schipdonck, faite isolément, ne causera aucun préjudice à la Flandre occidentale, à la navigation. Mais par contre, il y a un autre ingénieur dont l'opinion mérite aussi de fixer l'attention de la chambre, un ingénieur qui depuis 30 ans a fait une étude spéciale de la situation hydraulique de la Flandre occidentale, et cet ingénieur, M. Forret, loin de penser que la construction isolée du canal de Deynze à Schipdonc k ne causera aucun préjudice à la Flandre occidentale, regarde ces travaux comme une espèce de calamité pour cette province.
Je vais à cette occasion me permettre de vous lire la fin d'un rapport adressé par cet honorable ingénieur à M. le gouverneur d la Flandre occidentale ; rapport que je trouve à la page 35 de la section centrale.
« Si l'abondance des eaux des affluents des deux canaux rend très difficile leur défaite à la mer, elle aggrave de plus les conditions de la navigation et empêche les chasses au port d'Ostende.
« Pendant les grandes eaux, il est impossible de faire port ni à Bruges ni à Slykens, et en outre, la condition de décharge de toutes les eaux qui doivent se déverser dans l'arrière-port d’Ostende s'en trouve empirée considérablement, parce que les évacuations du canal d’Ostende empêchent cet arrière-port de tomber assez bas pour les recevoir d'une manière efficace. Les eaux des wateringues de Blankenberg, Camerlinckx, etc, sont dans ce cas.
« L'évacuation des affluents beaucoup plus élevés, des deux canaux, domine toutes les autres et notamment celle des deux du nord de Bruges, puisqu'il est établi par les faits que se sont reproduits cet hiver, qu'elles n'ont pu trouver d'issue sur le canal d'Ostende lorsque celui-ci était livré à ses affluents.
« L'achèvement du canal de Zelzaete, en permettant de recevoir les eaux du nord de Bruges et de ne plus baisser à cet effet celui d’Ostende ne changera donc rien, quoi qu'on en ait dit, au régime que ses affluents font à ce dernier canal.
« Quant aux ouvrages qui s'exécutent autour de Nieuport, ils ont pour but de rendre la navigation du canal de Plasschendaele à Nieuport indépendante de l'évacuation des eaux des wateringues de Camerlinckx et de Vladsloo en tout temps. et de la rivière l'Yser en temps de crue extraordinaire, d'une part, par le creusement d'un canal d'évacuation ayant issue par l'écluse de la province, et d'autre part, par le recreusement de la branche orientale de l'Yser, ayant issue par l'écluse de Nieuwendamme. Mais ces ouvrages ne permettront nullement au canal de Plasschendaele, qui, comme ceux de Gand et d'Ostende, a ses affluents à desservir, de recevoir par le canal d'Ostende de la cote d'eau duquel il participe, une partie des eaux de la Lys.
(page 1472) « Je conclus de ce qui précède, M. le gouverneur, que les canaux de Gand et d'Ostende, en temps de crue, reçoivent plus d'eau, pour ainsi dire, qu'ils n'en peuvent porter. J'ajouterai que le projet de mettre l'Eede dans la Lieve, laquelle se jette dans le canal de Bruges à l'Ecluse viendra combler la mesure du canal d'Ostende. Je suis donc fondé à me prononcer contre le canal de Deynze à Schipdonck qui compliquerait d'une manière excessivement fâcheuse le régime des deux canaux, en leur amenant plus directement, et par conséquent en moins de temps et en plus grande abondance, les eaux de crue de la Lys. lorsqu'ils sont déjà surchargés par leurs affluents, ce qui aurait pour conséquences :
« 1° D'éterniser les crues dans les deux canaux aux moindres pluies torrentielles ;
« 2° De les exposer beaucoup plus souvent qu'aujourd'hui à des débordements.
« Et les corollaires de ces conséquences seraient :
« 1° De porter plus fréquemment entrave à la navigation, et
« 2° D’empirer les conditions d'évacuation des eaux qui trouvent aujourd'hui leur décharge dans l'arrière-port d'Ostende et empêchent les chasses audit port.
« Exécuter le canal projeté de Deynze à Schipdonck, pour y jeter les eaux surabondantes de la Lys dans le canal de Gand, serait rendre en quelque sorte calamiteuses les terres d'environ le quart de la province. A mon avis, ce canal ne cesserait d'être nuisible à la Flandre occidentale qu'au moment où on l'isolerait du canal de Gand, en donnant suite au projet émis, mais non encore soumis à l'examen de la législature, de lui créer une voie d'évacuation directe à la mer vers Heyst par le creusement ad hoc, d'un prolongement dans ce but. »
Messieurs, je n'ai pas lu le rapport de l'honorable M. Forret pour écarter complétement de la discussion l'opinion des autres ingénieurs dont j'ai parlé, mais j'ai principalement fait lecture de ce rapport pour faire voir que sur une des questions les plus importantes, la plus importante peut-être que soulève le projet, les ingénieurs ne sont pas d'accord entre eux, qu'ils diffèrent du tout au tout, qu'ils sont en divergence complète. Comment oserez-vous prononcer entre eux, sans être éclairés par une instruction spéciale ? Ne vous a-t-on pas dit hier, tout en appuyant le projet en discussion, qu'en matière de travaux hydrauliques les ingénieurs sont seuls compétents et que nous le sommes très peu ?
J'ajouterai encore un mot : on a tout fait pour instruire la question au point de vue des intérêts de la Flandre orientale ; rien n'a été négligé ; jetez les yeux dans la salle des conférences, vous y verrez une carte monstre couvrant toute la muraille, auprès de laquelle on a dû mettre une échelle pour en rendre l'examen possible. Je suis loin de blâmer ce soin, je félicite ceux qui en ont eu l'idée, c'est la véritable manière d'éclairer la question. Mais je demanderai ce qu'on a fait pour instruire la question au point de vue des intérêts de la Flandre occidentale. Non seulement on n'a pas fait de carte monstre, mais on n'a rien fait ; c'est un motif de plus pour que la chambre prononce l’ajournement du projet, si tant est qu'elle n'adopte pas l'amendement proposé par quatre honorables collègues et ne décrète, au moins en principe, la construction du canal de Deynze à Heyst.
M. de Villegas. - A la fin de la séance d'hier l'honorable M. Dumortier a porté la question sur son véritable terrain. Je m'y placerai à mon tour pendant quelques instants, et je tâcherai de faire ressortir les principales considérations qu'il a fait valoir.
Un arrêté ministériel du 20 juillet 1841 institue une commission chargée de présenter au département, des travaux publics un rapport sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour remédier aux inondations extraordinaires des rives du haut Escaut.
Comment a-t-on procède dans le sein de cette commission ? On pose la question suivante : « Pour faciliter l'écoulement des eaux de l'Escaut et remédier aux inondations intempestives, sera-t-il construit un canal de décharge destiné à déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut, près de Gand ? »
Cette proposition a été adoptée par 6 voix contre 3. On devait donc s'attendre à une exécution conforme à ce vote. Mais il n'en a pas été ainsi. Une discussion s'élève sur la question de savoir si, dans l'exécution des travaux, on doit donner la priorité au canal de décharge de l'Escaut à côté de Gand, ou au canal à construire de la Lys à Deynze, vers la mer du Nord. Le croirait-on ? la demande de priorité a été résolue contre nous, et la commission a décidé qu'il fallait commencer par exécuter le canal de Deynze à Schipdonck.
Je crois qu'en agissant ainsi l'intérêt général a été sacrifié à un intérêt de localité. La ville de Gand n'a- t-elle pas combattu la priorité à donner aux travaux à exécuter sur l'Escaut, parce qu'elle craignait que le canal de dérivation de Zwynaerde à Melle ne devînt un canal de navigation. Cette crainte a été manifestée par quelques membres de la commission, car je lis à la page 68 du rapport les phrases suivantes :
« Un membre de Tournay a même formellement proposé l'exécution de ce canal, préalablement à tous autres quelconques ; il s'est appuyé principalement, d'abord sur les considérations que nous venons d'énoncer, et ensuite, sur ce qu'il y voyait un moyen de coercition envers la ville de Gand, pour en obtenir la diminution des droits qu'elle perçoit sur la navigation, pour la traversée de son territoire.
« Cette dernière considération a paru suffire à d'autres membres de la commission, pour qu'ils y vissent l'intention avouée de l'honorable auteur de la proposition, d'attribuer l'idée d'un canal de navigation au canal de jonction dont il demandait la construction, en laissant Gand de côté, préalablement à celle de tout autre ouvrage. Ils ont donc cru devoir repousser cette proposition de toutes leurs forces, et ont fait remarquer que d'ailleurs les péages perçus sur tout le bassin de Gand étaient très minimes. »
Ne serait-ce pas le secret de l'opposition qui s'est élevée contre la construction du canal de Zwynaerde à Melle ? Qu'on le dise franchement, et nous pourrons facilement dissiper les craintes que la ville de Gand a conçues.
En sanctionnant la priorité donnée au canal de Deynze par la présentation du projet de loi soumis à nos délibérations, le gouvernement a commis une injustice et a posé un acte formellement contraire au but qu'il a voulu atteindre en instituant une commission.
En effet, il est incontestable que le canal de Deynze ne soulage pas le haut Escaut. En voulez-vous la preuve, messieurs ? Je la trouve d'abord dans les discours des honorables membres qui se déclarent les partisans du canal de Deynze à Schipdonck, et qui prétendent que les eaux du haut Escaut ne peuvent pas descendre jusqu'à Gand. En second lieu, le rapport de l'honorable M. Desmaisières complète cette preuve. Voici ce qu'on y lit à la page onzième :
« Le peu de pente du lit du fleuve et les grandes sinuosités de son cours constituent tellement des obstacles au prompt écoulement des eaux que parfois on est encore inondé à Audenarde, lorsque déjà le point d'eau à Gand est au-dessus de la jauge ordinaire. »
Peut-on avoir une plus grande preuve de l'impuissance reprochée au canal de Deynze, de porter remède aux inondations du haut Escaut ?
Pour porter un terme à la calamité qui afflige notre contrée, il faut autre chose que le canal de Deynze. Il est indispensable d'opérer de nouveaux redressements dans le but de faciliter l'écoulement des eaux et de décréter la construction du canal de décharge de Zwynaerde à Melle. Aussi longtemps que ces travaux ne seront pas en voie d'exécution, nous continuerons à adresser au gouvernement nos justes réclamations. Mais, dira-t-on, le gouvernement accepte l'autorisation que lui donne la section centrale de faire exécuter dans la vallée du haut Escaut, immédiatement après que ledit canal de Schipdonck sera creusé, et même simultanément, les travaux les plus propres à activer l'écoulement des eaux du haut Escaut.
Ce n'est là qu'un simulacre de bienfait. Ce que le gouvernement nous donne d'une main, il le retire de l'autre. Il consent à l'exécution des travaux les plus propres à activer l'écoulement des eaux du haut Escaut et accepte le crédit de 150,000 fr. que lui présente la section centrale. Mais il refuse son adhésion à l'article 5 qui porte que, pour prévenir les inondations de l'Escaut, il sera construit un canal de dérivation destiné à déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut, près de Gand.
M. le ministre des travaux publics veut bien prendre des mesures pour activer l'écoulement des eaux, mais il n'entend pas s'engager à porter remède aux inondations de l'Escaut ! C'est une contradiction inconcevable ! Comment, M. le ministre, vous voulez faciliter la descente des eaux vers Gand, et vous croyez devoir combattre la proposition qui tend à les déverser dans un autre bassin ? En vérité, je ne comprends pas un pareil raisonnement. Si vous voulez la fin, il faut vouloir les moyens.
Mon vote dépendra donc des explications catégoriques de M. le ministre des travaux publics sur les deux questions suivantes :
Persistez-vous, M. le ministre, à ne pas accepter l'article 5 de la section centrale ?
Quels sont les travaux que vous avez en vue pour porter remède au fléau de l'inondation qui désole le haut Escaut ?
En attendant que M. le ministre veuille me donner les explications que je demande, je me permettrai de soumettre à ses méditations quelques observations pratiques qui m'ont été transmises par une personne qui a fait de la question qui nous occupe l'objet de ses plus sérieuses études :
Pour porter remède aux inondations du haut Escaut et donner satisfaction aux intérêts de la propriété, du commerce et de l'industrie, trois choses sont indispensables :
1° Augmenter les moyens d'écoulement du haut au bas Escaut, par le construction d'un canal de décharge vers Melle ;
2° Rectifier la même rivière depuis Gand jusqu'à Tournay, en commençant en aval pour ne pas déplacer le mal ;
3° Faire un règlement d'administration publique pour l'institution et l'organisation d'administrations de wateringues.
Au commencement du mois de mai, et, par conséquent, jusqu'à l'époque de la croissance des herbes, toutes les prairies depuis Merrelbeke jusqu'à Tournay étaient inondées. La récolte des terres riveraines est fortement compromise et les pertes sont immenses, il n'y a pas d'exagération en les évaluant à plusieurs millions. Ce désastre n'a pas frappé les propriétés riveraines du bas Escaut et de la Lys ; depuis plus d'un mois, les inondations ont cessé dans ces bassins, tandis que dans la vallée du haut Escaut les eaux ne baissent que très insensiblement. L'expérience a démontré que lorsque l'Escaut déborde partout, l'écoulement des eaux s'effectue plus facilement, que lorsque ce fleuve est rentré dans son lit. Ce fait ou cet événement s'explique d'une manière naturelle. Lorsqu'il y a des inondations complètes et que l'Escaut déborde, les grandes eaux coulent en ligne directe par les prairies sans être obligées de suivre les sinuosités du fleuve ; les seuls obstacles qu'elles rencontrent existent : 1° en amont de Gand ; 2° à la digue d'Eecke ; 3° au pavé de Gavre et au peu d'ouverture que présente le pont jeté sur l'Escaut à Gavre et 4° au passage d'eau d'Audenarde à Eenaeme. Ces grandes eaux peuvent occasionner un préjudice momentané à la ville de Gand. Mais si ce danger cesse lorsque l'Escaut est rentré dans son lit, il devient imminent pour le haut Escaut, par les raisons suivantes :
1° Parce que les eaux doivent suivre toutes les sinuosités du fleuve dans (page 1473) le cours duquel il y a plusieurs grands tournants où les eaux s'arrêtent et forment en quelque forte barrage ;
2° Parce que la pente est considérablement diminuée ;
3° Parce que le passage des eaux est obstrué au pont de Gavre, qui n'a que 70 pieds d'ouverture ;
4° Parce que l'on a supprimé les écluses à l'origine de la grande rigole, qui commence au passage d'eau à Heurne, et aboutit à Zwynaerde. Cette rigole, d'une étendue de plus de trois lieues, a 60 pieds d'ouverture dans la chaussée de Gavre, tandis que l'aqueduc placé à 300 mètres en aval et celui placé en amont à Asper en ont 9 à peine. Il est à remarquer que dans le cas des inondations moyennes, qui sont les plus nuisibles à la vallée du haut Escaut, il n'y a aucun inconvénient à conduire ces eaux à Gand ; car les moyens d'écoulement dont cette ville dispose sont plus que suffisants pour évacuer ces eaux dans le bas Escaut, qui ne déborde plus.
La conclusion de ce qui précède est que l'on peut sans danger rectifier l'Escaut, pourvu que l'on établisse un bief de partage entré Audenarde et Gand. Des lors, comprend-on comment l'honorable M. Desmaisières ait pu dire dans son rapport sur les inondations de l'Escaut et de la Lys, page 71, qu'il ne faut pas pousser plus avant les travaux sur le haut Escaut avant d'avoir procuré aux hautes eaux de la Lys et de l'Escaut des débauchés nouveaux et suffisants en aval. Cela ne peut être vrai que pour les grandes inondations lorsque l'Escaut déborde, mais ne s'applique pas au cas d'une inondation moyenne, puisqu'alors les ressources d'écoulement ne sont pas les mêmes.
On craint qu'un canal de dérivation de l'Escaut vers Melle n'augmente les inondations sur le bas Escaut. Cette crainte n'est pas fondée, car il faut supposer que la manœuvre des écluses à établir sur le canal serait dirigée avec intelligence. Cette crainte ne peut pas être sérieuse ici, puisque M. Desmaisières dit qu'elle n'existe pas par la construction du canal de Deynze à Schipdonck. Voici comment il s'exprime :
« Il ne peut, en effet, tomber sous le sens de personne que l'administration des ponts et chaussées sera assez stupide pour diriger la manœuvre de ces écluses de manière à opérer de nouvelles inondations calamiteuses au moyen d'un canal destiné à en éviter à une partie du Hainaut, de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale, et cela pour le bon plaisir d'en grever une autre partie de cette dernière province. Ce serait de la part de cette administration encourir une grande responsabilité, et vis-à-vis des chambres et vis-à-vis du gouvernement, auquel elle aurait à rendre compte de ses actes et qui, bien certainement, userait de la plus grande sévérité à l'égard des fonctionnaires qui se seraient rendus coupables de pareils méfaits. »
Je laisse à l'honorable rapporteur de la section centrale le soin de défendre cette partie de son travail contre les adversaires du projet de loi actuel.
M. de Saegher. - Dans les observations que je vais avoir l'honneur de vous soumettre, je m'attacherai principalement à combattre les considérations qui vous ont été présentées dans la séance d’hier par l'honorable M. Dumortier, et à rétablir les faits qui ont été allégués par cet honorable membre.
Je dirai également quelques mots en réponse aux considérations que l'honorable M. de Villegas vient de faire valoir et qui ne sont d'ailleurs que la reproduction partielle des observations de l'honorable député de Tournay.
La commission instituée en 1841, nous disait cet honorable membre, avait pour mission unique de rechercher les causes des inondations du haut Escaut, et de proposer le remède qu’on pourrait apporter à cet état de choses. Ce qui le prouve c'est que parmi tous les membres de la commission, il ne s'en trouvait pas un seul que l'on pût considérer comme ayant la mission de soutenir les intérêts des riverains de la Lys. Eh bien, a-t-il ajouté, la commission vient nous présenter un projet de loi, qui ne peut avoir d'autre but que de remédier aux inondations de la Lys. La commission n'a rien fait pour l'Escaut ; elle a tout fait pour protéger les propriétaires de la Lys, ou plutôt elle a voulu uniquement défendre les intérêts de la ville de Gand.
Le corps des ponts et chaussées, de son côté, n'a pas fait autre chose ; il a voulu défendre exclusivement les intérêts de la ville de Gand et il l'avoue dans son rapport.
Que l'on parcoure les rives de l'Escaut depuis Gand jusqu'à Tournay, a dit enfin l'honorable M. Dumortier, on ne trouvera pas une seule personne qui croie que la construction du canal projeté puisse avoir pour effet de soulager l'Escaut.
Voilà, messieurs, si je ne me trompe, en résumé ce qu'on est venu soutenir devant vous.
Il est très vrai, messieurs, que la mission de la commission instituée en' 1841, était telle que l'honorable représentant de Tournay vous l'a présente. Mais dès le début de ses travaux, la commission a reconnu que la corrélation qui existait entre le régime des eaux de la Lys et celui des eaux de l'Escaut, était telle qu'il était absolument impossible de séparer les intérêts de ces deux rivières. Elle a reconnu qu'il était impossible de proposer des remèdes efficaces aux débordements intempestifs de l'Escaut sans en même temps examiner la situation de la Lys.
D'ailleurs, messieurs, les plaintes n'étaient-elles pas aussi vives sur la Lys que sur l'Escaut, et fallait-il abandonner les intérêts de la Lys, parce que la commission avait été exclusivement instituée pour ceux de l'Escaut ? Je ne pense pas, messieurs, que ce soit un semblable esprit d'égoïsme qui a guidé les honorables membres qui ont critiqué la marche de la commission sous ce rapport.
Je le répète, messieurs, il est impossible dans cette question de séparer les intérêts de la Lys de ceux de l'Escaut, et c'est précisément sur ce point que les honorables membres MM. Dumortier et de Villegas se sont trompés. Ils croient que l'exécution des travaux sur la Lys ne peut avoir aucune influence sur le régime des eaux de l'Escaut. Eh bien, messieurs, nous espérons leur prouver qu'ils sont dans l'erreur. Nous espérons leur prouver que l'adoption du système de dérivation des eaux de la Lys, tel qu'il a été proposé par l'ingénieur en chef Wolters, serait d'une efficacité incontestable pour remédier aux inondations du haut Escaut, que même c'est dans le but principal de délivrer l'Escaut de ses eaux surabondantes que le projet a été proposé.
M. Dumortier. - Nous vous remercions beaucoup.
M. de Saegher. - Nous espérons leur prouver qu'en s'opposant à l'exécution de ces travaux, ils plaident contre leur propre intérêt, et ils ne tarderont pas à s'en apercevoir.
M. Dumortier. - Timeo Danaos et dona ferentes.
M. de Saegher. - Les bons mots ne sont pas des arguments.
M. Dumortier. - Ce ne sont pas des bons mots, c'est une vérité.
M. de Saegher. - A cet effet, messieurs, qu'il me soit permis de vous rappeler d’abord que lors de la discussion du budget des travaux publics en 1845, j'ai eu l'honneur de signaler à la chambre les principales causes des inondations extraordinaires et désastreuses résultant du débordement des rives de l'Escaut et de la Lys. Ces causes sont constantes, elles sont généralement reconnues aujourd'hui, et il serait inutile d'en faire ici une nouvelle énumération.
Seulement, messieurs, je crois devoir vous rappeler que, dans mon discours de l'année dernière, j'ai établi une distinction entre les causes principales et générales des inondations, celles qui proviennent des travaux exécutés en France, et les causes accessoires et locales qui sont les obstacles apportés au prompt écoulement des eaux à proximité des lieux mêmes où les inondations se produisent. Cette distinction nous paraît nécessaire afin de pouvoir nous rendre compte des mesures qu'il convient de prendre pour porter un remède efficace au déplorable état des choses dont nous nous occupons en ce moment, et juger de la valeur du système qu'un nous présente.
Ainsi que la commission instituée en 1841 l'a reconnu et constaté, les inondations intempestives résultent : 1° de l'accroissement du volume d’eau qui nous arrive de France, et de l'augmentation de la rapidité de sou cours ; 2° des défectuosités qui existent le long de l’Escaut et de la Lys, depuis la frontière française jusqu'à la mer, et qui occasionnent des obstacles successifs à l'écoulement des eaux, en d'autres termes, de l’insuffisance des débouchés de l’Escaut et de Lys.
Ceci une fois reconnu, il est évident que le seul problème à résoudre c'est de trouver le moyen d'amener cette surabondance d'eau depuis la frontière française jusqu'à la mer, avec assez de rapidité et avec des précautions suffisantes, pour que sur aucun point intermédiaire entre la frontière et la mer, elle ne puisse occasionner à l'avenir des inondations préjudiciables à l'agriculture. Or. ce moyen, nous le rencontrons dans le système présenté par l'ingénieur en chef Wolters, système que le projet de loi qui vous est soumis propose de mettre partiellement à exécution.
Ce système considère en son entier consiste à dériver les eaux de la Lys en amont de Gand vers le canal de Gand à Bruges et de là vers la mer du Nord, et à redresser le cours de l'Escaut depuis la frontière de France jusqu'à Gand.
L’efficacité de ce premier système est évidente pour tous ceux qui sont bien pénétrés de la situation actuelle des choses.
De l'aveu de tous, le principal obstacle à l'écoulement des eaux de l’Escaut et de la Lys se rencontre à Gand.
En effet, nous avons vu dans le rapport de la commission que les travaux considérables de rectification et de canalisation exécutés depuis quelques années sur l'Escaut et sur la Scarpe en France, ont eu pour résultat d'augmenter considérablement la quantité d’eau qui arrive en Belgique par l’Escaut, et d'accélérer d'une manière sensible le cours de ce fleuve. Ce rapport constate, en outre, que des travaux semblables ont eu lieu en France, sur la Deule et sur la Lys, et ont eu absolument le même résultat, celui d'augmenter le volume d'eau qui nous arrive par la Lys, tout en augmentant la rapidité du courant de cette rivière.
Or, c'est à Gand que l’Escaut et la Lys viennent se joindre ; c'est donc sur ce point que se font sentir principalement les effets de cette double cause d’inondation qui réside en France ; car c'est là que se réunissent toutes les eaux surabondantes, qui par l'effet des travaux exécutés sur le territoire français, sont chassées vers d’autres pays. Les autres localités qui se plaignent n'ont qu'à souffrir des inondations produites soit par l'Escaut soit par la Lys ; Gand seul a à supporter cette double calamité. C'est dans le bassin de cette ville que toutes les eaux surabondantes viennent se jeter ;
Maintenant, il est reconnu par tous les ingénieurs et par tous ceux qui se sont occupés sérieusement de la question, que les voies d'écoulement qui existent en aval de Gand ne sont pas suffisantes pour dégorger complétement de leur trop plein l'Escaut et la Lys, et pour chasser assez promptement vers la mer les eaux surabondantes qui nous arrivent de France. Les obstacles à l'écoulement proviennent de la situation naturelle des deux rivières, de l'action des marées qui refoulent les eaux vers l'amont, et d'autres causes indiquées dans le rapport de la commission.
Cette surabondance d'eau qui dans les fortes crues se trouve ainsi arrêtée à Gand, cause des inondations aux environs de cette ville, empêche la (page 1474) descente des eaux supérieures, lesquelles occasionnent à leur tour des inondations vers Audenarde et Deynze, qui en produisent d'autres en amont.
N'est-il pas évident d'après cela, que si l'on parvient à dériver les eaux de la Lys avant leur arrivée à Gand, le bassin commun de l'Escaut et de la Lys sera considérablement soulagé dans cette ville, et qu'il sera rendu propre à recevoir les eaux surabondantes du haut Escaut puisque celles de la Lys en seront désormais distraites ; que de cette manière on pourra sans danger opérer des redressements sur le haut Escaut pour accélérer le courant de ce fleuve, qui alors trouvera un débouche suffisant dans le bassin de Gand ?
Je dis que ce n'est qu'en exécutant les travaux indiqués dans le premier système proposé, que l'on pourra sans danger opérer des redressements sur le cours de l'Escaut en amont de Gand, et porter ainsi remède aux inondations vers Audenarde et Tournay. Car, je le répète, il est généralement reconnu qu'un des principaux obstacles à l'écoulement des eaux se trouve à Gand, quelle que soit d'ailleurs la cause que l'on assigne à cet obstacle. Dès lors, je le demande, comment pourrait-on opérer un redressement intermédiaire quelconque en amont de Gand, sans qu'il y ait danger à l'exécuter, sans aggraver la position d’une localité au profit d'une autre ?
Nous l'avons dit en commençant, outre les causes principales d'inondation, il en existe de secondaires qui résident dans les défectuosités de la rivière. Maintenant, voulez-vous remédier à ces défectuosités en faisant des travaux partiels, vous ne ferez que déplacer le mal. Voulez-vous, par exemple, enlever les obstacles qui existent entre la frontière française et Tournay, mais vous allez submerger Tournay. L'honorable M. Dumortier l'a déjà reconnu, lorsqu'il a dit que si l'on enlève le barrage naturel qui existe an Château-Gaillard, on inondera Tournay. Voulez-vous soulager Tournay en opérant des redressements entre cette ville et Audenarde ? Mais vous aggraverez la position d'Audenarde ; voulez-vous redresser le fleuve entre Audenarde et Gand, mais évidemment vous réduisez les prairies des environs de Gand a l'état de marais, vous détruisez en outre tous les bassins hydrauliques de cette ville ; vous amenez les eaux jusque dans les maisons. Car vous reconnaissez vous-mêmes qu'à Gand il existe de grands obstacles à l’écoulement des eaux.
C'est d'ailleurs ce qui a été constaté par tous les hommes de l'art qui ont été appelés à s'occuper de la question. M. l'ingénieur en chef Wolters, au talent et à l'impartialité duquel tout le monde rend justice, disait dans son rapport du 16 mai 1843 « les seuls moyens à employer pour remédier aux inconvénients qui pourraient résulter d'une augmentation de débouchés sur la Lys supérieure, me semble consister dans la création de nouvelles voies de décharge propres à soulager le bassin de Gand. C'est toujours là le nœud de nœud de toutes les questions d'inondation entre le nord de la France, le Hainaut et les deux Flandres. C'est aussi le but vers lequel tendent depuis longtemps toutes mes études. » Et le conseil des ponts et chaussées dans son rapport du 15 janvier dernier sur la question qui nous est soumise s'exprime ainsi : « Le conseil pense qu'il y a lieu de faire droit aux observations consignées dans les cinquième et sixième paragraphes du résumé de la commission, et qu'il ne faut pas pousser plus avant sur l’Escaut et sur la Lys, au-dessus de Gand. les travaux propres à précipiter la marche des eaux vers cette ville, aussi longtemps que l’on n'aura pas pourvu soit au prompt écoulement en aval soit à leur dérivation en amont.
« L'évidence et la nécessité de cette mesure est frappante et dispense d'entier dans aucun développement. »
Vous le voyez, messieurs, pour faire des travaux réellement utiles il faut les faire sur tout le cours du fleuve, en commençant par l'aval. Il faut, en premier lieu, remédier à l'insuffisance du bassin de Gand, insuffisance qui s'explique si naturellement par cette circonstance que là se trouve le confluent de l'Escaut et de la Lys, et que la quantité d'eau qui nous arrive de France par ces deux rivières, est considérablement augmentée depuis quelques années.
Il faut ensuite, messieurs, opérer des redressements sur tout le cours du fleuve en enlevant tous les obstacles qui s'opposent à l'écoulement, toujours en dirigeant les travaux de l'aval vers l'amont.
L'adoption, messieurs, de tout autre système ne conduirait qu'à augmenter les inondations sur un point en même temps qu’on les diminuerait sur un autre.
Le discours de l'honorable M. Dumortier lui-même nous en fournit la preuve.
L'honorable M. Dumortier a attribué les inondations de Tournay à la trop grande ouverture donnée aux écluses d'Antoing. Les écluses d'Antoing, vous a-t-il dit, qui autrefois n'avaient que 9 mètres, en ont aujourd'hui 20, et de là proviennent en grande partie les inondations vers Tournay. Mais, messieurs, l'honorable M. Dumortier devra bien convenir que si les ouvertures de l'écluse d'Antoing étaient moins grandes aujourd’hui, nécessairement les inondations seraient plus fortes eu amont de cette écluse, aussi bien sur le territoire belge que sur le territoire français et jusqu'au pied de l'écluse ; il est impossible de soutenir que les inondations ne seraient plus fortes qu'a une lieue et demi en amont de l'écluse, c'est-à-dire sur le territoire français.
M. Dumortier. - Il y a 20 lieues en France et il n'y a qu'une lieue et demie en Belgique.
M. de Saegher. - Il n'en est pas moins vrai qu'en amont de l'écluse d'Antoing, il y a une étendue de une lieue et demie jusqu'à la frontière de France.
Eh bien, messieurs, en amont de cette écluse se trouvent les communes belges du Bleharies, Hollain, Peronne et la Plaigne, communes qui ont tant à souffrir depuis quelques années, communes qui ont trouvé souvent un défenseur ici dans l'honorable M. Dumortier, communes qui, tous les ans ont adressé des pétitions à la chambre. Là, messieurs, il ne s'agit pas seulement de la dévastation des prairies ; là le fléau vient jusque dans les maisons, jusque dans l'église. Eh bien, si l'honorable M. Dumortier voulait faire rétrécir aujourd'hui l'écluse d'Antoing, n'est-il pas évident qu'il augmenterait les inondations dans toutes ces communes ?
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. de Saegher. - Il est nécessaire, messieurs, que je touche ce point pour faire ma démonstration, car il y a divergence d'intérêts entre les environs d'Antoing et la ville de Tournay ; si vous maintenez le système des améliorations partielles, il est impossible de mettre d'accord les intérêts de Tournay et les intérêts d'Antoing. Ce serait la une cause permanente de disputes entre Tournay et Antoing....
M. Dumortier. - Il n'y en a jamais eu.
M. de Saegher. - Je sais, messieurs, que telle n'est pas l'intention de l'honorable M. Dumortier, mais je veux seulement faire ressortir cette circonstance qu'avec son système d'améliorations partielles, il est impossible d'améliorer la situation de Tournay sans aggraver celle des contrées supérieures. (Interruption). Vous n'avez pas proposé de rétrécir l'écluse d'Antoing, mais vous avez attribué les inondations de Tournay à la trop grande ouverture dei l'écluse d'Antoing.
M. Dumortier. - Cela est-il vrai oui ou non ?
M. de Saegher. - Une autre preuve, messieurs, c'est que l'honorable M. Dumortier vous a dit que si le rocher qui se rencontre au Château-Gaillard en amont de Tournay, devait être enlevé, ainsi que le gouvernement se propose de le faire, on précipiterait les eaux sur Tournay et que, par là, on augmenterait les inondations dans cette ville.
Cela est très vrai, mais par contre, en soulagerait les communes que je viens de nommer, et l'on soulagerait en outre les communes d'Antoing et de Bruxelles qui se trouvent situées près de ces écluses Sans doute qu'on ne doit pas enlever l'obstacle qui existe au Château-Gaillard, parce qu'en, effet on aggraverait la position de Tournay ; mais il n'en est pas moins vrai que par ce travail partiel, on sauverait les communes qui se trouvent en amont du Château Gaillard, et j'en tire la conséquence que des travaux partiels semblables ne peuvent jamais être exécutes, parce qu'il n'est possible de le faire au profit de l'un sans causer de préjudice à l'autre. Ici, messieurs, je crois devoir rencontrer plus spécialement quelques objections que l'honorable M. Dumortier a présentées contre le système proposé.
L'établissement de nouvelles voies de décharge de Deynze vers la mer pour les eaux de la Lys supérieure, ne peut, dit-il, avoir aucune influence sur l'écoulement des eaux de l'Escaut à Audenaerde et à Tournay. C'est à Gand même que se rencontrent les obstacles à l'écoulement de ces eaux, et la mauvaise manœuvre des écluses de cette ville contribue pour beaucoup aux inondations.
Les usines de Gand qui sont en grand nombre forment autant de barrages à l'Escaut.
Cette dernière allégation, messieurs, a été cent fois réfutée et cent fois reproduite. Pour y répondre une dernière fois, qu'il nous suffise de constater un fait :
C'est que depuis le mois de novembre dernier jusqu'au milieu du présent mois de mai, les écluses établies sur l'Escaut à Gand ont été presque constamment ouvertes, à telles enseignes que, durant toute cette période, les usines hydrauliques n'ont pu tourner que pendant huit jours, et que même celles situées sur le haut Escaut à la porte de Bruxelles et à l’écluse de Cinq Vannes n'ont pas tourné un seul instant. C'est que, malgré cette circonstance, les environs d'Audenarde étaient encore inondés au commencement et jusque vers le milieu de ce mois, ainsi que l'honorable M. de Villegas le reconnaît, tandis qu'à Gand et à deux lieues en amont de cette ville, les prairies étaient débarrassées de leurs eaux, que de Gand jusqu'à Gavre les eaux de l'Escaut étaient dans leurs bords, que même près de Gand elles y étaient de plus de deux pieds.
Que conclure de ces faits qui sont constants et notoires ? Mais il en résulte à l'évidence, selon nous, que puisque entre la ville de Gand où sont placées les écluses, et la ville d'Audenarde qui est inondée, il se trouve un espace intermédiaire débarrassé des eaux d'inondation, on ne peut imputer ces inondations d'Audenaerde, et la lenteur dans la baisse des eaux sur ce point, à des causes qui existeraient à Gand. Il nous paraît évident qu'il faut chercher d'autres causes, que le mal doit résider ailleurs.
Or, ces causes nous les trouvons dans les sinuosités de l'Escaut, et dans le peu de pente qui existe dans le fond du fleuve, ce qui fait que l'écoulement des eaux a lieu avec trop de lenteur. Ces causes sont signalées à la page 11 de notre rapport et personne ne pourrait les révoquer en doute. Nous invoquons ici le même fait que l'honorable M. de Villegas.
Dès lors, le seul remède à appliquer doit consister à enlever au moyen de travaux de dévasement et d'élargissement tous les obstacles qui existent à l'écoulement des eaux ; notamment à rectifier et à redresser la rivière par des coupures, et à augmenter ainsi la pente, afin d'accélérer le cours de l'eau vers Gand.
Vous voyez, messieurs, que sur ce point encore nous sommes parfaitement d'accord avec MM. de Villegas et Dumortier, car ces honorables membres ne contesteront pas que c'est là le véritable moyen de débarrasser les eaux de l'amont.
Mais est-il possible d'opérer ces rectifications et de précipiter les eaux sur Gand dans la situation actuelle des choses ? Evidemment non, et c'est ici que nous rencontrons encore une fois l'utilité des travaux projetés sur la Lys pour les riverains du haut Escaut.
(page 1478) En effet, les travaux à exécuter sur l'Escaut supérieur ne peuvent avoir lieu aujourd'hui sans accroître les inondations à Gand. Nous l'avons déjà démontré. Ainsi avant de les effectuer, il faut trouver le moyen de mettre le bassin de Gand à même d'en supporter les résultats. Or pour cela, il faut débarrasser le bassin de Gand des eaux surabondantes de la Lys, et c'est à cet effet que l'on nous propose le projet de loi en discussion.
L'on voit ainsi, que les travaux a faire sur la Lys, ont pour but évident de remédier aux inondations de l'Escaut.
La construction du canal de Deynze n'est pas un moyen direct de remédier aux inondations de l'Escaut, mais c'est un ouvrage préalable, nécessaire, et sans lequel il est impossible d'appliquer les seuls remèdes directs et efficaces, remèdes dont la section centrale propose également l'adoption. (Voir article premier, n°3 du projet.)
On dit que nous voulons inonder Bruges et Ostende. A cet égard, nous répondrons que les représentants de la ville de Gand ont été unanimes pour se réunir au projet total tel qu'il a été présenté et d'après lequel, au dire des honorables députés de Bruges, il n'y aurait plus aucun danger pour Bruges ; nous ne voulons pas remédier aux inondations de Gand au détriment de l'Escaut, mais nous voulons rechercher les moyens en commun pour tâcher de débarrasser toutes les localités des eaux qui leur causent préjudice. Si sur un point nous ne pouvons pas être d'accord avec les honorables membres, nous pouvons nous entendre ; mais jamais nous ne pouvons consentir à des moyens partiels qui ne feraient que déplacer le mal.
Persistant dans cette opinion erronée que les obstacles à l'écoulement des eaux résident à Gand, et que ce sont les usines de Gand qui causent les inondations à Tournay et à Audenarde, l'honorable membre a proposé la construction d'un canal de décharge du haut au bas Escaut entre Zwynaerde et Melle. L'honorable membre voit dans l'adoption de cette proposition le seul remède, le remède universel à toutes les inondations.
M. Dumortier. - Il n'a pas fait la proposition, il l'a reprise.
M. de Saegher. - Cela ne valait pas la peine de m'interrompre. Eh bien, soit ; ce n'est pas M. Dumortier qui a fait la proposition, il l'a reprise seulement.
Mais nous pensons que l'honorable membre qui a repris la proposition, ne tient pas compte de la véritable situation des choses, et qu'il s'appuie sur des faits imaginaires.
En effet, il est constant, et personne n'oserait dénier un fait aussi notoire, que depuis le mois de novembre jusqu'au présent mois de mai les usines de Gand n'ont pu être mises en mouvement que pendant huit jours. Il est constant encore qu'au commencement de mai, les eaux de l'Escaut étaient rentrées dans leurs bords depuis Gand jusqu'en aval de Gavre (distance de près de trois lieues), que même en amont de Gand près de la ville elles y étaient rentrées de près de trois pieds, tandis que les environs d'Audenarde et de Tournay étaient encore complétement inondés.
L'honorable députe de Tournay a signalé une chute de huit pieds dans le bas Escaut entre Gand et Wetteren. C'est là une de ces allégations qui ne doivent pas être réfutées, tant l'erreur est évidente. L'honorable membre aurait dû constater la chute qui existait en amont des écluses de Gand ou que les eaux étaient dans leurs bords, c'est là que gît la question.
Je le demande maintenant, à quoi servirait pour l'écoulement des eaux de ces deux villes un canal de décharge de Zwynaerde vers Meele, lorsqu'il est constaté, que dans l'état actuel des choses les eaux ne peuvent pas arriver plus facilement au point où le canal projeté devrait prendre naissance qu'à Gand même ; lorsqu'il est constaté qu'au point où l'on voudrait établir à Zwynaerde la jonction de ce canal avec l'Escaut, ce fleuve est déjà rentré dans ses bords, que les prairies environnantes sont à sec, tandis que les eaux qui causent les inondations à Audenarde ne peuvent arriver jusqu'à ce point de jonction ? Comment comprendre l’utilité de ce canal, lorsqu'il est démontré que les débouchés qui existent, ceux de la ville de Gand, ne reçoivent pas même, à certains moments, les eaux nécessaires pour se remplir, tandis qu'Audenarde reste inondée ? Car, remarquons le bien, lorsque nous constatons que l'Escaut est rentre dans ses bords, nous voulons parler du haut Escaut en amont des écluses de Gand. Que l'honorable M. Dumortier en prenne note Mais admettons pour un instant que la proposition en question puisse avoir quelque résultat en ce qui concerne Audenarde et Tournay, alors encore elle ne pourrait être admise ; car elle ne tend évidemment qu'à déplacer le mal, en rejetant uniquement sur le bas Escaut les calamités dont aujourd'hui le haut et le bas Escaut ont à souffrir.
N'oublions pas que, depuis plusieurs années, les riverains du bas Escaut souffrent des inondations comme ceux de l'Escaut supérieur, que de nombreuses pétitions sont parvenues à l'autorité de la part des habitants des communes de Gendbrugge, Destelbergen, Heusden, Laerne, Melle, Wetteren et autre situées en aval de Gand, pour se plaindre des inondations et proposer les moyens d'y remédier ; que déjà plusieurs projets ont été présentés, entre autres celui de faire une coupure entre Laerne et Calcken ; qu'ainsi, non seulement on ne peut songer à aggraver la situation déjà si critique du bas Escaut, mais que même, si le projet en discussion n'avait pas pour résultat de diminuer les débordements du bas Escaut par suite de la dérivation des eaux de la Lys, il faudrait encore exécuter le projet de coupure que je viens d'indiquer. Car nous ne pouvons pas manifester pour les riverains du bas Escaut moins de sollicitude que pour ceux de l'Escaut supérieur.
Or, en admettant que les eaux qui inondent aujourd'hui les rives du haut Escaut puissent s'écouler rapidement par la coupure projetée, il est évident alors que toutes ces eaux iraient causer des pertes immenses et des accidents déplorables dans ces communes qui, déjà aujourd'hui, souffrent des mêmes inondations, presque en même temps et presque au même degré que les localités situées sur l'Escaut supérieur.
D'ailleurs, nous rencontrons ici une nouvelle circonstance très importante dont il faut tenir compte. C'est que dans le bas Escaut le flux de la mer ayant lieu deux fois par jour, met obstacle à ta descente des eaux delà mer, chaque jour durant plus de dix heures.
Ainsi, par suite de l'action du flux de la mer, le bas Escaut reste engorgé et sans courant sensible, durant une grande partie de la journée ; ainsi l'écoulement des eaux est ralenti par la marée haute, notamment dans les grandes crues, et produit des débordements et quelquefois même des ruptures de digues. Dès lors on comprend qu'on ne pourrait, sans danger, augmenter la rapidité du courant, dans le bas Escaut, puisque déjà la situation de cette partie du fleuve est si critique. De sorte que sous ce point de vue encore l'exécution isolée de la coupure de Zwynaerde à Melle est inadmissible.
Aussi tous les ingénieurs que l'on a consultés à cet égard, n'ont pas hésité à faire connaître les appréhensions que ce projet leur a fait concevoir.
Dans son rapport du 15 janvier dernier, le conseil des ponts et chaussées s'exprime ainsi : « Quant aux redressements qui dans tous les cas doivent être effectués avec réserve, et dans des limites fort restreintes, l'étude doit en être faite ; des observations sur la hauteur des crues au moyen d'échelles judicieusement disposées le long du fleuve, sont absolument indispensables pour indiquer et préciser les points où il est utile de recourir à ce genre de travail et avantageux de le pratiquer... Les motifs impérieux qui commandent au conseil de vous engager à différer l’exécution de travaux utiles sur le haut Escaut, s'appliquent à plus forte raison au canal de décharge demandé par la commission entre Zwynaerde et Melle. »
Et dans leur rapport du 10 février dernier, les ingénieurs Wolters et Gerardot de Sermoise ajoutent : « La dérivation du haut Escaut au bas Escaut de Zwynaerde à Melle n'est à nos yeux ni le plus utile ni le plus urgent des ouvrages que peut désirer le Hainaut pour faire cesser les inondations qui accablent les environs de Tournay.... Par suite nous trouverions imprudent de faire décréter l'exécution de cette dérivation, comme devant immédiatement suivre la construction du canal de Deynze.»
Et cela se comprend de reste, l’exécution de la coupure de Zwynaerde, qui a été proposée par M. l'ingénieur Wolters lui-même, dépend d'un tout autre système : celui des portes de flot à Termonde et à Henne, système qui précisément devait empêcher le flux de la mer dans l'Escaut en amont de Termonde.
Maintenant est-il encore nécessaire de répondre à d'autres allégations qui ont été faites par l'honorable M. Dumortier ?
L'honorable membre a dit, entre autres, que depuis le jour où une chute d'eau avait été signalée par l'honorable M. Delehaye, les eaux avaient baissé de trois pieds à Tournay, en moins de huit jours ; parce que, par suite de cette révélation, M. le ministre des travaux publics avait ordonné de lever les vannes, qu'immédiatement on en avait ressenti l'effet à Tournay.
Eh bien, messieurs, l'honorable M. Delehaye a présenté son observation le 15 de ce mois. Or, longtemps avant le 15, le mouvement de la baisse des eaux s'était fait sentir d'une manière tout à fait remarquable à Audenarde.
A compter du 1er mai les eaux ont baissé tous les jours, mais du 6 au 11 elles ont baissé dans la proportion suivante : du 6 au 7, les eaux étaient à 10 33, du 7 au 8, à 10-31, du 8 au 9, à 10 26, du 9 au 10, à 10 16, du 10 au 11, à 10-12.
Ainsi au moment où l'honorable M. Delehaye a fait son observation, on éprouvait une baisse sensible dans l’Escaut depuis plus de huit jours ; à partir du 11, la baisse a été encore beaucoup plus sensible, jusqu'au 15, jour auquel on aurait pu avoir donné l'ordre de lever les vannes, car l'observation de M. Delehaye a été faite le 13.
C'est cette baisse qui s'est opérée consécutivement, et qui a produit l'écoulement des eaux des prairies. Croira-t-on maintenant que c'est aux observations de l'honorable M. Delehaye et aux ordres du ministre d’élever les vannes, qu'il faut attribuer la baisse qu'on a constatée à Gand. Mais, il y a bien plus, c'est que les vannes dont il s'agit n'ont pas été levées du tout. L'honorable M. Delehaye avait parlé de l'écluse de la porte de St-Liévin. Cette écluse se trouve sur une coupure de l'Escaut ; cette coupure n'a que le cinquième du développement du bras principal de l'Escaut.
De toute nécessite, la rapidité du courant de cette coupure est infiniment plus forte que celle du bras principal ; on est donc obligé de maintenir une certaine relation entre le bras principal de l'Escaut et cette coupure au moyen d’une chute d'eau, afin que la pente de la coupure corresponde avec le développement de la branche principale ; sans cela on mettrait le bras principal de l'Escaut presque à sec, tandis que l'autre causerait des malheurs.
Voilà pourquoi cette écluse est toujours fermée, et pourquoi il y a toujours chute ; voilà pourquoi les ordres de M. le ministre n oui pas pu porter sur cette écluse, dont M. Dumortier a parlé. Vous comprenez donc, messieurs, la valeur des arguments qu'on vient émettre ici.
Ce serait ici le lieu d'examiner les objections faites par quelques localités de la Flandre occidentale, et surtout par la ville de Bruges. Mais déjà ces objections ont été rencontrées ; notamment les erreurs qu'on trouve dans les observations présentées par la ville de Bruges, et que l'honorable M. Donny a citées avec tant de complaisance ont été réfutées par le rapport de l'inspecteur Noël et des ingénieurs Wolters et Gerardot de Sermoise.
D'ailleurs, dans notre opinion, il ne s'agit plus de rechercher si les craintes de la Flandre occidentale sont fondées ou non, puisqu'il y a (page 1476) moyen de les faire cesser, moyeu qui sera profitable au pays, ainsi que l'a démontré l'honorable M. Donny dans une séance précédente, En effet, ces réclamations ne frappent que sur la construction isolée du canal de Deynze à Schipdonck ; qu'on décrète le projet dans son entier et ces réclamations viendront à cesser. Déjà les députés de la Flandre occidentale se sont expliqués à cet égard.
Eh bien, puisque le gouvernement reconnaît « que vraisemblablement les deux canaux de Deynze à Schipdonck et de Schipdonck a la mer du Nord sont indispensables pour atteindre complétement le but cherché et pour réaliser en entier les vues de la commission, puisque l'examen de la question a conduit le gouvernement à cette conclusion-ci : La mesure la plus efficace, la plus complète dans ses résultats consisterait à exécuter dans leur ensemble les travaux indiqués par la commission comme appartenant au premier système (vor l'exposé des motifs), puisque telle est la conviction du gouvernement lui-même, je ne comprends pas pourquoi ou ne déciderait pas dès aujourd'hui le principe de l'exécution du canal de Schipdonck jusqu'à la mer, aussi bien que celui du canal de Deynze à Schipdonck.
Quant à moi, les recherches que j'ai faites en ma qualité de membre de la commission instituée en 1841, et les investigations auxquelles je me suis livré comme membre d'une sous-commission chargée de visiter le cours de l'Escaut, et de constater sur les lieux mêmes les causes des inondations, m'ont donné la conviction que l'exécution du système proposé en son entier est nécessaire et urgente ; que c'est là le vrai moyen de soustraire le Hainaut et les Flandres aux calamités qui pèsent aujourd'hui si lourdement sur ces provinces.
Que si cependant cette opinion ne venait pas à prévaloir, que si l'on persistait à ne présenter que la mesure incomplète proposée par l'article premier, je n'en donnerai pas moins mon assentiment au projet de loi, dans l'espoir que le premier système propose sera bientôt adopté et exécuté en totalité ; et parce qu'il importe de commencer les travaux sans retard, afin de venir en aide à de grands intérêts en souffrance, et de diminuer les effets d'une cause permanente de dommages incalculables.
Je ne terminerai pas, messieurs, sans vous exprimer le pénible étonnement que m’a causé la déclaration faite hier par M. le ministre des travaux publics, que si le projet n'avait pas de chances d'être adopte purement et simplement, il en demanderait l'ajournement.
Cet étonnement, vous le partagerez, messieurs, lorsque je vous aurai rappelé l'opinion du gouvernement en ce qui concerne l'urgence des travaux.
Voici ce que nous lisons dans l'exposé des motifs du projet de loi : « Aujourd'hui le mal est parvenu à son comble, comme l'ont prouvé les dernières inondations, et ; il importe de s'occuper sans délai des moyens d'y porter remède.
« Pour ce qui est de l'opportunité de commencer les travaux sans retard, je ne pense pas qu'elle puisse être contestée par personne puisqu'il s'agit de venir en aide à de grands intérêts en souffrance et de diminuer les effets d'une cause permanente de dommages incalculables.»
Quoi ! lorsque le gouvernement lui-même a la conviction que le mal est parvenu à son comble et qu'il importe de s'occuper sans délai des moyens d'y porter remède, c'est alors qu'au début d'une discussion, et au moment où des opinions divergentes se manifestent uniquement sur le point de savoir si le projet doit être exécute en totalité ou en partie, c'est alors que le gouvernement vient nous placer dans l'alternative ou d'adopter purement et simplement le projet, ou de le voir ajourner indéfiniment, et pour quel motif ? Parce que sa position financière ne lui permet pas d'entreprendre une si forte dépense : Mais remarquez bien, messieurs, qu'au même instant M. le ministre déclarait que peut-être à la session prochaine il pourrait présenter le complément du projet. Ce motif n'est donc pas très sérieux, puisqu'il peut disparaître d'ici à quelques mois. Nous osons espérer que le gouvernement, éclairé par la discussion, et appréciant tous les motifs d'urgence qu'il connaît si bien, voudra bien revenir de sa première résolution.
Cette déclaration du gouvernement a déjà produit ses fruits ; vous avez vu qu'un honorable membre de la Flandre occidentale qui dans le principe avait appuyé chaudement l'exécution du projet entier, est venu aujourd'hui par un amendement faire tous ses efforts pour que ce même projet fût ajourné, ce qui laisserait, pendant des années encore, dans la déplorable position où elles se trouvent des localités qui avoisinent l'Escaut et la Lys.
M. Dumortier. - J'aime beaucoup qu'on rencontre mes observations, mais je n'aime pas qu'on me lasse dire le contraire de ce que j'ai dit, surtout dans une matière aussi délicate que celle qui nous occupe. Je n'ai jamais proposé de faire rétrécir les écluses d'Antoing et de faire ainsi inonder les parties supérieures de notre territoire. Je ne puis pas tolérer qu’on me fasse dire des choses pareilles. J’en appelle à toute l’assemblée, j’ai énoncé comme cause principe du malaise de la vallée de l’Escaut l’ouverture extraordinaire donnée aux écluses d’Antoing. Mais je n’ai jamais demandé de les rétrécir et d'inonder la partie supérieure.
Je ne veux pas imiter les honorables membres qui veulent inonder la Flandre occidentale pour se débarrasser. Pour moi, je me suis borné à signaler les faits, je suis fâché qu'on ait dénaturé mes paroles en leur donnant une couleur que je pourrais qualifier d'odieuse. Toute la question se borne à ceci...
M. le président. - Ce n’est plus la question personnelle !
M. Dumortier. - Messieurs, j'insiste particulièrement pour protester contre les assertions de l’honorable préopinant ; je pourrais rencontrer toutes ses observations et les démolir une à une, car elles accusent la complète ignorance des faits ; car pour soulager l'Escaut on veut créer un canal à six lieues de l'Escaut.
M. de Saegher. (pour un fait personnel). - L'honorable M. Dumortier se plaint de ce que je lui aurais attribué des paroles qu'il n'a pas prononcées. Il n’a, dit-il, jamais parlé de rétrécir les écluses d’Antoing. Mais je le sais fort bien, et je ne l'ai pas dit non plus : Mais j'ai tiré un argument d'un argument présenté par l'honorable membre. Voilà tout.
M. Dubus (aîné). - Cela pouvait s'entendre autrement.
M. de Saegher. - C'est précisément pour cela que je désire m'expliquer, puisque vous du moins l'avez entendu ainsi.
Si l'élargissement des écluses payait, pas eu lieu, les localités en amont auraient été inondées davantage. J'ai voulu en tirer cette conséquence, que le système de l'honorable M. Dumortier était mauvais, qu'il n'admettait qu'un système partiel, qu'ainsi nécessairement, et contre ses intentions, son système conduisait à augmenter les inondations dans certaines parties du pays par les moyens mêmes qu'il voulait employer pour les diminuer dans d'autres.
M. Dumortier. - C'est le contraire. J'ai demandé des moyens d'écoulement dans les parties inférieures du pays, pour éviter des inondations dans les parties supérieures,
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - L'honorable préopinant vient de vous citer une partie de l'exposé des motifs du projet en discussion, pour établir qu'il y a urgence de décréter les moyens de faire cesser les inondations de l'Escaut.et da la Lys. Je reconnais que ce motif d'urgence existe. Je désire autant qu'aucun de ceux qui portent le plus d'intérêt aux localités en souffrance par les inondations, qu'on en vienne, le plus tôt possible, à un commencement d'exécution. Je demande donc qu'on veuille bien voter le projet présenté par mon honorable prédécesseur, qui, tout en faisant valoir le motif d'urgence, limitait ses propositions à ce qu'il croyait immédiatement possible ; c'est également ce que je fais.
Si je demande un commencement d'exécution, c'est très sérieusement. Tout ce qui peut ressembler à une démonstration est loin de ma pensée.
Je vous demanderai la permission de vous lire une partie de l'exposé des motifs, pour prouver ce que je viens d'avancer.
Voici ce que j'y trouve :
« En l'accordant (le premier crédit demandé pour le canal de Schipdonck) la législature déciderait le principe de l'exécution du canal de Deynze, à Schipdonck. et prendrait implicitement l'engagement de parfaire ultérieurement le crédit d'un million jugé nécessaire.
« Mais elle ne prendrait pas d'autre engagement ; la question du choix à faire entre les divers systèmes proposés par la commission spéciale, pour obvier aux inondations de 1 Escaut et de la Lys, demeurerait réservée, puisque l'on se bornerait à un ouvrage commun à tous les systèmes, et qui, par lui-même, aurait déjà un résultat éminemment utile, celui de soulager, en partie du moins, la ville de Gand.»
Si l'on invoque l'exposé des motifs, il faut le prendre dans son ensemble, admettre a la lois les motifs d'urgence et le cadre dans lequel la proportion a été faite.
Je désire autant qu'aucun des honorables préopinants qu'on apporte un remède efficace aux inondations de l'Escaut et de la Lys. Mais je demande aussi qu'on en vienne, à une époque prochaine, à un commencement d'exécution. J'insiste donc, de la manière la plus formelle, pour qu'on veuille voter le projet en discussion.
C'est assez dire que je demande le rejet de l'ajournement proposé par l'honorable M. Donny.
Certes, je concevrais l'amendement de l'honorable M. Donny, s'il était question de décider que le canal à ouvrir de Deynze à Schipdonck, s'arrêtera nécessairement à Schipdonck, s'il était question de décider qu'on fera un canal de la Lys au canal de Bruges, et qu'on ne fera que cela.
La proposition que vient de faire l'honorable M. Donny repose au fond sur une préemption de dommage pour la Flandre occidentale.
Je pense qu'il a déjà été répondu à cette objection.
On a dit que le nouveau canal ne servirait qu'à porter sur le canal de Bruges la quantité d'eau que ce canal peut recevoir. On a fait connaîtra également qu’il serait impossible de causer un préjudice réel aux riverains de ce canal, dans la Flandre occidentale, sans causer le même préjudice dans la Flandre orientale.
On a fait connaître que déjà l’hiver dernier, on a dû établir des diguettes sur la partie située dans la Flandre orientale, dans le but de prévenir sur cette partie du canal des inondations.
Ces faits prouvent assez, messieurs, que les dangers d'inondation seraient tout aussi grands pour la Flandre orientale que pour la Flandre occidentale, si le canal de Deynze à Schipdonck était manœuvré d'une manière inopportune.
Pour ce qui me regarde, messieurs, je regretterais sincèrement l'ajournement proposé par l'honorable membre. Nous sommes entrés maintenant dans une discussion assez étendue. L'époque d'une discussion nouvelle de la même question ne peut certainement être prévue dès maintenant. L'ajournement proposé par l'honorable M. Donny pourrait donc reculer tout commencement d’exécution bien au-delà de ce qui peut paraître probable à l'honorable membre.
Ainsi que je l'ai dit hier, messieurs, pour les partisans du canal entier, le canal de Deynze à Schipdonck est un commencement d'exécution, et je pense que ce commencement d'exécution ne peut nullement être regardé comme menaçant pour la Flandre occidentale.
M. Delehaye. - Messieurs, pour tous ceux qui ont suivi attentivement, (page 1477) et la carte sous les yeux, le discours de notre honorable collègue de Gand, M. de Saegher, il est devenu évident que tous les arguments avancés par l'honorable M. Dumortier et ensuite par l'honorable M. de Villegas, ont été, comme on le disait hier, pulvérisés, et comme le disait l'honorable M. Dumortier, entièrement démolis. Il est impossible, messieurs, de soumettre à l'attention de la chambre une suite de vues plus complètes et plus claires sur la situation de l'Escaut, que ne l'a fait l'honorable membre de la commission instituée pour examiner les mesures propres à porter remède aux inondations.
M. Dumortier. - C'est une mauvaise plaisanterie.
M. Delehaye. - C'est si peu une mauvaise plaisanterie, que j'ai entendu à mes côtés un honorable député de Tournay, homme aux connaissances spéciales dans la matière, déclarer lui-même que l'honorable M. de Saegher avait traité la question d'une manière tout à fait supérieure, et les connaissances de cet honorable députe de Tournay, je dois le dire, m'inspirent autant de confiance, lorsqu'il s'agit de semblables travaux, que l'opinion de qui que ce puisse être.
En effet, messieurs, l'honorable M. de Saegher a touché tous les arguments mis en avant par l’honorable M. Dumortier, il les a démolis pièce à pièce.
M. Dumortier. - Pas du tout.
M. Delehaye. - Il a détruit toutes vos objections, il vous a même attaqué par vos propres armes. Quand vous étiez dans le faux, il vous l'a dit ; quand vous étiez dans le vrai, il vous a fait voir les défauts de la cuirasse.
Messieurs, j'ai fait une proposition avec quelques-uns de mes honorables collègues, pour apaiser les craintes des honorables députés de la Flandre occidentale ; et je l'avoue, la demande d'ajournement proposée par l'honorable ministre des travaux publics m'a inspiré une certaine méfiance que je ne veux pas combattre.
Au commencement de la séance d'aujourd'hui, un honorable député de la Flandre occidentale a opposé au projet en discussion une nouvelle fin de non-recevoir ; de sorte que nous, qui désirons arriver à l'écoulement des eaux de telle sorte que les inondations ne se renouvellent plus, nous nous trouvons menacés de deux demandes d'ajournement. Si ma proposition est adoptée, ajournement proposé par le ministère ; si la proposition du gouvernement est adoptée, ajournement proposé par l'honorable député d’Ostende.
Mais, messieurs il y a une chose plus extraordinaire encore, c'est que cette demande d'ajournement, faite par l'honorable député d'Ostende, se trouve en quelque sorte appuyée par deux ministres qui appartiennent à la Flandre occidentale. Si le ministre des travaux publics demande le creusement du canal, deux de ses collègues le repoussent sous prétexte de défaut de fonds.
On a dit que le motif qui faisait repousser ma proposition était un motif d'argent. Mais en vérité, messieurs, peut-on, dans la circonstance actuelle, faire valoir un motif semblable ? Vous avez reconnu. M. le ministre des finances, que les inondations produisaient tous les ans un dommage de plusieurs millions dans le Hainaut et dans les Flandres, et pour mettre un terme à ces inondations vous reculez devant la dépense ! Il s'agit, messieurs, d'empêcher que périodiquement des millions d'hectares soient inondés, que les fruits de milliers d'hectares de bonnes terres soient enlevés par les eaux, et le gouvernement recule ! Il recule alors qu'il n'y a pas longtemps encore il est venu vous demander 300.000 fr. pour l'acquisition de quatre hectares qui ne doivent pas rapporter un denier au pays. Il y a plus, messieurs, cette demande de 300,000 fr. n'est que le complément d'une première demande de 600,000 fr. destinée à quoi ? A l'acquisition de quelques domaines qui ne doivent pas rapporter une paille au pays ! Et alors que vous engagez le trésor dans une dépense de 900,000 fr. pour des biens qui ne rapportent rien, et, pour dire toute ma pensée, pour arriver à un but qui est contraire à la Constitution, vous reculez devant une dépense qui aurait pour effet de conserver chaque année au pays une richesse de plusieurs millions ! Je dis qu'en faisant vos objections, vous n'avez pas été sincères. Il est impossible que le gouvernement et surtout les honorables députés des Flandres, qui connaissent les ravages des inondations, aient pu être arrêtés un instant par une question d'argent.
Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics vient d'expliquer en quelque sorte la pensée qui m'a guidé lorsque j'ai fait ma proposition. Dans mon opinion le canal de Deynze a Schipdonck pouvait suffire aux besoins pour le moment. Il le pouvait alois que le canal d'Ostende est débarrasse des eaux du nord de Bruges. L'écoulement des eaux du nord de Bruges dans le canal de Damme, était une large porte ouverte aux eaux de la Lys. Et ne convient-il pas, messieurs, que le canal d'Ostende reçoive les eaux de la Lys, qui sont en définitive les eaux de la Flandre occidentale ? Car, qu'on y prenne garde, la Flandre orientale est beaucoup plus intéressée à voir disparaître les inondations de l'Escaut que celles de la Lys. Pour nous, les inondations de l'Escaut ont une gravité que ne présentent sous aucun rapport celles de la Lys. Ainsi si, ne consultant que notre position, nous étions venus demander autre chose que le canal de Schipdonck, vous auriez pu nous faire les reproches que vous nous avez adressés. Mais le canal de Schipdonck aura pour effet de prévenir les inondations de l'Escaut ; sans cela, nous le combattrions avec vous.
On vous a dit que les inondations du haut Escaut provenaient des obstacles que rencontrait à Gand l'écoulement des eaux. Mais n'a-t-on donc pas vu qu'à Gand ce sont précisément les eaux de la Lys qui fout obstacle à l'écoulement des eaux de l'Escaut ? Pourquoi le bas Escaut ne reçoit-il pas les eaux du haut Escaut ? C'est parce que les eaux de la Lys viennent y correspondre. Délivrez l'Escaut de cet affluent, et il se suffit à lui-même. Le bas Escaut, depuis Gand jusqu'à la mer, va continuellement en s'élargissant, il peut donc suffire à l'écoulement des eaux du haut Escaut. Mais quand y a-t-il obstacle ? Précisément quand les eaux de la Lys viennent s'y jeter. Faites prendre à ces eaux une autre direction, et immédiatement le haut Escaut est délivré de ses inondations.
J'entends dire que la Lys ne se jette pas entièrement dans l'Escaut, à Gand....
M. de Mérode. - Il n'y a pas d'eau maintenant.
M. Delehaye. - Non, il n'y a pas d'eau maintenant, pas plus dans la Lys que dans l'Escaut ; l'Escaut, ainsi que la Lys, se trouvent maintenant à la jauge d'été. (Interruption.) Mais, messieurs, il n'est pas possible de répondre continuellement à des non, à des oui. Jetez les yeux sur la carte. (Nouvelle interruption.) Si mes arguments ne sont réfutés que par des non, il ne sera pas difficile à mes adversaires d'avoir raison...
M. Dumortier. - On a dit tout à l'heure que l'Escaut avait 3 pieds d'eau au-dessus de ses rives.
M. Delehaye. - Je répète encore ce que j'ai dit tout à l'heure, l'Escaut et la Lys sont en ce moment tout à fait renfermés dans leur lit ; il n'y a pas d'inondations maintenant ni sur les bords de l'Escaut, ni même sur les bords de la Lys.
Remarquez, messieurs, que la Lys domine presque constamment l'Escaut. Par l'effet de la pression, les eaux de la Lys envahissent le lit de l'Escaut et empêchent les eaux de l'Escaut de s'écouler. Jetez les yeux sur la carte. (Interruption). L'honorable M. Dumortier dit qu'une partie seulement des eaux de la Lys se jette dans l'Escaut à Gand ; mais, messieurs, si ce n'est qu'une partie c'est une très grande partie ; la carte le démontre à toute évidence.
L'honorable M. de Villegas a fait une autre insinuation ; il a supposé que nous ne voulons pas du canal de Zwynaerde parce qu'il nous ferait perdre la navigation. Messieurs, nous sommes habitués, à Gand, à nous guider par des considérations un peu plus élevées, et nous l'avons prouvé en plus d'une circonstance ; nous l'avons prouvé lorsqu'on nous refusait certains avantages qu'on accordait à d'autres ; mais, messieurs, pour répondre à cette observation, je dirai que rien ne serait plus propre à nous faire perdre la navigation que le canal de Schipdonck rendu navigable. On a demandé dans le temps la canalisation de la Dendre ; est-ce que Gand s'y est opposé, est-ce que Gand n'a pas travaillé, au contraire, à faire réussir cette canalisation ?
Eh bien, messieurs, y a-t-il rien qui soit plus propre à enlever à Gand la navigation ? Gand perdrait les droits qu'elle perçoit sur les navires ! D'abord, messieurs, il y a là une erreur, car les navires qui transitent par Gand, ne payent rien. Mais écartons toutes ces insinuations peu bienveillantes ; qu'on soit bien persuadé que nous sommes guidés par des sentiments plus nobles que ceux qu'on nous a supposés.
Admettons un instant, messieurs, que la proposition de l'honorable M. de Villegas soit adoptée, et qu'on prenne les eaux en amont de Gand pour les diriger vers Melle : eh bien, qu'arrivera-t-il ? Il arrivera que vous inonderez Melle ; Melle reçoit aujourd'hui les eaux de l'Escaut et une partie des eaux de la Lys ; faites-y affluer en moins de temps les eaux de l'Escaut, et il en résultera précisément ce qui est résulté des travaux faits en France.
Je vois l'honorable M. Dumortier faire un signe négatif, mais je me demande comment il est possible que l'honorable membre à qui tout le monde suppose (et avec raison) beaucoup de bon sens, comment il est possible que l'honorable membre puisse croire que si nous fassions en Belgique des travaux analogues à ceux qu'on a exécutes en France et qui ont amené les inondations de Tournay, la même cause ne produirait pas les mêmes effets.
L'honorable M. Dumortier n'a cessé d'attaquer le gouvernement, parce qu'il a permis au gouvernement français de faire des travaux qui accélèrent l'arrivée des eaux sur notre territoire, et ce même membre voudrait que nous fissions des travaux analogues en Belgique. Evidemment la cause étant la même, les effets seraient les mêmes.
M. Dumortier. - La chose est toute simple. C'est qu'à Wetteren la chute des eaux est de huit pieds tandis qu'à Gand elle n'est que de deux pieds.
M. Delehaye. - En vérité, messieurs, je ne conçois pas comment, avec le sentiment d’estime que nous devons avoir les uns pour les autres, on se permet de dire à la chambre des choses aussi évidemment erronées. Si l'honorable M. Dumortier a parcouru un peu les rives de l'Escaut il doit être convaincu que cela n'est pas exact. Il nous parle d'une chute d'eau de huit pieds qui existerait en aval de Gand ; il dit tenir cela des bateliers ; je ne connais pas de batelier qui ose dire qu'à Wetteren il y a une chute d'eau de huit pieds ; mais, messieurs, si cela existait, il en résulterait que depuis longtemps nous serions à sec a Gand.
Supposez, en effet, qu'à trois ou quatre lieues, en aval de Gand, il y ait une chute d'eau de huit pieds, alors qu'à Gand les eaux sont très basses et qu'elles ne sont retenues par aucune espèce d'obstacle. (Interruption.)... Il est impossible, messieurs, de répondre à toutes ces interruptions.
M. le président. - Veuillez ne pas interrompre.
M. Delehaye. - Messieurs, je n'ajouterai plus rien aux considérations que j'ai fait valoir. En terminant je dois dire comme je l'ai dit en commençant, que l'honorable M. de Saegher, membre de la commission, a prouvé qu'il connaissait aussi bien la partie de l'Escaut qui se trouve à Tournay que la partie de l'Escaut qui se trouve à Gand. On ne peut lui citer aucune erreur qu'il aurait commise ; il a mieux fait que ses contradicteurs ; il a constamment prouvé qu'ils étaient dans l'erreur et il a obtenu l’assentiment de ceux mêmes qui ne partagent pas sa manière de voir. En effet, lorsqu'on examine attentivement la situation, il faut bien (page 1478) reconnaître qu'il ne pouvait pas en être autrement, et je suis persuadé que l'honorable M. Dumortier lui-même rendra justice à M. de Saegher, lorsqu'il examinera la carte avec impartialité, sans prévention, ce qu'il fera, j'en ai la conviction. Il reconnaîtra que l'honorable membre de la commission a traité la question dans toute son étendue, qu'il l'a traitée d'une manière lucide et qu'on n'a aucune erreur à lui reprocher.
Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à ajouter. La proposition que j'ai eu l'honneur de faire n'avait qu'un but, c'était de détruire les appréhensions que le projet du gouvernement avait fait concevoir à la Flandre occidentale. Je ne voulais pas que les travaux commençassent immédiatement ; je tenais compte de la situation du trésor ; je voulais seulement, par l'adoption de ma proposition, créer pour le gouvernement l'obligation de travailler au creusement du canal de Deynze jusqu'à la mer, lorsque les circonstances en seraient venues ; le gouvernement était tenu de ne pas laisser la Flandre occidentale sous le coup des craintes qui se sont manifestées. Or, l'opinion émise par M. le ministre des travaux publics, opinion à laquelle s'est associé son collègue dans les conseils du Roi, M. de Muelenaere, député de la Flandre occidentale ; cette opinion, dis-je, doit donner à tous les représentants de cette province, la garantie suffisante que, dans l'opinion du gouvernement, le canal de Deynze à Schipdonck n'est qu'un travail partiel, et qu'il y aura force obligatoire pour le gouvernement, lorsque notre proposition sera adoptée, de faire construire, en temps utile, un canal depuis Schipdonck jusqu'à la mer. J'ai dit.
M. de Terbecq. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier vous a entretenus hier de la construction d'un canal de jonction entre le haut et le bas Escaut, ainsi que l'honorable M. de Villegas l'a fait dans la séance de ce jour, en faisant une coupure de Zwynaerde à Melle ; ces honorables membres y voient un moyen efficace de remédier aux inondations dont on se plaint. Mais ce projet, comme l'a si bien démontré l'honorable M.de Saegher, aurait, je pense, messieurs, les résultats les plus désastreux pour la vallée inférieure du bas Escaut, et de cette manière, on ne ferait que déplacer le mal en l'aggravant. C'est ce que l'honorable M. Desmet a aussi parfaitement démontré, dans une de vos dernières séances, dans la séance du 13 de ce mois.
Vous savez, messieurs, que le bas Escaut est sujet au mouvement du flux et du reflux ; qu'il y a peu de pente entre Gand et Anvers, et que les communes riveraines, garanties par une ligne non-interrompue de digues, tant sur l’un que sur l'autre bord du fleuve, sont généralement situées au-dessous du niveau des marées ordinaires ; n'est-il pas à craindre dès lors, messieurs, qu'en ouvrant un canal de Zwynaerde à Melle, qui aurait une pente assez forte, les eaux supérieures ne se jettent comme un torrent dans le bas Escaut et que refoulée par le flot de la mer qui remonte jusqu'au-dessus de Wetteren, et surtout lors des grandes marées, elles ne produisent un trop plein, renversent et franchissent les digues et ne transforment en un vaste marais l'arrondissement de Termonde, une partie de la province d'Anvers et du pays de Waes ? Si telles doivent être les suites du creusement du nouveau canal, et c'est l'opinion d’hommes pratiques très experts dans cette matière, vous reculeriez, messieurs, j'en ai l'intime conviction, devant l'exécution d'un projet qui ferait le malheur d'une des contrées les plus riches et les plus importâmes du pays.
Quant à moi, messieurs, je me trouve force de me prononcer contre un tel projet.
L'honorable M. Dumortier pense qu'à l'aide d'écluses on obvierait à tous les inconvénients ; c'est un point sur lequel le gouvernement devrait auparavant ordonner des études. Jusque-là il serait, à mon avis, imprudent de s'engager dans la construction d'un canal de décharge.
Quant au canal de Deynze à Schipdonck, je l'appuierai de mon vote.
De toute part. - A demain !
M. Manilius. - Messieurs, je serai très court, après les discours qui viennent d'être prononcés, et notamment par mes honorables collègues de Gand. Je ne rentrerai pas dans la discussion des détails, je me bornerai à une simple observation. Je dirai d'emblée que ce qui me frappe le plus en ce moment, c'est une remarque qui a été faite tout à l'heure par l'honorable M. Dumortier. Il paraîtrait, d'après l'honorable membre, qu'il y a une chute d'eau considérable à Wetteren. Je déclare que si le fait était exact, je le considérerais comme un grand bonheur. Il serait tout à fait déraisonnable, si nous étions en possession d'une pareille chute d'eau, de dépenser une somme énorme pour la construction d'un canal qui, pour arriver à la mer, devra parcourir une distance de 12 à 15 lieues.
Mais je prie l'honorable M. Dumortier de se détromper : la cause de l'inondation du bassin de Gand gît précisément dans l'écoulement des eaux du bas Escaut ; c'est justement parce que le bas Escaut est trop engorgé que nous avons des inondations périodiques à Gand et que nous n'avons pas d'issues suffisantes.
Le bas Escaut a été de tout temps la véritable issue pour toutes nos rivières ; il n'a plus suffi depuis deux ou trois siècles. Alors on s'est ingénié à trouver de nouvelles issues ; on a fait le Sas de Gand ; ce Sas, plus tard, n'a plus été suffisant : on a fait le canal de Bruges ; ce moyen d'écoulement a fini également par ne plus être suffisant ; on a élargi alors le Sas de Gand et on a fait le canal de Terneuzen ; ce nouveau moyen d'écoulement n'a pas suffi encore, surtout depuis que les eaux nous sont venues en si grande abondance, par les travaux opérés sur le territoire français.
Que demandons-nous aujourd'hui ? Nous demandons une nouvelle issue : et nous la demandons non pas vers un fleuve insuffisant, mais vers la mer, vers le côté le plus bas de la Belgique, là où nous sommes sûrs d'avoir une chute certaine, un écoulement certain, non seulement pour les eaux de la Lys, mais aussi pour les eaux de l'Escaut qui viennent se confondre à Gand avec celles de la Lys. Jeter les eaux dans le bas Escaut, c'est ajouter un encombrement à un encombrement ; car le bas Escaut est, comme je l'ai dit, la cause principale des inondations du bassin de Gand. Je n'en dirai pas davantage sur ce point, car tout a été dit.
Je tiens, messieurs, à répondre à quelques mois à M. le ministre des travaux publics relativement à sa proposition d'ajournement éventuel, pour le cas où l'article premier serait adopté avec notre amendement ; une fois que notre amendement est accepté, il n'y a plus lieu à ajournement.
Messieurs, je dois appuyer fortement sur la nécessité d'adopter non seulement l'article premier, mais encore l'amendement ; et la considération qu'on a fait valoir, c'est-à-dire l'absence de fonds, pour motiver un ajournement éventuel, ne doit pas nous émouvoir un seul instant.
En effet, messieurs, il s'agit de mettre un terme aux calamités qui pèsent sur trois de nos plus grandes et plus riches provinces, sur celles qui contribuent pour la plus large part dans les recettes du trésor, et l'on vient dire qu'il n'y a pas un écu dans le trésor pour soulager un état de choses si désastreux ! Quoi ! un simple motif financier serait de nature à empêcher le gouvernement d'aller en avant, de combattre un fléau qui mutile ainsi les trois plus grandes parties du royaume ! Je ne puis le croire.
Que diriez-vous, messieurs, d'un ministre de la guerre qui viendrait vous déclarer : « Nous sommes menacés d'une invasion de l'ennemi ; il faut combattre ; je suis prêt à combattre, j'ai mon plan arrêté ; mais M. le ministre des finances m'arrête en me disant qu'il n'y a pas d'argent dans les caisses du trésor ? » Vous seriez, n'est-il pas vrai, messieurs, indignés d'un pareil langage, d'une telle conduite. Eh bien, la déclaration de M. le ministre des travaux publics n'a-t-elle pas dû faire naître en vous un sentiment du même genre ? M. le ministre n'y a sans doute pas réfléchi ; il n'a pas pensé que sa détermination dût entraîner de si désastreuses conséquences ; il n'aurait jamais dû réduire un objet si capital aux mesquines proportions d'une question d'argent ; qu'il ne le perde donc plus de vue, l'exécution des travaux dont il s'agit doit prévenir des pertes immenses, et viendra augmenter les recettes du trésor, de manière à compenser largement la dépense que ces travaux si urgents occasionneront. N'est-ce pas un bien mauvais calcul que de ne pas vouloir lever des fonds à très bas prix, pour faire des travaux si urgents, et qui doivent en définitive profiter au trésor ?
La Belgique a fourni la preuve qu'elle a toujours de l'argent ; elle ne manque jamais d'argent, et elle en a à bon marché. Nous avons récemment converti notre 5 p. c. en 4 1/2 p. c. Nous avons des bons du trésor que nous négocions à 2 ou à 3 p. c. Eh bien, lorsque vous pouvez avoir de l'argent à si bon marché, pour faire face à une dépense aussi urgente, aussi sacrée que celle dont il s'agit en ce moment, on n'est pas autorisé à tenir le langage qu'on nous a tenu hier. Je dois l'avouer franchement, je ne comprends vraiment pas la légèreté avec laquelle ou est venu faire à la chambre une pareille déclaration.
Lorsqu'il s'est agi de tous ces travaux gigantesques qu'on a exécutés dans le pays, on n'a jamais rencontré cet obstacle ; quand on a parsemé le pays de chemins de fer, quand il s'est agi d'élever de brillantes stations, on n'a pas dit qu'il n'y avait pas d'argent ; quand vous nommez des fonctionnaires dont on n'a pas besoin, on ne vous dit pas qu'il n'y a pas d'argent ; vous avez au département des finances un inspecteur général qui ne fait rien, quand vous demandez de l'argent pour ses appointements, vous répond-on qu'il n'y en a pas ? Non, on les paye. La question d'argent ne peut donc pas être soulevée quand il s'agit de mettre un terme à l'affreuse situation où se trouvent trois de nos plus belles provinces, celles qui contribuent dans la plus forte proportion à l'alimentation du trésor public, et dont les souffrances sont constatées par des hommes dont l'expérience et les talents ne peuvent être révoqués en doute.
Je terminerai comme j'ai commencé, en déclarant que je maintiens l'amendement que j'ai présenté avec mes honorables collègues, et en exprimant l'espoir que la question d'argent n'empêchera pas la chambre d'adopter notre proposition basée sur la nécessité avouée et reconnue par le gouvernement lui-même. J'ai dit.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je voudrais que l'opinion de l'honorable M. Manilius fût parfaitement fondée ; je voudrais que la Belgique pût toujours avoir de l'argent et s'engager indéfiniment dans toutes les dépenses qui seraient reconnues utiles. Il est loin de ma pensée de méconnaître l'utilité, j'allais presque dire la nécessité des travaux demandés ; mais quand l’honorable M. d'Hoffschmidt a formulé le projet, je me suis préoccupé comme aujourd'hui dans l'ordre de mes devoirs, bien que je fusse élu représentant de la nation par une localité de la Flandre occidentale, je me suis préoccupe de ce que je considéré comme le plus grand intérêt du pays, de sa situation financière ; car c'est là qu'est presque tout l'avenir du pays.
Sans doute il est très facile de créer des bons du trésor, sans doute aujourd'hui on peut en émettre ; mais ce n'est pas tout que d'émettre des bons du trésor ; en les émettant, vous contractez une dette que vous vous engagez à consolider ; c'est un accroissement permanent du budget que vous décrétez. C'est à ce point de vue qu'il faut examiner les questions de finances. Aussi j'espère qu'à l'avenir la loi de comptabilité qui prescrit de créer les voies et moyens à côté des dépenses recevra une franche et complète exécution, et que la chambre entière tiendra constamment la main à ce qu'on ne s'écarte pas de cette disposition si utile.
En faisant ce qu'on nous propose, nous nous en écarterions, car nous décréterions des dépenses, sans assurer les voies et moyens pour y faire face.
J'ai fait violence à toutes mes sympathies lorsque j'ai cru devoir (page 1479) m'opposer à ce qu'on décrète une dépense de 6 à 8 millions qu'on n'est pas en mesure de couvrir au moyen des impôts.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.