(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 956) M. de Villegas procède à l'appel nominal à midi et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Pierre Swyen, clerc d'huissier à Bruxelles, né à Maestricht, demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Les régisseurs de la wateringue de Blanckenberghe prient la chambre de rejeter le projet de loi sur la dérivation des eaux de la Lys. »
« Même demande du conseil communal de Zedelghem. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Les fabricants et filateurs de laine à Tirlemont présentent des observations contre la convention de commerce conclue avec la France. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à cette convention et insertion au Moniteur.
M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, on vous a présenté hier l'analyse d'une pétition de la chambre de commerce d'Anvers, relativement à la législation sur les sucres. J'en demanderai l'insertion au Moniteur.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je ne m'oppose pas précisément à l'impression de cette pétition au Moniteur. Je ferai néanmoins remarquer que déjà la chambre a décidé l'impression au Moniteur de pétitions qui avaient été distribuées imprimées à chacun de nous. S'il en est ainsi de la pétition dont parle l'honorable M. Osy, il serait inutile de l'insérer. Ce double emploi, cette double impression grossit le Moniteur et rend les recherches difficiles.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne m'opposerai pas à l'insertion au Moniteur de la pétition dont parle l'honorable M. Osy. Mais nous ne devons pas avoir deux poids et deux mesures. Nous avons reçu des pétitions de différentes localités, entre autres des environs de Tirlemont et d’ailleurs, qui sont en faveur du sucre indigène. Si l'on insère au Moniteur la pétition d'Anvers, il faut aussi que l'on y insère toutes les autres, tant celles en faveur du sucre exotique qu'en faveur du sucre indigène.
M. Osy. - Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. Eloy de Burdinne. S'il demande l'insertion au Moniteur de pétitions en faveur du sucre indigène, je ne m'y opposerai pas.
L'honorable ministre des finances vient de nous dire que l'on nous distribue quelquefois des pétitions en brochure, et qu'il est inutile de les insérer au Moniteur. Je ne connais qu'une seule pétition qui ait été distribuée aux membres de la chambre ; et l'insertion au Moniteur n'en est pas moins utile pour les personnes qui n'appartiennent pas à la chambre, et qui ne reçoivent pas de brochure.
M. de La Coste. - Je ferai observer que pour donner suite aux désirs des honorables membres, il faudra imprimer au Moniteur une vingtaine de pétitions sur lesquelles l'honorable M. Zoude a fait rapport. Si la chambre ne voit pas d'inconvénient dans cette accumulation d'impressions, je ne m'y oppose pas, mais il faut que la décision de la chambre soit la même pour toutes les pétitions.
M. le président. - M. Eloy de Burdinne demande que si l'on insère au Moniteur la pétition d'Anvers, on y insère aussi toutes celles qui sont relatives à la législation des sucres. Je ferai observer que ces pétition sont très nombreuses.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, toutes les pétitions qui nous ont été adressées ont été renvoyées à la section centrale chargée d'examiner (page 957) le projet de loi sur les sucres. Il me paraît qu'il suffirait de renvoyer la pétition d'Anvers à cette même section centrale qui l'examinerai avec toute l'attention possible. Car si nous voulons insérer toutes les pétitions dans le Moniteur, nous finirons par avoir un journal double, ce qui coûtera beaucoup au pays, et ce qui, selon moi, ne produira aucun résultat.
- Le renvoi de la pétition d'Anvers à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les sucres est adopté.
- La proposition d'insertion au Moniteur de cette même pétition est rejetée.
M. le président. - L'ordre du jour appelle en premier lieu la discussion du projet de loi relatif aux ventes publiques, en détail, de marchandises neuves.
M. Osy. - Je demanderai à la chambre de vouloir s'occuper d'abord du projet de loi relatif à la publication d'un tarif officiel des douanes. La section centrale étant, je crois, d'accord avec M. le ministre des finances, la discussion sera très courte.
- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. Osy. - Messieurs, le gouvernement, par son article 2, demande l'abrogation du paragraphe 2 de l'article premier de la loi du 26 août 1822 ; c'est une erreur, on a voulu parler de l'article 2 de cette loi.
Le gouvernement, par son article 3, demande la faculté d'assimiler les marchandises non dénommés à celles avec lesquelles elles présentent le plus d'analogie ; mais il serait possible que des objets échappassent à la nouvelle classification ; l'industrie peut produire des objets nouveaux. Nous proposons donc de conserver l'article 2 de la loi de 1822, c'est-à-dire de faire payer sur ces objets 2 p. c. à l'importation, 1 p. c. à l'exportation et 1 p. c. au transit. Je crois que le gouvernement trouvera convenable avec nous de conserver cet article, pour éviter tout désagrément lors des déclarations.
Je saisirai cette occasion pour prier le gouvernement de faire faire le plus tôt possible une évaluation nouvelle des marchandises d'importation et d'exportation, évaluation qui se rapprocherait davantage de la valeur réelle. Aujourd'hui nous sommes très souvent en désaccord avec les puissances étrangères pour les évaluations de nos importations. Il n'en serait pas ainsi si l'on prenait la valeur réelle des objets importés.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la première des observations de l'honorable rapporteur est parfaitement exacte. On a commis une erreur dans la désignation de l'article de la loi de 1822. Je me rallie, sous ce rapport, au projet de la section centrale.
Je ne vois nul inconvénient non plus à maintenir la disposition de la loi de 1822, dont l'abrogation avait été proposée.
Quant à l'article 3, je dois faire observer à la chambre que le droit d’assimilation accordé au gouvernement, ne s'exercera pas par disposition générale. Toutes les fois que des produits non dénommés seront présentés en douane et qu'il sera reconnu que la désignation donnée par les industriels eux-mêmes a pour objet ou doit avoir pour résultat d'éluder les dispositions du tarif, le gouvernement, après avoir constaté ce fait, prononcera l'assimilation des marchandises non dénommées à celles avec lesquelles elles présentent le plus d'analogie. Ainsi, une lacune sera à peine signalée, que le gouvernement, en vertu de l'article 3, aura le pouvoir, et il sera même de son devoir de prononcer cette assimilation pour assurer la perception des droits, tels qu'ils sont établis au tarif.
Chaque année, messieurs, les dispositions prises en vertu de l'article 3 devront être soumises aux chambres dans le courant de la session ; on pourra apprécier alors si les actes du gouvernement ont fait une saine application de la loi.
Quant à la révision des valeurs officielles, une instruction a été commencée ; elle s'applique à une foule d'articles, et en même temps à des faits variables de leur nature. Elle n'était pas encore terminée, lorsque le temps est venu de publier la statistique de 1844.
Les valeurs officielles sont exagérées sans doute en Belgique. Mais dans d'autres pays elles le sont beaucoup plus. Les valeurs qui servent de base à la statistique française sont beaucoup plus élevées que les nôtres et si je ne me trompe, en Angleterre l'exagération est beaucoup plus grande encore.
Cette question devra être résolue en quelque sorte en principe. Une trop grande mobilité des valeurs officielles, une révision à trop court terme, enlèverait à la statistique commerciale une grande partie de son utilité, en ce sens que toute comparaison d'une année à l'autre, manquerait de base ou serait difficile.
Le résultat de cette instruction, que je ne puis du reste préjuger, sera probablement d'établir le principe d’une révision périodique des valeurs officielles, par exemple, tous les cinq ou tous les dix ans. L'on s'est occupé de cette question ; elle sera probablement résolue d'une manière définitive, avant qu'on ne commence l'impression de la statistique commerciale de 1845.
M. Manilius. - Messieurs, je ne demande pas la parole pour m'opposer à ce projet que je crois pouvoir soutenir ; mais je l'ai demandée pour recommander au gouvernement de fixer son attention sur l'ensemble des droits de douane.
Je crois que l'on aurait bien fait de donner plus d'extension au projet et de nous soumettre une régularisation complète de la loi de 1822, Car, messieurs, ce n'est pas seulement ce tarif qui est modifié, mais c'est la loi elle-même dans beaucoup de ses parties ; de telle sorte que nous n'avons plus réellement de loi organique dans le pays. Nous avons la loi de 1822, mais je l'ai déjà dit dans plusieurs circonstances, elle est méconnaissable.
La loi actuelle, messieurs, tend à laisser réimprimer le tarif des douanes. Je demanderai aussi à M. le ministre à donner beaucoup de soin à cette réimpression, à y ajouter toutes les observations nécessaires et en même temps tous les droits à payer, n'importe quelle en soit la dénomination. Je voudrais entre autres qu'en ouvrant le tarif des douanes, on trouvât, à chaque article, à côté des droits d'importation et d'exportation, les droits de transit. Jusqu'ici on s'est borné, dans les impressions qui ont été faites, à y faire figurer les droits d'entrée et de sortie, et non les droits de transit qui ont subi de notables modifications. On ne sait plus où l'on doit chercher pour connaître les droits de transit. Il y a peut-être une vingtaine d'arrêtés différents à compulser.
Je pense que le gouvernement prendra en considération cette observation et que M. le ministre des finances reconnaîtra la nécessité d'adjoindre dans cette réimpression, car je crois qu'il ne s'agit que d'une réimpression de tarif, à l'exception des objets qui ne sont pas tarifés, qui payent maintenant 2 p. c., et qui payeront à l'avenir dans la proportion des articles auxquels ils ressemblent le plus.
Je désire en outre qu'on ajoute au tarif les droits de tonnage et de pilotage. Je crois que de cette manière on aura fait un premier pas vers la réorganisation du commerce. J'espère qu'on ne s'arrêtera pas là et que le gouvernement fera en sorte de nous présenter une loi qui puisse remplacer la loi de 1822.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il ne s'agit pas ici, messieurs, d'examiner s'il y a lieu de modifier notre tarif des douanes. Cette question se rattachera plus naturellement à un autre projet dont la chambre est déjà saisie.
L'article premier du projet satisfait aux observations que vient de présenter l’honorable M. Manilius.
En effet, le paragraphe premier de cet article porte qu'il sera fait, par les soins du gouvernement, une publication officielle du tarif des droits d'entrée, de sortie et de transit.
M. Manilius. - Il n'est pas parlé des droits de tonnage et de pilotage ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait ajouter à la suite du tarif les dispositions qui régissent les droits de tonnage et de pilotage qui se trouvent en partie dans la loi générale de 1822.
Du reste, le but essentiel de cette proposition est d'établir plus de clarté dans notre tarif, épars dans un grand nombre de dispositions, et de simplifier en outre le travail des bureaux de douanes par la réduction des florins en francs, ainsi que de faciliter les opérations du commerce qui a souvent affaire aux bureaux de douanes.
M. Manilius. - C’est précisément pour faciliter les opérations du commerce dans ses rapports avec les bureaux de douane que je désire voir donner à la loi la plus grande extension possible. J'espère que le gouvernement aura égard à mes observations.
M. Savart-Martel. - Je profite de cette occasion pour rappeler au ministère que depuis 2 à 3ans j'avais demandé une refusion de la loi de 1822. Il avait été promis que le gouvernement aviserait, et toute la chambre m'avait paru approuver cette demande. Je reviens aujourd'hui prier le ministère d'avoir égard enfin à cette demande. Il ne suffit point qu'une loi puisse être connue des magistrats et de la douane, mais il faut aussi qu'elle soit mise à la portée de tous les citoyens. Or telle n'est pas la loi volumineuse de 1822, dont souvent le texte français ne s'accorde pas même avec le texte hollandais. Je ne fais pas de ceci une proposition, mais une seule recommandation.
- La chambre passe à l'examen des articles.
« Art. 1er. Il sera fait, par les soins du gouvernement, une publication officielle du tarif des droits d'entrée, de sortie et de transit.
« § 1er. Les droits d'entrée y seront établis en nombres ronds de dix en dix centimes. La fraction sera forcée si elle est de cinq centimes ou au-dessus ; elle sera négligée si elle est de moins de cinq centimes.
« Néanmoins, si le droit actuel est au-dessous de dix centimes, il sera maintenu ; mais, s'il y a lieu, les fractions de centime seront supprimées. »
« §.2. Pour les droits de sortie, les fractions de centimes de moins de 50 centièmes seront négligées ; celles de 50 centièmes ou plus seront portées à un centime.
- Adopté.
« Art. 2. Le § 2 de l'article 1er de la loi du 26 août 1822 (Journal officiel n° 39) est abrogé. »
La section centrale propose la suppression de cet article.
- Cette suppression est adoptée.
« Art. 3. Le Roi pourra :
« 1° Assimiler les marchandises non dénommées à celles avec lesquelles elles présentent le plus d'analogie, et dont elles suivront le régime pour l'application des droits d'entrée, de sortie et de transit.
« Les arrêtés d'assimilation seront soumis à l'approbation des chambres, avant la fin de leur session, si elles sont réunies, et sinon, dans la session, suivante.
« Ils auront effet jusqu'à la décision du pouvoir législatif.
« 2° Restreindre à certains bureaux de chaque frontière, lorsque les intérêts du trésor ou de l'industrie l'exigeront, l'importation des marchandises dont l'espèce ou la valeur sont d'une appréciation difficile, ou qui sont soumises à des droits très élevés. »
- Adopté.
(page 958) La chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
Le projet de loi est mis aux voix dans son ensemble, par appel nominal et adopté à l'unanimité des 61 membres présents.
Ce sont : MM. Lange, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Verwilghen, Veydt, Zoude, Biebuyck, Brabant, Cans, Castiau, Clep, Coppieters, d'Anethan, de Baillet, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Henot, Jonet, Kervyn.
La discussion générale est ouverte.
M. Savart-Martel. - Je ne viens pas contester ici le principe de la loi, car l'urgence de ses dispositions a été reconnue déjà. Nous devons protection aux détaillants à demeure fixe, comme au consommateur. Il faut que l'industrie nationale cesse enfin d'être victime de ces ventes si souvent répétées de fonds de magasin du commerce étranger qui envahissent nos marchés, et qui souvent donnent matière à des fraudes qu'on ne punit point assez sévèrement.
Mes observations seront brèves. C'est la troisième loi que nous faisons à cet égard. Pour ne pas nous exposer à une quatrième loi, regardons-y de près en ce moment.
L'interdiction des ventes en détail de marchandises neuves à cri public me paraît le principe de la loi. Sans ce principe, le législateur n'atteindrait pas le but qu'il se propose.
C'est une erreur de croire que ce principe viderait le droit du propriétaire, car si, dans l'ancien comme dans le nouveau droit, la propriété emporte la faculté de jouir, de disposer des choses de la manière la plus absolue, il y a une restriction qu'on ne doit pas perdre de vue, c'est qu'il n'est pas permis d'en faire un usage prohibé par la loi et les règlements.
Parfaitement en règle sous le rapport du droit, nous avons donc toute latitude pour apprécier chacune des dispositions qui vous sont soumises.
Mais par cela même qu'il s'agit de restreindre le droit inhérent à la propriété, le législateur doit être sobre de dispositions restrictives, il ne peut admettre que celles commandées par la nécessite.
Le projet qui vous est soumis est loin d'être parfait ; j'aurais voulu voir refondre ce projet ; mais pour ne point abuser des instants de la chambre, je ne m'arrêterai qu'à quelques points principaux.
D’abord, si la loi doit s’appliquer, dans un sens absolu, à toutes les marchandises neuves manufacturées ou non, elle aurait une portée qui dépasse la nécessité, une portée qui dépasse même le but des auteurs du projet.
Le mot « marchandise » est fort large ; il pourrait, à la rigueur, s'appliquer à tout ce qui est dans le commerce.
Je demande des explications à cet égard, car une prohibition absolue qui s'appliquerait aux fruits et récoltes, aux bois de construction et autre, à la vente de bestiaux, etc., etc., me forcerait à voter contre la loi.
La chambre remarquera que l'article 2 n'est point limitatif ; il n'est que démonstratif, surtout qu'il contient un n° 11, qui généralise la prohibition à toutes marchandises neuves, manufacturées ou non, qui ne sont pas désignées ci-dessus, par quantité de même espèce d'une valeur de cent francs au moins.
Qu'on retranche ces mots, « manufacturées ou non », qu'on déclare positivement que la loi ne s'applique pas aux fruits et récolte, à la vente de bois sur pied et bestiaux ; alors la loi aura mon approbation.
J'appelle principalement sur ce point toute l'attention de la chambre, c'est ce qu'il y a de plus important dans le projet.
J'ajouterai que les articles 3 et 6 ne peuvent coexister ensemble. D'abord, je ne conçois pas comment le bourgmestre pourrait avoir encore à vérifier un fait, que l'autorité judiciaire aurait déclaré constant ; il y aurait là une véritable anomalie. Et comment sortirait-on d'embarras en cas de conflit entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative ? Il y a dans ces deux dispositions matière à de nombreuses difficultés, même inextricables.
Quant à la confiscation, je n'en conçois guère l'application ; car la vente seule constitue le délit. Or, d'ordinaire le transfert suit la vente, et je ne pense pas qu'on allât jusqu'à vouloir confisquer en mains de l'acheteur, qui probablement sera de bonne foi.
Il me semble, qu'en pareil cas, une amende devrait tenir lieu de la confiscation.
Au surplus, je réserve de m'expliquer plus pertinemment lors de la discussion des articles, et je désire de tout mon cœur que toutes les industries soient également favorisées.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'honorable préopinant n'a pas attaqué les principes de la loi, je n'ai donc pas à la défendre.
Les observations que l'honorable membre a présentées sont relatives aux articles 2 et 3. Dans le projet de 1838, on n'avait compris que les marchandises manufacturées neuves ; dans le projet nouveau, on a ajouté ; « toutes marchandises neuves, manufacturées ou non et qui ne sont pas désignées dans l'énumération de l'article 3, par quantités de même espèce, d'une valeur de 100 francs et moins. »
Le motif de cette modification est celui-ci :
Dans nos lois de douanes, les marchandises sont divisées en catégories de matières premières, de denrées et d'objets manufacturés. Mais la chambre sait combien il est difficile de distinguer, lorsqu'une marchandise a subi une manutention quelconque, si cette marchandise est comprise parmi les matières premières ou parmi les objets manufacturés.
Ainsi, par exemple, les fils de lin et les fils de laine sont classés, dans nos relevés de douanes, au nombre des matières premières. Cependant, il est évident que les fils de lin ou de laine et d'autres objets de même nature qui sont des matières premières pour certaines industries, et qui n'en ont pas moins subi un travail industriel, doivent être considérés, à ce titre, comme des objets manufacturés, et la loi doit les atteindre. Voilà le motif principal pour lequel on a compris dans le nouveau projet cette extension aux marchandises non manufacturées.
Mais y a-t-il du danger à insérer ce principe nouveau ? Je ne le crois pas, car le remède à l'extension de ce principe se trouve dans l'exception posée dans l'article 3.
Ainsi ne sont pas comprises dans la défense portée par l'article premier, les ventes prescrites par la loi, ou faites par autorité de justice, non plus que les ventes après décès, faillite ou cessation de commerce, ou dans les autres cas de nécessité dont l'appréciation sera soumise au tribunal de commerce.
Chaque fois donc qu'un cas de nécessité sera reconnu par le tribunal de commerce, la vente à l'encan sera autorisée sous les conditions consacrées dans la loi. Ainsi, les inconvénients signalés dans des cas spéciaux ne seront pas possibles.
L'honorable M. Savart a cité, comme exemple, la vente des bois en lots et des fruits pendant par racines. Evidemment, on ne peut considérer la vente des bois sur pied, comme étant comprise dans les articles 1 et 2 de la loi.
On appelle en général marchandises, celles qui sont vendues par un marchand patenté. On ne peut attribuer le nom de marchandises neuves à des bois sur pied. Ainsi, l'article ne peut concerner cette catégorie de produits.
Du reste, si le moindre doute pouvait exister à cet égard, on pourrait ajouter à l'article premier une disposition, pour excepter la vente des bois en grume et non sciés. L'objection de l'honorable préopinant viendrait ainsi à cesser, mais je pense que cet amendement est inutile.
L'honorable M. Savart a fait une autre objection. Il a demandé s'il fallait la double autorisation du tribunal de commerce et du bourgmestre ; il a demandé pourquoi, lorsque l'autorisation était donnée par le tribunal de commerce, elle devait être confirmée par le bourgmestre.
L'honorable membre ne s'est pas aperçu que le tribunal de commerce est appelé à apprécier des cas d'une nature toute différente de ceux qui tombent sous l'appréciation du bourgmestre. Ainsi, d'après l'article 3, le tribunal de commerce est appelé à apprécier les cas de nécessité qui sont en dehors des cas prévus par cet article ; mais l’autorité local est chargée d'apprécier des cas d'une nature toute différente. Ou lit dans l'article 6 :
« L'autorisation ne sera délivrée qu'après que le bourgmestre aura reconnu que le fait qui donne lieu à la vente est réel et que le commerçant, directement ou indirectement, personnellement ou sous un nom interposé, n'a pas joui de la même faveur depuis cinq ans au moins.
« Le bourgmestre constatera, par l'acte d'autorisation, le fait qui donne lieu à la vente ; il indiquera le jour et le lieu de la commune où se fera la vente, ainsi que le temps dans lequel elle devra être terminée... »
Ainsi, le bourgmestre n'est chargé d'apprécier que des faits locaux, que des faits que réellement une autorité locale peut seule connaître, tandis que le tribunal de commerce doit juger si le cas de nécessité existe.
Je pense donc qu’il est impossible de ne pas admettre la double autorisation, puisque cette double autorisation a lieu pour des cas d'une nature différente et qu'elle ne peut provoquer un conflit.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, j'ajouterai un mot à ce que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères, en réponse au discours de l'honorable M. Savart.
Il est impossible, comme semble le craindre l'honorable membre, qu'il y ait un conflit entre le tribunal de commerce et le bourgmestre. Car le bourgmestre, avant d'accorder l'autorisation, doit s'assurer d'une seule chose : si le fait qui donne lieu à la vente est réel. Or, dès que le tribunal de commerce aura reconnu le cas de nécessité, le bourgmestre devra considérer ce fait comme preuve et accorder l'autorisation si les conditions exigées par l'article 6, et dont il est juge, sont remplies.
Aucun conflit entre les deux autorités n'est donc possible. Comme M. le ministre des affaires étrangères l'a fait observer, les deux autorités examinent des faits essentiellement différents.
L'honorable M. Savart a appelé l’attention de la chambre sur un autre point, celui relatif à la confiscation, il a demandé si elle devait avoir lieu alors même que les marchandises auraient été vendues. Il est fort difficile de tracer des règles bien fixes, car la question posée doit se résoudre par les circonstances de faits Depuis l'émanation de la loi de 1838, qui est conforme sous ce rapport à la loi française, des saisies de marchandises neuves ont eu lieu du chef de contravention à ladite loi, et voici la règle qui a été, je pense, observée ; lorsque les marchandises quoique vendues sont encore en la possession du vendeur, la saisie a lieu ; on les considère comme n'étant pas encore passées en la possession de l'acheteur.
Mais si la marchandise livrée est vendue, si l'acheteur l'a emportée en quittant le lieu de la vente, on se borne à dresser procès-verbal contre le vendeur. Un autre principe prévaut alors, « la possession vaut titre, » on n'inquiète pas l'acheteur ; ou ne peut pas admettre en effet la possibilité d'une (page 959) saisie chez un individu qui de bonne foi a acheté des marchandises dans une vente publique. Ainsi, la difficulté soulevée doit se décider en fait ; il est impossible de discuter les différentes hypothèses qui peuvent se présenter.
L'honorable membre a enfin signalé une anomalie que présenterait, selon lui, l'article 13 du projet. D'après cet article, le droit d'enregistrement est porté de 2 p. c. à 5 pour les ventes permises par l'article 2.
L'honorable membre tire de là la conséquence que, si la vente est légale, le droit d'enregistrement sera beaucoup plus élevé que si la vente est illégale, cette dernière restant sous l'empire du droit commun. Mais, messieurs, il suffit de remarquer qu'il est impossible de créer des droits d'enregistrement pour un acte considéré par la loi comme un délit, que dans cette hypothèse l'illégalité de l'acte donne ouverture à des poursuites, et par suite à des confiscations et amendes, ce qui dépassera de beaucoup, sans doute, les droits d'enregistrement à percevoir sur les ventes légales.
M. de Corswarem. - Messieurs, l'honorable M. Savart a témoigné quelques craintes que les fruits pendants, les bois de construction et les bois à brûler ne fussent compris parmi les marchandises. M. le ministre des affaires étrangères vous a expliqué ce qu'il entend par marchandises. Jusqu'à ce jour, en appliquant la loi de 1838, on n'a jamais compris sous le nom de marchandises que ce qui était revendu par quelqu'un qui l'avait acheté, par un marchand proprement dit, à tel point qu'on exigeait, sous peine d'amende, la mention de la patente dans la déclaration préalable à la vente. Il est cependant un cas où le bois à brûler est marchandise. Ce cas se présente fréquemment : on sait que dans toutes les parties du royaume, des parties de forêt sont achetées par des marchands qui les exploitent à leur manière ; ils vendent les écorces, réservent quelques arbres de choix destinés à un usage particulier, et vendent par lots ce dont ils n'ont pas besoin.
Ces bois vendus pour compte d'un marchand sont réputés marchandises. Mais tant qu'ils sont vendus pour le compte de celui sur le terrain duquel ils sont venus, ils ont toujours été considérés comme produits du sol. Je pense que c'est dans ce sens que la loi devra être appliquée.
Si les arbres sont transformés en planches, ils sont marchandises, ils sont même, jusqu'à certain point, marchandises manufacturées. D'après la loi du 24 frimaire an VII, toutes les ventes de marchandises étaient soumises à un droit de 2 p. c. Mais d'après la loi du 31 mai 1824, le droit de vente sur les marchandises régulées telles dans le commerce, a été réduit à un demi pour cent. C'est ce droit qu'on propose de porter à 5 p. c, c'est-à-dire de décupler. Il est évident que cette augmentation de droit est une protection qu'on accorde à l'industrie et au commerçant, et que cette protection sera supportée en grande partie par les consommateurs, qui seront, pour la plupart, des cultivateurs. Je ne m'oppose pas à cette augmentation de droit ; seulement je veux constater qu'il s'agit d'accorder une protection à l'industrie et au commerce. Je m'y associe, parce que j'en reconnais la nécessité. Je l'accorde de bon cœur. J'espère que plus tard, s'il y a nécessité d'accorder protection à l'agriculture, le commerce et l'industrie nous payeront de retour et nous accorderont ce dont nous pourrons avoir besoin.
Pour ce qui est de la confiscation des objets, j'avais compris l'article d'une autre manière que M. le ministre de la justice. M. le ministre vous a dit que la confiscation ne pouvait jamais frapper les objets une fois en la possession de l'acheteur. Dans la loi, il est dit : « les marchandises mises en vente ». Cela m'avait fait croire que la confiscation ne pouvait frapper que les marchandises non vendues, parce que les marchandises mises en vente ne sont pas des marchandises vendues. Il se pourrait qu'en confisquant les marchandises vendues, qui ne sont pas encore entre les mains de l'acheteur, on commît une véritable iniquité ; par exemple, quand l'acheteur en aurait déjà payé le prix. Il faut donc faire une distinction entre l'acheteur qui a payé le prix de l'objet acheté et celui qui ne l'a pas payé : si on ne le faisait pas, on commettrait une injustice. Si l'acheteur a acheté avec avantage et n'a pas payé, il sera privé de cet avantage. Cela ne doit pas nous arrêter. C'est le payement du prix qui doit être la limite à laquelle doit s'arrêter la saisie des objets vendus.
Je suis assez d'accord avec l'honorable M. Savart, pour penser que le bourgmestre peut refuser encore l'autorisation de vendre, quand le tribunal de commerce a apprécié le cas de nécessité. Mais il me paraît que ce point ne peut être traité dans la discussion générale ; je me réserve d'y revenir quand nous en serons à l'article 6. Sans cela, nous nous exposerons à embrouiller la discussion au point de ne plus pouvoir la suivre.
J'avais oublié de vous dire qu'à mon avis il serait dangereux d'insérer dans la loi l'amendement que M. le ministre des affaires étrangères a témoigné l'intention de présenter. Ce serait faire une exception pour le bois en grume et non scié ; alors les bois seuls seraient exceptés, tandis que tous les fruits pendant par racines, les produits du sol doivent pouvoir être vendus par le propriétaire. Mais l'amendement n'étant pas présenté, il ne fait pas partie de la discussion. Je n'en dirai pas davantage.
M. Delehaye, rapporteur. - Comme l'a dit l'honorable M. de Corswarem, il est plus sage d'attendre la discussion des articles pour s'occuper des questions de détail. Je me réserverai donc de répondre aux observations dont les articles ont été l'objet, au fur et à mesure qu'ils seront mis en discussion. Je me bornerai à rectifier les erreurs dans lesquelles sont tombés MM. les ministres des affaires étrangères et de la justice.
M. le ministre des affaires étrangères, répondant à l'honorable M. Savart qui s'était plaint de ce qu'on n'avait pas compris la vente des bois et fruits de la terre, a parlé d'introduire une disposition concernant les bois. Je dirai que cette disposition ne se rapporte pas à l'article 3, mais à l'article 2 où l'on définit les ventes qui peuvent se faire à l'encan.
Le projet de loi en vigueur ne s'applique qu'aux objets manufacturés et non aux objets non manufacturés. Cela fut l'objet de réclamations de quelques localités et notamment de deux villes de la Flandre occidentale, et c'est sur ces réclamations que le gouvernement a cru devoir ajouter au n°11 les marchandises non manufacturées. Par là on entendait les bois sciés les raspes, les fruits quelconques de la terre.
Des observations si fondées ont été faites, que la section centrale a cru devoir abandonner les mots : « non manufacturées ». Voici les motifs : D'abord, il est d'usage constant que la vente des bois se fasse par lots de moins de 100 francs. Cela ne peut porter préjudice à aucune industrie. Ce sont les menuisiers et les charpentiers qui vendent le bois en détails. Si un particulier en achète en vente publique, il devra, pour l'utiliser, avoir recours au menuisier ou au charpentier qui trouvera moyen de faire le bénéfice que la vente du bois lui aurait procuré.
Ainsi donc, on ne porte préjudice à aucune industrie quelconque. Dans les Flandres, on a l'habitude de vendre par lots de moins de cent francs, non-seulement des comestibles, mais du lin Peut-on prohiber ces ventes ? Je ne le pense pas. Quand nous en serons au n°11, nous ferons donc bien de retrancher les mots : « non manufacturées ». Nous ferons ainsi droit aux réclamations qui ont été faites. La disposition dont a parlé M. le ministre des affaires étrangères deviendrait dès lors inutile.
Une autre erreur a été commise par M. le ministre de la justice. Il a dit que, dans le cas de vente par nécessité, le tribunal de commerce déclarait la nécessité, et que le bourgmestre donnait postérieurement son approbation à la vente. C'est ainsi que cela se faisait ; mais je crois qu'il y a une lacune dans la loi. Je suppose que le tribunal a décidé qu'il y a lieu de mettre en vente publique des objets qui se trouvent chez un individu.
La décision du tribunal de commerce sera soumise au bourgmestre, qui refusera, je suppose, son approbation ; que faudra-t-il faire ? Que la décision du bourgmestre soit soumise a l'autorité supérieure, c'est-à-dire a la députation permanente. J'en fais la proposition.
Ensuite le tribunal de commerce pourra ne pas reconnaître la nécessité de la vente. Dans ce cas, je pense que sa décision devra être susceptible d'appel.
Enfin, il faudra déterminer le délai dans lequel le bourgmestre devra se prononcer.
Je crois avoir répondu aux observations de l'honorable M. Savart, qui avaient trait à la discussion générale. Il en est d'autres auxquelles je me réserve de répondre dans la discussion des articles.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. Delehaye vient de vous dire que j'ai commis une erreur. J'avoue que, même après avoir entendu ses observations, je ne comprends pas quelle serait l'erreur que j'aurais commise.
L'honorable M. Delehaye paraît croire que d’après ma manière de voir le bourgmestre pourrait réformer une décision du tribunal de commerce. Mais j'ai dit précisément le contraire. Le tribunal de commerce examinera, ai-je dit, s'il y a nécessité de vendre. Le bourgmestre devra considérer cette nécessité comme constatée par la décision rendue, et il ne pourra refuser l'autorisation que dans les cas prévus par l'article 6, par exemple si une autorisation avait été obtenue par la même personne depuis moins de cinq ans.
Il n'est jamais entré dans ma pensée de dire que le bourgmestre pourrait paralyser, encore moins réformer une décision du tribunal de commerce.
L'honorable M. Delehaye pense qu'il faudrait autoriser l'appel des décisions du tribunal de commerce en cette matière. Mais messieurs, il s'agit de décider en fait, d'apprécier s'il y a nécessité de vendre ou de ne pas vendre. J'admettrais difficilement que ce cas présentât des difficultés assez graves pour donner ouverture à un appel. Les tribunaux de commerce ont une compétence assez étendue en dernier ressort, pour qu'on leur confie, sans inconvénient le droit de juger sans appel dans ce cas où il s'agit simplement d'apprécier un fait.
Quant à la décision du bourgmestre, je suis de l'avis de l'honorable M. Delehaye : si un bourgmestre refusait indûment son autorisation, ou doit avoir la faculté de se pourvoir près de la députation permanente du conseil provincial.
M. de Saegher. - MM. les ministres de la justice et des affaires étrangères ont répondu tout à l'heure à une objection d'un honorable préopinant, relativement aux difficultés que l’on pourrait rencontrer pour concilier les dispositions des articles 5 et 6 du projet. Ils ont soutenu qu'un conflit entre le tribunal de commerce et le bourgmestre était impossible.
Je suis d'une opinion contraire.
Je crois que le conflit entre ces deux autorités, si nous conservons la rédaction des articles dont il s'agit, non seulement n'est pas impossible, mais peut arriver fréquemment, parce que le tribunal de commerce et le bourgmestre devront statuer absolument sur les mêmes points qu'ils apprécieront souvent d'une manière différente.
L'article 3 porte : « Ne sont pas comprises dans la défense portée par l'article premier les ventes faites par autorité de justice...., ou dans les autres cas de nécessité dont l'appréciation sera soumise au tribunal de commerce.. »
Le tribunal de commerce doit donc apprécier si, dans un cas donné, il y a nécessité d'autoriser la vente. Que fera le tribunal pour apprécier la nécessité de la vente ? Il devra en premier lieu vérifier, reconnaître et constater le fait même qui doit donner lieu à la vente ; il doit examiner si les faits allégués par le commerçant sont de nature à permettre aux tribunaux d'autoriser la vente.
(page 960) Le tribunal de commerce devra faire plus ; il indiquera quelles sont les marchandises qui devront être vendues. Il est impossible d'interpréter autrement l'article 5.
Que doit faire le bourgmestre ? Précisément la même chose.
L'article 6 porte : « Les ventes publiques et par enchères après cessation de commerce, ou dans les autres cas de nécessité prévus par l'article 5 de la présente loi ne pourront avoir lieu qu'autant qu'elles auront été autorisées par le bourgmestre.
« § 2. L'autorisation ne sera délivrée qu'après que le bourgmestre aura reconnu que le fait qui donne lieu à la vente est réel.
« § 3. Le bourgmestre constatera le fait qui donne lieu à la vente. »
C'est donc absolument le même fait que ces deux autorités devront apprécier.
Or, il arrivera que, d'après les raisons de nécessité données par tel ou tel commerçant dans une requête adressée au tribunal (or ; je pense que ce sera par requête que le négociant devra faire sa demande, quoique l'article 3 du projet n'en parle pas), le tribunal décidera qu'il y a lieu à la vente par tel motif qu'il indiquera dans sa réponse à la requête.
Mais, d'après l'article 6, le commerçant sera encore obligé de se présenter par requête au bourgmestre, qui pourra répondre : « non ! » car l'article 6 lui en donne formellement le droit. Dans ce cas, il y a évidemment conflit, et à qui le commerçant s'adressera-t-il pour faire statuer sur le conflit et obtenir l'autorisation demandée ? Y aura-t-il une-autorité supérieure qui puisse vider le conflit ? Le projet n'en parle pas. Cela est pourtant indispensable. Aussi, nous reviendrons sur ce point lorsque l'honorable. M. Delehaye aura présenté l'amendement qu'il a annoncé, et qui portera que la députation permanente du conseil provincial sera chargée de décider en deuxième ressort. Nous pensons qu'il y a nécessité d'admettre une autorité pour statuer en degré d'appel, mais nous n'admettons pas que ce soit la députation provinciale.
L'honorable ministre des affaires étrangères a objecté qu'il ne faudra pas de double autorisation, que les tribunaux de commerce auraient à apprécier seulement les cas énoncés dans l'article 3, par exemple « les cas de nécessité ». Mais encore une fois voyez l'article 6, et vous reconnaîtrez que nonobstant le cas de nécessité apprécié, reconnu par le tribunal de commerce, le bourgmestre restera tout à fait libre dans l'exercice de son droit d'autorisation résultant de l'article 6. Cet article porte en termes formels que les ventes publiques dans les autres cas de nécessité prévus par l'article 3, ne pourront avoir lieu qu'autant qu'elles auraient été préalablement autorisées par le bourgmestre, et que l'autorisation ne sera délivrée qu'après que le bourgmestre aura reconnu le fait qui donne lieu à la vente.
C'est là d'ailleurs l'opinion du gouvernement lui-même : pour s'en convaincre on n'a qu'à examiner l'exposé des motifs de son projet.
Je lis à la page 5 de ce document : « cette appréciation et l’assentiment préalable de l’autorité judiciaire ne préjudicient pas d'ailleurs à la nécessité d'obtenir l'autorisation du bourgmestre prescrite par l'article. 6. Seulement cette autorisation ne saurait être donnée qu'autant qu'il y ait eu au préalable assentiment du tribunal. »
Je suppose donc qu’il y ait assentiment du tribunal, et qu’il y ait refus du bourgmestre d’accorder l’autorisation ; le bourgmestre aura-t-il, oui ou non, le droit de refuser l’autorisation ? Il est clair qu’il aura le droit de la refuser en vertu de l'article 6. Que ferez-vous en cette circonstance ? Quelle sera l'autorité qui videra le conflit ? Sera-ce le bourgmestre ou le tribunal de commerce ? Il est évident qu'ici il y a lacune et qu'il n'existe aucune harmonie entre ces deux dispositions des article 5 et 6.
Je vous en dirai le motif : On a copié, en grande partie, la loi française mais on a eu le tort de la changer en quelques points, d'y introduire quelques dispositions nouvelles et de déranger ainsi l'harmonie de la loi française. Voilà le motif pour lequel le projet qu'on nous présente n'est pas coordonné dans ses diverses dispositions.
M. le ministre de la justice nous a dit : « Le bourgmestre doit seulement s'assurer de la réalité du fait. » Mais nous avons déjà dit que le tribunal de commerce de son côté n'a pas autre chose à apprécier. Si le fait est réel d'après l'appréciation du tribunal, et s’il ne l’est pas d'après le bourgmestre, que ferez-vous ? Vous voyez qu'il y a lacune, qu'il faut changer les dispositions, les coordonner ensemble.
Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'adopter la disposition de la loi française qui donne le droit d'autorisation, non au bourgmestre, ce qui est en dehors de ses attributions ordinaires, mais au tribunal de commerce. De cette manière on pourra arriver à une solution satisfaisante de la difficulté qui nous occupe.
M. Donny. - J'ai entendu, avec beaucoup de satisfaction, l'opinion nouvelle émise par l'honorable rapporteur de la section centrale, relativement à la vente des bois de construction ; cette opinion nouvelle, je la partage complétement.
Comme lui, je pense qu'il n'est nullement convenable de prescrire que la vente publique des bois de construction ne pourra se faire que par lots ayant une valeur d'au moins cent francs.
Une disposition semblable serait une grande entrave apportée au commerce des bois de construction, entrave qui ne serait justifiée par aucun motif quelconque.
Je dis que l'entrave serait réelle et sérieuse ; et pour cela, je n'ai qu'à expliquer comment se font les ventes de bois de construction. Ces bois ne sont pas souvent rangés par lots déterminés. Ordinairement on expose en vente une poutre de telle dimension, et on la vend avec faculté pour l'acheteur d'en prendre quatre, cinq, six ou dix, s'il le veut. Vous voyez que si vous forcez le vendeur à faire des lots déterminés, vous changez les habitudes du commerce, vous restreignez la concurrence, et par conséquent vous portez un préjudice notable au vendeur.
Je dis qu'il n'y a aucun motif d'introduire dans la loi un changement de cette nature ; et en effet, qu'on passe en revue les motifs donnés pour l'adoption de la loi du 28 mars 1838 ; les motifs donnés par le gouvernement en présentant le projet de loi actuel ; les motifs allégués dans le rapport de la section centrale ; et nulle part on ne trouvera un mot qui puisse' justifier la mesure.
Comme M. le ministre des affaires étrangères et l'honorable M. de Corswarem font résulter la disposition que je combats du paragraphe 11 de l'article 2, si ce paragraphe est voté tel qu'il est rédigé, je présenterai, lors de discussion de l'article 3 un amendement qui aura pour but d'excepter de la loi la vente des bois de construction.
M. de Brouckere. - Messieurs, nous en sommes à la troisième édition d'une loi sur les ventes à l'encan, et quelque revue, corrigée et commentée que soit cette troisième édition, je suis convaincu qu'elle n'aura pas plutôt vu le jour que le commerce en demandera une quatrième édition avec de nombreuses augmentations.
Cependant, messieurs, je ne viens pas proposer d'amendements au projet, parce qu'une semblable loi ne peut pas être improvisée et que quand, dans une assemblée comme la nôtre, nous aurons, par des amendements, voulu remplir certaines lacunes, il en restera encore beaucoup que nous n'aurons pas prévues.
Si j'ai demandé la parole, messieurs, c'était uniquement parce que je tenais à constater qu'entrés dans cette voie exceptionnelle en 1838, nous n'en sortirons jamais d'une manière satisfaisante.
Je tenais aussi à adresser soit au ministère, soit à M. le rapporteur, une ou deux questions sur la manière dont on entend l'article 2 et l'article 3 de la loi.
Je vois que l'article 2 a pour objet de protéger certaines industries. Mais il en est d'autres pour lesquelles on n'a rien fait et je désirerais savoir les motifs de cette différence. Ainsi je dis qu'on n'a rien fait pour l'horlogerie, pour l’ébénisterie, pour la fabrication des glaces. Pourquoi donc ces industries, si vous croyez devoir en protéger d'autres, n'ont-elles pas quelque part à votre protection ?
Je sais bien que le paragraphe 11 de l'article 2 porte que toutes marchandises neuves, manufacturées ou non, qui ne sont pas désignées plus haut, ne pourront être vendues que par quantités d'une valeur de 100 fr. Mais tout le monde sait qu'une glace ne doit pas être d'une bien grande dimension pour valoir plus de 100 fr. ; qu'une pendule très médiocre coûte plus de 100.fr., et que tout meuble d'ébénisterie, quelque peu soigné, s'élève aussi à une valeur de plus de 100 fr.
Quant à l'article 3, je vois qu'on y fait une exception pour les ventes qui ont lieu après décès, faillite ou cessation de commerce. Mais que ferez-vous lorsqu'un négociant qui aura annoncé qu'il veut cesser son commerce, le cessera en effet pendant quelque temps et le reprendra ensuite ?
M. Delehaye. - Ce cas est prévu.
M. de Brouckere. - Mais que ferez-vous s'il tient le commerce sous le nom de sa femme ?
Ne croyez pas, messieurs, que j'en sois à des hypothèses ; ce fait s'est réalisé à Bruxelles et il se réalisera encore. On veut se défaire d'un fond de magasin, on annonce qu'on cesse le commerce ; quelques semaines après, on reprend le même commerce sous le nom de sa femme ou sous le nom d'un tiers, et il est de notoriété publique et il n'est pas même contesté que c'est le même individu qui a vendu son fonds de magasin, qui recommence ce commerce.
Vous voyez, messieurs, qu'après avoir cherché à prévoir toutes les hypothèses, il en est encore, et de très graves, que vous n'avez pas prévues et que vous ne pouvez pas prévoir.
Messieurs, j'ai la conviction que les abus, et les abus les plus graves, ceux qui devraient le plus occuper l'autorité, se commettent dans les salles de ventes publiques. Eh bien, votre loi ne renferme pas de dispositions de police qui préviennent ces abus. Je crois que je n'ai pas besoin de les signaler, tout le monde les connaît ; tout le monde les comprend. Il est de fait que ces salles de vente publique sont des établissements qui dans beaucoup de cas favorisent le vol, favorisent le crime. Je ne crois pas qu'il s'élèvera dans la chambre une voix pour me contredire.
M. Rodenbach. - C'est vrai, comme les monts-de-piété.
M. de Brouckere. - Messieurs, j'entends dire : comme les monts-de-piété. Je dis, moi, beaucoup plus que les monts-de-piété, parce qu'aux monts-de-piété on est obligé d'employer certaines précautions auxquelles ne sont pas astreintes les personnes qui font des ventes publiques.
Je le répète, messieurs, la loi ne contient aucune disposition qui soit de nature à prévenir les abus très graves-et très fréquents qui se commettent journellement dans les établissements où se font régulièrement les ventes-publiques.
D'après ces considérations, vous comprendrez que je regarde la loi comme étant loin de pouvoir atteindre le but que l'on se propose et comme ne devant nullement satisfaire les intérêts que l'on veut protéger.
M. Delehaye, rapporteur. - Messieurs, la section centrale, pas plus que le gouvernement, n'a eu la prétention d'obvier à tous les inconvénients qui pourraient se présenter. Nous avons pris pour guide la loi française, et nous sommes convaincus que, par l'adoption du. projet en discussion, un (page 961) grand nombre des inconvénients qui ont été signalés en France ne pourront se reproduire en Belgique.
Je sais bien, messieurs, que tous les cas n'ont pas été prévus ; mais je crois qu'il est impossible de les prévoir tous dans une loi de cette nature. D'ailleurs, quelles que soient les dispositions que vous y insériez, soyez persuadés que l'esprit de lucre, que le désir du gain, saura toujours trouver des moyens d'éluder la loi.
On nous a dit que certaines industries n'étaient pas suffisamment protégées par la loi actuelle ; on a cité l'industrie des glaces. En effet, messieurs, les glaces ne sont pas nominativement mentionnées dans la loi, mais on a entendu les comprendre sous la dénomination de marchandises manufacturées dont parle le 11° de l'article 2. (Interruption.) J'entends dire que ce paragraphe n'interdit la vente des marchandises manufacturées que lorsque leur valeur est au-dessous de 100 fr. Je sais très bien qu'en général les glaces ont une valeur d'au-delà de 100 fr. Mais remarquez, messieurs, que par la loi on n'a pas seulement voulu venir au secours des vendeurs. On a aussi voulu protéger les consommateurs et surtout les petits consommateurs. Car il a été reconnu que le plus souvent ceux-ci étaient trompés dans les achats qu'ils faisaient aux ventes à l'encan. Je puis, messieurs, vous citer comme exemple un fait qui s'est passé dans une des principales villes du pays, à Gand.
Dans une vente tombant sous les dispositions de la loi de 1838, un individu exposa plusieurs objets de manufactures françaises. Le premier jour de la vente les objets exposés étaient très bien confectionnés, et ils étaient vendus à un prix très bas ; on ne permettait pas même d'enchérir, on les abandonnait à celui qui le premier faisait une offre. Après la vente, la plupart des acheteurs qui étaient, permettez-moi le mot, des compères du vendeur, allèrent faire voir partout les objets qu'ils avaient acquis à si bas prix ; ils firent valoir combien ces achats étaient favorables pour eux. Qu'en résulta-t-il ?
C'est que le lendemain une quantité de personnes voulaient profiter des mêmes avantages et firent des achats. Mais lorsque ces personnes rentrèrent chez elles, elles reconnurent que les marchandises qu'elles avaient achetées n'étaient pas du tout les mêmes que celles qui avaient été vendues la veille, que c'était en grande partie des marchandises gâtées.
Voilà, messieurs, un fait qui s'est présenté à Gand et probablement encore dans d'autres villes.
Messieurs, l'honorable M. de Brouckere a perdu de vue un fait, c'est que le projet qui vous est soumis a été en grande partie élaboré par une association de grands négociants qui s'est organisée dans le pays, et particulièrement par le comité central qui se trouve à Bruxelles. Ces négociants n'ont pas prétendu prévoir tous les cas, mais ils ont cru avec raison rendre un service signalé à l'industrie et au commerce.
D'ailleurs, messieurs, nous pouvons nous laisser guider par la loi française. En France, depuis que la loi existe, et elle est moins complète que la nôtre ; la plupart des inconvénients dont on se plaignait, ont disparu.
Quant aux faits qui vous ont été signalés par l'honorable M. de Brouckere pour les salles de ventes, je partage entièrement la manière de voir de l'honorable membre ; je reconnais que c'est dans les salles de ventes que se commettent les abus les plus graves, que très souvent on va y vendre des objets qui proviennent de personnes en faillite, et qui sont soustraits ainsi aux créanciers. Je crois aussi qu'il est nécessaire de réglementer cette matière. Mais la loi actuelle n'est pas destinée à le faire ; elle n'est applicable qu'aux ventes publiques ; et ce n'est pas ordinairement dans les ventes publiques que se commettent ces abus, c'est dans les salles attenant à celles où se font les ventes.
M. de Corswarem. - Messieurs, il est évident que la loi en discussion s'applique aux objets qui se vendent publiquement dans les salles de vente. Que la vente en détail se fasse dans la rue, dans une chambre ou dans une salle de vente, cela est indifférent. Mais, comme le dit très bien l'honorable M. Delehaye, la loi n'atteint nullement les objets qui se vendraient de la main à la main dans un local attenant à une salle de vente, parce que ces objets ne se vendent pas à l'encan. Si la loi pouvait atteindre ces objets, elle devrait également s'appliquer à ceux qui sont exposés avec une étiquette portant le prix fixe auquel on veut les céder. C'est encore là une espèce de vente à l'encan, mais ce n'est pas une vente à cri public. L'objet est exposé ; il porte le prix auquel on peut l'obtenir ; on le prend ou on ne le prend pas. C'est un nouveau genre de vente introduit depuis quelque temps, qui a pris faveur et dont le consommateur, je le crois, se trouve parfaitement bien.
Je ne partage pas l'avis de l'honorable M. de Brouckere, que la loi ne serait pas applicable aux personnes qui cesseraient un commerce, et qui le recommenceraient ensuite sous le nom de leur femme ou d'un autre associé. Ce cas est complétement prévu à l'article 8. La dernière partie de cet article dit : « S'il arrive qu'une société ayant obtenu semblable autorisation et en ayant profilé, l'un de ses membres, pour son compte particulier, recommence le même commerce dans l'année, il y aura lieu à l'application des peines comminées ci-après. »
Tout ce qu'il s'agirait de constater ce serait que celui qui a repris le commerce était associé à celui qui l'a cessé précédemment ; il suffirait de pouvoir constater qu'il existe une société entre celui qui a profilé de l'autorisation de vendre et celui qui a recommencé le commerce.
Je ne partage pas tout à fait l'avis de l'honorable M. Delehaye lorsqu'il dit que la loi est faite en faveur des petits consommateurs. Elle est bien faite en faveur des petits consommateurs sous un rapport, puisqu'elle les protège contre un genre de fraude que l'honorable rapporteur nous a signalée ; mais en défendant la vente d'objets d'une valeur moindre de 100 fr. et en permettant la vente d'objets qui ont une valeur supérieure à ce chiffre, la loi favorise les consommateurs des classes élevées et non pas les petits.
En effet, messieurs, les objets d'horlogerie et d'ébénisterie ainsi que les glaces n'échapperont pas seulement à la loi lorsqu'ils atteindront un prix supérieur à 100 fr. Mais il en sera aussi de même des bronzes, des voitures, des tapis, des cheminées de marbre et en général des objets de luxe. Toutefois, je pense qu'il n'y a pas grand inconvénient à ne pas comprendre ces objets dans la loi, parce que les ventes publiques à l'encan ne sont ordinairement fréquentées que par des personnes appartenant à la classe moyenne, qui n'achètent pas souvent des meubles ayant chacun une valeur de plus de 100 francs ; de semblables meubles ne sont guère achetés que par des personnes de la haute société, et celles-là ne composent jamais le public des ventes à l'encan.
L'honorable M. Delehaye a témoigné quelque crainte relativement aux ventes publiques de lin ; il va sans dire que lorsqu'un cultivateur vend le lin qu'il a cultivé ou récolté, il ne vend que le produit de son sol ; évidemment ce n'est pas là une marchandise ; mais il va également sans dire que si un spéculateur achetait une grande pièce de lin et qu'il revendît ensuite ce lin par petites portions, alors le lin deviendrait une marchandise, puisque celui qui le vendrait l'aurait acheté dans ce but. Il me paraît donc évident que dans ce dernier cas la loi serait applicable.
Je me bornerai, messieurs, à ces observations, car il me semble que toute cette discussion trouverait beaucoup mieux sa place dans l'examen des articles.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'aurais préféré aussi examiner ces différentes questions à l’occasion des articles, mais puisque la discussion est déjà très avancée, autant vaut épuiser la matière maintenant.
Je répondrai deux mots à une observation générale faite par l'honorable M. de Brouckere. L'honorable membre trouve que l'énumération de l'article 2 est insuffisante ; il a signalé quelques lacunes dans la rédaction de cet article. Mais, messieurs, la loi française de 1841 se borne, dans son article premier, à donner une définition générale : « Sont interdites les ventes en détail de marchandises, etc. » Elle ne détermine nulle part ce qu'elle entend par vente en détail. Ainsi l'inconvénient dont l'honorable membre a parlé devrait exister au suprême degré sous le régime de la loi française. Sous ce rapport, la loi belge est plus complète ; l'article 2 de la loi belge définit ce que l'on doit entendre par la vente en détail de marchandises neuves ; il comprend d'abord ce que comprenait notre loi de 1838 qui n'a pas rencontré, dans l'application, beaucoup de difficultés, qui n'a pas donné lieu à beaucoup d'inconvénients.
Cet article comprend les marchandises qui, d'ordinaire, se vendent à l'encan, c'est-à-dire, les objets de quincaillerie, les étoffes, les tissus, etc.
Je sais bien qu'il est impossible de comprendre tous les objets dans la loi, mais l'article 2, paragraphe 11, renferme une disposition générale qui concerne « toutes marchandises, manufacturées ou non, qui ne sont pas désignées dans la loi, par quantités de même espèce, d'une valeur de moins cent de francs. »
Messieurs, l'honorable M. Delehaye a fait une observation relative à la disposition de l'article 2, en ce qui concerne les objets non manufacturés. D'après l'interprétation que je donne à la loi, on ne peut pas comprendre sous la dénomination de marchandises neuves les fruits pendants par racines ou les bois sur pied, car évidemment on entend par marchandises les objets vendus par un marchand patenté. On ne pourrait pas non plus comprendre sous cette dénomination de marchandises neuves les bois de construction ou les bois sciés. Cependant je reconnais qu'il n'y a pas d'inconvénient à supprimer, dans le paragraphe 11, les mois « ou non » après le mot « manufacturées » et je me rallie à cette suppression proposée par l'honorable M. Delehaye.
- La chambre passe à l'examen des articles.
« Art. 1er. Sont interdites les ventes en détail des marchandises neuves à cri public, soit aux enchères, soit au rabais, soit à prix fixe proclamé, avec ou sans l'assistance des officiers ministériels. »
M. Castiau. - L'honorable M. de Brouckere vient de nous présenter dans les termes les plus incisifs la critique du projet de loi qui vous est soumis. Il vous a rappelé cette longue série d'efforts et d'avortements auxquels cette loi avait donné lieu. C'est la troisième édition, vous a-t-il dit, de la loi sur les ventes à l'encan depuis quelques années. Cette troisième édition, quoique considérablement augmentée, ne suffira pas. Il faudra encore recourir à de nouvelles révisions, et bientôt tous les instants de la législature seront consacrés à réviser, à corriger et à modifier cette interminable législation sur les ventes à l'encan. Oui, messieurs, voilà la perspective qui s'ouvre devant vous, et quand tant d'autres intérêts sont en souffrance, vous n'aurez plus bientôt assez de tous vos instants pour faire droit aux incessantes réclamations des intérêts privés qui exigent la loi, et qui, à chaque révision, la trouvent insuffisante et exigent de nouvelles aggravations.
Mais comment se fait-il qu'après avoir ainsi présenté la critique la plus énergique et la plus incisive du projet de loi, l'honorable membre ne vous en ait pas proposé le rejet ? Pourquoi surtout ne vous a-t-il pas fait connaître la cause de tous ces avortements législatifs ? Cette cause, faut-il donc vous la révéler ? C'est que vous êtes en dehors du droit commun et que, ballottés par toutes les exigences des intérêts privés, vous ne pouvez les satisfaire et vous vous trouvez abandonnés à toutes les hésitations et aux tâtonnements de l'arbitraire. Les concessions de chaque jour en appellent d'autres et la fraude, de son côté, se charge de rendre impuissantes toutes les atteintes que vous portez aux droits de la libre concurrence.
(page 962) Le système dont on poursuit avec tant d'efforts et si peu de succès l'adoption depuis quelques années, est, il faut bien le reconnaître, l'exagération la plus outrée des idées protectionnistes. C'est le système protecteur élevé, si je puis m'exprimer ainsi, à la troisième puissance. Jusqu'ici on n'avait introduit le régime protecteur qu'à la frontière ; on ne l'avait réclamé que pour défendre l'industrie nationale contre la concurrence de l'industrie étrangère. Cette fois on introduit ce régime dans l'intérieur du pays ; on le place entre diverses industries, on étouffe l'une pour mieux protéger l'autre, c'est-à-dire qu'on veut nous faire rétrograder jusqu'au-delà du moyen âge et de la féodalité. Alors, sans doute, il y avait des lois prohibitives entre les diverses provinces ; mais, cette fois, c'est entre des industries également nationales et dignes d'intérêt à divers titres, qu'on voit intervenir des prohibitions.
Où donc vous arrêterez-vous, messieurs, une fois lancés dans ces voies nouvelles de protection et de prohibition ? Allez-vous donc en venir à de nouvelles lois de maximum et à la destruction successive des industries qui vous déplairont en faveur des industries dont vous voulez vous conserver les bonnes grâces ?
Il ne faut pas vous y tromper, messieurs, c'est la destruction complète de l'industrie des ventes à l'encan qu'on vous propose. Ce n'est pas seulement la vente en détail qu'on prohibe, c'est encore la vente en gros. Cette dernière vente elle-même sera, en fait, complétement supprimée ; d'abord, parce que les quantités exigées pour la vente en gros sont tellement importantes qu'elles ne peuvent trouver d'acheteurs ; puis, parce que les droits et les frais dont on grève ces ventes, vont être tellement considérables qu'ils équivaudront à une prohibition. Ce n'est pas seulement un droit d'enregistrement de 2 p. c. qu'on aura à payer. L'article 14 de la loi nouvelle joint à ce droit une retenue en faveur de l’Etat de 5 p. c. du produit des ventes ; puis viennent les frais de l'expertise préalable exigée par l'article 2, et les émoluments de l'officier public chargé de la vente. Tous ces droits et ces frais, réunis, s'élèveront à 12 ou 15 pour cent. N'est-ce pas là prohiber, en fait, la vente en gros elle-même ? Et n'y aurait-il pas eu plus de franchise et démérite, de la part de la majorité de la section centrale, de venir nous proposer loyalement cette suppression que de la réaliser par des moyens indirects et détournés ?
Et cependant, messieurs, je ne viendrai pas vous proposer le rejet absolu de la loi que nous discutons. A quoi bon en effet ? Ma proposition se briserait contre l'immuable majorité qui, dans cette enceinte, couvre de sa sollicitude et de ses sympathies ce projet. Ce projet, c'est, on peut le dire, l'enfant gâté de la majorité, voici trois fois qu'elle s'en occupe depuis quelques années avec une sorte d'amour. Pour s'en occuper, elle ajourne des mesures de haute importance qui depuis quinze ans reposent dans les cartons de la chambre. Elle n'y attacherait pas plus d'intérêt, en vérité, s'il s'agissait d'une mesure de salut public et d'une loi d'existence nationale.
Je me contenterai donc de vous proposer une seule exception à la prohibition absolue contenue dans l'article premier. Cette exception, je viens la réclamer en faveur des livres. Je viens vous demander de conserver, pour les livres uniquement, la vente à l'encan, parce que c'est la vente la plus rapide, la plus populaire, la seule enfin qui, environnée de retentissement et d'animation, puisse mettre les livres à la portée de toutes les classes de la société et surtout des populations des campagnes.
Ai-je besoin, messieurs, de justifier cette exception ? Et ne me suffirait-il pas, pour cela, d'en appeler à votre raison, à votre intelligence, à votre justice ?
Pouvez-vous, messieurs, pouvez-vous, en conscience, assimiler des livres à des marchandises ordinaires ? Pouvez-vous, messieurs, assimiler à quelques aunes de calicot ou à quelques livres de chandelles, les produits les plus élevés de l'intelligence et les œuvres du génie ? Allez-vous frapper de la même proscription que les produits manufacturés, les livres qui renferment tous les travaux intellectuels des siècles passés et toutes les révélations de la pensée contemporaine ? Empêcherez-vous surtout la vente et la circulation dans les campagnes où il n'existe pas de libraires, de tous les ouvrages qui doivent servir à compléter le bienfait de l'enseignement élémentaire ?
Vous avez organisé à grands frais un enseignement primaire dans l'intérêt des classes inférieures. Vous commencez par leur apprendre à lire ; c'est le début et souvent le terme de leur éducation. Et, après leur avoir appris à lire, vous leur refuseriez les moyens de lecture ; vous repousseriez loin d'elles les livres qu'on vient leur apporter ! Ce serait là, permettez-moi de le dire, la plus déplorable des inconséquences ; car ce serait leur retirer le bienfait du premier enseignement et les laisser retomber, après quelques années, dans une ignorance aussi complète que celle dans laquelle elles végétaient misérablement. Si vous craignez la vente et la circulation des livres, renversez vos écoles ; ce sera une économie de plus et une hypocrisie de moins.
Les prohibitions du projet de loi relatives aux livres ne peuvent donc se comprendre que sous l'empire de la brutalité du despotisme. Je les conçois en Russie ou en Turquie, mais en Belgique c'est, je le répète, le plus choquant des contre-sens. Dans des pays despotiques, dans des pays à serfs et à esclaves, on prohibe la vente et la circulation des livres, mais on ne commence pas par apprendre à lire aux serfs et aux esclaves. Ici vous ne commandez ni à des serfs ni à des esclaves ; vous êtes en présence d'hommes libres et tous égaux en droits devant la loi. Vous êtes les législateurs d'un peuple souverain. Mais qu'est-ce que la souveraineté, qu'est-ce que la liberté aussi longtemps que des classes entières et des classes nombreuses seront en quelque sorte frappées de mort intellectuelle ?
Que craignez-vous donc en favorisant par tous les moyens possibles la vente et la circulation de ces livres qu'on devrait jeter à pleines mains et gratuitement, s'il était possible, au sein surtout de nos populations rurales ? Vous craignez le débordement de livres que vous appelez de mauvais livres ; vous redoutez l'influence de la presse que vous appelez la mauvaise presse. Mais vous n'avez pas à juger ici les opinions et les doctrines. Vous n'êtes ici ni un concile, ni une section du tribunal de l'inquisition, ni une congrégation de l'Index. La police des livres ne vous appartient pas. C'est aux tribunaux, c'est au jury qu'est confiée cette surveillance. Si des livres sont dangereux ou immoraux, c'est la loi elle-même qui les frappe. C'est donc à la loi qu'il faut recourir et quand leur criminalité est démontrée, elle les frappe sévèrement quel que soit le mode de vente, qu'ils aient été vendus en gros ou en détail, dans un magasin ou publiquement et à l'encan.
La prohibition absolue dont vous frappez aujourd'hui le seul mode populaire de vente, celui qui déjà avait fait circuler tant de livres dans nos campagnes : cette prohibition est non moins injuste et plus odieuse que la censure. Celle-ci, du moins, a ses catégories, ses exceptions et ses privilèges, et dans la loi qui nous est soumise, on proscrit d'une manière absolue la vente des livres ; nulle distinction n'est admise ; bon ou mauvais, utile ou dangereux, ils sont tous frappés de la même interdiction.
Et dans quel intérêt cette proscription aveugle ? Dans l'intérêt de la librairie, nous dit-on. Mais quelque respectable que soit cet intérêt, ce n'est, après tout, qu'un intérêt privé, et cet intérêt privé ne doit-il pas céder devant l'intérêt général, devant la nécessité de l'émancipation intellectuelle des classes inférieures ?
Du reste, l'exception que nous réclamons en ce moment, c'est dans l’intérêt de la librairie tout entière que nous le revendiquons. Il ne s'agit pas ici d'un privilège pour quelques-uns, mais d'un droit pour tous. S'il est vrai que les ventes à l'encan soient aussi favorables pour l'écoulement et la vente des livres ; eh bien ! que tous les libraires aient recours à ce mode de vente ; qu'ils parcourent et sillonnent le pays ; qu'ils répandent au sein des populations des milliers de volumes, et qu'ils fassent ainsi marcher de front le soin de leurs intérêts et les exigences de la civilisation et du progrès !
Que si, malgré toutes les considérations, vous redoutez pour eux encore les résultats d'une concurrence qui doit tourner en définitive dans l'intérêt général, je consentirais, pour faire tomber ce dernier scrupule, à limiter ma proposition et à en borner l'application aux localités privées de libraires. Là, du moins, aucune atteinte n'est à craindre pour les intérêts privés et l'on ne peut refuser aux populations le seul moyen qu’elles ont de se procurer et de se procurer au plus bas prix possible des moyens d'instruction et de lecture.
Si une proposition aussi inoffensive rencontrait encore de l'opposition dans cette enceinte, c'est décidément, messieurs, qu'on aurait peur des progrès de l'intelligence et de la raison et qu'on voudrait attribuer une véritable prime d'encouragement à l'ignorance, à l'obscurantisme et à l'asservissement intellectuel des populations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, tout à l'heure, lorsque la discussion générale était ouverte, on s'est borné à émettre des observations de détails sur les articles ; l'honorable préopinant a attendu que la discussion fût ouverte sur l'article premier pour rouvrir une discussion générale. La chambre me permettra de ne pas suivre l'honorable préopinant sur le terrain des considérations générales qu'il a un peu tardivement présentées. Il me suffira de dire que je ne puis admettre que cette loi soit une loi de privilège et de monopole, et que nous entrions en 1846 dans une voie exceptionnelle, pour me servir des termes de l'honorable M. de Brouckere, parce que de tout temps la Belgique a été placée sous une législation répressive pour les ventes à l'encan, sans qu'aucune plainte ait jamais été soulevée contre ce régime. Nous avons vu les nations voisines, la France, la Hollande et l'Allemagne, consacrer un régime, non pas de privilège et de monopole,, mais de protection en faveur des marchands détaillants, de ce qu'on pourrait appeler la démocratie de l'industrie.
En Belgique, depuis 1814, c'est à la demande des chambres de commerce et des régences locales, tutrices des intérêts industriels, que cette législation protectrice du commerce modeste et honnête a été maintenue et perfectionnée.
L'honorable M. Castiau a proposé un amendement relatif à la vente des livres. Ce n'est pas non plus comme membre d'un concile, moins encore comme membre d'un tribunal d'inquisition que je veux examiner cette question ; nous devons l'examiner comme membre d'une assemblée législative, et au point de vue purement industriel qui est le seul caractère que nous devons donner à cette loi. La chambre sait qu'une des industries qui a le plus vivement réclamé contre les ventes à l'encan en 1838, c'est le commerce de librairie.
A cette époque, les fonds de magasin des librairies étrangères ont été déversés dans le pays et oui compromis l'existence de cette grande industrie. Récemment encore, depuis la présentation du projet de loi, le commerce de librairie s'est plaint d'un moyen de fraude qui avait été employé pour empêcher l'efficacité de la loi de 1838. Ainsi, dans ces ventes à l'encan, on se bornait à découper les feuillets des livres neufs, et on les considérait dès lors, non pas comme des marchandises neuves, mais comme des livres lus.
Ces ventes à l'encan se faisaient contrairement au vœu de la loi.
Or, le commerce de librairie a demandé qu'on introduisît dans la loi une disposition plus restrictive encore que celle de 1838, afin d'empêcher l'abus qu'on faisait dans l'application de la loi. Le gouvernement ne s'est pas rallié à cette proposition faite par le commerce de librairie ; mais le gouvernement ne peut pas non plus se rallier à l'opinion de l'honorable M. Castiau, tendant à enlever à la librairie à domicile, toute protection contre les ventes à l'encan.
(page 963) Nous ne devons pas craindre que cette interdiction empêche ce que l'honorable M. Castiau a appelé l'émancipation intellectuelle. Chacun sait qu'il y a peu de localités en Belgique où n'existe pas un commerce de librairie. Notre système d'instruction, étendu à toutes les parties du pays, propage les livres et la facilité de lecture. Je ne pense donc pas que la diffusion des lumières en Belgique tienne à la faculté de vendre dans les villages quelques fonds de magasin de livres de toute espèce.
M. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable M. Castiau m'a reproché de m'être montré inconséquent, en ce qu'après avoir censuré le projet de loi, je n'en avais pas proposé le rejet.
D'abord, messieurs, et l'honorable M. Castiau est d'accord avec moi sur ce point ; d'abord c'eût été bien vainement que j'eusse proposé le rejet du projet de loi, puisqu'on ne peut contester que ce projet ne soit assez populaire ; et qu'il est plus que probable qu'il sera accueilli à une grande majorité par cette chambre.
En second lieu, si le projet était rejeté, qu'arriverait-il ? N'aurions-nous plus de lois sur les ventes à l'encan ? Oui, nous aurions encore une loi sur les ventes à l'encan, loi plus imparfaite que celle dont nous nous occupons.
Nous avons voté deux lois sur les ventes à l'encan, l'une en 1838, et l'autre en 1841. Quel a été le résultat de ces deux lois ? C'est qu'elles ont atteint seulement le négociant maladroit.. Mais quant aux gens formés à toutes les ruses, à toutes les roueries, à toutes les fourberies d'un commerce frauduleux, ces gens ont su très bien échapper à la législation de 1838 et à celle de 1841. Eh bien, on nous présente un projet de loi qui, je dois le reconnaître moi-même, est moins imparfait que les législations précédentes ; il est possible que par ce projet, au moins dans certains cas, les marchands frauduleux ne soient pas mieux traités que les marchands honnêtes ou maladroits.
Ainsi donc, je préfère le projet que nous discutons à la loi de 1841. Me voilà, je pense, justifié, même aux yeux de l'honorable M. Castiau, du reproche d'inconséquence qu'il m'avait adressé.
Messieurs, si je me suis plaint de la loi, c'est que j'ai la conviction qu'elle sera de nouveau et très fréquemment éludée par les gens astucieux dont j'ai parlé. Si je ne dis pas comment on s'y prend pour éluder la loi, c'est que je ne veux pas donner de leçon à ceux qui ne seraient pas arrivés au degré d'adresse où d'autres sont parvenus ; sans cela je pourrais citer des faits qui sont arrivés à Bruxelles, même très récemment, et qui peut-être auraient le mérite de vous amuser. Je préfère m'en abstenir.
La loi que nous discutons, jusqu'à certain point protégera certains commerçants ; quant aux consommateurs, je m'étonne qu'un homme d'autant de sens et de raison que l'honorable rapporteur, vienne les mettre en jeu, car il a dit que la loi était dans l'intérêt non seulement du commerce et de l'industrie, mais du consommateur.
D'abord, je désire qu'on laisse les consommateurs parfaitement libres d'acheter les marchandises qui leur conviennent le mieux ; s'il en est qui préfèrent de mauvaises marchandises à bon marché, à de bonnes marchandises qui sont chères, il faut les laisser satisfaire leur goût. L'honorable membre croit-il que, par suite de la loi, les mauvaises marchandises ne seront plus mises dans le commerce.
Elles arriveront aux consommateurs par l'intermédiaire des détaillants. D'après la loi, on ne pourra plus vendre les soupières à l'encan que par six. Faut-il en conclure que chez les petits particuliers, il n'y aura plus de mauvaise soupière ? La différence sera que le détaillant achètera les six soupières et les vendra à six particuliers. Qu'elles se vendent par six ou par pièce, elles arriveront aux consommateurs. Ce n'est donc pas sérieusement qu'on peut mettre le consommateur en jeu. Il continuera, quand cela lui conviendra, à se procurer de mauvaises marchandises à bas prix, quand il les préférera à de bonnes marchandises de prix élevé.
J'avais signalé un mode de fraude fort connu qui se présente souvent ; c'est celui de personnes qui annoncent vouloir cesser le commerce et le reprennent sous le nom de leur femme. L'honorable M. de Corswarem m'a répondu que ce cas était prévu par l'article 8. Voici cet article :
« Art. 8- Nulle société ne peut obtenir, pour cause de cessation de commerce, l'autorisation requise par l'article 8, qu'autant qu'aucun de ses membres ne continue pas le même commerce pour son compte particulier ; s’il arrive qu'une société ayant obtenu semblable autorisation et en ayant profité, l'un de ses membres, pour son compte particulier, recommence le même commerce dans l'année, il y aura lieu à l'application des peines comminées ci-après. »
Et l'honorable M. de Corswarem prétend que cet article est applicable à deux personnes mariées. Le mariage est une société et une société très intime, quelquefois un acte de spéculation, mais ce n'est jamais un acte de commerce, jamais une société de commerce. Vous voyez donc que le cas que j'ai indiqué n'est en aucune manière atteint par les dispositions de la loi.
Enfin j'ai une dernière observation à faire. Je vois que l'article premier ne concerne que la vente en détail des marchandises neuves ; je suppose que l'article 2 ne concerne que les marchandises neuves non plus ; comment se fait-il qu'on y parle des vins qu'on ne peut vendre que par pièce de cent litres ou par cent bouteilles au moins ? Que faudra-t-il pour que le vin ne soit pas considéré comme marchandise neuve ?
Un membre. - Qu'il soit vieux.
M. de Brouckere. — Vous ne voulez pas défendre la vente du vin vieux ?
Ce sera une singulière bizarrerie de voir figurer le vin par pièce de cent litres ou par cent bouteilles au milieu des marchandises neuves.
M. Delehaye, rapporteur. - Il me suffit que l'honorable préopinant ait donné son adhésion au projet ; je pense pouvoir me dispenser de répondre à ce qu'il a cru devoir dire. Cependant, comme l'honorable membre a dit qu'il ne pouvait pas partager l'opinion que j'ai émise, que le projet de loi était aussi dans l'intérêt des consommateurs, je lui répondrai quelques mots.
L'honorable membre n'aurait pas dû citer un seul article du projet, mais tenir compte de l'exemple que j'avais cité. Je ferai de plus remarquer que ce n'est pas moi seul qui ai exprimé cette opinion ; qu'elle est consignée dans le projet du gouvernement, qui émanait d'un homme auquel personne ne refusera de la sagacité.
L'honorable M. Nothomb nous dit qu'il croit que le projet pourra être utile aux consommateurs. Je pense qu'ayant cette opinion en société de M. Nothomb, je ne dois pas attacher grande importance aux reproches qu'on m'a faits de ce chef.
L'honorable membre a cité d'autres faits auxquels je dois répondre ; je dois revenir surtout sur une opinion qu'il a attaquée et que j'avais émise ; mais comme cela se rapporte à l'article 2, j'attendrai que nous en soyons à cet article.
J'ai demandé la parole pour répondre principalement à l'honorable M. Castiau. L'honorable membre s'est montré fidèle au principe qu'il a toujours professé, celui de la liberté la plus illimitée du commerce. Mais je suis étonné que l'honorable membre, qui dans tous les temps a manifesté de la sympathie pour les faibles, ait attaqué ce projet de loi qui ne tend qu'à favoriser les faibles.
Que demandons-nous en effet ? Que vous protégiez le détaillant contre le haut commerce. En faveur de qui vous demandons-nous de voter le projet de loi qui nous occupe ? En faveur de ceux pour qui l'honorable membre a toujours montré de la sympathie. S'il s'agissait d'accorder une protection à l'industrie houillère ou à l'industrie des fers qui est exercée par des hommes éminemment riches, je comprendrais l'opposition de l'honorable membre ; mais aujourd'hui il ne s'agit de protéger que de simples boutiquiers, des gens qui vivent de leur petit commerce.
Et c'est alors qu'on vient dire que nous poussons la protection à la troisième puissance ! L'honorable membre ne peut pas méconnaître que la protection dont il s'agit est demandée au profit des faibles. Il n'y a pas longtemps que vous avez accordé une protection au haut commerce par la loi sur les entrepôts ; c'est encore le haut commerce que vous avez favorisé en décrétant le remboursement du péage de l'Escaut ; en faveur de qui avez-vous voté la loi sur le bétail et celle sur les céréales ? N'est-ce pas en faveur des puissants, en faveur des propriétaires ? Maintenant que vous demandons-nous ? votre bienveillance en faveur de gens qui, pour la plupart, ne sont pas électeurs, qui vivent au jour le jour de leur commerce. Nous le faisons avec d'autant plus de plaisir, qu'au jour des élections ils ne pourront pas nous témoigner leur reconnaissance.
M. le ministre des affaires étrangères a déjà répondu à la proposition de l'honorable M. Castiau ; il a dit que la librairie était une industrie trop importante, non seulement l'imprimerie mais la librairie, pour l'abandonner à elle-même quand vous accordez une protection à toutes les autres industries. L'honorable membre demande qu'on puisse faire des ventes de livres à l'encan, là où il n'y a pas de librairie. Supposez une commune rurale où il n'y ait pas de librairie ; annoncez-y une vente de livres en détail, elle n'aura aucun résultat ; en eût-elle un, qu'il ne vaudrait pas la peine d'en faire l'objet d'une disposition de loi.
Pourquoi d’ailleurs refuser à l'imprimerie et à la librairie une protection que vous accordez aux autres industries ?
Adoptez, messieurs, le projet qui vous est soumis avec les amendements que nous avons proposés, et s'il y a encore des abus, ils seront beaucoup moins nombreux et moins importants qu'aujourd'hui.
Je pense que nous devrons maintenir les vins dans la nomenclature ; je suppose que ce qu'en a dit l'honorable préopinant n'a eu pour but que de vous faire rire. Qu'on envisage le vin comme vin vieux ou comme vin nouveau, c'est un objet qui peut supporter un droit plus élevé. Nous avons des détaillants de vin ; que ceux qui veulent acheter du vin en bouteilles s'adressent aux détaillants.
M. de Brouckere. - Je puis assurer à l'honorable rapporteur qu'il se trompe s'il croit qu'en faisant une observation sur la présence des vins dans cette loi, j'ai seulement eu pour but de faire rire. Je trouve que la disposition mérite d'être examinée avec soin. Ainsi, par exemple, un particulier qui quitte une ville qu'il a habitée longtemps et veut vendre sa cave ne pourra vendre ses vins que par cent bouteilles ! Si les vins sont de haut prix et qu'il n'ait que des quantités inférieures à cent bouteilles il ne pourra pas les vendre ! On lui dira : Vous avez vendu vos meubles, c'est bien ; mais vous ne pouvez pas vendre votre vin par moins de cent bouteilles ; c'est rangé parmi les marchandises neuves. C'est non pour faire une plaisanterie, mais sérieusement que j'ai appelé votre attention sur ce point.
M. Delehaye, rapporteur. - Quoique les observations qui viennent d'être faites, se rapportent à l'article 2, je demanderai a y répondre dès à présent. Je dis que l'article relatif aux vins a eu en vue les vins provenant des marchands de vins. L'honorable membre, je le reconnais, fait une observation très sérieuse.
Mais je suppose qu'un individu qui n'est pas commerçant quitte la ville qu'il habite, faudra-t-il dans tous les cas de cette nature permettre la vente ? Si la faculté de faire une vente est donnée d'une manière générale, je crois que cela peut donner lieu à des inconvénients. Au moins faudrait-il dire que la vente ne pourra être faite que par un individu qui quitte la ville qu'il habite.
(page 964) Mais un individu, même commerçant, pourra-t-il faire une vente de cette nature ? Je ne suis pas de cet avis.
J'admets avec l'honorable M. de Brouckere que celui qui quitte une ville puisse vendre. Mais ce cas ne tombe pas sous l'application de la loi.
M. le président. - Je ferai observer à l'honorable membre qu'il anticipe sur la discussion de l'article 2.
M. Delehaye, rapporteur. — Quand nous en serons à cet article, je prouverai que l'article de la section centrale doit être maintenu.
M. Castiau. - Je ne veux pas rentrer, messieurs, dans l'examen critique de l'ensemble du projet de loi qui nous est soumis ; je ne m'y suis livré que d'une manière accessoire et uniquement pour développer et compléter la pensée de l'honorable M. de Brouckere ; je me contenterai donc de répondre à mon honorable ami M. Delehaye, qui a invoqué, en termes chaleureux, en faveur du projet, l'intérêt du commerce de détail et de ce qu'il appelle la démocratie du commerce, qu'à côté de cette démocratie des détaillants se trouve la démocratie bien plus nombreuse et bien moins aisée encore des consommateurs. Ces classes nombreuses sont également dignes d'intérêt et de sympathie, ce me semble, et nous défendons ici leurs intérêts en revendiquant les droits de la libre concurrence en leur faveur.
Evidemment la protection, qu'on réclame dans l'intérêt du commerce de détail, va trop loin, puisqu'il s'agit ici d'une interdiction absolue pour les ventes à l'encan. Nous eussions compris qu'on eût soumis ces ventes à de nouvelles aggravations pécuniaires, mais les prohiber complétement, comme le fait l'article premier, ce n'est plus seulement établir une protection, c'est constituer un monopole et un privilège.
J'avais demandé, du moins, qu'on en exemptât la vente des livres. Pourquoi cette exemption ? s'est écrié l'honorable rapporteur. Mais pour tous les motifs que j'ai développés dans mes premières observations et auxquels on n'a pas répondu : Pourquoi ? Mais c'est parce qu'il ne s'agit pas ici d'un intérêt de boutique et d'argent, mais d'un intérêt national ; c'est parce que le premier de tous nos intérêts et de nos devoirs est de favoriser, par tous les moyens, la diffusion des lumières et la circulation des livres dans toutes les localités et dans toutes les classes.
L'enseignement, l'instruction des classes inférieures, ne nous ont-ils pas toujours paru devoir être l'objet d'un privilège spécial ? Ceux qui se consacrent à l'enseignement, vous en avez fait, en quelque sorte, des fonctionnaires publics ; vous les avez fait doter par les communes, par les provinces et par l'Etat. Eh bien ! nous revendiquons pour les livres la même faveur et les mêmes sympathies. Nous demandons qu'ils puissent être vendus sous toutes les formes et dans tous les lieux, et qu'ils viennent en quelque sorte trouver et remuer les populations pour les arracher à leur torpeur et à leur ignorance.
Dans les villes, sans doute, les sources d'instruction sont abondantes et variées ; mais il n'en est pas de même dans les campagnes ; c'est là qu'il faut faire pénétrer les lumières et les livres ; c'est là surtout qu'il faut développer le raisonnement et l'intelligence. Tel était le but de la proposition que j'avais eu l'honneur de vous soumettre.
Que vous a dit M. le rapporteur pour la combattre ? Que les localités privées de librairie étaient peu nombreuses et qu'elles n'offraient pas assez de ressources pour les ventes à l'encan. Mais alors que craint-il ? Pourquoi, en appuyant ma proposition, n'a-t-il pas du moins donné une preuve de sa sympathie pour les intérêts moraux et intellectuels des populations des campagnes ? Il pouvait le faire sans se compromettre, ce me semble.
Je comprends que ma proposition ait été combattue par le ministère ; il ne fait, en cela, que suivre ses tendances ordinaires ; mais j'ai le droit de m'étonner d'avoir vu combattre par un ami politique, par un défenseur ardent des idées libérales, une mesure qui devait en assurer le développement et le progrès.
Ainsi, abandonné de toutes parts, je veux éviter à la proposition toute libérale que je vous avais faite l'humiliation d'un rejet, et je la retire.
M. Jonet. - L'article premier interdit « les ventes en détail des marchandises neuves à cri public, soit aux enchères, soit au rabais, soit à prix fixe proclamé. »
Entend-on par là interdire les ventes à prix fixe indiqué sur les marchandises dans les bazars ou dans les magasins ? Je voudrais que l'on s'expliquât clairement à cet égard et que l'article fût changé, car si vous laissez l'article tel qu'il est, on pourra l'étendre jusque-là.
M. Delehaye, rapporteur. - L'honorable membre trouvera des explications tout à fait complètes sur ce point dans le rapport de M. le ministre de l'intérieur ; il y verra les motifs pour lesquels on a été obligé d'adopter cette rédaction.
M. de Haerne. - Je viens appuyer le projet de loi en discussion, et je crois pouvoir répondre à quelques observations qui ont été faites, il y a un moment, par un honorable membre. Cet honorable membre qui défend en toute occasion, avec tout le talent, avec toute l'éloquence qu'on lui connaît, la théorie de la liberté du commerce, a fait l'application de ces principes à la matière qui nous occupe.
Plus d'une fois j'ai eu l'occasion de dire que je suis loin de repousser, en principe et dans tous les cas, la théorie de la liberté commerciale, mais que je l'admets avec de certaines réserves, notamment avec celle-ci qu'il faut que l'industrie soit sauve, qu'il faut ici, comme toujours, faire prévaloir ce grand principe du salut du peuple, du salut de l'industrie d'où dépend celui de la nation.
Ce n'est pas ici une question de théorie, ce n'est pas une question philosophique et sociale, mais une question d'application que nous devons résoudre.
Dans chaque question industrielle, nous devons examiner jusqu'à quel point une industrie peu avoir à souffrir par les circonstances qui l'entourent.
Nous avons à examiner, d'après ces circonstances, comment nous pouvons porter secours à cette industrie. Le principe de la liberté commerciale ne peut être invoqué que dans l'intérêt de l'industrie. C'est ainsi que celle-ci y trouverait souvent un avantage, lorsque ce principe s'étendrait également à d'autres nations. Il y aurait alors réciprocité.
Voilà les principes que je crois devoir suivre ici et qui seuls me semblent applicables aux questions que nous avons à traiter.
L'industrie de la vente en détail à demeure, pour laquelle je demande une protection aujourd'hui, est très grande, très importante par l'extension que lui donnent naturellement les besoins des consommateurs, par le nombre de bras qu'elle occupe, par le nombre des personnes qu'elle fait vivre. Après l'industrie agricole, c'est l'industrie la plus répandue dans le pays.
Je crois qu'elle mérite éminemment la protection de la législature et du pays.
Mais y a-t-il dans la loi privilège exorbitant ? Y a-t-il monopole en faveur du commerce de détail, au détriment du consommateur ? Je partage jusqu'à un certain point l'opinion de l'honorable rapporteur de la section centrale.
J'avoue que le consommateur est protégé, dans certains cas, jusqu'à un certain point par les dispositions du projet de loi. Mais je suppose qu'il n'en soit pas ainsi ; je suppose que le consommateur doive en souffrir quelque peu. Dans ce cas y a-t-il injustice ? L'équilibre est-il rompu par ces dispositions ? Je ne le crois pas ; car les consommateurs sont presque tous producteurs ; on peut les envisager comme tels ; presque tous concourent comme travailleurs, comme entrepreneurs à une industrie quelconque.
Dans un pays où toutes les industries sont protégées, cette protection devient une charge pour ceux qui consomment les produits de ces industries. Les boutiquiers qui consomment ces produits les payent plus cher par suite des droits ou de la protection dont ces produits sont frappés.
Si donc la protection accordée aux boutiquiers par la restriction des ventes à l'encan, présente une charge pour l'acheteur, pour le consommateur qui achètent aux boutiquiers ; ceux-ci ont également une charge à supporter du chef du renchérissement des produits, qui est le résultat de la protection accordée aux diverses industries.
Il y a ainsi des charges à supporter par le producteur, qui est consommateur à l'égard du vendeur, et par le vendeur, qui est consommateur à l'égard du producteur. Il y a donc compensation. C'est une espèce d'assurance mutuelle entre tous les membres de l'Etat.
Il y a donc équilibre ; il y a justice.
Une autre considération que j'aurai l'honneur de présenter à la chambre, c'est qu'il me semble qu'aujourd'hui surtout l’industrie des vendeurs en détail doit appeler sérieusement la sollicitude de la législature.
Depuis l'établissement du chemin de fer, depuis ce grand mouvement de circulation qui s'est opéré dans le pays et dans les pays voisins, vous ne pouvez vous dissimuler que les ventes en grand se sont développées, qu'on va faire ses emplettes dans les grandes villes, que les boutiques en ont souffert considérablement non seulement dans les villages, mais encore dans les villes ordinaires et dans les petites villes. Tout se concentre de plus en plus dans les grandes cités. Ce changement est sans doute dans l'intérêt de la civilisation, dans l’intérêt général du peuple ; mais il est au détriment des petits boutiquiers, des détaillants dont on vient nous proposer de protéger les intérêts, et qu'on a appelés avec raison la démocratie du commerce. Si par cette protection nous pouvons parer en partie à la perte que la vente en détail à demeure a essuyée par suite de la construction des chemins de fer, nous devons y prêter la main, d'autant plus qu'il s'agit de soutenir le faible contre le fort.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je dois faire connaître mon opinion sur la question faite par l'honorable M. Jonet, à laquelle l'honorable M. Delehaye a déjà répondu. Messieurs, il suffit de lire l'article premier pour trouver l'explication demandée. Il porte : « Sont interdites les ventes en détail des marchandises neuves a cri public. » Ainsi il faut que la vente ait lieu à cri public pour tomber sous l'application de la loi. Mais de quelle manière devra se faire la vente avec cri public, pour tomber sous l'application de la loi ? Elle y tombe, soit qu'elle ait lieu aux enchères, au rabais « ou à prix fixe proclamé. » Ainsi il ne s'agit pas dans l'article d'un prix fixe indiqué sur les marchandises étalées dans les bazars ou dans les magasins.
La chambre voudra bien remarquer que cet article ainsi développé a été nécessité par la diversité de jurisprudence qui s'est produite immédiatement après la loi de 1838. Pour éluder cette loi, on avait substitué à la vente ordinaire aux enchères, la vente à prix fixe proclamé. Un tribunal, celui de Termonde, je crois, avait pensé que cette manière de procéder à la vente rentrait dans l'esprit et les termes de la loi de 1838. Les cours d'appel en ont jugé autrement, et à la suite de deux arrêts de la cour de cassation, il y a eu lieu à interpréter la loi. Cette interprétation a été donnée par la loi de 1841, et cette interprétation complétée par les dispositions de la loi française est reproduite dans le projet en discussion.
- L'article 1er est mis aux voix et adopté.
La chambre décide qu'elle discutera l'art. 2 par paragraphe.
« Art. 2. Sera considérée comme faite en détail, toute vente qui, quant aux espèces de marchandises désignées ci-après, comprendra une quantité inférieure à celles qui sont indiquées au présent article, savoir :
« 1° Les objets de quincaillerie, de tabletterie, de bimbeloterie et de mercerie, par lots de cent francs au moins ou par grosses de même espèce. »
- Personne ne demandant la parole, ce paragraphe est mis aux voix et adopté.
(page 965) « 2° Les étoffes et tissus de toute espèce, par deux pièces entières ayant cap et tête, ou par une pièce entière si elle mesure au moins 30 mètres.
« Les étoffes et tissus qui ne seraient pas en pièces entières par lots de 40 mètres au moins.
« Les étoffes qui ne se débitent point à l'aunage, telles que châles, foulards et autres semblables et, en général, toutes les étoffes de mode et d'habillement, par douze pièces au moins de même espèce.
« Les mouchoirs et cravates, par six douzaines au moins. »
- Adopté.
« 3° La bonneterie et la ganterie, par deux douzaines de pièces au moins de même espèce. »
- Adopté.
« 4° La porcelaine, la faïence et la poterie, savoir :
« Les assiettes, par six douzaines au moins,
« Les plats, par douze pièces au moins,
« Les soupières, par six pièces au moins,
« Les tasses avec leurs soucoupes, par six douzaines au moins,
« Les jattes, par douze pièces an moins,
« Et tous autres objets de même nature, par six douzaines au moins. »
- Adopté.
« 5° La verrerie et la cristallerie, par lots de cent francs au moins. »
- Adopté.
« 6° La chapellerie, par douze pièces au moins. »
- Adopté.
« 7° La cordonnerie, par douze pièces au moins. »
- Adopté.
« 8° Les fils et rubans, par grosses et douzaines de même espèce, suivant l'usage du commerce en gros. »
- Adopté.
« 9° Les livres, par douze exemplaires au moins du même ouvrage. »
- Adopté.
« 10° Les vins, par pièces de cent litres ou par cent bouteilles au moins.»
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'honorable M. de Brouckere a fait une observation relativement au littera auquel nous sommes arrivés. L'honorable membre a demandé si l'on voulait interdire à un particulier qui déménage, la faculté de vendre le vin qui se trouve dans ses caves, par moins de cent litres ou de cent bouteilles.
Messieurs, ne pourrait-on pas étendre aux ventes pour changement de domicile, l'exception relative au cas de nécessité dont parle l'article 9 ? Ces cas de nécessité sont rares et il serait difficile d'en citer beaucoup en dehors de celui de déménagement. On pourrait donc comprendre les ventes pour changement de domicile parmi celles auxquelles s'applique l'article 3.
Je ferai une autre observation ; c'est qu'on a pris des bases analogues d'évaluation pour le 10° et pour le 11° de l'article, c'est-à-dire une valeur d'environ 100 fr.
M. de Brouckere. - Messieurs, je ne puis admettre l'opinion de M. le ministre des affaires étrangères. Il nous dit que pour le 10° on a adopté la même base que pour le 11°, c'est-à-dire une valeur de 100 fr. M. le ministre estime donc le vin, quel qu'il soit, à une valeur d'environ 1 fr. par bouteille. Mais je suis persuadé qu'il suffira qu'il en appelle à sa mémoire, à ses mémoires même, s'il le veut, pour être certain qu'il est des .vins qui coûtent, non pas seulement plus d'un franc, mais plus de dix francs la bouteille. C'est donc déjà une inexactitude grave de la part de M. le ministre, de dire que le 10° de l'article a la même base que le 11°.
En second lieu, M. le ministre me paraît être tombé dans une erreur, lorsqu'il a dit que le déménagement d'un particulier tombait sous la disposition de l'article 3 et était un des cas de nécessité prévus par cet article. Il est évident qu'il n'en est pas ainsi, puisque les cas de nécessité dont parle l'article 3 doivent être appréciés par le tribunal de commerce. Or, qu'un tribunal de commerce porte des décisions pour ce qui concerne des négociants, c'est parfaitement juste ; mais il serait bizarre qu'un particulier, qui n'est pas négociant, eût quelque chose à démêler avec le tribunal de commerce, avec lequel il n'a rien à faire.
Ainsi tous les soutènements de M. le ministre manquent de base.
Je crois que si la loi est volée telle qu'elle est, on sera en droit d'empêcher un particulier qui a l'intention de déménager, de vendre sa cave autrement que par quantités de 100 bouteilles, et je demande, pour lever toute espèce de doute à cet égard, que l'on ajoute après le paragraphe en discussion : « sauf le cas où une vente de vins se fait par une personne non négociante et pour changement de domicile. » Alors toute espèce de doute disparaîtra.
M. de Corswarem. - Messieurs, je partage complétement l'opinion de l'honorable M. de Brouckere que le cas de déménagement n'est pas un cas de nécessité qui doive être apprécié par le tribunal de commerce, et que dans ce cas l'autorisation du bourgmestre est encore exigée par le projet pour pouvoir vendre des vins.
Je propose, messieurs, un amendement au paragraphe en discussion. Il tend à ajouter après les mots : « les vins », ceux-ci : « appartenant à un marchand ». Dès lors, dès que le vin expose en vente, n'appartiendra pas à un marchand, il ne tombera pas sous l'application de l'article.
On m'objectera peut-être qu'il sera facile de frauder ; qu'en cas de déménagement, la personne qui aura des vins à vendre, pourra en admettre deux tiers et les vendre comme siens. Mais, messieurs, quel intérêt ce vendeur aurait-il à s'exposer pour ce fait à une amende de 50 à 3,000 francs, selon le projet du gouvernement, de 50 à 1,000 francs, selon le projet de la section centrale ?
J'entends dire : Si le marchand de vin garantit l'amende ? Mais il faudrait que ce marchand fût bien certain de vendre, et de vendre avec un bénéfice énorme, pour qu'il s'exposât à une pareille amende.
Remarquez encore que ce n'est pas le vendeur seul, mais aussi l'officier public qui prête son ministère, qui est exposé à l'amende. Ainsi, lorsqu'il aura une vente à faire, l'officier public aura le plus grand intérêt à constater combien il y a de vins dans la cave de son vendeur et à s'assurer qu'on n'expose pas en vente une quantité plus forte que celle qu'il a constatée.
Je pense donc que mon amendement obvie complétement à l'inconvénient que l'on a signalé.
M. Delehaye, rapporteur. - Messieurs, il n'est en effet pas exact de dire, comme l'a fait M. le ministre des affaires étrangères, que 100 bouteilles de vin répondent à une valeur de 100 fr.
Mais voici pourquoi le gouvernement a cru devoir comprendre dans les prohibitions les ventes de vins par quantités de 15, 20 ou 25 bouteilles. Il a été constaté que des étrangers expédiaient dans le pays des paniers contenant 10 ou 15 bouteilles de vins, que ces paniers étaient offerts en vente aux particuliers et que lorsqu'on ne trouvait pas à s'en débarrasser, on les déposait en entrepôt, et on en faisait des ventes publiques. C'est ainsi que l'entrepôt de Bruxelles, de Gand et de plusieurs autres villes ont quelquefois été encombrés de paniers contenant chacun quelques bouteilles de vin.
Cette manière de vendre portait le plus grand préjudice au commerce de vins en détail, et c'est pour porter un terme à cet abus que le gouvernement a cru devoir insérer dans l'article le paragraphe en discussion.
L'honorable M. de Brouckere nous a cité un cas qui, je le reconnais, doit être pris en considération. Sans doute on ne peut exiger qu'un particulier qui demeurait à Bruxelles, et qui déménage, emporte son vin avec lui.
Il peut y avoir des motifs d'intérêt qui portent cette personne à se défaire de son vin dans la localité qu'elle va quitter.
Je ne puis toutefois admettre l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, parce qu'il donnerait lieu à de graves abus. L'honorable membre nous dit que l'officier public qui prête son ministère, encourrait une forte amende si quelques bouteilles de vin, n'appartenant pas à la personne qui déménage, étaient vendues avec la cave de celle-ci. Mais il sera impossible à l'officier public de constater un pareil fait.
Je conçois que l'on condamne un officier public à une amende lorsque dans une vente où les formalités prescrites par l'article 6 auront été remplies il mettra en adjudication des objets qui ne doivent pas faire partie de la vente. Mais dans ce cas il existe un catalogue officiel des objets qui doivent être exposés en vente, et l'officier public peut toujours s'assurer si on lui présente des objets qui ne se trouvent pas dans ce catalogue.
Dans le cas dont nous nous occupons, au contraire, il n'y aura pas de catalogue officiel, t l'officier public ne pourra dès lors s'assurer si les objets mis en vente appartiennent bien à celui qui déménage.
Je préfère donc, messieurs, l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. La proposition de l'honorable M. de Brouckere ne peut donner lieu à aucun de ces inconvénients. Je serais donc porté à adopter cette proposition et à repousser celle de l'honorable M. de Corswarem.
Cependant, s'il était bien entendu que le cas de déménagement rentre dans les cas de nécessité...
M. de Brouckere. - Mais non. Le particulier ne peut pas s'adresser au tribunal de commerce.
M. Delehaye.- Quel obstacle y a-t-il à ce que le particulier s'adresse au tribunal de commerce pour demander l'autorisation de vendre ? Le tribunal de commerce ne doit intervenir que pour constater un fait, le fait du déménagement. Je ne vois donc aucune difficulté à ce que l'article soit entendu de cette manière et nous aurions ainsi une garantie contre la fraude, garantie que ne présente pas l'amendement de l'honorable M. de Brouckere. En effet, celui qui serait obligé de quitter la ville pourrait fort bien l'annoncer quelque temps auparavant et inviter ainsi les marchands à déposer chez lui des vins destinés à être vendus avec les siens. C'est là un inconvénient qui ne peut exister du moment que l'autorisation du tribunal de commerce est nécessaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je ne vois aucun inconvénient à adopter l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, puisque, en définitive, il remplit le but que le gouvernement voulait atteindre par l'article 3 du projet. Cependant je ferai une observation, c'est que je ne vois pas pourquoi un particulier qui veut changer de domicile, ne pourrait pas s'adresser au tribunal de commerce pour obtenir l'autorisation de faire la vente. Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas s'en rapporter à cette autorité plutôt qu'à toute autre. Je me suis ingénié pour découvrir quels pourraient être les cas de nécessité dont parle l'article 3 en dehors du changement de domicile, et ils sont peu nombreux. C'est un des cas rares de nécessité auxquels l'article 3 pourrait faire allusion. Quoi qu'il en soit, comme je ne voulais pas autre chose que ce que veut l'honorable M. de Brouckere lui-même, je ne vois aucune difficulté à ce que son amendement soit adopté. Quant à l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, il m'est impossible de l'admettre ; car, ainsi que l'a très bien démontré l'honorable rapporteur, cet amendement ouvrirait une très large porte à la fraude.
M. de Brouckere. - Je dois faire une observation à M. le ministre pour démontrer que ce n'est pas une concession qu'il me fait, mais que mon amendement est indispensable, que l'article 3 n'est pas applicable au cas (page 966) prévu par mon amendement. Pour s'en convaincre, messieurs, il suffit de lire le cinquième paragraphe de l'article 6, qui porte :« L'autorisation ne pourra être accordée, pour cause de nécessité, qu'au marchand sédentaire patenté, et ayant son domicile réel, etc. » L'autorisation du tribunal de commerce ne concerne donc que le négociant, et elle ne peut concerner que le négociant, car le particulier n'a rien de commun avec le tribunal de commerce.
On a dit, messieurs, qu'il s'agissait d'un cas très rare ; je soutiens, moi, que le cas est fort commun, car presque toujours lorsqu'on va habiter une autre localité, on vend la plus grande partie de ses vins pour ne pas devoir payer les droits d'octroi.
M. Orts. - Ce n'est, messieurs, que par une véritable confusion d'idées qu'on peut vouloir que le cas de nécessité soit constaté par le tribunal de commerce, lorsqu'un particulier, qui doit changer de domicile, veut vendre une partie de ses vins. Les tribunaux de commerce, ne le perdons pas de vue, sont des tribunaux de pure exception. Leur compétence, tout à fait exceptionnelle, se détermine de deux manières : ou à raison de la matière, ou à raison des personnes. Or le particulier qui vend des vins qu'il avait achetés pour sa propre consommation ne peut, ni de l'un ni de l'autre de ces deux chefs, tomber sous l'application des lois commerciales. En effet, il n'est pas négociant et, d'un autre côté, cette vente ne peut pas constituer un acte de commerce, car il faut, pour qu'une vente constitue un acte de commerce, que celui qui vend ait acheté pour vendre.
Je ne partage pas l'opinion de ceux qui veulent soumettre ces ventes à une autorisation ; j'appuie l'amendement de M. de Brouckere, mais si l’on admettait l'autorisation, alors je trouverais plus logique d'exiger l'autorisation du tribunal civil.
Je sais bien comment cette disposition s'est glissée dans l'article ; c'est que l'on était préoccupé des faillites, des cessations de commerce. En effet, l'article 3 porte : « Ne sont pas comprises, dans la défense portée par l'article 1er, les ventes prescrites par la loi, ou faites par autorité de justice, non plus que les ventes après décès, faillite ou cessation de commerce ou dans les autres cas de nécessité, dont l'appréciation sera soumise au tribunal de commerce. » Evidemment, on a voulu parler des cas de nécessité qui se présentent dans le commerce, tels que la faillite, la cessation de commerce. Quiconque lira l'article et se pénétrera bien de l'esprit qui a présidé à la réaction partagera mon opinion à cet égard.
Je dirai un mot de l'amendement de l'honorable M. de Corswarem, auquel je préfère infiniment celui de l'honorable de Brouckere. L'amendement de M. de Corswarem consiste à ajouter le mot « marchand », mais alors il faudrait dire : « « marchand de vins, » car sans cela un marchand de quincaillerie par exemple serait dans l'impossibilité de vendre ses vins dans le cas où il changerait de domicile. Je ne fais cette observation qu'en passant, parce que, dans tous les cas, je voterai pour l'amendement de M. de Brouckere.
M. de Corswarem. - L'honorable M. Delehaye pense que l'officier ministériel qui comprendrait, dans la vente des vins d'un particulier, d'autres vins qui y auraient été ajoutés à son insu, que cet officier ministériel, dis-je, ne serait pas passible de l'amende. Il me semble que d'après l'article 11 du projet du gouvernement, qui a été adopté par la section centrale, il serait incontestablement passible de l'amende, puisqu'il aurait compris dans la vente, des marchandises ne faisant pas partie du fonds ou du mobilier mis en vente.
L'art. 11 porte en effet :
« Seront passibles des mêmes peines (voir l'article 10) les vendeurs ou officiers publics qui comprendraient dans les ventes faites par autorité de justice, sur saisie, après décès, faillite, cessation de commerce ou dans les autres cas de nécessité prévus par l'article 3 de la loi, les marchandises neuves ne faisant pas partie du fonds ou du mobilier mis en vente. »
Cet article a été rédigé tout exprès de cette manière pour que l'officier public ne puisse pas dire que ces marchandises étrangères ont été introduites à son insu, car il est copié de la loi française qui porte : « Qui comprendraient sciemment etc. » et ici le gouvernement et la section centrale ont supprimé le mot « sciemment » pour que l'officier public ne puisse pas échapper à l'amende en arguant d'ignorance du délit.
Quoi qu'il en soit, messieurs, je ne pousse pas l'amour-propre jusqu'à vouloir maintenir mon amendement quand même, et comme l'amendement de l'honorable M. de Brouckere atteindra le but que je m'étais proposé, je m'y rallie volontiers.
M. le ministre des affaires étrangères a dit qu'il ne connaissait qu'un seul cas de nécessité non prévu dans la loi, et que c'était le cas de déménagement ; je pourrais citer encore d'autres cas, par exemple, celui de divorce ou de séparation de biens entre époux commerçants, prononcée par les tribunaux.
Lors du partage de la communauté, surgira la nécessité pour la femme ou pour le mari, qui ne continuera pas le commerce, de vendre sa part des marchandises, car il arrivera très rarement que les deux époux voudront continuer, chacun pour son compte, le commerce qu'ils exerçaient en commun avant leur séparation. Ce sera donc encore un cas de nécessité dans lequel vous devez autoriser la vente. Je crois qu'en cherchant un peu, il ne serait pas difficile de trouver encore bien d'autres cas semblables.
- L'amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et adopté.
« 11° Toutes marchandises neuves, manufacturées ou non, qui ne sont pas désignées ci-dessus, par quantités de même espèce, d'une valeur de. 100 fr. au moins. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il faut supprimer les mots « ou non » après le mot « manufacturées ».
M. de Garcia. - Messieurs, on retranche dans le paragraphes 11 les mots « ou non ». Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, s'il considère comme objets manufacturés les bois sciés ou en poutre (Non ! non !) ? Mais, messieurs, allez doucement, laissez donner l'explication que je demande au gouvernement. Ce point n'est pas aussi positif que vous le supposez. Rappelez-vous ce qui s'est passé lorsqu'il s'est agi des droits d'entrée sur les bois, à propos de la loi des droits différentiels.... Alors on a considéré les bois sciés comme une marchandise manufacturée, et pour ce motif on a imposé sur son entrée un droit plus considérable que sur le bois en grume. Il faut donc, sinon un texte de loi, au moins une explication claire à cet égard.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, en supprimant les mots « ou non », on appliquera l'expression manufacturées le sens que la loi lui donne. Dans la loi des douanes, il y a des matières premières, des denrées et des marchandises manufacturées. Ainsi, on se rapporte au sens que la loi donne à cette expression.
M. Rogier. - Messieurs, il a été déposé sur le bureau une pétition d'un grand nombre de propriétaires de l'airondissemenl de Courtray, contre l'interprétation donnée par le parquet du tribunal de Courtray au mot « manufacturé ». Le parquet appliquait ce mot au bois scié. Il est bien entendu maintenant que le mot manufacturé ne doit pas s'appliquer au bois scié.
De toutes parts. - Sans doute !
M. Rogier. - Ainsi les propriétaires de l'arrondissement de Courtray n'auront plus à réclamer contre une interprétation contraire du parquet du tribunal de cette ville.
M. Savart-Martel. - Messieurs, il serait à désirer que la loi s'expliquât.
L'article premier pose un principe général, une interdiction absolue, sans distinguer si la marchandise est ou non manufacturée.
L'article 2 explique ce qu'on entend par le détail, mais ne modifie pas le principe.
Maintenant, en supprimant du n°11 les mots « manufacturées ou non », le principe n'en restera pas moins dans son entier.
Or, vous venez soutenir, malgré ce qu'en pense la chambre, le principe absolu dans toute sa force. Vous donnerez occasion à des difficultés qui n'existeraient point si vous admettiez littéralement ce que j'ai eu l'honneur de vous proposer.
Quant à moi, et d'après tout ce qui vient d'être dit, je conçois le n° 11 en ce sens qu'il s'applique uniquement aux marchandises neuves manufacturées, mais pas aux marchandises neuves non manufacturées.
On semble appuyer cette opinion, il est vrai ; cela suffit pour moi, mais ne suffira point pour le public.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, il est impossible que le moindre doute puisse exister. L'honorable M. Savart demande qu'on définisse par la loi a qu'on entend par marchandises manufacturées. C'est la loi des douanes qui donne elle-même cette définition ; cette loi, à l'article objets manufacturés, donne le détail de tous les objets compris dans celle catégorie du tarif.
M. Savart-Martel. - Il faudra donc avoir recours à la loi de 1822 ?
M. Delehaye, rapporteur. - Messieurs, la section centrale, en admettant la proposition, faite par le gouvernement, de mettre dans la loi les mots « manufacturées ou non », a entendu précisément par là les bois sciés et d'autres bois.
Un honorable membre a demandé si la loi s'applique à d'autres produits de la terre. Si vous retranchez de la loi les mots « non manufacturées », il n'est aucun article qui soit applicable au cas qui a été signalé par cet honorable membre.
M. de Garcia. - Messieurs, je suis complétement satisfait des explications données par le gouvernement sur l'article des bois ; mais maintenant je demanderai une autre explication à M. le ministre des affaires étrangères : je désire savoir s'il considère les pavés comme des objets manufacturés. En cas d'affirmative, l'on doit reconnaître que cette mesure, comme beaucoup d'autres qui se rencontrent dans la loi, entravera singulièrement la petite industrie, sans en protéger aucune. En effet, il en résultera qu'un maître maçon ou toute autre personne ne pourra acheter la marchandise que je viens de signaler que par des quantités de 100 francs, lorsque leur fortune ou leur position ne leur permet pas des achats semblables. Une mesure semblable me paraît une vexation sans aucune espèce d'utilité.
M. Verhaegen. - Messieurs, je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, si le paragraphe 11 est applicable à l'ébénisterie...
M. Delehaye, rapporteur. - Cet article a été compris dans le paragraphe 11.
M. Verhaegen. - Mais alors il y a une petite difficulté. Si vous comprenez l'ébénisterie dans le paragraphe 11, il faudra que l'objet ait une valeur de plus de 100 fr. Il ne s'agira pas de plusieurs objets réunis, mais il s'agira, je suppose, d'un seul objet ; il s'agira, par exemple, d'une commode en mahoni, ou d'une chiffonnière, etc., dont la valeur sera de 90 ou de 99 francs ; on pourra vendre ces objets à l'encan. Si le principe que vous voulez faire admettre, ne s'applique au cas que je viens d'indiquer, vous n'atteindrez pas le but que vous vous proposez par l'ensemble de la loi. Nous avons à Bruxelles et dans d'autres villes des bazars où l'on expose des meubles de la nature de ceux que je viens d'indiquer ; vous porterez préjudice à ces établissements si vous n'appliquez pas le principe aux objets dont il s'agit et qui méritent, au même titre que les autres, la sollicitude de la législature.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Savart considère l'article premier isolement, et c'est de là que provient son erreur. L'art. 1er interdit les ventes en détail des marchandises neuves, et l'article 2 explique ce qu'il faut entendre par les marchandises neuves et de quelle manière la vente peut avoir lieu.
(page 967) Ainsi, l'interdiction prononcée par l'article premier n'est pas une interdiction absolue, s'étendant à tous les objets quelconques, mais celle interdiction s'applique uniquement aux objets neufs mentionnes à l'article 2, lequel est explicatif de l'article premier.
M. Delehaye, rapporteur. - Messieurs, l'article premier sanctionne le principe ; l'article 2 déclare à quels objets il est applicable. Maintenant un honorable membre semble avoir constamment sous les yeux l'article « foin » ; mais cet article ne tombant pas dans l'application de la loi, le principe ne lui est pas applicable. Ce principe absolu n'est applicable qu'aux cas indiques à l'article 2. Votre foin n'étant pas mentionné dans cet article, il ne tombe pas sous le coup de la loi.
M. Savart-Martel. - Et le bétail ?
M. Delehaye. - Encore une fois le bétail, pas plus que le foin, n'est mentionné dans l'article 2. Est-ce que le bétail est une marchandise neuve ?
L'honorable député de Bruxelles a demandé pourquoi la section centrale n'avait pas compris dans son énumération les objets de menuiserie et d'ébénisterie. Je lui répondrai que nous y avons compris toutes les marchandises quelconques. Pour que l'ébénisterie n'y soit pas comprise, il faut qu'elle excède une valeur de 100 fr. C'est ce qui arrive presque toujours ; une commode, un secrétaire, excèdent presque toujours une valeur de cent francs. Si on voulait porter la valeur minimum à mille francs au lieu de cent, je me rallierais, quant à moi, à la proposition ; mais nous n'avons toléré la vente aux enchères que pour des objets en lots d'une valeur de cent francs au moins.
M. Donny. - Je voulais répondre à l'honorable M. Savart ce que lui ont répondu MM. le ministre de la justice et le rapporteur. Je renonce à la parole.
M. de Saegher. - Contrairement à ce qu'ont dit les orateurs qui ont pris la parole après l'honorable M. Savart, je pense que son observation est parfaitement exacte. En effet, l'article premier pose un principe général.
Nous n'avons, pour comprendre la portée de cet article, qu'à remonter à son origine. Il est emprunté à la loi française ; or. la loi française défend en général toute vente en détail de marchandises neuves, sans exception. Elle fait bien, car sans ce principe général, elle n'atteindrait pas le but qu'elle s'est proposé.
Le gouvernement, lorsqu'il a présenté le projet, a eu une autre idée que celle qu'il exprime aujourd'hui. Que vient-il soutenir maintenant avec M. le rapporteur de la section centrale ? L'article premier, dit-il, pose le principe, et l'article 2 en explique l'application, de sorte que l'article premier ne peut être considéré isolément et n'est applicable qu'aux objets dénommés par l'article 2. Or, il me semble que telle n'a pas été l'intention du gouvernement quand il a présenté le projet de loi. Je lis, en effet, dans l'exposé des motifs :
« L'article premier du projet pose un principe fondamental ; il fixe le droit commun, en portant interdiction formelle et absolue de vendre en détail, des marchandises neuves, par aucun moyen propre à solliciter le concours des acheteurs.
« La teneur de l'article premier est empruntée textuellement à la loi française du 25 juin 1841,dont l'expérience semble avoir déjà justifié la sagesse.
« Mais la loi française, en omettant de dire ce qu'elle entend par vente en détail, peut présenter, dans l'application, de l'arbitraire ou tout au moins des doutes et créer des embarras. »
Ainsi, messieurs, on adopte le projet français, parce que l'expérience semble en avoir justifié la sagesse ; et cependant on voudrait poser un autre principe qui restreindrait outre mesure l'application du principe général. Déjà l'honorable M. Verhaegen vous a indiqué un des inconvénients qu'il y aurait à ne pas adopter le principe général.
Ainsi encore, le gouvernement, quand il a présenté la loi, et pour qu'on ne se trompât pas sur ce qu'on doit entendre par vente en détail, a proposé l'article 2, afin d'expliquer ce qu'on devait entendre par détail, et non de restreindre aux objets énumérés le principe général pose à l'article premier.
Si j'insiste sur ce point, c'est parce que je pense que, restreint aux objets qu'il énumère, l'article 2 consacre une exception en faveur de quelques détaillants à l'exclusion des autres, qu'il détruit un principe général nécessaire, qu'ainsi il donnera lieu à de grands inconvénients et que le projet n'atteindra pas son but.
En effet, le n° 11 de l'article 2 porte :
« Toutes marchandises neuves, manufacturées ou non, qui ne sont pas désignées ci-dessus, par quantité de même espèce, d'une valeur de 100 fr. au moins. »
Ainsi, maintenant vont être permises les ventes de toutes marchandises neuves, pourvu que la valeur aille au-delà de 100 fr. Evidemment, c'est rendre la loi illusoire pour une grande quantité des marchandises ; c'est exclure du bénéfice de la loi un grand nombre de marchands et d'industriels du pays. Je livre ces observations à l'attention du gouvernement ; je suis sûr, qu'après examen, il verra qu'il s'est trompé ainsi que l'honorable rapporteur, en considérant l'article 2 comme l'application de l'article premier.
M. Verhaegen. - Je crois que l'honorable rapporteur a compris la portée de mon observation. Elle vient d'être expliquée par l'honorable préopinant. Pour ceux qui veulent du principe de la loi, il me paraît évident que l'article laisse quelque chose à désirer. Le paragraphe 11 surtout est incomplet. Qu'a-t-on voulu favoriser ? La manufacture, le commerce en détail ; soit. Mais vous avez dans chacun des paragraphes favorisé une espèce de commerce. Ainsi pour appliquer le principe aux objets dont je faisais mention tantôt, aux objets d'ébénisterie, vous avez voulu empêcher que leur commerce de détail fût contrarié par des ventes à l'encan, comme vous avez voulu favoriser tous les autres commerçants de détail, vous n'avez permis la vente à l'encan que pour autant que les lots composés de plusieurs articles excédassent une valeur de cent francs.
Eh bien, vous n'atteignez pas le but que vous vous êtes proposé quant aux ébénistes, aux fabricants de voiture et quantité d'autres industriels qui méritent tout autant votre sollicitude, ainsi les fabricants de tapis, les marchands de bronzes et de pendules. Si vous voulez adopter le principe, il faut être juste à l'égard de tout le monde.
Je parlais des ébénistes, eh bien, un secrétaire, une commode, une chiffonnière ou un bois de lit en mahoni aura toujours une valeur de plus de cent francs. Des individus vendront des meubles en mahoni qui paraîtront fort beaux à l'extérieur et qui à l'intérieur seront mauvais ; au lieu de bois de chêne pour les établir on aura pris du bois blanc qu'on aura plaqué avec soin. On vendra cela à très bas prix, parce que la confection n'aura pas entraîné des frais aussi considérables que s'ils avaient été confectionnés avec du bois de chêne ; les véritables ébénistes ne pourront pas soutenir la concurrence avec ceux qui travaillent de cette façon, ils verront vendre de mauvais meubles dont un seul emportera une valeur de plus de cent francs.
Il en sera de même pour les voitures. Nous avons des gens qui travaillent très bien la carrosserie ; une voiture bien faite vaut 3 à 4 mille francs, surtout de nos premiers ateliers de carrosserie où l'on travaille consciencieusement et avec de bonnes marchandises ; d'autres feront des voitures avec de mauvais fers, elles seront bien peintes, bien soignées à l'extérieur, de belle apparence, on les vendra à moitié prix des autres. Comment les bons carrossiers pourront-ils soutenir la concurrence avec ces fabricants qui viendront vendre leurs voitures à l'encan ?
Si vous voulez favoriser les détaillants, vous n'atteindrez pas votre but avec votre loi ; cela veut dire que votre principe ne vaut rien. Je ne puis pas l'adopter.
Pour qu'il puisse être adopté, il faut qu'il soit applicable à toutes les industries. Mais si vous voulez favoriser des industries, tandis que vous en laissez tuer d'autres, ce qui arrivera pour la carrosserie., l'ébénisterie, la fabrication des tapis, l'industrie des bronzes, des pendules, etc., je ne veux pas de votre loi ; il faut, je le répète, l'appliquer à toutes les industries ou rejeter le principe.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je crois que les articles premier et 2 de la loi sont assez clairs pour ne pas permettre la moindre erreur sur l'interprétation à leur donner. Ainsi, l'article premier, qui est tiré de la loi française, pose un principe général.
« Art. 1er. Sont interdites les ventes en détail des marchandises neuves à cri public, soit aux enchères, soit au rabais, soit à prix fixe proclamé, avec ou sans l'assistance des officiers ministériels. »
L'article 2 dit :
« Sera considérée comme faite en détail, toute vente qui, quant aux espèces de marchandises désignées ci-après, comprendra une quantité inférieure à celles qui sont indiquées au présent article. »
! Ainsi l'art. 2 définit ce qu'on entend par les ventes à l'encan dont il est question dans l'article premier. L'exposé des motifs lu par l'honorable M. de Saegher le prouve suffisamment.
L'honorable M. Verhaegen, qui a défendu chaudement en 1838 la loi adoptée alors par la législature, oublie que l'article qu'il combat aujourd'hui est la reproduction littérale de la disposition de 1838. La seule différence qu'il y a, c'est qu'on y a ajouté les marchandises non manufacturées et l'article relatif aux vins, c'est-à-dire qu'on a renforcé la loi dans le sens de l'opinion de l'honorable député de Bruxelles.
A part cela, c'est le texte de 1838 dont l'honorable M. Verhaegen a été l'un des plus chauds défenseurs en 1838 et dont il paraît ne plus vouloir aujourd’hui.
Il ne faut pas donner à cette loi une portée que jamais personne n'a voulu lui donner.
On a voulu interdire ces ventes à l'encan de marchandises dont l'origine est souvent illicite, qui offrent un appât dangereux au consommateur trompé ; ces ventes qui jettent à la foule crédule l'attrait du hasard, de l'imprévu et l'espérance de bon marché et de coup de fortune, espérance souvent trompée et à laquelle la foule succombe toujours, comme à l'égard des jeux de hasard et des loteries.
C'est un commerce irrégulier entaché d'un caractère de fraude et d'immoralité. C'est pour précautionner les consommateurs contre ce danger que la loi en partie a été faite.
Mais on n'a pas voulu comprendre dans la loi les marchandises qui rarement se vendent à l'encan. On ne vend à l'encan, ni des voitures neuves, ni des meubles de haut prix.
Dans l'article 2, on détermine, comme en 1838, quels sont les articles en général qui font l'objet des ventes à l'encan, contre lesquelles on veut protéger le commerce de détail. Le littera 11, comprend les objets non spécialement désignés dans l'article.
Aller au-delà ce serait tomber dans l'inconvénient qu'a signalé l'honorable M. Castiau. Ce serait faire une loi de monopole et de privilège. Le gouvernement n'a pas voulu aller jusque-là.
- Le n° 11 est adopté avec la suppression des mots « ou non ».
« Dernier alinéa. La valeur des lots sera estimée, aux frais du vendeur, par deux experts nommés par le collège des bourgmestre et échevins. »
M. de Corswarem. - Je crois ce paragraphe inutile. A tous les numéros il est dit par quelles quantités ou pourra vendre. Quand les quantités ne sont pas indiquées, la loi fixe un minimum de prix.
(page 968) Dans ce dernier cas, lorsque le lot n'atteindra pas le prix de cent francs, l'officier public et le vendeur seront tous deux à l'amende.
Il y aurait même un inconvénient à adopter le paragraphe. Ce serait un moyen de fraude ou de tracasserie. Par exemple, l'expert de connivence avec le vendeur, ou l'expert ne connaissant pas spécialement les marchandises, pourrait évaluera 100 fr. des lots qui ne vaudraient que 50 ou 60 fr. Le vendeur pourrait dire alors : Les marchandises ne sont pas montées à leur valeur. J'ai dû les laisser à moitié prix. Et si l'expert voulait tracasser le vendeur, il n'aurait qu'à évaluer à 100 fr. des lots qui en vaudraient 200.
Je propose donc de supprimer le dernier paragraphe.
Le prix d'adjudication sera une base infaillible et beaucoup plus facile que l'évaluation arbitraire des experts.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. de Corswarem voudrait que la valeur des lots fût déterminée par l'adjudication. Cela n'est pas possible. Avant que les lots soient adjugés, il faut que la valeur soit fixée ; car la simple mise en vente est déjà dans certains cas un délit ; or, comment pourrait-on atteindre le délit de la mise en vente, si le prix seul d'adjudication devait être pris en considération ? Il faut une base résultant de l'expertise et indépendante de l'adjudication. Et si, après que l'expertise a constaté une valeur de plus de 100 francs, l'adjudication ne donne que 25 francs, il n'y a pas, il ne peut pas y avoir de contravention.
M. de Corswarem. - Je persiste dans mon amendement ; car les experts pourront se tromper de deux manières, en évaluant, par exemple, cent francs des marchandises qui vaudront soit deux cents francs, soit cinquante francs.
D'un côté, ils pourront inutilement tracasser le vendeur ; de l'autre, ils pourront, de concert avec le vendeur, éluder la loi. Il vaudrait donc mieux mettre dans la loi que les marchandises ne pourront être adjugées que pour autant que le prix offert s'élèvera à 100 francs. Cela serait, d'ailleurs, conforme à l'esprit des paragraphes déjà adoptés.
Ce mode ne pourra causer du préjudice au vendeur, puisqu'il lui sera libre de ne pas adjuger les lots pour lesquels il ne lui serait offert que moins de 100 francs
M. Delehaye, rapporteur. - L'honorable ministre de la justice a parfaitement expliqué le sens de la loi : les experts peuvent se tromper, sans doute ; mais les tribunaux peuvent aussi se tromper ; est-ce un motif pour les supprimer ? Vous devez avoir confiance dans les experts ; car ils seront désignés par l'autorité.
Je suppose qu'un objet évalué 100 fr. soit vendu 90 fr., la vente sera faite légalement.
L'honorable M.de Corswarem propose la suppression du paragraphe ; mais, dans ce système, qui déterminera la valeur des lots ? Comment déférera-t-on au vœu de la loi ?
M. de Corswarem. - L'adjudication déterminera la valeur du lot.
M. Delehaye, rapporteur. - Mais un objet qui vaut 110 fr. peut, faute d'amateurs, ne se vendre que 50 fr. Et dans ce cas le vendeur encourrait une amende ! Cela n'est pas possible. Dans le système de la section centrale, toute pénalité disparaît quand les experts ont donné aux lots une valeur de 100 fr.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne conçois réellement pas comment le vendeur pourrait être passible d'un fait qui lui est étranger : le fait de l'adjudication. Comment ! un vendeur expose en vente un objet qui vaut 110 fr., par exemple ; il ne se présente que peu d'amateurs, l'objet se vend 50 fr. ; et dans ce cas le vendeur serait passible d'une peine ! Cela est inadmissible. Le vendeur n'est en faute que s'il met en vente des objets d'une valeur moindre de cent francs. Il faut donc que la valeur soit constatée avant la vente, avant le fait posé par le vendeur.
- Le dernier alinéa de l'article 2 est mis aux voix et adopté ; en conséquence, l'amendement propose par M. de Corswarem n'est pas adopté.
L'ensemble de l'article 2 est mis aux voix et adopte.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) dépose un amendement à l'article 5.
- La chambre en ordonne l'impression et la distribution.
La séance est levée à quatre heures et demie.