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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 mars 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Dumont.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 947) M. de Villegas fait l'appel nominal à midi et un quart.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Leffinghe prie la chambre de rejeter le projet de loi sur la dérivation des eaux de la Lys. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet.


« Le sieur Terlzweil, secrétaire communal de Voormezeele, présente une notice sur le projet d'un nouveau canal de la Knocke à Nieuport. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la dérivation de la Lys.


Par dépêche en date du 10 mars, M. le ministre de la justice adresse à la chambre des explications sur la pétition du sieur Nicolas Pigière, demeurant à Bruxelles, qui réclame la mise en liberté de Charles Lignan, précédemment reclus au dépôt de mendicité de Reckheim. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Nomination des membres du jury d'examen universitaire

Nombre des votants, 61.

Majorité absolue, 32.

24 billets blancs sont trouvés dans l'urne.

Doctorat en droit

Membre titulaire : M. Dewandre, avocat général à la cour de cassation, est nommé par 37 suffrages.

Membre suppléant : M. Vanhoegarden, conseiller à la cour de cassation, est nommé par 36 suffrages.


Candidature en droit

Membre titulaire : M. de Kemmeter, professeur à l'université de Gand, est nommé par 36 suffrages.

Membre suppléant : M. de Rote, professeur à l'université de Gand, est nommé par 36 suffrages.


Doctorat en médecine :

Membre titulaire : M. Hubert, professeur à l'université de Louvain, est nommé par 37 suffrages.

Membre suppléant : M. Haan, professeur à l'université de Louvain, est nommé par 34 suffrages.


Candidature en médecine :

Membre titulaire : M. Vaust, professeur à l'université de Liège, est nommé par 36 suffrages.

Membre suppléant : M. Sauveur, professeur à l'université de Liège, est nommé par 36 suffrages.


Sciences

Membre titulaire : M. Cantraine, professeur à l'université de Gand, est nommé par 35 suffrages.

Membre suppléant : M. Leschevin, agrégé à l'université de Gand, est nommé par 34 suffrages.


Philosophie et lettres

Membre titulaire : M. Burggraeve, professeur à l'université de Liège, est nommé par 34 suffrages.

Membre suppléant : M. Loomans, professeur à l'université de Liège, est nommé par 35 suffrages.

Projet de loi relatif à l'organisation de la cour des comptes

Discussion des articles

Article 14

La discussion continue sur l'article 14.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole dès le début de cette séance, parce que j'ai lieu de croire qu'à la suite de la discussion d'hier, les paroles de M. le ministre des finances et la réponse que je lui ai faite ont laissé quelque doute sur le véritable sens de la question que nous discutons. D'abord, M. le ministre des finances nous a dit hier (et c'est un point sur lequel je tiens à insister), il nous a dit que le gouvernement ne pourra pas refuser de renseignements à la cour des comptes. Cette déclaration de M. le ministre des finances est formelle et dès lors je suis en quelque sorte satisfait, quant à la question des renseignements.

Ensuite, M. le ministre a insisté sur les inconvénients qui pourraient résulter de ce que la cour des comptes aurait la faculté d'opposer son veto à un acte de dépense posé par le gouvernement, d'entraver la marche de l'administration et de nuire ainsi à sa responsabilité. J'ai répondu hier à M. le ministre qu'il perdait toujours de vue le paragraphe proposé par son prédécesseur, adopté par la section centrale et d'où il résulte que le veto n'est plus possible, parce que si un ministre est en désaccord avec la cour des comptes, il peut soumettre la question à l'avis de ses collègues rassemblés en conseil, et que si le cabinet partage son avis, la cour des comptes doit passer outre et viser avec réserve. Messieurs, cette disposition est formelle et elle résout si nettement la question du veto, que quelques membres ont été étonnés de voir M. le ministre des finances persister dans les observations qu'il a faites hier, et sur lesquelles il est revenu plusieurs fois.

Ces honorables collègues ont même cru que M. le ministre abandonnait le paragraphe dont je viens de faire mention. Au reste, je le déclare, il est certain que si l'on persiste à vouloir définir quand la cour sera obligée d'accorder sa liquidation, le recours au conseil des ministres devient en quelque sorte inutile. Je demanderai donc à M. le ministre des finances, s'il se rallie, oui ou non, au paragraphe concernant le recours au conseil des ministres.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je m'y rallie.

M. de Man d’Attenrode. - Puisque le gouvernement se rallie à cette importante disposition, il ne s'agit donc plus du veto suspensif, que l'on redoute tant. La cour ne peut donc plus entraver l'action administrative ; le gouvernement est pourvu du moyen de marcher et de sortir d'embarras.

Messieurs, dans la séance d'hier, M. le ministre des finances a cherché à (page 948) définir quelle serait, d'après lui, la nature du contrôle qu'exercerait la cour, quelle en serait la limite, les circonstances où la cour des comptes serait obligée de donner son visa.

Voici comment M. le ministre a expliqué la portée de son amendement. Il a déclaré que la cour des comptes était obligée de liquider lorsqu'elle aurait reconnu la réalité de la dépense.

M. le ministre des finances (M. Malou). - De la créance.

M. de Man d’Attenrode. - Eh bien, soit ; de la réalité de la créance, je me suis trompé. Il s'agira donc de s'assurer simplement si un ministre a réellement ouvert une dépense, s'il existe un créancier, si le budget porte un crédit suffisant pour y satisfaire.

Dès que la cour se sera procuré les renseignements, et cela ne sera ni long ni compliqué, la cour des comptes serait obligée de viser parce que, d'après M. le ministre, elle aura reconnu de cette manière la régularité de l'imputation.

Voilà de quelle manière M. le ministre définit et limite le contrôle de la cour des comptes fondé par le congrès. C'est ainsi que la cour ne pourra pas même vérifier la légalité de la créance ; elle ne pourra pas approfondir les motifs qui militent pour ou contre la dépense ; elle ne pourra pas se faire produire les pièces justificatives dont elle aurait besoin pour éclairer sa religion, mette la législature sur la voie des abus, et lui faciliter l'examen et le vote de la loi des comptes.

Voilà, messieurs, pourquoi, je me suis étendu si longuement hier sur cette importante question des renseignements, sans lesquels les contrôles sont impuissants et la publicité anéantie.

Messieurs, si vous voulez écrire dans la loi les circonstances où la cour sera tenue de viser, vous arriverez à lui imposer l'obligation d'accorder son visa sans une connaissance approfondie de la légalité de la dépense. Le gouvernement pourra violenter sa conscience, et dès lors la garantie que nous donne le visa ne sera plus que de très peu de valeur. La liquidation préalable n'offrira plus dès lors qu'une garantie amoindrie, impuissante en. faveur des intérêts du trésor public.

Messieurs, je vais vous dire un mot pour justifier la conduite de la section centrale. La section centrale n'ayant pas été satisfaite de la rédaction du gouvernement, a d'abord cherché à la remplacer par une autre rédaction ; mais après beaucoup d'efforts, elle y a renoncé et c'est sur la proposition d'un de ses membres, proposition à laquelle nous nous sommes ralliés à l'unanimité, que la section centrale a pris le parti de supprimer le paragraphe proposé par le gouvernement et de ne pas le remplacer dans la crainte de limiter le contrôle précieux que porte le décret du 30 décembre 1830.

En effet, messieurs, cette définition est une chose des plus délicates, des plus difficiles ; il est presque impossible de proposer une rédaction qui ne fasse pas une part trop forte, soit au gouvernement, soit même à la cour des comptes, de tenir un juste milieu dans une matière aussi peu saisissante. La section centrale a donc reculé devant cette tâche, et en cela elle n'a fait d'ailleurs qu'imiter le congrès, qui n'a pas défini non plus, par son décret de l830, les cas où la cour des comptes serait obligée de liquider. Il a entièrement abandonne cette alternative à la conscience de la cour des comptes elle-même.

L'honorable M. Dumortier, dans la proposition qu'il a faite en 1835, n'a pas introduit non plus cette définition, et la section centrale a pensé qu’il serait imprudent de vouloir agir d'une manière différente.

Il est d'ailleurs positif, et j'insiste sur ce point, que le congrès, en fondant la cour des comptes, a voulu un contrôle sérieux, un contrôle concernant la légalité de la dépense. Il ne l'a pas écrit dans la loi, mais son intention est clairement énoncée dans l'expose des motifs. Et je ne pense pas que cet exposé des motifs, qui doit être considéré comme le développement de la loi, ait soulevé la moindre réclamation de la part d'aucun membre de notre assemblée constituante.

Voici comment la commission du congrès s'exprimait, par l'organe de son rapporteur, l'honorable M. de Muelenaere, dans son rapport du 23 décembre 1830 :

« … Afin de prévenir ces pertes (sommes détournées ou payées illégalement), on a eu recours, d'abord au cautionnement, et ensuite au contrôle qui est placé au nombre des attributions essentielles de la cour des comptes, dont nous vous proposons l'organisation. Cette dernière mesure consiste à ne permettre aucun payement, à moins que la légalité de la créance n'ait été vérifiée par la cour des comptes, et que l'ordonnance de payement n'ait été visée et enregistrée. »

Il est donc incontestable que la commission du congrès a entendu que la cour des comptes vérifierait la légalité des créances, et que le congrès lui-même a sanctionné cette proposition.

Depuis 1830, la cour des comptes a voulu exercer sérieusement ce contrôle salutaire, qu'elle envisageait, à juste titre, comme la plus importante de ses attributions. Il en est résulté des conflits, des contestations ; un contrôle ne s'exerce pas sans soulever des difficultés ; mais je ne sache pas que la cour des comptes ait, depuis 1830, entrave la marche de l'administration. Je crois que si nous avons à nous plaindre d'une chose, c'est que la cour ait molli en bien des circonstances, surtout en ouvrant des crédits immenses aux travaux publics, destines à des dépenses fort peu régulières.

Les considérations que je viens de faire valoir, seront de nature, je l'espère, à vous faire adopter le système de la section centrale, qui propose de supprimer la disposition tendant à définir jusqu'où peuvent aller les investigations de la cour, et à indiquer quand elle sera tenue à liquider une dépense ouverte par l'administration.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l'on conçoit très bien que le congrès national, en instituant une cour des comptes, n'ait pas senti, comme l'on sont aujourd'hui, la nécessité de tracer une règle pour le visa de la cour des comptes. Alors l'expérience était à faire, aujourd'hui elle est faite, et je crois pouvoir dire que cette expérience est très complète.

Si j'insiste pour que la chambre insère dans l'article du projet de la section centrale le second paragraphe du projet du gouvernement, c'est qu'il importe de tracer à la cour des comptes cette règle dont l'absence, dans la législation actuelle, a été une cause de tiraillements perpétuels, de difficultés sans cesse renaissantes. Il faut, en d'autres termes, qu'une bonne fois cette question soit vidée.

Je vais citer un exemple dont j'ai connaissance, à raison des fonctions que j'ai remplies assez longtemps au ministère de la justice. D'après un décret de l'empire, la moitié du traitement affecté à une place vacante dans les tribunaux de première instance, est attribuée aux membres du tribunal. On s'est demandé si la même disposition, sous le régime de loi de 1832, devait être appliquée aux cours d’appel, en d'autres termes, si les droits d'assistance étaient légalement dus, en ce qui concerne les cours d'appel et la cour de cassation. Voilà une question de légalité ou d'interprétation de la loi, en ce qui concerne les dépenses publiques ; et, si mes souvenirs sont fidèles, l'on a discuté cette question avec la cour des comptes, à peu près pendant trois années et sous trois ministres différents.

Là, messieurs, il y avait, selon la vérité des principes constitutionnels, une question d'interprétation de loi, de légalité de créance dont la cour des comptes ne devait pas être juge, en ce sens qu'elle eût à la décider, mais dont elle devait être appréciatrice, en ce sens qu'elle pouvait saisir la chambre de la question, au moyen des observations qu'elle doit vous faire chaque année.

Je cite un fait, et je ne doute pas que ceux qui ont été aux affaires ne puissent en citer un grand nombre analogues à celui-là, où des questions de légalité, d'interprétation de lois, ont longtemps divisé les ministres et la cour des comptes, entravé plus ou moins longtemps la libre marche de l'administration.

S'il fallait maintenir cette attribution, telle qu'elle a été exercée jusqu'à présent, il faudrait désormais, lorsque vous avez à pourvoir au renouvellement de la cour des comptes, avoir égard à cette circonstance, et avoir bien soin d'y représenter très largement l'élément judiciaire.

En effet, ces questions, tout le monde le sait, sont très souvent délicates, difficiles, et plus elles le sont, plus elles gênent, plus elles arrêtent, au préjudice des intérêts publics, la bonne et rapide marche de l'administration.

La véritable mission de la cour des comptes est donc de juger, non pas, comme vient de le dire encore l'honorable rapporteur, qu'il y a réellement une dépense créée par un ministre, mais d'examiner si celui qui est présenté comme créancier de l'Etat, est réellement créancier de l'Etat ; et en second lieu d'examiner si le gouvernement, en imputant la dépense sur l'article qu'il indique, est réellement dans les termes de la loi du budget. Si la cour à cet égard n'a pas son opinion formée, si la cour croit que le gouvernement se trompe, elle a le droit de soumettre la question à la chambre, et la chambre doit statuer à l'époque où elle arrête le compte de cette année, sur les observations de la cour.

Le paragraphe sur l'adoption duquel j'insiste n'est pas rendu inutile par les autres paragraphes du projet de la section centrale.

Déjà, d'après les explications que je viens de donner à la chambre, je crois avoir établi qu'il est nécessaire de tracer à la cour des comptes une règle positive qui prévienne ou qui rende du moins plus rares les conflits qui ont excité jusqu'aujourd'hui.

Et en effet, je trouve ce paragraphe dans le projet primitif du gouvernement, qui là aussi admettait le visa avec réserve, après délibération du conseil des ministres. L'article 15 contient ce paragraphe et contient en outre les dispositions que la section centrale a conservées. Il y a deux actions différentes ; la règle est tracée pour les cas ordinaires, et s'il arrive que la cour des comptes, malgré cette règle qui lui est indiquée, croie devoir refuser son visa, alors, mais seulement alors, il y a lieu, pour le ministre qui se trouve en dissentiment avec elle, de convoquer le conseil et de faire statuer par ses collègues sur cette question.

Le paragraphe ne devient donc pas inutile, au contraire son utilité est démontrée par tous les faits qui se sont passés. Le paragraphe n'est pas dangereux, parce qu'il laisse à la cour des comptes la liberté de son action constitutionnelle, telle qu'elle résulte, et de l'article 116 de la Constitution et de la nature même des choses, de la nature des pouvoirs du gouvernement, de ceux de la cour des comptes, et de ceux de la chambre.

J'ai déjà déclaré hier que nonobstant cette disposition, l'article 5 du projet restait intact ; que le gouvernement devait fournir à la cour des comptes tous les renseignements dont elle croit avoir besoin pour remplir sa mission. Mais en m'exprimant ainsi, je tiens aussi à définir quelle est sa mission ; sa mission n'est pas de juger contre les ministres et en dernier ressort les questions de légalité, d'interprétation des lois.

J'attendrai, au reste, la suite de la discussion, pour voir si d'autres explications sont nécessaires.

M. de Garcia. - Messieurs, l'article en discussion, il faut en convenir, présente des difficultés fort ardues. Cette disposition a pour objet de tracer la règle qui doit désormais régir les attributions de la cour des comptes vis-à-vis du gouvernement. Deux graves inconvénients sont à éviter dans cette matière : il ne faut pas entraver l'action du gouvernement, mais il ne faut pas non plus abdiquer le droit de surveillance que la législature s'est créé dans la cour des comptes. C'est entre ces deux écueils qu'on doit marcher, et c'est là toute la difficulté. Elle peut être résolue, je crois, si l'on se pénètre bien de l'esprit de la disposition de l'article 116 de la Constitution. Elle trace nettement la ligne et les principes à suivre.

(page 949) Qu'il me soit permis de donner lecture de l'article 116 de la Constitution qui se rattache à la disposition actuelle. Le paragraphe 2 de l'article 116 porte ce qui suit :

« Cette cour est chargée de l'examen de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public. »

Voilà une première attribution.

« Elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu'aucun transfert n'ait lieu. »

Seconde attribution.

La première confère clairement à la cour le droit d'examiner et de liquider les comptes de l'administration générale. Devant ce texte constitutionnel, je ne puis concevoir qu'on refuse à la cour des comptes le droit de s’assurer de la légalité d'une dépense pétitionnée par le gouvernement. ; je le conçois d'autant moins que je ne comprends pas la réalité d'une créance, si elle n'est basée sur un texte de loi, sur la légalité.

Si la cour des comptes n'a pas ce droit, si le chef d'un département quelconque peut reconnaître une créance à charge de l'Etat, sans que la cour puisse faire l'examen de sa légalité, il faut le reconnaître franchement, la surveillance qu'on a voulu obtenir dans la cour des comptes, sera tout à fait illusoire.

La conservation du système que je défends doit-elle entraver la marche du gouvernement, et produire une perturbation dans l'administration centrale ? C'est ce qui n'est nullement démontré, et ce que je ne puis admettre. En effet, dans l'hypothèse dans laquelle nous raisonnons, la cour des comptes peut toujours être contrainte à devoir apposer son visa, mais sous la responsabilité du conseil des ministres. Cette circonstance est la seule condition imposée pour que la cour des comptes doive passer outre et apposer son visa. Dans cet état, je le demande, y a-t-il, comme l'a dit M. le ministre, un veto, une entrave à l'action du gouvernement ? Evidemment non. L'action du gouvernement, et la surveillante que nous avons le droit d'exiger dans les dépenses de l'Etat, restent entières.

Dans la deuxième attribution faite à la cour des comptes par l'article 116 de la Constitution, il existe, dans des circonstances données, le droit d'un veto absolu de visa dans la cour des comptes.

Je suppose qu'un ministre dépasse l'allocation du budget ou fasse un transfert. Je crois qu'alors la cour est armée du veto absolu. Cela résulte des termes différents dans lesquels l'article 116 de la Constitution s'exprime. Dans le premier cas, elle dit que la cour est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public. Dans l'autre il est dit qu'elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu'aucun transfert n'ait lieu. Ici elle a un veto absolu ; mais pour le premier cas, elle n'a qu'un examen à faire, elle apprécie le fait et le droit, et si elle ne croit pas devoir donner son visa, le cabinet peut lui ordonner de passer outre. Mais quand il s'agit de transfert, de dépasser un article du budget, je ne pense pas qu'on puisse ordonner à la cour de donner son visa bon gré mal gré. L'article 116 de la Constitution fait la base de mon argument, et je crois impossible d'y répondre.

On objecte que l'état de choses que nous critiquons occasionne des tiraillements.

Mais, messieurs, des tiraillements il n'y en aura plus, quand vous aurez déterminé les attributions de la cour. Que vous adoptiez le système de la section centrale ou celui proposé par M. le ministre des finances, chacun connaîtra ses attributions d'une manière nette. Vous devez prendre garde à une seule chose, c'est de ne pas sacrifier votre contrôle à des considérations qui n'ont ni réalité ni fondement. Prenons-y garde, messieurs, cette surveillance de la cour des comptes est la sauvegarde de nos finances C'est de cet article et des principes que vous consacrerez dans la disposition actuelle que dépend la régularité des dépenses de l'Etat.

J'ai confiance dans le gouvernement, mais je n'abandonne jamais les règles posées dans notre Constitution dans l'intérêt de la bonne gestion des affaires publiques. Je désirerais pouvoir faire un sacrifice en faveur de M. le ministre des finances que j'estime beaucoup, mais jamais je ne pourrai me décider à sacrifier des règles aussi positives que celles posées par la Constitution. J'admets donc que le conseil des ministres puisse ordonner à la cour de passer outre au visa pour les cas où il ne s'agit pour elle que d'examen ; mais quand il s'agit de dépasser les crédits ouverts par le budget ou de faire des transferts, je n'admets pas que le gouvernement puisse ordonnera la cour de donner ce visa.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je vais beaucoup plus loin que l'honorable M. de Garcia, car les trois derniers paragraphes de l'article de la section centrale ne me paraissent pas s'appliquer lorsqu'un ministre aurait dépassé les articles du budget. La cour doit veiller à ce qu'aucun article du budget ne soit dépassé ; c'est pour cela que je propose de dire quand la cour aura reconnu la régularité de l'imputation. Je n'admets donc pas que dans le cas où un crédit est épuisé, le conseil des ministres puisse forcer la cour à donner son visa, je n'admets pas qu'au moyen d'un crédit de cent mille francs, on puisse faire une dépense d'un million. Il s'agit de savoir si, quand on reste dans les termes du crédit et qu'il y a divergence d'opinion entre la cour et le ministre sur l'application du budget ou d'une autre loi, la cour a le droit de faire prévaloir son opinion sur celle du ministre, et d'arrêter son action. L'avenir de nos finances n'est pas intéressé dans la question. Je n'admets aucun cas où l'on puisse dépasser un crédit porté au budget ou faire un transfert ; c'est là que serait le danger, et c'est parce qu'il m'apparaît dans sa gravité que je crois ne pouvoir admettre l'opinion émise par l'honorable M. de Garcia.

M. Donny. - Ainsi que M. le ministre des finances vient de le dire je pense qu'il est parfaitement d'accord avec l'honorable M. de Garcia, c'est-à-dire que le système que l'honorable M. de Garcia veut faire prévaloir est celui que propose M. le ministre des finances.

Pour ma part, je ne suis d'accord ni avec M. le ministre, ni avec l'honorable M. de Garcia, sur les attributions à donnera la cour des comptes.

Quand le congrès a introduit la formalité du visa préalable, il l'a fait d'une manière absolue, en ces termes : Aucune ordonnance de payement n'est acquittée par le trésor qu'après avoir été revêtue du visa de la cour des comptes.

Vous voyez que la règle est absolue, sans aucune exception quelconque. Ce régime nous a régis pendant 15 ans ; quels sont les inconvénients qui en sont résultés ? Le gouvernement a-t-il été arrêté dans sa marche ? Un ministre a-t-il été dans l'impossibilité de faire usage des crédits qui lui ont été alloués par le budget ? Je ne le pense pas. Il y a eu, dit M. le ministre, des tiraillements, des correspondances ; mais ce sont là des choses accessoires, inévitables en présence d'institutions nouvelles ; mais ces inconvénients devaient, d'année en année, s'aplanir davantage.

Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de consacrer cette règle absolue. Cette règle, ni la section centrale, ni personne ne propose de la maintenir. On propose un système beaucoup plus tempéré. En cas de dissentiment entre un ministre ordonnateur et la cour des comptes, le congrès avait investi la cour d'un veto absolu, elle était rendue arbitre suprême de la difficulté ; c'était peut-être là un défaut. Le système qu'on propose aujourd'hui, veut qu'en cas de dissentiment entre un ministre et la cour, ce soit le conseil des ministres qui décide, qui devienne l'arbitre suprême du différend.

Vous voyez que l'on s'est écarté beaucoup de la règle posée par le congrès, qu'on en est venu à un système beaucoup moins rigoureux, système appuyé et par le gouvernement et par la section centrale.

Mais voici la différence entre ce que vous propose la section centrale et ce que veut faire prévaloir M. le ministre :

La section centrale permet à la cour des comptes de faire des réserves dans tous les cas possibles, c'est-à-dire de faire des réserves quand elle trouve que la créance n'est pas réelle, quand elle trouve que l'imputation n'est pas régulière, quand elle trouve que la dépense n'est pas légale, enfin quand il existe un motif quelconque qui la détermine à refuser son visa, à vinculer son visa par une réserve.

M. le ministre des finances veut restreindre la compétence de la cour, la mettre en quelque sorte dans une position où son visa ne serait plus qu'une simple formalité. Car, dans quels cas la cour pourrait-elle attacher des réserves à son visa ? Dans deux cas seulement : lorsqu'on ne justifierait pas de la réalité de la créance, ou de la régularité de l'imputation ; dans toutes les autres circonstances, la cour devrait viser purement et simplement.

Ce visa est accordé, dit la disposition ministérielle d'une manière impérative, lorsque la réalité de la créance est justifiée et que la cour a reconnu la régularité de l'imputation.

Maintenant qu'est-ce que la réalité de la créance ? M. le ministre des finances vous l'a fort bien expliqué. La réalité de la créance se résume dans l'existence d'un véritable créancier de l'Etat. Mais dans tous les cas possibles, quand il y aura une ordonnance de payement, il y aura à côté de cette ordonnance une personne que la cour sera obligée de reconnaître comme véritable créancier. Je ne conçois pas un seul cas où il en soit autrement.

Quand l'imputation est-elle régulière ? C'est quand l'ordonnance ne constitue pas un transfert, quand elle ne porte pas sur un crédit déjà épuisé ; mais je vous le demande, comment supposer qu'un ministre ordonnance sciemment un payement de nature à constituer un transfert ou à porter sur un crédit épuisé ? Cela ne peut arriver que par erreur. Or, personne ne croira que le congrès n'a introduit le visa préalable que pour redresser des erreurs.

Le système de la section centrale est plus rationnel que celui que veut faire prévaloir M. le ministre. Pourquoi celui-ci combat-il ce système ? Il en a dit les raisons.

Il a soutenu d'abord que la responsabilité ministérielle serait déplacée. Si vous adoptez le système de la section centrale, vous a-t-il dit, ce sera la cour plutôt que le ministre ordonnateur qui sera responsable.

Il n'en est rien. Aujourd'hui le ministre ordonnance, la cour vise ; la responsabilité est-elle déplacée ? Personne ne l'a prétendu ; je ne pense pas que le ministre le prétende non plus. Si le système de la section centrale est adopté, dans la plupart des cas la cour continuera à viser et le ministre continuera à être responsable comme il l'est aujourd'hui.

Dans le cas où la cour ne visera qu'avec réserve, la responsabilité sera déplacée ; cela est vrai, j'en conviens, mais elle ne le sera pas dans le sens qu'a dit M. le ministre ; elle ne passera pas, comme il le pense, à la cour des comptes ; elle passera au conseil des ministres ; je ne vois pas grand mal à cela.

Aujourd'hui, M. le ministre a donné un deuxième motif, en citant un fait. Il a dit : Il y a eu, au sujet de l'application de tel décret impérial, entre la cour des comptes et les ministres, des divergences, des discussions qui se sont prolongées pendant trois ans, sous trois ministères successifs. Mais ce qui s'est passé antérieurement ne pourra plus se renouveler à l'avenir. Il n'y aura plus de discussion pendant trois ans. Le ministre ordonnancera ; si la cour refuse son visa, le conseil des ministres sera convoqué ; et il décidera immédiatement si c'est le ministre ou la cour qui a raison.

M. le ministre n'a donc donné aucun motif sérieux pour faire repousser le système de la section centrale, et je crois qu'il existe au contraire des motifs pour adopter ce système, si l'on ne veut pas voir dégénérer le visa de la cour des comptes en une simple formalité, sans aucune valeur réelle.

M. de Garcia. - Les explications, données par M. le ministre des finances, me prouvent, si je les ai bien comprises, que nous sommes d'accord (page 950) à un point de vue, c'est que lorsqu'il s'agira de dépasser le chiffre du budget, ou d'opérer un transfert, la cour des comptes pourra refuser son visa, opposer un veto absolu. Nous sommes d'accord sur ce point, je crois, avec M. le ministre. Dès lors, il ne me reste rien à dire à cet égard, sinon que la loi recevra une exécution conforme aux explications données par l'organe du gouvernement.

Sous ce rapport, j'avoue que je n'ai pas tous mes apaisements dans la manière dont est rédigé l'article 12 que nous discutons. Jetions un coup d'œil sur l'ensemble de cette disposition.

Le premier paragraphe de l'article est ainsi conçu :

« Aucune ordonnance de payement n'est acquittée par le trésor qu'après avoir été munie du visa de la cour des comptes. »

Après cette disposition, M. le ministre propose d'ajouter :

« Ce visa est accordé lorsque la réalité de la créance est justifiée, et que la cour a reconnu la régularité de l'imputation. »

J'avoue que lorsque je vois, après ce paragraphe du projet du gouvernement, le deuxième paragraphe de l'article de la section centrale que le gouvernement adopte, je ne puis trouver le sens net de ce que M. le ministre semble vouloir aussi bien que moi. Je crains que le paragraphe que le gouvernement propose d'insérer dans l'article, ne soit soumis aux conséquences du deuxième paragraphe de l'article de la section centrale, c'est-à-dire que dans tous les cas le gouvernement ne puisse ordonner à la cour des comptes de donner son visa. Ce qui fait naître cette crainte chez moi, c'est le paragraphe 3 de l'article de la section centrale, qui porte en termes généraux que si les ministres jugent qu'il doit être passé outre au payement sous leur responsabilité, la cour vise avec réserve.

Une rédaction aussi vague peut laisser croire que, dans tous les cas, même dans celui où M. le ministre a reconnu à la cour des comptes le droit d'un veto absolu, ce corps serait tenu de donner son visa sous la seule responsabilité des ministres. J'espère que les explications données préviendront toute fausse interprétation à cet égard, et que dans l'application de la loi on respectera des principes constitutionnels incontestables et reconnus par le gouvernement. Mes craintes à cet égard étaient réveillées surtout par ce qui s'est passé dans la discussion de la loi sur la comptabilité de l'Etat. Vous vous rappelez qu'alors le gouvernement réclama le droit du pouvoir, dans des cas graves, disposer des deniers de l'Etat en vertu d'arrêtés royaux.

Cette faculté lui a été refusée, et quelques-uns ont pensé que dans ce cas le gouvernement pourrait toujours, sous sa responsabilité, ordonner à la cour des comptes d'apposer son visa. Je partage cette opinion, mais uniquement pour des cas extrêmes, et lorsqu'il s'agit, comme je le disais alors, du salus populi ; mais il doit rester bien entendu que, dans des circonstances données, la cour conserve un veto absolu.

Si la disposition que nous discutons pouvait avoir une autre portée, soit dans la pensée du gouvernement, soit dans celle de la section centrale, je la regarderais comme contraire aux principes émis dans l'article 116 de la Constitution et je ne pourrais l'admettre.

Les termes absolus et impératifs de cette disposition ne permettent pas de supposer que le gouvernement puisse ordonner à la cour des comptes de donner son visa, quand il s'agit de faire un transfert ou de dépasser les crédits d'un budget.

Ce veto ne peut avoir des conséquences funestes pour le pays. C'est au gouvernement à demander à l'avance ce qu'il lui faut ou à convoquer la législature pour réclamer les dépenses imprévues. Le veto absolu qu'on veut accorder à la cour des comptes sur les transferts, loin d'entraver la marche du gouvernement, sera une garantie de régularité.

Pour toutes les autres dépenses, le gouvernement peut enjoindre à la cour des comptes d'apposer son visa. Dès lors quel inconvénient peut-il y avoir à laisser à celle-ci le droit d'examiner la réalité et la légalité de ces dépenses ? Dans une mesure semblable, je ne puis voir aucune espèce d'entrave à l'action gouvernementale. Mais j'y trouve une garantie parfaite contre une mauvaise gestion des deniers publies. Je le répète, si vous ôtez ce droit à la cour des comptes, vous dépouillez le pays de la surveillance salutaire établie par la Constitution.

Souvent l'on a dit qu'il ne fallait pas faire de l'administration dans la chambre. Je partage cette opinion, et je désire prévenir cet inconvénient. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que la cour des comptes, qui n'exerce qu'un pouvoir délégué de la chambre, ait toute liberté d'action. Si la cour fait son devoir et, à cet égard je n'ai aucun doute, nous ne serons pas exposés à perdre un temps précieux dans des discussions de matières purement administratives et d'application.

C'est pour éviter ces inconvénients, c'est pour assurer l'ordre et la régularité dans toutes les dépenses de l’Etat, que j'appuie de toutes mes forces les attributions qu'on veut conserver à la cour des comptes, et qui me semblent lui appartenir incontestablement, aux termes de la Constitution.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Mon intention n'est nullement de restreindre les attributions de la cour des comptes, de manière que son visa ne soit plus qu'un enregistrement des actes du gouvernement.

La question est ailleurs ; elle est plus haut. Il s'agit de savoir quelle part, d'après la Constitution, il faut faire à ces deux pouvoirs. Je prends dans la Constitution la définition de ces deux pouvoirs.

La cour des comptes a pour mission unique, essentielle d'exercer les attributions définies dans l'article 116 de la constitution. Elle doit veiller notamment à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu'aucun transfert n'ait lieu. Rapprochez cette disposition constitutionnelle du deuxième paragraphe du projet, et vous verrez que c’est l'application de la disposition de l'article 116 que je propose d'insérer dans la loi.

Quel est l'ordre d'idées de l'article que je propose ? Le paragraphe premier consacre le principe du visa. Le deuxième paragraphe indique quelles règles aura à suivre la cour des comptes pour accorder ce visa.

Viennent ensuite des dispositions qui prévoient le cas où, par un autre motif, la cour croirait devoir refuser son visa.

Ainsi il y a un enchaînement logique dans l'ordre des dispositions du projet.

Le paragraphe premier pose le principe du visa.

Le deuxième paragraphe indique les motifs qui doivent porter la cour des comptes à accorder son visa.

Les trois dernières dispositions prévoient le cas où la cour, trouvant qu'il n'y a pas lieu d'appliquer ces règles, refuserait son visa.

D'après les dispositions mêmes, le visa n'est jamais une vaine formalité. En effet le pouvoir qu'a la cour d'en référer à la chambre, engage la responsabilité du gouvernement qui saura que la question doit être déférée à la chambre.

Je dois revenir encore sur la définition de ce paragraphe. La réalité de la créance a pour moi ce sens bien clair que la cour des comptes doit s'assurer si celui qui se présente à une dette légitime à la charge de l'Etat.

Quant à la régularité de l'imputation, la cour des comptes doit vérifier si la dépense imputée sur un article du budget, est imputée régulièrement et conformément au vœu de la loi, si cet article laisse disponible une somme suffisante.

Ainsi, pour citer un exemple, je suppose qu'un ministre croie pouvoir affecter une somme votée pour les fêtes nationales à une construction. La cour des comptes a le droit, d'après les dispositions qui sont formelles, de refuser son visa.

Dans ce cas, on appliquera les trois derniers paragraphes du projet de la section centrale. Mais la cour des comptes n'est pas investie du pouvoir de résoudre une question de légalité, comme celle que j'ai indiquée tout à l'heure.

Ce serait une erreur de croire que jamais des imputations irrégulières de dépenses au-delà des crédits n'aient été soumises à la cour des comptes. Pour les dépenses qui dépassent les crédits, j'admets que ce ne peut être que par erreur. Mais quant à la régularité des imputations, il y a à faire une appréciation du sens du libellé du budget.

Là, il y a, il y aura encore différence d'appréciation. Mais ces difficultés, je le reconnais moi-même, la cour des comptes a le droit de les apprécier.

Je crois, d'après ces explications, que le projet tel que j'ai eu l'honneur de le présenter à la chambre fait une juste part à la cour des comptes et au contrôle de la chambre ; car le contrôle subsiste dans son intégrité et dans toute sa force malgré cette disposition.

M. Vanden Eynde. - Hier, j'ai adressé une interpellation à M. le ministre des finances, pour connaître la portée de l'amendement qu'il veut introduire dans l'article 14 de la section centrale. M. le ministre ne m'a pas fait l'honneur de me donner une réponse bien claire. Sa réponse est très équivoque ; il a esquivé la difficulté.

Je vais donner un exemple cité hier par M. le ministre et qui prouve combien il importe de rejeter l'amendement qu'il veut introduire dans l'article de la section centrale.

L'honorable M. Donny vous a nettement expliqué pourquoi ce paragraphe est dangereux, pourquoi il importe qu'il soit rejeté. Ce paragraphe (dit l'honorable M. Donny) signifie (cela est fort juste), que la cour des comptes est obligée d'accorder son visa dans deux cas, d'abord lorsque la réalité de la créance est constatée, ensuite lorsque la régularité de l'imputation est constatée.

Mais qu'est-ce que M. le ministre des finances entend par réalité de la créance ? C'est là, messieurs, où gît toute la difficulté ; c'est là où le conflit entre la cour des comptes et le département des finances s'est élevé.

M. le ministre des finances dit que la réalité de la créance existe lorsqu'il y a un créancier véritable. C'est ce qu'on appelle définir la même chose par la même chose, idem par idem.

Messieurs, pour vous faire comprendre et pour l'expliquer à moi-même comment j'entends l'article, je vais citer un exemple.

M. le ministre des finances pensionne un fonctionnaire pour cause d'infirmités. Ces infirmités sont constatées par un certificat de médecin, ainsi que le veut la loi. Je suppose que ce fonctionnaire, comme cela a déjà eu lieu au département des finances, présente un état de services qui n'est pas le sien, mais qui lui donne un plus grand nombre d'années de services, qu'il n'en a réellement. Le ministre des finances est induit en erreur, l'état de service est admis comme un état de service réel. L'arrêté royal est présenté à la cour des comptes avec une ordonnance de payement. Il y a là une créance légale ; il y a là un fonctionnaire de l'Etat mis à la pension pour infirmités graves qui le placent dans l'impossibilité de continuer ses fonctions ; et la cour des comptes, selon M. le ministre, est tenue de viser l'ordonnance de payement.

La cour des comptes n'a pas admis cette manière de procéder ; elle a demandé que le gouvernement produisît le certificat des médecins, constatant les infirmités graves, afin qu'elle put examiner si ce certificat plaçait le fonctionnaire dans les termes de la loi, c'est-à-dire si ce fonctionnaire pouvait être pensionné d'après le texte de la loi.

Si vous admettez l'amendement que M. le ministre des finances vous propose, la cour des comptes n'a pas le droit d'examiner la légalité de la mise à la pension, c'est-à-dire elle n'a pas le droit d'examiner si le certificat présenté déclare suffisamment que le fonctionnaire est atteint (page 951) d'infirmités telles, qu'elles le placent dans l'impossibilité de remplir ses fonctions. Voilà donc que M. le ministre pourrait mandater sur le trésor une créance qui ne serait pas justifiée par la loi.

Un deuxième cas existe, et ce cas s'est aussi présenté au département des finances.

Un employé du département des finances a été mis à la pension. Il est parvenu à faire passer un état de service appartenant à son frère pour le sien propre. Le ministre et la cour des comptes elle-même y ont été trompés. Ce fonctionnaire a donc été payé d'après la liquidation de la pension. Ce n'est que plus tard que l'on a découvert la fraude et qu'on a révisé la pension.

Eh bien, si la cour des comptes n'est pas en droit de se faire produire les états de service, et d'examiner si tels ou tels services peuvent, conformément à la loi, être attribués au fonctionnaire pensionné, je dis que la cour des comptes ne fait qu'un simple enregistrement.

C'est cependant ce que veut M. le ministre, et c'est ce qu'il vous a dit à la séance d'nier, lorsqu'il a voulu expliquer les dispositions de l'article 14 de la section centrale. Voici ce qu'il dit :

« Toutes les bases légales doivent être insérées dans l'arrêté royal. Si le pouvoir de la cour des comptes va jusqu'au point de pouvoir déclarer que tels ou tels services reconnus, admis par le gouvernement, ne peuvent pas servir de bases légales à la fixation de la pension, alors l'administration, en ce qu'elle a de plus essentiel dans son action, se trouve transférée à la cour des comptes. »

Vous le voyez, messieurs, M. le ministre des finances ne veut pas que la cour des comptes examine si les services invoqués par un fonctionnaire mis à la pension sont des services que, d'après la loi, on peut prendre en considération pour déterminer la hauteur de la pension. Si ce système pouvait être admis, le visa de la cour des comptes deviendrait inutile ; car il deviendrait, je le répète, un simple enregistrement.

Je voterai donc contre l'amendement de M. le ministre des finances et pour l'article de la section centrale ; et dans le cas où, contre mon attente, l'article de la section centrale ne serait pas accepté sans l'amendement de M. le ministre, je présenterai un sous-amendement à cet amendement, et je demanderai qu'après les mots « la réalité », il soit ajouté : « et la légalité ».

M. le ministre des finances (M. Malou). - Si je n'ai pas répondu hier d'une manière plus directe aux observations de l'honorable M. Vanden Eynde, c'est qu'elles se rattachent à l'article 17 du projet de la section centrale. Du reste, l'honorable membre les ayant reproduites, je m'expliquerai immédiatement sur la question de l'intervention de la cour des comptes quant à la liquidation des pensions.

Messieurs, cette controverse est très ancienne. Lorsque le gouvernement vous a soumis un projet de loi sur les pensions, et lorsque la section centrale dont j'avais l'honneur d’être l'organe, a présenté son rapport, on a cru résoudre cette question et la résoudre comme elle devait l'être. On a obligé le gouvernement à insérer dans les arrêtés royaux l'indication des bases légales qui servent à régler les pensions. On l’a obligé, sur la proposition de l'honorable M. Verhaegen, à publier au Moniteur les noms et par extrait les certificats des médecins qui avaient été entendus avant que la pension soit liquidée. On a en outre obligé le gouvernement à publier les arrêtés dans le Bulletin officiel, aujourd'hui dans le Moniteur.

En décidant par la loi que les bases légales de la fixation des pensions seraient indiquées dans les arrêtés royaux, on a formellement entendu exclure l'intervention de la cour des comptes telle que vient de la définir l'honorable M. Vanden Eynde, et on a, selon moi, parfaitement bien fait.

Supposons, en effet, que les attributions de la cour des comptes soient telles que vient de les définir l'honorable M. Vanden Eynde, et demandez-vous ce qui arrivera ; demandez-vous qui liquidera la pension. Car, enfin, ; il faut indiquer nettement quelle est la position du gouvernement et quelle elle doit être.

Un fonctionnaire est reconnu impropre au service. Le gouvernement fait subir un examen conformément au vœu de la loi, et les médecins qui sont consultés déclarent ce que les chefs avaient déjà déclarés que cet agent ne peut plus rester en service actif, est dans l'impossibilité absolue, comme le dit la loi, de continuer ses fonctions.

Je dis, messieurs, que lorsque le gouvernement s'est ainsi conformé à la loi, lorsqu'il a apprécié les certificats, vous ne pouvez admettre que la cour des comptes ait le droit de déclarer que ces certificats sont insuffisants, que le fonctionnaire que l'on a déclaré être dans l'impossibilité de continuer ses fonctions, peut cependant les continuer encore. Si vous admettez cela, vous aurez transféré à la cour des envies la liquidation des pensions. Vous aurez encore une fois laissé au gouvernement la responsabilité de ses agents, et vous ne lui aurez pas laissé la liberté nécessaire pour les libérer du service actif, lorsqu'il en a reconnu la nécessité.

Ainsi, je n'hésite pas à répondre à l'interpellation qui m'est faite : Non, la cour des comptes ne peut être juge si tel ou tel agent du gouvernement a des infirmités suffisantes pour être admis à la pension.

Quant à l'appréciation des services, c'est pour résoudre ces questions que l'on a forcé le gouvernement à mettre dans les arrêtés, je le répète, les bases légales d'après lesquelles les pensions doivent être liquidées. Ici encore comment pourrait-on conférer à la cour des comptes le pouvoir d'apprécier si tel ou tel service rentre dans les tenues de la loi générale sur les pensions ? Comment pourriez-vous le faire, messieurs, sans que la cour des comptes n'eût défait le droit de liquider les pensions, droit qui est accordé aujourd'hui au gouvernement, qui est de l'essence de son action ?

Cette question des pensions, comment a-t-elle été résolue par le congrès ? Dans le décret de 1830, on ne trouve autre chose, sinon qua la cour des comptes tient un grand-livre des pensions, comme elle tient un grand-livre de la dette publique.

Il est arrivé, dit l'honorable M. Van den Eynde, qu'un faux état de service a été produit, que le ministre et la cour des comptes y ont été trompés. Messieurs, cela peut arriver encore, dans toutes les hypothèses. Mais on fait alors ce qui se fait toujours lorsqu'une erreur est reconnue ; on la redresse soit pour celui qui a une pension, soit contre lui si l'erreur a été commise à son profit. Maintes fois déjà des erreurs ont été reconnues dans l'un et l'autre sens et j'ai eu occasion d'en redresser plusieurs.

Je crois donc que, quant aux pensions, nous devons maintenir les droits du gouvernement, et ici encore la cour des comptes conserve sa véritable prérogative ; elle conserve le droit de vous soumettre toutes les observations qu'elle juge convenable, et vous décidez en dernier ressort des actes du gouvernement.

J'indiquais tout à l'heure, messieurs, les dispositions de la loi de 1844 sur les pensions ; il en est une que j'ai omise. Dans cette loi de 1844, on a prescrit au gouvernement d'indiquer à la chambre, chaque année, à l'appui des budgets les noms et les positions de ceux qui ont été admis a la pension ; et ces tableaux ont acquis aujourd'hui un développement tel qu'ils sont, sous une autre forme, la reproduction des arrêtés royaux qui liquident les pensions.

M. de Man d’Attenrode. - Cela ne sert à rien.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L'honorable rapporteur me dit : Cela ne sert à rien. Messieurs, j'invoque l'expérience de cette année, je me souviens que cela a servi à beaucoup, car l'honorable M. Verhaegen, notamment, et au sénat plusieurs membres ont critiqué la liquidation de certaines pensions. Cela sert tellement que votre contrôle, au moyen de la publication de ces tableaux, s'est déjà fait sentir au gouvernement.

Si les attributions respectives du gouvernement et de la cour des comptes en matière de pensions n'étaient pas ainsi définies, ce n'est plus le gouvernement, c'est la cour des comptes qui réellement liquiderait les pensions, qui apprécierait les droits des serviteurs de l'Etat. C'est ce qui ne peut être d'après la loi que vous avez faite, loi spéciale à laquelle aujourd'hui, je pense, on ne doit pas déroger.

M. Donny. - Messieurs, si j'ai bien compris M. le ministre des finances, il y a peut-être moins de distance entre nos opinions que je ne l'avais pensé d'abord. De la manière dont j'ai compris la disposition que M. le ministre veut faire insérer dans la loi, cette disposition était impérative ; la cour des comptes devait viser lorsque le gouvernement avait justifié la réalité de la créance et la régularité de l'imputation. D'après les explications données par M. le ministre, j'ai cru maintenant comprendre que la cour des comptes, indépendamment de la réalité de la créance et de la régularité de l'imputation, aurait encore le droit, pour un motif quelconque, de refuser son visa et de rendre nécessaire l'intervention du conseil des ministres ; s'il en est ainsi, je suis complétement satisfait. Mais, en présence de la disposition si claire, si formelle, si impérative, du paragraphe qu'on veut insérer dans l'article, je dois demander à M. le ministre une explication catégorique à ce sujet, et pour lui fournir l'occasion de s'expliquer avec précision, je m'emparerai du fait qu'il a cité. Il a dit que l'application d'un décret impérial a amené un dissentiment entre le ministère de la justice et la cour des comptes. Eh bien, je suppose le cas que le même dissentiment se reproduise le lendemain de la promulgation de la loi ; je suppose que la cour des comptes se refuse encore à appliquer le décret impérial comme l'entend le ministre ; et je demande si alors, en présence du paragraphe qu'il propose, la cour des comptes aurait le droit de refuser son visa. Si M. le ministre répond que oui, que la cour peut encore refuser son visa et rendre nécessaire l'intervention du conseil des ministres, je me déclare satisfait ; mais s'il répond que non, j'insiste plus que jamais pour que la chambre rejette la disposition que M. le ministre veut faire insérer dans la loi.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L'article, tel qu'il est proposé, établit les règles que la cour des comptes devra observer. Elle visera les dépenses lorsqu'il lui sera démontré que la dette est légitime, légale, et que l'imputation est régulièrement faite sur un crédit qui suffit pour couvrir la dépense.

Je reprends l’hypothèse qui vient d'être indiquée de nouveau par l'honorable M. Donny. Il existe un crédit pour les traitements de l'ordre judiciaire. Entre le gouvernement et la cour des combles s'élève la question de savoir si l'imputation faite sur ce crédit pour droit d'assistance conformément aux décrets de l'empire est légale. Dans ce cas, la cour des comptes ne peut pas déclarer que l'imputation est illégale ; elle doit viser, sauf a en référer a la chambre, comme la Constitution même lui en laisse le droit.

Ainsi, la portée de l'article ne peut plus être incertaine. Le visa est la règle. On indique à la cour les principes de sa compétence en ce qui concerne le visa et lorsque des considérations en dehors de ces règles la portent à refuser son visa elle peut le refuser, et alors, mais alors seulement, l'intervention du conseil des ministres est requise. Dans l'un comme dans l'autre cas, la cour des comptes conserve le droit, qu'elle tient de l'article 116 de la Consiitution.de soumettre ses observations aux chambres en leur transmettant le compte général de l'Etat.

M. Vanden Eynde. - Je suis bien surpris, messieurs, de la réponse que M. le ministre des finances vient de donner à l'honorable M. Donny, surtout en présence du principe qu'il a admis tout à l'heure. M. le ministre (page 952) des finances a convenu que la cour des comptes peut refuser son visa par suite de l'interprétation qu'elle donne à un article du budget. (Interruption.) M. le ministre a déclaré que lorsqu’un ministre veut imputer une demande de payement sur tel article du budget, et lorsque la cour des comptes juge que cette imputation ne peut pas avoir lieu, elle a le droit de refuser son visa. M. le. ministre convient donc que la cour des comptes peut interpréter les articles du budget. Je demanderai pourquoi, quand on lui accorde ce droit pour la régularité de l'imputation, on le lui refuse pour la réalité de la créance ? Je ne vois pas le motif de la distinction que M. le ministre des finances fait à cet égard. Si la cour des comptes peut interpréter la loi quant à la régularité de l'imputation, il me semble qu'elle doit pouvoir l'interpréter également quant à la réalité de la créance, c'est-à-dire qu'elle doit pouvoir examiner si celui qu'on présente comme créancier de l'Etat se trouve réellement dans les conditions nécessaires pour posséder cette qualité. La cour des comptes a été chargée par la Constitution de veiller à ce que les deniers de l'Etat ne soient pas détournés ; elle doit donc pouvoir examiner si celui à qui le ministre ordonne de faire un payement a réellement le droit de recevoir ce payement, en vertu de la loi. Ainsi, par exemple, en matière de pensions, elle doit pouvoir examiner si celui à qui le ministre veut payer une pension remplit en effet toutes les conditions que le loi sur les pensions prescrit pour qu'une pension puisse lui être accordée. Elle a donc le droit d'apprécier notamment si le certificat donné par les médecins pour constater des infirmités graves, est délivré dans des termes tels, qu'il place le fonctionnaire, auquel il se rapporte, dans les conditions déterminées par la loi.

Je ne veux pas, messieurs, comme a semblé le croire M. le ministre des finances, je ne veux pas que la cour des comptes examine par elle-même si l'individu est atteint d'infirmités suffisamment graves pour qu'il puisse être admis à la pension ; mars je veux qu'elle apprécie le certificat délivré par les médecins ; je veux qu'elle s'assure si ce certificat place l'individu dans les conditions exigées par la loi.

D'après ces considérations, messieurs, je voterai contre l'amendement de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, l'honorable membre vient lui-même d'indiquer un nouveau motif à l'appui de l'opinion que je soutiens. Ainsi j'admets que la cour des comptes a le droit d'interpréter la loi de budget, et interpréter la loi de budget c'est s'assurer de la bonne gestion des finances, de la régularité des imputations ; mais je n'admets pas que la cour des comptes ait contre le gouvernement le droit d'interpréter d'autres lois dans leur application aux dépenses publiques. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - M. Donny vient de déposer un amendement consistant à insérer dans le deuxième paragraphe de l'article les mots : « par des motifs quelconques » de manière que ce paragraphe serait ainsi conçu :

« Lorsque, par des motifs quelconques, la cour ne croit pas devoir donner son visa, les motifs de son refus sont examinés en conseil des ministres. »

Plusieurs membres. - Aux voix, aux voix.

Le premier paragraphe de l'article 16 est d'abord mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je mettrai maintenant aux voix l'amendement de M. le ministre des finances, qui formerait le paragraphe 2.

- On réclame l'appel nominal. Il est procédé à cette opération.

M. le président. - Voici le résultat de l'appel nominal :

74 membres ont pris part au vote.

3 membres se sont abstenus.

35 membres ont répondu non.

36 ont répondu oui.

Des membres. - C'est une erreur ; 36 membres ont répondu non, et 35 oui.

D’autres membres. - Il faut un second appel nominal.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il s'agit ici, non seulement d'un fait, mais d'un précédent ; il ne s'agit pas, pour moi, de voir adopter un amendement, mais surtout du précédent. Le bureau a proclamé le résultat de l'appel nominal, laissons ce résultat acquis au premier vote. Nous pouvons d'autant mieux nous abstenir de poser ce précédent, que ce vote sera remis en question après-demain. (Interruption.)

Je crois avoir le droit d'émettre celle opinion, la chambre l'appréciera ; il est de mon devoir de faire remarquer que lorsqu'un résultat est proclamé par le bureau, le doute émis par quelques membres ne peut pas mettre en question les décisions proclamées par le bureau. C'est un précédent extrêmement grave, et auquel il faut bien réfléchir.

M. Dumont. - Il y a eu effectivement erreur de ma part. Je pensais que j'étais d'accord avec M. le secrétaire Dubus ; dans cette persuasion, j'ai proclamé le résultat, tel que je l'avais annoté ; mais à l'instant même, M. le secrétaire m'a fait remarquer l'erreur.

M. le ministre des finances (M. Malou). - En ce cas mes observations viennent à tomber.

M. Lebeau. - Je pense que l'explication doit être mentionnée exactement au procès-verbal.

Des membres. - Recommençons l'appel nominal.

M. Verhaegen. - Messieurs, mes amis et moi, nous avions tenu note des votes, et nous avions le résultat du dépouillement. J'étais au bureau, au moment même où M. le président, faisant les additions, avait annoncé qu'il y avait autant de voix pour et autant de voix contre. J'ai lieu de croire que M. le secrétaire avait des notes conformes aux nôtres.

En définitive il n'y a pas eu erreur : il y a eu une voix de majorité pour le rejet ; j'en appelle aux souvenirs des membres du bureau.

Une voix. - Le bureau a proclamé le résultat.

M. Verhaegen. - Le bureau n'a rien proclamé du tout. M. le président a commis une erreur, il est vrai, en faisant le relevé des votes, mais il a rectifié cette erreur tout de suite avec M. le secrétaire.

Des membres. - Allons ! l'appel nominal.

M. Verhaegen. - Il doit être entendu que de nouveaux venus ne peuvent pas venir prendre part au vote ; les abstentions doivent également y être maintenues ; remarquez que ce n'est pas précisément un nouveau vote qu'il s'agit d'émettre, il s'agit seulement de rectifier une erreur, de contrôler ce qui a été fait.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, tout à l'heure j'ai repoussé un précédent dangereux ; mais celui que l'honorable. M. Verhaegen veut faire poser est dix fois plus dangereux encore. Un membre entre dans la salle, et vous lui auriez d'avance interdit le droit de voter ! Mais de quel droit donc lui feriez-vous cette interdiction ? Il y a eu erreur au bureau ; le vote est considéré comme n'ayant pas eu lieu, il doit y avoir un nouveau vote. Si les membres qui ont voté pour veulent ne point prendre part au nouveau vote, libre à eux de sortir de la salle ; mais les nouveaux membres qui entreraient dans la salle doivent avoir le droit de prendre part au vote.

M. de Mérode. - Il me paraît important de prononcer d'une manière sérieuse sur un pareil incident. Je partage l'avis de l'honorable M. Verhaegen. Je sais que, d'après les notes prises par différents membres, c'est l'opinion contraire à la mienne qui a prévalu, et que l’amendement a été rejeté. Si l'on veut agir de bonne foi, les mêmes membres doivent voter maintenant de la même manière que la première fois.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Il y a eu doute, et d'un doute il ne peut naître un droit.

De toutes parts. - Aux voix !

- Il est procédé à un nouvel appel nominal.

Voici le résultat du scrutin :

75 membres répondent à l'appel ;

35 répondent oui ;

37 répondent non ;

3 s'abstiennent.

En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.

MM. Rogier, Dubus aîné et Orts déclarent s'être abstenus parce qu'ils n'ont pas assisté à la discussion.

Ont répondu oui : MM. Scheyven, Verwilghen, Veydt, Zoude, Anspach, Cans, d'Anethan, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de La Coste, Delehaye, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Huart, Albéric Dubus, Duvivier, Fallon, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Loos, Malou, Mast de Vries, Orban et Dumont.

Ont répondu non : MM. Rodenbach, Savart, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verhaegen, Biebuyck, Castiau, Clep, Coppieters, David, de Bonne, de Breyne, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Renesse, de Roo, Desmet, de Tornaco, Donny, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jonet, Lange, Lesoinne, Lys, Maertens, Osy et Pirmez.

M. Donny. - Je déclare retirer mon amendement. Il est devenu sans objet par suite du rejet de la proposition de M. le ministre.

- L'article proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 15 (nouveau)

« Art. 15 (nouveau, proposé par la section centrale). La justification de la créance peut se faire postérieurement au visa :

« 1° Lorsque la nature du service exige l'ouverture de crédits pour une dépense à faire ;

« 2° Lorsque l'exploitation d'un service administratif régi par économie, nécessite des avances à l'agent comptable de ce service.

«Ces avances ne peuvent excéder 20,000 francs, et il sera justifié de leur emploi dans le délai de quatre mois.

« Aucune nouvelle avance ne peut, dans cette limite de 20,000 fr., être faite pour un service régi par économie, qu'autant que toutes les pièces justificatives de l'avance précédente auraient été produites à la cour des comptes, ou que la portion de cette avance, dont il resterait à justifier, aurait moins de quatre mois de date.

« Toute autre exception doit être établie par la loi qui autorise la dépense. »

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je me rallie à l'article 15 nouveau proposé par la section centrale ; cependant je crois devoir donner quelques courtes explications sur cette disposition.

Ainsi que l'observation en a déjà été faite, il existe plusieurs manières de faire sortir les fonds du trésor public : au moyen du visa préalable, sur le mandat de payement, quand il y a un créancier certain, ou au moyen du visa pour ouvrir des crédits, dont on rend compte ultérieurement. L'article du projet de la section centrale prévoit un troisième mode de faire sortir les fonds du trésor, c'est au moyen d'avances faites à un agent comptable spécial pour l'exploitation d'un service. Ce dernier mode s'applique presque exclusivement à des agents spéciaux chargés, soit à l'administration centrale, soit dans d'autres administrations, du payement, des menues dépenses, sauf à rendre compte.

Le mode applicable à d'autres services, tels que la solde du soldat, le salaire des nombreux ouvriers du chemin de fer, en un mot, toutes les (page 953) dépenses qui se rattachent à de grands services exploités par le gouvernement, est l'ouverture de crédits. Ces dépenses se font et continueront à se faire par forme d'ouverture de crédits. Ainsi, pour le chemin de fer, dont, provisoirement, vous avez maintenu le système de comptabilité, on pourra continuer à ouvrir des crédits. Il serait impossible d'en agir autrement, car un crédit de 20 mille francs ou même de 500 mille francs serait insuffisant pour continuer ce service. J'adopte donc l'article de la section centrale dont le n° 1° me paraît comporter que, pour le chemin de fer et l'armée, on continuera à ouvrir des crédits, sauf à en justifier ultérieurement l'emploi.

- L'article 15 est mis aux voix et adopté.

Article 16 et 17 (nouveau)

« Art. 16. Un double du grand-livre de la dette publique est déposé à la cour des comptes.

« Elle veille à ce que les transferts et les remboursements, ainsi que les nouveaux emprunts, y soient exactement inscrits ; elle veille également à ce que tout comptable fournisse le cautionnement affecté à la garantie de sa gestion. A cet effet, elle reçoit, des diverses administrations générales, l'état indicatif des cautionnements de tous les comptables, à quelque titre que ce soit.

« Toutes les obligations d'emprunt ou de conversion, et les certificats de cautionnements, n'auront de force qu'autant qu'ils soient revêtus du visa de la cour des comptes.

« La cour tient un livre des prêts remboursables, faits en vertu des lois sur les allocations des budgets, au commerce, à l'industrie, à l'agriculture ou à toute autre partie prenante. Elle veille à ce que ces prêts soient renseignés exactement dans les comptes des comptables et dans le compte général de l'Etat. »

M. Osy. - Je pensais qu'il y avait une lacune dans l'article relativement au transfert des inscriptions au grand-livre de la dette publique. Je suis allé à la dette publique, pour voir le mécanisme de cette opération.

J'ai vu que tout s'y faisait comme je pouvais le désirer ; j'ai donc toute satisfaction ; mais j'engage la cour des comptes à tenir le double de la dette publique, qui n'est pas régularisée. Nous devons insister pour que cela soit fait le plus tôt possible après l'adoption de la loi.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je proposerai de rattacher à l'article 16, l'article 17 nouveau proposé par la section centrale qui est relatif aux pensions. Cette question a déjà été discutée ; des motifs spéciaux que j'ai déjà indiqués s'y rattachent ; j'ai fait passer au bureau un amendement reproduisant la rédaction que le congrès avait adoptée quant aux pensions :

« Elle (la cour) tient également un registre de toutes les pensions à charge de l'Etat, à l'effet de constater la comptabilité de ces divers objets.»

Je propose un paragraphe à l'article 16, conçu dans les mêmes termes.

Il en résulterait que la cour des comptes ne liquiderait pas les pensions, ne jugerait pas si les infirmités sont graves, si elles sont de telle nature qu'elles rentrent dans l'article premier de la loi générale des pensions. (Interruption.)

Ce n'est pas tout à fait la même disposition. Je crois qu'il y a des motifs spéciaux que j'ai déjà fait connaître ; s'il le faut, j'y reviendrai ; car dans la loi générale sur les pensions, on a examiné ce qu'il fallait faire ; la loi a donné, contre tous les abus possibles, de nombreuses garanties que j'ai exposées ; on ne peut pas en donner d'autres sans transférer à la cour les droits du gouvernement quant à la liquidation des pensions.

M. Osy. - Je viens combattre la proposition de M. le ministre des finances d'introduire dans la loi d'organisation de la cour des comptes la disposition relative aux pensions que le congrès avait insérée dans son décret, et défendre la disposition proposée par la section centrale. Quand le congrès a rendu son décret, il ne pouvait pas prévoir les abus dont je vais vous entretenir. Nous avons aujourd'hui une expérience de quinze années qui nous prouve la nécessité d'établir de nouvelles garanties relativement à la liquidation des pensions. Ayant beaucoup de faits à citer, j'ai mis par écrit mes observations.

Le temps me manque pour faire des recherches afin de vous prouver, par des faits nombreux, que le contrôle de la liquidation des pensions avec production des titres doit être donné à la cour des comptes et pour nous garantir la bonne exécution des lois et pour être certain qu'il ne se fasse pas de liquidations de pension par erreur ou faveur.

Le cahier d'observations de la cour des comptes litt. 15, session de 1841, page 27, nous apprend que par arrêté royal du 19 janvier 1841 on avait liquidé une pension où on avait compté pour moitié une interruption de 13 ans et 2 mois.

La cour, ayant insisté pour obtenir des états détaillés de services, a réussi à réduire celle pension déjà liquidée pour les années illégalement comptées.

Je ferai quelques autres citations, en omettant les noms des titulaires, mais en citant les dates des arrêtés royaux ; on pourra me contrôler et le peu d'exemples que je vous citerai vous prouveront, messieurs, qu'il faut que la cour des comptes nous donne la garantie que les abus ne pourront plus se renouveler.

Par arrêté royal du 13 mars 1845, on a liquidé une pension ; la cour a cru également qu'on avait encore compté une interruption de service ; interruption que la cour n'a pu constater parce que le ministre n'a jamais voulu produire les états détaillés de service. A cette occasion, je demande à M. le ministre d'envoyer ces états ; la cour pourra voir si mes informations ne sont pas exactes et faire réduire la pension, s'il y a encore ici erreur ou faveur.

Par arrêté royal du 5 septembre 1845, une autre pension a été liquidée en vertu de l'article 5 de la loi du 21 juillet 1844 pour blessures et accidents survenus dans l'exercice de ses fonctions ; tandis que les mêmes blessures ont été faites en combattant en septembre 1830, et qu'à ce titre, le même pensionné jouit d'une pension civique de 365 fr. sous le litt. 107.

Si je suis bien informé, et je crois l'être, d'autres pensions sont accordées pour cause de blessure et accidents sans justification.

De pareils abus seraient impossibles si la cour des comptes, comme je le demande avec la section centrale, avait la communication des titres.

Par arrêté royal du 3 décembre 1845, on a liquidé une pension, quoique le titulaire cumule une pension militaire depuis 1815, bien que l'artien 46 de la loi de 1844 l'interdise formellement.

Il existe encore d'autres cumuls dont je ne veux pas vous entretenir en détail, mais ces abus n'arriveraient pas si la cour des comptes avait le contrôle de la liquidation des pensions.

Pour finir mes citations, je vous dirai que par arrêté royal du 19 juillet 1841, on a pensionné une personne pour un supplément de 625 francs, du chef de service comme directeur d'un dépôt de mendicité : par les observations réitérées de la cour des comptes, cette pension a dû être annulée parce que le titulaire n'avait pas joui d'un traitement salarié par l'Etat.

Je crois inutile, messieurs, de vous citer d'autres exemples pour vous prouver que la cour ne doit pas seulement avoir à enregistrer les pensions liquidées, mais que les pensions ne peuvent être définitivement liquidées qu'après vérification de tous les titres par la cour, et ce n'est que lorsque la cour est d'accord avec le ministère qu'on peut et doit seulement soumettre à la signature royale les arrêtés.

Par là on ne compromet pas la signature royale, car quoique aujourd'hui la cour n'ait pas la vérification des titres, vous voyez, messieurs, qu'elle a cependant réussi à faire rapporter bien des décisions ministérielles et si la vérification était, comme je le demande, le droit en vertu de la loi, soyez persuadés, messieurs, qu'à la longue nous ferions beaucoup d'économies et comme je l'ai dit, les erreurs, les faveurs, les abus n'auraient plus lieu. Je vous engage donc à voter la disposition proposée par la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Plusieurs des faits cités par l'honorable préopinant me sont inconnus.

Je ferai rechercher les dossiers, si l'honorable membre veut bien m'indiquer les noms des personnes auxquelles se rapportent ses observations, et je donnerai des explications détaillées.

Une première réflexion aura sans doute frappé vos esprits : c'est sous l'empire de la législation actuelle, lorsque l'obligation qu'on veut imposer au gouvernement n'existe pas, que la cour des comptes a relevé cinq ou six abus, ou plutôt cinq ou six erreurs qui se sont produites depuis 1830.

Une ou deux de ces affaires me sont connues.

Ainsi, par exemple, pendant très longtemps, au ministère de la justice on a agité la question de savoir si les services rendus à l'Etat par le directeur d'un dépôt de mendicité pouvaient être admis comme titre à la pension. Celle question est très grave. On a fini par ne pas la résoudre ; on a cherché un moyen terme parce qu'elle est insoluble.

Ces directeurs sont nommés par le gouvernement ; mais ils sont payés sur le budget du dépôt de mendicité. De là est résultée une question très difficile, celle de savoir s'ils acquéraient un droit à la pension à charge de l'Etat.

Par la production des pièces justificatives on n'empêchera pas qu'à l'avenir il ne se commette des erreurs, des abus. Maïs ces erreurs ont été indiquées ; on a pris tous les moyens possibles pour les prévenir.

Il est vrai que l'honorable membre indique une marche toute nouvelle. Mais c'est précisément pour démontrer que cette marche ne peut en aucune façon être suivie, que j'ai cru devoir demander la parole.

La cour des comptes apprécie au point de vue de sa compétence constitutionnelle les actes posés par le gouvernement. Mais je ne pense pas que l'on puisse négocier avec elle pour savoir s'il y a lieu ou non de soumettre un arrêté à Sa Majesté. Le gouvernement use de son droit en liquidant les pensions. Vous apprécierez la nature des pouvoirs qu'il faut laisser au gouvernement, quelle action il faut laisser à la cour des comptes. L'action du gouvernement, quelle qu'elle soit, doit être libre ; elle ne peut être soumise à un concert préalable entre le ministère et la cour des comptes. Quel que soit le système que vous adoptiez, je ne pense pas que ce concert préalable puisse convenablement avoir lieu.

On cite une personne qui cumule une pension civique de 360 fr. avec une pension qui lui a été accordée pour services antérieurs à la révolution. Ce cas est expressément prévu par la loi relative aux pensions. On a autorisé le cumul des pensions ne s'élevant pas ensemble à plus de 800 fr. Pourquoi cette disposition a-t-elle été introduite dans la loi ? Surtout en faveur de ceux qui avaient concouru à assurer l'indépendance nationale. On a considéré que ceux qui avaient servi l'Etat avant la révolution, et qui avaient obtenu une récompense nationale, en raison de leur participation aux événements de la révolution, ne devaient pas être déchus de cette récompense. On a considéré ce cumul comme parfaitement légal, j'allais dire parfaitement convenable et patriotique.

Je rechercherai soigneusement les faits. Mais il n'est pas nécessaire que les pièces justificatives de la pension soient soumises à la cour des comptes pour qu'elle puisse apprécier le droit de ceux qui sont mis à la pension.

Je crois devoir ajouter encore un mot.

Il y a plus de garanties dans le mode établi par la loi de 1844 que par la production des pièces.

En effet, disons-le franchement, en quoi ont pu consister les abus ? En ce que des fonctionnaires avaient intérêt à demander la pension, et en ce (page 954) qu'on les y admettait trop facilement. Vous ne pouvez empêcher que le gouvernement mette à la pension et vous ne pouvez donner à la cour des comptes le droit d'empêcher la mise à la pension. Ce n'est donc pas par la production des pièces que vous empêcherez les mises à la pension abusives ; ce n'est qu'en examinant les états qui vous sont envoyés et sur lesquels on a demandé des explications pour savoir si les causes de la mise à la pension sont suffisantes.

Permettez-moi d'anticiper sur la discussion de l'article 17 nouveau du projet de la section centrale, pour vous présenter une observation. Le paragraphe 2 de cet article porte : « Tout brevet de pension n'aura de légalité qu'autant qu'il aura reçu le visa et l'enregistrement de la cour. »

Je dois faire remarquer à la chambre que cette disposition n'a pas de signification réelle dans la pratique. Le brevet n'est pas le titre de la pension. Le titre, c'est l'arrêté royal ; le moyen par lequel il se réalise en faits, ce sont les états collectifs. Les brevets de pension ne constituent pas un titre ; il arrive qu'ils s'égarent, on les remplace quand la demande en est faite. J'ai déjà eu l'occasion de renouveler ces pièces, qui n'ont, entre les mains de ceux qui les possèdent, aucune valeur pour le payement.

Je pense donc que, dans toute hypothèse, on doit supprimer le deuxième paragraphe de l'article 2 de la section centrale.

La chambre ne se méprendra pas sur les motifs qui me portent à insister, malgré le vote qu'elle a émis. Il y a deux intérêts à sauvegarder : celui du gouvernement et les véritables principes de législation sur le contrôle que la chambre doit se réserver sur cette catégorie de dépenses.

M. Osy. - J'ai cité deux cas de blessures : l'un de blessures reçues en 1830. Il est possible que la loi de 1844 permette ce cumul, s'il ne dépasse pas 800 fr. Mais j'ai aussi le cas d'un militaire pensionné pour services rendus avant 1815, et qui, par arrêté du 3 décembre 1845, a été pensionné pour services rendus depuis 1830. Voilà un véritable cumul que la loi ne permet pas. Il y a illégalité.

La cour des comptes n'a aucun contrôle sur les pensions, au moment où elles sont liquidées. Ce n'est que quand la cour des comptes a eu connaissance du cumul qu'elle a pu faire redresser l'erreur. J'ai cité le cas d'une pension qui avait été accordée indûment, de sorte qu'on a dû rapporter l'arrêté royal qui l'avait accordée. Il serait, je crois, préférable que l'arrêté royal n'intervînt que quand le ministre des finances et la cour des comptes seraient d'accord. Alors il n'y aurait pas à chaque instant à faire redresser des erreurs, à rapporter des arrêtés royaux. Je crois donc que nous ferions très sagement en adoptant l'article de la section centrale. Si M. le ministre croit qu'il faut modifier le deuxième paragraphe, je ne m'y oppose pas. Mais je crois que nous devons maintenir le fond de la proposition.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Un contrôle concernant la liquidation des pensions est utile, il est nécessaire. C'est ce qui est reconnu dans tous les Etats bien constitués. C'est ce qu'a reconnu M. le ministre des finances lui-même, en s'efforçant de l'établir dans sa loi de 1844. L'honorable ministre a cherché à faire ressortir la valeur d'un contrôle exercé directement par la législature.

J'ai déclaré, dans une autre séance, que jusqu'à présent les dispositions de la loi de 1844, qui tendent à assurer ce contrôle, n'avaient pas rempli le but que s'était proposé son honorable rapporteur, n'avaient prévenu aucun abus en fait de collation de pensions. Je maintiens ce que j'ai dit à cet égard. En effet, j'ai eu beau examiner les arrêtés insérés au Moniteur ; je suis resté convaincu que ces publications ne pouvaient répandre aucune lumière sur la question de savoir si une pension avait été liquidée conformément à la loi. En effet, pour s'assurer si une pension est réglée d'une manière légale, il faut avoir toutes les pièces sous les yeux.

Cette appréciation est très difficile ; il s'agit d'une interprétation de lois qui prête à beaucoup de subtilités. Il faudrait ne s'occuper que de ces questions pour se livrer à un examen utile. Un contrôle exercé par un corps collectif qui n'est pas spécialement délégué à cet effet ne peut produire aucun résultat utile. Pour qu'il y ait contrôle, il faut une institution spécialement chargée de cette besogne, et qui s'en occupe continuellement.

Ainsi, messieurs, pour que le contrôle direct, exercé par une chambre sur la collation des pension, fût sérieux, il faudrait que nous fissions pour les pensions ce que nous faisons pour les comptes de l'Etat. Nous devrions instituer une commission permanente des pensions, comme nous élisons à chaque session une commission des finances ; et cette commission, pour remplir son devoir, devrait puiser ailleurs que dans le Moniteur les éléments de son contrôle.

Je disais, au début de cette discussion, que les pays bien constitués sont dotés de contrôles concernant la collation des pensions.

En France, les ministres font faire un travail préparatoire sur les demandes de pensions ; mais comme ils désirent s'éclairer ailleurs que dans leurs bureaux avant de liquider, ils prennent l'avis du comité du conseil d'Etat attaché à leur département, et il arrive souvent que des propositions de liquidation de pension sont modifiées par suite de cette utile formalité. Je crois devoir vous donner lecture ici d'une note émanée d'un maître des requêtes du conseil d'Etat qui me touche de près.

Voici cette note :

« Les ministres, avant de liquider les pensions de leurs employés, sont dans l'usage de prendre l'avis du comité du conseil d'Etat attaché à leur département. Mais ensuite lorsqu'il a été statué par le ministre sur la demande à fin de pension, la partie intéressée peut, dans les trois mois à partir de la notification quelle a reçue de la décision ministérielle, se pourvoir devant le conseil d'Etat par la voie contentieuse, soit que la pension lui ait été refusée, soit qu'elle ait été fixée à un taux qui lui paraisse insuffisant. Dans ce cas le pourvoi est jugé dans les formes contentieuses, c'est-à-dire en séance publique après la plaidoirie d'un avocat, etc., etc. Une ordonnance royale prononce ensuite définitivement sur la liquidation de la pension. »

Ici, messieurs, comment les choses se passent-elles ? Les demandes de pension sont examinées par un chef de bursau.

M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est une erreur.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Au ministère de la guerre, c'est un intendant militaire, aidé de trois ou quatre employés, qui est chargé d'examiner les demandes de pension.

Le général Evain avait organisé pendant son administration un comité composé de trois généraux, d'un intendant militaire, et de l'inspecteur en chef du service de santé, mais ce comité a été dissous par son successeur. C'est un intendant, qui examine les pièces, qui fait des propositions.

Des états sont ensuite mis sous les yeux du ministre, et je ne pense pas qu'il ait ordinairement le temps de les examiner d'une manière approfondie. Intervient ensuite un arrêté royal et la pension est accordée.

Ensuite qu'arrive-t-il ? Souvent les intéressés ne sont pas satisfaits du taux auquel une pension a été fixée. A qui s'adressent-ils ? Ce n'est pas à l'autorité qui a liquidé leur pension contrairement à leurs prétentions, mais c'est à nous.

Une partie notable des pétitions, qui nous accablent par leur nombre, sont relatives aux pensions.

La commission à laquelle elles sont renvoyées ne peut examiner à fond le mérite de ces réclamations, parce qu'elle n'a pas devers elle les pièces justificatives et que d'ailleurs sa mission ne l'oblige pas d'entrer dans ces détails ; elles sont ensuite la plupart renvoyées, par la chambre, aux ministres qui les gardent dans leurs cartons, à moins qu'on ne les oblige de donner des explications.

Les intéressés réclament une seconde, une troisième, une quatrième fois à la chambre, et c'est ainsi que la commission des pétitions est surchargée de réclamations, qui compliquent ses travaux, et qui n'ont d'autre résultat, que de faire perdre de la valeur au droit si important de pétition.

En France, messieurs, un autre système est admis ; ce système établit des garanties et pour le trésor et pour les intéressés. Les intéressés ont trois mois pour réclamer, ils savent que c'est un corps autre que le département auquel ils appartiennent, qui est chargé de discuter le mérite de leurs réclamations. Intervient ensuite une ordonnance royale contresignée par le président du conseil d'Etat, qui est le garde des sceaux, et par le chef du département que la pension concerne, et cette ordonnance définitive met fin aux réclamations.

Enfin les divers documents qui résultent de la liquidation sont encore soumis à l'examen de la cour des comptes, et lui permettent de vérifier (ce sont ses propres paroles extraites de l'un de ses cahiers d'observations) si toutes les dispositions légales et réglementaires ont été suivies pour la reconnaissance des droits.

En Belgique, les ministres ne réclament l'avis de personne ; établir un contrôle de quelque valeur, c'est porter atteinte à la liberté de leur action, à leur responsabilité, c'est embarrasser la marche du gouvernement. Ils ne veulent que de notre contrôle direct, et pourquoi ? Il est permis de croire, que c'est parce que notre contrôle, établi comme ils l'entendent, n'a aucune portée, que ce contrôle est incapable de leur donner aucun embarras.

En effet un contrôle par une assemblée législative, qui n'est pas spécialement instituée pour cela, est un contrôle inopérant ; et quant à moi qui m'occupe d'abus (je sais qu'on en a quelquefois ri), je ne suis jamais parvenu à en découvrir un en fait de pensions, malgré le contrôle que M. le ministre des finances a fait insérer dans la loi de 1844.

Il en sera toujours ainsi tant que la cour des comptes ne pourra pas se livrer à un examen sérieux concernant les pensions liquidées par le gouvernement. N'est-ce pas la cour des comptes, messieurs, qui a arrêté le gouvernement lorsqu'il voulait accorder des pensions, en se fondant abusivement sur l'arrêté de 1814, aux fonctionnaires que le gouvernement belge avait démissionnes en 1830 ?

Rappelez-vous, messieurs, que le gouvernement avait commencé à entrer dans cette voie. Il avait accordé une pension a un fonctionnaire démissionné en 1830.

La cour des comptes, qui avait été saisie de cette affaire, j'ignore par qui, car tous les départements ne consentent pas à soumettre la liquidation des pensions à l'avis de la cour, entama une longue correspondance avec le département de l'intérieur pour démontrer l'illégalité de la pension qu'il s'agissait de conférer. Le gouvernement passa outre ; mais la cour soumit cette question à la législature dans son cahier d'observations.

C'est ainsi que la chambre fut instruite ; des réclamations s'élevèrent dans son sein, et le gouvernement fut arrêté dans la voie où il était entré.

Sans les observations de la cour on aurait donc accordé des pensions a une foule de fonctionnaires, et cela contrairement à l'opinion de la chambre. En effet, depuis lors, le gouvernement, encouragé par un rapport de la commission des pétitions, présenta un projet de loi tendant à admettre ces fonctionnaires à la pension, et vous n'ignorez pas quel a été le sort de ce projet : il a été rejeté.

Messieurs, l'honorable M. Osy vous a cité des abus, j'en puis citer à mon tour, et je le déclare, c'est à la cour des comptes et non aux insertions au Moniteur, qu'exige la loi de 1844, que j'e dois la connaissance.

Il y a quelques années un fonctionnaire provincial demanda à être pensionné. La question fut déférée à la cour des comptes et le gouvernement fit beaucoup d'efforts pour faire admettre cette pension. Il prétendit qu'il pouvait pensionner le fonctionnaire, parce qu'il accordait des subsides à l'établissement qu'il dirigeait.

Vous voyez comment l'on torture la loi d'après la convenance, combien (page 955) cette interprétation est subtile ; mais malgré les observations de la cour des comptes, comme son contrôle n'est pas écrit d'une manière suffisante dans la loi, le gouvernement a passé outre et le fonctionnaire provincial a été pensionné.

Je citerai un second fait :

Un Belge avait servi en France comme inspecteur des postes de l'armée. Il rentra en Belgique en 1814 et y resta sans fonctions jusqu'en 1830. A cette époque on le nomma inspecteur des postes de l'armée belge.

M. Osy. - C'est le fait que j'ai cité.

M. de Man d’Attenrode. - Ces fonctions furent supprimées en 1836. Le fonctionnaire qui les avait remplies demanda à être pensionné. Que fit le gouvernement ? Il voulut lui compter d'abord les années de service effectif, ce qui était de droit, et ensuite pour moitié les années de 1814 à 1850, pendant lesquelles il avait été sans emploi. Il a insisté pendant très longtemps ; une correspondance active s'est établie entre lui et la cour des comptes et ce n'est qu'après une discussion très vive que celle-ci est parvenue à obtenir que la pension serait dégrevée d'environ 2,000 fr.

Vous voyez, messieurs, que le contrôle de la cour des comptes est de quelque valeur, de quelque utilité. Il est arrivé maintes fois que la cour des comptes est parvenue à faire revenir le gouvernement des résolutions qu'il avait prises, qu'elle lui a indiqué des erreurs qu'il a été obligé de reconnaître. Son contrôle, messieurs, tend en définitive à nous saisir de ces erreurs, à permettre de les dénoncer à cette tribune.

Messieurs, je vous ferai remarquer de plus, combien les pensions augmentent d’année en année ; elles deviennent réellement une charge effrayante pour le trésor. Il y a à peine quelques jours que M. le ministre des finances est venu nous demander un crédit supplémentaire de 60,000 fr., parce que celui qui avait été alloué n'était pas suffisant. Que nous a dit la commission qui a examiné le projet par l'organe de son rapporteur, l'honorable M. Zoude ?

« La section centrale croit devoir renouveler les regrets qu'elle a déjà exprimés dans son rapport sur le budget de cette année, relativement à la trop grande facilité avec laquelle on admet à la pension des employés qui sont encore capables de rendre des services à l'Etat, et la section recommande avec instance à MM. les ministres de n'admettre désormais à la pension de retraite que les employés qui sont absolument incapables de continuer leurs fonctions. » Ce rapport est du 10 février dernier, n°135.

Ainsi, messieurs, la section centrale a été obligée de se borner à adresser au gouvernement cette observation assez sévère. Elle n'indique aucune circonstance, aucun fait. Elle eût sans doute rempli ce devoir, s'il lui avait été donné de le faire. Elle avait à faire un rapport sur la demande d'un crédit de 60,000 francs. Elle reconnut que l'on admettait trop facilement à la pension. Si la loi de 1844 lui eût donné des moyens de contrôle, je suppose qu'elle y eût eu recours, et qu'elle eût indiqué des abus. Mais elle a été réduite à consigner dans son rapport une simple remontrance.

Messieurs, la section centrale a donc voulu faire cesser les dissidences qui existent entre les départements ministériels et la cour des comptes. Car le congrès s'était borné à dire que la cour des comptes tiendrait un registre des pensions et pourrait ainsi veiller à cette comptabilité. Cette rédaction était vague, et il en est résulté des discussions interminables, concernant les attributions de la cour.

Maintenant que l'article proposé par la section centrale concernant le visa a été admis, M. le ministre des finances s'est un peu rapproché de nous et il a consenti à nous présenter l'article du décret de 1830 concernant les pensions.

Mais, messieurs, comme je viens de le dire, cette disposition laissera les choses dans l'état où elles se trouvent ; les discussions d'attributions entre le gouvernement et la cour des comptes continueront.

Messieurs, la disposition proposée par la section centrale a été admise malgré mon opinion, je ne l'ai pas votée. J'étais d'un autre avis. Il me semblait que nous devions suivre pour les pensions le système que nous avions adopté pour les autres dépenses, que nous ne devions pas permettre à la cour des comptes d'entraver la marche du gouvernement, qu'il lui suffisait d'avoir connaissance de toutes les pièces justificatives, de pouvoir faire des remontrances au gouvernement, et que si celui-ci ne pouvait s'entendre avec elle, il devait avoir recours au moyen indiqué par l'article 14 et avoir recours à l'avis du conseil. J'avais même formulé un article dans ce sens ; il a été rejeté, et j'ai l'honneur de le soumettre à la chambre. Il tend à admettre pour les pensions le système qui a été admis pour les autres dépenses.

Voici cet article :

« La cour des comptes tient le double du registre des pensions à charge de l'Etat. Les brevets sont visés et enregistrés par elle, et il est procédé à ce visa conformément à l'article 14. »

Cet article 14 est celui qui règle la conduite de la cour des comptes concernant les dépenses ordinaires. Je crois, je le répète, que nous devons adopter le même système pour les pensions. J'attendrai, du reste, la suite de la discussion pour présenter, s'il y a lieu, de nouvelles observations.

M. Donny.- Messieurs, je ne puis voler ni l'amendement de M. le ministre des finances tel qu'il vous est proposé, ni l'article 17 de la section centrale que cet amendement est destiné à remplacer, et voici mes motifs.

L'amendement de M. le ministre des finances contient deux dispositions : il ordonne l'établissement d'un registre où seront inscrites toutes les pensions, et il ajoute que ce registre servira à constater cette comptabilité.

Quant à la première disposition, celle qui ordonne l'établissement d'un registre, je suis d'accord avec M. le ministre, et la section centrale est d'accord arec nous. Tout le monde a reconnu l'utilité de la mesure, il faut la voter.

Mais quand M. le ministre ajoute que ce registre servira à tenir la comptabilité de cette branche du service, il ajoute une chose inutile ou dangereuse ; inutile, si par là M. le ministre ne veut pas restreindre la compétence générale de la cour des comptes ; dangereuse, si M. le ministre veut la restreindre.

L'article 17 de la section centrale ne me convient pas non plus, parce que dans cet article il y a un veto absolu de la part de la cour des comptes, et que la chambre n'ayant pas voulu lui accorder ce veto pour les autres dépenses de l'Etat, il ne faut pas non plus qu'on le lui accorde pour les pensions.

Ce que nous avons à faire de plus sage, c'est, je pense, de voter par division sur l'amendement de M. le ministre, d'adopter la première disposition qui ordonne l'établissement d'un registre et de rejeter le reste. Voici ce qui en résultera : La cour des comptes tiendra un registre ; le ministre, après avoir accordé une pension, viendra présenter à la cour des comptes une demande de payement, un état collectif ou quelque pièce de cette nature ; la cour des comptes, en vertu de l'article 5 que nous avons déjà voté, fera produire par le ministre les pièces justificatives à l'appui de la demande de payement. Si la cour des comptes trouve, par l'examen de ces pièces, que la pension est convenablement liquidée, elle visera ; dans le cas contraire elle refusera son visa et alors on retombera dans les règles générales établies par les articles que la chambre a déjà votés.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ne reviendrai plus sur les considérations générales qui m'ont porté à faire cette proposition malgré le vote de la chambre. Je dois cependant faire quelques observations sur les prétendus abus que l'on signale.

D'abord, messieurs, vous aurez remarqué sans doute, comme moi, que, d'après les explications de l'honorable rapporteur, les deux prétendus abus qu'il a réussi à découvrir, grâce à la cour des comptes, font double emploi avec deux des cinq abus découverts par l'honorable M. Osy.

Déjà, messieurs, j'ai indiqué quelles sont les dispositions de la loi de 1844, sur la jouissance des pensions. Les services rendus lorsque la Belgique faisait partie de l'empire fiançais sont, sans aucun doute, admissibles aujourd'hui comme titres à la liquidation des pensions. Les services rendus depuis 1830, sont également admissibles dans la liquidation de la pension. D'après ce que me disent les honorables préopinants, il paraîtrait que l'on aurait compté pour moitié le temps intermédiaire. La pension dont il s'agit doit, d'après cette controverse même, avoir été liquidée avant la loi nouvelle, et l'arrêté de 1814 qui formait alors la base législative en matière de pensions, autorisait le gouvernement à admettre comme demi-année de service chaque année d'interruption dans l'exercice des fonctions publiques. Le gouvernement le pouvait, d'après les dispositions expresses de la loi, quand les services étaient antérieurs à 1815 et la question de savoir s'il le pouvait, quant à l'autre interruption, était très douteuse, très difficile à résoudre.

Le cumul des pensions. Encore une fois, messieurs, dans une certaine mesure, le cumul des pensions est permis, et s'il s'agit ici de pensions accordées pour services rendus à la révolution, dans les limites de l'article 47 de la loi générale on a pu les accorder, et il y a plus, on a dû les accorder, car lorsque la loi détermine les droits des fonctionnaires à la pension, le gouvernement ne peut pas refuser au fonctionnaire mis à la pension, une partie de ce qui lui revient en vertu de la loi.

L'honorable M. Osy me dit :« Les services militaires antérieurs à 1815 ». Messieurs, je pose en fait que dans les quatre cinquièmes des pensions militaires qui se liquident aujourd'hui, on compte comme doubles les campagnes de l'empire, parce que la Belgique faisait alors partie de l'empire français et que par conséquent ce sont des services rendus au pays.

Ou dit qu'un même individu a obtenu deux pensions, mais le montant de ces deux pensions dépasse-t-il le chiffre de 800 fr., déterminé par l'article 47 ? S'il ne le dépasse pas, on est dans les termes de la loi.

Je tiens aussi à déclarer, messieurs, comment on liquide les pensions au département des finances qui a la plus grande part au budget des pensions, après le département de la guerre. Il existe au département des finances un conseil des pensions, composé des chefs d'administration, qui se réunissent pour discuter les questions, souvent épineuses, que présente la liquidation des pensions. Les erreurs reconnues sont extrêmement rares, parce que dans l'administration même il y a un contrôle très sévère sur l'admission des titres. Ce serait une illusion d'espérer que les réclamations fréquemment adressées à la chambre puissent cesser, parce que l'on aurait adopté cette disposition. En effet, messieurs, ces réclamations que prouvent-elles donc ? Ne prouvent-elles pas que le gouvernement apporte une sévérité réelle dans l'application de la loi ? Evidemment oui, puisque tant de personnes viennent se plaindre de ce que l'application de la loi n'est pas plus large, plus libérale, en d'autres termes, de ce que le plus souvent elle n'a pas été faite en dehors des dispositions formelles de la loi. (Aux voix, aux voix !)

- La chambre décide qu'elle votera d'abord sur l'amendement de M. de Man d'Attenrode.

Plusieurs membres. - L'appel nominal.

Il est procédé au vote par appel nominal ; en voici le résultat :

67 membres sont présents.

61 adoptent.

6 rejettent.

En conséquence l'amendement est adopté.

(page 956) Ont voté l'adoption : MM. Anspach, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, Coppieters, David, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, de Corswarem, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Lange, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens. Mast de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verhaegen, Verwilghen, Veydt, Zoude.

Ont voté le rejet : MM. d'Anethan, Dechamps, de Chimay, de Mérode, d'Huart, Malou.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Il reste à voter l'article 16 du projet.

- Cet article est adopté.

Article 18

« Art. 18. A la cour des comptes appartiennent la nomination et la révocation de tous ses employés. »

- Adopté.

Article 19

« Art. 19 (nouveau). Le traitement du président de la cour des comptes est fixé à 8,000 fr., et celui des conseillers et du greffier, à 7,000 francs. »

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, ceci est encore un article emprunté à la loi du 14 juin 1845 ; mais par cette loi, le traitement du président a été fixé, non pas à 8, mais à 9,000 francs. Je demande qu'on reporte ce dernier chiffre dans l'article 19, et que du reste on maintienne cet article, pour qu'on puisse abroger, par l'article final, la loi du 14 juin 1845.

- L'article 19, amendé ainsi que le propose M. le ministre, est mis aux voix et adopté.

Article 20

« Art. 20. Il ne peut être fait de changement au règlement d'ordre de la cour des comptes, qu'avec l'approbation de la chambre des représentants. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. La loi du 30 décembre 1830 (Bulletin officiel, n°43) est abrogée. »

M. le ministre des finances (M. Malou). - La chambre ayant reporté dans les articles 5 et 19 toutes les dispositions qui se trouvent dans la loi du 14 juin 1845, je proposerai de rédiger l'article 21 en ces termes :

« La loi du 30 décembre 1830 (Bulletin officiel, n° 43) et la loi du 14 juin 1845 (Moniteur, n° 166), sont abrogées. »

- Cette nouvelle rédaction est mise aux voix et adoptée.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet

M. le président. - La loi est terminée ; à quel jour la chambre-veut elle fixer le vote définitif ?

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, on a introduit dans la loi un seul amendement qui puisse avoir ce nom. C'est l'amendement de l'honorable M. de Man. Ainsi, à l'article 5, on a ajouté aux mots : « de l'Etat », ceux-ci : « et des provinces » ; à l'article 15, on a substitué les mots : « pour violation des formes de la loi », à ceux-ci : « pour violation de la loi ».

Je crois qu'on pourrait procéder immédiatement au second vote. (Oui ! oui !) La chambre ayant adopté l'amendement de l'honorable M. de Man, à la majorité de 61 voix contre 6, mon intention n'est nullement, et j'ai peu de mérite à le déclarer, de revenir sur cet article, lors du second vote.

- La chambre consultée décide qu'elle procédera, séance tenante, au vote définitif du projet de loi.

L’assemblée confirme successivement les amendements qui ont été introduits dans les articles 5, 13 et 17 du projet de loi, lors du premier vote.


On procède au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Le projet est adopté à l'unanimité des 66 membres qui ont pris part au vote.

Il sera transmis au sénat.

On répondu à l'appel nominal : MM. Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Vanden Eynde, Verhaegen, Verwilghen, Veydt, Zoude, Anspach, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, Coppieters, d'Anethan, David, de Donne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Roo, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson.

Motion d'ordre

Commission de surveillance de la caisse d'amortissement et de la causse des consignations et dépôts

M. Veydt. - Messieurs, par le vote des projets de loi sur la comptabilité et sur l'organisation de la cour des comptes, le vœu des sections et de la section centrale, qui a été chargée de l'examen du budget de la dette publique, est accompli. La section centrale avait demandé, en outre, que les sections s'occupassent, le plus tôt possible, de l'examen d'un projet de loi, qui est en quelque sorte le complément des premiers, et qui a pour but d'organiser une commission de surveillance de la caisse d'amortissement et de la caisse des consignations et des dépôts. M. le ministre des finances, tout en s'associant à ce désir, a fait connaître qu'il avait quelques changements à proposer au projet de son prédécesseur.

Il a été entendu que ces changements seraient présentés dans un bref délai, afin que les sections fussent mises à même de s'occuper du projet que j'indique.

En présence de l'incertitude sur l'existence du cabinet actuel, j'éprouve un certain embarras à rappeler ce qui était convenu. Toutefois, si l'honorable M. Malou est à la tête du département des finances, je voudrais qu'il pût prendre l'engagement de faire tout ce qui dépendra de lui afin de hâter l'examen d'un projet qui est d'une si haute importance.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'éprouve à mon tour un certain embarras à répondre à l'interpellation qui vient de m'être faite. Je ne sais si je suis encore ministre ou si je ne le suis plus ; mais lorsque les incertitudes qui subsistent encore aujourd'hui auront pris fin, j'examinerai par moi-même, ou je demanderai à mon successeur qu'il veuille examiner le projet de loi dont l'honorable membre vient de parler.

Mon intention était de présenter plusieurs amendements, je regrette beaucoup que mes nombreuses occupations m'aient empêché de terminer ce travail que j'avais commencé.

- La séance est levée à 4 heures 1/2.