(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1691) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 10 heures et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Thadée Terlecki, deuxième commis de l’administration (page 1692) du chemin de fer à Bruxelles, né à Unist (Pologne), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Plusieurs habitants d’Otreppe demandent l’adoption de la proposition de loi sur les céréales signée par 21 députés. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Plusieurs propriétaires et cultivateurs du canton de Sibret prient la chambre d’allouer au gouvernement un crédit qui lui permette d’établir dans le canton un magasin de chaux et d’en supporter les frais de transport sur les terrains incultes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Demat prie la chambre de lui faire obtenir le payement d’une créance du chef de fournitures de livres et d’impressions faites en 1830 à la garde civique de Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur Defize réclame contre une décision de la députation permanente du conseil provincial de Liége, relative à la collation de bourses d’études vacantes à Rome. »
- Même renvoi.
« 4,500 ouvriers typographes, imprimeurs, fondeurs en caractères, relieurs, papetiers, etc, de diverses villes demandent qu’on ne sacrifie pas leurs intérêts dans le traité à conclure avec la France. »
M. Verhaegen – La pétition que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau, et donc on vient de vous donner l’analyse, porte au-delà de quatre mille cinq cent signatures.
Comme elle présente les caractères de la plus grande urgence, je viens énoncer le vœu que la commission des pétitions soit priée de nous faire un rapport séance tenante ; dans tous les cas et subsidiairement, je demande le renvoi à MM. les ministres des affaires étrangères et de l’intérieur et l’insertion au Moniteur.
Messieurs, cinquante mille Belges sont menacés dans leur existence, dans leurs droits, par la suppression de la contrefaçon qu’on veut offrir à la France comme un moyen d’obtenir la prolongation de la convention du 16 juillet 1842, c’est-à-dire comme un nouveau sacrifice à faire dans l’intérêt de l’industrie linière qui a déjà absorbé des millions.
Les craintes des pétitionnaires ne sont pas prématurées, car, vous le savez, messieurs, il n’en est pas des traités internationaux, comme d’une loi ordinaire. Le traité, une fois signé par les puissances contractantes, les chambres se trouvent placées sous une espèce de contrainte morale qu’elles subissent afin de ménager les relations établies en obéissant aux faits accomplis. Ces craintes sont d’autant plus fondées que d’ici à la session prochaine le sacrifice qu’on redoute pourrait bien être encore un fait accompli.
Le ministère a fait des offres à la France et j’en ai la preuve. Une lettre adressée en décembre dernier à Victor Hugo par un fonctionnaire très-haut placé, portait entre autres que : « Le poète devait se résigner à voir encore ses œuvres reproduites par les presses belges, le gouvernement français ayant refusé la suppression de la contrefaçon qui lui avait été offerte par le gouvernement belge, moyennant le maintien du traité de 1842, et que par suite la question de la contrefaçon serait ajournée. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Il paraît que vous avez une police secrète.
M. Verhaegen – Puisque l’honorable M. Dechamps ne veut pas de la réserve que j’ai mise dans mes paroles, il m’est donc permis de dire que la lettre à laquelle j’ai fait allusion a été adressée à Victor Hugo par un membre du cabinet, et pour être plus explicite encore, par M. le ministre des travaux publics, qui a jugé à propos de m’interrompre.
Messieurs, nous n’avons pas oublié que, sur l’interpellation de MM. Marc-Girardin et Gouin, M. Guizot a répondu qu’un traité pour la suppression de la contrefaçon présentait de très-grandes difficultés.
Aux yeux de M. Guizot, la réimpression des livres français par les presses belges n’est pas un mal ; au contraire : mettant la gloire au-dessus du lucre, le ministre philosophe voit dans cette réimpression un moyen de popularité, un instrument qui propage l’influence du génie français, en abaissant le prix des livres, en les mettant au niveau des plus humbles conditions de fortune.
La France sait bien qu’il y aurait plus que de l’inconvenance à reprocher à la Belgique une prétendue violation de la propriété intellectuelle, alors que c’est elle qui a donné à l’Europe l’exemple de la réimpression, et qui la pratique sur une très-grande échelle, en reproduisant, entre autres, les chefs-d’œuvre de l’Angleterre, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne ; elle sait bien d’ailleurs que la prohibition de la contrefaçon en Belgique ne serait que le déplacement d’une industrie importante dont le lieu d’exil est d’avance désigné soit en Hollande, soit en Hanovre. L’histoire est là pour établir que lorsque la réimpression n’existait pas en Belgique, elle florissait en Hollande.
Dans cet état de choses, quel motif peut-on assigner aux offres que le ministre a faites à la France lorsque la France n’attache et ne doit attacher que très-peu d’importance à la prohibition ? Serait-il vrai que, sous le prétexte de la sympathie, que l’on dit porter à l’industrie linière pour laquelle on a déjà fait tant de sacrifices, on veuille satisfaire de prétendus intérêts moraux auxquels on attache beaucoup plus d’importance ?
Messieurs, comme je l’ai dit, en commençant, cinquante mille Belges sont menacés dans leur existence, et ils le sont sans utilité pour la généralité du pays. Ne perdons pas de vue, qu’à la cause de la typographie sont intéressées au moins soixante industries de tout genre, toutes également dignes de nos sympathies, que les nombreuses papeteries surtout, éparpillées dans le pays, ne doivent leur splendeur qu’aux encouragements données par le roi Guillaume à la réimpression, que ces industries ayant depuis plusieurs années proportionné l’importance de leurs usines aux besoins de la consommation, l’abolition de la contrefaçon serait le signe de leur ruine.
N’oublions pas que les principales villes du pays, Liége, Gand, Anvers, Bruges, Namur, Mons, Charleroy, Arlon, Verviers, etc., ont appuyé de nombreuses signatures les protestations des industriels et ouvriers de Bruxelles.
N’oublions pas enfin que l’abolition de la contrefaçon dont la France s’inquiète peu, et qu’elle ne payerait, dans tous les cas, d’aucune concession importante, jetterait la perturbation dans le pays ; - des milliers de bras se trouveraient sans travail dans un moment où l’augmentation des droits sur les céréales a déjà produit une augmentation de prix sur les denrées alimentaires !
Je viens donc demander à la chambre d’inviter la commission des pétitions à faire un rapport séance tenante, et je crois que ma demande est d’autant plus de nature à être accueillie que l’honorable M. Zoude, président de la commission des pétitions, paraît disposé à donner son appui aux pétitionnaires.
M. Delehaye – Il vaudrait mieux renvoyer la pétition directement à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Verhaegen – L’honorable président de la commission des pétitions disait tantôt que la commission ne reculerait pas devant un rapport immédiat. La commission pourrait se réunir un instant pendant que nous nous occupons du chemin de fer de la Flandre occidentale.
M. Zoude – La commission s’y prêtera volontiers si la chambre en témoigne le désir.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne sais pas vraiment à quoi servirait un rapport en ce moment-ci. Ce rapport, il serait impossible de le discuter maintenant. Je dois donc combattre la demande d’un rapport immédiat faite par l’honorable membre.
M. Rodenbach – Je crois, messieurs, qu’il serait très-difficile de discuter maintenant un rapport sur cette pétition. Mais puisqu’il y a urgence, comme le dit l’honorable préopinant, il me semble que l’on pourrait sans inconvénient renvoyer purement et simplement la pétition à M. le ministre des affaires étrangères. (Interruption.) Ce n’est pas un appui que la chambre donnerait à la pétition ; le renvoi serait prononcé sans rien préjuger et par le seul motif qu’il est impossible de discuter maintenant la question. Le ministère prendra communication de la requête, et il y aura tel égard qu’il jugera convenable.
Ce que je demande, messieurs, n’est pas sans antécédent ; depuis 15 ans, j’ai vu plusieurs fois renvoyer des pétitions purement et simplement au gouvernement, alors qu’il y avait urgence et que la chambre ne pouvait pas discuter la question. Cela ne préjuge absolument rien.
M. de Garcia – Quant à moi, j’attache un grand intérêt aux observations présentées par l’honorable M. Verhaegen, et je crois que le gouvernement, dans cette circonstance, saura tenir la position commandée par les grands intérêts du pays.
Les circonstances que vient de signaler l’honorable député de Bruxelles sont des plus importantes ; elles auront pour résultat de signaler un grand intérêt national, et d’attirer sur cet objet l’attention toute spéciale du gouvernement, seul but que se propose sans doute la proposition de M. Verhaegen.
Dès lors, je pense qu’on doit passer à l’ordre du jour en renvoyant la pétition à la commission des pétitions.
M. Verhaegen – D’après les marques de sympathie et de sollicitude qu’on vient de donner aux pétitionnaires et dont il sont dignes à tous égards, je pense que le renvoi de la pétition aux ministres des affaires étrangères et de l’intérieur doit suffire, et que la recommandation qui leur est faite produira des fruits. Je demanderai cependant encore l’insertion de la pétition au Moniteur.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le gouvernement ne s’oppose pas au renvoi de la pétition aux ministres de l’intérieur et des affaires étrangères.
- La chambre, consultée, ordonne le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, et en ordonne l’impression au Moniteur.
M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions – Plusieurs propriétaires des carrières de Soignies demandent que M. le ministre des travaux publics fasse mettre à leur disposition le matériel nécessaire pour écouler leurs produits.
Ce n’est pas sans avoir éprouvé un sentiment assez pénible que votre commission a pris lecture de la pétition dont elle m’a chargé de vous présenté le rapport.
En effet, les pétitionnaires, oubliant le service immense que le chemin de fer a rendu à leur industrie, dont il a favorisé le développement à tel point que leurs produits en sont plus que décuplés, viennent ici en termes très-inconvenants, menacer le gouvernement du renvoi de plus de 800 ouvriers, en privant ainsi 500 familles de tout travail, c’est-à-dire de pain.
Et dans quel moment ? C’est lorsque l’administration, obéissant au devoir le plus rigoureux, était occupée à fournir au transport du chauffage dont le besoin se faisait sentir partout, et lorsque le prix en augmentait chaque jour d’une manière alarmante, particulièrement pour la classe ouvrière qui était alors sans travail.
(page 1693) C’est dans ce moment même que ces hommes au cœur de la matière qu’ils exploitent, viennent reprocher avec dureté au gouvernement d’avoir négligé un instant leur industrie.
Certes, si une localité devait souffrir momentanément, mieux valait la laisser dans la souffrance que de priver nos cités les plus populeuses de chauffage dont la rigueur extraordinaire de la saison rendait le besoin plus impérieux chaque jour.
Ce chemin, devant être désormais à double voie, ne donnera plus lieu aux plaintes indiscrètes des pétitionnaires. Toutefois, pour que le gouvernement cherche à en prévenir le retour, votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées
« Le sieur Zaman, propriétaire et maître de carrières à Quenast, demande la révision des péages sur les canaux et rivières, et la réduction des péages du canal de Charleroy dans le parcours de Clabecq à Bruxelles. »
La commission conclut au renvoi au département des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président – A la fin de la séance d’hier, M. Devaux à présenté l’amendement suivant :
« « J’ai l’honneur de proposer, pour le cas où un embranchement quelconque sur Thielt ou sur Aeltre serait adopté, l’amendement suivant qui en serait la conséquence :
« Le gouvernement est autorisé à accorder à la compagnie, etc.,…. la concession d’un chemin de fer de Bruges à Roulers par Thourout avec embranchement sur Thielt et Dixmude, et de Roulers à Courtray, avec embranchement sur Ypres et Poperinghe partant de Roulers. »
(page 1710) M. Devaux – (erratum) L’amendement que j’ai présenté a besoin de quelques explications.
D’abord, dans l’amendement, il faut lire : « embranchement sur Aeltre ou sur Deynze », au lieu de « sur Thielt ou sur Aeltre. »
L’amendement, comme vous le voyez, est conditionnel. Je le propose, en tant qu’on irait au-delà de la convention. Ce que je propose, c’est une bifurcation de la route, à partir de Roulers, sur Courtray ou sur Ypres. De cette manière les relations seraient directes entre Bruges et Ypres, comme entre Bruges et Courtray ; elles se feraient avec le moins de détour possible.
Ce que je vous propose n’est pas une chose nouvelle qui n’a pas été étudiée. L’embranchement que je veux ajouter, se trouve dans la première demande faite par les concessionnaires, dont il s’agit dans la convention et dans le premier projet de loi. Ils devaient conduire la route directement de Bruges sur Ypres. C’est une distance de 20 kilomètres, tandis que d’après le projet on en parcourrait 47 à 50. Cet embranchement fait partie de la concession demandée antérieurement par M. Maertens, dont les propositions ont été le germe de la concession actuelle.
Lorsque les concessionnaires actuels ont fait leur demande, ils n’ont pas proposé le tracé d’Ypres à Courtray. Ils se sont bornés à demander un chemin de Bruges vers Courtray, allant directement, avec une bifurcation sur Ypres.
Voici ce qui s’est passé, je pense, à cet égard : Les concessionnaires actuels ayant fait cette demande, on leur a dit qu’il y avait une autre demande faite d’un chemin de fer allant d’Ypres à Courtray, le long de la frontière ; et pour éviter cette concurrence, ils ont été forcés d’englober ce chemin de fer dans le leur. Ils ont donc demandé à la fois, et c’est le texte du premier projet, deux chemins de fer de Courtray sur Ypres, l’un passant par Roulers et l’autre allant par Menin et Wervick. Quand il s’est agi de la suppression de l’embranchement sur Deynze ou sur Aeltre, ils ont demandé, comme compensation, la suppression de l’embranchement direct de Roulers à Ypres.
Si aujourd’hui on rétablissait l’embranchement sur Aeltre ou sur Deynze, il serait naturel de rétablir l’embranchement de Roulers sur Ypres.
Je ne m’oppose pas quant à moi à l’autre ligne de Courtray à Ypres. Si on veut les faire toutes les deux, je ne demande pas mieux ; mais je crois cependant que si les concessionnaires préfèrent n’en construire qu’une, l’une peut tenir lieu de l’autre. Car que Courtray soit relié à Ypres par une ligne qui fasse une courbe vers le sud ou vers le nord, c’est la même chose pour ces deux villes.
Il y a aujourd’hui entre les deux lignes, en supposant que la bifurcation commence à Roulers, une différence de 7 kilomètres. Je dois ajouter que mon amendement ne doit pas être pris dans un sens tellement rigoureux, qu’il ne permette pas d’abréger, même de 7 kilomètres, la distance d’Ypres à Courtray par l’embranchement que je propose. Si l’on trouve qu’il y a détour trop grand par Roulers que l’on prolonge un peu la ligne de Bruges à Roulers et qu’on fasse la bifurcation un peu au sud de Roulers.
Je dis donc que par là les intérêts d’Ypres et de Courtray sont exactement satisfaits, comme par l’autre ligne, parce que l’une n’est pas plus longue que l’autre. Mais il y a cette grande différence que, par cette nouvelle direction, la ville de Bruges ainsi que celle de Roulers sont mise en relation directe avec Ypres, comme Ypres de son côté avec elles, et ne sont plus obligées de faire un détour de 6 ou 7 lieues sur une si petite distance. Roulers, par exemple, est à 20 kilomètres d’Ypres ; faisant aller le voyageur de Roulers à Courtray, on lui fait parcourir 47 à 50 kilomètres ; on double la distances.
M. Rodenbach – 10 lieues au lieu de 4.
M. Devaux – Messieurs, hier on a fait valoir des principes très-élevés en, faveur de la concurrence, des relations directes de toutes les localités. Si vous croyez que ces principes sont tellement absolus, il faut les admettre au profit d’une localité comme au profit d’une autre. Si vous trouvez qu’il soit inique de faire faire un détour entre Thielt et Gand, vous trouvez tout au moins même injustice à faire faire, à Bruges, pour aller à Ypres, ou à Ypres pour aller à Bruges, sur une distance qui, en ligne droite, est de 8 lieues, un détour de 6 à 7 lieues.
Il est évident que si le principe qu’on invoque est valable pour Gand, il ne doit pas être sans force pour Bruges ; du moment que vous admettez l’embranchement vers Deynze, vous vous condamnez par cela même à faire justice à Bruges qui demande l’application de ce même principe à ses rapports avec Ypres. Il en résultera un changement dans le tracé, mais ce changement n’a rien d’imprévu pour les concessionnaires, car il a été demandé primitivement par eux, il a été étudié. D’ailleurs, si c’est un changement ou une complication qu’on redoute, qu’on accepte le projet de loi tel qu’il est. Un changement dans un sens en entraîne et en autorise nécessairement un dans l’autre. Vous ne pouvez, sans injustice, maintenir le sacrifice, sans vous retranchez la compensation qui en était la condition.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, d’après la position d’examen que le gouvernement a prise, je n’aurai pas besoin d’entrer dans de longues considérations, et de suivre les honorables membres qui ont pris la parole dans la séance d’hier au soir.
Bruges voulait interdire l’exécution de l’embranchement de Thielt vers Deinze ou vers Aeltre ; Thielt et Gand voudraient qu’on décrétât immédiatement un de ces embranchements.
Le gouvernement n’a pas demandé à la chambre de décréter immédiatement un de ces embranchements ; il n’a pas voulu non plus les exclure ; il a, au contraire, tenu à en admettre la possibilité dans le cahier des charges, en obligeant la compagnie à construire ces chemins de fer, dans le cas où ils seraient décrétés. Ainsi la position du gouvernement n’est pas celle que Bruges a voulu prendre, c’est-à-dire l’interdiction de ce chemin de fer, n’est pas celle non plus que Thielt a voulu prendre, c’est-à-dire la construction immédiate de ce chemin ; c’est une position d’examen que le gouvernement a prise.
L’honorable M. d’Elhoungne, dans la séance d’hier, a reproché au gouvernement l’attitude indécise qu’il a adoptée ; il lui reproché cette hésitation, ce défaut d’initiative, et il en a pris occasion pour déclarer que, du reste, c’était l’attitude prise par le gouvernement dans presque toutes les affaires.
Messieurs, je ne puis accepter ce reproche, et il me paraît tout au moins que le moment n’est pas bien choisi pour l’adresser au gouvernement. Le gouvernement a eu le mérite, il faut bien le reconnaître, de saisir l’occasion heureuse qui se présente, de faire exécuter, à l’aide de capitaux de l’industrie, et sans abdiquer son intervention directe, la plupart des grands travaux publics qui sont en projet depuis bien des années, et que la Belgique avait perdu l’espoir de voir exécuter dans un avenir rapproché ; il a ainsi ouvert une voie nouvelle à l’activité de nos populations ; il a rattaché au grand réseau des chemins de fer de l’Etat la plus grande partie des populations qui s’en trouvaient trop éloignées ; il a créé des débouchés nouveaux pour plusieurs de nos principaux centres industriels.
Dans des séances précédentes, le gouvernement a essuyé un reproche tout à fait opposé à celui qui lui a adressé l’honorable M. d’Elhoungne : on lui a reproché d’avoir trop légèrement usé de cette initiative. Mais je n’accepte pas non plus ce reproche ; le gouvernement sait quelle grave responsabilité il a assumée, il sait qu’il y a des dangers dans le système où il est entré ; mais il y a réfléchi mûrement ; il s’est bien assuré du terrain sur lequel il mettait le pied ; il n’a pas agi inconsidérément ; aussi, je pense que le reproche d’indécision et de défaut d’initiative n’est certainement pas celui auquel il devait s’attendre dans cette occasion.
Le gouvernement a donc pris une position d’examen ; et, messieurs, est-il possible de croire que les considérations qu’on a émises hier n’ont rien de sérieux ? Evidemment, les questions qui ont été soulevées, dans la séance d’hier, par les honorables MM. Devaux, Dumortier, et Donny, ont une valeur que je ne peux nier. Il était du devoir du gouvernement de les examiner et de ne pas les trancher d’une manière inconsidérée.
En effet, ce n’est pas une question sans valeur que celle de savoir si le tracé des chemins de fer de la Flandre occidentale ne tend pas à décentraliser le chef-lieu de la province, s’il ne déplace pas des intérêts importants, s’il n’ôte pas tout caractère provincial à ces chemins de fer.
Sans doute, messieurs, je n’admets pas ce système de politique provinciale au degré où l’a semblé admettre l’honorable M. Devaux dans la séance d’hier. Mais il ne faut pas méconnaître que le chemin de fer de la Flandre occidentale, qui tend à attacher toutes les localités de cette province à un même réseau, a un caractère tout particulier, et différent des autres lignes que nous avons décrétées dans les séances précédentes. Mais je n’admets pas l’opinion de l’honorable M. Devaux qui, selon moi, a été exprimée d’une manière trop absolue. Ce chemin de fer n’a pas un caractère exclusivement provincial. Ainsi, l’honorable membre s’est plaint de la prétention (page 1711) fausse que le tracé en général faisait à la ville de Bruges ; il aurait voulu que toutes les villes rayonnassent du chef-lieu, que toutes les localités dussent forcément aboutir au chef-lieu ; ainsi que l’a dit l’honorable M. d’Elhoungne, il aurait voulu couper, pour ainsi dire, les communications de toutes les localités de la province avec les autres provinces. Je n’irai pas jusque-là : il ne faut pas voulu créer des relations impossibles ; il faut sans doute tenir compte de l’intérêt provincial, mais il ne faut pas y avoir égard, de manière à empêcher les relations que la nature des choses doit amener, et cela au profit de relations qui ne se créeraient pas.
Ainsi, relativement à la question d’Ypres, c’est-à-dire à l’amendement qui vient d’être développé par l’honorable M. Devaux, les relations d’Ypres existent entre Ypres et Courtray d’une part, et Ypres et le Hainaut d’autre part. Ces relations vers le Hainaut acquièrent une importance nouvelle par l’exécution du chemin de fer de Tournay à Jurbise. Il est évident que les houilles du Hainaut prendront la direction du chemin de fer de Jurbise à Tournay, et iront ainsi s’entreposer à Ypres, à Courtray, à Thielt, à Roulers, iront, en un mot, se distribuer dans toute la Flandre occidentale, où il en manque actuellement. Ainsi vouloir rattacher Ypres par Roulers à Bruges, ce serait vouloir créer des relations impossibles au détriment des relations que la nature des choses amène. A ce point de vue donc, je ne puis pas me rallier à l’amendement de l’honorable M. Devaux.
Je ne puis pas m’y rallier non plus, à un autre point de vue. L’amendement renverse complètement le tracé, tel qu’il a été présenté en dernier lieu par la compagnie et accepté par le gouvernement. Il suffira aux membres de la chambre de jeter un coup d’œil sur la carte, pour se convaincre que, par ce tracé, le tronc principal deviendrait une ligne traversant toute la province de l’Ouest à l’Est ; il faudrait alors logiquement en revenir au tracé primitif complet, c’est-à-dire rattacher Bruges à Thielt par un embranchement.
Le tracé primitif auquel il faudrait revenir, en cas d’adoption de l’amendement de l’honorable M. Devaux, ce tracé n’est certainement pas favorable à Bruges, car il isole Bruges, de telle manière que le tronc principal sera la ligne d’Ypres par Roulers sur Thielt et sur Deynze, et Bruges ne sera plus relié que par un embranchement sur Thielt.
Relativement au système de la convention, tel qu’il vous a été présenté, le gouvernement a cru que, par ce système, les intérêts de Thielt étaient parfaitement garantis. Les intérêts de Thielt sont de deux espèces, l’intérêt administratif, l’intérêt commercial. L’intérêt administratif, le lien politique, si je puis me servir de cette expression, exige que Thielt soit rattaché au chef-lieu de la province, à Bruges. D’un autre côté, ses relations commerciales actuelles existent ave Courtray et avec Lille…
Une voix – Et avec Gand.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Oui, mais d’une manière fort secondaire.
L’embranchement qui rattacherait Thielt au réseau central, à un point intermédiaire, entre Thourout et Roulers par exemple ; cet embranchement desservirait les intérêts politique de Thielt, et donnerait en même temps satisfaction à ses intérêts commerciaux actuels, c’est-à-dire ses intérêts commerciaux vers Courtray et le gouvernement a jugé ces intérêts assez satisfaits par ce système et n’a pas cru devoir aller au-delà. Faut-il faire plus ? Faut-il créer des relations plus complètes vers Gand ?
Le gouvernement a voulu se réserver l’examen approfondi de cette question ; d’abord relativement à l’embranchement de Thielt vers Deynze qui paraît préféré par les intérêts qu’on a défendus hier. Cet embranchement a soulevé des objections de quelque valeur. Il faut examiner sérieusement si, en effet, ce chemin de fer ne sera pas le jalon d’un chemin de fer futur vers Audenarde, Ninove et si on ne créera pas un chemin de fer parallèle vers Furnes.
Ce chemin est possible, car une compagnie se présente pour l’exécuter. Je ne veux pas trancher cette question, mais je dis qu’il est impossible de vouloir lui contester un caractère sérieux. Je vous avoue que je suis très-peu effrayé des objections qui ont été présentées relativement au parallélisme qu’il y aura avec le chemin de fer de l’Etat. Je sais que le mouvement intérieur que ces chemins de fer produiront compensera et au-delà la perte de recettes qui pourrait résulter de cette espèce de concurrence qui pourrait exister sur certains points.
Cependant je ne veux pas poser en principe d’une manière absolue qu’un chemin de fer parallèle à celui de l’Etat ne pourrait pas soulever une opposition assez sérieuse pour que le gouvernement se réservât la faculté d’examiner avec attention cette objection. Elle est moins grande pour le tracé par Aeltre ; s’il dessert moins bien les intérêts, il tranche complètement l’objection qu’on a soulevée au point de vue de la concurrence à faire aux chemins de fer de l’Etat. C’est en face de cette indécision, naturelle, que la compagnie elle-même s’est trouvée, car la compagnie, jusqu’à présent, hésite sur la question de savoir s’il ne faut pas diriger le tracé sur Eecloo et le prolonger parallèlement à la route de Bruxelles.
La société hésite encore sur la direction définitive à donner à cet embranchement. Le gouvernement se trouvant en présence des considérations que j’appellerai politiques, qu’a développées l’honorable M. Devaux, n’a pas cru devoir trancher la question du tracé et s’est réservé d’en faire l’objet d’un examen approfondi entre les deux sessions, pour saisir la législature d’un projet de loi s’il le trouve convenable. Le gouvernement l’a reconnu possible, et il n’a pas négligé les intérêts qui s’y rattachent, puisqu’il a imposé à la compagnie l’obligation de les exécuter dans le cas où il serait décrété.
Quant à l’amendement de M. Devaux, je n’y vois aucun difficulté à m’y rallier. Ce tracé est d’une importance tellement générale, qu’il est utile que la législature se réserve de statuer à cet égard
Quant à celui de M. Donny, je ne puis m’y rallier, parce qu’il est impossible de refuser à Dixmude l’embranchement que la société est disposée à faire dans l’hypothèse d’un embranchement de Dixmude vers Ostende et Dunkerque.
M. de Haerne – Messieurs, je n’abuserai pas des moments de la chambre qui a hâte de clore ses travaux. Je commence par déclarer que j’adopte le projet de loi tel qu’il a été présenté par la commission. Seulement je me permettrai de faire quelques observations sur les amendements proposés. Mais avant d’aborder ces amendements, permettez-moi de vous présenter une réflexion générale, de poser un principe pour nous orienter dans les questions qui nous sont soumises. Il me semble qu’on s’abuse étrangement quand on fait prévaloir dans cette discussion les intérêts de localités, des intérêts qu’on peut appeler purement provinciaux. Je crois qu’il n’y a rien de plus contraire à la création des chemins de fer que ce qu’on a appelé le provincialisme. En effet, quel est le but qu’on se propose en établissant des voies ferrées ? N’est-ce pas de multiplier les communications entre les diverses parties du pays, autant que possible, et d’augmenter le bien-être matériel et moral de toutes ces localités prises dans leur ensemble ? On ne peut donc pas envisager dans cette question une localité seule, une province à part. L’intérêt de l’industrie et du commerce pris en général doit prédominer ici. C’est assez vous dire que je ne puis pas me rallier aux opinions qui ont été émises à la séance d’hier soir et à la séance d’aujourd’hui, par l’honorable M. Devaux, relativement à l’embranchement de Roulers sur Ypres et à la suppression définitive de l’embranchement de Thielt sur Deynze.
Pour ce qui regarde ces embranchements, j’aurai l’honneur de vous dire tantôt mon opinion. Je crois devoir vous déclarer, messieurs, que, tout en adoptant le tracé principal admis par la commission, celui de Bruges à Courtray par Thourout et Roulers, je crois que l’embranchement de Thielt vers cette direction doit être plus méridional que celui qui est proposé et que le raccordement doit avoir lieu non pas à Thourout, mais sur une ligne passant entre Coolscamp et Ardoye. Cet embranchement, tout en ménageant l’intérêt de Bruges, serait plus conforme à celui du commerce de Thielt qui est ici l’objet principal, vu la grande importance de ce marché pour le pays. J’en dirai autant de l’embranchement de Dixmude, qui doit aboutir au même point pour faciliter les relations de ce pays avec le Hainaut, quant au transport des marchandises pondéreuses, d’un côté et des bestiaux de l’autre.
Les relations de Thielt, de même que celles de l’ouest de la Flandre occidentale, réclament cette direction. Thielt doit être reliée le plus directement possible à Courtray, à Lille et à Tournay, ainsi qu’aux marchés de toiles d’Ath et de Grammont par Tournay ; de même Dixmude doit avoir une ligne aussi directe que possible vers le Hainaut dans l’intérêt général du commerce. Cela me paraît de toute évidence, et si je ne demande pas une direction plus méridionale, c’est parce que je prends en considération l’intérêt provincial, dont on doit tenir compte, sans doute, mais qui ne peut être prépondérant, lorsqu’il s’agit de chemins de fer.
On a cité à plusieurs reprises, dans cette discussion, l’autorité de la chambre de commerce de Courtray comme entièrement favorable au système de Bruges. Une pétition vous a été remise de sa part ; elle déclare qu’elle se rallie à la proposition qui vous est faite par la commission ; mais, messieurs, il est important de vous faire connaître que lorsque la chambre de commerce de Courtray a été saisie de cette question, elle a été induite en erreur. Il y a eu erreur de fait : on lui a présenté la question de manière à lui faire croire qu’il fallait opter entre le projet de la commission et le projet primitif. C’est dans cette alternative qu’elle s’est prononcée pour le projet de la commission. Cela n’empêche pas qu’elle demande un embranchement de Thielt et de Dixmude vers la ligne principale de Courtray à Bruges, se raccordant à un point plus méridional que Thourout.
Je crois devoir appeler l’attention de M. le ministre sur un point assez essentiel, sur un point très important de la navigation ; c’est que les deux lignes venant l’une de Roulers, l’autre d’Ypres, doivent se joindre à Courtray afin qu’il n’y ait qu’un seul point de passage sur la Lys et que la navigation soit entravée le moins possible. (Signes d’assentiment de M. le ministre des travaux publics.) Le tracé primitif avait deux ponts sur la Lys, ce qui présentait une entrave de plus. J’ajouterai qu’avec un seul pont on portera moins d’obstacle au rouissage du lin dans la Lys. Cet intérêt ainsi que celui du blanchiment du lin sur les rives demanderont des ménagements. Je recommande aussi à l’attention de M. le ministre des travaux publics, les études faites par le capitaine du génie Cornu, sur l’emplacement des stations intermédiaires entre Courtray et Poperinghe. Ce travail sera très-utile pour l’établissement des stations à l’intérieur des villes et surtout de celle de Menin, que cet ingénieur a eue particulièrement en vue.
Ce que je viens de dire se rapporte au tracé principal. Il me reste à parler des embranchements et à toucher à ce sujet un mot sur les amendements qui vous sont proposés.
Pour ce qui regarde l’embranchement demandé, de Thielt sur Deynze, j’ai déjà eu l’honneur de vous dire que je ne m’y oppose pas en principe. Cependant, messieurs, dans la position où nous nous trouvons et vu la déclaration que vient de faire M. le ministre des travaux publics, je ne sais si je puis adopter cet embranchement dans la crainte de compromettre le système général. Toutefois, j’ai la conviction qu’il est indispensable et qu’il se fera tôt ou tard.
Quant à l’utilité de l’embranchement lui-même, j’invoquerai le principe que j’ai énoncé tout à l’heure, c’est-à-dire l’intérêt général du commerce. On a dit qu’il y a peu de relations entre Thielt et Gand sous le rapport commercial ; j’admets que les grandes affaires se font avec la France, (page 1712) mais cependant, il ne faut pas perdre de vue que le marché de Gand et le marché d’Alost ont des communications hebdomadaires avec le marché de Thielt pour les toiles à la main dont Thielt est un des principaux centres. Cet intérêt est donc plus grand qu’on ne l’a prétendu.
Messieurs, en ce qui concerne l’amendement présenté par M. Devaux relativement à un changement dans la ligne d’Ypres, je dois vous déclarer que je ne puis admettre cet amendement ; d’abord pour les motifs que vient d’exposer M. le ministre des travaux publics ; ensuite pour d’autres raisons que je vais vous indiquer brièvement. Si vous changez la direction proposée, si vous décidez que le chemin de fer se dirigera d’Ypres vers Roulers, ce tracé ne sera pas, à beaucoup près, aussi productif que celui qui est proposé ; le tracé que le gouvernement nous propose passe par les centres de population, tandis que l’autre traverse la campagne.
Le tracé proposé par le gouvernement longe la frontière de France, et cette voie sera alimentée par toutes les populations françaises de la frontière, ce qui sera d’une très grande importance et pour le chemin de fer de l’Etat, par réaction, et pour les populations dont je viens de parler ; en un mot, cette ligne ferrée est destinée à desservir les villes belges et les villes françaises qui se trouvent des deux côtés de la frontière.
Je dois, messieurs, faire une réflexion relativement à l’intérêt du chef-lieu de la Flandre occidentale. Je crois pouvoir adresser à l’honorable député de Bruges les observations qu’il vous a faites sur les rapports de la ville de Bruges avec Thielt. Il vous a dit que, par la création du chemin de fer tel qu’il le propose, nous ne ferions aucun tort à Thielt. Eh bien, je dirai la même chose quant à Bruges ; nous ne ferons aucun tort à Bruges, même en adoptant l’embranchement de Thielt sur Deynze ; car par le nouveau chemin de fer, les relations de Bruges se multiplieront d’une manière considérable, et par conséquent, si Bruges perd quelque chose d’un côté, elle le regagnera de l’autre. Bruges sera mieux qu’auparavant.
Quant à la direction de la ligne d’Ypres sur Courtray, je crois qu’il en résulte encore un avantage pour Bruges : l’honorable M. Devaux a dit, dans la séance d’hier soir, que de cette manière le district d’Ypres est rattaché à la ville de Gand ; cela est vrai ; mais remarquez, messieurs, que déjà par le chemin de fer existant, la ville d’Ypres est plus rapprochée de Gand que de Bruges. Il y a au moins une heure de différence. Sous ce rapport donc, vous ne changez rien à la situation actuelle : au contraire, vous rapprochez Ypres de Bruges de telle manière que la distance entre ces deux villes qui, aujourd’hui, est plus grande qu’entre Ypres et Gand, deviendra égale, puisque Gand et Bruges sont à la même distance de Courtray. Au lieu de décentraliser Ypres par rapport à Bruges, vous le centralisez au contraire. De plus, vous multipliez les relations d’Ypres, de Poperinghe, de Courtray, de Roulers, etc., avec Bruges, en construisant ce chemin de fer. Je le répète donc, je crois pourvoir dire que non seulement on ne fait aucun tort à Bruges, mais qu’au contraire on lui assure des avantages qu’elle n’a pas, et qu’on améliore considérablement sa position.
Il me reste encore un mot à dire des autres amendements, notamment de celui de l’honorable M. Dumortier. M. le ministre des travaux publics vient de dire qu’il se rallie à cet amendement ; je ne combattrai pas l’opinion de M. le ministre des travaux publics, mais j’ai une réflexion à faire ; je ne sais pas pourquoi l’amendement confond Poperinghe avec Furnes, car les observations présentées hier soir par l’honorable M. Dumortier quant à la ligne de Furnes, ne s’appliquent aucunement à la ligne de Poperinghe. Si le chemin de fer qui se dirige de Thielt vers Dixmude se prolonge plus tard vers Furnes et de là vers Dunkerque, je conçois qu’on craigne qu’il ne résulterait un inconvénient ; que ce chemin de fer ne fasse concurrence à la ligne de l’Etat ; mais le même inconvénient n’existe plus quand il s’agit de la ligne de Poperinghe. Si le chemin de fer de France, venant de Dunkerque et de Calais, aboutissait à Poperinghe, ce qui aura lieu par la force des choses, nécessairement les voyageurs devraient prendre le chemin de fer de l’Etat, à partir de Courtray. Vous voyez, messieurs, qu’il n’y a pas plus de motifs de s’opposer à la construction de ce chemin de fer, qu’il n’y en aurait, par exemple, de s’opposer à la construction d’un chemin de fer qui partirait de Calais ou de Dunkerque pour se diriger sur Lille et de là vers Tournay. Je ne sais si cette observations a échappé à l’honorable M. Dumortier, mais s’il était ici, je lui ferais remarquer que c’est absolument la même question. Poperinghe et Tournay sont sur la même ligne quant à l’intérêt des lignes de l’Etat.
L’honorable M. Dumortier a dit que Poperinghe est une ville insignifiante. Il se trompe ; je ferai remarquer que c’est le centre d’une population nombreuse, riche et active, et en même temps le centre d’une culture importante et d’un commerce spécial ; je veux parler du houblon de Poperinghe, connu dans tout le pays et à l’étranger.
Par ces motifs, messieurs, j’adopterai le projet de la commission, qui contribuera puissamment au bien-être de la province à laquelle j’appartiens, et du pays tout entier, de même qu’il assurera une aisance immédiate pendant la durée des travaux à un grand nombre de tisserands désœuvrés, dont le sort paraît devoir s’aggraver encore par l’attitude hostile que la France prend à notre égard. Ces travaux dureront trois années, et nous laisseront, il faut l’espérer, le temps nécessaire pour chercher de nouveaux débouchés à nos produits liniers. (Aux voix, aux voix ! la clôture, la clôture.)
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
La chambre adopte d’abord l’amendement présenté par dix membres et tendant à insérer dans le projet les mots : « Avec embranchement de Thielt sur Aeltre ou sur Deynze. »
M. Malou – L’honorable M. Devaux a dit tout à l’heure qu’en aucun cas son amendement n’excluait la ligne d’Ypres à Courtray.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La rédaction l’exclut.
M. Malou – C’est évident.
M. Devaux – Je ne l’exclus pas. Je demande seulement un embranchement de Roulers à Ypres, comme conséquence du principe u’on vient de voter à propos de l’embranchement sur Deynze.
- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. Malou – Je demande si la rédaction de la commission permet au gouvernement de déterminer le point de raccordement de la ligne entre Courtray et Ypres. (Oui ! oui !)
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Cela n’est pas douteux.
- L’ensemble de l’article proposé par M. Donny est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La chambre passe à l’article additionnel, proposé par M. Dumortier, auquel le gouvernement se rallie.
M. de La Coste – Je crois cet amendement inutile, en ce sens que je ne crois pas que le gouvernement pût concéder, par petites parties, le prolongement d’une ligne considérable. Ce serait éluder la loi. Dans ce cas la disposition serait inutile. Mais est-ce que M. le ministre se croit autorisé à accorder la concession du prolongement de la ligne de Tournay à Jurbise ?
S’il en est ainsi, je trouve injuste la restriction pour Dixmude. Il faut la même loi pour tous.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La loi sur les concessions de péages porte que le gouvernement est autorisé à concéder, par arrêté royal, des chemins de fer n’ayant pas plus de 10 kilomètres.
Relativement au prolongement de la ligne de Furnes et de celle de Poperinghe vers la frontière française, on a fait remarquer que ces lignes, qui peuvent avoir un caractère international, n’ont pas un parcours de plus de dix kilomètres. La chambre a paru vouloir se réserver le droit de statuer à cet égard. Le gouvernement n’y a fait aucune difficulté.
L’honorable M. Dumortier a déclaré que, dans son opinion, le chemin de fer de Tournay devrait être prolongé jusqu’à Lille. On demande si le gouvernement pourrait concéder ce prolongement, sans le concours des chambres. C’est une question de fait. Il s’agit de savoir si cette ligne n’a pas un parcours de plus de 10 kilomètres.
Du reste, ce chemin de fer étant fort important, je prends l’engagement que le gouvernement n’en accordera pas la concession sans l’assentiment de la législature.
M. de La Coste – Cela me suffit.
- L’article additionnel proposé par M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
M. Devaux – Dans le tarif du chemin de fer de l’Etat, quand les lignes d’une localité à l’autre sont assujetties à un long détour, on a trouvé très juste de tenir compte de ce détour dans le prix du tarif. Si une disposition n’était prise à cet égard, il n’en serait pas ainsi de ce chemin de fer. J’ai signalé combien sera préjudiciable à Bruges le tracé de Bruges à Ypres, la distance sera en quelque sorte doublée. Je crois que tout le monde admettra qu’il est équitable, puisque Bruges doit mettre tant de temps parcourir le trajet jusqu’à Ypres, et vice versâ, qu’on tienne compte de ce détour dans le trafic.
L’art. 23 détermine les bases du tarif par lieue. Je demande que, pour la distance de Roulers à Ypres, on tienne compte du détour. Je pense que cette proposition ne rencontrera aucune opposition. C’est un grand avantage pour la compagnie de pouvoir, au moyen d’une seule locomotive, traîner le convoi de Bruges à la suite de celui qui vient de Courtray sur Ypres. Il n’y a, depuis Courtray, pas plus de dépenses que si les voyageurs n’y étaient pas ; car je ne crois pas que les convois excéderont le complet ordinaire. Par conséquent, on peut, sans aucune difficulté, adopter une disposition à cet égard. Je propose donc l’amendement suivant :
« Pour le prix de transport des voyageurs et des marchandises venant de Roulers ou par Roulers et allant à Ypres ou au-delà, et vice versâ, la distance de Roulers à Ypres ne sera colmptée que pour 20 kilomètres. »
Vous pouvez voir, à la page 33 de l’annexe de l’exposé des motifs, que 20 kilomètres forment la distance de Roulers à Ypres. Puisque le tarif est fixé par lieue dans la convention, et que nous faisons plusieurs réserves dans le projet quant à la convention, celle-ci doit y entrer naturellement ; elle est plus importante que plusieurs autres dispositions que nous y insérons. Sans cela le tarif serait fixé par lieue indépendamment des détours. Le principe qui a été adopté, par exemple, pour le parcours de Bruxelles à Gand et celui de Bruxelles à Louvain, ne serait pas adopté dans le tarif de la Flandre occidentale.
- L’amendement de M. Devaux est appuyé.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, l’honorable M. Devaux veut appliquer aux chemins de fer concédés le même principe que celui qui a été admis pour le chemin de fer de l’Etat. Mais, messieurs, ce principe n’est pas, je pense, celui qui trouve sa réalisation dans l’amendement proposé. Voici le principe que nous avons admis pour le chemin de fer de l’Etat : On prend le trajet actuel par le chemin de fer, on prend le trajet de la route ancienne, lorsqu’elle est plus courte, l’on forme une moyenne entre ces deux trajets, et cette moyenne devient la base du tarif.
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, on devrait prendre le trajet de la route de Roulers à Ypres, qui est de 20 kilomètres, on devrait prendre le trajet de Roulers à Ypres par Courtray, qui est de 40 à 50 kilomètres, et l’on arriverait à une moyenne de 30 à 35 kilomètres.
(page 1713) Voilà, je pense, comment le principe devrait être rédigé si on l’adopte.
Messieurs, je ne sais pas s’il ne serait pas plus prudent peut-être d’autoriser le gouvernement à négocier avec la compagnie sur ces bases. Le gouvernement croirait de son devoir de faire prévaloir cette idée qui semble accueillie par la chambre et qu’il est dans l’intérêt des populations de faire admettre. Mais comme je n’ai pas prévu cet amendement, je ne sais jusqu’à quel point il ne pourrait pas être considéré comme étant un obstacle pour la compagnie. Je ne le pense pas, mais enfin c’est un danger que je ne voudrais pas courir.
M. Rodenbach – Messieurs, je ne pense pas que l’amendement de l’honorable député de Bruges puisse devenir un obstacle ; voici pourquoi. La route directe de Roulers à Ypres est de 4 lieues, tandis que le chemin de fer allant de Roulers à Courtray, de Courtray à Menin, de Menin à Ypres, aura un parcours de 10 lieues. Si les marchandises doivent payer le détour de 6 lieues, évidemment on préférera employer la route ordinaire ; et il s’agira, messieurs, des marchandises expédiées par une population d’environ 50,000 personnes. Il est évidemment de l’intérêt de la compagnie d’adopter l’amendement de l’honorable député de Bruges.
D’ailleurs, messieurs, on vient d’adopter un amendement qui froissera l’intérêt du chef-lieu de la province. Or, ce que vous demande maintenant ce chef-lieu, ainsi que les habitants de Thourout et de Roulers, et une population de 50,000 habitants, est de toute justice : vous donnerez donc votre assentiment à l’amendement de l’honorable M. Devaux. Sans cela, messieurs, loin d’être une faveur pour la Flandre occidentale, ce chemin de fer lui serait défavorable. Vous lui feriez payer pour le transport de ses marchandises le double et le triple de ce qu’on paye dans le reste du royaume. Je ne pense pas que la chambre donne les mains à une pareille iniquité ; car cela serait réellement une injustice.
M. Malou, rapporteur – Messieurs, en principe, je ne m’oppose pas à l’amendement de l’honorable M. Devaux ; mais je me permets d’en faire remarquer le danger à la chambre.
Le gouvernement comprend qu’il est désirable de faire résoudre cette question dans ce sens, non-seulement pour la Flandre occidentale, mais pour toutes les autres lignes, non-seulement pour la route de Roulers à Ypres, mais, par exemple, pour la route de Thielt à Bruges. Il y a là aussi un détour ; il y a une moyenne à faire. Il en sera de même encore pour la route d’Ypres à Tournay.
Je voudrais donc que l’honorable M. Devaux se fiât à la sollicitude du gouvernement pour résoudre cette question de concert avec la compagnie, et qu’il se fiât aussi à l’intérêt de la compagnie. Car, pour ne prendre que l’exemple que l’honorable membre a cité, il est évident que si la compagnie maintenait entre Ypres et Roulers un tarif proportionnel aux distances, il y aurait immédiatement une concurrence sur la route directe, et les populations qui devraient se servir du chemin de fer, les populations les plus nombreuses, celles qui cherchent l’économie, prendront la route ordinaire. Ainsi l’intérêt de la compagnie, la sollicitude du gouvernement, la nécessité d’un principe général, voilà les trois motifs qui me paraissent exiger qu’on n’insère pas une disposition formelle dans la loi.
M. Devaux – Je crois, messieurs, qu’il est indispensable d’insérer une disposition dans la loi. Si même l’on ne disait rien dans la loi, les concessionnaires pourraient soutenir qu’ils ont le droit de percevoir le péage par lieue de parcours. Du reste, je vais proposer une réaction à laquelle M. le ministre donnera son assentiment. Je proposerai de dire :
« Sur les diverses parties de la route où il y a déviation du trajet direct, la distance ne sera pas comptée pour le parcours réel, mais au plus, en raison d’une moyenne entre ce parcours et le trajet direct. »
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – J’adhère à cette rédaction.
M. Malou, rapporteur – Est-ce que la compagnie acceptera cette condition ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est son intérêt.
- La proposition de M. Devaux est mise aux voix et adoptée.
La chambre décide qu’elle passera définitivement au vote définitif du projet.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
60 membres sont présents.
4 s’abstiennent.
56 adoptent.
En conséquence le projet de loi est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. de Foere, de Garcia, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Jadot, Lange, Lejeune, Lesoinne, Malou, Manilius, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Sigart, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, Cogels, d’Anethan, Dechamps, Dedecker et Biebuyck.
MM. Devaux, Donny, Maertens et Coppieters se sont abstenus.
M. Devaux – Messieurs, je n’ai pas voulu par mon vote, m’opposer à l’adoption d’une loi qui peut faire quelque bien à la province de la Flandre occidentale, si elle est exécutée ; mais je n’ai pas voulu donner mon assentiment à la loi par mon vote, non parce que je serais animé d’un esprit provincial, comme on l’a dit, ou d’une partialité locale (on m’a prêté hier et aujourd’hui des principes et des intentions que je n’ai pas), mais parce que je ne veux pas sanctionner par un vote ce que je regarde comme une iniquité, à savoir qu’on applique à Gand, dans ses rapports avec une autre province, un principe qu’on refuse d’appliquer au chef-lieu dans ses rapports avec les autres parties de la province même.
M. Donny – Je n’ai pas voulu refuser à la Flandre occidentale un avantage immédiat ; je n’ai pas voulu imposer à l’Etat un sacrifice futur ; voilà pourquoi je me suis abstenu.
M. Maertens – Messieurs, à la fin de la séance d’hier je me suis opposé à la clôture ; j’ai dit que j’avais des arguments assez puissants à faire valoir contre le prolongement vers Deynze ou vers Aeltre ; j’étais inscrit et si j’avais pu parler, j’aurais démontré à la chambre que ce prolongement doit avoir les conséquences les plus fâcheuses pour le chef-lieu de la province et pour les lignes de l’Etat. La clôture ayant été prononcé malgré moi, le discours de M. le ministre des travaux publics ayant en tout point confirmé mon opinion, je n’ai pas voulu voter contre un projet qui peut procurer des avantages à des parties de la province, plus heureuses que la localité qui m’a envoyé dans cette enceinte.
M. Coppieters – Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que M. Devaux.
(page 1695) Les divers articles de ce projet sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à faire exécuter au palais de Liége les travaux nécessaires pour y établir la demeure du gouverneur de la province, ainsi que les bureaux de son administration, et en faire le siège du conseil provincial, sous la réserve que la province renonce à toute prétention qu’elle aurait à faire valoir du chef de dépenses qu’elle a pu faire pour l’érection ou l’appropriation du bâtiment incendié rue des Bons-Enfants. »
« Art. 2. Il est ouvert au département de l’Intérieur, sur le budget de l’exercice de 1845 :
a) Un crédit de cent trente-trois mille francs (133,000 fr.), formant le premier tiers d’une somme de quatre cent mille francs (400,000 francs), nécessaire pour pourvoir aux dépenses des travaux mentionnés à l’article précédent.
b) Un crédit de dix mille francs (10,000 francs), pour pourvoir aux frais de reclassement des archives et de la réorganisation des bureaux de l’administration provinciale de Liége.
« Le gouvernement est autorisé à faire procéder à la vente :
« 1° Des terrains de l’ancien hôtel du gouvernement provincial à Liége ;
« 2° De la partie d’un terrain dépendant du palais qui restera disponible après l’établissement d’une rue à percer de la place du Marché à la rue Derrière-le-Palais. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble d projet, qui est adopté à l’unanimité par les 61 membres présents.
Ce sont : MM. de Foere, de Garcia, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Fallon, Fleussu, Goblet, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Manilius, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirson, Rodenbach, Sigart, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Vilain XIIII, Wallaert, Brabant, Cogels, Coppieters, d’Anethan, Dechamps, Dedecker et Biebuyck.
(page 1696) M. Pirson – Messieurs, ainsi qu’il est énoncé dans le rapport de votre section centrale, le projet de loi qui vous est soumis est l’accomplissement d’une promesse faite par le gouvernement, à l’occasion d’un débat qui eut lieu l’année dernière dans cette chambre. Alors, messieurs, l’honorable M. de Garcia et moi, nous vous avons exposé quels étaient les droits des officiers qui avaient servi aux Indes, et ce qu’était la pension supplémentaire des Indes. Je n’abuserai pas de vos moments en vous répétant la même chose. Je me bornerai à vous rappeler qu’en vertu d’un arrêté royal du 18 février 1815, il avait été institué des pensions supplémentaires pour les officiers qui auraient servi aux indes. Quinze années de service dans les Indes donnaient droit à l’intégralité de la pension. Pour ceux qui n’étaient pas restés 15 ans aux Indes, la pension était calculée à raison d’un quinzième pour chaque année de service dans cette contrée.
Les chiffres qui figurent à l’article 2 du projet de loi, pour chaque année de service aux Indes, à savoir :
165 fr. pour un major,
110 fr. pour un capitaine,
70 fr. pour un lieutenant,
50 fr. pour un 2e lieutenant,
forment le quinzième des pensions supplémentaires telles qu’elles ont été fixées dans le tarif annexé à l’arrêté royal du 18 février 1815.
Comme nous n’avons pas en Belgique d’officiers ayant servi aux Indes dans un grade supérieur à celui de major, il a paru inutile d’insérer dans la loi, le supplément de pension auquel auraient droit les officiers d’un grade plus élevé.
L’article 3 ainsi conçu : « L’officier pensionné sous le gouvernement des Pays-Bas pour infirmités ou pour blessures reçues aux Indes, aura droit au supplément calculé à raison de 15 années de services aux indes ; » est conforme à l’une des dispositions de l’arrêté royal en vertu duquel se payent en Hollande les pensions supplémentaires des Indes. Ainsi parmi les officiers ayant servi aux indes qui ont été pensionnés avant 1830, il y en a qui ont été estropiés ou mutilés par suite de blessures reçues en combattant, d’autres qui sont revenus atteints de cécité complète. Eh bien, ces officiers, quoique n’étant pas restés 15 années au Indes, jouiront de l’intégralité de la pension supplémentaire, comme cela existe en Hollande. L’article 5 dont la teneur est comme suit : « Les suppléments, liquidés en conformité de la présente loi, seront accordés avec jouissance du 1er janvier 1815, et avec l’appel de l’arriéré, déduction faite des avances du trésor depuis 1830, sans que ce rappel puisse remonter au-delà du 1er septembre 1831 ; » en même temps qu’il dispose pour l’avenir, se rapporte aussi au passé et a également pour objet le rappel de l’arriéré. En Hollande, les officiers ayant servi aux Indes ont touché la pension supplémentaire d’après le tarif établi à l’art. 2 du projet de loi. Il est équitable que les braves de notre armée qui ont versé leur sang pour une patrie qui était alors commune, soient traités comme les autres braves dont ils ont partagé les dangers.
Ainsi que vous l’aurez remarqué dans l’annexe à l’appui de l’exposé des motifs, il y a, en Belgique, trois catégories bien distinctes d’officiers ayant droit à la pension supplémentaire des Indes.
Ceux qui ont été pensionnés avant 1830 ; pour eux, le montant des pensions à payer annuellement sera de 8,762 francs ;
Ceux qui ont été pensionnés depuis 1830 ; pour eux le montant des pensions à payer sera de 2,870 francs ;
Ceux qui sont encore en activité de service dans l’armée et pour lesquels le montant des pensions à payer par la suite pourra s’élever au maximum à 4,750 francs.
Vous le voyez, messieurs, les dépenses qui résulteront du supplément des pensions à accorder aux officiers ayant servi aux Indes ne seront pas bien considérables, et elles iront promptement en décroissant, car parmi les 16 officiers pensionnés, il y en a qui ont 60 ans, 61 ans, 63 ans, 66 ans, 68 ans, et même 70 ans.
Le montant du rappel de l’arriéré à payer s’élèvera à 35,386 francs. Ces dépenses, messieurs, aux termes de l’art. 7 du projet de loi, seront en grande partie compensées. L’art. 7 dispose au profit du trésor de la somme de 116,097,88 fr qui, dans la liquidations avec la Hollande, a été attribuée à la Belgique pour la part lui revenant du fonds destiné au service de la pensions supplémentaire des Indes.
Messieurs, les officiers intéressés au projet de loi qui vous est soumis, méritent toute votre bienveillance et ont des titres réels à la reconnaissance nationale. Ils survivent à des milliers de braves qu’ils ont vu périr sur le champ de bataille, ou que le climat a fait succomber. Ce sont des hommes qui, par dévouement pour le pays, n’ont pas criant d’aller au loin braver une mort presque certaine, qui ne sont revenus que mutilés ou accablés d’infirmités, et dont plusieurs se trouvent dans un état de gêne qui approche de la misère. Je suis persuadé, messieurs, que vous ne voudrez pas qu’ils soient traités moins bien qu’en Hollande. Il est de toute convenance et de toute justice que ceux qui ont été associés dans des périls communs, soient associés dans des récompenses qui devaient être aussi communes, et qui avaient été promises en vertu de dispositions prises dans les formes compatibles avec l’exercice du droit de souveraineté.
J’espère donc, messieurs, que, partageant l’avis de votre section centrale, vous donnerez votre approbation au projet de loi qui vous est présenté.
Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close.
On passe aux articles.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à accorder un supplément de pension, à charge du trésor, aux officiers belges, qui, ayant fait partie de l’armée des Pays-Bas, aux Indes orientales, sont ou seront pensionnés par l’Etat, et se trouveraient dans les conditions requises, pour y avoir droit, par les règlements sur les pensions supplémentaires en vigueur au 1er septembre 1830.
« Article 2. ce supplément de pension, fixé en raison du grade dont l’officier était en dernier lieu titulaire aux Indes, sera, par chaque année de services aux Indes, y compris le temps d’embarquement, savoir :
Pour un major, de fr. 165
Pour un capitaine, de fr. 110.
Pour un 1er lieutenant, de fr. 70.
Pour un 2e lieutenant, de fr. 50.
« L’officier ne pourra obtenir le supplément attribué à son grade que pour autant qu’il en ait revêtu pendant deux années au moins ; dans le cas contraire, il n’obtiendra que le supplément attaché au grade immédiatement inférieur.
« Toutefois, cette exception n’est pas applicable aux sous-lieutenants.
« Art. 3. L’officier pensionné sous le gouvernement des Pays-Bas pour infirmités ou pour blessures reçues aux Indes, aura droit au supplément calculé en raison de 15 années de services aux Indes.
« Art. 4. En aucun cas, les suppléments de pension, liquidés sur le pied de l’art. 2, ne pourront être inférieurs à ceux dont les officiers déjà pensionnés étaient en jouissance au 1er octobre 1830.
« Art. 5. Les suppléments, liquidés en conformité de la présente loi, seront accordés avec jouissance du 1er janvier 1845, et avec rappel de l’arriéré, déduction faite des avances du trésor depuis 1830, sans que ce rappel puisse remonter au-delà du 1er septembre 1831.
« Art. 6. Les conditions déterminées dans la loi du 24 mai 1838, relative à la jouissance, à la conservation et à la privation des pensions militaires, sont rendues applicables aux suppléments à accorder en vertu de la présente loi.
« Art. 7. La somme remise par le gouvernement des Pays-Bas, du chef de la liquidation et du partage du fonds des pensions supplémentaires des officiers de l’armée de terre aux Indes orientale, en conséquence de l’article 6, § 6, de la convention du 19 juillet 1843, est acquise au trésor.
« Art. 8. Pour faire face au payement des suppléments de pensions qui seront liquidés en vertu de la présente loi, le crédit alloué au chapitre II, article 1er du budget de la dette publique de l’exercice 1845, est augmenté d’une somme de onze mille six cent quarante francs (11,640 fr.)
« Il est en outre ouvert au même budget, pour le payement de l’arriéré, un crédit de trente-cinq mille quatre cents francs (35,400 fr.), qui formera l’art. 4 du même chapitre. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
On passe au vote, par appel nominal, sur l’ensemble du projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 62 membres présents.
Le projet de loi sera transmis au sénat.
La discussion générale est ouverte. Personne ne demandant la parole, on passe aux articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au budget du ministère de la justice, pour 1843, chap. VI, art. 2, un crédit supplémentaire de 5,285 fr. 41 c., applicable au payement des dépenses auxquelles a donné lieu le service du Moniteur pendant les années 1838, 1841 et 1843.
« Art. 2. Il est accordé au même département, pour le service du Moniteur, pendant 1844, un supplément de crédit de 16,553 fr. 60 c., dont sera majoré l’art. 2 du chap. VI, du budget de ladite année. »
- Ces deux articles sont successivement adoptés sans discussion.
On procède au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 60 membres présents.
Le projet de loi sera transmis au sénat.
M. le président – L’ordre du jour étant épuisé, je proposerai à la chambre de s’ajourner indéfiniment.
- Cette proposition est adoptée. En conséquence, la chambre décide qu’elle s’ajourne indéfiniment.
La séance est levée à 1 heure et demie.