(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 29) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
« Plusieurs propriétaires et locataires de prairies de Merxem demandent que les foins hollandais soient soumis à un droit d’entrée de 25 francs par 1,000 kilogrammes. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
« Le sieur Jacquet, gardien de premier classe à la maison d’arrêt de Liége, prie la chambre de s’occuper de sa demande tendant à obtenir une récompense pour services rendus pendant la révolution. »
« Le sieur D’Hulst, ancien officier, receveur des contributions directes pensionné, demande la révision de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Il est fait hommage à la chambre par M. X. Heuschling de 97 exemplaires d’un article sur la réforme des impôts en Belgique, extrait du Journal des économistes.
- Ces exemplaires seront distribués à MM. les membres de la chambre et déposés à la bibliothèque.
« Il est également fait hommage à la chambre, par M. Marcellis, d’un ouvrage sur les Ponts belges. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le président – La députation qui a été chargée de porter à S. M. l’adresse en réponse au discours du Trône, a été reçue aujourd’hui avec le cérémonial accoutumé. Le Roi a répondu en ces termes :
« Messieurs, le but que je me suis proposé et que vous venez de définir d’une manière si heureuse appelle toute notre sollicitude. Je sais que je puis compter, pour l’atteindre, sur votre patriotisme et votre dévouement éclairé aux intérêts nationaux.
« Vous avez donné une preuve nouvelle des sentiments qui vous animent, par l’activité que vous avez imprimée à vos premiers travaux ; je vous en remercie vivement au nom du pays. »
La réponse de S. M. sera imprimée avec le discours du Trône et l’adresse de la chambre.
M. le président – Vous avez renvoyé à une commission spéciale, à nommer par le bureau, l’examen du projet de loi qui accorde un délai aux habitants des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg pour faire la déclaration nécessaire afin de conserver la qualité de Belge. Le bureau a composé cette commission de MM. d’Hoffschmidt, Simons, Van den Eynde, de Villegas et Thyrion.
Il reste à nommer deux membres de la commission permanente des naturalisations. Cet objet ne figure pas à l’ordre du jour de la présente séance ; je proposerai de commencer la séance de demain par la nomination de ces deux membres.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président – J’ai à communiquer à la chambre une lettre que vient d’adresser au bureau notre honorable collègue M. Jonet. Il est retenu chez lui par une indisposition. Il nous transmet quelques observations sur le projet de loi relatif à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire. Il exprime le désir que ces observations soient insérées au moniteur.
- Cette insertion est ordonnée.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur le domicile de secours.
Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du projet, la chambre passe à la discussion des articles.
M. le président – M. le ministre de la justice se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je me rallie à quelques-uns des amendements, mais il est d’autres dispositions auxquelles je proposera des sous-amendements. Je m’en expliquerai à mesure que nous arriverons à ces différentes dispositions.
M. le président - La discussion s’ouvrira, par conséquent, sur le projet du gouvernement ; les propositions de la section centrale seront considérées comme amendements.
La chambre adopte successivement, sans discussion, les art. 1 et 2, dont la section centrale a proposé l’adoption.
Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. La commune où une personne est née est son domicile de secours.
« Néanmoins, l’individu né fortuitement sur le territoire d’une commune d’une personne qui n’y habitait point, a pour domicile de secours, selon les distinctions établies par l’art 11 ci après, la commune qu’habitait son père ou sa mère au moment de la naissance.
« Si le lieu d’habitation, soit du père, soit de la mère, ne peut être découvert, la commune où l’individu est né, même fortuitement, est son domicile de secours. »
« Article 2. Les enfants trouvés, nés de père et mère inconnus, et ceux qui leur sont assimilés par la loi, ont pour domicile de secours la commune sur le territoire de laquelle ils ont été exposés ou abandonnés ; néanmoins, la moitié des frais d’entretien est à la charge de la province où cette commune est située. »
L’art. 3 du projet du gouvernement est rédigé de la manière suivante :
« La commune où l’indigent a droit aux secours publics, en vertu des articles précédents, est remplacée, comme domicile de secours, par celle où il a habité pendant huit années consécutives, et ce nonobstant des absences momentanées.
« N’est point comptée comme temps d’habitation, pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour forcé sur le territoire d’une commune, des sous-officiers et soldats en service actif, des individus admis ou placés dans un établissement de bienfaisance et des détenus. »
La section centrale propose de remplacer le 2e paragraphe de cet article par un paragraphe ainsi conçu :
« N’est point comptée comme temps d’habitation, pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour forcé sur le territoire d’une commune, des sous-officiers et soldats en service actif, des détenus et des individus admis ou placés dans les établissements de bienfaisance ou des maisons de santé. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je propose de rédiger le deuxième paragraphe de la manière suivante :
« N’est point comptée comme temps d’habitation, pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour forcé sur le territoire d’une commune, des sous-officiers et soldats en service actif et des détenus. »
On ajouterait ensuite à l’article un troisième paragraphe ainsi conçu :
« Il en est de même dans le cas où un individu habitant une commune depuis moins d’un an est admis ou placé dans un établissement de bienfaisance ou une maison de santé situé dans cette commune. »
M. Deprey – Messieurs, j’ai l’honneur de proposer, par amendement à l’art. 3, que le temps pendant lequel l’indigent a reçu des secours publics d’une commune autre que celle de son domicile actuel ne sera pas compté pour acquérir son nouveau droit.
Messieurs, si l’art. 3, qui est en discussion, était adopté sans cet amendement ou une disposition équivalente, il en résulterait ce grave inconvénient, que des administrateurs peu délicats continueraient, par tous les moyens frauduleux indirects, par promesses, séductions ou contrainte, d’éloigner les indigents de leurs communes ; par contrainte, il est notoire, en effet, qu’il en est qui, privant les personnes déjà à leur charge comme celles qui ont droit d’y être admises, des secours alimentaires et des moyens de se loger, les forcent ainsi de se réfugier dans d’autres communes et particulièrement dans les villes pour s’en débarrasser ensuite après leur avoir fourni des secours pendant les quelques années exigées pour acquérir un nouveau domicile alimentaire ; il arriverait même que des bureaux de bienfaisance, faisant démolir ou laissant tomber en ruine les petites habitations de leurs pauvres, loueraient, sous main, des demeures dans d’autres communes pour les y fixer : ces divers manœuvres, qui vous ont été signalées par les pétitions de divers administrations communales et de bienfaisances, et se trouvent ainsi signalées en partie dans plusieurs rapports des députations provinciales, se pratiquent déjà avec succès, notamment depuis l’interprétation fatale donnée sur le sens de la loi du 28 novembre 1818. Aussi le personnel des pauvres secourus par certaines villes, surtout de celles qui possèdent un territoire rural, s’est-il accru, depuis ladite interprétation, de plus d’un tiers, et il est impossible de prévoir où le mal s’arrêtera si on n’y apporte un prompt remède ; car les ouvriers des communes rurales qui viennent s’agglomérer dans les villes, ne connaissent d’autre état que le travail des champs, ne peuvent trouver à s’y occuper et mènent ordinairement une vie oisive, se livrant à la mendicité et à l’immoralité qui doivent engendrer des désordres de toute espèce.
Messieurs, je sais que les faits et les maux que je viens de signaler n’existent pas au même degré dans toutes les provinces et qu’il en est où, par les diverses industries qui y existent, tous les bras sont occupés. Mais ces maux n’existent que trop réellement dans plusieurs autres, particulièrement dans une grande partie des Flandres, où les ouvriers sans travail sont extrêmement nombreux.
J’ose espérer que l’amendement que je viens d’énoncer, et dont le principe avait été admis par une de vos sections, sera favorablement accueilli, tant dans l’intérêt de la classe indigente que dans celui de la justice et de la morale.
M. le président – Je demanderai à M. Deprey si son amendement est destiné à remplacer une partie de l’article 3, où s’il serait simplement ajouté à cet article.
M. Deprey – Ce serait un paragraphe final à ajouter à l’article 3.
M. Jadot – Il me semble que les employés du gouvernement, et je désignerai particulièrement les employés des douanes, doivent être considérés comme ayant un domicile forcé dans les communes qui leur ont été assignées comme résidence, et dès lors qu’il y a lieu de les comprendre parmi les individus qui font l’objet de l’exception proposée par le deuxième paragraphe de l’art. 3.
(page 30) La commune où demeure un employé, père d’une nombreuse famille, sera-elle le domicile de secours de cette famille ?
C’est une observation que je soumets aux mesures de la chambre et à M. le ministre de la justice, qui doit avoir vu, par une des nombreuses pétitions adressées à la chambre, que le cas que je viens d’indiquer a donné lieu une réclamation de la part d’une des communes du district électoral dont je tiens mon mandat.
M. de Saegher – Messieurs, l’article en discussion apporterait un changement notable à la loi qui est actuellement en vigueur. La loi de 1818 porte que le lieu de naissance d’un indigent est remplacé comme domicile de secours par la commune dans laquelle cet indigent a séjournée pendant quatre années consécutives. Cette durée de quatre années, on veut maintenant la porter à huit années et je pense que c’est aller beaucoup trop loin. En effet, messieurs, quel est le principe fondamental d’équité en cette matière ? C’est que là où une personne contribue aux charges imposées aux membres d’une communauté, là aussi cette personne a droit aux avantages qui y sont attachés. Ainsi, en principe rigoureux, le domicile de secours devrait être le domicile réel, c’est-à-dire le domicile tel qu’il est défini par nos lois civiles, parce que c’est là que tout individu supporte les charges et remplit les obligations imposées à tout citoyen belge.
Cependant, messieurs, la nécessité a fait dévier de ce principe fondamental ; l’expérience a fait reconnaître qu’en permettant à ceux qui ont besoin de secours publics, de changer leur domicile à volonté, on rendrait pour ainsi dire impossible l’organisation de la bienfaisance publique ; ainsi depuis plusieurs siècles on a combiné deux principes, celui du lieu de naissance et celui du lieu de résidence. Nous adhérons à ces principes en entier, mais je crois que par le nouveau projet on va trop loin. On s’écarte déjà beaucoup, dans l’article 3 de la loi en vigueur, des principes fondamentaux ; est-il nécessaire maintenant de s’écarter davantage, dans la loi nouvelle, des principes qui ont été établis par nos lois civiles, en étendant encore le délai qui a été établi par la loi de 1818 ? Nous ne le pensons pas. Déjà, lors de la discussion de la loi de 1818, aux états-généraux, on s’est élevé contre la première innovation qu’on a faite, en changeant le délai d’un an en un délai de quatre années. Plusieurs orateurs ont dit alors que ce détail trop prolongé était contraire à tous les principes d’humanité.
En effet, je suppose un ouvrier qui, par son travail, peut pourvoir à ses besoins ; il se rend d’un lieu dans un autre, à l’effet d’y faire valoir son industrie ; on veut, d’après le nouveau projet que cet ouvrier, qui aura vécu pendant plus de sept années dans la dernière commune, lorsqu’il aura besoin de secours, soit encore renvoyé dans la commune qu’il a quittée et où il n’a pas reparu depuis sept ans ; il est certain qu’après une absence si longue cet ouvrier ne sera presque plus connu, et il ne rencontrera pas dès lors la même sympathie que s’il appartenait réellement à la commune. Et pourquoi veut-on opérer ce changement ? Y a-t-il des motifs bien graves pour qu’il soit introduit dans la nouvelle loi ? On a dit que c’était pour éviter la fraude que l’amendement est proposé. Je ferai remarquer, en premier lieu, que ce n’est pas le délai trop court de quatre années qui a donné lieu au plus grand nombre des fraudes. La seule fraude qu’on ait signalée à cet égard, c’est celle de quelques communes qui entretiennent à dessein leurs indigents dans d’autres communes, afin de leur retirer ces secours au bout de quatre années, et, de cette manière, de mettre ces indigents à charge d’autres communes.
D’abord, ce cas est assez rare ; ce cas arrivera encore, même lorsque vous établirez un délai de huit années. Mais il y a plus, il y a moyen de remédier à cet inconvénient ; et, sous ce rapport, j’ai été prévenu par l’honorable M. Deprey ; cet honorable membre propose un amendement qui tend à rendre impossibles toutes les fraudes qui pourraient se commettre.
Le nouveau projet a été présenté notamment à raison des contestations nombreuses qui se sont élevées à chaque instant sous la loi actuelle ; mais si l’on adopte le terme qu’on propose à l’art. 3, on obtiendra un résultat tout contraire à celui qu’on attendait. En effet, le nouveau projet, au lieu de diminuer les contestations, ne fera que les accroître ; car il sera beaucoup plus difficile de constater un séjour de huit années qu’il n’est difficile maintenant de constater un séjour de quatre années.
Ce que je dis ici n’est, du reste, que la reproduction des observations qui ont été faites par la plupart des députations permanentes, notamment celles du Brabant, de Liége et de la Flandre orientale.
Je pense donc qu’il serait convenable de maintenir le délai de quatre ans. Je dépose un amendement en ce sens.
- L’amendement est appuyé.
M. Desmet – Un délai de huit années ma paraît aussi trop fort. Si les indigents pouvaient trouver de l’ouvrage, je concevrais qu’on fût si sévère à leur égard, mais il est constant que le travail manque dans une foule de localités, et notamment dans les Flandres.
Le motif de la disposition qu’on propose est d’épargner des difficultés aux administrations communales ; mais cette considération ne peut sans doute balancer la sollicitude que réclament les indigents ; il faut faire quelque chose pour eux ; il ne faut pas, ainsi que cela se voit dans plusieurs communes, qu’on laisse les indigents en plein air, jusqu’à ce que la difficulté ait été résolue.
Messieurs, ce à quoi il faut pourvoir avant tout, c’est de procurer du travail aux mendiants. Il y a telle localité dans les Flandres où en ce moment l’on rencontre mille mendiants en un seul jour. Cela devrait exciter toute la sollicitude du gouvernement. Il faudrait tâcher d’extirper la mendicité. Le seul moyen, c’est de donner du travail aux indigents. Là où les membres du clergé ont créé des ateliers de travail, on ne voit plus de traces de la mendicité ; dans les localités, au contraire, où ces établissements n’ont pas été fondés, on rencontre des mendiants en foule.
Je crois qu’il ne faut pas être aussi sévère qu’on le propose, et qu’il y a lieu d’adopter l’amendement de M. de Saegher qui demande un délai de quatre ans.
J’appellerai maintenant l’attention de M. le ministre de la justice sur un objet assez important. C’est le moment de la récole des pommes de terre ; on ravage des champs de pommes de terre. Ces délits sont commis, non pas les pauvres campagnards, mais par les ouvriers des villes. M. le ministre de la justice devrait prendre des mesures pour faire cesser ces délits.
M. Malou – Messieurs, la grande innovation que le projet consacre est l’article 3. La loi qui régit le domicile de secours, depuis des siècles, je puis le dire, admet deux principes : le domicile primitif de la naissance, et l’acquisition d’un autre domicile par un séjour plus ou moins prolongé.
La durée de ce séjour s’est continuellement accrue à mesure que des changements ont été introduits dans la législation. La loi de vendémiaire n’exigeait qu’une année, la loi de 1818 en a exigé quatre, et l’on propose aujourd’hui d’en exiger huit.
Otez ce changement du projet ; il n’y a, en réalité, plus d’innovations profondes dans la loi que nous discutons.
Et pourquoi faut-il augmenter cette durée ? parce que c’est précisément à cause de la trop courte durée du temps, au moyen duquel on acquérait un nouveau domicile de secours, qu’on a trouvé moyen d’éluder les dispositions fondamentales de la loi.
En doublant cette durée, on a l’espoir fondé de rendre ces fraudes plus rares, de rentrer dans une application tout à fait juste de la loi. En laissant subsister, au contraire, le terme de quatre ans, on reste en réalité dans le statu quo contre lequel tant de réclamations se sont élevées depuis quelques temps.
Doubler le délai, c’est en quelque sorte revenir, pour un très-grand nombre de cas, au domicile de naissance. Sans doute, et l’observation en a déjà été faite plusieurs fois, si l’on devait s’attacher exclusivement au domicile de naissance, l’application de la loi serait très-facile, la fraude serait presque impossible. Mais il y aurait aussi de graves inconvénients dans ce système absolu : l’on ne tiendrait aucun compte d’un long séjour fait dans une commune.
Doubler le délai, c’est prendre un moyen terme entre cette idée absolue, de s’attacher exclusivement au domicile de naissance, et le système de la loi de 1818, dont l’art. 3, je le répète, a été la source de toutes les fraudes qui se sont commises, de toutes les plaintes qui se sont élevées.
En doublant ce délai, blessons-nous les principes de l’humanité ? non, messieurs ; je prie les honorables membres qui ont soulevé cette question d’humanité de jeter les yeux sur d’autres dispositions de la loi. L’art. 12 porte que tout indigent, en cas de nécessité, est secouru par la commune où il se trouve. C’est là qu’est le principe d’humanité : l’indigent doit être secouru. Lorsque le secours est donné, alors s’élève la question de savoir quelle est la commune qui doit le payer ; mais la commune où l’indigent se trouve de fait, est obligée, pour des motifs d’humanité faciles à comprendre, de lui fournir des secours.
Ainsi l’art. 3 ne blesse aucun principe d’humanité ; il s’agit seulement de savoir dans quel cas ce sera la commune où l’indigent se trouve actuellement ou celle ou il se trouvait antérieurement, qui devra, en définitive, supporter les frais de secours accordés.
Un autre amendement est présenté par l’honorable M. Deprey. L’on a remarqué que, sous le régime de la loi de 1818, des communes mettaient en quelque sorte leurs indigents en pension dans une autre localité, et au bout de quelques années se trouvaient délivrées de la charge de les entretenir pour le reste de leur existence. L’honorable M. Deprey propose de décréter que l’indigent qui aurait été secouru par sa commune dans une autre n’acquerrait, dans celle-ci, aucun droit aux secours publics ; je crois qu’il y a une espèce d’impossibilité dans l’exécution de cet amendement. Comment, en effet, prouver que l’individu qui vient habiter une commune y est placé par une autre ? Comment prouver qu’il a reçu des secours de cette autre commune ? Si cependant on reconnaissait que cet amendement peur être appliqué, je demanderais à l’honorable membre de ne pas y mêler la question du domicile ordinaire, car il serait dangereux de confondre le domicile défini par le Code civil avec celui qui donne droit aux secours publics. Si j’ai bien compris l’amendement de M. Deprey, il porte : « Le temps pendant lequel l’indigent a reçu des secours publics d’une commune autre que celle de son domicile actuel, etc. » Je voudrais qu’à ces derniers mots on substituât ceux-ci : « autre que celle de son habitation actuelle » ; car ce n’est pas au domicile, mais à l’habitation, que la loi doit s’attacher.
Il me reste à dire un mot de l’amendement présenté par M. le ministre de la justice ; il me semble qu’il contient une grave déviation au principe essentiel de la loi ; il en résultera cette conséquence, qu’une commune pourra être chargée de l’entretien d’un indigent qui aura résidé une seule année sur son territoire. Par exemple, un individu réside pendant une année dans la ville de Bruxelles ; il tombe malade et est placé dans un établissement de bienfaisance ; par ce seul fait, il restera à la charge de la ville de Bruxelles. C’est là énerver le principe vital de la loi Par ces considérations, je voterai pour l’article proposé par la section centrale, avec l’amendement introduit en faveur des individus placés dans les maisons de santé.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – J’adopte entièrement l’opinion que vient de développer l’honorable M. Malou, à l’exception de ce qu’il (p. 31) a dit de mon amendement, sur lequel je vais m’expliquer, après avoir répondu à quelques-unes des observations qui vous ont été présentées.
Je ne me rallie pas à l’amendement de M. Deprey ; je le trouve dangereux et injuste. En effet, à quoi peut-on s’attacher pour établir où est le domicile de secours ? à la naissance ou à l’habitation ? Dès que l’habitation réelle est prouvée, pendant le temps requis, la commune où l’habitation a eu lieu vient remplacer, quant au domicile de secours, la commune de la naissance.
Dire que, malgré l’habitation réelle volontaire, le domicile de secours n’est pas acquis, dire que le temps antérieur ne comptera plus parce que l’individu aura reçu quelque secours de la commune qu’il a quittée, me paraît pouvoir entraîner de fâcheuses conséquences. Ne serait-ce pas engager la commune qu’habitait antérieurement l’indigent à ne rien lui donner ? Je ne vois pas pourquoi la commune qui aurait fidèlement rempli ses obligations en donnant des secours à un indigent resterait, pour avoir donné ces secours, éternellement chargée de son entretien, si, depuis 8 ans ou plus, il n’habite plus son territoire, et avait transporté ailleurs son travail, sa famille, son industrie.
Je ne pense donc pas qu’on puisse adopter un amendement ayant cette portée, portée qui pourrait être fatale aux intérêts de l’humanité et dans certains cas consacrerait une injustice à l’égard de la commune à laquelle l’accomplissement de ses obligations poserait préjudice.
L’honorable M. Jadot voudrait une disposition relative aux employés. Nous n’avons parlé que des sous-officiers, des soldats et des détenus, parce que leur séjour dans les localités qu’ils habitent est réellement forcé. Le séjour des employés peut bien, en quelque sorte, être considéré comme forcé, mais il ont fait acte de volonté en acceptant, et le plus souvent en demandant les fonctions qu’ils remplissent. Cette volonté manifestée doit avoir ses effets quant à l’habitation dans la localité où ils ont dû se rendre à raison de leurs fonctions.
Je ne vois pas de motif pour adopter l’amendement que voudrait introduire M. Jadot, car il faudrait établir exception sur exception et on finirait par ne plus avoir de règle générale.
L’honorable M. de Saegher combat le principe que nous voulons faire prévaloir, d’après lequel un séjour de huit ans serait nécessaire pour changer le domicile de secours. Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit M. Malou pour établir la nécessité d’apporter cette modification à la loi actuelle. Il a signalé les fraudes nombreuses auxquelles donne lieu le trop court séjour exigé aujourd’hui pour amener le changement du domicile de secours.
Il est évident, l’expérience ne l’a que trop prouvé, que des communes ont entretenu pendant plusieurs années les indigents et des individus dans un état voisin de l’indigence, dans d’autres communes, pour être déchargées de leur entretien après quatre années. Si désormais il faut, pour opérer le changement de domicile, non plus quatre mais huit années, il n’est guère à craindre que les communes, pour se soustraire à une charge éventuelle, consentent à supporter une charge réelle et actuelle durant un si long temps. L’obligation d’un séjour de huit ans doit faire espérer que cette fraude disparaîtra en grande partie. Elle avait été signalée dans les rapports des députations permanentes ; c’est notamment pour obvier à ces abus que le projet de loi a été présenté.
L’honorable M. Desmet a parlé de la question d’humanité. Mais, privons-nous les indigents de secours en exigeant une habitation consécutive de huit années pour acquérir un nouveau domicile de secours ? non, sans doute ; l’ancien existe toujours, jusqu’à ce que l’autre soit acquis. L’humanité n’a pas à souffrir de ce qu’un autre domicile ne soit pas acquis plus tôt ; à moins qu’on ne fasse une spéculation pour en obtenir un meilleur ; pour acquérir le domicile de secours dans des communes renommées pour leur bonté et le nombre des établissements de bienfaisance et de charité. Cette spéculation, si elle existe, la loi fait sagement d’empêcher qu’elle produise des effets.
L’honorable membre a signalé des faits graves qui se commentent dans les campagnes, des dévastations de récoltes, des pillages de denrées. Je dois dire qu’aucun fait semblable n’est venu à ma connaissance. Je ne sais de quelle localité l’honorable membre a entendu parler ; je prendrai des renseignements, et si les faits qui ont été portés à la connaissance de l’honorable membre sont réels, j’ordonnerai de diriger des poursuites contre leurs auteurs.
Il faut s’attacher au fait d’habitation volontaire pour établir le changement du domicile de secours. Partant de ce principe, je dis que si un individu vient habiter une commune qui n’est pas son domicile de secours, mais s’il ne l’a pas habitée assez longtemps pour que l’intention d’y établir définitivement son domicile soit bien constatée ; et si, dans cet état provisoire, il tombe malade et est recueilli dans un hospice, je dis qu’alors le séjour qu’il fera dans un établissement de bienfaisance où il sera placé, ne contribuera pas à lui faire acquérir un nouveau domicile. Mais si, au contraire, cet individu a habité cette commune, un an, cinq ans, six ans, par exemple, et que la septième année, il tombe malade et soit recueilli dans un hospice, je pense qu’il ne serait pas juste de ne pas considérer comme son domicile de secours la commune qu’il a habitée pendant sept ans volontairement et dans laquelle il a été placé à l’hospice pendant un an, après un séjour aussi longtemps prolongé. Il a manifesté l’intention de changer son lieu d’habitation ; cette intention, il l’a manifestée par un long séjour ; rien n’indique que cette intention aurait changé, rien n’indique que pendant l’année qui restait encore à courir, il aurait quitté la commune où il avait séjourné sept ans ; rien n’indique qu’il n’aurait pas continué volontairement à habiter la commune dans laquelle son état de maladie l’a fixé. Je ne vois guère de motifs pour le laisser à la charge de la commune de l’ancien domicile de secours, parce qu’il est malade au bout de quelques années. Je crois plus conforme au principe de la loi, de dire que, dans ce cas, il aura acquis le domicile de secours dans la commune où il aura manifesté son intention de fixer son habitation. C’est le motif qui m’a fait présenter mon amendement. Cet amendement doit être admis, si on maintient le principe que l’état d’indigence n’empêche pas l’acquisition d’un nouveau domicile de secours.
M. Van Cutsem – Messieurs, le projet de loi qui est soumis à nos délibérations admet, comme toutes les lois qui ont régi jusqu’à ce jour la matière du domicile de secours, que le lieu de naissance est la localité où chaque individu a droit à se faire secourir par ses concitoyens ; comme toutes les lois encore qui ont précédé le projet que nous discutons, le projet pose une exception à cette base, en permettant de remplacer ce domicile par une habitation continue pendant huit ans dans une commune autre que celle où le nécessiteux a reçu le jour.
En face de ce projet, je commencerai, messieurs, par vous dire que je donne mon approbation à ce terme de huit ans qui double la durée de celui exigé par la loi du 28 novembre 1818 pour acquérir un domicile autre que celui que donne la naissance, parce que, d’après moi, il mettra des entraves à une partie des fraudes qui se commettent actuellement pour acquérir des domiciles de secours pour certaines personnes dans des communes où elles n’en obtiendraient pas, si les communes qui doivent ces mêmes secours ne payaient pendant quatre ans, dans celles qui finissent par les devoir à l’aide de ce stratagème, des loyers et autres dépenses qu’elles pourront bien acquitter pendant quatre ans, sans pouvoir les solder pendant huit ans ; je donnerai encore mon assentiment à ce terme de huit ans, parce qu’il sera souvent cause qu’on devra assigner au pauvre son lieu de naissance pour domicile de secours, à défaut de pouvoir établir facilement qu’il a séjourné pendant huit années consécutives dans une autre commune que celle où il a reçu la naissance, et que, de cette manière, on se rapprochera de plus en plus de la base fondamentale du domicile de secours, le lieu de naissance.
Quant à moi, je suis tellement convaincu que le lieu de naissance devrait être le seul lieu du domicile de secours, que, si je ne craignais qu’un amendement ayant pour but de supprimer toute exception à ce principe ne serait pas accueilli par la majorité de cette chambre, je m’empresserais de vous le soumettre ; mais cette proposition n’ayant pas de chances de succès, je me bornerai à appuyer le terme de huit années consécutives d’habitation dans une localité pour acquérir un domicile de secours. La loi du 28 novembre 1818 voulait que le nécessiteux, pour avoir droit au domicile de secours, eût payé, pendant le temps de son habitation dans une commune autre que celle où il était né, toutes les contributions qui lui avaient été imposées. La loi du 24 vendémiaire an II déterminait le mode par lequel le domicile de secours, autre que celui de la naissance, se constatait ; cette même loi permettait aussi aux communes de refuser aux vagabonds ou gens sans aveu leur inscription sur les registres de population d’une commune, et n’ordonnait l’inscription des personnes qui se présentaient à elles avec un passe-port en due forme et avec un certificat qui leur faisait connaître leur domicile antérieur. En méditant sur le contenu de ces deux lois, je crois qu’il serait équitable d’insérer dans la loi que nous faisons, qu’outre l’obligation d’habiter pendant huit années dans une commune pour y avoir droit au domicile de secours, il faudrait, non pas comme le voulait la loi de 1818, prouver qu’on a payé pendant tout le temps de l’habitation et annuellement les contributions qui étaient imposées, parce que, de cette manière, les communes traiteront plus favorablement celui qui, à l’aide d’un moyen quelconque, parvenait à ne pas se faire imposer, n’était pas en état de payer ; mais on devrait exiger qu’on prouvât que pendant les huit ans on a payé une taxe communale quelconque dans la commune rurale qu’on habite, et pour les villes où les contributions ne sont pas taxées par abonnement, il faudrait exiger qu’on versât cinquante francs dans les caisses de la commune au moment de l’inscription sur les registres de population de la ville où on transfère son domicile.
Si l’on adoptait ces mesures, les communes n’auraient qu’à secourir ceux qui n’étant pas nés dans leur sein auraient fait quelque chose pour elles ; il y aurait alors équité et justice à les mettre en lieu et place de celles où les nécessiteux ont reçu le jour ; sans cela la commune, sans avoir rien reçu d’eux, devra les entretenir eux et leurs enfants, ce qui me paraît contraire à tous les principes d’équité et de justice. En émettant le vœu qu’on insère dans la loi qu’outre l’habitation, de huit années, le nécessiteux devra, pour avoir droit aux secours, prouver qu’il a payé pendant huit ans des taxes communales à la campagne, ou qu’il a payé cinquante francs à la ville où il se rend, au moment de son inscription sur les registres de population, je demande encore que nulle habitation qui ne sera pas établie par une inscription sur les registres de population ne puisse servir à établir l’habitation de huit ans donnant droit aux secours à fournir par le domicile de secours.
Pour éviter qu’un individu qui réclame les droits du domicile de secours ne donne lieu à des embarras pour les administrations communales, je voudrais encore insérer dans la loi que nul ne sera porté sur le registre de population d’une commune qu’en présentant une attestation de l’autorité communale du lieu qu’il quitte ; d’où il résulte qu’il a été rayé du registre de population de cette commune ; en prescrivant cette formalité, les autorités communales ne pourront pas s’étayer sur des inscriptions faites dans différentes communes pour soutenir que la charge de tel nécessiteux ne leur incombe pas plus qu’à telle autre commune où il est aussi inscrit ; (page 32) enfin, en constatant ainsi qu’un homme avait antérieurement un domicile, on n’inscrira pas les vagabonds et les gens sans aveu qui resteront de cette manière à la charge des communes qui leur ont donné le jour.
L’article 3 du projet de loi dit encore que ne sera pas comptée pour temps d’habitation pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour forcé sur le territoire d’une commune des sous-officiers et soldats en service actif, des individus placés ou admis dans un établissement de bienfaisance et des détenus. Il y a, d’après moi, une lacune dans cet article 3, parce que toutes les administrations communales ne placent pas leurs nécessiteux dans des établissements de bienfaisance ou d’aliénés, mais aussi chez des particuliers ; c’est ainsi que nous voyons tous les jours des pauvres de telle commune colloqués chez des particuliers de telle autre commune ; il faudrait donc que l’on dit dans l’article 3 que les individus placés dans des établissements de bienfaisance, des maisons de santé ou chez des particuliers, aux frais de l’autorité communale, n’acquerront pas ainsi un nouveau domicile.
M. de Saegher – Le motif pour lequel on a cru nécessaire de présenter la disposition nouvelle qui est en délibération, ce sont les fraudes commises sous la législation actuelle dans le but de mettre l’entretien des indigents à la charge d’autres communes que celles auxquelles ils appartiennent. Mais, nous l’avons dit, il est très-facile de prescrire des mesures dans le but d’éviter cette fraude.
Pour réfuter ce que nous avons dit, on a soutenu que la nouvelle disposition n’est, en aucune manière, contraire à l’humanité. A cet égard, on a invoqué l’art. 12 du projet. Je crois qu’ici l’on n’a envisagé la question que sous un seul rapport. Il est vrai que lorsqu’un individu doit être secouru par un établissement public, lorsqu’il est placé dans un hôpital ou dans tout autre établissement public, c’est dans le lieu où il se trouve qu’il doit être provisoirement secouru.
Mais il peut arriver que cet individu doive être secouru à domicile, et que ce n’est pas seulement pour cause de maladie qu’il a besoin de secours.
Si, dans ce cas, l’indigent ne reçoit pas de secours de la commune qu’il habite depuis près de huit ans, ce sera souvent en vain qu’il s’adressera à la commune où il est né et où on ne le connaît plus. Je dis donc que la disposition proposée est contraire aux intérêts des indigents et conséquemment de l’humanité.
L’honorable M. Van Cutsem vous a dit qu’il adoptait l’art. 3 du projet, parce qu’il se rapprochait le plus du principe fondamental de la matière, et qu’il restreignait, par conséquent, l’exception. Je crois qu’il est dans l’erreur. Le principe de la loi n’est pas dans le lieu de naissance. La naissance en elle-même est un fait. Ce qui le prouve, c’est l’art. 1er du projet lui-même qui fait exception à l’égard des personnes qui ne naissent que fortuitement dans la commune. Ce n’est pas parce qu’une commune est son lieu de naissance, mais parce qu’il appartient à la commune, que l’indigent a le droit d’y être secouru.
Comment appartient-il à la commune ? Par le domicile. Je dis donc que le fait de la naissance et celui de la résidence ne sont pas de véritables principes, mais des points de départ pour établir une loi équitable.
Je reconnais que, pour autant que de besoin, nous pouvons nous éloigner des principes mêmes du domicile civil, mais y a-t-il nécessité de nous en éloigner ici davantage ? Je répète que, dans mon opinion, cette nécessité n’existe pas ; car s’il y a des fraudes maintenant, il pourra en être commis d’une autre manière. D’ailleurs, la disposition que l’on se propose serait défavorable aux individus en faveur de qui elle est portée.
Le principal motif des réclamations des diverses provinces, ce sont les contestations interminables entre les diverses communes du pays ; en effet, les députations permanentes ont plus à faire pour ces contestations que pour toutes les autres matières à traiter. Eh bien, la nouvelle loi ferait naître plus de difficultés qu’il n’y en a eu jusqu’aujourd’hui. Par suite de la difficulté d’établir un domicile de secours après huit années d’habitation, les contestations seront plus nombreuses qu’elles ne l’ont été jusqu’à ce jour.
M. Savart-Martel – Rien de plus difficile qu’une bonne loi sur la matière sujette ; ce fut longtemps l’écueil du législateur. Par la loi qui vous est soumise, on n’a point espéré sans doute atteindre la perfection, mais établir quelques règles nécessaires pour la direction des administrations ; car il arrive journellement des conflits ; ici aussi il faut éviter l’arbitraire.
Le principe de la loi, c’est que le domicile de secours est celui de la naissance ; mais il était nécessaire de prévoir comment ce domicile pourrait changer.
Dans la section centrale je fus de ceux qui trouvaient trop long le délai de huit années ; mais les fraudes qui nous ont été signalées m’ont forcé à accepter ce délai, d’autant plus que nous n’avons pu trouver d’autres moyens d’éviter ces fraudes.
L’inscription a été loin de nous rassurer, et quant à l’exigence d’une contribution qu’aurait payée celui qui veut acquérir un nouveau domicile, ce serait une chimère ; car les indigents dont nous nous occupons ici, sont supposés par cela même ne pouvoir rien payer.
On nous a fait observer aussi que les administrations pourraient refuser l’inscription à ceux qui ne justifieraient point de leurs moyens d’existence ; mais les moyens du pauvre, c’est son travail… Il serait impolitique, et même injuste, que le travailleur fût entravé à cet égard ; nous lui devons la plus grande liberté.
Dans le département du Nord il existait un arrêté qui ordonnait aux administrations, ou les autorisait, au moins, à refuser l’inscription sur les registres de population à ceux qui, nouvellement arrivés, ne justifiaient point de leurs ressources.
Cet arrêté n’a point régularisé la distribution des secours, il n’a pas produit le bien qu’on pouvait en attendre ; il n’a point évité les fraudes ; il donnait matière au plus odieux arbitraires ; il est tombé, je crois, en désuétude, et ne pourrait être admis en Belgique.
Je pense que le projet de la section centrale doit être adopté.
M. Devaux – Messieurs, je regrette que le projet de loi qui nous occupe ait été mis à l’ordre du jour à si bref délai. J’aurai voulu, pour montrer toute l’étendue du mal auquel nous devons remédier, apporter quelques chiffres devant la chambre, et éviter d’être taxé d’exagération. Mais je devais puiser ces chiffres dans les bureaux de l’administration de la ville de Bruges et de ses établissements de bienfaisance ; la loi ayant été mise à l’ordre du jour avant-hier, le temps a été trop court pour me procurer tous les renseignements.
Messieurs, vous savez, on vient de le répéter plusieurs fois, que d’après l’ancienne législation, on n’acquérait le domicile de secours que sous la condition d’avoir payé les contributions imposées. Vous savez aussi que la législation était d’abord interprétée dans ce sens que ceux qui ne payaient pas de contributions n’acquéraient pas de nouveau domicile de secours, même après une habitation de plusieurs années dans une commune qui n’était pas le lieu de leur naissance.
Mais cette interprétation a été changée ; il a suffi depuis lors d’habiter une ville pendant quatre ans pour y acquérir le droit d’être secouru. Les abus sont devenus très-grands. Il en est un surtout qui intéresse vivement l’ordre public, qui peut réellement avoir les conséquences les plus graves. Les communes qui entourent les villes dans certaines provinces (et cela ne tardera pas à s’étendre à toutes les provinces) payent leurs pauvres pour aller s’établir dans les villes. Ces pauvres y restent, secourus pendant trois ou quatre années par leurs communes, et après les quatre années, ils tombent à charge des villes. Cela existe, messieurs, et cela produit ses fruits depuis plusieurs années ; c’est-à-dire qu’il y a des localités où l’immigration des pauvres est continuelle.
J’aurai voulu vous apporter des chiffres, et vous auriez réellement été effrayés. Qu’il me suffise de dire que, dans la ville de Bruges, qui compte 43,000 à 45,000 âmes, la population des pauvres connus et secourus est près d’atteindre le chiffre de 20,000. Constamment les pauvres nous arrivent des campagnes qui les payent pour venir demeurer dans la ville et y acquérir leur domicile de secours. Il y a toute une organisation dans certaines localités ; il y a des agents des communes, résidant dans les villes, qui rétribuent les pauvres, qui les payent à jour fixe pour qu’ils demeurent dans la ville. Bientôt, si ces abus sont encore tolérés, les communes s’entendront pour avoir leurs locaux dans les villes pour y entretenir leurs pauvres pendant les quatre années, après lesquelles ils tomberont à charge des villes.
Il est inutile de dire ce qu’il y a de dangereux dans cet état de choses pour l’ordre public. Les pauvres refluent de toutes les parties des campagnes pour se concentrer dans les villes et y augmenter cette masse d’hommes sans occupation, toujours si inquiétante pour l’ordre public. Quant à moi, je me promène rarement dans les rues écartées de la ville de Bruges sans être effrayé pour l’avenir de cette agglomération de pauvres. On se demande comment l’ordre public s’y maintient ; et il ne s’y maintient que par la force de l’habitude et par la moralité de la population. Mais cette moralité, il ne faut pas la mettre à trop forte épreuve ; il ne faut pas la mettre à la merci des événements.
Je cite la ville de Bruges, parce que c’est une localité assez importante, et que le mal y est frappant. Dix-neuf à vingt mille pauvres sur 45 mille habitants, sans compter les indigents soutenus par la charité privée ! Et cela dans une ville où il n’existe pas de grande industrie ; où il n’y en a qu’une seule : l’industrie des dentelles, une industrie de femmes. Car ce sont les femmes qui, en grande partie, soutiennent la famille. Vienne un changement qui restreigne le débouché des dentelles, un perfectionnement dans la mécanique qui mette les dentelles à la mécanique au niveau de celles faites à la main ; ou bien un encombrement que plusieurs circonstances peuvent amener, entre autres peut-être la propagation dans les campagnes des écoles dentellières ; mesure inspirée par de très-bonnes intentions, mais qui peut avoir pour effet d’encombrer le marché des dentelles et de livrer les populations de plusieurs villes à une misère à laquelle il sera difficile de trouver des remèdes !
Il est urgent, messieurs, de remédier à ce mal.
Le gouvernement a étendu la durée exigée pour l’acquisition du domicile de secours, de quatre à huit années. Certainement, c’est une amélioration. Si nous avions table rase, si les choses n’étaient pas organisées et les habitudes prises comme elles le sont, cela serait peut-être suffisant. Mais, dans l’état actuel des choses, ce sera insuffisant. Les communes des campagnes, ayant pris l’habitude d’envoyer leurs pauvres dans les villes et de les payer pour y habiter, continueront le même système et les payeront pendant huit ans. Le mal sera peut-être moins grand mais il continuera.
Il aurait donc fallu chercher d’autres moyens. J’en trouve un dans l’amendement de l’honorable M. Deprey. Assurément, messieurs, personne ne veut que les indigents d’une commune passent comme indigents dans une autre commune, pour tomber définitivement à la charge de cette dernière. Tout le monde veut que si une commune est chargée d’entretenir des indigents, ce soient réellement les siens, que ce ne soient pas des indigents qu’une autre commune lui passe, lui impose frauduleusement. Il faut que ce soient réellement (p. 33) des hommes tombés dans la misère par des causes nées dans la commune même.
Dès lors, je ne vois pas pourquoi on n’inscrirait pas dans la loi, comme le propose l’honorable M. Deprey, que les indigents secourus par d’autres communes n’acquerront pas, pendant le temps que dureront ces secours, leur domicile de secours dans la commune où ils ont fixé leur habitation.
Cette garantie, je la regarde encore comme très-faible, parce que la preuve sera très-difficile à faire. Il sera très-difficile à la commune où les pauvres se trouvent, de prouver qu’ils ont reçu des secours d’une autre commune. Cependant ce sera au moins un certain frein ; je crois que la députation provinciale qui aura à apprécier les faits, exercera quelque influence morale sur les communes, que celles-ci craindront que les fraudes ne soient découvertes. Et ainsi, si ce remède n’est pas absolu, si la garantie n’est pas très-efficace, au moins elle produira quelque bien.
Je demanderai donc que l’on adopte, avec le projet du gouvernement, tout au moins l’amendement de l’honorable M. Deprey, si l’on ne veut pas aller plus loin, et, ainsi que le voulaient plusieurs parties de l’ancienne législation qu’on rapporte dans l’exposé des motifs, exiger que, pour être secouru, l’indigent ait payé quelques contributions dans la ville dans d’autres temps, c’est-à-dire qu’il ait été habitant utile de la ville, qu’il ait contribué à ses charges.
M Thyrion, rapporteur – Messieurs, l’honorable M. Deprey s’est élevé avec raison contre les manœuvres pratiquées par certaines communes pour se débarrasser de leurs pauvres. Cet abus a existé, et ce que vient de vous dire l’honorable M. Devaux prouve qu’il existe encore, et que même il a fait des progrès.
La commission centrale en a fait l’objet de ses délibérations ; elle a cherché à trouver le moyen le plus propre à y porter remède. Mais, messieurs, elle n’en a pas trouvé d’autre que l’adoption d’un long délai pour acquérir le nouveau domicile de secours. Elle a pensé que la loi actuelle étant destinée à faire cesser, ou tout au moins à diminuer les nombreuses contestations qui se sont élevées entre les communes ; si l’on admettait un amendement dans le genre de celui de l’honorable M. Deprey, amendement qui consisterait à autoriser la preuve que certaines administrations communales ont fourni des secours à leurs indigents établis dans d’autres communes, on multiplierait les contestations au lieu de les diminuer.
Ainsi, messieurs, la section centrale a pensé que le délai de huit ans pourrait suffire pour parer aux inconvénients, pour empêcher les manœuvres qui ont été signalées ; parce qu’en effet, messieurs, si une commune peut se déterminer à entretenir ailleurs ses indigents pendant quatre ans, ses prévisions n’iront probablement pas assez loin pour se déterminer à les y entretenir pendant les huit années.
L’honorable M. de Saegher pense que le délai de huit ans est trop long. Mais il oublie que c’est précisément pour parer aux manœuvres qui vous ont été signalées, que la section centrale a adopté ce délai et qu’elle n’a trouvé aucun autre moyen d’empêcher ces manœuvres.
Au surplus, messieurs, on reconnaîtra qu’un délai de huit ans n’est pas trop long, lorsqu’il s’agit de mettre à la charge d’une commune l’entretien des pauvres appartenant à d’autres communes. Il y a un motif d’équité qui milite pour faire adopter ce délai.
L’honorable M. Malou repousse l’amendement de M. le ministre : il ne veut pas qu’un individu, placé dans un hospice, après avoir habité une commune pendant un an, puisse acquérir un domicile de secours par un séjour à l’hôpital.
Je demanderai pourquoi un individu demeurant dans une commune et y recevant des secours à domicile, peut cependant acquérir domicile de secours dans cette commune ? Ces cas, messieurs, sont absolument identiques : un individu vient habiter une commune où il y a un hôpital ; il entre dans cet hôpital ; selon l’honorable M. Malou, il ne peut acquérir domicile de secours dans cette commune ; un autre individu arrive dans une commune où il n’y a pas d’hôpital ; il devient infirme, il est secouru à domicile par la commune ; eh bien celui-là pourra acquérir domicile de secours ; je ne vois aucune raison pour établir une semblable distinction ; il faut que ces deux individus soient placés sur la même ligne ; qu’un malheureux ait reçu des secours à domicile ou qu’il ait été secouru dans un hôpital, c’est absolument la même chose ; l’un et l’autre doivent acquérir domicile de secours, ou bien, ni l’un ni l’autre ne doit l’acquérir ; je pense, moi, qu’ils doivent l’acquérir tous les deux, surtout s’ils ont résidé pendant quelques temps dans la commune sans avoir besoin de secours.
L’honorable M. Van Cutsem a pensé que l’habitation devant donner droit au domicile de secours ne devait commencer qu’à partir de l’inscription de l’individu sur les registres de la commune.
Cette question, messieurs, a aussi fait l’objet des délibérations de la section centrale, mais il a été reconnu que les communes, lorsqu’elles craindraient de voir arriver chez elle trop d’indigents, ne feraient pas l’inscription de manière qu’un individu pourrait avoir habité dans une commune pendant 5, 8, 10 années sans cependant y avoir acquis domicile de secours et cela par suite de la mauvaise volonté de l’administration communale, qui n’aurai pas effectué l’inscription.
Je crois, messieurs, que ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’adopter l’art. 3 tel qu’il est rédigé dans le projet du gouvernement, avec l’amendement proposé aujourd’hui par M. le ministre de la justice.
M. Van Cutsem – L’honorable rapporteur de la section centrale vient de nous dire qu’il est impossible de mentionner dans la loi la formalité de l’inscription sur le registre de population de toute personne qui voudra s’établir dans une commune, parce que les autorités communales, dans la prévision que l’homme qui viendrait pour se faire inscrire, pouvant être un jour dans le besoin et devenant par là une charge pour la commune, se refuseraient à cette inscription pour éloigner cet étranger de leur localité. Le moyen que l’honorable rapporteur met en avant pour combattre ma proposition pourrait avoir quelque fondement, s’il n’était pas possible de rappeler l’autorité communale à l’accomplissement de ses devoirs, si cette autorité jugeait en dernier ressort ; mais, comme celui auquel on refuserait justice, pourrait se plaindre et au commissaire d’arrondissement et au gouverneur, fonctionnaires qui demanderaient compte à l’autorité communale de sa conduite ; je ne crains pas qu’une seule autorité communale se permette de refuser cette inscription, d’où la conséquence encore pour moi, que si l’on ne peut pas alléguer d’autres motifs pour combattre l’inscription que je réclame, elle devra avoir lieu pour servir de point de départ à toute enquête administrative qui sera faite pour établir l’habitation pendant huit années consécutives de tout homme qui réclamera les droits du domicile de secours dans une commune ; sans cette inscription, vous allez encore augmenter la besogne déjà si forte d’une des classes les plus intéressantes de l’administration communale, je veux parler des secrétaires communaux, dont les travaux sont quadruplés depuis 1830, sans qu’ils aient vu augmenter d’un centime des appointements inférieurs, dans la plupart des communes, à ceux des gardes-champêtres. Lors de la discussion du budget de l’intérieur, j’appellerai l’attention du ministre de ce département sur la position anormale de ces fonctionnaires.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – On paraît assez généralement d’accord, messieurs, qu’il faut augmenter le délai de 4 ans établi par la loi de 1818 pour acquérir un nouveau domicile de secours. Les inconvénients de l’état actuel des choses ont été signalés par différents orateurs ; ils ont été signalées notamment avec une grande vérité par l’honorable M. Devaux. L’honorable M. Van Cutsem adopte le chiffre de 8 années, mai il voudrait que, pour acquérir au bout de ces 8 années un nouveau domicile de secours, l’individu dût aussi payer quelques contributions. Je répondrai à l’honorable membre que le payement de contributions est précisément le plus grand vice qui a été reconnu dans la loi de 1818 ; c’est précisément cette disposition de la loi qui a donné lieu au plus grand nombre d’abus, au plus grand nombre de fraudes ; il est donc impossible de songer à maintenir ce principe du payement de contributions.
Je crois qu’il est inutile de signaler à la chambre les fraudes nombreuses qui avaient lieu à l’occasion du payement des contributions ; cela se trouve indiqué dans les différents rapports des députations permanentes, imprimés à la suite du projet de loi. Du reste, l’honorable M. Van Cutsem a reconnu lui-même que l’application de ce principe serait difficile et même injuste, puisque dans les villes il n’existe point d’impôts communaux frappant individuellement les habitants, tandis que, dans les communes rurales, il y a une capitation ; de sorte qu’il y a, sous ce rapport, une différence notable entre ce qui résulterait de la loi dans les villes et ce qui en résulterait dans les campagnes.
L’honorable membre a indiqué un autre moyen : ce serait que l’individu arrivant dans une commune dût verser une certaine somme dans la caisse communale. Eh bien, messieurs, cela a déjà existé en Belgique, à une époque très-reculée ; cette obligation était écrite dans un règlement du 6 juin 1750, d’après lequel un individu, pour pouvoir acquérir domicile de secours dans une commune devait, en arrivant, verser une somme de 150 florins dans la caisse communale ; or, cet état de choses n’a pas été maintenu par la loi de l’an II, ni rétabli par la loi de 1818, parce que l’on a senti que cela n’était pas juste. On a senti qu’il n’était pas juste d’obliger un individu arrivant dans une commune, à verser une somme quelconque pour obtenir ultérieurement un droit à charge de cette commune à la suite d’une habitation pendant un certain nombre d’années. Il me paraît donc qu’il est absolument impossible de revenir à cet état de choses qui a été condamné par toutes les lois qui se sont succédé depuis 1790, et donc les abus ont été reconnus et signalés à différentes époques.
L’honorable M. Van Cutsem a proposé également d’exiger l’inscription des individus qui se rendraient dans une nouvelle commune, et de faire dépendre de cette inscription l’acquisition d’un nouveau domicile de secours. Eh bien, messieurs, d’abord par le motif qu’a fait valoir l’honorable rapporteur de la section centrale, et par d’autres motifs encore, ce système me paraît inadmissible. Il me paraît impossible de faire dépendre l’acquisition ou la non-acquisition d’un domicile de secours non-seulement de la négligence des autorités communales, mais même de la négligence de l’individu qui se rend d’un commune dans une autre.
Le fait auquel la loi a eu et a dû avoir des égards, c’est uniquement l’habitation et les avantages que la commune a pu retirer de cette habitation ; or,ces avantages sont absolument les mêmes, qu’il y ait eu ou qu’il n’y ait pas eu inscription ; il faut donc uniquement s’en rapporter au fait de l’habitation, et le délai doit commencer à courir du jour où ce fait a été posé.
M. Van Cutsem – Ferez-vous une enquête pour établir quand l’habitation a commencé ?
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Mais il faudrait également une enquête s’il y avait inscription, car l’inscription seule ne peut pas suffire ; il faudrait donc constater si l’habitation a été réelle, à moins que l’honorable membre ne soutienne, ce que je ne pense pas qu’il fasse, que l’inscription peut dispenser de l’habitation.
Malgré les nouveaux motifs présentés par l’honorable M. Devaux à propos de l’amendement de M. Deprey, il m’est impossible d’admettre cet amendement ; malgré les inconvénients réels qu’il a pour but d’empêcher, (page 34) tel qu’il est formulé, il conduit, je le répète, à des conséquences inadmissibles. Un individu qui arrive dans une ville, y demeure pendant quelques années sans recevoir aucun secours, mais au bout de ce temps, des secours momentanés lui sont nécessaires et lui sont donnés. Cette nécessité cesse peu après, et on viendra dire que cet individu doit recommencer un nouveau terme de 8 années pour acquérir domicile de secours dans cette ville, et pourtant cet individu aura, pendant tout le temps antérieur à son état d’indigence, contribué aux charges publiques dans la commune qu’il a choisie pour son habitation ! Il est impossible d’admettre un semblable système, évidemment injuste, et dès lors l’amendement de M. Deprey ne peut pas être accueilli. Il ne faut pas qu’une commune vers la fin de huit années, puisse, en donnant des secours, anéantir l’effet de l’habitation antérieure.
Pourrait-on admettre que le temps sera interrompu aussi longtemps que des secours seront accordés ? Cela paraît contraire au principe de la loi qui exige 8 années d’habitation. Dans tous les cas, ce serait un système nouveau. Il me paraît donc, je le répète, impossible d’admettre l’amendement de M. Deprey, qui, dans certains cas, entraînerait une véritable injustice, une véritable anomalie.
Je pense que, dès l’instant où un individu arrive volontairement dans une commune, dès l’instant où, par le temps qu’il y a passé, il est censé en être devenu l’habitant, je pense alors que, soit qu’il reçoive des secours de la commune, soit qu’il entre dans un hospice, il est juste que cette personne acquière un nouveau domicile de secours dans la commune où il avait manifesté d’une manière formelle l’intention d’établir son habitation.
Il n’y a pas de différence à faire entre le cas où un individu est recueilli dans un hospice et celui où il reçoit des secours à domicile ; dans les deux cas, l’état d’indigence est constaté ; cet état d’indigence empêche-t-il l’acquisition d’un nouveau domicile ? Là est toute la question.
Un mot encore, quant à l’application des huit années qu’exige la loi. On semble redouter que ces huit années engendrent de nombreuses difficultés ; je pense, au contraire, que ce délai fera disparaître les difficultés qui existent maintenant. Car, quel sera le principe qui dominera ? Ce sera presque toujours le principe du domicile de naissance, parce que les indigents ont une existence plus ou moins nomade, et ne résident pas souvent pendant huit années dans une même commune ; de manière que cette circonstance n’existant que rarement, le principe fondamental de la loi, le principe du domicile de naissance prévaudra ; c’est toujours à la commune du domicile de naissance qu’il faudra s’adresser, et il appartiendra à cette commune d’établir la preuve des exceptions qui la dégagent des obligations que la loi impose.
M. de Haerne – Le délai de 8 ans doit avoir pour résultat de mettre un grand frein aux fraudes qui sont trop réelles. Ces émigrations frauduleuses, encouragées par certaines autorités locales, ont lieu dans plusieurs provinces, et notamment dans la Flandre occidentale, comme l’a dit l’honorable M. Devaux, quant au chef-lieu de cette province. Cette lèpre existe dans d’autres villes encore et même dans des villages. Je plaide ici dans l’intérêt des campagnes elles-mêmes. Je soutiens qu’il est de l’intérêt de certaines communes, vis-à-vis de communes limitrophes, de pouvoir invoquer le principe d’un prolongement de délai. Il suffit que les pauvres d’un village sachent qu’il y a plus d’espoir d’obtenir des secours dans un village voisin, pour qu’ils y affluent.
Je crois qu’un délai de 8 ans n’est pas trop long. Mais la question est de savoir si ce moyen sera efficace. L’honorable M. Devaux semble le révoquer en doute, et je crois avec lui que, s’il existe d’autres moyens plus opérants, nous devons chercher à les employer, pour faire cesser d’aussi graves abus.
Ici se présente l’amendement de l’honorable M. Deprey. Je me demande si cet amendement est exécutable. L’honorable M. Devaux a répondu aux objections que je m’étais faites moi-même en entendant la lecture de cet amendement ; il a dit que ce serait toujours un certain frein, que les députations permanentes exerceront toujours une certaine influence sur les communes par l’autorité morale qu’elles possèdent, et que dès lors elles imposeront aussi un frein moral à ces communes, pour empêcher les abus dont on se plaint.
L’amendement de l’honorable M. Deprey, a dit M. le ministre de la justice, pourrait consacrer une grave injustice ; il suffirait que des secours fussent donnés, la septième année, par une commune à une personne qui réside dans une autre commune, pour annuler les droits acquis par le séjour de cette personne a fait les années précédentes dans cette commune.
Ce serait là, en effet, une véritable injustice. Mais n’y aurait-il pas moyen de proposer à l’amendement de M. Deprey un sous-amendement par lequel on dirait qu’on défalquerait l’année pendant laquelle des secours auraient été donnés dans une autre commune ? L’injustice n’existerait plus, ou du moins ne serait plus criante ; mais, en tout cas, je crois que le délai de huit années est une nécessité que nous devons consacrer par la loi. Il s’agit ici d’une question de moralité. On a invoqué les principes de l’humanité contre la disposition que je défends ; je pourrais opposer à ces membres une question de moralité. Vous n’ignorez pas, messieurs, que ces émigrations d’ouvriers d’une commune dans une autre rompent pour ainsi dire la vie de famille. Ces pauvres sont étrangers à la localité où ils se trouvent, lorsqu’ils ont changé de domicile. Cela fait qu’ils ne participent pas aux aumônes qui sont données par les voisins, parce qu’ils ne sont pas connus dans les nouvelles localités où ils se rendent. De là résultent les inconvénients les plus graves, une véritable immoralité, et je crois que le principe consacré dans l’art. 3 n’est pas exagéré. J’ai dit.
M. Malou – Messieurs, je dirai encore quelques mots sur l’amendement présenté par M. le ministre de la justice, et qui a été appuyé par le rapporteur de la section centrale.
La loi s’attache à l’habitation ; nous sommes d’accord sur ce principe. Mais à quelle habitation la loi s’attache-t-elle ? Est-ce l’habitation d’une seule année ou à l’habitation de 8 années ?
Si elle s’attache à l’habitation de 8 années, pourquoi ne pas maintenir ce principe intact dans tous les cas ? Et voyez quelle sera la conséquence de cette infraction : vous allez immédiatement ôter à toutes les institutions spéciales qui existent dans le pays leur caractère d’utilité générale.
Il est facile de le prouver. Nous avons une ville et une commune, pour prendre un exemple, où les aliénés sont spécialement traités : Bruges et Gheel. Quelle est la conséquence de l’amendement ? C’est que l’individu aliéné établi à Bruges depuis une année ne sera pas conservé dans les institutions spéciales de Bruges, parce qu’autrement il acquerrait, par son séjour même, domicile à charge de la commune. Il est évident, dès lors, que l’intérêt de la ville de Bruges sera de renvoyer cet aliéné dans sa commune.
Ce que je dis de ces institutions, je puis le dire de toutes les institutions de bienfaisance. Ainsi, il n’existe guère d’hôpitaux que dans les villes ; or, les villes refuseront de recevoir ou de conserver les indigents qui ont résidé une année seulement chez elles, ces indigents devant acquérir des droits pour la continuité de leur séjour. Ainsi, l’amendement va directement contre l’intérêt des indigents.
Il ne faut pas dévier de ce principe, c’est une habitation de huit années, et non pas d’une seule année, qui transfère les obligations résultant du domicile de naissance.
On dit qu’après une année, on peut présumer une habitation continue de huit ans. Evidemment cette présomption ne peut être consacrée par la loi. je concevrais qu’après sept années, on présumât la huitième année. Il s’agit donc d’une infraction qui détruit par sa base le principe de la loi, et c’est pour ce motif que je me suis permis d’insister contre cette exception.
M. Devaux – M. le ministre de la justice a fait quelques observations sur l’amendement de l’honorable M. Deprey. Elles consistent à dire, d’abord, que l’amendement serait injuste, et en second lieu qu’ils auraient un résultat contraire à l’intention qui a dicté la loi, relativement au délai de 8 années.
M. le ministre de la justice trouve injuste que, si une autre commune accorde la septième année un secours, le temps d’habitation légale soit interrompu ; la commune n’accordera pas de secours.
Je dis en premier lieu que l’intérêt du pauvre n’est pas en cause ici, parce que la loi y a pourvu : le pauvre sera secouru de toute manière ; reste à régler qui payera.
L’honorable M. Deprey n’a pas, je pense, l’intention de faire recommencer les années d’habitation, s’il intervient un secours d’une commune étrangère, mais seulement de défalquer l’année pendant laquelle le pauvre aura reçu les secours d’une autre commune ; en un mot de suivre le principe que M. le ministre de la justice lui-même a posé dans le second § de l’art. 3 de son projet, où il dit :
« Ne sera pas comptée comme temps d’habitation pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour sur le territoire d’une commune, etc. »
On agira de la même manière ; les années pendant lesquelles le pauvre aura reçu des secours d’une autre commune seront défalqués.
Messieurs, on a cité un inconvénient ; on a prétendu qu’il naîtrait de là de nouvelles contestations entre les villes et les communes. En supposant la réalité de cet inconvénient, en supposant quelques contestations de plus, ce serait là uniquement un inconvénient pour les bureaux, un inconvénient administratif ; mais je demande si cet inconvénient peut être mis en balance avec le danger qu’il y a à agglomérer la masse des pauvres dans les villes.
Je demande si ces deux inconvénients peuvent être mis en balance. En réalité, je croyais soutenir un intérêt gouvernemental. c’est même un intérêt très-grave, j’en préviens le gouvernement. Une ville de 45,000 habitants qui compte 20,000 pauvres n’est pas dans une situation normale. C’est une situation dangereuse sur laquelle le gouvernement doit veiller. Quand on implore pour son salut un moyen dont les inconvénients sont à peu près nuls, le gouvernement devrait s’empresser de l’accueillir, il ne devrait même pas se contenter de cela, il devrait aller au-devant de ce qu’on lui demande, car ce n’est pas de l’intérêt de la localité seule qu’il s’agit ici, mais de l’avenir du pays. C’est quelque chose d’effrayant qu’une population de 45,000 âmes au milieu de laquelle se trouvent 20,000 pauvres.
Qu’on amende si l’on veut la proposition de M. Deprey dans le sens que je viens d’indiquer. Il suffit de dire que les années pendant lesquelles des secours auront été donnés par l’ancien domicile de secours seront décomptées. Ce n’est pas une grande garantie ; mais puisqu’on n’en propose pas d’autre, je pense qu’on doit l’admettre. Je supplie la chambre d’y songer sérieusement et de tâcher de faire cesser cet état de chose anormal auquel il faut absolument porter remède.
- La discussion est close.
L’amendement de M. Saegher, qui propose de remplacer l’habitation pendant 8 années par l’habitation pendant 4 années, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. Devaux – J’ai à proposer une nouvelle rédaction de l’amendement de M. Deprey.
(page 35) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je demande que l’on veuille suspendre le vote sur l’art. 3, je proposerai pour demain une rédaction qui combinera les principes que j’ai soutenus avec les observations présentées par l’honorable M. Devaux
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 4 ½ heures.
(Lettre de M. T. Jonet dont la chambre a ordonné l’insertion au Moniteur).
A Messieurs les Membres de la Chambre des représentants.
Messieurs,
Demain doit commencer la discussion du projet de loi relatif aux traitements des membres de l’ordre judiciaire ; je me proposais d’y prendre part, mais une blessure à la jambe, qui me retient chez moi depuis bientôt six semaines, ne me permet pas de me rendre à la chambre.
Cependant j’avais des observations que je crois importantes à faire, et si vous ne vous y opposez pas, je vous dirai en peu de mots, ici, sur quoi elles auraient plus particulièrement porté.
D’abord, je voudrais que l’on mît en regard et la cour de cassation, et les cours d’appel, et la haute cour militaire, et le conseil des mines, et les divers tribunaux de première instance, pour établir entre tous ces corps une juste distribution rémunératoire de leurs services respectifs.
La cour de cassation, qui occupe le premier rang dans ce tableau, doit nécessairement être la mieux rétribuée.
Mais, je dois le dire, je n’ai jamais compris pourquoi la haute cour militaire avait le pas sur les cours d’appel, ni pourquoi ses membres (jurisconsultes) étaient mieux payés que les membres de ces dernières cours. La lettre d’un magistrat, que je trouve dans l’Observateur du 26-27 septembre dernier, n° 286-287, et dont je joins une copie à cette note, me paraît propre à établir que l’on s’est complètement trompé sur l’importance respective de ces deux institutions. Je demanderais donc le redressement de cette erreur, et la loi dont vous allez vous occuper me paraît être une occasion favorable pour cela.
Cette première réclamation faite, voilà comment je pense qu’il conviendrait de régler la positon des magistrats qui composent les cours d’appel.
Pour tout esprit non prévenu, il est évident que les cours d’appel sont à la cour de cassation ce que les tribunaux de première instance de première classe sont aux cours d’appel. Les cours d’appel constituent ainsi le juste milieu entre la cour suprême et les tribunaux inférieurs civils et correctionnels.
Si cela est vrai, et je crois qu’on ne peut pas sérieusement le contester, pourquoi les traitements de ces divers magistrats ne sont-ils pas comme deux est à trois et trois est à quatre ? Je m’explique ; maintenant les juges des tribunaux de Bruxelles, d’Anvers, de Gand et de Liége reçoivent, eux, chacun un traitement de 9,000 francs, et les conseillers des cours d’appel, placés au centre de cette hiérarchie, ne reçoivent que 5,000 francs ; tandis que, pour être juste, et maintenir une égalité proportionnelle, on devrait leur assigner une somme de 6,100 francs.
Je ne sais pas quelle somme la chambre allouera, par la loi nouvelle, ni aux juges des tribunaux de première instance de première classe, ni aux conseillers de la cour de cassation ; mais quelle qu’elle soit, il convient que l’on alloue aux conseillers des cours d’appel une somme égale à celle qui sera allouée aux juges des tribunaux dont nous venons de parler, augmentée d’une somme égale à la moitié de la différence qui existera entre le traitement de ces juges et celui d’un conseiller de la cour suprême. Ainsi, si l’on donnait aux uns cinq et aux autres dix, le terme moyen pour les conseillers des cour d’appel serait sept et demi. Si l’on donne aux premiers 4 et aux seconds 9, le terme moyen pour les derniers serait 6 ½ ; et ainsi de suite.
Qu’on ne dise pas que les cours d’appel sont à une plus grande distance de la cour de cassation, qu’elles ne le sont des tribunaux de première instance ; car ce serait une hérésie qui ne serait justifiée par rien, et qu’il serait facile de combattre.
Les cours d’appel jugent toutes les affaires civiles, commerciales, criminelles et correctionnelles en fait et en droit ; la cour de cassation, elle, ne les juge qu’en droit seulement. Quant les cours d’appel ont jugé une affaire en fait, leurs arrêts sont définitifs et souverains, et ne peuvent être ni réformés ni cassés par la cour suprême. Le pays a donc intérêt à avoir de bonnes et fortes cours d’appel, puisque, dans un grand nombre de cas, il n’y a aucun recours contre leurs décisions.
Vainement dirait-on encore qu’il faut rétribuer, au delà de la proportion ci-dessus établie, les conseillers de la cour de cassation, afin que cette cour puisse attirer dans son sein les meilleurs jurisconsultes du pays ; car ce motif milite autant pour les cours d’appel que pour la cour de cassation. Je désire, comme tout le monde, que la cour suprême soit fortement composée, mais je désire aussi que les cours d’appel ne soient point sacrifiées.
C’est dans les cours d’appel que la cour de cassation se recrute habituellement, comme c’est dans les tribunaux de première instance et dans le barreau que les cours d’appel ont l’habitude de prendre leurs candidats. Plus les cours d’appel seront fortes, plus la cour de cassation aura de facilités pour se recomposer, quand il lui manquera un ou plusieurs membres. Or, si on ne donne pas aux cours d’appel le moyen de s’attacher et les meilleurs juges des tribunaux, qui souvent ne veulent pas se déplacer pour une légère augmentation de traitement, et les avocats vieillis au barreau, les cours d’appel en souffriront, et par suite la cour de cassation aussi.
C’est donc au nom des intérêts de tous les Belges qui ont le malheur d’avoir des procès que je demande que l’on donne aux cours d’appel ce qui leur revient, et ce que le pays ne peut pas leur refuser, sans compromettre une juridiction importante et nécessaire.
Jusqu’ici je n’ai parlé que des juges et des conseillers, et je n’ai encore rien dit des présidents et des chefs des parquets.
Ces présidents et ces chefs doivent évidemment être mieux rétribués que les membres des corps à la tête desquels ils sont placés. Cela leur est dû, et pour leur donner plus de considération, et, je dois le dire aussi, pour leur donner quelques moyens de représentation, quand l’occasion se présente.
Ainsi, incontestablement, le premier président et le procureur général de la cour de cassation doivent avoir le plus. Viennent ensuite les présidents de chambre de la même cour et les conseillers.
Cependant il me semble que l’on ne fait pas assez pour les premiers présidents et les procureurs généraux des cours d’appel, et surtout de celle de Bruxelles, siège du gouvernement. Jusqu’ici ces chefs de corps, obligés de voir et de recevoir, n’ont joui que d’un traitement égal à celui d’un conseiller de la cour de cassation. Cela ne me paraît pas assez ; car pour retenir ces messieurs à leurs postes le plus longtemps possible, et pour les indemniser des dépenses forcées que, dans la capitale, nommément, ils doivent faire souvent, je serais disposé à leur assigner un traitement égal à celui d’un président de chambre de la cour de cassation.
Je me suis déjà expliqué sur le traitement d’un conseiller de cours d’appel ; je renvois donc à ce que j’ai dit à cet égard plus haut. Cependant je ferai observer ici que ce traitement ne peut jamais être moindre que celui d’un conseiller des mines, s’il ne doit pas être supérieur ; je penche pour cette dernière opinion, puisqu’en fait les cours d’appel ont le pas sur ce conseil.
Cela fait, je voudrais améliorer la position des présidents et des procureurs du roi des tribunaux de première instance de première classe ; eux aussi ils doivent rester à leur siège le plus longtemps possible, et eux aussi, à Bruxelles spécialement, ils ont des frais des représentation à supporter. Je pense donc qu’on pourrait leur accorder le même traitement que celui que l’on accorde aux présidents des chambres des cours d’appel, ou à peu près.
Quant à ceux-ci, jusqu’ici on leur a alloué le traitement d’un conseiller, augmenté d’un quart. Sans motif aucun, tous les projets soumis à la chambre s’écartent de cette règle ; mais au nom de mes collègues de Gand, de Liége et de Bruxelles, je demande qu’elle soit rétablie ; et pour qu’on ne me dise pas que c’est pour moi personnellement que je parle, je consens que l’on me prive de ce léger avantage que ma réclamation collective pourrait me donner. Veuillez bien vous le persuader, messieurs, ce n’est pas comme homme privé que j’écris, mais c’est comme député, et comme représentant de la nation.
Pour ce qui est des avocats généraux de la cour de cassation, je pense que leurs traitements doivent être plus élevés que ceux des conseillers de la même cour ; d’abord, parce qu’ils ont une plus grande besogne, et ensuite, quand ils sont bons, il convient de les retenir à leur siège aussi longtemps que la chose est possible. L’égalité de traitement a prouvé qu’en général ces messieurs aiment mieux un place inamovible qu’une place révocable.
Je ne vois point de motif pour avoir près de chaque cour d’appel un premier avocat général mieux rétribué que les autres avocats généraux nommés près des mêmes cours ; tous devraient être placés sur la même ligne ; en conséquence le traitement de l’un devrait être le traitement des autres.
J’appuie sans réserve les augmentations proposées pour les juges de paix et pour tous les membres des tribunaux de première instance ; la magistrature a besoin de se fortifier là comme ailleurs ; et si on la rétribue mieux, on peut espérer de pouvoir y introduire et des avocats renommés, et des jeunes docteurs qui ont suivi leurs examens avec grande et même avec la plus grande distinction. Avec les traitements actuels, on ne peut guère y compter.
Voilà, messieurs, quelques idées que j’ai cru devoir vous soumettre, mais que je n’ai pas le temps de développer. Je les abandonne donc à votre sagesse, espérant que vous ne les repousserez pas sans examen.
Recevez, messieurs, l’assurance de ma haute estime et de ma considération la plus distinguée.
T. Jonet