(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1) Comme les années précédentes, un trône surmonté d’un dais remplace la tribune et le bureau du président.
Des sièges placés dans l’enceinte même de la chambre, derrière les bancs des représentants, sont occupés par des dames admises dans les tribunes publiques et réservées.
La tribune diplomatique est occupée par le nonce du pape, Mgr Pecci ; MM. le marquis de Rumigny, ambassadeur de France et ses secrétaires ; le baron d’Arnim, ministre de Prusse ; de Rochussen, ministre des Pays-Bas ; le chevalier Coopman, chargé d’affaires du Danemark ; le comte Colombi, chargé d’affaires d’Espagne ; le chevalier de Peruzzi, chargé d’affaires de Toscane à Paris et en Belgique, et M. de Handel, chargé d’affaires d’Autriche.
Tous les ministres sont à leur banc. MM. les ministres des affaires étrangères et de la guerre portent l’uniforme d’officier-général ; les autres ministres sont en habit de ville.
M. le comte de Quarré en sa qualité de doyen d’âge du sénat, préside les deux chambres réunies. MM. Pirson et Dedecker, comme les moins âgés des membres présents de la chambre des représentants, l’assistent en qualité de secrétaires.
M. le président annonce aux chambres que M. le grand-maréchal du palais l’informe que S. M. la Reine assistera à la séance.
M. le président tire au sort les grandes députations chargées de recevoir LL. MM. le Roi et la Reine.
La députation chargée de recevoir le Roi se compose, pour le Sénat, de MM. le baron de Schiervel, marquis de Rodes, vicomte de Rouveroy, baron d’Hoogvorst, baron de Pélichy van Huerne et Gustave de Jonghe ; et, pour la chambre des représentants, de MM. Vilain XIIII, Lesoinne, Savart,, Desmaisières, d’Hoffschmidt, Pirmez, de Chimay, Manilius, Lebeau, Orts, de Tornaco.
La députation chargée de recevoir la Reine se compose, pour le sénat, de MM. le comte de Ribaucourt et baron de Peuthy, et pour la chambre des représentants, de MM. de la Coste, de Renesse, Osy et Dolez.
A une heure moins cinq minutes, la Reine et LL. AA. RR. le Duc de Brabant et le Comte de Flandre viennent prendre place dans la tribune au-dessus du couloir de droite ; S. M. et LL. AA. RR. sont saluées par des applaudissements.
A une heure, une salve d’artillerie annonce que le Roi est sorti du palais. S.M. arrive au palais de la Chambre, où elle est reçue par la députation des deux chambres, accompagnée des questeurs.
Le Roi entre dans la salle ; il porte l’uniforme d’officier-général de la garde civique et le grand-cordon de son ordre ; il est précédé de la députation des deux chambres et accompagné des personnes composant sa maison militaire et des officiers-généraux présents à Bruxelles. L’assemblée et les assistants se lèvent, saluent sa Majesté par des applaudissements et par des cris de Vive le Roi !
Le Roi salue à plusieurs reprises l’assemblée, s’assied, se couvre, et prononce le discours suivant :
« Messieurs,
« J’ai devancé l’époque ordinaire de votre réunion. J’ai voulu vous mettre à même de voter les budgets avant le commencement de l’année à laquelle ils s’appliquent, et de compléter l’examen de plusieurs projets de loi dont vous êtes restés saisis.
« Vous vous assemblez au milieu de circonstances heureuses. Je ne puis que me féliciter des sentiments de cordialité et de confiance réciproques qui président à nos rapports avec les diverses Puissances.
« Vous avez statué dans la saison précédente, sur les conclusions de la commission d’enquête instituée il y a quatre ans ; la loi que vous avez votée occupera une place importante dans notre législation nationale.
« Les réclamations industrielles que vous avez renvoyées au gouvernement ont été l’objet de ma plus sérieuse attention. J’ai fait droit à quelques-unes d’entre elles ; les mesures que j’ai cru devoir prendre vous seront soumises ; je ne doute point qu’elles n’obtiennent votre approbation.
« A l’aide de la politique commerciale que vous avez sanctionnée, j’ai conclu avec les Etats de l’association allemande des douanes un traité de navigation et de commerce qui assure nos intérêts mutuels. L’examen de ce traité fera l’objet de vos premières délibérations.
« Par une convention récente, les communications par la voie des postes entre la Belgique et la Grande-Bretagne ont été réglées (page 2) sur des bases plus étendues et plus favorables au commerce. Le port des lettres a été réduit et des avantages spéciaux ont été stipulés pour l’expédition des correspondances étrangères.
« Un système d’entrepôt large et libéral, combiné avec de nouvelles facilités de transit serait de nature à concourir au développement de nos rapports internationaux : un projet de loi, ayant ce but, vous sera présenté. Il restera encore à prendre en considération d’autres mesures propres à multiplier nos relations et nos exportations lointaines.
« Les résultats de la récolte, un instant menacée, ont été satisfaisants ; aucune mesure exceptionnelle ne paraît nécessaire. Les conseils provinciaux ont continué de s’occuper des moyens d’aménager le défrichement des parties incultes de notre territoire ; il sera bientôt possible de déterminer quelle sera l’assistance à demander au pouvoir législatif.
« Des améliorations ont été apportées au cours de la Meuse : le Gouvernement se propose d’en introduire successivement dans le régime des autres rivières du pays.
« Les travaux importants entrepris dans la Campine et dans les Flandres se poursuivent avec activité.
« L’augmentation du mouvement des transports sur le chemin de fer et la progression du chiffre des recettes ont dépassé les prévisions. Cette situation pourrait devenir plus prospère encore en perfectionnant les conditions d’exploitation que l’état incomplet des lignes et des stations rend difficile et coûteuse.
« Il devient urgent de s’occuper de la réorganisation des transports en dehors du chemin de fer.
« Il vous a été présenté une loi relative au traitement des membres de l’ordre judiciaire. L’état de nos finances vous permettra de ne plus ajourner la discussion de cette loi, dont vous reconnaîtrez avec moi la convenance.
« Le régime des prisons a subi déjà d’utiles modifications. Je désire que des mesures nouvelles viennent les compléter.
« Ma sollicitude n’a point fait défaut aux institutions de bienfaisance. Mon gouvernement s’attache à y introduire toutes les améliorations que l’humanité réclame.
« Votre intervention sera demandée, à cette occasion, notamment pour la réforme des établissements d’aliénés.
« Des propositions vous seront faites pour corriger les vices et combler les lacunes que l’expérience a signalés dans certaines parties de la législation. Ainsi s’opérera graduellement la révision des codes prescrite par la Constitution.
« L’armée, cet élément si essentiel de notre existence nationale, commande toute notre sollicitude. Je me plais à reconnaître qu’elle continue à s’en montrer digne par son dévouement, sa discipline et l’excellent esprit qui l’anime. Il vous reste à vous prononcer sur les projets de loi dont vous êtes saisis, et qui sont, pour son organisation, d’une si haute importance.
« Quelques changements aux lois sur la milice sont devenus nécessaires ; ils vous seront proposés en même temps qu’une loi nouvelle sur l’organisation de la garde civique.
« Les pouvoirs que vous avez donnés à mon gouvernement lui ont permis, grâce à la consolidation de notre crédit, de réaliser avec succès et sans secousse deux grandes opérations financières ; elles ont eu pour résultat la réduction de la rente et du capital de la dette publique.
« Vous vous féliciterez avec moi de ce que l’on est parvenu à balancer les dépenses avec les recettes ; le bénéfice résultant pour le trésor du dernier emprunt et de la conversion de la rente, le produit croissant du chemin de fer et l’augmentation du chiffre de plusieurs branches du revenu public ont contribué à faciliter cet heureux équilibre.
« Quelques efforts sont, néanmoins, nécessaires pour couvrir les dépenses nouvelles que l’intérêt public pourrait exiger et pour arriver successivement par un excédant permanent de ressources, à l’extinction de la dette flottante et à la création d’une réserve.
« Vous m’aiderez à atteindre ce but qu’une sage prévoyance nous fait une loi de poursuivre.
« Messieurs, le pays peut avoir confiance en lui-même. Ses éléments d’activité morale et de prospérité matérielle se développent librement. Je ne doute pas que cette situation favorable ne s’affermisse et ne se complète par l’appui que le Gouvernement trouvera dans votre patriotique et loyal concours. »
Le discours du Roi est accueilli par de vifs applaudissements.
Sa Majesté salue l’assemblée et se retire au milieu d’acclamations prolongées ; le départ de S. M. la Reine est salué de la même manière.
(Présidence de M. Duvivier, doyen d’âge)
M. le Président – Il va être procédé au tirage au sort de la commission chargée de vérifier le pouvoir des membres élus dans l’intervalle des deux sessions.
- Le sort désigne MM. Thienpont, Wallaert, d’Hoffschmidt, de Saegher, de Foere, Cogels et Pirmez.
La séance est levée à une heure trois quarts.