(Moniteur belge n°44, du 13 février 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure.
M. Dedecker lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les fabricants et débitants de tabac de Lierre donnent leur adhésion à la pétition que les fabricants de tabac réunis à Malines ont présentée contre le projet de loi sur les tabacs. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi.
« Les négociants et marchands de tabac du canton de Huy présentent des observations contre le projet de loi sur les tabacs »
« Mêmes observations des marchands de Bersillies-l’Abbay, du sieur Van Antwerpen, fabricant de tabac à Meerhout, des cultivateurs, marchands et débitants de tabac de Wervicq, des fabricants de tabac d’Aerschot, Diest et Tirlemont. »
- Même renvoi.
« Quelques miliciens de la commune de Petit-Enghien demandent une interprétation législative de l’art. 94 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice nationale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Gellens, major pensionné, prie la chambre de statuer sur sa demande en augmentation de pension. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Turnhout prie la chambre de décréter l’exécution du canal d’alimentation de Desschel (près de la Pierre-Bleue), jusqu’à St.-Job in ‘t Goor. »
- Sur la proposition de M. de Nef, insertion au Moniteur et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget du département des travaux publics.
« Les ouvriers et tailleurs de pierres, spécialement occupés à l’exploitation des carrières des communes de Thon-Samson, Namêches, Sclayn, Sceilles et Live-Brumagne, demandent que les produits de ces carrières soient admis par le gouvernement en concurrence avec ceux des autres carrières, et que les travaux projetés pour l’amélioration du cours de la Meuse s’exécutent au plus tôt. »
- Même décision.
« Le sieur Laubscher prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
Par deux messages, en date du 10 février 1844, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi établissant un droit d’enregistrement sur les naturalisations, et le projet de loi mettant hors de circulation, en Belgique, les pièces de monnaie des Pays-Bas en argent.
- Pris pour notification.
M. le ministre de la justice renvoie, avec les renseignements y relatifs, six demandes en naturalisation ordinaire.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Cogels, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.
- Accordé.
M. le président. - Ce projet, composé d’un article unique, est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au département des finances, comme supplément au budget des dépenses, exercice 1843 :
« a. Un crédit de six cent vingt-deux francs trente centimes (fr. 622 30 cent.), destiné au payement des frais de voyage et de séjour, sur déclarations relatives à un exercice clôturé, et partie à l’exercice 1842 dont le crédit est insuffisant.
« Cette somme formera l’article 9 du chapitre premier, exercice 1843 »
« b. Un crédit de sept cent soixante-cinq mille huit cent quatre-vingt sept francs soixante-treize centimes (fr. 765,887 73 cent.) pour pourvoir au payement des dépenses du service de la caisse générale de l’Etat pendant les années 1838, 1839 et 1840 ;
« Cette somme formera l’article 3 du chapitre II du même budget »
« c. Un crédit de cinquante mille francs (fr. 50,000) pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chapitre VI du budget précité. »
« d. Un crédit de quinze mille fr. (15,000 fr.) destiné au payement des dépenses relatives à des exercices clôturés, et particulièrement de celles qui se rapportent à des termes antérieurs au 1er octobre 1830.
« Cette somme formera l’art. 4 du chap. VI. »
« Ensemble huit cent trente et un mille cinq cent et dix francs trois centimes. fr. 831,510 03.
La section centrale propose le projet ci-après :
« Article unique. Il est ouvert au département des finances, comme supplément au budget des dépenses, exercice 1843.
« Un crédit de six cent vingt-deux francs trente centimes (fr. 622 30 cent.), destiné au payement des frais de voyage et de séjour, sur déclarations relatives à un exercice clôturé, et partie à l’exercice 1842 dont le crédit est insuffisant.
« Cette somme formera l’article 9 du chapitre premier, exercice 1843 »
« Un crédit de sept cent soixante-cinq mille huit cent quatre-vingt sept francs soixante-treize centimes (fr. 765,887 73 cent.) pour pourvoir au payement des dépenses du service de la caisse générale de l’Etat pendant les années 1838, 1839 et 1840 ;
« Cette somme formera l’article 3 du chapitre II du même budget »
« Un crédit de vingt-trois mille francs deux cent soixante quinze francs (fr. 23,275) pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chapitre VI du budget précité. »
« Un crédit de quinze mille fr. (15,000 fr.) destiné au payement des dépenses relatives à des exercices clôturés, et particulièrement de celles qui se rapportent à des termes antérieurs au 1er octobre 1830.
« Cette somme formera l’art. 4 du chap. VI. »
« Ensemble huit cent quatre mille sept cent quatre-vingt-cinq francs trois centimes. fr. 804,785 03.
« Mandons et ordonnons, etc. »
M. Osy, rapporteur. - M. le ministre des finances vient de m’annoncer qu’il ne se rallie pas à l’amendement de la section centrale. Le gouvernement avait demande 50,000 fr. pour la commission qui a été instituée en vertu de l’art. 64 du traité du novembre 1842. D’après le tableau lui est annexé au rapport, M. le ministre demande un crédit applicable en partie à l’année 1843 et en partie à l’année 1844 ; pour ne pas confondre les deux exercices la section centrale vous propose de n’allouer que 23,575 fr., nécessaires pour le service de l’année 1843, sauf au gouvernement à nous demander plus tard, par une loi séparée, le crédit qui sera nécessaire pour l’exercice courant. C’est la seule marche que je trouve convenable pour la comptabilité des deux années 1843 et 1844. Comme rapporteur, je suis obligé de soutenir l’amendement que la section centrale propose.
Maintenant, comme membre de la chambre, je demanderai des renseignements à M. le ministre des finances.
Si le président et les conseillers de la commission de liquidation ne font pas partie de l’administration des finances, je n’ai rien à dire, quant à l’indemnité qui leur est payée ; mais je crois qu’il y a beaucoup d’employés du ministère des finances qui sont aussi de la commission : ces messieurs recevant déjà un fort traitement, il y a là cumul. On me dira que ces fonctionnaires ont plus d’occupation, par suite de leur participation aux travaux de la commission ; mais je ne pense pas que, de ce chef, il y ait lieu à leur allouer un supplément de 2 à 3,000 francs.
Je ne proposerai pas d’amendement, quant au crédit applicable à l’année 1843 ; mais je demanderai à M. le ministre des finances de vouloir bien, lorsqu’il nous proposera un crédit pour 1844, avoir égard à l’observation que je viens de faire. Si M. le ministre ne prend pas l’engagement de faire cesser l’abus que je signale, lorsqu’il présentera le projet de crédit pour 1844, je proposerai un amendement formel.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la section centrale propose de diviser le chiffre de 50,000 francs, applicable aux dépenses résultant de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842. Sur ce point, j’ai adopté pour règle d’imposer sur l’exercice 1843 toutes les dépenses générales qui se rattachent à l’exécution du traité du 5 novembre. J’ai pensé que ce mode était le plus rationnel ; car de cette manière il sera toujours facile de connaître l’ensemble des dépenses relatives à ce traité, tandis qu’en divisant le crédit, les dépenses se trouveraient éparpillées et occasionneraient plus de recherches et plus de difficultés, si l’on avait besoin d’en connaître le montant.
Indépendamment de cette considération, je n’ai fait que suivre un précédent qui a déjà été adopté par la chambre, lorsqu’il s’est agi de la loi des indemnités pour pertes essuyées par suite des événements de la révolution. La chambre a alors accorde un crédit pour toutes les dépenses qui devaient résulter de l’institution de la commission. C’est par la loi du 1er mai 1842 que ce crédit a été accordé, il s’élève à 50,000 fr., et sur ce crédit on impute toutes les dépenses qui se rattachent à l’administration du fonds qui a été affecté au paiement des indemnités.
Au surplus, si l’amendement de la section centrale devait être adopté, il serait inutile de mettre le gouvernement dans l’obligation de proposer un nouveau projet de loi, pour le complément du crédit nécessaire pour l’année 1844 ; il suffisait d’ajouter un article 2 au projet de loi en discussion ; je ferai d’ailleurs remarquer que nous sommes déjà dans le deuxième mois de l’exercice 1844.
L’honorable M. Osy a semblé m’attribuer la fixation des indemnités allouées aux membres de la commission Je ferai observer à la chambre que l’arrêté était pris, lorsque je suis entré au ministère. Mais quant à l’observation faite, qu’il y avait cumul dans l’occurrence, je trouve qu’elle n’est pas exacte ; on a cru jusqu’ici que lorsque des fonctionnaires faisaient partie de commissions et avaient, de ce chef, un surcroît de travail, il y avait lieu à leur allouer une indemnité temporaire. Je ne pense pas que l’on puisse considérer une semblable indemnité comme constituant un cumul.
M. Osy. - Messieurs, les raisons que M. le ministre des finances donne, pour ne pas diviser la somme de 50,000 fr., ne sont pas exactes. La première chose à désirer, c’est une comptabilité régulière. Moi, je crois qu’on ne doit imputer sur le budget de 1843 que les dépenses de cette année, et qu’il y a lieu de faire une loi spéciale pour les dépenses de l’année 1844. Je ne m’oppose pas ce que, dans le projet de loi en discussion, M. le ministre des finances nous propose un article supplémentaire pour le crédit de l’année 1844.
M. le ministre des finances a dit que pour la commission des indemnités on suit la même marche. Cela est impossible. Cette commission, qui est au moins aussi nombreuse que l’autre, durera trois ans, et il n’est pas probable que toutes les dépenses pourront être liquidées sur le crédit de 50,000 francs alloué pour la commission des indemnités.
Pour en revenir à l’indemnité extraordinaire que l’on paie aux membres de la nouvelle commission, je ne puis pas admettre qu’on accorde un supplément aussi élevé à des fonctionnaires qui ont déjà un traitement considérable. C’est un véritable abus. Ces suppléments de traitement ne se paient jamais dans les administrations communales et provinciales. Quand M. le ministre fera une demande de crédit pour 1844, je me réserve de faire une proposition, tendant à ne pas accorder d’indemnité aux membres de la commission qui sont fonctionnaires dans l’un des ministères.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, il n’y a de difficulté que pour le litt. C. J’ai déjà dit à la chambre que les travaux de la commission seraient terminés vers le mois de septembre. Je ne pense pas dès lors qu’il faille revenir sur l’arrêté royal qui a été provoqué par mon honorable prédécesseur.
Quant à la proposition de la section centrale, il s’agit de savoir si toutes les dépenses qui se rattachent au traité du 5 novembre 1842 peuvent être imputées sur l’exercice 1843 ; pour ma part, je pense qu’il convient d’en agir ainsi ; outre cette considération générale, que nous réunissons par là toutes les dépenses de l’espèce, il y en a une autre qui milite en faveur de ce mode de procéder, c’est le précédent que j’ai cité. Il est possible que le crédit de 50,000 fr., qui a été voté pour les travaux de la commission des indemnités, ne soit pas suffisant, mais c’est au moins sur ce crédit qu’on a imputé toutes les dépenses de 1842 et de 1843.
L’intention de la loi a été que toutes les dépenses s’imputassent sur ce crédit de 50 mille francs. J’ignore si ce crédit est ou n’est pas suffisant. Il est possible que le ministre de l’intérieur doive venir demander un supplément de crédit. Mais toutes les dépenses de 1843 ont été imputées sur cette allocation. La question en elle-même est du reste peu intéressante, Il m’importe peu que l’article reste unique ou soit divisé en deux, qu’on dise :
Art. 1er. Il est accordé…
Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit de 26,275 fr. pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art.64 du traité du 5 novembre 1842, lequel formera l’art. 3 du chap. VI du budget du département des finances de l’exercice 1844.
Je consentirai à cette division pour ne pas prolonger la discussion.
M. Verhaegen. - Je viens appuyer les observations de M. Osy. Cet honorable membre a dit avec raison que la somme réclamée par le gouvernement est destinée à être distribuée à quelques membres de la chambre et à certains employés des ministères, qui cumulent déjà sous plus d’un rapport. Aux objections de M. Osy, M. le ministre des finances ne répond que par le fait accompli, mais, avec le fait accompli, tel que l’entend M. Mercier, tous les actes du gouvernement échappent au contrôle les chambres. C’est d’ailleurs du fait accompli que nous nous plaignons : quoi ! on donne au président de la commission de liquidation 400 fr. par mois, ce qui fait 4,800 fr. par an, et ce président est membre de la chambre !
Toujours on nous parle d’économies, et on jette l’argent à pleines mains à ceux qui n’en ont pas besoin.
Le président de la commission reçoit annuellement 4,800 fr., pour faire quoi ? pour assister, dit-on, à une seule séance par semaine. Le commissaire du Roi touche 3,600 francs, les conseillers 3,000 francs, et la plupart de ces messieurs, si nos renseignements sont exacts, sont ou membres de la chambre ou fonctionnaires salariés par l’Etat. Quand on demande des fonds pour des dépenses urgentes et indispensables, entre autres, pour rétribuer, comme elle a droit de l’être, la magistrature trop longtemps oubliée, on crie à la détresse du trésor ; mais on trouve facilement cinquante et cent mille francs, quand il s’agit de faire acte de favoritisme, c’est toujours le même abus, celui dont nous nous sommes plaint, quand nous avons discuté le budget des voies et moyens.
Mais, dit-on, ces indemnités sont fixées par arrêté royal ; d’abord le ministre qui a contresigné cet arrêté est responsable, ensuite pour ure partie des indemnités, on s’est même contenté d’un arrêté ministériel ; en effet, M. le ministre n’a consulté que son bon plaisir, en attachant à la commission deux commis, chacun à 225 fr. par mois, 2,500 fr. par an !
M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable préopinant vient de parler de deux commis attachés à la commission. Ces commis ne sont pas des employés du ministère. Ils sont nécessaires pour les travaux de la commission. C’est également mon prédécesseur qui a pris cet arrêté.
Le travail de la commission ne se borne pas, comme le pense l’honorable membre, à se réunir deux fois par semaine. Elle se réunit quelquefois davantage ; mais ces réunions n’ont lieu que pour prendre des décisions sur les rapports formés dans le cabinet, les dossiers sont répartis entre les conseillers qui les examinent chez eux.
M. Osy. - M. le ministre des finances vient de consenti à la division de la somme de 50 mille francs, Il nous objecte qu’il s’agit de faits accomplis. Je lui répondrai que non, car les membres de la commission ne sont pas payés. Ils ne peuvent pas l’être avant l’adoption de la loi. D’après cela, je propose de réduire l’allocation demandée et de ne pas accorder d’indemnité à tous ceux qui sont employés du ministère. Je prie donc M. le ministre de nous dire si le président est membre de la chambre. Je lui demanderai, en outre, de vouloir nous donner des renseignements sur les détails du tableau annexé au rapport, afin que nous puissions savoir quels sont les membres de la commission qui appartiennent au département des finances, et proposer un amendement, en conséquence, aussi bien sur l’exercice 1843 que sur celui de 1844.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’honorable M. Osy faisait partie de la section centrale. S’il m’avait fait la demande nominale des membres de la commission, je me serais rendu à son désir. Maintenant veut-il que je vienne jeter des noms propres dans la discussion, dire que tel reçoit telle indemnité, tel en touche telle autre ? Je ferai observer qu’il y a dans cette commission des fonctionnaires ressortissant aux différents départements ministériels. Si un fonctionnaire des finances ne peut jouir d’une indemnité pour travail extraordinaire, celui d’un autre département doit être traité de la même manière. il y aurait une injustice à faire une distinction.
J’ai déjà établi que quand des commissions ayant un travail long et considérable ont été instituées, Les fonctionnaires qui en faisaient partie ont obtenu une rémunération. Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu d’admettre la distinction que demande l’honorable M. Osy, cela donnerait lieu à une discussion de personnes qui peut se faire en section centrale, mais non dans une discussion publique.
M. Verhaegen. - Je ne vois pas pourquoi on recule devant une discussion telle que celle que demande l’honorable M. Osy. C’est, dit M. le ministre des finances, une question de personnes, il y aurait des inconvénients à donner les noms des employés des ministères qui reçoivent une indemnité. Je ne vois pas l’inconvénient qu’il y aurait à cela ; ceux qui reçoivent des indemnités ont dû savoir qu’un jour la chambre aurait à s’occuper d’eux, en s’occupant du ministère ; de deux choses l’une : ou l’indemnité accordée aux fonctionnaires est licite, ou elle ne l’est pas ; dans le premier cas quel inconvénient y a-t-il à signaler ceux qui la touchent, dans le deuxième cas que ne l’ont-ils refusée ? car en l’acceptant, ils se sont soumis à nôtre contrôle.
L’honorable M. Osy, en interpellant le ministre, n’a fait que suivre la marche ordinaire. Si des employés de l’un ou de l’autre ministère, qui déjà touchent 8 ou 10,000 fr. d’appointements, reçoivent en outre 4 ou 5,000 d’indemnités, c’est un cumul, c’est un abus sur lequel le gouvernement doit des explications. Le trésor n’est pas en état de supporter ces augmentations ; car ce sont des augmentations indirectes que M. le ministre tient à sa disposition. Pour moi, je ne crois pas que le ministre puisse se refuser à répondre aux interpellations qui lui sont faites. S’il n’a pas les documents nécessaires entre les mains, qu’on remette la discussion à demain, qu’on renvoie le projet à la section centrale, il me semble que rien ne presse, et la chose en vaut bien la peine.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Il m’est impossible de répondre, nom par nom, à l’interpellation de l’honorable M. Osy. L’honorable M. Verhaegen vous dit : si les choses se passent comme elles le doivent, rien ne doit empêcher le ministre de répondre. Mais on sait très bien comment les choses se passent, puisque j’ai dit que les membres de la commission étaient en partie des fonctionnaires des différents départements et des magistrats. Quant à ce qu’on a appelé des fonctionnaires à gros traitement, il y a un seul employé à 8,000 fr. (il appartient au département des finances), qui fait parie de la commission. Si l’on reconnaît que des fonctionnaires, à quelque département ministériel qu’ils appartiennent, quand ils consacrent leurs veilles à des travaux qui ne ressortissent pas à leurs attributions, peuvent être indemnisés, alors il n’y a pas lieu de remettre la discussion. Si la chambre en décide autrement, je fournirai à la section centrale l’indication des fonctionnaires qui font partie de la commission dont il s’agit. Mais si la chambre pense qu’un fonctionnaire d’un département ministériel quelconque ou un membre de l’ordre judiciaire peut recevoir une indemnité pour un travail extraordinaire, il est inutile, je le répète, de renvoyer le projet à la section centrale. Je crois donc que telle est la question à examiner en ce moment : Peut-on, ou ne peut-on pas accorder une indemnité à des fonctionnaires d’un ordre quelconque, faisant partie d’une commission et travaillant extraordinairement en cette qualité ?
M. Osy, rapporteur. - Il y avait une section qui avait demandé positivement le tableau de la dépense de 50,000 fr. La section centrale a décidé qu’il serait demandé à M. le ministre des finances. Je me suis adressé à lui ; j’ai publié, à la suite du rapport, le rapport qu’il a envoyé. Ce n’est que depuis que j’ai appris que des employés de différents ministères font partie de la commission. Ce sont d’ordinaire des employés qui ont de 6 à 10 mille francs de traitement qui sont choisis. Puisqu’il en est ainsi, je demande la remise à demain pour que M. le ministre puisse nous éclairer sur ce point. Je sais que ceci ne procurera pas une grande économie. C’est surtout pour l’avenir que je fais cette observation. Ce n’est pas quand il y a un déficit, quand on veut établir des impôts très désagréables, quand des dépenses nécessaires ne se font pas, faute d’argent, qu’on doit faire des dépenses inutiles. Si nous voulons mettre de l’ordre dans nos affaires, commençons par ne pas allouer de fortes indemnités à des employés de ministère qui touchent des traitements considérables.
M. de Garcia. - Une indemnité est accordée aux membres de la commission de liquidation dont il est question. Cette indemnité, je ne la trouve pas déplacée, si le service de la commission peut marcher arec activité et sans négliger aucun intérêt des ayants droit. Dés lors je n’entends pas critiquer l’indemnité en elle-même, fût-elle accordée à des fonctionnaires de l’administration, ou à des personnes qui ne sont pas fonctionnaires.
Mais je crois que les fonctionnaires publics, appelés à faire partie de commissions, négligent leurs fonctions publiques ou leurs fonctions de membres des commissions de liquidation. Que peut-il résulter de l’ordre de chose établi par le gouvernement ? un inconvénient grave ; c’est-à-dire, que les affaires de l’administration ou les travaux des commissions peuvent en souffrir, ou que l’un ou l’autre de ces services ne marche pas convenablement. Dans cet état il est difficile d’empêcher qu’il ne soit porté préjudice aux intérêts généraux du pays, ou bien les affaires de l’administration à laquelle appartient les fonctionnaires publics appelés à la commission de liquidation souffriront ; ou bien ce seront les travaux de la commission de liquidation qui traîneront en longueur, au grand détriment des intéressés et du pays, qui devront payer plus longtemps les membres de la commission.
Je voterai donc pour les indemnités, s’il est démontré que ces fonctionnaires ne négligent pas leurs fonctions, et qu’ils amèneront ce que veut la chambre, une prompte liquidation.
J’ai une autre observation à présenter. Les membres de la commission reçoivent une indemnité mensuelle de 250 fr. ; l’indemnité du président est fixée à 400 fr. Je ne fais pas de ceci une question de personnes ; mais je ne m’explique pas pourquoi, dans un cas semblable, le président a une indemnité supérieure à celle des autres membres de la commission ; car chacun sait que tous les membres d’une commission ont autant de travail les uns que les autres. Le président de la chambre reçoit-il une indemnité plus forte que les membres de la chambre ? Non. Je pense donc que l’indemnité du président devrait être mise au même taux que celle des autres membres de la commission.
Je sais qu’on pourra me dire qu’un président de tribunal ou de cour est plus rétribué que les juges ou les conseillers. Mais il n’y a pas de comparaison à faire. Un président de tribunal ou de cour a une quantité de travail que n’ont pas les juges ou conseillers.
M. Rodenbach. - Déjà plusieurs fois, j’ai entendu dire dans cette enceinte que des membres de la chambre reçoivent une indemnité pour un travail. Il me semble que la dignité même de cette assemblée exige qu’il n’en soit pas ainsi. Je trouve cela indigne d’un représentant. Cela ne se voit ni en France, ni en Angleterre, ni dans aucun pays constitutionnel.
Je conçois que des employés subalternes de ministères, qui ont un traitement de quinze ou dix-huit cents francs, reçoivent une indemnité pour un travail ; mais je ne conçois pas qu’une telle indemnité soit acceptée par un représentant de la nation, qui, dans tous les autres pays, représentent la nation gratuitement ; car en France, en Angleterre, dans presque tous les pays constitutionnels, les députés ne reçoivent aucune indemnité. Accorder des indemnités mensuelles de deux, trois ou quatre cents francs pour des travaux, des indemnités qui ont lieu, pendant la session, c’est augmenter l’indemnité. Si l’on procède ainsi, il n’y a pas de raison pour qu’on n’accorde aussi une indemnité spéciale aux membres des commissions d’industrie, des finances, des pétitions, etc., etc. Cela peut aller fort loin. C’est un principe que je ne puis admettre. Jamais un membre de la chambre ne doit recevoir de l’argent pour un travail.
M. de Theux. - Je crois que, dans la plupart des circonstances, les membres de la chambre, nommés membres de la commission, n’ont pas reçu d’indemnité.
Ainsi, pour les lois d’organisation provinciale et communale et dans une infinité de circonstances analogues, il a été nommé des commissions, dont des membres de la chambre faisaient partie ; jamais ils n’ont reçu d’indemnité. Mais peut-être y a-t-il une distinction à faire à l’égard de longs travaux, dont la limite n’est pas tracée, et qui exigent la présence à Bruxelles des membres de la chambre en dehors du temps des sessions. Je ne sais donc si, relativement aux commissions, des principes fixes pourraient être adoptés par le gouvernement. Je crois qu’il serait difficile d’adopter une règle invariable, sans aucune exception, mais qu’il faut tenir compte des circonstances.
Quant à l’objet en discussion, j’avoue que je ne puis me prononcer en connaissance de cause, ignorant l’importance et la durée du travail dont cette commission est chargée.
Mais en ce qui concerne les employés du ministère qui font partie de commissions, peut-être y aurait-il à examiner si leur indemnité doit être la même que celle des membres de commissions qui n’ont aucun traitement, car, comme on l’a fait observer, cela constitue un cumul non de traitements, mais d’une indemnité qui peut valoir un traitement, alors que l’on ne peut se livrer qu’à un seul travail. Il y aurait à examiner si les fonctions pour lesquelles le fonctionnaire touche un traitement ne souffrent pas du travail extraordinaire d’une commission. Si le travail ordinaire des fonctionnaires doit en souffrir, il est évident que le fonctionnaire doit être plus ou moins suppléé dans ses fonctions, et que dès lors il n’y a pas lieu de lui accorder une indemnité aussi forte qu’aux membres de la commission étrangers à l’administration.
Je me borne à ces considérations générales que j’abandonne à l’appréciation du gouvernement.
Quant au cas spécial, je ne vois pas d’inconvénient au renvoi à la section centrale pour recevoir des renseignements. Ce renvoi ne préjuge rien.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Non seulement il n’y a pas lieu de refuser le renvoi à la section centrale ; mais au point où est arrivée la discussion, je demande que ce renvoi ait lieu.
Si j’ai un regret, c’est que l’affaire n’ait pas été complètement instruite avant d’être portée à la discussion de la chambre ; car jamais je n’aurais refusé de faire connaître à la section centrale que tels et tels fonctionnaires de tel ou tel département, que tel ou tel membre de la magistrature font partie de la commission.
Mes observations portaient sur l’inconvénient qu’il y a d’établir ici un débat de cette nature. Mais dans l’état de la discussion, je crois, je le répète, que le renvoi à la section centrale est nécessaire.
Je répondrai à l’honorable M. de Garcia qu’assez généralement le président d’une commission reçoit une indemnité plus forte que les autres membres, et qu’en effet il a ordinairement plus de travail que ses collègues ; il doit voir l’ensemble des affaires mises en délibération et les étudier toutes pour diriger la discussion. Je lui répondrai, en outre, que les fonctionnaires qui font partie de commissions, travaillent extraordinairement, sans nuire à leurs fonctions ordinaires.
M. Savart-Martel. - Je ne connais aucun des membres de la commission dont il s’agit ; dénué de toutes préventions, je crois donc devoir soumettre à la chambre mon opinion.
Il me semble qu’en principe, et sauf quelque rare exception, les commissions spéciales doivent être gratuites. Il doit en être ainsi surtout quand on appelle dans ces commissions soit des membres des chambres, soit des magistrats salariés, soit des employés supérieurs du ministère, ou des personnes notables pourvues de quelque fortune.
J’avoue qu’on ne peut pas poser un principe absolu ; aussi le principe que je professe n’a-t-il point cette portée.
En pareil cas, les commissions devraient être honorifiques ; le gouvernement a en main les moyens de récompenser le zèle et le dévouement, sans devoir puiser dans le trésor public. L’honneur doit être le premier mobile des citoyens qui se trouvent assez heureux pour rendre service à l’Etat.
Je n’entends cependant point lier mon vote en ce moment, quoique, dit-on, il y ait eu arrête royal et décision ministérielle ; mais je désire que, par la suite au moins, le principe que je professe soit admis. C’est dans l’intérêt du trésor et dans l’intérêt d’honneur des personnes qui sont appelées dans ces commissions, que j’ai émis mon opinion. Du reste, je ne m’oppose pas au renvoi à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, j’ai déjà demande moi-même qu’un nouveau rapport fût réclamé de la section centrale, puisque celui qu’elle a présenté est jugé insuffisant.
Je donnerai à la section centrale, puisqu’il s’agit maintenant d’apprécier l’importance des occupations de la commission, des renseignements particuliers sur cet objet, et je pense qu’il me sera facile de démontrer que cette commission n’est pas de la nature de celles qui doivent rendre des services gratuits.
M. Malou. - Messieurs, deux membres de la chambre, un membre du sénat, deux magistrats, un membre du barreau et un ancien administrateur font partie de la commission de liquidation. Je suis l’un des deux membres de la chambre. En présence de la discussion qui a eu lieu, je tiens à donner quelques explications sur ma position personnelle.
Je me suis trouve un beau jour, au Moniteur, membre de cette commission, et je n y ai vu que mon nom. Je n avais fait aucune démarche, Je n avais pas même été prévenu.
Me trouvant au Moniteur comme membre de la commission de liquidation, je n’ai vu qu’un service à rendre au pays. J’ignorais alors, j’ai longtemps ignoré depuis qu’une indemnité dût être attachée à l’accomplissement de ce mandat, et, je le déclare très franchement, si je l’avais su, lorsqu’il était temps encore d’agir sans blesser aucune convenance, je n’aurais pas accepté.
Je ne pense pas que l’on puisse, d’une manière absolue, décider qu’en aucun cas un membre de la chambre ne puisse accepter une indemnité pour un travail extraordinaire auquel il se livre. Il y a des précédents nombreux. Il y a, entre autres, celui de la commission de liquidation des indemnités, dont des membres de la chambre, si je ne me trompe, ont fait ou font partie.
Pour émettre mon opinion sur la manière dont les indemnités ont été allouées, je dirai aussi qu’on a été peut-être un peu large et que notamment l’on aurait pu établir une distinction entre les membres qui habitent Bruxelles et ceux qui sont obligés à des frais de déplacement.
Je dis, messieurs, qu’il ne faut pas déclarer d’une manière absolue que toutes les commissions sont gratuites. C’est ainsi que le mandat de membre de la commission de liquidation (je puis en parler en connaissance de cause) impose un travail excessivement pénible, excessivement long, et impose aussi une très grande responsabilité. Cette responsabilité est telle que chacun des membres de la commission doit se livrer à l’examen le plus minutieux, le plus consciencieux des moindres détails des affaires, parce que la commission juge, sans aucun recours, des questions de droit souvent très difficiles.
Après ce que je viens de vous dire, messieurs, il me reste à conclure, quant à moi. Je demande simplement que M. le ministre des finances, dans le rapport qu’il fera à la section centrale, veuille bien m’excepter du nombre des conseillers auxquels une indemnité serait accordée.
M. Vanden Eynde. - Je partage entièrement la manière de voir de l’honorable M. Malou, et je n’aurais pas demandé la parole dans cette circonstance, si l’honorable M. Savart n’avait pas fait allusion à des membres de l’ordre judiciaire qui ont fait partie de la commission ; car on a parlé de commissions en général.
J’ai eu l’honneur, messieurs, d’être appelé par M. le ministre des finances à faire partie de la commission des pensions, et j’avais cru, avant d’accepter, que cette mission était tout a fait gratuite. J’apprends aujourd’hui de mes collègues qu’aucun d’eux, pas même l’honorable M. Duvivier, qui est président et qui est venu siéger en dehors de la session, n’a reçu d’indemnité de ce chef. Pour moi, je déclare que je n’en ai reçu aucune, et que je n’aurais pas accepté cette mission si l’on y avait attaché une indemnité quelconque. Car, bien que depuis que j’ai l’honneur de faire partie de l’ordre judiciaire, j’aie rempli des fonctions en dehors de la magistrature, jamais et à aucune époque je n’ai reçu d’indemnité quelconque.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, ainsi que l’a déjà fait observer l’honorable préopinant, on ne peut poser de règle générale en cette matière. Il est évident qu’en ce qui concerne la commission qui s’est réunie pour examiner la législation des pensions, il ne s’est jamais agi d’aucune espèce d’indemnité. C’est là une commission comme il s’en forme très souvent dans les départements ministériels, et jamais leurs membres ne reçoivent des rémunérations.
Mais il faut bien établir une distinction entre de semblables commissions et celles qui sont, en quelque sorte, investies d’un pouvoir judiciaire. La commission de liquidation a un travail long, un travail pénible, qui doit se prolonger plus d’une année. Il n y a aucune analogie entre une semblable commission et celle qui est seulement consultée sur un projet de loi.
Je déclare donc, puisque j’entends demander la parole par plusieurs membres qui ont bien voulu faire partie de la commission des pensions et à qui je témoigne ici de nouveau toute ma reconnaissance, qu’il n’a jamais été dans ma pensée de leur offrir, de ce chef, une indemnité quelconque.
M. Lebeau. - Messieurs, je tiens à présenter aussi quelques observations sur la discussion ouverte, en ce moment, devant la chambre.
Cette discussion a tout à coup changé de caractère ; de financière, d’économique qu’elle était, pour ainsi dire, elle est devenue jusqu’à certain point une question de moralité, de dignité pour la chambre même.
C’est déjà, vous l’avez vu, quelque chose d’assez fâcheux pour la dignité de la chambre, que l’obligation où se sont crus quelques-uns de ces membres, de venir donner des explications sur leur position personnelle. Il me semble que des membres de la représentation nationale doivent, autant que possible, éviter de se mettre dans une position où des explications de cette nature deviennent pour eux une nécessité.
M. Malou. - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Je dis que cela est fâcheux, je n’entends en aucune façon blâmer ici la conduite de personne.
Il y a un point de vue sous lequel cette question n’a pas été suffisamment envisagée. La constitution, dans un système de défiance naturelle contre les influences du pouvoir, a voulu proscrire de tout contact dangereux avec lui les membres des chambres, à ce point, que s’ils viennent à être appelés à des fonctions pendant qu’ils ont l’honneur de siéger ici, il faut nécessairement que les électeurs soient convoqués, pour leur confirmer ou leur retirer leur mandat. Voila, messieurs, comment le législateur a voulu entourer les membres de la représentation nationale d’une sorte d’inviolabilité morale aux yeux du pays. Si des fonctions sont acceptées, lorsqu’on est membre de la représentation nationale, il faut que les électeurs soient consultés sur le point de savoir quel caractère on doit donner à l’arrangement intervenu entre le député et le gouvernement, s’il est honorable, s’il ne porte atteinte ni à l’honneur, ni à l’indépendance du premier.
Eh bien, messieurs, quelle différence y a-t-il, au fond, entre l’emploi conférant traitement et les fonctions exercées dans des commissions, fonctions que nous avons vu durer parfois trois ou quatre ans et qui emportaient des émoluments aussi considérables que les traitements attachés aux fonctions publiques ? Dans le fond, il n’y en a pas.
Messieurs, nous nous savons incorruptibles, nous pouvons nous le dire ici. (On rit.) Mais il faut qu’on le sache et qu’on puisse le dire au dehors. Il faut que la dignité de la chambre, que la dignité de chique membre de la représentation nationale soit sauve, que sous ce rapport il n’y ait pas d’apparences dont puissent se prévaloir la crédulité, la malignité publiques. Or, je dis qu’il est fâcheux, qu’il peut en résulter une atteinte à la dignité de la représentation nationale, de voir le gouvernement distribuant à des députés, sans autre règle que les préférences personnelles, des emplois dans des commissions qui emportent avec eux l’équivalent d’un traitement attaché à des fonctions publiques, alors que l’appel à ces fonctions oblige le député à se représenter devant ses commettants.
Je dis que cela est fâcheux. Cependant je crois aussi qu’il n’est pas possible d’établir de règle générale ; je sus d’accord sur ce point avec l’honorable préopinant. Je comprends parfaitement, par exemple, que si des membres de cette chambre ou du sénat, pouvant, par la spécialité de leurs connaissances, faciliter la solution de questions importantes comme celles qu’ont soulevées les transactions avec la Hollande ; je comprends, dis-je, que, s’ils doivent se déplacer, s’ils doivent, comme nous l’avons vu, résider à l’étranger, il y ait indemnité ; je comprends que cette indemnité se concilie parfaitement alors avec la dignité de leur caractère public.
Je ne voudrais donc pas poser de règle absolue ; mais je crois qu’il faut dire que ce n’est que dans des cas d’exception que des membres de la représentation nationale peuvent, sans porter atteinte à leur dignité personnelle et à la dignité du corps auquel ils appartiennent, accepter dans des commissions ministérielles des fonctions emportant une indemnité.
M. de Theux. - Messieurs, il y a quelque chose de juste dans les observations de l’honorable député ; mais il ne faut pas outrer,
Pour ce qui me concerne, je dois dire que je suis entièrement désintéressé dans la question, soit comme ministre, soit comme député. Car, comme ministre, je n’ai jamais établi de commission qui ait reçu d’indemnité, et comme députe, bien qu’ayant fait partie de plusieurs commissions, je n’ai jamais reçu d’indemnité.
Cependant, je ne puis laisser peser une espèce de blâme sur des membres de la chambre ou sur des membres de la magistrature qui, à l’occasion des commissions dont ils font partie, reçoivent une indemnité. Ainsi, je citerai un précédent : croit-on, par exemple, que les membres de cette chambre ou les membres de la magistrature qui ont fait partie des jurys d’examen pour l’enseignement supérieur n’aient pu recevoir l’indemnité attachée à ces fonctions sans manquer, en quoi que ce soit, à la délicatesse ? Evidemment non. Qu’il se déplace, ou qu’il ne se déplace pas, vous ne pouvez exiger d’un membre de la magistrature qu’il fasse gratuitement le sacrifice de ses vacances, de son repos légal. La constitution établit que les membres des chambres reçoivent une indemnité pendant la session, et pourquoi voudrait-on qu’un membre de la chambre ne pût recevoir une indemnité pour une mission qu’il accomplit comme membre d’une commission en dehors de la session de la chambre ?
Mais, vous dit-on, l’indépendance du député pourrait être quelque peu compromise. Je répondrai que, s’il en était ainsi, aucun membre de l’ordre judiciaire ne pourrait jamais recevoir d’indemnité pour un travail qu’il fournit en dehors de ses fonctions de magistrat. Cependant il est reconnu, la constitution n’y fait pas obstacle, qu’un magistrat peut recevoir une indemnité lorsque la somme qu’il reçoit n’est qu’une indemnité, et non un traitement déguisé. La constitution a posé des règles, nous ne devons pas les étendre, mais il ne faut pas non plus les rétrécir.
Je dis qu’il importe à la chose publique de ne pas poser de principe absolu dans cette matière ; car vous pourriez priver l’Etat de lumières très utiles, soit de la part des membres des chambres, soit de la part des membres de la magistrature. Il arrive même des circonstances où un membre de la chambre ou de la magistrature ne pourrait, sans manquer, en quelque sorte, à sa famille, rendre à l’Etat des services extraordinaires sans aucune espèce d’indemnité.
Je répète, messieurs, qu’il ne faut rien exagérer en cette matière, il faut laisser ces choses à l’appréciation des membres de la chambre et des membres de la magistrature, qui peuvent être appelés à faire partie de l’une ou de l’autre commission, mais je suis aussi d’avis que le gouvernement doit être sobre d’allocations d’indemnités ; il est une infinité de commissions pour lesquelles il n’y a pas lieu à indemnité.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je me trouve, messieurs, dans la même position que l’honorable préopinant ; je suis aussi complètement désintéressé dans la question, puisque, comme ministre, je n’ai pas non plus institué de commissions rétribuées et que, comme député, je n’ai jamais reçu d’indemnité de cette nature. Je pense également qu’il ne faut pas poser des principes absolus en cette matière. L’honorable membre qui a pris la parole avant l’honorable préopinant, a demandé quelle différence il y a entre un député qui reçoit une indemnité pour faire partie d’une commission et un député qui accepte un emploi salarié.
Je trouve qu’il y a une différence très frappante ; cette différence est celle qu’il y a entre un emploi permanent et une mission purement temporaire. D’ailleurs, de nombreux précédents justifient la mesure prise par mon honorable prédécesseur ; la question aurait donc dû être soulevée depuis longtemps. Ces précédents, messieurs, vous les connaissez tous ; vous savez, par exemple, que l’année dernière des membres de la chambre et du sénat ont été appelés à faire partie d’une commission rétribuée ; la chambre a voté les fonds nécessaires pour liquider l’indemnité des membres de cette commission : aucune observation n’a été faite. Vous voyez donc, messieurs, qu’il ne s’agit pas ici d’une innovation ; quoique l’arrêté ne soit pas un acte de mon administration, je crois devoir insister sur ce point.
Du reste, bien souvent le gouvernement éprouverait de grandes difficultés lorsqu’il s’agirait de composer une commission qui devrait être chargée d’un travail long et pénible, d’un travail entraînant quelque responsabilité, si aucune rémunération ne pouvait être allouée aux membres de cette commission ; on ne répondrait pas que l’on refuse d’en faire partie, parce qu’aucune indemnité n’y est attachée, mais on trouverait un autre prétexte. Ceux qui voient les choses de près, ceux qui les examinent au point de vue pratique, apprécieront parfaitement cette observation.
M. Malou. - Je croyais, messieurs, que les explications que j’ai données tout à l’heure avaient, en quelque sorte, rendu impossible l’espèce de leçon que l’honorable M. Lebeau a bien voulu me faire l’honneur de m’adresser. Je ne crois pas du tout qu’il soit fâcheux, en général, pour un député d’avoir à donner des explications sur sa position personnelle ; cela n’est fâcheux que pour celui qui ne peut pas donner des explications satisfaisantes. Or je pense que celles que j’ai données le sont complètement. J’ai expliqué à la chambre comment je me suis trouvé membre de cette commission ; je me suis expliqué également en ce qui concerne la question de l’indemnité.
Je n’ajouterai plus qu’un mot, c’est que cela m’arrive pour la première fois et que j’y ai été en quelque sorte pris, jeune que je suis.
On dit qu’il faut que l’indépendance du député ne puisse pas être compromise ; mais, messieurs, c’est par les actes du député que son indépendance se prouve. Pour moi, je fais un appel à tout ce qui s’est passé depuis que je suis membre de la commission de liquidation, et je pense pouvoir attendre avec confiance votre jugement et celui du pays.
M. Orts. - Les explications données par M. le ministre des finances sur le mandat tout gratuit de la commission chargée de l’examen de la question des pensions, ces explications me dispensent d’en donner à mon tour sur ce qui me concerne. M. le ministre des finances nous a priés de faire partie de cette commission ; dans la lettre qu’il nous a écrite à ce sujet, il faisait un appel à notre patriotisme ; son langage était digne de celui qui s’adressait à nous, et, pour ma part, comme c’était l’époque des vacances je me suis rendu avec empressement à son appel. Lorsque nos travaux furent terminés, M. le ministre nous a remerciés, et c’était là la seule récompense que nous demandions.
M. Savart-Martel. - Tout ce qui vient d’être dit prouve que mon opinion a beaucoup de partisans ; mais j’ai vu avec peine qu’on puisse croire que j’aurais voulu faire quelque allusion. Je le déclare avec franchise, je ne connais aucun membre de la commission salariée. Et d’ailleurs, s’il en existait qui eussent reçu des indemnités allouées par le gouvernement, je serais bien loin de leur en faire un grief. Moi aussi, messieurs, je servirai toujours mon pays avec zèle et dévouement, et gratuitement, mais si je me trouvais dans une position telle que la loi m’allouât une indemnité, je ne croirais pas mal faire de la recevoir.
Je pense que tous mes collègues ont autant de patriotisme que moi-même. On ne peut donc supposer ici d’allusion à qui que ce soit, sinon je me serais tu.
M. Lebeau. - Je n’ai pas besoin de dire, messieurs, que je n’ai entendu en aucune façon faire la leçon à l’honorable M. Malou. Je suis bien loin encore d’avoir voulu insinuer que l’indépendance de l’honorable membre aurait reçu la moindre atteinte de quelques faveurs qui pourraient lui avoir été accordées par un ministère quelconque ; je suis journellement témoin des preuves d’indépendance données par l’honorable préopinant ; le souvenir de plusieurs de ses discours et de ses votes est encore trop récent dans cette chambre, pour que je n’eusse pas commis la plus insigne maladresse en voulant, le moins du monde, mettre en question l’indépendance parlementaire de l’honorable membre. (On rit.)
Mais je crois que je puis maintenir ce que j’ai dit sans blesser, en quoi que ce soit, la susceptibilité d’aucun de mes honorables collègues. J’ai dit qu’il était fâcheux qu’un membre de la chambre fût amené à demander en quelque sorte la parole pour un fait personnel, afin de venir dire que si on l’avait fait à son insu membre d’une commission, il s’est seulement aperçu plus tard que cette commission était rétribuée, et qu’il n’ait eu d’autre occasion pour déclarer publiquement qu’il répudiait toute indemnité, que le hasard de la discussion actuelle et de la tournure qu’elle a prise.
J’ai dit que cela était fâcheux, mais je désire qu’on ne dénature pas ma pensée en lui donnant dès proportions qu’elle n’a pas ; je n’ai pas entendu condamner en termes généraux l’intervention de membres des chambres, même avec rétribution, dans certains travaux préliminaires relatifs à des projets de loi ou dans des travaux relatifs à l’exécution d’un traité ; j’ai dit seulement qu’il ne faut pas non plus tomber dans une autre exagération ; je ne voudrais pas, par exemple, comme c’est peut-être le cas, que des membres des chambres figurassent en majorité dans certaines commissions ministérielles. Ici nous sommes parfaitement à même de connaître l’indépendance de nos collègues, mais au dehors on nous juge peut-être plus légèrement Le gouvernement représentatif, on l’a souvent dit, est un gouvernement de défiance, et il faut, quand il s’agit de composer des commissions rétribuées, éviter de donner un aliment à cette défiance ; il faut éviter de lasser planer des doutes sur l’indépendance complète des membres de la chambre. La représentation nationale doit être comme la femme de César ; il faut que le soupçon même ne puisse l’atteindre. Il faut, je le répète, dans son intérêt, dans l’intérêt de chacun de nous, user de la plus grande réserve lorsqu’il s’agit d’appeler des membres des chambres dans des commissions rétribuées, où le bon vouloir ministériel seul vous introduit.
Voilà, messieurs, quelle a été ma pensée ; je n’ai pas voulu dire autre chose. La chambre sait bien que je ne suis partisan d’aucune opinion exagérée, que je sais faire la part des nécessités pratiques du gouvernement.
- Le renvoi du projet à la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L’ordre du jour appelle, en second lieu, la discussion du projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget de la dette publique pour l’exercice de 1843. L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique, pour l’exercice 1843, un crédit de huit cent six mille cent soixante-trois francs soixante-treize centimes (fr. 806,163 73, à répartir ainsi qu’il suit :
« Chapitre Ier. - Service de la dette
« Art. 26. Arriérés pour l’exercice 1842 des frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 100,800,000 francs à 5 p. c. autorisé par la loi du 16 décembre 1831, fr. 12,597 15
« Art. 27 Arriérés pour l’exercice 1842 des frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 86,940,000 francs à 5 p. c., autorisé par loi du 26 juin 1840, fr. 9,284 89
« Art. 28. Intérêts et dotation de l’amortissement pour les mois de novembre et décembre 1843, de l’emprunt de fr. 28,621,718 40 à 5 p. c, autorisé par la loi du 29 septembre 1842, fr. 286,217 18
« Art. 29. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt pour ces deux mois, fr. 7,500 00
« Art. 30. Intérêts arriérés de la dette flottante pour l’exercice 1839, fr. 28,581 95
« Art. 31. Intérêts arriérés de la même dette pour l’exercice 1840, fr. 461,982 56
« Ensemble : fr. 806,163 73 »
La section centrale propose la rédaction suivante :
« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique, pour l’exercice 1842, un crédit de huit cent six mille cent soixante-trois francs soixante-treize centimes (fr. 806,163 73, à répartir ainsi qu’il suit :
« Chapitre Ier. - Service de la dette
« Art. 17. Arriérés pour l’exercice 1842 des frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 100,800,000 francs à 5 p. c. autorisé par la loi du 16 décembre 1831, fr. 12,597 15
« Art. 18 Arriérés pour l’exercice 1842 des frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 86,940,000 francs à 5 p. c., autorisé par loi du 26 juin 1840, fr. 9,284 89
« Art. 19. Intérêts et dotation de l’amortissement pour les mois de novembre et décembre 1843, de l’emprunt de fr. 28,621,718 40 à 5 p. c, autorisé par la loi du 29 septembre 1842, fr. 286,217 18
« Art. 20. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt pour ces deux mois, fr. 7,500 00
« Art. 21. Intérêts arriérés de la dette flottante pour l’exercice 1839, fr. 28,581 95
« Art. 22. Intérêts arriérés de la même dette pour l’exercice 1840, fr. 461,982 56
« Ensemble : fr. 806,163 73 »
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, le changement proposé par la section centrale tend simplement à imputer le crédit sur l’exercice de 1842. Je me rallie à ce changement, car c’est par erreur que l’imputation avait été faite sur l’exercice de 1843.
M. de Foere. - Messieurs, j’appellerai un moment l’attention de la chambre et celle de M. le ministre des finances sur chacun des articles du projet de loi actuellement en discussion. Je regrette qu’il n’ait été donné aucune explication sur la cause de l’insuffisance du crédit mentionné aux deux premiers articles. Cette cause n’est expliquée ni dans l’exposé des motifs du gouvernement, ni dans le rapport de la section centrale. Les frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 1831 ont été servis depuis treize ans. Des membres de la chambre auraient pu se demander comment il se fait qu’il y ait eu, en 1842 insuffisance de crédit pour payer ces frais, alors que le département des finances aurait pu calculer exactement le montant des mêmes frais. Je crois, messieurs, que cette insuffisance résulte de la différence des changes entre notre pays et l’Angleterre. Dans le contrat d’emprunt, le change a été fixé à fr. 23-20 ; or, depuis deux ans, ce change a atteint un taux énorme. Il est monté à 25-60 et 25-70. La différence a incombé au trésor public. C’est à cette cause que j’attribue l’insuffisance du crédit que le gouvernement demande aujourd’hui de combler. M. le ministre des finances voudra bien nous dire s’il est, ou non, du même avis. Dans le cas affirmatif, j’aurais désiré que cette explication eût été donnée dans l’exposé de ses motifs, ou dans le rapport de la section centrale.
La même observation s’applique à l’article 2 du projet de loi.
Je présenterai une observation générale sur les quatre autres articles. Ces crédits, comme le fait observer la section centrale, ont pu être calculés exactement sur des bases certaines. Il est étonnant que le département n’en ait proposé la régularisation depuis longtemps.
Je dois entrer dans des considérations spéciales sur les deux derniers qui sont relatifs aux intérêts arriérés de la dette flottante pour l’exercice de 1839 et 1840. Le plus long terme d’échéance de nos bons du trésor est d’un an. Après ce terme les capitaux des bons du trésor sont remboursés aux détenteurs, et les intérêts leur sont payés. Je demande maintenant à l’honorable ministre des finances comment il se fait que les intérêts ayant été payés, on propose à la chambre des subsides pour servir les mêmes intérêts ? Puisqu’il est constant que ces intérêts de nos bons du trésor, levés en 1839 et 1840, ont été intégralement pays après leur échéance, et que, d’un autre côté, M. le ministre constate aujourd’hui des intérêts arriérés de ces mêmes bons ; je lui demande, en second lieu, sur quels subsides, votés par la chambre, il a servi intégralement ces mêmes intérêts.
M. Osy. - Messieurs, en l’absence de M. le rapporteur, et faisant partie de la commission, je donnerai les explications que demande l’honorable M. de Foere.
Et d’abord, vous avez vu dans le rapport que la commission des finances désapprouve la marche qui est suivie au ministère des finances. Elle désire qu’on demande des crédits supplémentaires, assez à temps pour pouvoir les appliquer à l’exercice même qu’ils concernent. Ainsi dans le projet de loi en discussion, on demande un crédit de 286,000 fr. qui se rapporte à un exercice déjà clos. Je conviens que ceci n’est pas le fait de M. le ministre des finances actuel ; je lui recommande de tenir la main à ce que, dans son administration, on demande les crédits supplémentaires en temps utile, pour qu’on ne soit pas obligé de les distraire de l’exercice auquel ils s’appliquent.
Répondant maintenant à l’honorable M. de Foere, je dirai qu’effectivement le crédit de 12,000 fr. demandé à l’art. 17, provient de la différence du change qui est plus élevé que celui qui a été fixé par le contrat, il était impossible de calculer d’avance les sommes dont on aurait besoin.
La même observation s’applique à l’art. 18.
On demande un crédit à l’art. 19, parce que l’emprunt de 28 millions a été conclu en 1842, avec les intérêts à partir du 1er novembre 1842. L’emprunt n’ayant été conclu qu’après le vote du budget de 1842, il était impossible de prévoir la somme nécessaire au paiement des intérêts. Au budget de 1843, on n’a demandé qu’une année d’intérêt. Les deux derniers mois de 1842 ne pouvaient pas être prévus, et c’est pour régulariser cet arriéré qu’on demande aujourd’hui un crédit. L’année dernière nous avons fait la même opération pour l’emprunt de 86 millions.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je dois faire une première observation, c’est que dans cette chambre il ne peut y avoir de blâme à imputer au ministère des finances. Le ministre des finances est responsable, et nulle responsabilité devant les chambres n’incombe à aucun employé des administrations qui lui sont confiées ; s’il y a motif de blâme, c’est sur le ministre qu’il doit retomber.
La chambre, je pense, me rendra cette justice, que je ne me suis épargné aucune peine pour régulariser la comptabilité financière ; j’ai proposé des lois de comptabilité, j’ai recherché les dépenses qui devaient être régularisées, et je suis venu proposer une série de crédits supplémentaires.
Je répondrai maintenant à l’honorable M. de Foere, que j’attribue à la cause qu’il a signalée, les deux légers suppléments de crédit demandés pour les intérêts et l’amortissement des emprunts de 100,800,000 francs et de 86 millions.
Quant au crédit supplémentaire demandé pour la dette flottante, je ne puis attribuer qu’à un oubli de mon honorable prédécesseur, que ce crédit n’ait pas été demandé plus tôt. L’expression de blâme est certes trop forte pour qualifier de ce retard. Je rappellerai, messieurs, que, comme député, j’ai rappelé à plusieurs fois qu’il y aurait des crédits supplémentaires à demander pour la dette flottante de 1839 et de 1840 ; aujourd’hui, comme ministre, je me suis empressé de soumettre de ce chef une demande de crédit à la chambre. C’est ainsi que je ferai pour tous les crédits qui peuvent encore être arriérés, de sorte que d’ici à peu de temps la comptabilité financière sera complètement régularisée.
M. de Foere. - Messieurs, d’après les explications qui ont été données, l’honorable ministre des finances, l’honorable M. Osy et moi, nous sommes d’accord sur la cause à laquelle il faut attribuer l’insuffisance du crédit concernant les deux premiers articles du projet de loi. Mais les deux honorables préopinants n’ont donné aucun éclaircissement sur la question de savoir sur quel crédit, alloué par la législature, on a paye les intérêts de 17 millions de la dette flottante, portés sur l’exercice de 1839 et 1840. Ces intérêts ont été servis intégralement à l’échéance des bons du trésor. Maintenant on demande un subside pour payer les intérêts arriérés de cette même dette flottante. J’insiste pour obtenir une explication sur cette question.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, comme de nouvelles émissions de bons du trésor ont été votées par les chambres, la cour des comptes n’a pas fait difficulté d’admettre en liquidation les intérêts des bons du trésor, sauf régularisation. Je pense, qu’en ce qui concerne l’année 1840, M. le ministre des finances d’alors s’attendait à conclure un emprunt beaucoup plus tôt, et que c’est pour ce motif que l’allocation pétitionnée au budget de 1840 a été insuffisante ; l’emprunt ayant été retardé, deux nouvelles émissions de bons du trésor ont été votées par les chambres, et formaient ensemble 17 millions. Il est arrivé de là qu’il y a eu insuffisance dans l’allocation, et c’est ainsi que nous venons demander aujourd’hui un crédit supplémentaire de 461,000 fr., pour régulariser des payements déjà effectués. On conçoit, du reste, qu’il était impossible de ne pas effectuer le payement des intérêts des bons du trésor qui ont été émis.
M. Osy. - Je n’ai pas adressé de reproche aux employés du ministère des finances ; j’ai seulement recommandé à M. le ministre de donner les ordres nécessaires pour qu’à l’avenir les demandes de crédits supplémentaires soient présentées en temps utile, et non pas deux ou trois ans après la clôture de l’exercice auquel ils s’appliquent.
Il me reste à donner un renseignement en ce qui concerne le crédit de l’art. 19
L’emprunt de 1842 a été fait au mois de septembre 1842. Les intérêts de cet emprunt n’étaient pas prévus au budget de 1842. On a dû insérer dans l’emprunt la clause que les intérêts courraient à partir du mois de novembre 1842. Au budget de 1843, on a demandé un crédit pour desservir les intérêts d’une année. Aujourd’hui, on demande un crédit supplémentaire pour payer les intérêts des mois de novembre et décembre 1842. Ce n’est qu’une régularisation.
M. de Foere. - Messieurs, l’honorable préopinant a bien voulu me donner des explications sur le n°3 qui forme l’art. 19 du projet de loi ; mais je n’ai pas demandé ces explications. J’avais parfaitement bien compris que, dans cet article, il ne s’agit plus d’une régularisation résultant d’une décision prise antérieurement par la chambre. J’ai constaté deux faits. Il est certain que les intérêts des 17 millions de dette flottante pour les exercices de 1839 et 1840 ont été payés intégralement. L’autre fait est posé par M. le ministre des finances. Il demande un crédit pour payer les intérêts arriérés de cette même dette flottante pour les exercices de 1839 et 1840. Puisque ces intérêts ont été servis, j’ai demandé sur quels subsides, votés par la chambre, M. le ministre des finances a payé ces intérêts ? M. le ministre a répondu qu’il y avait insuffisance de crédit ; mais cette réponse n’est pas admissible, attendu que, lorsque la chambre à voté les 17 millions, elle a voté, en même temps, le crédit pour en payer les intérêts. Mais toute la difficulté consiste dans cette insuffisance même sur laquelle la demande de crédit repose. En effet, M. le ministre demande des subsides pour couvrir les intérêts arriérés de la dette flottante pour les exercices de 1839 et 1840. De deux choses l’une : si ces intérêts ont été alloués, la demande de crédit pour cet objet est inutile ; s’ils ont été payés, ce qui est constant, et qu’il n’y ait pas eu de crédit alloué, je ne comprends pas sur quel crédit ces intérêts aient pu être payés.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai déjà répondu que la loi ayant autorisé une nouvelle émission de bons du trésor, la cour des comptes avait liquidé les intérêts. Les lois en vertu desquelles les émissions de bons du trésor ont lieu n’allouent pas en même temps les fonds pour payer les intérêts. L’honorable membre demande sur quel crédit on les a payés. Mais s’il y en avait eu un, je ne viendrais pas vous le demander aujourd’hui. La cour des comptes a admis le paiement des intérêts, sauf régularisation ; c’est pour atteindre ce but que la loi dont il s’agit vous est présentée.
M. Osy. - La commission blâme la marche qui a été suivie par le ministre en fonctions. Effectivement, quand nous avons voté des émissions de bons du trésor de 12 et de 5 millions pour le chemin de fer et pour les routes ordinaires, la loi ne dit pas qu’on ouvrait un crédit pour le paiement des intérêts. Comme le budget était voté, on n’a pas pu les comprendre dans ce budget. La cour des comptes a liquidé, parce que l’emprunt du capital ayant été voté, il fallait bien payer les intérêts, mais la cour des comptes a demandé qu’une loi ouvrant un crédit fût présentée afin de régulariser l’autorisation de la cour des comptes. Mais cette loi, on aurait dû nous la présenter, il y a deux ans, et non aujourd’hui.
- L’article est mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal, Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 50 membres qui ont répondu à l’appel.
Ce sont : MM. Mercier, Morel-Danheel, Orts, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Sigart, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Castiau, Coghen, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Delfosse, d’Elhoungne, de Man d’Attenrode, de Meester, de Mérode, de Nef, Deprey, de Renesse, de Sécus, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Duvivier, Eloy de Burdinne, Goblet, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Malou et Liedts.
- La séance est levée à 3 heures 3/4.