(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1844)
(Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et quart.
- La séance est ouverte.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les cultivateurs de la commune de Hasselt présentent des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
« Mêmes observations des habitants des communes de Ramillies et de Bilsen. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen de la loi sur les céréales.
« Le sieur Warzée, employé au ministère des travaux publics demande la place de bibliothécaire de la chambre. »
« Même demande du sieur Despret, employé au ministère de l’intérieur. »
- Renvoi au bureau de la chambre chargé de présenter une liste de candidats.
« Les sieurs Brixhe, Kenon et Bouthey prient la chambre d’accorder au gouvernement les fonds nécessaires au paiement des pensions des légionnaires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Jean-Baptiste Vautier, négociant à Bohan, né aux Rivières (France), demande la naturalisation. »
« Même demande du sieur Frédéric John Manryhely, traducteur, interprète juré près les tribunaux de première instance et de commerce à Anvers, né en Angleterre. »
« Même demande du sieur Ch.-G.-Ed. Ziekwolff, professeur à l’école industrielle de Verviers, née à Ottweiler (Prusse). »
« Même demande du sieur Mania Schmits, chef de musique au régiment d’élite, né à Waldau (Hesse). »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Les cultivateurs de la commune d’Essen demandent la révocation de l’arrêté qui permet le transit du bétail hollandais par le chemin de fer vers la France.
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Frossaert Roelants et Cie demande une augmentation de droits d’entrée sur les bronzes dorés, pendules, etc. »
M. le président. - Je proposerai de renvoyer cette pétition à la commission d’industrie.
M. Manilius. - Je ne sais s’il est utile de renvoyer cette pétition à la commission d’industrie. Nous avons un rapport de la section centrale sur un projet de loi dans lequel les bronzes sont compris. Il vaudrait mieux, ce me semble, demander la mise à l’ordre du jour de ce rapport et le dépôt de la pétition dont il s’agit sur le bureau pendant la discussion.
Je propose donc de mettre à l’ordre du jour, après les budgets, la discussion du projet de loi sur les droits d’entrée et le dépôt de la pétition sur le bureau pendant cette discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demanderai qu’on suspende la discussion de cet ordre du jour. Le projet de loi dont on vient de parler se rapporte, pour les objets principaux, à un autre projet de loi plus important, le projet qui contient les conclusions de la commission d’enquête. Il sera plus convenable de commencer par discuter ces conclusions. Il est vrai qu’il nous manque encore les conclusions de la commission sur la question industrielle. M. le rapporteur a annoncé qu’il nous les communiquerait prochainement ; il serait à désirer que ce deuxième rapport fût fait.
M. Osy. - Je suis charmé de la proposition de l’honorable M. Manilius. Il est plus que temps que nous nous expliquions sur ce qu’il y a à faire relativement aux conclusions de la commission d’enquête. Déjà, l’année dernière, on nous avait fait espérer qu’une résolution pourrait être prise. Le gouvernement doit avoir une opinion arrêtée relativement à ces conclusions, il doit être en mesure de nous la faire connaître, ainsi que les propositions finales qu’il peut avoir à présenter.
Je demande qu’on fixe une époque très rapproché pour la discussion des conclusions de la commission d’enquête, elle comprendrait celle de la loi dont M. Manilius demande la mise à l’ordre du jour.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble que, pour la discussion des conclusions de la commission d’enquête, on doit suivre la marche qui a toujours été suivie, surtout pour la discussion des propositions émanées de l’initiative des chambres : fixez d’abord l’ordre du jour, et lorsque l’ordre du jour fixé arrive, le gouvernement fait connaître son opinion. J’annonce, dès à présent, qu’au début de la discussion des conclusions de la commission d’enquête, je prendrai la parole pour faire connaître l’opinion du gouvernement sur ces conclusions, s’il y adhère ou s’il n’y adhère pas. S’il y adhère et que ce ne soit pas purement et simplement, il fera connaître en même temps les amendements qu’il croira pouvoir présenter. Voilà la marche qui a été suivie dans toutes les occasions semblables. C’est celle qui a été suivie pour la proposition relative au canal de Zelzaete. Le ministre des travaux publics a pris la parole au début de la discussion à la première séance ; il a dépose ses amendements après avoir déclaré qu’il adhérait au principe de la loi. Je propose à la chambre de suivre la même marche pour les propositions de la commission d’enquête.
Comment se fait-il que la mise à l’ordre du jour de ces propositions n’ait pas encore pu avoir lieu ? Cela tient aux travaux par lesquels nous avons dû débuter dans cette session. Maintenant, si quelqu’un est à même de faire une proposition d’ordre du jour, le gouvernement ne s’y opposera pas. Nous avons cependant le budget de l’intérieur qui doit avoir la priorité. Est-il possible qu’avant Pâques on discute les conclusions de la commission d’enquête ? si c’est impossible, comme c’est ma pensée, on peut faire cette proposition-ci : il y aura à Pâques, comme toujours, un ajournement ; cette année c’est le 7 avril que les Pâques arrivent ; on pourrait mettre à l’ordre du jour les conclusions de la commission d’enquête, comme premier objet, au retour de la chambre après Pâques. La question que soulèvent ces conclusions est immense, chacun sera prévenu, et chacun pourra arriver préparé. J’indique ce moyen pour faire voir que le gouvernement ne recule pas devant cette discussion. Mais ce qu’il ne veut pas, c’est qu’on change la marche qui a toujours été suivie dans toutes les discussions émanées du droit d’initiative des membres.
M. de Foere. - L’honorable ministre de l’intérieur est dans l’erreur quand il propose de rattacher l’objet de la pétition dont il s’agit, aux conclusions de la commission d’enquête formulées dans le projet de loi qu’elle a eu l’honneur de présenter a la chambre. Ces conclusions ne disposent que sur le commerce maritime. Il faut donc prendre d’autres dispositions par rapport à la discussion qui fait l’objet de la pétition dont a parlé l’honorable M. Manilius.
L’objet de cette pétition est important, je le reconnais ; mais il est tout à fait indépendant du projet de loi prescrite par la commission d’enquête. Dans la pétition il s’agit d’une plus grande protection à accorder à l’industrie des bronzes contre les produits similaires qui nous viennent de pays étrangers.
M. le ministre est donc dans l’erreur quand il veut rattacher cette pétition à la discussion des propositions de l’enquête commerciale maritime. Il est vrai que lorsque l’enquête a été faite, les industriels du pays ont tâché d’obtenir une protection pour leurs industries contre les provenances européennes ; mais ce sont là des propositions accidentelles, sur lesquelles l’honorable membre de la commission d’enquête, qui a été chargé de ce rapport, n’a pas encore présenté son travail. Mais, je dois le répéter, afin qu’il n y ait pas confusion dans la discussion, l’enquête n’a été proposée que pour régler les affaires commerciales maritimes et c’est dans ce sens que la chambre l’a adoptée et instituée.
Maintenant le ministre a proposé l’ajournement jusqu’après Pâques de la discussion du projet que, depuis longtemps, la commission d’enquête a présenté à la chambre. Je pense que, si elle est ajournée jusque-là, elle sera encore ajournée à une autre session, comme elle l’a été plusieurs fois. Je demande qu’elle ait lieu après les budgets.
M. Manilius. - Si j’ai bien compris M. le ministre de l’intérieur, il fera, à l’ouverture des débats sur les conclusions de la commission d’enquête, un rapport qui sera un complément de projet. Il propose de mettre ces conclusions à l’ordre du jour après les vacances de Pâques ; je demanderai le dépôt de la pétition, jusqu’à ce que la discussion ait lieu.
M. de Foere. - Mais cette pétition n’a aucun rapport avec la question maritime.
M. Manilius. - Il ne s’est pas seulement agi dans l’enquête de la question maritime, mais encore de la question commerciale et industrielle. C’est tellement vrai, que le président de la commission d’enquête a été chargé de faire un rapport sur la question commerciale et industrielle. Ce rapport est encore en souffrance. Le gouvernement n’est peut-être pas fâché qu’il ne soit pas fait ; ce rapport est entre les mains de l’honorable M. Zoude, c’est lui qui en a été chargé depuis l’entrée de M. Desmaisières au ministère des finances. Depuis deux ans on attend ce rapport, et ce rapport n’arrive pas.
Nous avons un rapport sur la loi relative aux droits d’entrée, mais on ne le met pas à l’ordre du jour, il y a pour cela un motif qu’il convient de ne pas deviner,
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Et quel motif ?
M. Manilius. - Des embarras diplomatiques. Le rapport sur cette loi n’arrivera pas à l’ordre du jour. Mais je me contenterai du rapport que nous promet M. le ministre pour l’ouverture de la discussion des conclusions de la commission d’enquête. Après Pâques nous pourrons donc aborder la question commerciale et maritime.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’y a pas de projet de loi sur l’entrée des bronzes.
M. Manilius. - La commission a fait un supplément de rapport sur le projet de loi relatif aux droits d’entrée et elle a proposé d’ajouter les bronzes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La chambre a usé de son droit d’initiative en instituant la commission d’enquête. C’est là le point de départ qu’il ne faut pas perdre de vue. La chambre, en vertu de la constitution, a saisi une commission de l’examen de deux questions : d’abord la question commerciale et maritime, et en second lieu, la question industrielle. La commission a présenté ses conclusions sur la première question, la question commerciale et maritime ; vous êtes saisis toujours, en vertu de votre droit constitutionnel d’initiatives, d’un projet de loi relatif à la question commerciale et maritime.
La commission d’enquête a encore à vous faire un rapport sur la deuxième question, la question industrielle. Je ne pense pas qu’il entre dans les intentions de la commission d’enquête de ne pas remplir intégralement le mandat qui lui a été donné par la chambre. Je crois donc que M. le rapporteur déposera prochainement la deuxième partie de son travail sur le bureau et complétera ainsi la tâche que la commission d’enquête a acceptée.
Le seul projet de loi qui vous soit soumis par la commission d’enquête c’est le projet concernant la question maritime et commerciale. C’est une très grande question. Ce n’est pas trop faire que de la mettre longtemps à l’avance à l’ordre du jour. L’honorable M. de Foere croit qu’on peut, en quelque sorte, aborder cette question incidemment entre deux budgets, entre deux projets de loi. J’engage l’honorable membre à abandonner cette idée. Je crois qu’il faut agir à l’égard de cette question comme on a fait pour la loi des indemnités, pour l’instruction primaire, pour l’enseignement supérieur, et tant d’autres questions, dont on a fixé l’ordre du jour, six semaines ou deux mois à l’avance. Le pays, les chambres de commerce, le commerce en général seront prévenus. Il y a des chambres de commerce qui se proposent encore d’envoyer des observations à la chambre. Il est bon qu’on sache que décidément la chambre veut aborder cette question.
Quelle sera l’attitude du ministère dans cette discussion ? Il est facile de le pressentir dès aujourd’hui. Ou le ministère adhérera au principe du projet de loi ; dans ce cas il le déclarera. S’il n’y adhère pas, il déclarera pourquoi. S’il y adhère avec des amendements, il les fera connaître en les développant.
On peut appeler ces développements un discours, un exposé des motifs, un rapport ; la dénomination n’y fait rien. Toujours est-il que le ministère ne peut rester muet.
Ainsi, dans tous les cas, vous pouvez compter que le ministère prendra part à la discussion, il fera même connaître ses intentions au début de la discussion. Il ne doit pas faire davantage, c’est la chambre qui a usé de son initiative. Le gouvernement use de son droit en ne s’expliquant que quand la discussion l’exigera.
Le projet de loi sur les droits d’entrée comprenait principalement le café, le riz, le tabac, les fers.
Une proposition, portant à 10 fr. le droit sur le café et comprise au budget des voies et moyens a été votée l’an dernier et maintenue cette année. Quant au riz et au tabac, ce sont deux objets qui seront traités dans la discussion de la question des droits différentiels.
M. Manilius. - Et les fers ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il a été fait droit sur ce point ; il y a un nouveau projet spécial.
M. Manilius. - Vous retirez donc le projet de loi sur les droits d’entrée ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est devenu sans objet.
La section centrale y a ajouté d’autres articles ; ce sont des propositions spéciales de la section centrale ; elles ne viennent pas du gouvernement.
M. Manilius. - Je retire ma proposition. M. le ministre vient de déclarer que le projet de loi est sans objet. Je ne puis rattacher une pétition à un projet de loi qui n’existe plus. Je me borne à demander le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion des conclusions de la commission d’enquête.
- Cette proposition est adoptée.
M. Rogier. - M. le ministre de l’intérieur a proposé de remettre à la rentrée des chambres, après la vacance de Pâques, la discussion des conclusions de la commission d’enquête. Il a dit que cette question était immense, qu’il était bon de s’y préparer longtemps à l’avance. Cette opinion est aussi la mienne. Depuis que les conclusions de la commission d’enquête ont été présentées, il s’est passé assez de temps pour que les membres de la chambre aient pu les étudier ; reste maintenant au gouvernement à présenter les siennes. Si M. le ministre de l’intérieur ajourne son opinion jusqu’après les vacances de Pâques, les membres qui auront étudié les conclusions de la commission d’enquête seront exposés à n’avoir fait qu’une étude tout à fait incomplète si M. le ministre prend des conclusions contraires, ce sera un nouveau travail, de nouvelles études auxquelles ils devront se livrer.
M. le ministre de l’intérieur, avec cette franchise laquelle il nous a depuis longtemps habitués, vient de faire la déclaration suivante : « Ou j’adhérerai aux conclusions de la commission d’enquête, ou je n’y adhérerai pas. » Il a poussé, jusque-là le courage de son opinion. Fort bien ; mais en admettant que M. le ministre de l’intérieur n’adhère pas à ces conclusions, ii faudra bien qu’il développe ses motifs. Le rapport qu’il annonce pour les premiers jours de la discussion, qu’il le présente un mois d’avance ; nous pourrons comparer ses conclusions avec celles de la commission d’enquête. Je sais que la chambre a pris l’initiative dans cette enquête ; elle était parfaitement dans son droit. Mais en exerçant son initiative, sa prérogative, elle n’a pu paralyser ni l’initiative ni les prérogatives du gouvernement.
Je me rappelle très bien que le prédécesseur de M. le ministre de l’intérieur, tout en ne s’opposant pas à l’enquête, a déclaré qu’il ferait lui-même une enquête, qu’il l’a présenterait avec des conclusions. Comment ! la question est immense ! et le gouvernement n’a pas une opinion faite ! il ajourne l’expression de cette opinion jusqu’au premier jour de la discussion. Il est impossible que la chambre adopte une telle manière de procéder. Nous nous exposons à devoir, après les vacances de Pâques, prononcer un nouvel ajournement, si tant est que les conclusions que le gouvernement ne peut s’abstenir de prendre, ne sont pas d’accord avec celles de la commission d’enquête.
Je prie donc M. le ministre de vouloir bien réfléchir aux conséquences de son abstention.
M. le ministre des affaires étrangères nous a lu, à l’ouverture de cette session, un programme où, abandonnant, dit-il, le passé, le ministère entrerait dans une voie nouvelle et s’occuperait principalement de l’armée, des finances et de la question commerciale. Serait-ce trop exiger que de demander que sur ce dernier point, qui fait partie du programme nouveau du nouveau ministère, le ministère fasse au moins connaître son opinion ?
Je demande que cette opinion soit connue assez à l’avance pour que nous puissions l’apprécier et nous y rallier, ou la combattre, en connaissance de cause.
J’espère donc que M. le ministre de l’intérieur, qui n’a jamais refusé à la chambre des documents, qui en a été prodigue (je ne lui en fais pas de reproches ; loin de la, je lui en ai fait à plusieurs reprises des compliments), ne nous fera pas attendre jusqu’après Pâques les documents et les conclusions qu’il lui doit pour cette importante discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai pas plus manqué de courage dans cette circonstance que mes honorables prédécesseurs. Souvent mes prédécesseurs, alors même qu’il s’agissait de projets de lois présentés par le gouvernement, lorsqu’on leur demandait de nouveaux éclaircissements, des modifications, ont annoncé qu’ils feraient connaître leurs intentions lorsque les projets de loi seraient à l’ordre du jour. A plus forte raison, avons-nous ce droit, lorsqu’il s’agit d’une question appartenant à l’initiative parlementaire.
Si même j’avais sous la main le premier volume de l’enquête, en tête duquel se trouve la discussion relative à la prise en considération, je pourrais vous citer le discours de l’honorable M. Rogier, qui indique cette marche prudente comme devant être celle du gouvernement. L’honorable M. Rogier peut être convaincu que nous abordons cette question comme nous avons abordé tant d’autres questions, avec la sincère intention d’arriver à une solution. C’est parce que nous avons sincèrement cette intention que nous croyons préférable de ne pas faire naître un nouvel incident dans cette discussion déjà si longue. Ce nouvel incident serait le rapport que vous ferait aujourd’hui le gouvernement, et qui deviendrait probablement l’objet d’un nouveau volume.
Le gouvernement n’oppose aucune fin de non-recevoir à la mise à l’ordre du jour. Qu’on la fixe aujourd’hui, le gouvernement sera prêt ; il prendra part à la discussion. Je ferai même mes efforts pour éclaircir, autant que je puis l’espérer, la question de manière à ce que la discussion, ainsi que semble le craindre l’honorable M. Rogier, ne puisse être ajournée. Après Pâques, nous pourrons aborder cette question, de manière à arriver, sans désemparer, à une solution quelconque.
M. Desmet. - S’il est vrai que l’objet particulier de l’enquête a été la question de commerce maritime et des droits différentiels, il n’en est pas moins vrai que le travail de la commission embrasse aussi toutes les branches d’industrie. J’insiste aussi pour qu’il y ait une discussion générale où l’on s’occupera non seulement du commerce maritime, mais encore de tout ce qui a trait à l’industrie. Il y a urgence, et c’est une nécessité impérieuse, afin que nous sortions du malheureux système où nous sommes entraînés. Dans cette discussion on examinera le tarif actuel, les vices et les moyens d’y porter remède. Cependant, il serait utile de connaître l’opinion du gouvernement quelque temps à l’avance, afin de savoir s’il est plus ou moins d’accord avec la commission. Il faut formuler quelque chose. Autrement la discussion durera trop longtemps. Je crois qu’il est bien de fixer la discussion après Pâques ; mais je ne voudrais pas que ce fut plus tard, que ce fut renvoyé à la Trinité.
M. Desmaisières. - Il est certain, comme on l’a dit, que la commission d’enquête que j’avais l’honneur de présider a été chargée par la chambre de s’enquérir, non seulement de la situation commerciale du pays, mais encore de sa situation industrielle et agricole. C’est ainsi que nous avons compris notre mission. J’ai même fait rapport à la chambre sur plusieurs questions industrielles, notamment sur la question de sucres. Nous avons présenté aussi des conclusions sur cette question. Mais ayant été appelé ensuite, par la confiance du Roi, à faire partie du cabinet, je n’ai pu continuer le rapport sur les autres questions industrielles que soulevait l’enquête.
Mon honorable collègue et ami M. Zoude a été chargé par la commission d’enquête de continuer ce travail et je crois pouvoir dire à la chambre qu’il ne tardera pas à être terminé.
Il se présente maintenant, à mon, égard, une question qui soulève chez moi certains scrupules, c’est celle de savoir si je puis reprendre la présidence de la commission d’enquête commerciale.
M. le président. - C’est l’affaire de la commission.
M. de Foere. - J’attache une aussi grande importance à la pétition qui fait l’objet de la discussion que l’honorable M. Manilius ; mais je ne puis laisser poser un précédent qui ferait confondre avec la question maritime celle qui se rattache à la protection à accorder aux produits de notre industrie contre l’importation des mêmes produits étrangers.
On veut que ces questions soient discutées simultanément ; or, elles sont tout à fait indépendantes l’une de l’autre. Si vous procédiez de la sorte, vous tomberiez dans une confusion d’où vous ne pourriez sortir.
Les propositions faites par la commission d’enquête ont trait exclusivement au commerce maritime ; ce n’est même que secondairement et par bienveillance pour l’industrie du pays que la commission s’est occupée de celle-ci ; et si elle a nommé un rapporteur, ce n’est pas pour présenter un rapport détaillé sur la protection que réclament les diverses industries, mais pour vous faire un rapport général très court, afin que la chambre ait connaissance des vœux du pays en ce qui concerne le tarif de la douane, considère comme protecteur de notre industrie contre l’industrie similaire de l’étranger.
Mais, je le répète, la question maritime est totalement indépendante de cette dernière. Il ne s’agit, dans la question maritime, que du chiffre des importations de produits exotiques, c’est-à-dire d’articles que le pays ne produit pas. Il est donc évident, messieurs, que la question de protection à accorder aux industries du pays contre celles similaires aux autres Etats européens, est tout à fait distincte de la question qui a pour objet les importations maritimes de produits coloniaux.
Je le répète, j’attache aussi une très grande importance à la protection de l’industrie ; et cette protection devient de plus en plus urgente, surtout pour l’article des bronzes et pour d’autres.
M. Zoude. - A l’appui de ce que vient de dire l’honorable M. de Foere, je dois déclarer que le rapport de la commission d’enquête sur la question industrielle ne présente pas de conclusions, et dans mon opinion je crois qu’elle ne devait que s’enquérir de la situation de chacune de nos industries, et de vous en rendre compte, c’est ce que je ferai.
M. Manilius. - Je ne pourrais consentir à ce qu’on mît à l’ordre du jour séparément les conclusions de la commission d’enquête que nous connaissons aujourd’hui. Il est certain que vous ne pouvez disjoindre les diverses questions relatives au commerce.
La loi de 1822 qui nous régit aujourd’hui est une loi d’ensemble ; ce n’est pas une loi qui a été faite par parties, il n’y a pas une partie maritime, une partie commerciale, une partie industrielle, mais un tout. J’aurais voulu voir le gouvernement proposer une loi organique, une loi d’ensemble ; alors cette discussion n’aurait pas été soulevée. L’enquête n’était qu’un renseignement utile pour la discussion d’un pareil projet. J’ai souvent convié le gouvernement à le présenter ; je l’y convie encore ; qu’il nous propose une loi d’ensemble destinée à remplacer celle de l’ancien gouvernement, qu’on l’examine et qu’on la discute, si c’est possible, immédiatement après Pâques.
M. Rodenbach. - Messieurs, on a demandé de fixer la discussion de l’enquête commerciale après Pâques ; la chose est possible pour la question maritime sur laquelle l’honorable député de Thielt nous a fait un rapport. Mais il paraît, d’après la déclaration que vient de faire l’honorable M. Zoude, qui est rapporteur pour la question industrielle et agricole, qu’il ne présentera pas de conclusions, Dès lors, si nous fixons maintenant l’ordre du jour pour l’examen du travail de la commission d’enquête, nous serons arrêtés, nous ne pourrons examiner les protections à accorder aux industries, à l’agriculture et aux manufactures. Or, sans cela, nous n’aurons rien fait, car c’est un point de la plus haute importance ; l’industrie a une importance aussi majeure que le commerce maritime.
Je crois donc que nous devons avoir des conclusions sur la question industrielle avant de fixer l’ordre du jour. Je ne puis comprendre comment il se fait que la commission d’enquête ne nous propose pas de conclusions sur ce point. Je ne sais si elle a pris cette décision, qui ne me paraîtrait pas rationnelle. Je crois que la commission d’enquête devrait s’assembler et nous faire des propositions.
(Moniteur belge n°18, du 18 janvier 1844) M. de Theux. - Il me semble que nous ne pouvons forcer la commission d’enquête à nous présenter une modification au système des droits d’entrée et de sortie. Tout ce que nous pouvons exiger de la commission, c’est de nous faire connaître les faits qu’elle a constatés dans l’enquête, parce que, de ces faits, il pourra résulter pour tous la conviction qu’il y a utilité soit de maintenir le tarif tel qu’il existe, soit d’y apporter des modifications. Mais je demande que la commission d’enquête soit invitée à nous faire son rapport sur la partie industrielle dans le plus bref délai possible. Nous avons grand intérêt à connaître les faits constatés par elle, parce que, ainsi que l’ont dit différents membres, l’appréciation du tarif est, à certains égards, en corrélation intime avec le système des droits différentiels.
J’invite de nouveau la commission d’enquête à faire le plus tôt possible son rapport sur la question industrielle.
(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1844) M. Zoude. - On fait observer que la commission d’enquête industrielle a non seulement le pouvoir, mais qu’elle est en devoir de présenter des conclusions à la suite du rapport qu’elle est chargée de faire ; je ne sais, pour mon compte, si notre mandat a une pareille portée, cependant, si la chambre le désire, je consulterai la commission et aurai l’honneur de faire des propositions pour les industries sur lesquelles elle croira pouvoir se prononcer.
M. Cogels. - Ainsi que vient de le dire l’honorable M. Zoude, la commission d’enquête s’est acquittée de la tâche qui lui était confiée. Elle n’était chargée de prendre des conclusions que quant au système maritime, et le reste n’était qu’accessoire. Mais il me paraît que toute cette discussion est prématurée. Lorsque le projet du gouvernement, s’il y en a un, sera présenté aux chambres et mis en discussion, ou lorsqu’on s’occupera des propositions de la commission d’enquête, on pourra voir si le projet en discussion est assez complet ou non ; s’il n’est pas assez complet, on pourra proposer toutes les modifications qu’on jugera convenables, et même la révision totale du tarif. Et quant à moi, je ne serais pas éloigné d’appuyer une pareille proposition.
- La chambre décide qu’elle met à l’ordre du jour, pour l’époque de la rentrée après les vacances de Pâques, la discussion des propositions de la commission d’enquête.
M. de Naeyer informe la chambre que, par suite de la maladie très grave d’un de ses enfants, il ne peut assister aux séances.
- Pris pour notification.
M. le ministre des finances transmet à la chambre un état des suppléments de traitement accordés aux receveurs pour tenir lieu d’indemnité de pertes éprouvées par suite de suppression des leges, ainsi, que la situation, au 31 décembre 1843 , des minimum et des maximum dont jouissent quelques receveurs de l’administration des contributions directes, cadastre, douanes et accises.
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des finances.
M. le président. - Une proposition de loi a été déposée sur le bureau ; elle sera communiquée aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture.
M. Malou dépose 48 rapports sur des demandes en naturalisation.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du budget du département des finances.
« Art. 1er. Traitements des employés du service sédentaire : fr. 863,400. »
« Art. 2. Remises et indemnités des comptables : fr. 1,710,000 »
M. Osy. - Nous avons demandé hier un tableau de cet article, qui est très important. J’ai examine ceux que M. le ministre des finances a eu la complaisance de remettre au bureau. L’un présente un chiffre de 236,000 francs, pour les remises, et l’autre un chiffre de 23,990 fr. pour indemnités. Vous voyez que ces sommes réunies ne montent qu’à 250,000 fr., de manière que les renseignements qu’on nous donne sont tout à fait incomplets, puisque nous avions demandé la justification de la somme de 1,710,000 francs que l’on pétitionne.
J’ai examiné les différends arrêtés qui constituent les remises des receveurs. En 1822, on a pris un arrête par lequel on a fixé les remises des receveurs des impositions directes, douanes et accises. Dans cet arrêté, il n’est pas parlé d’indemnités, il est seulement dit à l’art. 14, qu’il peut y avoir trois exceptions :
1° A l’égard des bureaux frontières où la recette n’est pas considérable.
2° A l’égard des bureaux où la recette est hors de proportion avec le travail exigé.
3° À l’égard des bureaux où les recettes s’élèveraient de manière à être hors de toute proportion avec le traitement du receveur.
Le gouvernement provisoire, en 1831, a changé les remises fixées par l’arrêté de 1822, et les a diminuées assez fortement.
Sous le gouvernement du roi, en 1833, un nouvel arrêté a été pris, par lequel les remises ont été réglées définitivement. D’après ces arrêtés il ne peut être accordé d’indemnité que dans les trois cas dont je viens de faire l’énumération.
Eh bien, messieurs, j’aurais voulu qu’on nous eût remis un état de toutes les indemnités qui ont été accordées, mais les tableaux que M. le ministre a déposés sur le bureau sont tout à fait incomplets.
A défaut d’un état général, j’ai devant moi deux tableaux de deux recettes les plus importantes du pays ; c’est la recette d’Anvers et la recette d’Ostende. A Ostende la recette des douanes est trop peu considérable et l’on y a joint les contributions directes, ce qui est conforme à l’arrêté de 1822, qui porte qu’un seul receveur peut être chargé des contributions directes, des douanes et accises.
A Anvers la recette des douanes s’élève à près de 6 millions, et d’après l’arrêté de 1833, les remises montent à une somme de 11,800 fr., tandis qu’un receveur dont la recette n’est que de 500,000 fr., perçoit une somme de 9 à 10,000 fr.
Le receveur à Anvers, dont la recette s’élève à 6 millions, devrait, d’après l’arrêté de 1833, toucher au-delà de 20,000 fr. ; mais il faut considérer que ce fonctionnaire a 17 employés. Eh bien, messieurs, on a jugé convenable de lui donner un traitement fixe de fr. 4,000 et 4,000 fr. d’indemnité, et cela après 25 ans de service. Il a donc aujourd’hui 4,300 fr. de plus que le receveur d’Ostende, dont la recette n’est que de 450,000 fr. Je pense que le gouvernement, en ce qui concerne ces deux receveurs, s’est entièrement écarté des arrêtés de 1832 et de 1833. Il me semble que celui de ces fonctionnaires qui a 25 années de service, une recette de 6 millions et par conséquent une responsabilité immense, est beaucoup trop peu rétribué comparativement à l’autre.
Je demanderai à M. le ministre pourquoi, s’il est si scrupuleux en ce qui concerne les droits acquis, il a trouvé convenable de réduire à 10 à 11,000 fr. le traitement de 20 à 25,000 fr. que le receveur à Anvers touchait avant la révolution ? avec une recette qui ne dépassait pas 1,200,000 fr.
Je demanderai à M. le ministre des finances s’il se propose de rentrer entièrement dans l’arrêté de 1833, au moins en ce qui concerne les nouveaux fonctionnaires qu’il nommera. Quant aux fonctionnaires en exercice, je demande qu’il augmente la rétribution de ceux qui ne sont pas suffisamment payés, ou qu’il diminue ceux qui le sont trop.
Si l’arrêté de 1833 n’était plus applicable, il serait convenable d’en prendre un nouveau ; dans tous les cas, il faut que chaque comptable sache à quoi s’en tenir. Je ne puis pas consentir à ce que les ministres soient autorisés à donner des indemnités arbitrairement pour récompenser peut-être leurs amis, alors qu’ils laisseraient en arrière ceux qui seraient tout aussi bons comptables, mais qui ne seraient pas les amis politiques du gouvernement. Il faut que le gouvernement rentre dans l’arrêté de 1833 ou qu’il prenne un nouvel arrêté pour s’y tenir ensuite scrupuleusement.
M. Cogels. - J’ajouterai quelques mots aux considérations que vient de présenter l’honorable M. Osy. Je n’examinerai pas ici la question de savoir si en droit strict le receveur dont l’honorable membre a parlé doit être traité conformément aux arrêtés que cet honorable collègue a invoqués, mais je dirai à la chambre que des considérations très pressantes militent en sa faveur et je crois devoir le faire parce qu’au premier coup d’œil, un traitement de 11,000 francs pourrait paraître très considérable. Il faut avoir égard, messieurs, à la responsabilité immense qui pèse sur le receveur des douanes à Anvers. Le nombre des expéditions s’élève souvent à 3 ou 400 par jour et le receveur est responsable de toutes les erreurs qui se commettent. On me dira peut-être que cela existe également pour des receveurs des contributions directes et de l’enregistrement, mais ces receveurs peuvent exercer leur recours d’une manière efficace, tandis que le recours des receveurs des douanes est presque toujours illusoire, car les comptes ne pouvant être vérifiés que deux ou trois ans après qu’ils sont rendus, les receveurs des douanes ont souvent affaire, soit à des maisons tombées en état de faillite, soit à des capitaines de navires qui sont partis. Ensuite, messieurs, une manipulation de deniers aussi considérable, une manipulation de six millions, entraîne nécessairement une grande responsabilité, expose les receveurs à des pertes pour lesquelles ils doivent trouver une compensation dans leur traitement. C’est ce qui a toujours été pris en considération dans tous les Etats ; c’est pour ce motif qu’en France et autrefois dans notre pays les traitements des receveurs-généraux étaient si élevés.
Je prie M. le ministre des finances de prendre en sérieuse considération le changement qui s’est opéré dans la position du comptable dont il s’agit, de prendre en sérieuse considération le grand accroissement que la recette des douanes a pris. J’espère qu’il donnera à ce receveur un traitement proportionné à sa position et à la responsabilité qui pèse sur lui.
(Moniteur belge n°18, du 18 janvier 1844) M. Verhaegen. - Je viens, messieurs, appuyer les observations qui nous ont été soumises par les deux honorables préopinants, et, en le faisant, je compléterai mon discours d’hier.
Je me suis plaint, dans la dernière séance, de la position que l’on fait à certains fonctionnaires. J’ai démontré qu’on pourrait, en n’excédant pas les besoins, faire des économies ; la chambre a paru partager mon opinion, mais elle a remis à l’année prochaine l’exécution de la mesure que j’ai eu l’honneur de lui proposer par forme d’amendement. Aujourd’hui, tout en venant reproduire la thèse que j’ai présentée l’année dernière en faveur des receveurs ruraux, qui n’ont pas de quoi satisfaire aux plus pressants besoins de la vie, je viens encore donner à la chambre le moyen de faire des économies. Les observations que j’aurai l’honneur de lui soumettre auront pour but l’amélioration de la position d’une foule de fonctionnaires subalternes sans charges nouvelles pour le trésor, et la régularisation d’une administration qui prête à un arbitraire effrayant.
Les finances, messieurs, il faut bien le dire, sont un gouffre où tout vient se perdre, au moins se confondre ; c’est, en quelque sorte, le syndicat de l’ancien gouvernement qui échappait à tout contrôle : l’administration des finances est organisée de telle manière que le gouvernement dispose à son gré des fonds de l’Etat ; en effet, il n’y a pas dans cette administration de règle fixe ; les appointements sont augmentés au gré des ministres, en récompense des services électoraux, aux dépens du trésor public.
Si je parle en ce moment de services électoraux, ce ne sont point des récriminations, car mes adversaires politiques pourraient fort bien, un jour, avoir à formuler les mêmes plaintes. Les abus que je signale pourraient devenir pour eux au moins aussi graves qu’ils l’ont été naguère pour nous. Je traite ici, qu’on en aie la conviction, une question de principes et de haute moralité.
Au reste, messieurs, voici de quelle manière on opère au ministère des finances. Les petits employés comme toujours, sont complètement oubliés. Des malheureux qui sacrifient leur temps, leur santé, voire l’avenir de leur famille, au bien-être de l’Etat, sont à peine traités comme de simples ouvriers, et qu’on ne pense pas que j’exagère. Déjà l’année dernière je vous ai fait connaître à quoi se réduisent les traitements de la plupart des receveurs ruraux et quelles sont les charges énormes qui pèsent sur ces malheureux fonctionnaires. Le gouvernement veut les maintenir dans cette position, sauf à en récompenser quelques-uns de temps en temps pour des services rendus : il faut au gouvernement des agents actifs pour les élections et il lui faut surtout la liberté de puiser arbitrairement dans la caisse de l’Etat, pour payer les dettes qu’il contracte dans un intérêt purement politique.
L’année dernière je vous ai présente un parallèle entre les receveurs des villes et les receveurs ruraux, et vous avez vu comment ces derniers ont été constamment traités.
Il y a, en effet, une énorme différence entre les receveurs des villes et ceux des campagnes. Les premiers, pour remplir leur charge, ne sont pas tenus d’abandonner leur domicile habituel et le soin journalier de leurs propres affaires ; ils ont à leur portée tous les moyens possibles de pourvoir à l’éducation de leurs enfants, sans être assujettis à un surcroît de dépenses ; ils font de fortes recettes sans déplacement et sans frais extraordinaires ; ces recettes augmentent à raison de l’accroissement de la population des villes et des nouvelles propriétés qu’on y bâtit.
Les receveurs de la campagne, au contraire, doivent renoncer à tous les avantages qu’une résidence en ville peut offrir à des pères de famille. Force leur est de prendre avec leur famille entière une résidence fixe et toujours plus ou moins préjudiciable pour eux dans le village dont la recette leur est confiée. Ils sont forcés de se séparer de leurs enfants pour les faire instruire dans un établissement convenable et à grands frais ; et cependant, le plus souvent, leur recette se borne aux contributions de trois ou quatre petites communes, dont le maximum ne dépasse pas 50,000 fr. ; ce qui, d’après l’arrête du 19 juin 1823, leur produit 680 fr. Nous parlons ici d’un maximum, car le plus grand nombre des recettes rurales sont de beaucoup inférieures, elles ne sont ordinairement que de 400, 500 et 600 francs.
Et, en définitive, à quoi se réduisent ces appointements ? Si on en déduit les dépenses du loyer, les frais de bureau, la retenue de 5 p. c. pour la caisse de retraite, les prix des imprimés sans nombre, dont ils sont obligés de se fournir ; la rétribution aux gardes-champêtres pour portage des avertissements pour les foncier, personnel, patente, les logements militaires, les contributions de l’Etat, les charges de la commune, l’abonnement au recueil des lois et arrêtés de l’administration ; les frais de déplacement pour aller en recette 4 à 6 fois par mois dans les différentes communes éloignées du bureau ; les voyages au chef-lieu pour faire les versements souvent 2 fois par mois ; ajoutez à cela la cherté des vivres, et vous comprendrez sans peine, messieurs, qu’avec le reste d’un tel traitement, il est impossible de pourvoir aux plus pressants besoins de la vie.
Voilà, cependant, le sort des receveurs ruraux. Voilà la part de rémunération que l’Etat accorde au travail, au dévouement, à 20, 30 et 40 années d’honorables services, une vie moins heureuse que celle d’un simple manœuvrier !
Et on parle encore du rang que leur dignité de fonctionnaire public les oblige de tenir vis-à-vis de leurs administrés ; c’est une ironie !
Dans un pays voisin un ministre a dit que, dans sa conviction, l’intérêt bien entendu du pays était de payer convenablement les emplois, afin d’avoir de bons fonctionnaires, et qu’en supprimant un grand nombre d’emplois inutiles on aurait le moyen d’améliorer le sort des employés conservés et d’obtenir encore d’importantes économies.
Tous les membres qui depuis la révolution ont été à la tête des finances étaient d’accord que la position des receveurs ruraux était malheureuse, et qu’il fallait venir à leur secours, et cependant rien n’a été fait !
M. d’Huart entre autres (séance du 15 mai 1835) à propos de la discussion sur les divisions des côtes était de cet avis.
Feu M. Jullien, notre collègue d’honorable mémoire, dans la séance du 30 janvier 1834, disait :
« C’est la multiplicité des recettes que le ministère a détachées des anciennes qui est la cause des déficits apportés à la caisse de l’Etat, puisque les receveurs trouvant à peine, dans le revenu de leur emploi, le moyen de faire face aux dépenses occasionnées par le besoin, se trouvent presque réduits à la misère, et la vue de l’or dont ils sont détenteurs excite leur cupidité, de là leur disparition, et par suite le déficit. »
Le gouvernement provisoire, par un arrêté, avait déjà reconnu lui-même la justice des réclamations des receveurs ruraux.
En 1837, 35 receveurs de communes rurales des Flandres avaient présente une pétition afin d’obtenir l’acte de justice qui leur avait été promis depuis si longtemps, et voici ce qui leur a été répondu :
« Considérant que les limites du budget ne permettent pas d’augmenter, pour le moment, les traitements des receveurs, décide de faire connaître à MM. les pétitionnaires que leur demande ne peut, pour le moment, être prise en considération et qu’il sera avisé au moyen d’améliorer leur position, selon que l’occasion en fournira la possibilité. »
Le moyen d’améliorer la position des receveurs ruraux, sans grever le budget, était bien simple, c’était de réunir plusieurs recettes au fur et à mesure des vacatures.
D’ailleurs, quand donc le budget permettra-t-il enfin d’être juste ?
Mais si les limites du budget n’ont pas permis jusqu’à présent d’être juste envers des petits fonctionnaires, envers les receveurs, il paraît qu’elles n’ont pas porté obstacle à améliorer inconsidérément la position des hauts fonctionnaires et de créer des sinécures !
Messieurs, je vous parlais tantôt du gouffre de l’administration des finances, et je vous disais que le ministère puise dans la caisse de l’Etat à son gré et sans contrôle ; et cet abus, où prend-t-il sa source ? Dans l’inobservation des lois et arrêtés sur la matière.
Il existe entre autres un arrête de 1822 qui doit encore servir de règle aujourd’hui. Il fixe d’abord le quantum des remises d’après une échelle de proportion, et puis à ce principe général il fait une exception dans son article 13, pour des cas qui y sont spécifiés, en ne donnant cependant au gouvernement qu’une seule faculté, celle d’allouer pour ces cas exceptionnels, des traitements fixes et en excluant ainsi toute autre espèce d’arbitraire.
Des arrêtés subséquents ont changé le quantum des remises. Il m’a paru que M. le ministre des finances, en citant hier le dernier de ces arrêtés, qui est du 19 janvier 1835, a parlé d’une faculté que le gouvernement aurait de donner des suppléments de traitement à des fonctionnaires, de fixer des minimum, de donner des gratifications ; mais l’arrête du 19 janvier 1835 ne dit pas un mot de semblable faculté ; il se borne, je le répète, à fixer le quantum des remises, d’après une nouvelle échelle de proportion, en maintenant pour le surplus, le principe de l’arrêté de 1822.
On a voulu jeter de la confusion sur ce qui avait dit dans une précédente séance par l’honorable M. Osy ; mais je crois que les faits sont aujourd’hui assez bien expliqués pour que l’équivoque soit désormais impossible à cet égard.
Le gouvernement, alors qu’il veut favoriser certaines créatures, a plusieurs moyens.
Lorsque les remises d’une recette paraissent insuffisantes au gouvernement, il fixe un minimum en faveur de ses créatures ; quelques fois il alloue des suppléments de traitement, ce qui conduit au même résultat, quelquefois enfin il accorde des gratifications, et il est loin d’en user avec modération.
Et tout cela est abandonné à un scandaleux arbitraire !
Ce n’est pas tout encore : le gouvernement a un autre ressort qu’il fait jouer sans cesse et au moyen duquel il peut étendre à l’infini le cercle de ses faveurs, je puis dire de ses injustices, par la mise à la retraite d’une foule de fonctionnaires qui pourraient encore être utiles à l’Etat pendant dix et souvent pendant vingt ans ; il grève l’Etat de pensions considérables, et pourquoi ? pour pouvoir, au moyen de vacatures, remplir des promesses faites dans des moments pressants, ou pour mieux pouvoir payer des dettes contractées à raison des élections.
Il est temps, ce me semble, que tout cela finisse. Laisser un pareil arbitraire au ministère, c’est renoncer à tout contrôle en matière de finances ; c’est admettre l’inutilité de la chambre !
Nom avons insisté hier pour avoir des tableaux, et que nous a-t-on produit ? Deux simulacres de tableaux. On a espéré sans doute distraire notre attention du véritable état des choses par une communication faite cinq minutes avant l’ouverture de la séance, mais ces cinq minutes ont suffi pour nous convaincre que les tableaux que nous avions réclamés avec tant d’instance n’étaient pas ceux qu’on venait de nous communiquer ; en effet, nous avions demandé le tableau de toutes les indemnités, sans exception, accordées à des comptables, et M. le ministre s’est borné à nous remettre un tableau des seules indemnités accordées par suite de la suppression des leges, ne se montant qu’à 23,990 francs. Nous avions demandé ensuite le tableau de tous les minimum de tous les suppléments de traitements, de toutes les gratifications, et le tableau remis par M. le ministre se borne à quelques minimum mis en parallèle avec quelques maximum et donnant un simple excédant de 9,272 francs 53 centimes !! Singulière conduite que celle du gouvernement ! Nous voulons, je le répète, des tableaux généraux et complets et non des tableaux spéciaux et incomplets. M. le ministre continuera-t-il à vouloir maintenir ses actes à l’abri de notre contrôle ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - M. Osy n’avait pas dit un mot de cela.
M. Verhaegen. - Je vous demande pardon ; M. Osy avait réclamé des tableaux complets, et les explications que je m’étais permis d’ajouter à celles présentées par mon honorable collègue ont été de nature à nous tirer du vague où M. le ministre avait cherché à nous entraîner.
Je me hâte donc, M. le ministre, de vous rappeler sur le véritable terrain de la contestation. Nous vous demandons des tableaux complets de tous les minimum, de tous les suppléments de traitements, de toutes les gratifications, parce que nous avons le droit de contrôler vos actes, de voir, en un mot, comment vous avez fait usage pour le passé et comment vous voulez faire usage pour l’avenir du crédit demandé à l’art. 2 en discussion, et ici nous sommes en droit d’examiner des questions qu’on veut bien appeler des questions de personnes, car certes les chiffres prennent leur source dans des choses, et des choses se rattachent a des personnes.
Si les questions de personnes devaient rester étrangères à nos débats, il nous serait donc interdit de contester les minimum, les suppléments de traitements, les gratifications accordées par le gouvernement ; d’examiner s’il a abusé de l’arbitraire qu’il prétend avoir, et s’il a été juste envers ceux qui avaient des droits réels à faire valoir, mais cette prétention exorbitante du ministère ne prouve-t-elle pas suffisamment qu’il est temps de mettre fin à cet arbitraire, dont il fait abus et de rentrer dans la légalité au moyen d’une loi qui fixerait d’une manière régulière toutes les fonctions administratives et les traitements y attachés.
Encore une fois, M. le ministre n’a pas voulu nous donner les tableaux que nous avons réclamés avec tant d’instance.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande à M. le président qu’il ne soit pas permis de dire des choses qui ne sont pas exactes.
M. Verhaegen. - Le reproche est au moins inconvenant ; j’en appelle à la chambre ; je n’ai rien dit qui ne fût conforme à la stricte venté. Eh bien, ce que M. le ministre n’a pas voulu nous donner, je l’ai obtenu ailleurs. Les pièces que j’ai sous les yeux vont nous fournir des renseignements importants, elles datent de 1842 et de la fin de 1841 et concernent, il est vrai, l’administration de l’honorable M. Smits, mais comme il est très probable que M. Mercier a suivi la même voie et que les pièces qui concernent sa gestion ne se trouvent pas encore à la cour des comptes, il ne pourra se soustraire aux conséquences des documents que je me suis procurés qu’en fournissant les tableaux que nous réclamons avec tant d’instance.
Du 9 août 1841 jusqu’au mois de décembre 1842, il y a eu, c’est effrayant, au-delà de 200 arrêtés accordant des suppléments de traitements, des gratifications, etc., etc. Ce sont ces arrêtés, les uns royaux, les autres simplement ministériels, qu’on a voulu nous cacher et qu’il m’importait, à moi, de signaler à votre attention.
Je prie l’honorable M. Smits d’être bien convaincu que, si je parle de ces nombreux arêtes, ce n’est pas pour lui être désagréable, beaucoup s’en faut, mais pour poser les prémisses dont j’ai besoin pour les conséquences à tirer contre son successeur ; car il est probable, je dirai même qu’il est certain que M. Mercier est resté dans la voie qui lui avait été tracée par son prédécesseur.
M. Smits. - Vous ne remontez pas aux arrêtés antérieurs ?
M. Verhaegen. - Non, je ne remonte pas à une époque antérieure à 1841, parce que le travail aurait été trop considérable, mais je ne veux épargner aucun ministère ; si des faits semblables ont été posés par les prédécesseurs de M. Smits, parmi lesquels on retrouvera encore M. Mercier, je les blâme tout aussi sévèrement.
Maintenant, messieurs, je réclame toute votre attention. Je vais passer rapidement en revue ces deux cents arrêtes, portés à la fin de 1841 et en 1842, et je ferai une mention spéciale des plus importants, après cela vous vous demanderez s’il peut être permis de tolérer un pareil arbitraire, de laisser au gouvernement de pareils ressorts.
D’abord aucun des malheureux receveurs ruraux dont j’ai parlé au commencement de mon discours, n’a pris part à la curée, je puis le dire, tous ces arrêtes, ou au moins le plus grand nombre ne sont que des actes de favoritisme.
A commencer du 9 août 1841 jusqu’à la fin de 1842, des suppléments de traitements de 300, 400, 600, 800 francs et plus, ont été accordés à différents comptables et autres fonctionnaires de l’administration des finances sans nécessité aucune, alors que les receveurs ruraux sont restes oubliés.
C’est ainsi que, par arrêté du 25 octobre 1841, un supplément de traitement de 800 francs a été accordé à un inspecteur de la douane à Ostende ;
Que, par arrêté du 24 novembre 1841, un supplément de 400 fr. a été accordé à un contrôleur des contributions à Tournay ;
Que, par arrêté du 28 décembre 1841, un supplément de traitement a été accordé à un contrôleur à Chimay ;
Que, par arrêté du même jour, 28 décembre, un supplément de traitement de 350 fr. a été accordé à un contrôleur des contributions directes à Anvers ;
Que, par arrêté du 26 février 1842, un supplément de traitement de 400 fr. a été accordé à un autre contrôleur des contributions directes a Anvers ;
Que, par arrêté du 14 mars 1842, il a été accordé un supplément de traitement de 300 fr. à un contrôleur des accises à Bruxelles ;
Que, par arrêté du 26 mars 1842, il a été accordé un supplément de 1,500 fr. à un contrôleur des contributions à Loochristy (Flandres) ;
Que, par arrêté du 24 mars 1842, un supplément de traitement de 600 fr. a été accordé à un receveur à Maldeghem ;
Que, par arrêté du 26 mars, un supplément de traitement de 400 fr. a été accordé à un receveur à Contich (Brabant) ;
Que, par arrêté du 28 mars 1842, un supplément de traitement de 1,000 fr. a été accordé à un receveur des actes judiciaires à Mons ;
Que, par arrête du 24 mai, un supplément de traitement de 500 fr. a été accordé à un expert du cadastre ;
Que, par arrête du 5 août, un supplément de traitement de 500 fr., a été accordé à un receveur des contributions à Deynze ;
Que, par arrêté du 13 septembre 1842, il a été établi un sous-chef de division au secrétariat du ministère des finances, et que le traitement de l’employé pour lequel ces fonctions ont été créées, a été fixé à 4,200 francs (il serait curieux de voir à l’égard de cet employé les observations de la cour des comptes) ;
Que, par arrêté du 25 septembre 1842, il a été accordé à plusieurs employés de l’administration des contributions, des suppléments de traitement se montant ensemble à 47,485 fr. ;
Que, par arrêté du 19 octobre 1842, il a été accordé une part de 5 p. c. sur le produit de toutes les confiscations et amendes en matière de douane, à un inspecteur à Anvers ;
Que, par arrêté du 29 octobre 1842, un supplément de traitement de 400 fr. a été accordé à un commis près de l’administration centrale des contributions ;
Que, par arrêté du 17 décembre 1842, un supplément de traitement de 1,000 fr a été accordé à un contrôleur aviseur au département des finances, pour prétendue révision du tarif des douanes ;
Que, par arrêté du 26 décembre 1842, un supplément de traitement de 600 fr. a été accordé à un inspecteur d’arrondissement à Anvers, et déjà, ce fonctionnaire avait été gratifié d’autres suppléments.
Ce serait à ne pas en finir, si je voulais mentionner l’objet de tous les arrêtés portés en 1841 et 1842 ; j’ai dû me borner aux principaux.
Un seul inspecteur d’arrondissement à Anvers a touché, en une seule année trois ou quatre sommes, à titre de supplément de traitement et d’indemnités.
M. Rogier. - C’est qu’il a très bien travaillé.
M. Verhaegen. - J’ai lieu de le croire, puisqu’il a été l’objet de faveurs successives.
Voilà ce que le gouvernement voulait nous cacher et ce qu’il nous importait de connaître ; encore une fois, cet état de choses est-il tolérable, est-il légal en présence de l’arrête de 1822 ?
Qu’a demandé l’honorable M. Osy ? Qu’ai-je demandé moi-même ? Qu’on revînt à la légalité. Quoi ! il n’est pas possible d’améliorer la position des membres de l’ordre judiciaire ! Les limites du budget portent constamment obstacle à cet acte de justice et on laisse entre les mains du ministre des finances, des ressources considérables au moyen desquelles il favorise ses agents, ses créatures, et cela sans qu’il soit soumis à aucun contrôle.
Si le ministère ne veut pas soumettre ses actes à l’appréciation de la législature, je crois que la chambre ferait bien de prendre l’initiative, pour fixer, par une loi, les traitements des employés supérieurs et subalternes de toutes les administrations, y compris celle du chemin de fer.
L’arbitraire que le gouvernement exerce se complique d’ailleurs sous plus d’un rapport, et l’exécution que l’on donne à des mesures qu’on prétend légales, et que moi je soutiens illégales, vient démontrer tout le danger de la conduite que tient le ministère.
Un receveur a-t-il droit à un supplément de traitement, parce que par des circonstances imprévues sa recette a diminué du tiers ou du quart ? Au lieu de lui donner une place plus lucrative devenue vacante par décès ou autre cause, on lui donne un supplément de traitement et on donne la place devenue vacante à un homme nouveau envers lequel on est lié par des promesses !
En voulez-vous des exemples ? Vous les trouverez même dans les simulacres de tableaux que M. le ministre des finances nous a fournis : Il y a à Herve un receveur qui, avant la révolution, jouissait, à titre de remise, d’un traitement d’environ 4,000 francs et ce traitement a été réduit à un chiffre inférieur, à 3,000 francs, par suite de l’abrogation des lois de mouture et d’abattage d’odieuse mémoire ; force a été au ministère d’accorder au receveur un supplément de traitement, et, je dois le dire, ce receveur était digne, cette fois, de la faveur qui lui a été accordée. Mais il avait demandé plusieurs fois que sa position fût régularisée, en sollicitant d’autres places devenues vacantes ; la recette de Verviers lui fut d’abord refusée, puis celle de Chenaye, et pour cette dernière place deux de mes honorables amis vous diront pourquoi on a préféré grever inutilement le budget. On pouvait à la fois faire une économie et être juste, mais on ne l’a pas voulu ; on a continué au receveur de Herve un supplément de traitement de 1,200 fr. ; on pouvait le nommer au poste de Chenaye et régulariser ainsi sa position, avec dégrèvement pour le trésor, on a préféré favoriser un agent électoral.
D’autres abus encore grèvent le trésor d’une manière considérable : on accorde des pensions à des receveurs qui sont en état de remplir leurs fonctions, pendant plusieurs années encore ; on les met à la retraite souvent avec les quatre cinquièmes de leurs appointements, à titre de pensions, et, encore une fois, on agit ainsi aux dépens du trésor ; dans la seule intention de pouvoir récompenser ce qu’on appelle des services.
Savez-vous, messieurs, où cela nous conduit ? Avant 1830, les pensions du département des finances étaient couvertes au moyen d’une retenue de 2 p. c. et 1/2 p. c. Aujourd’hui, la retenue est de 5 p. c., et l’Etat supplée des sommes considérables. Si je me le rappelle bien, il y a dans le budget des dotations un subside à la caisse des pensions, de 944,000 fr, Sous le gouvernement hollandais, le maximum du subside ne pouvait être que de 30,000 fl. pour tout le royaume des Pays-Bas, et nous sommes arrivés aujourd’hui, pour les provinces méridionales seules, a un chiffre de 944,000 fr.
A l’égard de ces nouveaux abus auxquels j’ai fait allusion, je pourrais vous citer de nombreux faits, mais je me bornerai à vous en indiquer quelques-uns.
Il y avait à Tirlemont un receveur pour les contributions directes et indirectes réunies ; quoique parvenu à l’âge de 60 ans, ce receveur était encore à même de remplir ses fonctions pendant plusieurs années, et cependant, si mes renseignements sont exacts, M. le ministre des finances l’a démissionné en l’admettant à faire valoir ses droits à la retraite ; et quelle sera la pension de ce receveur ? d’après ses années de services, 5 à 6,000 francs.
Ensuite, la recette devenue vacante par cette démission, a été partagée en deux recettes distinctes, l’une pour les contributions directes, l’autre pour les contributions indirectes.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - C’est inexact.
M. Verhaegen. - C’est très exact. Ces renseignements me viennent d’une source très sûre.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne sais si l’honorable M. Verhaegen peut juger de la capacité des comptables et des motifs de leur mise à la pension. Je ne sais si c’est parlementaire.
M. Verhaegen. - Je ne sors pas des bornes parlementaires. J’examine les actes du gouvernement et les termes dont je me sers n’ont rien d’inconvenant ; que M. Mercier suive mon exemple !
Je continue mes observations.
Que résulte-t-il de cette mise à la retraite de l’ancien receveur de Tirlemont et de la division du bureau en deux bureaux distincts, que rien ne commandait, ni l’intérêt de l’Etat, ni l’intérêt des contribuables ? C’est que le trésor d’abord est grevé d’une pension de 5 à 6 mille francs ; c’est qu’ensuite les remises soit plus considérables, parce que la division amène une diminution de recette, et par conséquent une augmentation de tantième, conformément à l’échelle de proportion qui varie de 5 à 1/4 p. c.
A Bruxelles, la recette des accises, douane et garantie, était réunie ; elle pouvait rapporter 12 à 13 mille francs. Le receveur qui avait cette recette a été mis à la pension, et le bureau a été divisé en trois bureaux distincts ; encore une fois l’Etat est grevé d’une pension de plusieurs milliers de francs, et le chiffre des remises agrandi, à raison de la division de recettes qui a amené une augmentation de tantième ; et tout cela sans motifs.
En vain, dirait-on que la réunion de deux ou trois recettes constitue un cumul ; le mot cumul est impropre, mais dans tous les cas un cumul ne peut jamais être odieux lorsqu’il est dans l’intérêt de l’Etat et que personne n’en souffre : la réunion de trois recettes quand, comme dans l’espèce, les besoins du service n’exigent pas la division, est avantageuse au trésor, parce qu’elle amène une diminution dans les remises. Pourquoi donc cette division a-t-elle été faite ?
D’un autre côté lorsqu’on parle de cumul, on n’est pas toujours aussi scrupuleux. En veut-on un exemple ?
A Hasselt, pour le même individu on a réuni autrefois, et on a laissé les choses dans cet état : 1° la conservation des hypothèques ; 2° l’enregistrement des actes civils et judiciaires ; 3° les domaines ; 4° le timbre extraordinaire, et 5° les successions.
A Hasselt on avait un but opposé ; là on voulait favoriser un homme précieux pour certain parti, là on a établi un véritable cumul, puisqu’il entrave la marche des affaires.
Disons encore un mot des mises à la retraite. Si je ne me trompe, à Anvers aussi il y avait un receveur dont la place pouvait valoir 10 à 12 mille francs, et qui était encore en état de très bien remplir ses fonctions. Il fut démissionné avec une pension de 6 à 7,000 fr., et remplacé par un autre individu plus âgé que lui, et qui est mort après avoir été lui-même mis à la pension ! Celui qu’il a remplacé vit encore !!!
A Brugelette, et ce fait est grave, on a destitué dernièrement un receveur, parce qu’il n’avait pas appuyé la candidature d’un membre du cabinet. Il va toucher 4/5ème de son traitement à titre de pension, parce qu’il y a droit, et, en outre, le traitement entier doit être payé à celui qui le remplace. Voilà à quoi sert le trésor de l’Etat !
Je pourrais multiplier les exemples, mais je crains d’être trop long. Je me bornerai donc à conclure. De ce que j’ai dit, il résulte que nous sacrifions des sommes énormes aux caprices et à la position de MM. les ministres ; nous payons inutilement des pensions considérables, au point que le budget se trouve grevé, pour subside à la caisse de retraite, d’une somme de 944,000 fr., nous payons des suppléments de traitement, des gratifications, des minimum, que sais-je en un mot, nous livrons le trésor public à la merci du gouvernement !
Il faut en finir avec cet arbitraire ; il faut que le gouvernement prenne une autre voie, il faut que tous les appointements sans exception soient fixés par une loi et que la chambre ne soit pas entraînée à des votes de confiance. Sans cela autant vaudrait renoncer aux principes du gouvernement représentatif qui ne seraient plus qu’un leurre, qu’une cruelle déception.
(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1844) M. Smits. - Messieurs, l’année dernière j’étais parfaitement d’accord avec l’honorable M. Verhaegen sur la situation où sont placés la plupart des receveurs des communes rurales ; je faisais remarquer à la chambre que leur état s’était notablement empiré depuis 1830, par suite de la suppression de la loi sur l’abattage, de la loi sur le bétail, de la loi sur la mouture, de la suppression enfin des leges, décrétées par le congrès national ; je disais qu’il était pénible pour ces receveurs de voir leur position empirer à mesure qu’ils avançaient en âge tout en continuant à l’Etat de bons et loyaux services. Sur tous ces points l’honorable M. Verhaegen était d’accord avec moi.
Aujourd’hui encore, au commencement de son discours, il a plaidé la cause des receveurs ; mais ses conclusions ont été tout à fait contraires aux prémisses ; car l’honorable membre est venu critiquer les suppléments de traitement que j’ai accordés, comme tous mes prédécesseurs, à des receveurs de communes. Qu’est-ce, en effet, messieurs, qu’un supplément de traitement, qu’une indemnité de 100 ou 150 fr. à des malheureux qui sont chargés de nombreuses familles ?
Ma mémoire, messieurs, ne me rappelle pas les suppléments de traitement qui ont été accordés par mes prédécesseurs ; mais quant à moi, je suis persuadé d’être resté en dessous de leurs allocations ; je suis persuadé encore d’avoir été plus sobre pour les admissions à la retraite et pour la fixation des minimum ; autant qu’il m’a été possible, j’ai cherché à diminuer ces sortes d’exceptions à la règle générale.
Il est impossible à un ministre des finances de se rappeler les faits qui ont motivé tous les arrêtés qu’il a pris : comment voulez-vous qu’on se rappelle, après un ou deux ans d’intervalle, les motifs qui ont déterminé à accorder un supplément de traitement à un fonctionnaire de telle ou telle commune ! Mais j’ose garantir une chose, c’est que je suis resté dans les principes posés par mes prédécesseurs, et qu’au lieu d’augmenter les exceptions, je les ai notablement diminuées. Au reste, je suis resté dans la légalité et dans mon droit.
Voilà la seule observation que je voulais faire ; car, je le répète, il est impossible de se rappeler tons les faits qui ont motivé les déterminations prises quant aux personnes.
Il en est une cependant que je me rappelle ; c’est celle qui concerne le receveur de Bruxelles. Messieurs, pendant une année entière j’ai refusé sa mise à la retraite qu’il sollicitait très vivement ; mais il m’a exhibé tant de certificats constatant l’impossibilité où il était de continuer son service que j’ai fini par proposer au Roi de l’admettre à la pension. Alors j’ai cru devoir diviser ses fonctions pour le bien du service. Car la réunion des recettes dont il était chargé dans une ville aussi importante que Bruxelles, était trop pour un seul. Il avait un traitement de 13,000 à 14,000 francs ; ce traitement pouvait d’autant mieux être divisé, qu’en le divisant, je pouvais récompenser d’anciens et d’honorables services.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je me permettrai d’abord de faire une remarque, c’est qu’en général l’honorable M. Verhaegen, au lieu de chercher aux faits une explication simple et naturelle, les attribuent toujours à des intentions qui ne seraient pas droites, à des intentions qui ne sont pas celles qui dirigent le gouvernement.
Parce que je n’ai fourni que le tableau du maximum et du minimum, il prétend qu’on a voulu éluder la question. Or, j’ai déjà expliqué hier comment cette question s’était produite. A propos de l’article 2 où il s’agit des remises et indemnités, on a témoigné le désir de savoir quelles étaient ces indemnités ; j’avais donné des explications sur ce point. Ensuite, lorsque l’honorable M. Osy reprit la parole, j’ai demandé si c’était le tableau des maximum et des minimum qu’on voulait. On a répondu que c’était ce tableau que l’on demandait, je l’ai produit et j’y ai même ajouté le tableau des receveurs qui jouissent d’un supplément permanent de traitement à titre de suppression des leges.
Il est possible que je n’aie pas satisfait complètement au vœu de l’honorable M. Verhaegen, mais il ne peut pas supposer que c’est avec intention que je n’ai pas produit tout ce qu’il désirait obtenir.
Dans tous les cas, messieurs, le gouvernement n’est nullement sorti de la légalité ; et ici je défends non seulement mes actes, mais ceux de tous mes prédécesseurs sans exception.
L’arrêté du 18 novembre 1822 qui établit les remises proportionnelles dont devaient jouir les receveurs, renferme des dispositions exceptionnelles ; ces dispositions sont encore en vigueur aujourd’hui. Car les arrêtés des 11 janvier 1831, et 19 janvier 1833 n’ont modifié celui de 1822 qu’en ce qui concerne un de ses articles, celui qui a rapport aux remises proportionnelles.
L’arrêté du 11 janvier 1831 a diminué le tarif de ces remises, il devait en résulter un grave préjudice pour un grand nombre de comptables qui déjà avaient essuyé une perte par suite de la suppression des impôts mouture et abattage ; il a décidé, en outre, la réunion en une seule recette de plusieurs bureaux dont ces comptables étaient précédemment titulaires, de sorte qu’auparavant ils jouissaient deux fois d’une indemnité plus forte, celle de 5 p. c., tandis qu’après la réunion des bureaux ils ne touchaient plus qu’une seule fois cette remise. Voilà la première cause de perte pour ces comptables. La deuxième cause est la diminution du tarif des remises lui-même. Cependant, quoi qu’en dise l’honorable M. Verhaegen, la sollicitude du gouvernement ne se porte pas seulement sur les hauts fonctionnaires ; il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer la position des employés inférieurs. Ainsi, en 1833, par exemple, le tarif des remises a été de nouveau modifié et il l’a été entièrement dans l’intérêt des receveurs à faibles traitements. En effet, messieurs, d’après le tarif de 1831, qui a modifié dans l’intérêt du trésor, celui de 1822, les receveurs n’obtenaient 5 p. c. que sur les trois premiers mille florins de recette ; d’après le tarif de 1833 ils reçoivent 5 p. c. sur les 8 premiers mille francs. Cette disposition a été prise dans l’intérêt des receveurs ruraux. Le tarif a donc été modifié en faveur des receveurs à faibles traitements ; les receveurs des villes, au contraire, y ont perdu.
Les recommandations faites par l’honorable M. Verhaegen quant à la réunion de plusieurs recettes, sont conformes à ce qui se fait mais il arrive assez souvent que cette mesure est impossible par suite des intérêts locaux qui s’y opposent.
Si l’on voulait améliorer le sort des receveurs des communes rurales comme le désire l’honorable membre et comme je le désirerais bien plus que lui, il faudrait demander à la chambre un supplément d’allocation, car les minimum et les maximum de traitement ont été donnés aux receveurs ruraux comme aux autres.
Ce qui détermine le gouvernement à accorder des minimum ou des maximum de traitement ou des suppléments de traitement, ce sont des circonstances que tout le monde peut apprécier. Lorsque, par exemple, dans l’intérêt d’une commune, un bureau doit être divisé, le gouvernement accorde momentanément au titulaire de ce bureau un supplément de traitement jusqu’à ce qu’il trouve l’occasion de lui donner une autre recette. Je sais bien que l’honorable membre a cité des circonstances où le gouvernement n’a pas saisi la première occasion d’opérer cette mutation ; il me serait difficile de dire pourquoi tel receveur n’a pas obtenu tel bureau dans un moment donné ; tout ce que je puis dire, c’est que, dans mon administration, la cause de toute mesure gît toujours dans des considérations de bonne administration ou dans la nécessité de récompenser des services ; mais des services administratifs, les seuls auxquels j’ai égard lorsqu’il s’agit d’accorder des rémunérations aux fonctionnaires du département des finances.
Il arrive aussi, messieurs, que des comptables, par suite de la cessation d’une usine importante qui se trouve dans leur ressort, se voient tout à coup privés d’une forte partie de leurs remises. Il est juste que le gouvernement vienne au secours des fonctionnaires qui se trouvent dans ce cas, en leur accordant un supplément de traitement, s’il prévoit pouvoir leur confier prochainement un autre bureau, ou bien un minimum de remises si l’occasion de les placer ne doit se présenter qu’à une époque plus éloignée. Il me semble, messieurs, que ce sont là des mesures de bonne administration.
Il y a eu aussi une circonstance spéciale qui a forcé le gouvernement à accorder quelques minimum de remises ; c’est lorsque plusieurs receveurs des parties cédées sont rentrés dans le pays ; il a fallu placer ces receveurs dans n’importe quels bureaux, car quelque minime que pût être le produit des bureaux qui leur étaient donnés, ce produit venait toujours en déduction de l’indemnité que le gouvernement aurait dû leur accorder.
Il se trouve encore que parfois des fonctionnaires supérieurs ou employés du service actif qui ne conviennent plus à leurs fonctions, sont appelés à un bureau de recette où ils peuvent encore se rendre utiles ; eh bien si le bureau qui leur est conféré n’offre que des remises inférieures à leur traitement, le gouvernement y a joint une faible indemnité pour compléter la somme qu’ils touchaient précédemment.
Voilà, messieurs, dans quelles circonstances des suppléments ou des minimum de traitement sont accordés à certains fonctionnaires, je crois qu’en cela l’administration n’a eu et n’a aucun reproche à se faire.
L’honorable membre a parlé de pensions accordées à des fonctionnaires ou à des employés qui pouvaient encore remplir utilement leurs fonctions. Si cela arrive, c’est que l’administration est induite en erreur, comme j’ai déjà eu l’honneur de l’expliquer à la chambre, c’est que l’administration est induite en erreur par des certificats émanés de personnes respectables, ou bien que ceux qui ont demandé leur pension, par suite d’infirmité, ont recouvré la santé plus tard au point de pouvoir encore rendre des services à l’Etat. Quoi qu’il en soit, messieurs, comme je l’ai fait remarquer, il faut placer les fonctionnaires publics dans une position telle qu’au lieu de désirer, ils appréhendent le moment où ils seront mis à la retraite.
C’est, messieurs, ce qui résultera de la loi des pensions que j’aurai l’honneur de présenter aujourd’hui même à la chambre. Par cette loi, les pensions des comptables seront considérablement réduites, et dès lors ils redouteront, je le répète, le moment où l’administration croira devoir les mettre à la retraite dans l’intérêt du service.
J’en viens maintenant, messieurs, à un fait qui se rattache à mon administration. J’ai cru devoir mettre à la retraite un comptable par des considérations de service qu’il me paraîtrait peu convenable de venir développer ici ; il serait inconvenant de venir ici discuter la capacité d’un fonctionnaire, de rendre compte à la chambre des motifs pour lesquels tel employé a été jugé incapable de remplir plus longtemps ses fonctions.
Quant à la division de recettes que j’ai opérée, cette mesure m’a également été dictée par des considérations de service. La partie des contributions directes n’était pas suffisamment surveillée, parce que le receveur avait des attributions trop considérables en ce qui concerne les accises, et cette position avait encore été aggravée par suite de l’établissement de l’impôt sur le sucre indigène. Voilà les motifs qui m’ont porté à diviser la recette à laquelle l’honorable M. Verhaegen a fait allusion.
Si je voulais entrer dans des considérations personnelles, il me serait facile d’expliquer à l’égard de plusieurs noms qui ont été cités par l’honorable membre, quelles ont été les raisons très plausibles pour lesquelles des suppléments de traitements ont été accordés par mes prédécesseurs, mais je crois, messieurs, qu’une semblable discussion ne doit point s’engager dans cette chambre.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer celles que vient de prononcer un honorable député d’Anvers ; j’espère que le gouvernement les prendra en sérieuse considération. J’y ajouterai encore quelques observations, et j’aurai peut-être le plaisir, assez rare, de me trouver d’accord sur quelques points avec l’honorable M. Verhaegen.
On s’est plaint souvent de deux choses : et ces plaintes viennent encore de se renouveler. On s’est plaint de ce que certains receveurs n’avaient pas de quoi subvenir à leur existence.
On s’est plaint de ce que les allocations pour remises, indemnités et supplément de traitement allaient toujours en augmentant. Ce sont là deux objets de plaintes, qui paraissent d’abord exclusifs l’un de l’autre, mais ils sont cependant fondés tous deux. J’arrive au premier sujet de plainte. J’examine quelle en est la cause ? La cause en est, d’abord, que beaucoup de recettes sont trop peu importantes ; voici en quels termes on s’en plaignait lors de la discussion du budget de 1834 :
« La cause principale des infidélités des receveurs vient de la grande division des recettes. En effet, lorsqu’une recette donne de quoi vivre à un receveur, on a jugé à propos de la couper en deux, je ne sais dans quelle intention ; c’est probablement pour se faire des créatures ; les fonctionnaires placés entre leur conscience et leurs besoins, sont exposés à manquer de probité. »
Le ministre répondit alors de la manière suivante : « On a diminué le nombre des receveurs, et on se propose de le diminuer successivement.
« La réduction du nombre des receveurs sera poursuivie, jusqu’à ce qu’elle ait mené au résultat désiré par le préopinant. Les comptables auront enfin leur existence suffisante pour faire honneur à leur état social ; on a signalé des recettes qui ne donneraient qu’un produit net de 500 ; ces cas sont rares ; on peut supprimer ces bureaux et les fondre dans les bureaux voisins. »
Vous voyez, messieurs, que déjà en 1834, on se plaignait de ce qu’il existait des recettes trop peu importantes, de ce qu’on coupait en deux celles qui avaient de l’importance ; que répondit le ministre ? Il répondit qu’on ferait cesser cet abus. J’ignore si on y a remédié convenablement ; mais ce que je sais fort bien, c’est qu’il n’y a pas très longtemps encore, on a partagé en deux la recette d’une petite ville ; cela n’est-il pas tout à fait contraire aux engagements pris antérieurement ?
Une autre cause de malaise de certains receveurs, c’est que, sans avoir égard à l’ancienneté de leurs services, on les laisse indéfiniment dans des recettes peu importantes, et cela pour faire passer rapidement à des postes avantageux des hommes que l’on protège, que l’on favorise. Que résulte-t-il de cette conduite ? Une surcharge pour le trésor. Un beau jour un receveur se plaint qu’après s’être contenté pendant quinze ans, vingt ans même d’une recette très médiocre, il avance en âge, qu’il a rendu bien des services, qu’il n’a pas de quoi élever sa famille ; cette requête est tellement fondée, qu’on ne peut pas honnêtement la rejeter. Eh bien, que fait-on alors ? On accorde un minimum de remise, c’est-à-dire qu’on accorde un supplément de traitement, supplément que je considère comme assez arbitraire, comme assez illégal.
Car il me semble que la marche la plus régulière de faire du bien à d’anciens receveurs, c’est de leur accorder un avancement raisonnable.
Mais il est des circonstances où des minimum, qu’on devrait appeler plutôt maximum, sont accordés d’une manière beaucoup moins tolérable ; on en accorde quelque fois à des fonctionnaires, sans ancienneté de service, auxquels on veut tout simplement du bien aux dépens du trésor.
Ce système d’accorder des majorations de traitement sans être soumis à des règles suffisantes, et celui de partager des recettes est doublement onéreux pour le trésor, car nous savons que les tantièmes des recettes diminuent successivement avec l’importance des mêmes recettes, et que par contre moins les recettes sont importantes, et plus les tantièmes sont élevés.
J’appuierai donc toute proposition qui tendrait à limiter la faculté qui est accordée au gouvernement de fixer les traitements des receveurs comme il l’entend.
Cette faculté qui existe aussi pour d’autres administrations, et surtout pour l’administration des chemins de fer, a immodérément élevé les traitements, qui ne sont fixés que par arrêtés. Ces traitements sont devenus une anomalie véritable avec ceux qui sont fixés par la loi.
Les traitements fixés par la loi l’ont été à une époque de révolution, à une époque où on se berçait de la belle utopie du gouvernement à bon marché ; il en résulte que ces traitements sont peu élevés, eu égard surtout à ceux qui ne sont limités que par des arrêtés, et qui progressent sans cesse.
Il faut cependant que nous sachions où nous allons. Il faut que nous sachions si l’on veut en revenir du système des traitements de 1830 et 1831 ; je veux, moi, un système de franchise.
Si l’on veut en revenir de ce système, eh bien alors nous majorerons tous les traitements, ceux de l’ordre administratif comme ceux de l’ordre judiciaire. Il est des commissaires d’arrondissement dont le traitement est inférieur à celui de deuxième commis des finances ou des travaux publics, et cependant ces fonctionnaires sont obligés de se pourvoir d’une demeure honorable, de représenter enfin plus ou moins, car ils ne peuvent s’en dispenser entièrement. Le traitement d’un gouverneur est tel, qu’un homme dénué de fortune ne peut, en quelque sorte, remplir cette place.
Il faut que le gouvernement adopte un système, mais il faut surtout mettre une barrière à la progression des traitements faxés par arrêtés, et qui est telle qu’un chiffre considérable est porté au découvert de plusieurs millions que mentionne la situation du trésor, qui nous a été distribuée.
M. le ministre vient de nous dire que ni lui ni ses prédécesseurs ne sont pas sortis de la légalité ; cela me semble incontestable, puisqu’aucune loi ne limite la progression de traitements dont nous nous plaignons, et qu’il n’existe qu’un régime d’arrêtés qui permet au gouvernement de n’avoir peu près d’autre loi que sa volonté ; c’est ce régime que je désire voir cesser.
M. de Foere. - Je suis charmé, messieurs, que l’honorable M. Verhaegen ait soulevé la question qui nous occupe. Je partage à certains égards son opinion ; mais je suis loin d’envisager la question sous le même point de vue que lui. S’il y a abus, cet abus doit être attribué à la chambre seule. Depuis 1831, la chambre a toujours voté des crédits globaux que les différents ministères ont appliqués comme ils le jugeaient convenable, suivant les besoins du service. Pour ma part, j’ai toujours soutenu que, pour examiner avec fruit les budgets, ce ne sont pas les chiffres qu’il faut examiner, mais les faits auxquels ces chiffres doivent s’appliquer. Je suis, sous ce rapport, d’accord avec M. Verhaegen ; mais si la chambre a constamment voté des allocations globales pour telle ou telle partie du service, elle a accordé par son vote, au gouvernement, comme pouvoir exécutif, le droit de disposer de ces allocations comme il le jugeait convenable.
Si des abus ont eu lieu dans les suppléments de traitement et les indemnités qui ont été accordés, leur appréciation doit être abandonnée à chaque membre de la chambre ; mais toujours est-il que les ministères successifs ne sont pas sortis du cercle de leur pouvoir qui leur a été ouvert par la chambre. Le budget, messieurs, est une loi et la mission de la chambre est de limiter, par cette loi, l’action du pouvoir exécutif. Si cette action n’a pas été restreinte et que des subsides globaux aient été votés par la chambre, je ne comprends pas l’accusation, intentée contre le ministère, d’avoir agi arbitrairement, car l’application des subsides globaux a été abandonnée à son libre arbitre. Si nous voulons conserver les libertés publiques, ne confondons jamais les pouvoirs, qui tous ont une action distincte dans le cercle des attributions qui leur sont assignées.
On croit, messieurs, arriver à l’extinction de l’abus qu’on a signalé au moyen de la division que l’on propose d’établir entre les augmentations de traitement et les augmentations d’indemnités ; mais ce serait encore là deux chiffres globaux que le gouvernement pourra appliquer, comme il le jugera convenable, à la seule condition de se renfermer dans les spécialités pour lesquelles ces chiffres globaux auront été accordés.
Maintenant y a-t-il moyen de remédier à ces abus, si abus il y a ? La chambre peut demander des tableaux spéciaux ; elle peut aussi établir des règles générales que le ministère sera obligé de suivre dans l’application des subsides globaux ; mais aussi longtemps que la chambre abandonnera au ministère leur application, je soutiens que le ministère, comme pouvoir exécutif, restera dans son droit et ne pourra être accusé d’agir arbitrairement, car c’est un pouvoir d’action arbitraire qui lui est concédé par la chambre.
L’honorable membre a aussi demandé une augmentation pour les receveurs des campagnes. Cette demande a été faite et accueillie favorablement, depuis longtemps, par la chambre entière et par tous les cabinets. Tous, nous reconnaissons que les receveurs de campagne ne sont pas suffisamment rétribués. Je voudrais donc, en présence de ce besoin unanimement reconnu, que l’honorable membre, au lieu d’insister pour l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire, insistât plutôt sur l’augmentation pour les receveurs de campagne, d’autant plus que la grande majorité des membres de cette assemblée convient que les membres de l’ordre judiciaire ne se trouvent point, comme les receveurs de campagne, dans une position de souffrance.
Quelle est la raison qui a empêché si longtemps la chambre et le gouvernement d’augmenter les traitements de ces receveurs ? C’est, messieurs, notre position financière, et, à cet égard, je dirai que, si la chambre avait voulu une bonne fois réaliser des économies dans tous les budgets, là où les économies sont compatibles avec les besoins de l’Etat, il y a longtemps que nous aurions trouvé le moyen de mieux traiter ces receveurs qui sont dignes de toute notre attention.
Mais l’honorable membre lui-même a voté pour une foule de dépenses inutiles, dont quelques-unes même étaient désastreuses pour le pays ; il a voté par exemple, pour les dépenses ruineuses qu’a entraînées la conception malheureuse de la British-Queen ; il a voté encore pour l’érection de la statue de Godefroid de Bouillon. Il aurait pu repousser ces dépenses inutiles et une foule d’autres, et je maintiens que si toutes ces dépenses n’avaient pas été votées, et que des économies compatibles avec les besoins de l’Etat avaient été recherchées, la chambre aurait pu apporter une amélioration au sort des receveurs de campagne, et peut-être de quelques autres fonctionnaires inférieurs qui méritent toute l’attention de la chambre.
M. Osy. - M. le ministre des finances a voulu nous prouver qu’il était dans la légalité en donnant des indemnités et des gratifications, en vertu des arrêtés existants. Je crois avoir démontré qu’aux termes de l’arrêté de 1822, il n’était pas permis au gouvernement d’accorder autre chose que les remises, et que, dans certains cas prévus par l’arrêté, il pouvait remplacer les remises par un traitement fixe.
D’après les tableaux qui ont été déposés par M. le ministre des finances, il paraît que les indemnités ne se montent qu’à une somme de 33,000 francs. J’accepte ces tableaux comme réels, et pour empêcher le gouvernement de considérer les arrêtés, comme lui donnant la faculté de donner des indemnités et des gratifications, je propose de diviser l’art. 2 maintenant en discussion, et de dire :
« Remises, fr. 1,670,737 47
« Indemnités, fr. 33,262 50 »
Ces chiffres sont conformes aux résultats consignés dans les tableaux déposés par M. le ministre des finances ; si l’on ne nous a pas tout dit, ce ne sera pas ma faute, ce sera la faute du gouvernement.
- L’amendement de M. Osy est appuyé.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je ne puis accepter l’amendement de l’honorable M. Osy. Je n’ai pas seulement prouvé que les mesures prises par le gouvernement étaient légales, mais j’ai prouvé aussi qu’elles étaient utiles, indispensables pour la bonne marche de l’administration. J’ai cité différents cas où le service administratif aurait pu souffrir si ces motifs n’avaient pas été pris en considération. Je m’oppose donc de tout mon pouvoir à l’adoption de l’amendement qui est véritablement subversif de toute administration.
J’ajouterai que les indemnités qui ont été déterminées par les arrêtés s’élèvent déjà à une somme de 288,000 francs. Mais ce chiffre varie d’année en année, comme je l’ai déjà expliqué ; il varie à raison du nombre d’articles du rôle.
L’honorable préopinant nous parle de l’arrêté du gouvernement provisoire ; mais il y a un arrêté antérieur de 1822, qui est maintenu dans toutes ses dispositions, sauf cependant en ce qui concerne l’article 13. L’honorable membre n’a pas suffisamment pris connaissance de cet arrêté.
Je crois, messieurs, avoir fait comprendre que l’administration serait embarrassée, si on voulait restreindre la faculté qu’elle a aujourd’hui.
Je m’oppose donc par ces motifs à la proposition de l’honorable membre, proposition qui est plutôt un projet de loi qu’un amendement au budget.
M. Verhaegen. - Messieurs, je m’étais fait d’avance les objections qu’a présentées l’honorable M. de Foere, mais pour les résoudre, et se mettre sur un terrain tout nouveau, et je n’aurais pas été fâché que l’honorable membre, usant de son droit d’initiative, nous eût fait une proposition à cet égard.
L’honorable M. de Foere impute à la chambre les abus que j’ai signalés, et pourrait avec raison pour le passé, mais à coup sûr, il a tort et pour le présent et pour le futur. C’est la loi du budget, dit-il, qui tranche la question mais qu’il ne l’oublie pas, c’est précisément cette loi dont nous nous occupons en ce moment, et si nous l’appuyons de notre vote, nous sanctionnons de nouveau pour le futur les abus dont je me suis plaint pour le passé. Pour mon compte, moi, qui m’élève contre ces abus, si aucun autre moyen ne m’est offert pour les empêcher, je voterai contre le budget, et j’engage mon honorable collègue. M. de Foere, à suivre mon exemple ; alors seulement il sera d’accord avec lui-même.
Mais je ne puis pas de même partager l’opinion de l’honorable M. de Foere, quand il prétend qu’après avoir voté le budget de l’année dernière, la chambre ne peut plus examiner la conduite passée du ministère, et en effet, cette opinion est contraire à tous les principes du gouvernement représentatif. Quoi ! par le vote d’un budget, nous aurions donné au gouvernement un arbitraire tel que ses actes seraient à l’abri de tout contrôle et la responsabilité ministérielle ne serait plus qu’un vain mot ! En votant des chiffres globaux la chambre se réserve toujours le droit de contrôler l’application qu’en fait le gouvernement et de critiquer tous les actes qui se rattachent à cette application, s’il en était autrement, le rôle de la chambre serait complètement nul, et autant vaudrait en revenir aux principes du gouvernement absolu.
Quoi qu’il en soit, je n’ai parlé du passé que pour signaler les abus qui avaient été commis jusqu’à présent, et pour en provoquer le redressement pour l’avenir. A ce point de vue, l’honorable M. de Foere n’aura pas trouvé mauvais sans doute que je sois entré dans l’examen des actes du précédent ministre.
Maintenant, en ce qui concerne le futur, nous en sommes encore une fois à la loi du budget ; on vient, comme pour le passé, nous demander des allocations globales considérables ; que nous reste-il donc à faire, en suivant la marche tracée par l’honorable M. de Foere lui- même ? faute de mieux, je voterai pour l’amendement de M. Osy, avec d’autant plus de raisons que M. le ministre des finances doit s’empresser de l’admettre, si ses tableaux sont exacts.
De deux choses l’une ou les tableaux formés par M. le ministre sont exacts, ou ils ne le sont pas ; s’ils sont exacts, il doit adopter l’amendement de l’honorable M. Osy ; s’ils ne le sont pas, quelle confiance pouvons-nous avoir dans les allégations du gouvernement ?
Je le disais tantôt. Il faut en finir, il faut mettre un terme à cet arbitraire qui pousse tous les jours de plus profondes racines, et le meilleur moyen d’obtenir un résultat, c’est de provoquer une loi qui décrète en principe que tous les emplois et les traitements qui s’y rattachent soient fixés par la législature.
Il y aurait un second moyen, ce serait d’exiger du gouvernement un tableau de tous les suppléments d’appointements, de toutes les gratifications, de tous les minimum, en un mot, de lui demander de renseigner la destination des sommes qu’il réclame. C’est, je pense, ce que veut M. de Foere ; s’il en est ainsi, qu’il formule son vœu en proposition ; l’honorable M. Osy et moi, nous nous empresserons de l’appuyer, car c’est ce que nous n’avons cessé de demander depuis hier sans que M. le ministre ait daigné nous donner une réponse satisfaisante ; enfin il reste pour troisième moyen le vote contre l’ensemble du budget ; c’est, en effet, la dernière ressource de l’opposition constitutionnelle lorsque le gouvernement ne veut pas sortir de la mauvaise ornière dans laquelle il se trouve. L’honorable M. de Foere suivrait-il mon exemple, si j’en étais réduit à adopter ce moyen extrême ?
Il faut bien conclure en définitive ; car à défaut de conclusion, toutes nos observations sont inutiles ; le Moniteur enregistrera nos discours, mais le gouvernement ne sera arrêté par aucun obstacle légal et pourra impunément renouveler les abus graves dont nous nous plaignons.
Il me reste à dire un seul mot, quant à la prétendue contradiction dans laquelle je serais tombé, d’après l’honorable M. Smits. Vous voulez, dit-il, améliorer la position des receveurs ruraux, et cependant vous critiquez l’augmentation de traitement qu’on accorde. Oui, je les critique, parce que ce n’est pas aux petits receveurs, aux receveurs ruraux qu’on les donne.
J’ai ici le tableau des suppléments de traitement ; ils ont été donnés pour la plupart à des receveurs et employés qui ont déjà des gros traitements. Les petits receveurs n’ont pas pris part à la curée. Ceux-là qui avaient droit n’ont rien obtenu ; c’est pour cela que je critique la conduite du gouvernement et c’est pour éviter le retour de tels abus qu’il faut fixer les traitements d’une manière fixe et régulière.
M. de Mérode. - Ce qu’il y a de plus abusif assurément, c’est la distribution des traitements qu’on abandonne à la discrétion du gouvernement. C’est la distribution des pensions des fonctionnaires de l’administration des finances. Conçoit-on que des pensions de cette nature s’élèvent à cinq, six et jusqu’à dix mille francs, pendant que des fonctionnaires en activité de service, comme certains commissaires d’arrondissement, ont à peine 1,500 francs de traitement fixe ?
D’après la constitution il faut réviser les pensions ; et, pour mon compte, je le déclare, je ne reconnais de droits acquis définitifs à aucun des pensionnaires qui reçoivent périodiquement outre mesure l’argent du trésor, parce qu’une perception exagérée des fonds publics au passé n’est pas une raison de perpétuer un excès de dépenses si mal motivé. Mais déjà, je l’ai dit, le moyen d’arriver au vote des lois les plus urgentes, c’est l’économie du temps et de ne pas nous occuper d’objets sans importance.
Je dois ici exprimer le regret que l’honorable M. de Foere soit venu vous entretenir de la statue de Godefroid de Bouillon, car la dépense qu’il a signalée a été discutée dans cette enceinte ; les motifs pour lesquels on a cru devoir accorder les fonds ont été suffisamment développés. Je ne sais ce que Godefroid de Bouillon venait faire au milieu d’une discussion du budget des finances.
J’appuie le système proposé par l’honorable M. Verhaegen. Les traitements de la magistrature sont fixés par la loi, il doit en être de même des autres fonctionnaires des finances comme du chemin de fer, enfin de toutes les personnes qui reçoivent des traitements, et qu’aujourd’hui le gouvernement fixe comme il l’entend. Quand on examine ces traitements et qu’on les compare, on ne sait pourquoi l’un reçoit deux mille francs, un autre trois mille, un autre quatre mille francs d’appointements. C’est un véritable chaos.
M. Osy. - Jusqu’à l’année 1839, les états-généraux ont été assez faciles pour l’adoption des budgets, mais après 1839 ils ont examiné scrupuleusement l’état financier du pays. Il est plus que temps de nous arrêter dans la voie dans laquelle nous marchons. Sur un seul article sur lequel nous avions espérez un boni, nous avons un mali de plus d’un million. Si vous permettez de continuer la marche suivie par le ministère actuel et ses prédécesseurs, vous ne pouvez prévoir où cela vous conduira. Il est plus que temps de s’arrêter.
Ce n’est pas pour faire de l’opposition, mais pour arriver à une situation plus normale que j’ai insisté pour avoir un tableau de l’emploi de la somme énorme portée à cet article. Si M. le ministre croit nous amuser avec des tableaux pareils à ceux qu’il nous a remis, il se trompe, il en sera la dupe. Il nous remet deux tableaux, l’un du supplément de traitements s’élevant à 23,000 fr., l’autre des maximum et des minimum présumant une dépense de 9,000 fr.
D’après les arrêtés en vigueur, les traitements ne doivent se former de remises, excepté le cas où le traitement serait trop fort ou trop faible, alors le traitement est fixe. Le gouvernement provisoire a supprimé les leges, et l’arrêté de 1833 a interdit tout supplément de traitement, indemnité ou gratification enfin tout, ce qui, sous quelque dénomination que ce soit, pourrait avoir pour but d’augmenter un traitement.
Si les chiffres des tableaux du ministre sont exacts, il pourra marcher avec les allocations que je propose. Si dans le courant de l’année il voit qu’elles sont insuffisantes il viendra nous faire une proposition formelle. Moi, je suis convaincu qu’il ne pourra pas marcher avec 33,000 fr. Alors il nous proposera un projet de loi qui nous fera connaître la situation des affaires.
M. le ministre vous a dit : je ne puis pas admettre l’amendement de M. Osy, parce qu’il me faut déjà 190 mille fr. pour les rôles. Voyez, messieurs, l’art. 18. où on vous demande 266 mille fr., c’est sur ces 266 mille fr. que les indemnités dont a parlé M. le ministre sont prises.
Je répète en terminant que les arrêtés en vigueur ne permettent de donner aux receveurs ni indemnités ni gratifications mais seulement des remises. Ce n’est que quand la somme des remises est trop faible ou trop forte, qu’on leur donne un traitement fixe. C’est pour arrêter le gouvernement dans la voie qu’il suit que je propose mon amendement. J’espère qu’il sera adopté.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable membre est tout à fait dans l’erreur. Il n’a pas lu les arrêtés qui concernent la matière.
M. Osy. - Je les ai lus.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Alors vous ne les avez pas compris. L’honorable membre prétend que les indemnités que j’ai indiquées et qui sont mentionnées dans l’arrêté du 18 novembre 1822, sont imputés sur le crédit de 266,000 fr., art. 8 du chapitre III. Il ne s’agit aucunement dans cet arrêté des indemnités allouées pour la confection des rôles de la contribution foncière, celles-là sont imputés sur l’art. 7 du chapitre III ; je n’ai parlé que des indemnités pour les rôles de la contribution personnelle et du droit des patentes qui sont comprises dans l’article qui nous occupe, et elles se sont élevées, en 1842, à 288,000 fr.
L’honorable membre prétend le contraire. Je ne sais sur quoi il fonde cette assertion ; je ne puis m’en rendre compte. J’affirme que c’est sur cet article que toujours, depuis 1830, ces indemnités ont été imputées. Comment l’honorable membre vient-il dénier ce que j’ai déclaré plusieurs fois à cet égard ?
En proposant une indemnité de 33,000 fr. l’honorable membre n’a aucun égard à ces indemnités, montant, comme je l’ai dit, à 288,000 fr. environ ; je ne puis indiquer le chiffre exact, parce qu’elles se rapportent au nombre variable des articles de la contribution personnelle et des patentes.
Les indemnités qui ont rapport à la contribution foncière ne s’imputent même pas sur l’article dont a parlé l’honorable membre. Mais bien sur l’article 7 ; les rôles ne sont pas faits par les receveurs, ils sont confectionnées, dans les bureaux des directeurs des contributions directes, à qui l’indemnité est allouée.
Les receveurs jouissent de l’indemnité indiquée dans l’arrêté du 18 novembre 1822, que l’honorable M. Osy croit supprimé par l’arrêté du gouvernement provisoire, qui, au contraire, comme je l’ai fait observer plusieurs fois, n’a fait qu’en modifier l’art. 13 ; il ne le remplace même pas.
L’art. 13 porte :
« Pour chaque billet de la contribution personnelle remis dans les communes rurales, 5 centimes ;
« Dans les villes, 2 centimes ;
« Pour chaque contribuable de la contribution personnelle et des patentes, dans les communes rurales, 15 centimes ;
« Dans les villes, 18 centimes. »
Ces indemnités, je le répète, sont payées aux receveurs ; elles sont comprises dans l’art. « Remises et indemnités des receveurs. » Les indemnités, au contraire, dont parle l’honorable membre sont relatives aux articles de la contribution foncière, et sont payées aux directeurs des contributions directes, qui font les rôles. Voilà ce que je croyais avoir expliqué plusieurs fois. Si tout à l’heure je me suis exprimé avec vivacité, c’est parce que l’honorable membre avait dit qu’il ne fallait pas avoir égard à mes observations, qu’il fallait passer outre. Je regretterai toutefois d’avoir dit rien qui puisse être désagréable à l’honorable membre,
Si la proposition de l’honorable M. Osy était admise, à l’instant le service serait interrompu ; car ces indemnités se payent dans les trois premiers mois de l’année, à mesure que l’on fait les rôles de la contribution personnelle et qu’on distribue les déclarations.
Un honorable membre est revenu sur les pensions accordées depuis 1830. On a parlé de pensions de 10,000, de 8,000 fr. Depuis 4 ou 5 ans, il n’a plus été accordé de pensions au-dessus de 6000 fr, Je regrette qu’à la veille de discuter une loi de pensions, la chambre s’occupe aussi longtemps de cet objet et de l’ancienne caisse de retraite.
J’ai ici le projet de loi que je présenterai à la fin de la séance. Lors de sa discussion, nous aurons l’occasion d’approfondir toutes les questions qui s’y rattachent. Je pourrais répondre aux objections qui ont été faites. Mais je me garderai de le faire maintenant ; je ne veux pas abuser des moments de la chambre.
On a parlé de fixer par une loi les traitements des fonctionnaires. Jusqu’ici, ils ont été fixés par le pouvoir exécutif. Voulez-vous une loi ? C’est une question qui peut être examinée ; nous verrons quels sont les inconvénients, quelle est la possibilité d’un semblable système. Cette loi, si elle est juste, utile, doit concerner tous les départements qui ont un service administratif ; elle doit s’appliquer au département de l’intérieur, à celui de la justice, en ce qui concerne la partie administrative, à ceux des travaux publics et des finances. Mais on ne peut faire pour le département des finances une loi exceptionnelle.
M. de Foere. - L’honorable M. Verhaegen a répondu aux observations que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre au sujet de ce qu’il avait allégué pour soutenir que le gouvernement n’était pas resté dans la légalité lorsqu’il a appliqué les subsides globaux qui ont été votés. Je m’attendais à ce que l’honorable membre soutînt légalement son assertion ; mais son assertion est restée sans démonstration. Je dis, moi, que le budget domine les arrêtés ; et lorsque vous votez par la loi du budget un subside global, je soutiens que le ministère reste dans la légalité, lorsqu’il applique ce subside comme il le juge convenable.
Ensuite, mon honorable contradicteur a dit que j’ai dénié à la chambre le droit d’examiner, sous ce rapport, les actes du gouvernement ; il n’en est rien. J’ai toujours dit que, s’il y avait abus, il devait être imputé à la chambre, parce qu’elle accorde des allocations globales, pour être distribuées par le gouvernement. Y a-t-il abus ? Je ne l’ai pas examiné. Je suis assez disposé à croire qu’il y a abus. C’est pour cela que je désire que la chambre trouve moyen de limiter à cet égard l’action du pouvoir exécutif. Mais, à moins qu’on ne change la signification du terme arbitraire, il n’y a pas lieu d’accuser le gouvernement d’avoir agi arbitrairement, lorsqu’il n’a fait qu’user du pouvoir arbitraire que les chambres lui ont concédé.
Je voudrais, comme l’honorable M. Verhaegen, qu’on mît un terme à l’abus, s’il existe. Je ne dis pas qu’il existe, ou qu’il n’existe pas. Je dis, au contraire, que je suis disposé à croire qu’il existe. Mais il ne faudrait pas s’arrêter là. Ce n’est pas seulement pour l’objet en discussion que vous accordez un crédit global ; vous en accordez aussi pour les arts, pour les sciences, pour les lettres, pour l’industrie, le commerce, l’agriculture, les établissements de bienfaisance et peut-être pour d’autres besoins encore. L’honorable M. Verhaegen, pour être conséquent, devrait réclamer que, pour ces divers objets, on limitât l’action du gouvernement.
La question du subside global est, selon moi, parlementairement parlant, un vote de confiance. Mais, comme je l’ai dit souvent, je ne suis disposé à accorder de tels votes à aucun ministère quel qu’il soit, et alors même qu’il partagerait mon opinion sous d’autres rapports. La législature a été établie pour soutenir les intérêts du pays ; lorsqu’elle croit qu’on abuse des subsides, elle doit poser des limites au gouvernement.
Mon honorable contradicteur veut aussi, puisque je partage son opinion, si abus il y a, que je vote contre le budget. Mais voter contre le budget, c’est une question, encore une fois, de confiance. Si j’étais persuadé que l’abus que l’honorable M. Verhaegen a signale est bien établi, je voterais contre le budget de tous les ministres qui dilapident les deniers de l’Etat.
L’honorable membre veut qu’il y ait une loi qui règle tous les traitements des fonctionnaires ; cette loi existe. La chambre sait que les tableaux présentés chaque année à la chambre pour le traitement des fonctionnaires soient non seulement annexés au budget, mais insérés dans le corps du budget. Mais c’est précisément ce qui a lieu. Les tableaux insérés dans le budget indiquent le nombre des inspecteurs, contrôleurs, chefs de division, etc., et la quotité du traitement de chacun d’eux. Ainsi les traitements sont fixés par la loi.
Si maintenant on demande des augmentations ou indemnités, la chambre reste dans toute l’intégralité de son droit de refuser ces augmentations. Il ne faut pas, selon moi, de loi spéciale, parce que le budget est une loi comme une autre, et qu’elle fixe ces traitements.
Je maintiens encore que la division pour laquelle l’honorable député de Bruxelles voudrait voter, ne remédierait pas à l’abus, si abus il y a, parce que ce seraient toujours deux chiffres globaux. Il y a un seul moyen : Si vous ne voulez pas qu’on augmente les traitements et indemnités, refusez votre vote au chiffre du budget.
M. Verhaegen. - Et les remises ?
M. de Foere. - Elles sont fixées par un arrêté. Le chef du département des finances est obligé de suivre cet arrêté, qui établit la quotité et la progression des remises. Mais le chiffre global proposé excède le chiffre de ces remises. Que l’honorable membre tâche de découvrir le véritable chiffre auquel les receveurs ont droit ; s’il ne veut pas allouer davantage, il a le droit de voter contre le budget.
Quant à moi je voterais contre le budget de tout ministère s’il m’était prouvé qu’il dilapide les fonds de l’Etat. Jusqu’à preuve contraire, je voterai pour ou contre le budget, selon que cette opinion sera ou ne sera pas établie.
M. Lebeau. - Messieurs, quoiqu’il y ait beaucoup à dire en faveur du principe de l’amendement de l’honorable M. Osy, je ne pourrais l’appuyer dans la forme que cet honorable membre lui a donnée. Je pense qu’il serait impossible que l’administration marchât avec un chiffre aussi limité que celui que propose l’honorable membre pour la seconde partie de l’article qu’il voudrait diviser, c’est-à-dire, pour les indemnités.
Je pense, messieurs, que ce que pourrait faire la chambre, et je ne vois pas que le gouvernement ait grand intérêt à s’y opposer, ce serait d’établir en principe la division. Je crois qu’en consacrant cette division, on serait dans la voie de l’amélioration indiquée par plusieurs honorables membres et qui est le but des discours que vous avez entendus dans cette séance.
Quant à fixer par une loi les traitements de l’ordre administratif, c’est là, messieurs, une question immense, et je pense qu’elle ne résisterait pas à un examen sérieux, quand on la mettrait en face de la pratique ; je crois, messieurs, que l’on reconnaîtrait que cela est absolument inconciliable avec la marche du service administratif.
Mais on peut s’éloigner de l’arbitraire, inhérent au système de l’indemnité, en revenant graduellement aux principes qui ont été consacres par toutes les administrations en matière de rémunération de comptables, en revenant graduellement, sans brusquer la transition, au principe des remises comme règle, et en ne conservant l’indemnité que comme exception.
Remarquez, messieurs, que la règle de la remise comme traitement des comptables forme encore le droit commun de plusieurs administrations fiscales. Ainsi, si je ne m’abuse, l’administration de l’enregistrement est encore soumise, presque sans exception, à la règle de la remise. Sous le gouvernement impérial, la règle de la remise, règle de laquelle on s’est écarté surtout en matière de contributions directes, était encore le droit commun dans cette spécialité financière. Par une sage concentration des localités sous une même réunion de recette, on était parvenu à donner aux receveurs des campagnes une position convenable en leur attribuant une moyenne de 1,000 à 1,200 fr, et en leur attribuant cette moyenne par le procédé le moins arbitraire, celui d’un tantième sur les fonds perçus par eux.
Les arrêtes du gouvernement néerlandais et ceux du gouvernement actuel ont maintenu le principe de la remise comme règle pour les comptables, et n’ont admis l’indemnité que comme exception.
L’indemnité, messieurs, doit être admise comme exception dans certains cas, et notamment dans un cas qui s’est présente plusieurs fois depuis un certain nombre d’années, dans le cas où le système des impôts est profondément modifié ; modifié de telle façon, par exemple, qu’il vienne changer complètement la position de certains comptables qui avaient pu se considérer comme attachés définitivement à certaines localités, y ayant acquis des propriétés, multiplié leurs relations de famille, et s’étaient, pour ainsi dire, immobilisés dans la résidence que leur avait faite le gouvernement.
Je comprends que lorsque l’abolition successive de l’impôt mouture, de l’abattage, et la séparation des diverses parties de l’administration financière réunies dans les mêmes mains, se sont opérées, pour ne pas trop modifier la position sociale de certains comptables, on leur ait, en dédommagement des pertes qu’ils essuyaient, attribué un supplément de traitement. Mais c’est la une position d’exception, une position transitoire. Ce que je vois dans l’état actuel des choses, c’est que graduellement l’exception tend à renverser la règle, à devenir en quelque sorte la règle elle-même.
C’est contre cette règle qu’il faut s’élever. D’abord elle a pour inconvénient de méconnaître une des principales causes qui ont fait établir les traitements proportionnels, l’aiguillon de l’intérêt personnel portant les comptables à faire les recettes les plus grosses possibles ou à en accélérer la rentrée, associant ainsi à la bonne gestion des deniers de l’Etat l’intérêt des comptables eux-mêmes. Si le principe des traitements fixes vient à se substituer pour les comptables aux principes des traitements proportionnels, vous effacez ce stimulant qui est un des plus favorables au trésor public.
Dans l’enregistrement, je crois que le principe de la remise ne reçoit d’autre exception aujourd’hui que la fixation d’un minimum pour certains bureaux. Là, messieurs, il n’y a pas d’arbitraire à craindre, parce que le minimum n’est pas établi par le bon vouloir de l’administration ; il est établi par une règle générale. On déclare que si un bureau d’enregistrement ou de domaines ne donne pas en remises pour le comptable une somme de 6 ou 800 francs, par exemple, le trésor public y suppléera jusqu’à concurrence de ce chiffre. Il n’y a pas là, je le répète, d’arbitraire possible, et ici on comprend très bien que dans ce cas le principe de traitement fixe soit permanent.
Vous comprenez, messieurs, que le système de remises porte bien moins à l’arbitraire que le principe de l’indemnité. L’avancement alors, l’amélioration de la position se fait d’une manière ostensible c’est par la promotion d’un bureau à un autre ; tout le monde en est informé ; l’administration elle-même, le public tout entier en est averti. C’est la une garantie que l’arbitraire ne peut pas présider aussi facilement aux actes du gouvernement, que lorsque la faveur dérive d’une gratification purement personnelle.
Je suis convaincu, messieurs, que si l’on en revenait au principe des remises, le gouvernement, en perdant un peu de son arbitraire, serait délivré d’une foule d’obsessions dont il est accablé, et tel de nous qui, en principe, combat ici le système de l’indemnité, obsédé lui-même par des sollicitations, est quelquefois conduit à aller demander au ministère de faire usage de l’arbitraire qu’il a combattu sur ces bancs ; de sorte que tout le monde y gagnerait, et le ministère, et les membres du parlement. (On rit.)
Il y a encore un motif spécial, puisé dans la législation des pensions pour restreindre dans les limites du strict nécessaire le système de l’indemnité, et pour en revenir graduellement à celui des remises. C’est que, comme vous le savez, par une disposition que peut-être M. le ministre n’aura pas reproduite dans le projet qu’il nous a annoncé, mais qui existe aujourd’hui dans l’arrêté-loi de 1814, la pension de retraite est basée sur les trois dernières années du traitement.
Eh bien, il est impossible qu’au moment où un fonctionnaire de l’administration des finances s’apprête à demander la mise à la pension, c’est-à-dire quelques années avant de prendre cette résolution, il ne cherche pas à obtenir un accroissement de traitement par l’effet de l’indemnité réunie à la remise, non seulement à cause de l’avantage de ce cumul, mais encore par l’effet qui doit en résulter pour la fixation de la pensions.
C’est ainsi que, pour obtenir une pension aussi élevée qu’il est possible et d’après ce principe que les trois dernières années de la jouissance du traitement en forment la base, vous voyez fréquemment des fonctionnaires placés aux premiers rangs de la hiérarchie financière, descendre parfois de deux ou trois grades ; devenir, par exemple, le directeur ou d’inspecteur, receveur, parce que le traitement de receveur, c’est-à-dire, l’indemnité qu’ils obtiennent alors en qualité de fonctionnaires élevés, jointe aux remises de leur place, leur donne droit à une pension supérieure. On pourrait en citer de nombreux exemples. Au besoin les noms, prénoms, ne me manqueraient pas.
En rejetant le système de l’indemnité dans l’exception, en l’entourant de restrictions, vous obviez encore à un tel abus.
Je crois donc qu’il y aurait quelque chose à faire ; je pense qu’on pourrait admettre le principe de l’amendement de l’honorable M. Osy, c’est-à-dire la division en remises comme principal, et en indemnités comme accessoire ; mais ce principe une fois admis, je voudrais laisser au gouvernement pour la première fois le soin de fixer le chiffre, et je ne me montrerais pas difficile sur le taux de ce chiffre. Je ne veux en aucune façon déranger la marche de l’administration. Ayant eu moi-même l’honneur de faire partie du pouvoir, j’en comprends les difficultés aussi bien que qui ce soit ; et loin de vouloir les augmenter dans un intérêt d’opinion, je serai toujours le premier à faire la part du pouvoir la plus large possible, pourvu, bien entendu, que cette liberté d’action soit conciliable avec les intérêts du trésor public et les libertés du pays.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Le gouvernement n’a pas le moindre intérêt à ce qu’une division ne s’établisse pas. J’admets en principe, avec l’honorable préopinant, qu’une division est possible ; mais il me serait difficile de l’établir maintenant, par les raisons que j’ai déjà déduites.
Messieurs, je tiens à faire remarquer à la chambre que dans l’état actuel des choses, l’exception ne tend pas à devenir la règle. Au contraire, l’exception a successivement diminué. L’état des maximum et des minimum a été produit pour la première fois à la chambre en 1842 ; la différence entre les indemnités qu’ont les receveurs à remises et celles qu’ils ont reçues par suite de minimum de traitement était de 19,000 fr. Ce chiffre a été successivement réduit, et il est descendu à 9,000 fr. Je n’entends pas parler ici des indemnités ou supplément de traitement sur lesquelles j’ai déjà dit que je n’avais pas aujourd’hui les renseignements suffisants. L’exception tend donc plutôt à diminuer qu’à augmenter.
Quoi qu’il en soit, je prends bien volontiers l’engagement devant la chambre que le gouvernement, dans le premier budget qu’il présentera, établira une division de l’article en discussion, celui des remises proportionnelles et des indemnités des receveurs. Comme l’honorable préopinant, je crois que des exceptions sont utiles. Le gouvernement présentera dans le chiffre des indemnités ce qu’il croira nécessaire pour la bonne marche de l’administration. La chambre pourra débattre ce chiffre.
Je voudrais pouvoir faire une division dès aujourd’hui ; mais je craindrais de me tromper. Du reste, d’après la discussion qui a eu lieu et l’engagement que je prends, il me semble que les orateurs qui ont présenté des observations doivent être satisfaits.
M. le président. - L’honorable M. Osy propose, par modification à son amendement, d’admettre le principe de la division en deux articles, et de surseoir au vote sur le chiffre jusqu’à ce que M. le ministre des finances fasse des propositions à cet égard.
M. Osy. - D’après tout ce que les honorables préopinants ont dit, je proposerais à la chambre de décider seulement que le crédit sera divisé. Alors d’ici à demain ou après-demain, M. le ministre pourra nous indiquer quel doit être le chiffre de chacune des divisions de l’article.
M. Verhaegen. - Je suis aussi de l’avis de l’honorable M. Osy. Il faut bien, en définitive, que nous puissions prendre un parti quelconque. On nous fait le reproche de parler longuement sans conclure. C’est une erreur, nos observations se terminent toujours par des conclusions ; si la chambre ne juge pas à propos d’adopter ces conclusions, ce n’est pas à nous qu’on peut en adresser le reproche.
L’honorable M. de Foere a dit tout à l’heure qu’il me sera libre de voter contre les indemnités et de voter pour les remises ; mais comment veut-il que j’émette un semblable vote, alors que les indemnités et les remises sont confondues sous un même crédit global ? Qu’il veuille donc lui, qui me convie à voter contre les indemnités, si ma conscience me l’ordonne, me mettre à même de me prononcer dans ce sens. Sinon, il faudra bien que je vote contre tout le crédit. La division du chiffre est donc indispensable, et l’honorable M. de Foere se mettrait en contradiction avec lui-même, s’il venait la contester.
J’insiste donc pour que la division ait lieu et je consens à ce que M. le ministre détermine lui-même, encore cette année, des chiffres qui doivent être portés à chacune des deux divisions de l’art. Il lui sera facile d’établir ces chiffres, je les ai déjà indiqués, et je lui ai indiqué de plus la source où je les ai puisés.
Quant aux indemnités, il faut que M. le ministre nous fournisse un tableau détaillé des sommes qu’il veut accorder à ce titre.
L’honorable M. de Foere ne veut pas que l’on vote de confiance, il faut donc que le gouvernement nous dise ce qu’il va faire des 330,000 francs qu’il s’agit de lui accorder pour les indemnités.
J’appuie donc de toutes mes forces l’amendement de M. Osy. Si cet amendement n’est pas accueilli, il ne me restera d’autre ressource que de voter contre le budget.
M. de Foere. - L’honorable préopinant me reproche d’avoir présenté des observations d’où résulterait pour lui l’impossibilité de voter soit pour, soit contre le crédit qui est demandé. Il propose de faire la soustraction des indemnités qui ont été accordées par des arrêtés et de retrancher l’excédant. Eh bien, c’est précisément là le moyen que je lui ai indiqué. J’ai dit qu’il entrait dans la mission de la législature de limiter le pouvoir du gouvernement. Si ce moyen est adopté et si l’honorable membre pense qu’il y a abus dans l’application du chiffre excédant, il votera contre cet excédant. Nous sommes donc parfaitement d’accord sur ce point. Si l’honorable membre ne veut pas donner un vote de confiance au ministère, et si d’un autre côté il ne veut pas refuser les fonds nécessaires pour payer les indemnités légales, alors la limite que j’ai indiquée est précisément le moyen de mettre l’honorable M. Verhaegen a même de voter. Cette limite, je la préfère beaucoup à la discussion d’une loi spéciale, que je considère comme parfaitement inutile.
L’honorable membre suppose que je devrais, comme lui, voter contre le budget des finances à cause des abus qu’il a signalés. J’ai dit que j’ignorais si les abus existaient. Je n’ai pas examiné cette question. Dans cette ignorance, je n’ai pas de motifs pour voter contre le budget. Si ; de son côté, l’honorable membre a la conviction que des abus existent dans la répartition des subsides globaux, il est tout naturel qu’il vote contre le budget, mais je soutiens qu’il n’a pas le droit de m’imposer les conséquences de ses propres convictions. Au reste, j’attendrai les observations de M. le ministre des finances pour déterminer le vote que j’aurai à émettre.
M. Smits. - L’honorable M. Lebeau a présenté, d’après moi, trop de considérations pressantes sur l’impossibilité qu’il y a de renfermer, quant aux indemnités, le gouvernement dans des limites trop étroites, que je craindrais d’ajouter un seul mot aux observations de cet honorable membre. Aussi je ne parlerai sur le fond de la question que dans le cas où cette partie du discours de l’honorable M. Lebeau serait critiquée. Je n’ai demandé la parole que pour rendre la chambre attentive à un seul point. A la déclaration spontanée faite par M. le ministre des finances, qui a confirmé ce que je disais tantôt à la chambre : que depuis 1842, les indemnités ont toujours été en diminuant, j’ajouterai qu’à partir de cette époque aussi, j’ai même fait cesser complètement le système des minimum.
Après les critiques dont mon administration a été l’objet, il m’importait de faire cette remarque.
- La division proposée par M. Osy est mise aux voix et adoptée.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente un projet de loi sur la comptabilité générale de l’Etat
M. de Man d’Attenrode. - Je commence par remercier 1’honorable ministre des finances du dépôt du projet de loi, auquel j’attache une haute importance pour l’intérêt public.
Mais j’ai une proposition à vous faire, messieurs, c’est de renvoyer pour avis à la cour des comptes le projet de comptabilité, Cette cour est l’auxiliaire direct de la chambre, elle est chargée de veiller journellement à ce que les crédits que nous votons aient une destination légale, elle est chargée aussi de surveiller la rentrée des recettes publiques.
L’avis d’un corps, qui a une expérience aussi profonde de la comptabilité, est de nature à faciliter et abréger beaucoup notre tâche. Je demande donc que le projet soit envoyé pour avis à la cour des comptes. J’espère que le gouvernement ne s’y opposera pas ; j’aime d’ailleurs à lui dire dès à présent que je n’entends nullement gêner sa liberté d’action ; je serai dans cette circonstance gouvernemental, comme je l’ai toujours été, je serai fidèle à mes antécédents, car je crois qu’un bon système de comptabilité est compatible avec un gouvernement puissant pour le bien.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je crois, messieurs, qu’il serait peu convenable de renvoyer à la cour des comptes un projet de loi présenté par le gouvernement. Le gouvernement soumet ce projet à la chambre ; c’est à la chambre qu’il appartient de l’examiner.
Plusieurs membres. - Aux sections.
M. de Man d’Attenrode. - Je crois que si le projet était d’abord renvoyé la cour des comptes, les sections occuperaient beaucoup plus utilement lorsque la cour des comptes nous aurait envoyé ses observations.
- Le renvoi aux sections est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi général sur les pensions civiles et ecclésiastiques.
- Ce projet est renvoyé aux sections.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente en troisième lieu un projet de loi tendant à exempter du droit d’accise les vinaigres fabriqués avec du genièvre qui a déjà été soumis à ce droit.
- Sur la proposition de M. Maertens, ce projet est renvoyé à une commission spéciale qui sera nommée par le bureau.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi établissant un droit de fabrication et un droit de débit sur le tabac. (Marques d’assentiment.)
Renvoi aux sections.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi tendant à accorder au gouvernement un crédit, pour pourvoir à une condamnation judiciaire, dans l’affaire Vandachne.
- Renvoi à la commission permanente des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi, tendant à accorder différents crédits supplémentaires au département des travaux publics.
Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi, tendant à accorder des crédits supplémentaires au département des finances, pour les exercices antérieurs.
Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du budget des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi, tendant à accorder au département des travaux publics, pour la continuation des travaux du canal de Damme à la mer, un second crédit, jusqu’à concurrence de 700,000 fr.
- Sur la proposition de M. Maertens, le projet est renvoyé à la commission spéciale chargée qui a été de l’examen du projet de loi relatif à la construction du canal de Zelzaete, et la chambre autorise en outre le bureau à compléter la commission, s’il y a lieu.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi tendant à accorder un crédit supplémentaire au département des finances
- Renvoi à la commission permanente des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi tendant à accorder un crédit supplémentaire de 53,000 francs au département de la guerre.
- Renvoi à la commission permanente des finances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi tendant à établir un droit d’enregistrement sur les naturalisations. (Marques d’approbation.)
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente ensuite un projet de loi tendant à faire placer sous le régime de la loi ancienne des sucres, le chargement du navire Fama Cubana, qui, par des circonstances de force majeure rapportées dans l’exposé des motifs, n’a pu arriver à sa destination avant la mise à exécution de la nouvelle loi.
- Renvoi aux sections.
M. Osy. - Messieurs, le discours du trône nous a annoncé que le gouvernement nous présenterait un projet de loi pour le réendiguement du poldre de Lillo. Deux mois se sont écoulés depuis lors, et nous n’avons pas encore reçu aucune communication du gouvernement. Je profite de la présence de M. le ministre des travaux publics pour lui demander si la chambre sera bientôt saisie d’un projet de loi à cet égard.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, je puis annoncer à la chambre que le travail sur le rendiguement du polder de Lillo est sur le point d’être terminé, et que je crois être en mesure, d’ici à peu de jours, de présenter le projet à la chambre.
M. de Mérode. - J’engage beaucoup M. le ministre des travaux publics à faire discuter ce projet le plus tôt possible, car sans un vote prochain, le travail serait retardé d’une année, d’après les lettres que j’ai reçues de la part des intéressés.
- La séance est levée à 4 heures et demie.