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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 4 mars 1843

(Moniteur belge n°64, du 5 mars 1843)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart,

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« La commission administrative des hospices civils de la ville de Dixmude demande la révision de la loi sur le domicile de secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Janssens prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à pouvoir exercer en Belgique la profession d’avocat avec le diplôme qu’il a obtenu en France. »

- Même décision.


Il est fait hommage à la chambre d’un exemplaire des cahiers de janvier et février du journal vétérinaire et agricole de Belgique.

- Dépôt à la bibliothèque.


M. Peeters informe la chambre qu’il est retenu chez lui par une indisposition.

- Pris pour notification.

Projet de loi sur les sucres

Discussion par questions de principe

3° Rendement et droits à percevoir au profit du Trésor

M. le président. - La discussion continue sur les questions du droit et du rendement, et sur les amendements proposés.

M. Eloy de Burdinne. - En combattant mon amendement, l’honorable M. Delehaye a employé un argument des plus spécieux, mais nullement sérieux, j’aime à le croire. L’honorable M. Lebeau a reproduit le même argument.

Il a proposé, messieurs, de porter à 60 fr. l’impôt sur le sucre exotique et à 30 fr. celui sur le sucre sur indigène ; je n’ai pas entendu par là établir une prime, comme l’ont prétendu ces honorables membres, mais j’ai voulu accorder une protection, j’ai voulu en un mot traiter l’industrie du sucre de betterave comme on traite toutes les autres industries du pays.

L’honorable M. Delehaye et l’honorable M. Lebeau prétendent que si vous adoptez mon amendement, vous donnerez aux producteurs du sucre de betterave une prime de 800 fr. par hectare de terre cultivée en betterave, dont la production ne serait que de 700 francs.

Messieurs, je considère comme inexacts et comme péchant par leur base les calculs qui ont servi aux honorables membres auxquels je réponds. L’honorable M. de La Coste a, d’ailleurs, dans une séance précédente, renversé déjà en grande partie l’échafaudage de l’honorable M. Delehaye, en répondant que ce n’était nullement une prime que l’on accordait aux 2,500 hectares. Cependant, je crois devoir renverser complètement les arguments de l’honorable membre.

En adoptant, messieurs, le raisonnement captieux de l’honorable M. Delehaye et de l’honorable M. Lebeau, vous devriez admettre que le producteur de houille, qui livre à la consommation un million de tonneaux de houille, reçoit 14,800,000 francs de prime. Voilà, messieurs, si les arguments de ces honorables membres sont exacts, quant à la production du sucre indigène, quel doit être le résultat de la prétendue prime que l’on accorde à l’industrie des houilles.

Messieurs, vous le savez comme moi, la protection accordée à la houille est un droit de 14 francs 80 c. par tonneau de houille venant de l’étranger.

Voilà un exemple ; je vous en donnerai d’autres. Je ne les citerai pas tous, car si je devais les citer tous, je devrais passer en revue tout le tarit des douanes.

Je vous rappellerai ce qui a lieu pour l’industrie des toiles.

Un droit de 500 francs par 100 kilog. frappe l’entrée des toiles, étrangères de certaine qualité. L’honorable M. Delehaye et l’honorable M. Lebeau diront-ils pour cela que l’on accorde une prime de 500 francs aux producteurs de toiles des Flandres par 100 kil. de toiles qu’ils fabriquent ?

Je citerai un autre exemple, qui, j’aime à le croire, frappera d’avantage mon honorable contradicteur, et qui, je l’espère, le fera revenir de son erreur ; et je ne désespère pas de le voir partager mon opinion ; car s’il est dans l’erreur, je crois qu’il est de bonne foi.

En 1836, 15 millions de kil. de sucre brut sont entrés dans la consommation ; à raison de 37 fr. 02 par 100 kil, ils devaient rapporter à l’Etat un produit de 5,550,000 fr. Le trésor messieurs, a reçu, en 1836, 180,000 fr.

L’honorable M. Delehaye me dira peut-être que le sucre de betterave est entré cette année-là dans la consommation indemne de droits pour une certaine quotité. Eh ! messieurs, admettons qu’en 1836 le sucre de betterave soit entre dans la consommation pour une quantité telle qu’il aurait frustre le trésor d’une somme de 550,000 francs, il n’en serait pas moins vrai que près de 5 millions, 5 millions moins 180,000 fr., auraient été accordées en primes aux raffineurs de sucre exotique qui ont travaillé pour l’exportation. En partant du système suivi par l’honorable M. Delehaye, il faut convenir que toute protection accordée à une industrie du pays, ou plutôt que tout droit dont on frappe les produits étrangers similaires aux nôtres, serait une prime. Mais non, messieurs, ce n’est pas là une prime, c’est une protection, c’est un moyen d’assurer à nos industries le marché intérieur du pays. Et c’est ce que font tous nos voisins ; en agissant autrement, vous agiriez contrairement aux vrais intérêts de votre pays, vous cesseriez d’être Belges, vous cesseriez d’être patriotes.

Messieurs, admettons pour un moment, et seulement pour voir les conséquences, qu’il s’agisse d’une prime, comme l’entend l’honorable M. Delehaye ; 10 ou 12 (je crois plutôt 10) raffineurs travaillent à Anvers et à Gand pour l’exportation ; eh bien, d’après le système de l’honorable M. Delehaye cinq millions auraient été partagés, en 1836, aux raffineurs du sucre exotique pour l’exportation : c’est autre chose que d’accorder 800 fr. par hectare de terre cultivé en betterave.

Je le déclare, je crois qu’après ces exemples l’honorable M. Delehaye reviendra de l’opinion qu’il a émise, que toute protection accordée au commerce soit une prime accordée au producteur.

Messieurs, on pourrait, en raisonnant ainsi, appliquer les mêmes calculs à l’industrie des cotons. On pourrait dire que l’industrie cotonnière de Gand jouissant d’une protection de tant p. c. sur la valeur des produits similaires venant de l’étranger, c’est une prime que l’on donne aux fabricants de tissus de coton.

Je crois, messieurs, en avoir dit assez pour vous démontrer combien sont erronées les observations de l’honorable M. Delehaye, et pour vous prouver que son discours, en ce qui concerne les prétendues primes, n’est qu’une hérésie.

J’aurais pu citer beaucoup d’autres exemples à l’appui de mon opinion ; mais je ne veux pas abuser des loisirs de la chambre ; je restreindrai le plus possible mes observations.

Soyons justes, messieurs, envers toutes les industries de notre pays ; traitons les fabricants de sucre indigène comme nous traitons les fabricants de coton et les fabricants d’autres produits. Cherchons, messieurs, à produire le plus que nous pouvons. On doit savoir que plus un pays produit, plus il se place dans une position favorable.

Messieurs, j’en reviens plus particulièrement à mon amendement.

J’ai négligé, me dit-on, en présentant mon amendement, de fixer le rendement que j’exigeais de la part des raffineurs de sucre exotique.

Messieurs, mon intention est que la partie de sucre retirée de 100 kilog. de sucre brut, et livrée à la consommation, paie la totalité des droits imposés sur ces 100 kilog. de sucre brut, et cela à raison de 60 francs par 100 kilog. de sucre exotique, et de 30 fr. par 100 kilog. de sucre indigène.

Quant à la protection du commerce maritime, je me rangerai à l’avis de ceux qui me donneront le moyen de protéger ce commerce sans léser le trésor public. Je veux que le commerce maritime soit protégé comme toutes les industries nationales ; mais je ne veux pas que ces industries factices viennent enlever au trésor public 4 à 5 millions de francs. Voilà ce que je ne veux pas ; voilà à quoi je m’opposerai toujours.

S’il m’était démontré, messieurs, que le système de l’honorable M. Dumortier doit nécessiter une dépense de 10 ou 12 millions à une dizaine d’industriels qui raffineraient le sucre pour l’étranger, certes je repousserais ce système ; mais si l’on ne me démontre pas cela autrement que par des théories, si on ne me le démontre pas par des faits patents, alors je donnerai mon assentiment à la proposition de l’honorable M. Dumortier.

Je crois, messieurs, qu’avec un peu de bon vouloir on trouverait le moyen d’exécuter le système de M. Dumortier, de manière à faire produire au sucre la somme que la chambre voudra faire produire à cette denrée, et cela sans nécessiter les grands embarras dont on nous a fait peur. Je suppose, par exemple, qu’un raffineur soit pris en charge pour un million de kilog. de sucre exotique, ce sucre serait de telle ou telle qualité ; eh bien, messieurs, d’après le tableau qui nous a été fourni par M. le ministre des finances, on connaîtrait quelle est la quantité de sucre cristallisé, de vergeois et de mélasse, que ce million de kilog. de sucre brut peut produire ; on pourrait donc établir quelle serait la question de la restitution à accorder à l’exportation d’une quantité donnée de sucre cristallisé, de vergeois ou de mélasse.

Mais, dit l’honorable M. Delehaye, la mélasse est le beurre du pauvre. Quels sont donc, messieurs, les pauvres qui consomment la mélasse ? Je suppose que les pauvres de Gand et d’Anvers en consomment ; mais les fabricants de pain d’épice n’en consomment-ils pas ? Est-ce que les classes aisées n’en consomment pas aussi ? Il n’y a pas jusqu’aux honorables députés d’Anvers qui n’en consomment quand ils mangent du lait battu. (On rit.) Ainsi la mélasse est le beurre du pauvre ! Mais je prierai l’honorable M. Delehaye de me dire ce que c’est que le sel ? Quoi, messieurs, vous exigez des malheureux qui consomment le sel un impôt de 4 millions, alors que le sucre produit à peine un million ! Une pareille législation n’est-elle pas un véritable scandale ?

Je veux, messieurs, protéger toutes les industries ; je veux protéger celle qui fabrique du sucre pour l’exportation, mais je ne veux pas lui donner une protection exorbitante. Toutefois, je ferai remarquer une chose : on nous a dit que l’Angleterre et la France renoncent à lutter avec la Hollande en ce qui concerne le raffinage du sucre pour l’exportation ; eh bien, messieurs, si la France et l’Angleterre, qui ont des colonies, renoncent à lutter avec la Hollande sur les marchés étrangers, je crois que nous commettrions une grave erreur si nous voulions soutenir cette lutte. Que dirait-on, messieurs, si la Belgique s’avisait de vouloir lutter contre la France dans une guerre par exemple ? Mais on lui jetterait la pierre ; on dirait qu’elle perd la tête ! Eh bien, messieurs, on pourrait en dire autant si nous voulions lutter sur les marches étrangers avec la Hollande, pour la vente de sucre que nous achetons chez elle. La Hollande favorise le raffinage du sucre, mais elle a pour cela une fort bonne raison, c’est qu’elle produit son sucre elle-même. Nous, messieurs, nous ne sommes pas dans la même position, à moins toutefois que nous ne vouliez accorder une prime d’exportation au sucre de betterave ; celui-là nous le produisons.

J’ai dit, messieurs, que si nous favorisions l’industrie du sucre indigène, nous pourrions procurer du travail à 20,000 ouvriers ; on a contesté ce chiffre. M. le ministre des finances, avec la meilleure foi du monde (car je ne soupçonne en rien ses intentions ), s’il diffère d’opinion avec moi, c’est qu’il a reçu une éducation différente de la mienne ; M. le ministre des finances a été élevé dans un port de mer ; on lui a inspiré, dés sa plus tendre jeunesse, une haute idée des avantages du commerce ; moi, au contraire, je ne me laisse pas influencer par tout ce qu’on nous représente comme les intérêts du commerce ; je veux certainement favoriser le commerce, mais je ne veux pas le favoriser d’une manière aussi exclusive que M. le ministre des finances ; mon éducation, à moi, a été agricole ; et comme l’agriculture est, dans mon opinion, la mère de toutes les industries, je crois qu’en me consacrant à sa défense j’ai entrepris une tâche facile et en même temps patriotique.

M. le ministre des finances, disais-je, a contesté le chiffre de 20 mille ouvriers qui, selon moi, recevraient du travail, st nous protégions suffisamment l’industrie du sucre indigène. Quand j’ai cité ce chiffre on s’est écrié que j’exagérais. Eh bien, messieurs, je m’empare des chiffres de M. le ministre des finances lui-même, qui nous a dit que chaque fabrique de sucre indigène emploie environ cent ouvriers et ouvrières ; il y a dans le pays 36 fabriques : la seule fabrication du sucre indigène emploie donc 3,600 ouvriers, et cela pour fournir à la consommation cinq millions de kilogrammes.

Supposez maintenant que la Belgique ne consomme plus que du sucre indigène, il y aura donc 15 millions de ce sucre à produire ; il y aura donc 3 fois 3,600 ouvriers qui seront employés à la fabrication. Eh bien, messieurs, je ne crains pas de dire que le nombre de ceux qui seront employés à la culture de la betterave sera tout moins aussi considérable. Je suis donc resté au-dessous de la vérité, messieurs, lorsque l’ai évalué à 20,000 le nombre des ouvriers auxquels l’industrie du sucre indigène, convenablement encouragée, pourrait procurer du travail. Remarquez, messieurs, que les ouvriers employés à la culture de la betterave seraient privés de tout travail, à peu près, si cette culture était supprimée, car certes le nombre des bras occupés, par exemple, par la culture de l’avoine, n’est rien en comparaison de ceux qui travaillent à la culture de la betterave.

L’honorable député de Bruxelles, M. Verhaegen, nous a donné le détail des dépenses faites et des ouvriers employés pour le sarclage, le plantage et l’arrachage de la betterave. Si donc vous remplacez la culture de la betterave par celle d’autres produits, la plus grande partie des ouvriers que cette première culture occupe seront sans travail, et par conséquent sans pain.

Il est une chose, messieurs, qui doit nous étonner, c’est que les députés des Flandres, provinces où la classe malheureuse ne peut plus filer, ni tisser, à tel point qu’on a amené les chambres à admettre en faveur des populations de ces provinces une disposition qui grève le budget d’une somme de un million de francs, afin de leur procurer le moyen de continuer à fabriquer de la toile. (Le dernier traité avec la France.)

J’ai dit, messieurs, que 20,000 ouvriers seraient occupés à l’industrie du sucre indigène, si nous la protégeons de manière à ce qu’elle s’implante en Belgique. Eh bien, s’il y a un reproche à me faire, c’est d’avoir été au-dessous de la réalité. En effet, 3,600 ouvriers sont employés à la fabrication même du sucre, autant sont employés à la culture de la betterave ; soit, 7,200 ; maintenant produisez 5 millions de sucre, vous emploierez 3 fois autant d’ouvriers, et au lieu de 7,200 ouvriers, vous en aurez 21,600.

Un honorable député de Gand a dit encore que dans la Flandre orientale on ne cultive la betterave que pour la nourriture du bétail et pour la manger en salade.

Je sais, messieurs, que dans la Flandre orientale il n’y a pas de fabrique de sucre de betterave ; mais il en existe dans la Flandre occidentale ; et voulez-vous savoir quel résultat a eu dans cette province la culture de la betterave pour la fabrication du sucre ? Je m’en vais vous le faire connaître ; et je tiens le fait d’un agronome très expérimenté, très capable et très véridique qui habite les environs de Dixmude ; eh bien, il y a quelques, années, des terres du côté de cette ville étaient propres qu’à produire du seigle, et la récolte était peu abondante ; l’agronome dont je parle a approprié ses terres au moyen de chaux, à la culture de la betterave, et il est parvenu à produire de la betterave pendant deux années consécutives, et la troisième année il fait une excellente récolte de froment qu’il n’avait jamais pu parvenir à obtenir auparavant.

Eh bien, introduisez, en faveur de la classe ouvrière, la culture de la betterave au moins dans la Flandre occidentale, s’il est vrai que les terres de la Flandre orientale ne soient pas propres à cette culture, ne la cultivez pas dans la Flandre orientale, mais, dans la Flandre occidentale. Là où on peut la cultiver, nous devons y favoriser cette culture ; ainsi vous viendrez efficacement au secours de cette classe ouvrière qui m’intéresse beaucoup.

A entendre certains orateurs, la classe ouvrière ne doit nous intéresser qu’autant qu’elle appartient aux villes ; si l’on fait mine de vouloir supprimer 4 à 5 millions de primes pour le raffinage du sucre exotique, on s’écrie tout à coup : « Oh ! prenez-y garde : vous allez nuire à la classe ouvrière... »

La classe ouvrière employée dans les raffineries du sucre exotique, mais elle ne se compose que d’un nombre d’individus bien peu considérable, mais qu’importe, au dire de nos adversaires, on ne doit porter intérêt à la classe ouvrière qu’autant qu’elle ait le bonheur d’appartenir aux villes ; ainsi, en supprimant la sucrerie de betterave, l’on ôterait leur gagne-pain à 20,000 ouvriers ; mais ils appartiennent aux campagnes ; mon Dieu ! ces gens-là ne doivent nous inspirer aucun intérêt ; mais parlez-nous d’un millier d’ouvriers qui travaillent dans les raffineries de sucre à Gand et à Anvers, ces individus méritent tout l’intérêt du monde, il faut leur procurer du travail, à tout prix. Quant au campagnard, c’est une bête de somme ; on n’en prend aucun souci ; s’il meurt de faim, tant pis.

Messieurs, M. le ministre des finances vous a dit que mon système serait loin de procurer au trésor la somme que je prétendais devoir lui revenir d’après ce système ; il vous a dit même qu’on n’obtiendrait pas les quatre millions que, selon lui, le projet du gouvernement devait produire.

A l’appui de son raisonnement, M. le ministre nous a fait remarquer qu’en portant l’impôt à 60 fr., nous allions encourager la fraude, nous allions donner à la Hollande le moyen d’infiltrer chez nous le sucre pour la consommation.

Messieurs, lorsqu’on a frappé le sel de 300 p. c. de la valeur, on n’a pas craint la fraude. Eh bien, qu’est-ce que je vous demande Je vous demande 60 fr,, chiffre qui représente à peu près la valeur de la matière.

M. le ministre des finances, par son dernier amendement, vous propose d’imposer le sucre exotique à raison de 40 fr., et le sucre de betterave à raison de 22 fr. les cent kil., avec augmentation de 50 centimes d’année en année, jusqu’à ce qu’on parvienne au chiffre de 25 fr.

Vous conviendrez avec moi, messieurs, qu’en portant les droits sur la consommation du sucre de 22 et de 40 fr., vous serez loin de recevoir quatre millions de recette, vous ne pourrez satisfaire aux besoins du trésor, et le trésor a même besoin de plus de quatre millions. Je ferai remarquer qu’on a prétendu que par le chiffre présenté par M. le ministre des finances, nous traitons en Belgique les sucres indigènes aussi bien qu’ils étaient traités en France.

J’ai en ma possession les documents de la douane française, et je me suis empressé de les consulter. Voici le résultat de mes investigations.

Le sucre de betterave paie 22 fr. par 100 kil. en France. Le sucre de canne, étranger aux colonies françaises, paie de 60 à 95 francs les 100 kilog., selon la qualité ; soit, taux moyen, 73 fr. les 100 kilog., ou 73 centimes par kilog. de sucre venant de l’étranger et livré à la consommation en France : différence en faveur du sucre de betterave, 51 francs par 100 kil, ou 51 cent, par kilog., comparativement au droit établi sur le sucre de canne venant de l’étranger.

Eh bien, qu’est-ce ce que je demande par mon amendement ? Je demande en faveur du sucre indigène une protection de 30 francs. Vous conviendrez que je suis bien modéré, si vous comparez le chiffre que je propose avec ce qui se passe en France, car en France le sucre de betterave a une protection de 51 fr. par 100 kilog., tandis qu’en Belgique, je ne demande qu’une protection de 30 fr., et remarquez que la France n’est pas aussi intéressée que nous à soutenir l’industrie de la betterave, puisque son propre pays produit le sucre de canne.

Messieurs, j’espère bien qu’en me voyant défendre les intérêts de la sucrerie de betterave, on ne me soupçonnera pas d’obéir à aucune espèce d’intérêt personnel. Je ne suis ni fabricant, ni cultivateur de betterave pour la fabrication du sucre. Je n’ai pas pris une action dans une société industrielle de sucrerie indigène. Je ne dois pas m’attendre non plus à voir s’établir dans mon voisinage des fabriques de sucre indigène. Le seul motif qui me fait parler dans cette discussion, c’est que je vois un avantage immense dans l’introduction de cette industrie, non seulement sous le rapport de ses produits, mais encore pour l’amélioration de nos terres, non pas, comme on l’a dit, des meilleures terres, mais des terres de moyenne qualité.

Je vous ai cité un exemple. Eh bien, c’est sur des terres de moyenne qualité qu’on a éprouvé les effets bienfaisants de cette culture. Mais, dit-on, cultivez d’autres denrées et vous aurez les mêmes résultats. Cela n’est pas possible.

Les autres produits devraient consister en fourrages, car les terres cultivées en betteraves étaient destinées à produire du fourrage et pas autre chose.

Or, la terre cultivée en betterave donne une quantité de nourriture pour le bétail double et quelquefois triple de celle des autres récoltes de fourrages, plus environ (je reste encore ici au-dessous de la vérité) 15 à 1800 kilog. de sucre.

De plus, après ce fourrage, cette terre vous donne, après la récolte de la betterave, une récolte en froment de 25 p. c. plus abondante que si on n’y avait pas cultivé la betterave ; la troisième récolte qu’elle vous donne en autres céréales présence encore une augmentation de 25 p. c. sur les autres terres. Ceci est un avantage immense, je ne dis pas pour le cultivateur qui a dû faire des dépenses considérables, pour faire produire la betterave à sa terre, mais dans l’intérêt de l’agriculture générale du pays, les produits obtenus en sucre lui ayant peinés d’augmenter ses dépenses afin de rendre sa terre propre à la culture de la betterave. Ajoutez à cet avantage celui d’employer vingt mille ouvriers malheureux, femmes, enfants et vieillards, à la culture de la betterave et à la fabrication du sucre. Si vous employez 16 mille ouvriers à faire des routes et des canaux, vous n’emploierez pas les enfants, les femmes et les vieillards, comme on le fait pour le sucre de betterave.

Toutes ces considérations méritent certainement toute l’attention de la législature. Pour éviter de prolonger plus longtemps cette discussion, je bornerai là mes observations. Je dirai cependant en terminant que je ne voterai qu’une disposition telle que le gouvernement perçoive de 4 à 8 millions : quatre millions, au moins. Je ne veux plus de propositions de centimes additionnels, je les repousserai toutes, comme je l’ai déjà fait cette année, et je pense que la chambre entière les repoussera, en présence de moyens de les éviter, par l’adoption de mon amendement.

M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole dans la séance d’hier, pour répondre quelques mots à l’honorable M. Dumortier, qui a avancé que par mon amendement je voulais tuer l’industrie de la betterave. Si mon intention avait été d’anéantir cette industrie indigène, j’aurais voté l’égalité des droits. Alors on ne le cachait pas, on l’avouait ; on disait : Nous voulons porter le poignard dans le sein de cette industrie au moyen d’une indemnité. J’ai voté contre. C’est donc à tort qu’on m’accuse d’avoir voulu détruire les sucreries de betteraves, J’ai fait mon amendement avec une conviction intime. Je n’ai pas pris des chiffres, parce que je me suis dit : les chiffres sont aussi élastiques que les paroles. Je me suis fondé sur des faits. Un surtout m’a frappé, c’est ce qui m’a suggéré l’idée de faire un amendement ; puisque plusieurs industriels dans la banlieue de Bruxelles joignent à la fabrication du sucre de betterave la raffinerie de ce sucre en pain et peuvent vendre ce sucre raffiné à 10 centimes meilleur marché que le sucre de canne, et soutenir la concurrence avec ce sucre sur la place de Bruxelles et ailleurs ; si on leur donne une protection de 25 p. c., elle doit leur suffire.

M. le ministre a fait un calcul d’après lequel la protection ne serait pas tout à fait de 25 p. c. On a légèrement modifié mon amendement et on a accordé une protection plus forte. Quand l’industrie du sucre de betterave peut vendre maintenant ses produits 10 centimes meilleur marché et que la proposition ministérielle leur donne une différence de 18 fr. sur l’impôt, quand une industrie paye 18 fr. moins d’impôt, si une pareille industrie ne peut pas exister en Belgique, c’est une industrie en serre chaude qui n’a pas d’avenir ; si avec une pareille protection elle ne peut pas soutenir la concurrence, elle n’est pas digne de vivre, elle doit tomber ; si c’est à force de sacrifices de la part du peuple qu’elle peut vivre, elle doit tomber. Parce que des individus ont fait une mauvaise spéculation, ce n’est pas le pays qui doit en souffrir. En France, on n’a qu’une protection de 16 fr. ; en Belgique elle serait de 18.

Un membre. - Et la différence de rendement !

M. Rodenbach. - J’ai la conviction intime que si la protection que nous voulons accorder au sucre indigène était offerte aux fabricants français, ils en seraient enchantés. J’ai eu des relations avec des industriels français du département du Nord. Il paraît qu’en France il est question de l’uniformité des droits. Ils se sont réunis. La commission de la chambre des députés est chargée de préparer ce projet. Il paraît qu’ils sont sur le point de conclure qu’il y aura le même droit sans indemnité.

La chimie fait des progrès. Sous Napoléon, quand on parlait du sucre de betteraves, en Angleterre et en France, on faisait des caricatures, on était bafoué ; on disait que c’était absurde. La science, la chimie a fait tant de progrès qu’on est parvenu à faire du sucre. On l’a déjà dit, on demande des brevets, ce ne sont pas des spéculateurs vulgaires, mais des fabricants honorables qui demandent un brevet. Ils prétendent qu’ils sont parvenus à faire cristalliser à l’empli, sans faire préalablement de la cassonade. Si on parvient à le faire, voyez quel problème aura résolu la science. Elle n’est pas stationnaire, la science, elle avance toujours. Je ne veux pas l’anéantissement du sucre de betterave, Loin de dire que ce que j’ai fait était pour tuer la betterave, je le répète, si les établissements joignent à la fabrication du sucre indigène la raffinerie et la confection des sucres en pain, ils feront une forte concurrence aux sucres de canne.

Je dirai un mot du système de M. Dumortier. Je considère cela comme une théorie. Il a jeté cette idée en avant ; elle pourrait paraître bonne au premier abord, mais ce n’est réellement que de la théorie. Vous le savez, le type le plus clair en théorie, en pratique est souvent un véritable chaos. Un système pareil serait peut-être fatal à nos finances. Il faudrait établir des locaux qui coûteraient des millions pour qu’on puisse travailler. Je ne sais pas si nous allons sacrifier des millions pour le sucre quand nous voulons qu’il rapporte 4 millions au trésor.

M. Eloy de Burdinne propose de fixer le droit à 60 fr. sur le sucre de canne et 30 fr. sur le sucre de betterave. Avec son système, vous verriez introduire en Belgique des sucres de Hollande et de France, et vous n’auriez plus de commerce interlope qui rapporte un million. Votre marché serait envahi par les sucres de France et de Hollande. Voilà où vous réduirait un droit de 60 et de 30 fr. Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Aujourd’hui, quoi qu’on en dise, nous avons l’assurance que les 4/10 resteront au trésor et produiront au moins 3,500,000 fr. On ne peut pas prévoir les arrivages. Le ministre a modifié tant soit peu mon amendement. C’est le même amendement. Aussi je m’y rallierai, parce que je crois que dans 6 ans on ne pourra plus donner une protection si forte. Je suis sûr que dans six ans on arrivera à mon chiffre normal, qui est 25 fr.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président. - Il n’y a pas de fait personnel.

M. Dumortier. - L’honorable M. Rodenbach a exigé ma présence pour m’adresser une question. Il serait fort incivil de ma part de ne pas lui répondre. Du reste, si la chambre ne me le permet pas, l’incivilité ne sera pas de mon fait, mais je n’ai que deux mots à dire. (Parlez, parlez.) C’est un fait constant que la chimie n’est pas stationnaire ; je le reconnais d’autant plus que le sucre de betterave que l’on vend 70 centimes, on avait de la peine à le faire pour 6 à 7 francs sous l’empire. La chimie fera sans doute encore des progrès pour la betterave, mais elle en fera également pour la canne ; pour l’une comme pour l’autre, on fera des progrès. Ainsi l’argument s’applique à l’un et à l’autre.

Quant à ce que dit l’honorable membre, que le système que j’ai proposé est une théorie impraticable, ce sont là des paroles et rien que des paroles. Rien n’est plus facile que de démontrer l’impraticabilité d’un système, mais on n’a pas dit un seul mot pour le faire. Aussi longtemps donc qu’on ne m’aura pas démontré l’impraticabilité du système de droits de douane qui existe en Angleterre, on ne m’aura pas répondu. Toute la question se résume en un mot. Continuera-t-on le système de rendement, oui ou non ? Eh bien, je voudrais que les amateurs de ce système voulussent bien en démontrer l’excellence, et le justifier ; c’est par là qu’ils doivent essayer de me répondre.

M. Demonceau. - Messieurs, je viens encore une fois prendre part à cette discussion, et, je le déclare, j’éprouve un vif regret d’être obligé de faire opposition au gouvernement.

L’honorable M. Lebeau, dans une séance précédente, a invoqué mes paroles pour prouver que la protection que j’ai demandée pour le sucre de betterave est exorbitante. Il a invoqué contre les défenseurs du sucre indigène les paroles que j’avais prononcées dans une séance précédente, paroles qui s’appliquaient bien davantage à l’industrie du sucre exotique qu’à l’industrie de la betterave. En effet, messieurs, alors je prouvais par des chiffres qui n’ont pas été renversés et qu’on ne pouvait contester, que le sucre exotique avait obtenu à la sortie, dans les quatre années 1834, 1835,1836 et 1837, une restitution que j’ai qualifiée partie prime et partie restitution, d’environ 64 francs, tandis que le droit, si on le leur avait restitué, n’était que de 37 fr. Ainsi, messieurs, l’industrie du sucre exotique, pour soutenir l’exportation, a eu besoin de 27 fr. par 100 kil. de sucre qui se vendent 60 fr. ; combien est-ce de protection ? je prie mes honorables collègues d’en faire le calcul.

Mes calculs s’appliquaient à une période de temps antérieure à la loi qui a décrété la retenue d’un dixième ; opérant ensuite sur une période de quatre années postérieures à cette loi, je trouvais que la même restitution que je qualifiais partie prime et partie restitution, s’élevait au chiffre d’environ 65 fr. par 100 kil., ce qui établissait une protection de 28 fr. par 100 kil.

Comparant ensuite les prix de revient du sucre de betterave avec celui du sucre exotique, j’établissais ce parallèle entre les deux industries, et pour les égaliser, je témoignais le désir de voir adopter un droit de 35 francs par 100 kilog. de sucre exotique livré à la consommation intérieure, mais 35 francs effectifs ; je demandais 15 francs pour 100 kil, de sucre indigène, mais 15 francs aussi effectifs ; et je disais qu’on arriverait à ce résultat que les deux industries pourraient livrer leurs produits à la consommation intérieure avec un droit différentiel, mais avec la position égale ; c’est-à dire que la différence du droit ne servira qu’à compenser la différence du prix de revient du sucre de betterave avec celui du sucre exotique.

Le gouvernement ayant proposé à la chambre la question de savoir s’il fallait supprimer l’industrie de la betterave, la chambre a résolu qu’elle ne voulait pas de cette suppression. Force est donc bien pour la majorité de la chambre d’essayer un système qui puisse concilier, autant que possible, les deux intérêts. La proposition faite par l’honorable M. Dumortier n’est rien autre que celle que je faisais en théorie dans la discussion générale ; mais alors, je n’ai pas caché, et je ne vous cache pas encore aujourd’hui, que ce serait un changement complet de législation. Cependant, je ne serais pas effrayé de ce changement complet, et voici pourquoi c’est que ce système est en vigueur dans un pays voisin, dans l’association des douanes allemandes. En effet, consultez les documents qui vous été communiqués par le gouvernement, vous verrez que l’association des douanes allemandes, par une résolution qu’elle a prise en 1841, a établi comme suit ce système de perception des droits à l’entrée : Les sucres en pains, candis, concassés, lumps, blancs en poudre, payent 36 francs pour un poids qui est, je crois, l’équivalent de 50 kil. Ainsi, le droit est de 72 fr. par cent kil. sur cette catégorie de sucre.

Le sucre brut et la cassonade sont frappés à l’entrée d’un droit de 47 fr. 60 c. ; mais le sucre brut destiné aux raffineries nationales travaillant sous la surveillance de l’administration, n’est frappé que d’un droit de 36 fr. par 100 kil. (18 fl. par centener.)

Le système du travail sous la surveillance de l’administration n’existe donc pas seulement en Angleterre, il existe aussi dans l’association des douanes allemandes.

Mais, a-t-on dit, ce serait détruire l’industrie du sucre exotique, car ce serait supprimer l’exportation, que d’adopter la proposition de l’honorable M. Dumortier. Messieurs, je ne partage pas l’opinion de ceux qui croient qu’on supprimerait l’exportation, à moins que, pour soutenir l’exportation, il ne faille absolument une prime, et une prime considérable. Dans ce cas, je vous avoue que l’honorable M. Dumortier s’est montré bien généreux quand il a offert 2 millions, que l’on ne veut pas, semble-t-il, accepter. Je crois que M. Dumortier a été beaucoup trop généreux ; et je vous avoue que je préférerais tenter de modifier la législation de 1822 plutôt que de devoir, pour établir son système, accorder des primes qui s’élèveraient aussi haut.

L’honorable M. Dumortier me dit à l’instant que nous n’arriverons jamais à un pareil résultat ; je le reconnais ; mais la législation de 1822 paraît être le seul système admis par le gouvernement, et nous aurons beau faire voter par cette chambre un projet différent de celui qu’il prépare, s’il met en pratique les théories qu’on lui a conseillées dans la séance précédente, nous verrions plus tard paraître un arrêté portant que le pouvoir exécutif ne le sanctionne pas, nous aurions donc perdu notre temps. Je veux donc venir en aide au gouvernement en lui disant toute la vérité, et par suite j’aborde l’examen des propositions nouvelles de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances propose sur le sucre exotique un droit de 40 fr. et sur le sucre indigène un droit de 22 fr. En faisant cette proposition, M. le ministre vous annonce qu’il a l’intention de donner au sucre de betterave une protection de 17 fr., ce qui serait une protection 45 p. c. de la valeur.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Non, mais du droit.

M. Demonceau. - C’est dont 45 p. c. de l’impôt, soit : me voilà d’accord avec M. le ministre ; il entre dans son intention d’accorder au sucre de betterave 17 fr. de protection. Voyons si les propositions faites par lui pourront atteindre ce résultat.

Ce que nous dit M. le ministre serait vrai, messieurs, si, en maintenant la législation de 1822, on obtenait un droit effectif de 40 fr. sur la quantité des produits livrés à la consommation intérieure ; mais en vérifiant attentivement les calculs que j’ai trouvés aujourd’hui dans le Moniteur, voici combien je trouve pour charge, déduction faite des restitutions faites aux raffineurs de sucre exotique.

D’après les calculs de M. le ministre des finances, il serait livré au raffinage 18,560,935 kiiog. sucre, qui, au droit de 40 fr., produiraient fictivement 7,424,474 fr. Sur cette somme il resterait au trésor pour les 4/10 réservés, un chiffre de 2,960,749 fr. ; ainsi pour ce qui serait exporté le gouvernement restituerait 4,454,625 fr.

Combien le sucre exotique livrerait-il de sucre raffiné, et de différentes catégories, à la consommation intérieure ? Il livrerait, d’après M. le ministre des finances, 11,118,000 kilog. de sucre ; et ces 11,118,000 kilog. de sucre verseraient effectivement au trésor une somme de 2,960,749 fr.

Eh bien le droit de 40 fr., fictif d’après la loi, réel d’après M. le ministre des finances, pour faire ses calculs, se réduit à un chiffre de 26 fr. 71 par 100 kilog. de sucre qui seraient livrés à la consommation.

Ainsi, messieurs, voilà un droit nominal de 40 fr. qui se réduit, de l’aveu de M. le ministre, à 26 fr. 71 c. effectifs. Si vous consultez ensuite les documents émanés du gouvernement, messieurs, le sucre exotique brut est évalué à 57 fr. Joignez y 26 fr. 71, vous aurez un prix de revient de 83 fr. 71.

D’après les calculs du gouvernement, car ici j’admets ce qui est le plus défavorable au sucre indigène, le prix de revient de ce dernier est évalué 75 fr. Le droit que propose le gouvernement, (et ici j’appelle toute l’attention de l’honorable M. Rodenbach). est de 23 fr. 15. Vous avez donc un prix de revient de 98 fr. 15 c. Je dis 23 fr. 15 c. parce que M. le ministre des finances fait supporter au sucre indigène un supplément de droit pour déchet. Je vérifie même mes calculs, et je trouve que je n’y ai pas même compris le droit de douane que M. le ministre voudrait peut-être lui faire aussi supporter.

Voilà donc le sucre indigène, produit d’une industrie nationale en concours sur le marché intérieur avec l’industrie étrangère, coûtant, droits compris, fr. 14-44 c. de plus que le sucre exotique. Et vous venez nous dire qu’il y a protection. Mais ce n’est pas sans doute ainsi que la chambre a entendu la protection.

Un membre. - C’est une erreur.

M. Demonceau. - On prétend que c’est une erreur ; on paraît douter de mes chiffres, eh bien, j’engage mes honorables collègues à en prendre la substance ; la voici : Cent kilogrammes de sucre exotique brut, de l’aveu du gouvernement, coûtent, mis en fabrication, 57 francs les 100 kilogrammes. Ils seront chargés de 26 fr. 71 c. de droit : cela fait 83 fr. 71 c. Cent kilog. de sucre brut de betterave coûtant 75 fr., de l’aveu du gouvernement, seront chargés de 23 fr. 15 c. Additionnez, faites la soustraction et voyez si vous n’arrivez pas à une différence de 14 fr. 44 cent., en faveur du sucre exotique.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Le sucre indigène coûte maintenant 70 fr.

M. Demonceau. - Eh bien, opérons sur 70 fr. ; il y aura encore environ 10 francs de différence en faveur du sucre exotique.

On va peut être m’objecter que l’on exportera du sucre de betterave. Mais, messieurs, jusqu’à présent je n’avais pas entendu dire qu’il fût possible d’exporter du sucre de betterave, à moins qu’on ne l’allie au sucre exotique. Je vous avoue encore une fois que je ne connais pas les mystères de la fabrication ; je ne saurais donc pas dire si l’on peut ou si l’on ne peut pas exporter du sucre indigène. Mais je réitère l’observation que je viens de faire : c’est qu’il n’y a pas possibilité que le sucre de betterave lutte sur le marché intérieur, chargé d’un droit de 22 francs à côté de la faveur que l’on accorde au sucre exotique.

Messieurs, on a parlé de la législation française, et on a dit que le système que proposait l’honorable M. Rodenbach, qui persiste dans son opinion, car il vient de nous répéter ce qu’il avait dit dans une séance précédente, était plus protecteur de l’industrie de la betterave que le système français. Mais, messieurs, quand on veut juger d’un système protecteur, il faut voir comment il est établi.

Quel est le système établi en France ? Le système établi en France pour la production du sucre de la métropole contre le sucre des colonies françaises, arrive, non pas comme l’a dit M. le ministre des finances qui s’est trompé, mais comme le disent les documents officiels de la législation française, à 56 fr. en moyenne.

Voici, messieurs, la différence qui existe entre la législation belge et la législation française à cet égard. La loi de 1826 dont je vous ai rappelé la substance dans la discussion générale, établit un droit à l’entrée sur les sucres bruts de toutes espèces, qui s’élève à 1 fr. 20 c. en moyenne. Je ne sais si je donne le chiffre exact ; mais au moins j’en approche beaucoup.

En France, messieurs, il y a une distinction et une distinction importante entre les différentes espèces de sucre.

Le sucre brut des colonies françaises autre que blanc, paie 46 fr. 50 c. à l’entrée ; le sucre blanc des colonies françaises paie 49 fr. 50 c., mais le sucre terré des mêmes colonies paie 72 fr. 50 c. C’est ici que notre législation diffère essentiellement de la législation française ! C’est qu’en Belgique on peut substituer des sucres terrés aux sucres bruts.

Ce qui vous prouve, messieurs, que la législation française donne une protection sur ce point à l’industrie de la métropole, c’est que, tandis que l’on a mis en consommation en 1841, 74,500,000 kil. de sucre brut des colonies, le droit sur le sucre terré étant en quelque sorte prohibitif, il n’a été mis en consommation que 15,000 kil. de cette qualité.

Eh bien ! voulez-vous éviter les conséquences funestes de la loi de 1822 ? Changez la loi de 1826, adoptez le système français, établissez un droit sur les sucres bruts dit moscovades, établissez un droit différentiel sur les sucres terrés, peut-être ne pourra-t-on plus frauder la loi.

M. Rodenbach. - Et nous n’exporterons plus un kilog de sucre.

M. Demonceau. - Nous n’exporterons plus un kilog., dit l’honorable M. Rodenbach. J’espère que l’honorable membre nous prouvera ce qu’il avance ; d’ailleurs faut-il donc que le trésor paie les sacrifices qui sont nécessaires pour soutenir cette exportation ? Employez, messieurs, les sommes qu’emportent ces sacrifices à protéger des services de bateaux à voiles qui exporteront vos marchandises dans les pays lointains ; vous aurez les mêmes avantages qu’en favorisant la seule industrie du sucre exotique.

Je viens de vous signaler la différence énorme que je trouve entre la protection promise en paroles et celle que l’on donne en réalité au sucre indigène. Je désire, messieurs, dans l’intérêt de cette industrie, que je me sois trompé dans mes calculs, j’attendrai donc qu’on veuille bien me dire en quoi je me suis trompé.

Messieurs, comme je m’aperçois que M. le ministre des finances désire autant que possible concilier les intérêts des deux industries, je lui adresserai une question. Dans une lettre qu’il adressa à la section centrale, le 24 août 1842, il paraissait accepter 50 fr. pour le sucre exotique et 25 fr. pour le sucre indigène, à la condition qu’il n’y eût rien de changé au rendement. Je voudrais savoir si M. le ministre des finances tient absolument à ce que le rendement ne soit pas changé. Je voudrais qu’il m’explique pourquoi, quand il propose pour l’industrie du sucre indigène le système français, il ne veut pas également le rendement français pour le sucre exotique.

Il me semble que nous ne devons pas moins faire pour notre industrie indigène que n’a fait le gouvernement français pour celle de la métropole. Car, faites y bien attention ; le système protecteur en France, est entre l’industrie de la métropole et l’industrie des colonies. Si je vous donnais le détail des droits dont sont frappés les sucres étrangers, vous trouveriez une bien autre protection pour le sucre de betteraves.

Je n’ai plus, messieurs, que quelques mots à dire, et c’est pour réfuter une objection que je crois avoir été faite dans la séance d’hier, par l’honorable M. Lebeau.

Si vous établissez un droit trop élevé sur le sucre exotique, ai-je cru comprendre, vous allez attirer l’infiltration du sucre hollandais dans l’intérieur du pays. Messieurs, si l’infiltration du sucre hollandais peut être à craindre sous l’empire de la législation réformée, elle doit être à craindre sous l’empire de la législation actuelle. Car savez-vous de combien est le droit dont sont frappés les sucres exotiques raffinés à l’entrée ? Ils s’élèvent à 78 fr. par 100 kilog. Ainsi l’économie que la Hollande pourrait faire en introduisant son sucre raffiné en fraude en Belgique serait de 78 fr. Eh bien ! je dis que si actuellement la fraude n’est pas à craindre avec un droit comme celui-là, elle ne le sera pas avec le système que propose l’honorable M. Dumortier.

Vous n’avez donc pas à craindre que le sucre étranger vienne s’emparer de la consommation intérieure du pays. Il ne s’en est pas emparé sous l’empire de la législation actuelle, il ne pouvait pas le faire à cause du droit prohibitif dont il est frappé ; il ne le pourrait pas, lors même que vous élèveriez le droit sur le sucre brut destiné à être raffiné à l’intérieur.

Messieurs, le droit de 40 francs mis en parallèle avec le droit de 22 francs, comme je viens de le présenter, établit-il une protection pour l’industrie indigène ? Veuillez, je vous prie, vérifier mes calculs et jugez. Quant à moi, je ne le pense pas ; je ne puis accepter une pareille proposition ; et, quoi qu’il en advienne, je voterai contre. De cette manière on me mettra encore une fois dans la nécessité de voter pour la proposition de l’honorable M. Dumortier, et si celle-ci était rejetée, pour celle de la section centrale, à moins qu’on ne me propose un système moins désastreux pour l’industrie du sucre exotique (puisqu’on continue à n’en pas vouloir) et une protection réelle pour l’industrie nationale ; la chambre ne peut, en effet, faire indirectement ce qu’elle n’a pas voulu faire directement, c’est-à-dire compromettre l’existence de l’industrie nationale.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je regrette vraiment que l’on me force de revenir encore sur un fait que j’ai déjà cité deux fois dans cette discussion, pour prouver que la législation actuelle fournit au gouvernement le moyen de réprimer l’importation frauduleuse du sucre raffiné à l’étranger, sans devoir recourir à aucun des moyens que l’on repousse comme vexatoires, et que je crois, moi, qu’il serait utile d’employer dans l’intérêt des deux industries.

L’honorable M. Lebeau avait dit que si l’on adoptait la proposition que l’honorable M. Demonceau voudrait voir adopter, il en résulterait une infiltration frauduleuse excessive de sucre raffiné à l’étranger et que dès lors ni la betterave ni le sucre exotique ne pourraient exister ; que par conséquent aussi le trésor ne recevrait plus rien mais devrait, au contraire, supporter de très fortes dépenses pour combattre la fraude. A cela, l’honorable M. Demonceau a répondu : « Mais avec la législation actuelle, qui frappe les sucres raffinés à l’étranger d’un droit prohibitif, vous n’avez pas de fraude : eh bien ; vous n’aurez pas non plus de fraude si vous supprimez cette législation. »

Mais, messieurs, j’ai prouvé par un fait qui s’est passé lorsque j’étais au département des finances, que la législation actuelle fournit au gouvernement le moyen de réprimer la fraude ; si cette législation était réformée et s’il n’existait plus en Belgique que du sucre de betteraves, ce sucre coûtant plus cher que le sucre exotique, il faudrait établir une protection encore plus forte que celle qui existe maintenant contre le sucre raffiné à l’étranger ; il faudrait donc rendre plus prohibitif encore le droit dont ce sucre est frappé. Je ne vois pas dès lors, messieurs, que si la législation était changée dans le sens de l’honorable M. Demonceau, on trouverait encore, comme il l’a dit, les moyens de réprimer la fraude des sucres raffinés à l’étranger.

M. Demonceau. - J’ai dit que si vous pouvez réprimer la fraude avec la législation actuelle, vous pourrez encore la réprimer avec la législation reformée.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Mais, messieurs, pour pouvoir décider si avec la législation reformée on pourrait réprimer la fraude comme on la réprime avec la législation actuelle, il faudrait d’abord savoir ce que c’est que cette législation réformée. Or, voilà cinq jours que l’honorable M. Dumortier a proposé de réformer la législation actuelle, ou plutôt de supprimer la loi actuelle ; nous n’avons cessé de sommer l’honorable membre de vous faire connaître les moyens d’organisation du système qu’il voudrait établir ; il nous a dit hier qu’il ne lui fallait qu’une heure pour présenter ces moyens d’organisation, et cependant jusqu’à présent nous ne les connaissons pas.

M. Dumortier. - J’ai expliqué hier mon système ; mes explications sont dans le Moniteur. Vous avez d’ailleurs l’exemple du Zollverein et de l’Angleterre.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Mais présentez donc les moyens d’organisation.

M. Dumortier. - Je les ai présentés hier. D’ailleurs, il s’agit dans ce moment d’une simple question de principe : maintiendra-t-on le système de rendement ?

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Vous avez demandé hier au gouvernement qu’il formulât les moyens d’exécution de votre système ; du reste, je dois féliciter l’honorable M. Demonceau de ce qu’aujourd’hui il abandonne lui-même le système de M. Dumortier, qui, après tout, comme l’a dit M. le ministre de l’intérieur, ne constitue qu’une simple idée.

M. Dumortier. - Mais lisez donc le Moniteur d’hier.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Maintenant je dois répondre un mot à l’argumentation par laquelle l’honorable M. Demonceau a voulu prouver que, loin de recevoir une protection, le sucre de betteraves serait en défaveur à l’égard du sucre de canne, si l’amendement de l’honorable M. Rodenbach était adopté. Toute cette argumentation, tous les calculs de M. Demonceau reposent sur une erreur capitale ; je suis fâché de devoir le lui dire, mais l’honorable membre ne comprend pas encore la législation existante ; en effet, du droit de 40 fr., proposé par l’honorable M. Rodenbach pour le sucre exotique, il a déduit l’exemption du chef de l’exportation, et il n’a pas agi de la même manière à l’égard du sucre de betteraves.

Voilà comment l’honorable membre arrive à une défaveur pour le sucre de betterave. Mais, messieurs, déjà plusieurs fois dans cette chambre, et en 1837 et dans la discussion actuelle, j’ai expliqué quel a été le but du législateur de 1819 ; car, comme l’a fort bien dit l’honorable M. Lebeau. il y a un quart de siècle que la législation actuelle existe, il y a un quart de siècle que la loi a provoqué au profit de la navigation, du commerce, de toutes nos industries et de l’agriculture, l’établissement de nos nombreuses raffineries de sucre qui emploient des capitaux très considérables ; il y a 25 ans que la législation actuelle existe, et voici, messieurs, ce qui existe dans toutes les lois portées depuis cette époque, relativement au droit d’accise sur le sucre : On y trouve d’abord que le sucre est frappé d’un droit d’accise de telle ou telle quotité, et ensuite que le paiement de ce droit d’accise peut se faire de deux manières ; soit en argent, soit par l’exportation d’une certaine quantité de sucre raffiné. Voilà, messieurs, ce que nous voyons dans toutes les lois qui ont été promulguées depuis 1819 sur la matière, y compris celle de 1838, que vous avez votée vous-mêmes.

Eh bien, messieurs, voici en quoi l’honorable M. Demonceau s’est trompé dans ses calculs : c’est qu’il a perdu de vue qu’il y a toujours réellement paiement du droit, soit que ce payement ait lieu en numéraire, sot qu’il ait lieu par décharge au moyen de l’exportation ; or c’est la loi qui a voulu que le paiement pût avoir lieu en partie de cette dernière manière et cela dans l’intérêt du commerce, de la navigation, de toutes nos industries et de l’agriculture elle-même.

C’est la loi qui l’a voulu et qui, en le décrétant, a provoqué la création d’un grand nombre d’établissements que nos industriels ont élevé au moyen de capitaux considérables. Les honorables MM. Dumortier et Demonceau voudraient d’un trait de plume effacer tout cela ; ils voudraient de cette manière anéantir à la fois tous ces établissements, ainsi que le commerce extérieur et la navigation. Et veuillez bien le remarquer, messieurs, le commerce extérieur et la navigation maritime ont des auxiliaires indispensables pour la prospérité de l’agriculture et de toutes les industries du pays qui réclament vivement des débouchés. N’oublions pas que c’est dans la vue d’en obtenir que chaque année nous portons au budget des allocations considérables. N’oublions pas que nous avons consenti dans le même but une rente perpétuelle de 400,000 francs au profit de la Hollande, rente dont nous avons obtenu, dans le dernier traité, la conversion en une inscription inaliénable. N’allons donc pas, en adoptant ce que nous propose M. Dumortier, neutraliser le but que nous avons voulu atteindre, et rendre ainsi inutiles tous les sacrifices que nous avons faits.

M. Dumortier - M. le ministre des travaux publics vient de dire que depuis cinq jours il m’a sommé inutilement d’expliquer le système que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre. Mais, messieurs, vous avez tous entendu que dans la séance d’hier j’ai expliqué les moyens qu’il faudrait employer pour appliquer mon système ; je crois, messieurs, que cette explication a été extrêmement claire. J’ai dit que l’on rembourserait le droit payé sur 100 kilog de sucre brut lorsqu’il serait exporté 100 kilog. de sucre raffiné, et non pas à l’exportation de 47 kilog. Voilà, messieurs, la base de mon système. J’ai dit que, quant à l’exécution rien ne serait plus facile que de former des tableaux régulateurs comme ceux qui avaient été présentés par M. le ministre des finances, et au moyen desquels on aurait un contrôle qui suffirait seul pour apurer l’exécution de la loi. Voilà, messieurs, ce que j’ai dit et l’on ne m’a rien répondu. Pourquoi ? parce qu’il n’y avait rien à me répondre ; parce qu’il est beaucoup plus difficile de dire que mon système est inexécutable. Ce système est si peu inexécutable, messieurs, que, comme je l’ai déjà dit, il est en vigueur en Angleterre et dans le Zollverein.

- La clôture est demandée.

M. Verhaegen (sur la clôture). - Messieurs, j’ai quelques observations à faire, je n’ai pas encore parlé sur les questions qui sont maintenant en discussion, et je désire rencontrer le discours quia été prononcé hier par l’honorable M. Lebeau. Je pense que la chambre me permettra de lui soumettre quelques observations en réponse à celles de cet honorable membre. Je n’ai pas encore dit un mot dans la discussion actuelle, et les observations que j’ai à présenter sont très importantes.

M. de Theux (sur la clôture). - Si nous savions combien il y a encore d’orateurs inscrits nous pourrions peut-être apprécier par là s’il ne conviendrait pas de laisser encore continuer un peu la discussion, sauf à voter vers la fin de la séance.

M. le président donne lecture de la liste des orateurs inscrits.

M. Mercier (sur la clôture). - Messieurs, nous n’avons pas pu encore examiner suffisamment les propositions de M. le ministre des finances, pour qu’on puisse prononcer la clôture à présent, et je doute même qu’on puisse la prononcer à la fin de la séance. Ces propositions sont extrêmement importantes, et je me suis aperçu qu’elles sont peu comprises jusqu’ici ; je prouverai tout à l’heure que l’honorable M. Rodenbach n’a nullement apprécié la portée de son amendement et celle des propositions du gouvernement.

M. Dubus (aîné) (sur la clôture). - Messieurs, c’est maintenant que l’on entre seulement dans la véritable question du chiffre ; jusqu’à présent, la discussion a été en quelque sorte générale. Il importe que l’on discute les chiffres. Je ferai une simple observation pour démontrer cette importance à la chambre. Il s’agit de comparer les deux chiffres pour déterminer le prix de revient respectif de chacun d’eux. Ce point n’a pas encore été discuté. Nous n’avons que l’assertion de M. le ministre des finances, que le prix de revient du sucre de canne, par exemple, est de 57 fr. Eh bien, vous remarquerez que 57 fr. c’est le prix du sucre Havane, par conséquent, du sucre le plus cher et dont le rendement est le plus considérable. Comme ce prix est le plus élevé, M. le ministre l’a choisi, mais quand il s’agit de déterminer le rendement, il ne prend pas le sucre Havane, il choisit un sucre d’une valeur moindre, et il prend une moyenne.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et n’est pas adoptée.

M. de Mérode. - Messieurs, un journal qui a constamment défendu les intérêts du commerce du sucre exotique et des raffineries, vient de publier un travail très digne d’attention de M. Adolphe Bosch, intéressé avec sa famille dans une sucrerie de betteraves. Il résulte des observations très lucides de M. Bosch, et dont le journal ci-dessus indiqué, ne contredit point les calculs, que la loi de 1822 est pour la Belgique la plus malencontreuse des conceptions. L’opinion de M. Bosch, quant au sucre de betterave qu’il connaît par des raisons d’intérêt personnel, est que c’est une industrie sans avenir pour la généralité des fabriques qui s’y livrent. Quant au commerce de la raffinerie du sucre exotique destiné à l’extérieur, M. Bosch prouve par des chiffres, que le consommateur ne paye en réalité sur les 37 centimes de droit fictif qui charge le sucre brut à l’entrée, que 20 à 25 centimes, dont dix seulement profitent au trésor et les 10 à 15 autres servent à payer la prime indirecte d’exportation du sucre raffiné. Ce serait ainsi deux millions à peu près prélevés sur les consommateurs afin de favoriser l’exportation du sucre raffiné, si la betterave ne venait pas faire concurrence au sucre des colonies sur le marché intérieur ; et Dieu sait quelles plaintes ont surgi avant la discussion actuelle tant de la part des raffineurs, que des exploitants du sucre de betteraves à cause des pertes de leur industrie. Ainsi, grâce à l’ordre encore existant qui résulte de la loi de 1822, betteraves, raffinerie, trésor, tout souffre ; bien que le consommateur paie de 20 à 25 centimes d’impôt par kilogramme, et cet état de chose a porté depuis 1830 à nos finances, comme je l’ai dit, un préjudice de 50 à 60 millions qu’il eût été, sans la loi de 1822, si facile de percevoir au bénéfice de l’Etat, lequel a dû faire des emprunts très onéreux pour remplacer cette somme ; et l’intérêt que nous payons aujourd’hui pour elle s’élève déjà à près de 3 millions, c’est-à-dire aux trois quarts de ce qu’on nous promet de l’impôt.

On ne s’imagine pas assez combien les négligences en matière de recette sont funestes à un pays. Aussi quelle décoration, quelle récompense ne mériteraient point de véritables hommes d’état placés à la tête de l’administration des finances. Mais nos ministres mettent constamment cet intérêt si majeur en deuxième, troisième ou quatrième ligne. M. le ministre de l’intérieur, dont je ne méconnais certes pas la capacité, est, sur ce point, non moins irréfléchi que ses collègues présents et passés. Les représentants, qu’on me permette de le dire, ne sont guère plus soucieux de l’avenir à cet égard, parce que, dans l’abandon des recettes profitables au trésor, il n’y a rien qui lèse spécialement leurs commettants, et qu’au contraire il faut un courage tout particulier pour lutter contre les intérêts privés prêts à défendre à outrance un sol de bénéfice qu’ils trouveraient en faisant perdre un franc à l’Etat.

Pour en revenir au système de M. Bosch, il est, quant au principe, le même que celui de M. Dumortier. Faisant ressortir le mensonge de la loi de 1822, il veut que la duperie qu’elle a introduite par un drawback fautif cesse, et, selon lui, cela se peut de deux manières, soit en élevant le rendement au taux réel de 75 à 80 p. cent, soit en exigeant le paiement du droit sur toute la partie du sucre destiné à la consommation, et dans ce cas le chiffre de 5/10 ou de la moitié, lui paraît plus approximatif que celui de 4/10 proposé par M. le ministre des finances.

M. Bosch dit qu’on lui opposera sans doute qu’il enlève au raffinage sa prime d’exportation ; il pense cependant, comme M. Dumortier, qu’on doit en accorder une directe et remplacer la prime occulte par une prime connue. Voilà donc, messieurs, un moyen peu compliqué pour arriver au résultat désiré par M. Dumortier, c’est de conserver au trésor la moitié du droit perçu ; et si l’on retire ainsi plus de 4 millions du sucre, y compris ce qu’on recueillera sur les sucreries de betteraves, voilà un moyen de donner des primes d’exportation directes sans exercice dans les raffineries. M. le ministre des finances nous a déjà dit qu’il voulait les 4 millions pour l’Etat, et que si 4/10 ne suffisaient pas à cette fin, il fallait prélever 5/10 du droit d’entrée. Pour être sûr de la recette des 4 millions, introduisons par la loi les 5/10 et permettons au gouvernement de distribuer en primes ce qu’il obtiendra de plus que les quatre millions.

Quant à moi, je regretterai cette magnificence ; mais il est des préjugés auxquels il faut faire des sacrifices, et l’idée de payer le commerce du sucre raffiné étant encore en vogue, je me résigne à la subir jusqu’à un certain point.

Je présenterai cependant encore à cet égard une observation, c’est que si l’on voulait favoriser les exportations de nos produits, exportation dont on prétend sans preuve et malgré les faits, que le sucre subsidié est l’indispensable auxiliaire, il serait bien mieux entendu de prendre entièrement le droit de 40 fr. par 100 kilog. et d’employer sur six millions de revenus deux millions, à transporter gratuitement dans la Méditerranée nos fers, nos draps et autres objets de manufactures susceptibles d’être placés au-dehors. De cette manière vous leur procureriez le fret le plus avantageux possible, puisqu’il ne coûterait rien, et assurément la justice distributive serait aussi bien mieux appliquée et plus efficacement que par les faveurs si peu logiquement attribuées au raffinage du sucre destiné à la consommation étrangère.

M. Cogels. - Messieurs, la résolution que la chambre a prise dans la séance d’avant-hier, a singulièrement élargi le terrain de la discussion, car les premiers discours qui ont été prononcés à la suite de cette résolution, nous ont ramenés dans la discussion générale qui avait déjà absorbé dix séances ; et dont le cercle s’est encore agrandi, et par l’amendement de l’honorable M. Dumortier qui établit un nouveau système, et par une question politique. Je n’userai cependant pas de la latitude que le vote de la chambre me donne, et je chercherai à me renfermer autant que possible dans le véritable objet qui est actuellement en discussion, je veux parler de la dernière proposition du gouvernement. Je ne ferai donc qu’effleurer les autres propositions, en tant qu’elles se rapportent à celles sur lesquelles nous devons le plus fixer notre attention.

Je commencerai par signaler à la chambre quelques erreurs de calcul qui ont été commises par l’honorable M. Demonceau qui, je suis fâché de le dire, ne doit pas avoir bien compris le mécanisme de la loi.

Une première erreur dont je ne puis me rendre compte, car je sais sur quelle base il a fondé ses calculs, c’est celle-ci : L’honorable M. Demonceau nous a dit qu’avant la loi de 1837 le sucre exotique jouissait à l’exportation d’une prime de 27 francs et quelques centimes les 100 kil., et qu’après l’adoption de cette loi cette valeur a été élevée à 28 francs et quelques centimes.

Mais, messieurs, il est un fait certain, c’est que la loi de 1837 n’a pas augmenté les faveurs dont jouissait le raffineur, elle les a, au contraire, restreintes ; ainsi, avant 1837, il n’y avait pas de retenue d’un dixième ; cette retenue a été établie par la loi de 1837 ; avant 1837, le rendement était de 55, la loi de 1857 a porté le rendement à 57 et 30. Il serait donc singulier qu’une législation moins favorable eût augmenté les faveurs.

Une seconde erreur, c’est qu’on a voulu établir à 45 p. c. la faveur accordée au sucre indigène. Ceci est une exagération. L’honorable M. Demonceau a voulu singulièrement réduire cette valeur, et il est tombé dans une autre exagération, parce qu’il a établi son calcul sur le prix de revient. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder.

Quand, par exemple, nous établissons un droit de 25 p. c. à la valeur sur les soieries, sur les cotons, nous calculons, non d’après le prix de l’objet en Belgique, mais d’après le prix déclaré en douane. Si cet objet se produit en Angleterre à 50 p. c. meilleur marché, la faveur dont jouit le producteur belge est de 25 p. c., lors même que son prix serait double. Ainsi, en prenant la valeur du sucre exotique à 60 fr. et le droit différentiel en faveur de la betterave à 18 fr., il y aura là 30 p. c. de protection.

Troisième erreur de l’honorable M. Demonceau, et celle-ci est une erreur dans laquelle il est déjà tombé.

Au lieu d’appliquer le chiffre que le gouvernement devra percevoir aux quantités mises en consommation, il l’a appliqué à la totalité de la mise en fabrication. C’est ainsi qu’il a cité un chiffre de 7,424,374, qui est effectivement celui auquel s’élèverait la totalité du droit sur les 18.560,000 kilos ; mais sur les 11 millions 118,000 qui restaient en consommation, ce chiffre ne serait que 4 millions 447,200 fr.

Voilà aussi la cause de l’erreur dans laquelle l’honorable M. Demonceau est tombé dans une séance précédente, lorsqu’à propos du projet qui a été écarte par le premier vote de la chambre, il disait : « Nous ne sommes pas assurés de tenir vos 4,267,000 francs ; vous portez ces 4,267,000 fr. sur une fabrication de 24 millions 232 mille kil., mais si votre fabrication est moindre, les perceptions du trésor seront moindres. »

Eh bien, c’est justement le contraire qu’il faut dire. Plus la fabrication est importante, plus la recette du trésor devient considérable ; à tel point que si cette fabrication se renfermait exactement dans les limites de la consommation, alors le gouvernement, au lieu de percevoir 4 millions percevrait 6 millions, plus la totalité du droit de douane, c’est-à-dire le droit intégral sur les quinze millions de la consommation.

Messieurs, on s’est également trompé, lorsqu’on a parlé du système établi en France, car si des exportations très considérables étaient possibles en France, le système serait encore bien moins favorable que celui que nous avons. En France, il n’y a aucune retenue. Ainsi dans le cas où le raffineur français pourrait apurer ses comptes au moyen des exportations, s’il poussait sa fabrication à un point aussi élevé que celui où l’on a porté cette fabrication en Hollande, relativement la consommation, qu’arriverait-il ? C’est que les 23 à 25 p. c. que le raffineur français pourrait verser indemne dans la consommation, suffiraient à cette consommation, et que le trésor français ne percevrait rien. Ce qui me conduit à une preuve que je donnerai plus tard : c’est que l’élévation du rendement n’est pas aussi favorable aux recettes du trésor qu’on veut bien le croire.

On vous a dit que pour ce qui regardait la fraude, nous ne devions nous inquiéter ni de l’élévation du sucre de canne, ni de la quotité de la perception, puisque nous avons déjà maintenant sur les sucres raffinés un droit qui était prohibitif. Eh bien, je répondrai que le droit que nous avons sur les sucres raffinés et une véritable illusion, c’est-à-dire qu’il n’est d’aucune application. Voici pourquoi : C’est que comme par suite des droits que nous avons sur le sucre brut, par suite du système d’exportations que nous avons, nous pouvons livrer le sucre à la consommation à peu près au même prix que les Hollandais, nécessairement ii y a là garantie contre la fraude ; car, ainsi qu’on commence à le reconnaître partout, ainsi que l’a reconnu dans son projet de tarif général l’homme éminent qui dirige aujourd’hui les destinées de l’Angleterre, il n’y a pas de meilleure garantie contre la fraude que des droits modérés. Lorsque les droits sont tels qu’ils ne dépassent pas le chiffre de la prime que l’on accorde aux fraudeurs, vous n’avez alors aucune fraude à craindre ; mais si vous établissez des droits prohibitifs, la fraude s’exercera sur une vaste échelle ; si vous établissez des droits élevés, la fraude sera moindre, il est vrai, mais elle se fera toujours, et il vous sera impossible d’établir les statistiques, et dès lors impossible de connaître le véritable chiffre de votre consommation.

L’honorable M. Dubus nous a parlé des prix du sucre, et ici il commis une erreur. Il a porté le prix à 57 francs pour le sucre dont le rendement est le plus élevé.

M. le ministre des finances avait établi le prix de 57 fr. comme un chiffre qui formait à l’époque de la présentation de son projet de loi à peu près la moyenne des prix des sucres qu’on met le plus en fabrication.

Depuis lors il y a eu hausse sur l’article, et je trouve que le sucre blond, première qualité, était coté à la bourse d’Anvers, le 17 février, à 15 fl., ce qui fait 63 fr. 50 c., et non pas 57 fr. Il y a donc une grande différence. Encore ne s’agit-il que du sucre blond ; quant au sucre terré blanc, vous trouverez un prix beaucoup plus élevé. Mais ces sucres sont importés peu ou point chez nous et ils servent principalement à alimenter l’Amérique du Sud et quelques autres contrées, sans être soumis au raffinage. On n’en importe presque plus en Belgique ; en France on en importe très peu aussi. Si vous suivez la liste des arrivages, vous verrez que des colonies françaises il arrive très peu de sucres blancs.

On nous a parlé d’un système que je n’ai pas compris, qui serait de restreindre la fabrication des sucres bruts aux moscovades et de soumettre les sucres clairés et terrés à un plus haut droit. C’est impraticable. Comme la fabrication fait de grands progrès aux colonies, bientôt on ne fabriquera plus de moscovades. En Hollande, on a vendu récemment pour le compte de la société de commerce, 41 mille canastres de sucre ; savez -vous combien il y en avait de moscovades ? 60 sur 41 mille !

Maintenant, venons à l’amendement de M. Dumortier, dont je ne puis me dispenser de dire quelques mots. L’honorable membre, pour vous démontrer combien l’exécution de sa proposition est facile, a cité ce qui se fait en Angleterre et en Prusse. Il a dit que dans toutes les raffineries on pourrait appliquer ce système, prendre en charge et forcer d’exporter 100 kilog. pour avoir la restitution du droit et la prime. En Angleterre les choses ne se font pas ainsi : la fabrication se fait sous la surveillance de la douane, il faut des locaux appropriés. Il en est de même des distilleries. Le nombre en est petit, quoique la fabrication soit énorme et les produits considérables. Si les documents que j’ai consultés sont exacts, les produits de l’impôt sur les boissons distillées indigènes s’élèvent à 120 millions de francs ; et cependant, je crois qu’il n’y a que 10 à 12 distilleries indigènes. Voyons quelles ont été les exportations des sucres raffinés en entrepôt : (in bond.)

M. Dumortier. - Il n’y a pas de prime.

M. Cogels. - Il n’y a pas de restitution, il n’y a pas de paiement de droit.

En Angleterre il y a eu, en 1841, des exportations de sucre raffiné s’élevant à 120,099 centner, ce qui fait 6 millions de kil. Je vous demande ce que c’est qu’une exportation de 6 millions de kil, pour un pays dont la consommation est de 220 millions de kil. à peu près ! On ne peut pas considérer cela comme des exportations mais bien comme des approvisionnements des navires. En effet, je vois pour Sainte-Hélène 13 quintaux. C’est une provision de ménage pour les navires. Si je parcourais la liste extrêmement longue des détails de cette exportation de 6 millions vous verriez qu’ils sont destinés tout autant à la consommation des navires qu’à l’approvisionnement des pays vers lesquels se dirigeaient ces navires.

Maintenant, pour pallier ce qu’il y aurait de trop rigoureux dans son projet, l’honorable membre nous dit : nous voulons vous conserver des primes, nous sommes même très généreux. Nous vous accorderons 15 fr. par 100 kil., et avec cette prime vous pourriez exporter 13 millions de kil, pour atteindre le chiffre de 2 millions que j’affecterai à ces primes. Je suppose que M. Dumortier se montre plus généreux encore et fixe à 3 millions le maximum de l’allocation de ces primes. Quel en serait le résultat ? Permettriez-vous à tous les raffineurs de participer à ces primes ? Ce serait un prix attaché à un mât de cocagne auquel chacun s’empresserait de grimper le premier. Supposons qu’il s’établisse une raffinerie comme celle qui existe en Hollande et qui à elle seule travaille 25 millions de kilogrammes, comme elle aurait le bras plus vigoureux, qu’elle pourrait mieux étreindre le mât de cocagne, elle atteindrait bientôt le prix et le détacherait, tandis que les autres n’y participeraient en aucune façon. Mais, dit-on, il est tout au plus de 7 ou 8, le nombre de vos raffineries qui travaillent pour l’exportation. Ceci est une erreur, toutes nos raffineries travaillent pour l’exportation et la consommation, mais dans une proportion plus ou moins étendue. Toutes les raffineries d’Anvers travaillent pour l’exportation ; quelques-unes travaillent principalement pour l’exportation, mais toutes pour leurs arrière-produits travaillent pour la consommation.

Je m’attends à une observation déjà produite par l’honorable M. Dumortier : on doit frapper votre cassonade et vos sirops ; ils ne doivent pas être indemnes, il faut les frapper d’un droit. Comment frapper d’un droit le résultat d’une fabrication, et le frapper d’un droit spécial à la fabrication, c’est impossible ; ou bien l’agent du fisc devra être constamment à côté de la chaudière et des formes, et ne pourra pas quitter le raffineur avant que toutes les opérations soient terminées, pour faire un triage et constater qu’il y a autant en pains, autant en cassonade, et autant en sirop, et appliquer le droit à chaque quantité. Il en serait de même pour l’exportation. Vous exporterez 100 kilogrammes, dit l’auteur de la proposition, mais de quoi se composeront ces 100 kilogrammes ? Vous déclarerez quel sucre vous voulez travailler. Comment vérifierez-vous si on ne fait pas de substitution ? L’agent du fisc devra encore être dans la raffinerie à côté de la chaudière et de la forme. Ce système est impraticable. M. le ministre de l’intérieur a prouvé du reste que c’était un projet nouveau et non un amendement au projet en discussion. Une proposition aussi importante aurait dû être présentée non incidemment, mais isolément, et être l’objet des formalités et de l’examen prescrits par le règlement dans le cas où un membre fait usage de son droit d’initiative.

On vous a parlé du vote de la chambre, et on a dit que la minorité devait se soumettre à la loi de la majorité. C’est ce que je reconnais. Je suis le premier à m’y soumettre. Mais quelques membres de la majorité ont voulu interpréter ce vote à leur manière et lui donner une extension que je ne puis admettre. Quel a été le vote de la chambre ? Qu’on ne supprimerait pas la sucrerie indigène, et surtout qu’on ne la supprimerait pas avec indemnité.

Si le mot indemnité n’avait pas été à côté de la suppression, la majorité aurait pu se déplacer. Sur plusieurs esprits, les questions de principe ont plus de pouvoir que les questions d’application. Mais, messieurs, qu’a-t-on décidé ? Qu’il n’y aurait pas égalité de droit. Mais on a décidé également non par un vote, mais par les paroles prononcées par les membres qui forment la majorité, on a décidé la coexistence des deux sucres pour autant qu’elle pourrait se concilier avec les intérêts du trésor. Or, veut-on nous interdire l’exportation des sucres raffinés et borner notre fabrication aux simples besoins de la consommation ?

Je n’entrerai pas dans des développements pour montrer combien la situation serait changée. Le sucre exotique verrait un déficit dans les derniers produits et un grand accroissement dans les quantités de sucre de première qualité pour satisfaire aux besoins de la consommation. Je n’entreprendrai pas d’en faire de nouveau la démonstration, j’engage les membres qui désirent la voir, à lire mon premier discours, ils y verront les conséquences de ce changement de système.

En décidant qu’on voulait la coexistence des deux sucres, on a eu égard au commerce maritime, aux avantages commerciaux qui résultent de l’exportation des sucres et on a voulu conserver ses avantages commerciaux aux pays.

Maintenant pour éloigner les sympathies de la chambre de ces avantages commerciaux, on cherche à les amoindrir. Un honorable membre nous a dit : Mais dans la Méditerranée, vous n’exportez rien. Cependant, lui mieux que personne doit savoir que nos exportations vers la Méditerranée sont très importantes. L’année dernière, on y a exporté 3,500,000 kil., ce qui est plus du tiers de nos exportations. Il y a plus, ou est maintenant occupé à la raffinerie nationale à charger 185 mille kilog. pour la Méditerranée, 130 mille kilog. pour Constantinople par le Drago, et 55 mille pour Messine par le Corriere di Trieste. Voilà vos exportations vers la Méditerranée : 3,500,000 kil, en 1842. Je pourrais citer un seul raffineur d’Anvers qui y a exporte plus d’un million de kilogrammes.

On nous a parlé encore de la balance commerciale, et on a dit qu’il y aurait avantage pour la Belgique à consommer le produit de son sol en payant 10,500,000 fr. un objet qu’elle peut se procurer pour 7 millions à l’étranger. On a parlé de Michel Chevalier, mais on n’a pas cité ses doctrines en matière de balance commerciale, par une bonne raison ; c’est qu’elles sont en opposition directe avec celles du député de Bruxelles qui a signalé les avantages de la production nationale.

Voici, au surplus, ce que disait cet honorable membre, le 9 juin 1840 :

« Tous les ans la Belgique peut, à l’aide de ses produits, faire des économies, et à la longue elle fera rentrer dans le pays les obligations qu’elle doit placer actuellement à l’étranger.

« Ce n’est qu’à la longue que la Belgique pourra faire rentrer toute sa dette, comme elle a fait rentrer dans ses mains depuis 20 ans pour 150 millions de propriétés foncières qui appartenaient à des étrangers. »

Ainsi voilà comment la Belgique reculait, se ruinait. Elle rachetait les propriétés acquises en Belgique par des étrangers, elle plaçait ses fonds à l’étranger dans les emprunts qu’on ouvrait. Voilà comment elle se ruinait.

Voyez les constructions nouvelles qui s’élèvent de toutes parts, voyez le luxe qu’on déploie partout, excepté cependant dans deux provinces où le progrès, s’il en existe, n’est pas aussi saillant qu’il l’est dans les autres, et c’est à ces deux provinces qu’on veut arracher les faibles débris sauvés du grand naufrage qu’a fait le commerce en 1830 !

Mais venons-en maintenant à la situation relative dans laquelle nous devons placer les deux sucres. L’honorable M. Demonceau nous dit : D’après votre système vous n’accordez à la betterave aucune protection ; et l’honorable M. Dumortier vous disait hier, j’ai ici ses paroles textuelles :

« Aujourd’hui, messieurs, le droit sur le sucre exotique est de 37 fr. par 100 kil. ; le sucre de betterave ne paie point de droit, il existe donc une marge de 57 fr. par 100 kil, en faveur du sucre de betterave. »

Je vous avoue que ce chiffre de 37 francs me paraît d’une complaisance extrême ; lorsqu’il s’agit des intérêts du trésor, il disparaît, il n’en reste plus rien…

M. Dumortier. - C’est cela, et nous ne le voulons pas.

M. Cogels. - Un honorable député de Bruxelles a réduit ce chiffre à 10 francs par 100 kilogrammes, et j’ai vu M. Dumortier applaudir à cette assertion ; mais maintenant il trouve très convenable de faire reparaître ce chiffre de 57 fr. en entier ; il n’en ôte rien. Mais, messieurs, ou ce chiffre est réel ou il ne l’est pas, ou la protection est réelle ou elle ne l’est pas ; si le chiffre n’est pas réel, la protection ne l’est pas non plus ; s’il se réduit à 8 ou 10 fr., la protection n’est plus que de 8 ou de 10 francs. Je vais vous faire voir que quand des chiffres sont posés, on ne peut pas en maintenir un et réduire l’autre ; mais qu’il y a des réductions à opérer des deux côtés.

Quel est le droit proposé par M. le ministre sur le sucre de betterave ? C’est un droit de 22 fr. Il est reconnu qu’en France, malgré l’arrêté d’octobre 1842 qui a apporté quelques améliorations la quantité de sucre qui échappe à l’impôt s’élève encore à près d’un quart de la fabrication en général ; supposez qu’en Belgique la même quantité échappe à l’impôt, et ce n’est pas là une supposition déraisonnable, ni exagérée, le droit sera réduit à 16 fr. 50 c. (Interruption.)

Nous ne sommes pas encore au bout. Nous allons voir à quoi se réduisent ces 16 fr. 50 c.

D’après l’article 18 de la loi qui nous est proposée et qui reste en discussion, le compte du fabricant sera pris en charge, au minimum de 12 hectogrammes de sucre brut par 100 litres de jus.

Messieurs, je dois m’en rapporter aux renseignements qui nous ont été fournis ; je n’ai aucune connaissance dans la matière ; je n’ai jamais fabriqué de sucre de betterave ; mais d’après les renseignements que j’ai consultés, on dit que c’est calculer le rendement à 6 p.c. et on m’assure que d’après les perfectionnements apportés dans la fabrication, ce rendement s’élève déjà à 8 p.c., c’est ce que l’on trouvera, dans plusieurs mémoires et ouvrages écrits sur cette matière. En supposant la chose vraie, à quoi se réduisent les 16 fr. 50 c ? à 12 fr. 50. Supposez que le rendement soit de 7 p.c. le chiffre de 22 fr. se trouvera réduit à 14 fr. 50 c. Voilà quelle serait la perception effective sur le sucre de betterave. Vous voyez donc qu’alors il jouirait d’une protection suffisante.

Qu’a-t-on fait encore pour réduire la protection dont il jouit ? On n’a pas trouvé de meilleur moyen que de réduire le prix du sucre brut de canne, et d’exagérer celui du sucre de betterave ; on vous a dit que le premier revenait à 56 francs, et le second à 80 fr. Mais d’après les prix courant, il y a un sucre qui vaut 63 francs, et la moyenne du prix est de 59 fr ; d’un autre côté le sucre de betterave coûte de 74 à 75 francs. Ainsi, ôtez 5 francs sur l’un, et ajoutez 3 francs à l’autre, et vous verrez où nous arriverons. Lorsqu’il s’agit de calculer sur des chiffres, il faut mettre les deux sucres sur la même ligne, et il faut que la protection accordée au sucre de betterave ne compense que la différence du prix de revient au prix du sucre colonial.

Faut-il nous arrêter au prix actuel du sucre ? L’honorable M. de La Coste, et j’aime à invoquer les paroles d’un de mes honorables adversaires, nous a dit que le sucre de canne, depuis dix années, coûtait 71 fr. 15 c. comme prix moyen. Le fait est exact, et j’ai sous les yeux un tableau qui me le prouve. Mais alors le sucre de betterave aurait-il besoin de protection ? Non ; ce serait le sucre de canne qui devrait venir vous en demander.

Un membre. - Vous le demanderez.

M. Cogels. - Mais alors, il vous faudra autant de lois qu’il y aura de variations dans les prix. Et puis, les discussions, les réclamations qui surgissent de la part de tous les intérêts opposés ! Evitez, messieurs, de devoir reproduire bientôt une nouvelle loi sur les sucres, dans l’intérêt de toutes les affaires de l’Etat qui languissent par nos longs débats ; dans l’intérêt du commerce qui veut de la stabilité, et qui ne peut rester ainsi avec une épée de Damoclès suspendue sur sa tète. Ce serait bien si nous pouvions borner nos relations à celles que nous avons avec les entrepôts d’Europe, mais c’est justement ce que nous voulons éviter ; on serait certain alors d’avoir ses sucres au bout de huit jours ; mais avec cette menace pendante sur la tête des négociants, vous n’irez pas au Brésil, ni à la Havane, ni aux Indes orientales, car dans l’espace de 6 à 18 mois qu’il faut pour le voyage, savez-vous si l’industrie du raffinage existera encore ?

Est ce qu’en Angleterre on apporte constamment des changements à la législation commerciale ? Non ; lorsque sir Robert Peel a présenté son tarif général, qui embrassait toutes les industries, il eut soin de dire qu’il n’était pas destiné à une existence éphémère de 8 ou 15 jours, mais à une existence durable, et sur laquelle le commerce pût se fonder, pour étendre ses spéculations dans l’univers entier ; voilà ce que nous devons faire aussi.

Maintenant quant à ce qui regarde les intérêts du trésor, voyons comment ils seront le mieux sauvegardés ; est-ce en augmentant le rendement ou bien est-ce en adoptant les propositions de M. le ministre des finances ?

Vous avez vu par les calculs donnes par le Moniteur, qu’en supposant la consommation à 15 millions, et que le sucre indigène fournisse six millions a la fabrication, la recette serait de 3,800,000 fr. Ce chiffre s’accroîtra si la fabrication est moindre qu’on ne le suppose, parce qu’il y aura une plus grande quantité de sucre qui paiera la totalité des droits. Cela est incontestable. Si au contraire vous adoptez le système de la section centrale, système exorbitant, si vous maintenez la retenue d’un dixième, quelle en sera la conséquence ? C’est que si, comme le suppose la section centrale, l’exportation est encore possible, la recette se réduira à ce seul dixième. Si vous supprimez, comme en France ce dixième, la recette se réduira peut-être à zéro. Ceci dépendra du rendement et de l’extension qu’on donnera à la fabrication et aux exportations.

Vous voyez donc qu’avec le système d’une augmentation de rendement, il n’y a rien d’assuré, tandis qu’il en serait autrement avec le système que nous appuyons, système que je subis, mais que je suis bien loin d’accepter avec reconnaissance, car nos négociants et nos raffineurs auront encore à lutter contre beaucoup de difficultés et devront apporter dans leurs opérations la plus grande activité, la plus grande économie. S’il y avait quelque nouvelle crise commerciale, comme la dernière crise américaine, je ne voudrais pas m’intéresser dans leurs affaires ; il leur faut de la stabilité pour qu’ils puissent recueillir non pas de gros bénéfices, mais de quoi pouvoir assurer l’existence des nombreux ouvriers qu’ils emploient et faciliter l’exportation de nos produits qui demandent des débouchés, et qui sans nos sucres ne s’exporteraient pas.

Je me résumerai, j’accepte la dernière proposition du gouvernement non pas comme un bienfait, mais je la subis comme une nécessité.

(Moniteur belge, n°64, du 5 mars 1843) M. Mercier. - La première fois que j’ai pris la parole dans cette discussion, j’ai déclaré que l’objet dont nous nous occupons ne devait former et ne formait pour moi ni une question politique ni une question d’opposition. C’est dans cet esprit que je vais continuer à l’examiner.

Une discussion, qui s’est prolonge pendant dix jours, s’est portée spécialement sur l’existence même de l’industrie du sucre indigène. Dans ce débat, il ne s’est pas agi simplement de l’égalité du droit, mais de la question de vie ou de mort pour cette production nationale ; la chambre, en rejetant le projet du gouvernement, a décidé implicitement qu’elle voulait sérieusement la conservation de cette industrie, qu’elle la voulait aux conditions nécessaires, indispensables à son existence.

Le principal argument que nos adversaires ont fait valoir, en faveur de la suppression du sucre de betterave, c’est qu’il fallait pour la maintenir une protection de 50 p. c., une protection de 25 fr. les 100 kil. ; c’est au moyen de cet argument qu’ils ont cherché à faire prévaloir leur opinion et à déterminer la chambre à consommer le sacrifice qu’ils lui demandaient ; maintenant, pour atteindre le même but, ils viennent contester la nécessité de cette protection indispensable pour que l’industrie du sucre de betterave puisse soutenir la lutte contre sa rivale.

Qu’un ou deux orateurs aient pu émettre l’opinion qu’une protection plus faible pût être suffisante, cela est possible, mais c’était là des opinions individuelles, bien susceptibles, sans doute, de se modifier ; nous nous trouvions d’ailleurs en présence d’un travail développé, raisonné, qui a été présenté à la chambre par la section centrale, qui l’a adopté à la presque unanimité après un mûr examen, et a proposé de maintenir une surtaxe de 25 francs sur le sucre étranger.

Je ne m’arrêterai pas à des considérations étrangères à l’objet même de la discussion actuelle. Je crois que l’intérêt agricole, l’intérêt commercial, et l’intérêt industriel ont été assez longuement débattus pour être convenablement appréciés dans cette chambre, et qu’il est inutile de revenir sur ces différents objets. J’aborderai donc les diverses propositions qui nous sont soumises, et celles du gouvernement et les nouveaux amendements qui ont été présentés.

Quant à celui de l’honorable M. Dumortier, j’en reconnais toute l’efficacité ; je crois que c’est en effet le seul moyen de couper court au mal d’une manière certaine ; mais je dois ajouter que, bien que j’aie recherché les moyens d’application de ce système, je n’ai pas trouvé qu’il fût facile de le mettre à exécution. Je crois que son adoption nous entraînerait dans des difficultés, que d’ici à longtemps, peut-être, on ne pourrait pas aplanir. J’attendrai, du reste, pour me prononcer définitivement sur cet amendement, que la discussion soit plus avancée ; jusqu’à présent, je le déclare, je ne suis pas parvenu à me donner apaisement sur la possibilité de son application immédiate, bien que j’apprécie parfaitement le but utile que s’est proposé l’honorable membre.

Quant à l’amendement de l’honorable M. Rodenbach, s’il pouvait être adopté par la chambre, je regretterais beaucoup le premier vote qu’elle a émis. Car j’aime mieux la suppression franche et loyale de l’industrie du sucre indigène qu’une suppression détournée, qui n’est pas dans l’intention de l’honorable M. Rodenbach, j’en suis certain, mais qui n’en serait pas moins l’effet de sa proposition.

Je n’adopterai pas non plus l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, pour deux motifs. Le premier, c’est qu’en établissant un droit de 60 fr., nous pourrions avoir à redouter la fraude étrangère. Ce droit présenterait une différence assez notable et avec celui que l’on a établi en Hollande, et avec celui qui existe en Allemagne, et même avec celui que consacre la législation française. Du côté de la France, cependant, la fraude serait moins à craindre par des raisons que j’indiquerai tout à l’heure.

L’autre motif qui me porte à ne pas accepter l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, c’est qu’à mon avis, la protection de 30 fr. qu’il propose en faveur du sucre indigène, n’est pas rigoureusement nécessaire.

Messieurs, la section centrale n’a pas fait ses propositions légèrement ; elles ont été longuement débattues et approfondies. Le chiffre de 25 fr. qu’elle propose pourra bien avoir pour résultat que des fabriques qui n’ont pas été établies ou conduites avec le soin et la prudence nécessaires au succès de toute entreprise, ne puissent continuer leurs travaux ; mais celles qui se trouvent dans des bonnes conditions, dans des conditions normales, auront une protection suffisante, quoiqu’inférieure à celle dont ils sont aujourd’hui en possession.

Je vais passer à l’examen du nouveau projet présenté par le gouvernement.

Messieurs, on a déjà débattu plusieurs fois le chiffre du prix de revient ; c’est une discussion qui ne peut aboutir qu’à des assertions contradictoires ; il est des plus difficiles de s’entendre sur le prix de revient. La section centrale, toutefois, après s’être entourée de beaucoup de renseignements, a cru que ce prix pouvait varier de 75 à 80 fr. Il est vrai qu’on a cité certains producteurs en France qui semblent avoir produit à des prix inférieurs. On a cité, entre autres, M. Crespel. Mais on n’a pas fait observer que dans les explications que cet industriel a données, lors de l’enquête et plus tard, il a déclaré qu’il avait acquis pour une somme de 250,000 francs des établissements qui avaient coûté un million ; de sorte qu’ayant moins de frais d’établissement, il a pu produire à des prix inférieurs à ceux auxquels ses confrères pouvaient laisser le sucre de leurs fabriques.

Il importe de bien définir ce que la section centrale vient proposer à la chambre ; est-ce une augmentation de protection pour le sucre indigène ? Mais non ; c’est une réduction, et une réduction assez notable.

Aujourd’hui, le droit nominal qui frappe le sucre exotique est de 37 francs 2 cent. Il est vrai que ce droit subit à la consommation une diminution par suite de ce qu’on appelle la prime de mévente. Ainsi qu’on nous l’a indiqué, cette prime de mévente varie de 16 à 33 p. c., et même elle s’est élevée momentanément jusqu’à 35 pour cent ; c’est-à-dire que le droit nominal de 37 francs se réduit dans l’application de 25 à 32 francs. Il a été pendant un certain temps, ainsi que l’a fait observer la section centrale, à 28 fr. 50 c. Mais bien souvent, aussi, le droit réellement payé à la consommation et qui constituait bien la protection dont jouissait le sucre indigène, a été de 50 francs et au-delà. Il est aujourd’hui encore de 50 francs, parce qu’en ce moment la prime de mévente n’est que de 20 p. c.

Ainsi, messieurs, le sucre indigène jouit actuellement et depuis quelque temps d’une protection effective de 30 fr. ; je dis d’une protection effective, car le droit protecteur est celui qui est prélevé à la consommation, quel que soit le recouvrement fait par le trésor.

Ainsi, messieurs, nous ne demandons pas pour les fabricants de sucre indigène des avantages plus grands que ceux dont ces industriels sont aujourd’hui en possession. Nous les réduisons, au contraire, dans une notable proportion. La section centrale a été extrêmement réservée dans ses propositions.

Un membre. - Et le rendement ?

M. Mercier, rapporteur. - Je vais répondre tout de suite à l’objection que me fait l’honorable membre. Voici, messieurs, l’explication que peut être la chambre ne sera pas tâchée d’avoir à cet égard.

Avec le rendement actuel, il y a une prime de mévente, qui, comme je vous l’ai dit, varie de 16 à 33 p.c. Si le rendement légal atteignait le rendement effectif, ou plutôt si tous les produits devaient être exportés pour que la décharge du droit fût accordée, il n’y aurait ni prime d’exportation ni prime de mévente ; l’intégralité du droit nominal serait perçue à la consommation ; et dès lors le sucre indigène jouirait d’une protection de 37 fr. ; en augmentant le rendement selon les propositions de la section centrale, nous espérons que le droit nominal que nous établissons sera bien réellement prélevé à la consommation ; et c’est parce que nous comptons qu’il en sera ainsi, que nous réduisons la protection à accorder au sucre de betterave de 37 à 25 francs ; si le rendement était établi de manière à occasionner encore une prime de mévente, nous ne pourrions abaisser à 25 francs le chiffre de la protection.

On nous dit que cette protection de 25 fr. est exorbitante. Mais savez-vous quelle est la nature dont l’Angleterre frappe les sucres autres que ceux de ses colonies ? Ce n’est pas de 25 fr., mais de 4 fois 25 fr., c’est-à-dire de 97 fr. 13 c., les 100 kilog. Et l’on se récrie alors que nous demandons de ne restreindre qu’à 25 fr. celle de 37 fr. qui existe aujourd’hui.

D’ailleurs, en Belgique, messieurs, n’avons-nous pas des exemples de droits protecteurs plus considérables ? On nous objecte que le raffinage ne profite pas de la surtaxe établie en sa faveur. Mais pourquoi donc l’a-t-on élevée à ce chiffre, si elle n’a pas été jugée utile ? Le raffinage jouit bien réellement d’une protection de 100 pour cent ; la distillerie, qui est, comme la sucrerie de betterave, une industrie agricole, jouit d’une protection de 63 p. c.

M. Rodenbach. - Cela n’y fait rien du tout ; elle n’exporte rien.

M. Mercier, rapporteur. - Il ne s’agit pas de l’exportation ; il s’agit d’une protection accordée à une industrie indigène pour la consommation intérieure.

Messieurs, j’aborderai maintenant le système français.

M. le ministre des finances, prenant un terme de comparaison, nous a dit que la France n’accordait qu’une protection de 17 fr. au sucre indigène ; c’est là une très grave erreur. Le sucre de betterave trouve en France une protection qui va bien au-delà de celle que nous demandons ici en sa faveur, et je vais vous le démontrer de la manière la plus péremptoire.

Une première raison que M. le ministre des finances allègue pont réduire à ce chiffre la protection dont le sucre indigène est favorisé en France, c’est que le droit s’établit sur le sucre de betterave selon différents types ; cette allégation est sans le moindre intérêt dans la question. Le premier type du sucre de betterave est imposé à 27 fr. 50 c. C’est ce type qui sert de base à toute l’application du droit. Ainsi, c’est selon le premier type qu’on règle la prise en charge à la défécation, que l’on établit le contrôle au rafraîchissoir, en évaluant la quantité de sucre d’après celle du sirop. C’est aussi en les rapportant au premier type que l’on constate les quantités à l’empli.

Mais il se trouve qu’en France il y a des producteurs qui fabriquent du sucre plus épuré, jusqu’au raffinage même. Il y existe un quatrième contrôle, le recensement des magasins. Lorsqu’on effectue ce recensement, on se fait représenter, pour constater les quantités, les sucres du premier type et ceux d’un rendement plus élevé. Par une disposition réglementaire, on a établi un droit proportionnel sur les sucres d’un type supérieur au premier jusqu’au sucre raffiné. Mais, je le répète, c’est uniquement une mesure d’ordre. Car, qu’il y ait des sucres du premier type ou de types différents, la somme du droit à payer en résultat est la même.

Vous voyez donc, messieurs, que cet argument de M. le ministre des finances n’a réellement aucune portée, n’est ici d’aucune application. Je m’étonne qu’il l’ait reproduit après la réfutation qui en a déjà été faite dans le second rapport de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Je le reproduirai encore.

M. Mercier, rapporteur. - J’en suis fâché pour vous.

Messieurs, l’insistance de M. le ministre des finances me force d’appuyer sur cette circonstance. J’ai dit que le droit était établi à 27 fr. 50 c. les 100 kil, sucre premier type. Au lieu de former du sucre premier type, il dépend du fabricant, en sacrifiant la quantité à la qualité, de produire des sucres beaucoup plus épurés et même des sucres parfaitement raffinés et cristallisés ; mais, je le répète, c’est aux dépens de la quantité. On conçoit que si le droit de 27 fr. 50 c. était uniforme pour toute espèce de sucre, la charge serait infiniment plus forte pour celui qui ne fabriquerait que des sucres premier type ; il a donc fallu chercher une proportion pour rendre cette charge uniforme, et l’on a établi que chaque type serait ramené, dans le compte de magasin, au premier type, en augmentant la quantité d’un neuvième pour le second type, de 2/9 pour le troisième type, de 3/9 pour le quatrième type et enfin de 4/9 pour le sucre en pain, mélis ou candi ; à moins qu’il n’existe quelqu’erreur dans les proportions, tous les fabricants sont traités sur le même pied, qu’ils produisent un seul ou plusieurs types. Une pareille mesure, en Belgique, n’assurerait en rien la position du producteur du sucre de betterave.

Posons un exemple pour rendre la chose plus sensible. Supposons qu’une quantité déterminée de jus de betterave donne 1,000 kil. de sucre premier type ; eh bien, il a été calculé que cette même quantité de jus ne fournirait que 900 kil. de sucre deuxième type. Lors donc qu’on forme un recensement et que l’on trouve 900 kil. de sucre deuxième type, on les porte en compte pour 1,000 kil. de sucre premier type. La protection dont jouit le sucre de betterave vis-à-vis du sucre terré des colonies ou du sucre étranger, n’est aucunement modifiée par l’établissement des types, que l’on peut envisager comme une simple mesure de comptabilité.

J’aborde maintenant la seconde raison alléguée par M. le ministre des finances, et vous jugerez, messieurs, si elle est plus solide que la première.

Il existe une espèce de sucre colonial, le sucre Bourbon, dont le droit n’excède que de 14 fr. 75 c. celui qui frappe le sucre de betterave ; en le faisant entrer dans sa moyenne, M. le ministre n’établit, comme nous l’avons dit, qu’à 17 fr. la protection accordée en France au sucre de betterave. Déjà la section centrale a fait observer d’abord que si cette espèce de sucre est moins imposée, c’est que le fret pour l’introduire en France est beaucoup plus élevé que pour le sucre d’Amérique ; en second lieu, que cette dernière espèce entrant pour les 3/4 dans la consommation, c’est elle qui règle les prix du marché. Mais, messieurs, il est un fait de la plus haute importance dans la question, c’est qu’en France les sucres terrés, même ceux des colonies, sont frappés d’une surtaxe de 15 fr. ; on commettrait donc l’erreur la plus grave en n’appréciant la protection accordée au sucre indigène que d’après la différence qu’il y a entre le droit payé par ce sucre et celui qui est acquitté par le sucre moscovade des colonies ; or cette surtaxe constitue, pour le sucre indigène, une protection de 29 fr. 75 c. sur le sucre terré le moins imposé des colonies, et de 37 fr. sur le sucre terré d’Amérique ; en Belgique, au contraire, le sucre terré est soumis au même droit que le sucre moscovade. J’appelle toute l’attention de la chambre sur cette circonstance.

Il y a plus, messieurs, ce n’est pas seulement le sucre terré qui est surtaxe en France ; tous les sucres étrangers sont frappés de droits encore plus élevés. La surtaxe est de 38 50 c. et de 44 sur le sucre moscovade et de 60 et 66 sur le sucre terré.

Eh bien, M. le ministre n’a pas signalé toutes les différences qui existent entre notre système et le système français, il les a passées complètement sous silence. (Interruption.) On dit qu’il ne s’importe en France que très peu de ces espèces de sucres, mais qu’est-ce que cela prouve ? C’est précisément parce qu’on en importe peu que la protection est efficace en faveur des autres sucres. L’objection que l’on me fait et qui est celle de M. le ministre ne tendrait à rien moins qu’à établir que plus un droit serait élevé moins il y aurait de protection pour l’industrie en faveur de laquelle il serait porté ; ainsi la moyenne de 17 francs que M. le ministre nous présente comme la surtaxe résultant des droits qui ont frappé toutes les espèces de sucres importées en France, cette moyenne serait plus faible encore si, au lieu de droits élevés sur les sucres terrés ou étrangers, il y avait eu prohibition complète. Vous voyez messieurs, qu’un tel raisonnement ne peut pas être admis. Il est si vrai que les surtaxes dont je viens de parler exercent une grande influence sur le prix du sucre en France, que le ministre français a dit lui-même qu’au taux actuel la surtaxe oppose au sucre de quelques provenances une barrière à peine suffisante. Bien plus, lorsqu’on a voulu réduire la surtaxe de quelques francs, tous les fabricants de sucre de betterave, comme tous les intéressés à la production des sucres coloniaux, ont réclamé vivement contre ce projet, en déclarant que si la réduction avait lieu, le sucre des colonies françaises ne pourrait plus soutenir la concurrence du sucre étranger.

Voilà, messieurs, ce qu’on aurait dû prendre en considération lorsqu’on s’est livré à l’appréciation du système qui existe en France. Pour le comparer à la législation qui nous est soumise, je maintiens que jusqu’à l’époque de l’ordonnance du mois d’août la protection accordée en France au sucre de betteraves doit être évaluée à 34 fr. au moins, en la mettant en rapport avec les frais que la libre concurrence fait en Belgique ; et cependant nous ne demandons ici que 25 fr. de surtaxe. L’ordonnance du mois d’août 1842 aura certainement pour effet d’empêcher une partie du sucre indigène d’échapper à l’impôt. L’honorable M. Cogels tranche assez lestement cette question, en affirmant qu’il y aura encore un quart de la production qui échappera à l’impôt ; je conçois, messieurs, que le ministère français, qui veut maintenant la suppression du sucre indigène, exagère l’insuffisance de la surveillance, mais c’est une assertion qui n’est pas admise en France ; on pensait, il est vrai, avant l’ordonnance du mois d’août, que le 1/4 ou le 1/3 de la production échappait à l’impôt ; aujourd’hui avec trois contrôles bien combinés, bien établis, il est impossible de ne pas admettre que la quantité soustraite au paiement des droits sera considérablement restreinte et que l’expérience la réduira à des quantités tout à fait minimes.

Voilà, messieurs, la protection dont le sucre de betteraves jouit en France. M. le ministre des finances nous a dit que, malgré ses avantages, cette industrie n’est pas dans un état prospère, que bien loin de s’accroître elle était en décadence. M. le ministre s’exprimait ainsi lorsqu’il avait une thèse à soutenir, lorsqu’il voulait supprimer le sucre indigène ; mais aujourd’hui qu’il est forcé de consentir à la laisser vivre, il prétend qu’une protection de 18 francs suffit. Voilà un langage bien différent de celui qu’il tenait lorsqu’il émettait l’opinion qu’avec toute la protection qui lui était accordée en France, cette industrie ne pouvait pas se soutenir ; la chambre appréciera de pareilles contradictions.

Je crois, messieurs, avoir suffisamment démontré que la proposition de la section centrale est très modérée, que la protection que nous demandons est peut-être d’un quart en dessous de celle dont l’industrie du sucre de betterave jouit maintenant en France. Je ne dirai pas avec M. le ministre des finances qu’en France cette industrie a été en décroissant, mais je dois convenir qu’elle ne s’est pas beaucoup développée sous le régime actuel ; en lui accordant moins de faveur en Belgique, l’avantage restera pour le sucre étranger.

Je dirai maintenant quelques mots de la question du rendement ; celui qui est proposé par la section centrale aura pour effet de réduire les exportations, mais non de les anéantir ; j’ai pensé que ce rendement assurerait au trésor deux à trois dixièmes du droit sur les importations. On a combattu la proposition de la section centrale en objectant qu’avec une réserve de 1/10 seulement elle n’offrira pas une ressource suffisante au trésor. Eh bien, messieurs l’augmentation du rendement n’est pas incompatible avec plusieurs dixièmes réservés ; rien n’empêche de combiner ces deux mesures et c’est même ce que j’ai indiqué dans une précédente discussion.

On a cru, messieurs, que la réserve de 4/10 réduirait la quotité de la prime ; il n’en sera pas ainsi, à moins que les prévisions des auteurs du projet de loi ne se réalisent pas ; en effet, dans le système du gouvernement, comme dans celui de la section centrale on a en vue d’assurer le prélèvement du droit de consommation ; si l’on retient 4/10 du montant de la prise en charge, il en résultera que le raffineur livrera ces 4/10 à la consommation intérieure en prélevant sur le consommateur les droits qu’il aura acquittés et non les bénéfices ordinaires de son industrie ; quant aux 6 autres dixièmes, il les exportera jusqu’à concurrence du rendement déterminé et percevra à son profit le droit de consommation sur l’excédant ; la réserve aura donc pour effet de déterminer la quantité des sucres exportés, mais non de changer en rien la quotité de la prime.

Messieurs, on est encore revenu sur la possibilité d’exporter du sucre indigène ; c’est une sorte d’appât que l’on présente à ceux qui veulent favoriser l’industrie du sucre de betteraves ; on semble vouloir leur faire croire qu’elle trouverait la une espèce de compensation. Eh bien, messieurs, ce serait une grande déception : évaluons le prix de revient du sucre brut de betteraves à 75 fr. ; avec les frais du raffinage, ce prix serait porté à 85 fr. ; supposons un rendement de 72 p. c. ; la prime calculée d’après l’excédant du rendement serait de 7 fr. 46 sur 49 1/2 kil. ou de 15 fr. par 100 kil. Ainsi le prix de revient des sucres métis ou lumps serait de 100 fr. 95 c. ; retranchez-en le montant de la prime, le prix net sera encore de 85 fr. 95 e. ; or, nous livrons le sucre exotique à l’étranger à moins de 60 fr. Comment donc veut-on nous faire croire que l’on puisse exporter du sucre indigène ?

Ce que je viens de dire, messieurs, fait tomber la base des calculs établis par le gouvernement pour établir les quantités de sucre exotiques qui pourraient encore être introduites dans le pays, d’après son dernier système ; quant aux droits, s’il était vrai que la consommation fût de 15 millions de kilogr., les produits indigènes seraient à peu près atteints ; mais je persiste à contester formellement que la consommation puisse être portée à ce chiffre. Il faut remarquer aussi que le produit du droit de douane porté en ligne de compte sera nécessairement diminué par suite des droits différentiels que le gouvernement veut établir ; si d’un autre côté, comme j’en ai la conviction, la consommation ne s’élève qu’à 13,500,000 kilogr., il est certain que le trésor ne recevra que trois millions 3 à 400,000 fr.

J’ai prouvé qu’avec le système de la section centrale, en y ajoutant, si on le juge nécessaire, une réserve de 2 dixièmes et demi, une consommation de 15 millions porterait le produit de l’impôt à plus de 4 millions, et que si la consommation n’est, comme je le pense, que de 13,500,0000 kilog., le produit dépassera 3,500,000 francs ; un autre avantage de ce système serait aussi d’augmenter la concurrence commerciale du sucre.

Messieurs, lorsque tout à l’heure l’honorable M. Rodenbach a pris la parole, j’ai pensé qu’il allait exposer les motifs de son système ; il a donné en effet deux motifs, c’est d’abord que des fabricants de sucre indigène auraient offert leur sucre à 10 centimes au-dessous des prix ordinaires. Quant à moi, j’ai dû nécessairement entendre un grand nombre de fabricants, et tous ceux avec lesquels j’ai été en rapport ont formellement nié ce fait. L’honorable membre a parlé de plusieurs fabricants qui raffinent leur sucre eux-mêmes. Je crois qu’il n’en existe qu’un seul en Belgique qui soit dans ce cas.

La deuxième raison donnée par l’honorable membre à l’appui de son amendement, c’est que la protection dont le sucre de betterave jouit en France ne serait que de 17 fr. J’espère, messieurs, avoir suffisamment prouvé que c’est là une erreur manifeste.

On a dit aussi, messieurs, qu’il est impossible d’importer en Europe du sucre raffiné ; je pense, au contraire, que cela serait très facile, car nous voyons que l’Angleterre exporte une assez grande quantité de sucre raffiné vers les Indes, c’est ce dont on peut se convaincre par les tableaux statistiques. Eh bien, messieurs, si l’on peut exporter du sucre raffiné d’Europe dans les Indes, on pourrait également en importer des Indes en Europe.

Messieurs, quant au rendement de la betterave, c’est encore un point sur lequel on peut discuter longuement, en se bornant à avancer des assertions contradictoires.

Mais il n’en est pas moins vrai que dans la campagne dernière on n’a pas obtenu 6 p. c. de la betterave. Ce fait m’a été attesté par les personnes les plus honorables et les plus dignes de foi.

On a dit tout à l’heure que nous ne devions pas nous arrêter aux prix actuels des sucres ; ces prix peuvent augmenter. Messieurs, nous avons examiné les chances qui pourraient faire élever les prix des sucres étrangers, et nous n’avons pas dissimulé que, dans ce cas, nous appuierions toute proposition qui tendrait à augmenter le droit sur le sucre indigène ; mais il ne sied guère à nos adversaires de venir nous parler du renchérissement probable des prix des sucres étrangers ; car ils ont constamment soutenu que le sucre indigène n’est pas viable par cela même que les prix des sucres étrangers baissent et continueront de baisser.

La Belgique, nous dit-on, demandait à grands cris des débouchés ; le meilleur débouché n’est-il pas celui du marché belge lui-même ? le sucre indigène qui y trouve un écoulement, n’est-il pas un produit de notre industrie ? On s’écrie qu’il faut des débouchés ; eh bien, le moyen d’étouffer ces cris, c’est de faire pour les autres industries ce qu’on veut faire pour la betterave, c’est de les tuer. Alors elles ne réclameront plus de protection, mais alors aussi la Belgique n’aura qu’une population pauvre et misérable.

On a dit que les fabricants du sucre de betterave accepteraient l’indemnité. Quand même cela serait, y aurait-il là un motif suffisant pour la chambre, qui a pour mission de veiller aux intérêts généraux ? Je ne le pense pas. Du reste, je puis déclarer que tous les membres du comité que j’ai entendus n’ont jamais émis ce vœu, qu’ils m’ont, au contraire, exprimé leur regret qu’on leur prêtât de pareilles intentions ; qu’en un mot ils n’ont demandé qu’à pouvoir conserver leur industrie à des conditions raisonnables. Dans toutes les industries, il y a des hommes imprudents ou imprévoyants qui se placent dans des conditions défavorables ou qui manquent de capitaux, et qui, par suite, doivent renoncer à leur entreprise ; est-ce une raison d’anéantir la branche d’industrie à laquelle ils se sont livrés ? Assurément non. Un honorable député est venu nous dire que 15 raffineries avaient discontinué leurs travaux à Anvers ; en suivant le principe qu’on met en avant, ce serait une raison pour supprimer le raffinage et offrir une indemnité à ces 15 raffineurs. Certes, ces industriels auraient accepté avec reconnaissance l’indemnité, si ou la leur avait offerte, mais ce n’est pas ainsi que l’on doit entendre l’intérêt public.

Projet de loi qui proroge l'article premier de la loi concernant les péages du chemin de fer

Dépôt

Projet de loi sur la police des chemins de fer

Dépôt

(Moniteur belge, n°66, du 7 mars 1843) M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, le Roi m’a chargé de présenter à la chambre deux projets de loi. Le premier est relatif à quelques mesures de police concernant le chemin de fer ; le second tend à proroger d’une année l’art. 1er de la loi de 1835 sur les péages du chemin de fer.

- Il est donné acte à M. le ministre de ces deux projets de loi ; ils seront imprimés et distribués, ainsi que les exposés des motifs qui les accompagnent.

- La chambre en ordonne le renvoi à la section centrale du budget des travaux publics, qui les examinera en qualité de commission spéciale.

La séance est levée à 4 1/2 heures.