(Moniteur belge n°12, du 12 janvier 1842)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et un quart.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse communique les pièces de la correspondance.
« La chambre de commerce et des fabriques des arrondissements d’Ypres et Dixmude présentent des observations contre le projet loi sur le sel. »
- Renvoi à la section centrale qui est chargée d’examiner le projet sur le sel.
« Le conseil communal d’Achel présente des observations concernant le projet de loi sur le canal de la Campine. »
« Mêmes observations des conseils communaux de Caulille et de Lille-St.-Hubert. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet sur la matière.
« Les négociants et fabricants de tabac de Mouscron et de Herseaux demandent le rejet de toute majoration de droit sur les tabacs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les droits d’entrée, et renvoi à la section centrale chargée, en qualité de commission spéciale, d’en faire rapport ayant la discussion du projet.
« L’Académie royale de médecine demande que les médecins, les chirurgiens et les accoucheurs soient exemptés de l’impôt patente. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les patentes.
M. Sigart. - Je demande que cette pétition soit, en outre, insérée au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
« Les brasseurs d’Oostacker demandent le rejet du projet de loi tendant à modifier les bases de l’impôt sur les bières. »
« Même demande du sieur De Groote, brasseur à Wondelghem, et des brasseurs de Meulestede. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet.
« Un grand nombre de négociants et boutiquiers de Gand demandent des modifications à la loi sur les ventes à l’encan. »
M. Delehaye. - Messieurs, un grand nombre de négociants et boutiquiers de Gand s’adressent à la chambre, à l’effet d’obtenir des modifications à la loi sur les ventes à l’encan.
Les pétitionnaires signalent les abus scandaleux que l’on commet, à l’effet d’éluder la loi actuellement en vigueur. Déjà la chambre de commerce de Bruxelles a appelé l’attention du gouvernement sur cet objet. Je demande que la commission des pétitions, à laquelle la chambre renverra probablement la pétition, soit invitée à faire un prompt rapport.
- La chambre décide que la pétition sera renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
M. le président. - La chambre est parvenue à l’art. 4 du chapitre premier, Administration centrale.
« Art. 4. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 31,600 »
M. Jadot. - Messieurs, ce que j’ai à dire à la chambre est bien peu propre à animer la discussion ; mes observations n’ont en général pour objet que l’ordre et l’économie qu’il est si désirable, selon moi, d’introduire dans les dépenses de l’Etat.
Ces observations auraient sans doute été mieux placées dans la discussion générale, mais elle a été close hier, et même un des articles qu’elles concernent est déjà voté.
Je pourrais donc me borner à les faire insérer au Moniteur ; si cependant la chambre veut bien les entendre, je suis prêt à parler. Le besoin de modifier la rédaction des budgets, tout aussi bien que celui d’une loi de comptabilité des deniers de l’Etat, a été signalé depuis longtemps.
Un premier pas vers un mode plus régulier, plus rationnel, de présentation des dépenses à l’examen et au vote des chambres, serait la division de ces dépenses en deux catégories l’une comprenant les dépenses du personnel, l’autre comprenant les dépenses du matériel.
Il ne serait pas nécessaire, pour cela, de rien changer à la division actuelle des budgets, aux chapitres, sections et articles ; il suffirait de faire figurer ces dépenses dans des colonnes séparées. Par ce moyen, on verrait, sans devoir recourir à aucun calcul, l’importance de chacune de ces catégories de dépenses. C’est là un point sur lequel il importe à la chambre d’être éclairée. Il est utile, sans doute, de connaître séparément ce que coûte chaque branche d’une administration, mais la subdivision que je propose est incontestablement plus utile encore, puisqu’elle tend à remédier à l’abus si souvent et si vainement signalé dans cette enceinte de l’acquit des traitements et indemnités des fonctionnaires et employés avec des crédits qui avaient une toute autre destination.
Ainsi le crédit alloué pour le matériel par l’art 4 du chap. 1er du budget de 1842 devait être appliqué à toutes les dépenses de cette nature, et n’en solder aucune autre. C’est donc à tort que l’on n’a pas imputé sur cet article les fournitures de bureau, le chauffage et l’éclairage du conseil des mines et de la direction des postes, et que, d’un autre côté, l’on s’en soit servi pour augmenter des frais de route, des indemnités et même des traitements.
En suivant cette marche, les chambres ne connaîtront jamais les besoins spéciaux du service, et il leur sera toujours impossible d’établir un budget normal.
L’ordre est un grand moyen d’économie ; les chambres doivent faire, dans l’intérêt du pays, ce que chacun de leurs membres fait dans son intérêt privé ; elles doivent donc vouloir qu’on leur indique séparément chaque nature de dépense et son montant, afin d’être à même d’apprécier les réformes possibles.
C’est aussi dans un esprit d’ordre et d’économie, qu’en 1836 la section centrale des finances exprima le vœu de voir arrêter une fois pour toutes le cadre de chaque ministère ou des différents emplois dont il se compose, avec l’indication du traitement affecté, invariablement à chacun d’eux, comme cela existe dans l’ordre judiciaire et dans l’armée.
A l’appui de ce vœu, elle disait : « Un employé considéré comme un des rouages de l’administration générale n’a d’autre importance que celle que lui donne le poste qu’il occupe et les services qu’il est appelé à y rendre ; c’est donc nécessairement à la place et non à la personne que le traitement est affecté ; dès lors, le changement donné à la qualification de l’emploi ou de l’employé, ne suffit pas pour autoriser une majoration d’appointement, si, d’ailleurs, le travail reste le même : car elle ne peut jamais résulter que de l’avancement obtenu dans la hiérarchie des grades dont le nombre et les traitements doivent être invariables. »
Cette observation qui, du reste, était générale, n’a remédié à rien, et nous avons vu des bureaux transformés en division, des divisions prendre le titre de direction, sous les mêmes chefs, sans changements dans les attributions, quant au travail, mais avec des traitements beaucoup plus considérables. Plus tard nous pourrons avoir des directions générales, et alors il faudra bien, à cause de la plus grande importance que recevra l’emploi par l’adjonction d’un seul mot à sa qualification actuelle, lui adjoindre aussi un supplément de traitement.
L’augmentation considérable de la dépense du personnel est le résultat de la multiplication, sans nécessité, et des employés et des grades. C’est un double abus dont je viens d’indiquer le remède.
Sur le crédit de 6,000 francs ouvert chaque année depuis 1838 pour frais de route et de séjour du ministre et des employés de l’administration centrale, il est resté disponible :
Sur 1838, fr. 2,901 38
Sur 1839, fr. 1,906 50
Sur 1840, fr. 3,677.
Mais en 1841 le restant disponible n’a plus été que de fr. 447, et en 1842 ce crédit est resté de près de 2,000 fr. au-dessous des besoins. C’est pourquoi on demande 2,000 fr. de plus pour 1843, et cependant, ainsi que le fait remarquer la section centrale, le chemin de fer permet à M. le ministre de parcourir une grande partie du pays sans payer de frais de transport, et à ce point de vue il y aurait plutôt lieu de diminuer que d’augmenter l’allocation.
C’est aussi ce que je pense.
Je ne conteste pas l’utilité des voyages de M. le ministre des travaux publics, mais je ne l’admets pas non plus sur parole, tandis que l’examen que j’ai fait, à la cour des comptes, des états joints aux demandes de payement des frais de ces voyages m’a convaincu que l’on aurait pu (si pas dû, c’est un point que je ne veux pas agiter) épargner au trésor, une partie des frais payés de ce chef en 1842. Je voterai contre la majoration demandée.
Ponts et chaussées.
Un arrêté royal du 1er octobre 1838, qui crée une école spéciale du génie à Gand porte (art. 1) que les candidats conducteurs ou sous-ingénieurs déclarés admissibles, mais qui n’auront pu être employés recevront le titre de conducteur ou de sous-ingénieur honoraire, et il ajoute : « Les uns et les autres seront toujours admissibles au concours des années suivantes en subissant, de rechef, les examens avec les nouveaux élèves. »
Il semblerait qu’une fois déclaré admissible ou reconnu capable, un candidat-conducteur ou ingénieur, comme un candidat notaire, comme tous les candidats auxquels on délivre des diplômes ou des certificats de capacité, ne fût plus obligé à un nouvel examen ; il n’en est pas ainsi : il perd son titre si n’étant pas placé à l’époque de la réunion suivante du jury d’examen, et ainsi successivement ; il ne s’y représente pas pour s’y faire examiner de nouveau, alors même, qu’ayant été employé comme auxiliaire, il aurait justifié, par la pratique, le mérite de son instruction.
Bien que cela soit extrêmement rigoureux et sans exemple, je suis disposé à croire que ce n’est pas sans raison qu’on l’a ainsi voulu, mais ce que l’on n’a pu vouloir, ce qui est injuste, c’est qu’un aspirant qui n’a pas été trouvé capable par le jury, ait cependant été nommé sous-ingénieur honoraire, tandis que des sujets plus capables que lui ont été ajournés.
En examinant à la cour des comptes des documents relatifs au budget des travaux publics, j’ai reconnu que des ingénieurs des ponts-et-chaussées devenaient des comptables de l’Etat par suite des sommes mises à leur disposition pour acquitter des travaux confiés à leurs soins.
Je suis loin de croire qu’il en résulte un préjudice pour l’Etat, mais je saisis cette occasion pour signaler de nouveau l’irrégularité et les inconvénients d’une semblable mesure,
L’article 3 de la loi du 30 décembre 1830 veut qu’aucune ordonnance de paiement ne soit acquittée par le trésor qu’après avoir été revêtue du visa de la cour, et cependant c’est par suite du visa de la cour que des sommes considérables sont remises à des comptables spéciaux, non comme paiement de dépenses faites, mais pour des dépenses à faire, et à charge de rendre compte de leur emploi.
Cela se fait en vertu de l’article 5 d’un règlement du 9 avril 1831, qui dénature complètement la loi dont il devait garantir l’exécution.
Il est ainsi conçu :
« Lorsque, dans certains cas, il sera adressé à la cour des demandes de paiement sur des crédits ouverts pour une dépense à faire, sa seconde section réglera le délai dans lequel il devra être justifié de leur application. »
Aucune loi n’ayant désigné les cas auxquels cette disposition est applicable, les certains cas se multiplient à l’infini et finiront par devenir la règle, au lieu d’en être l’exception.
Ce mode vicieux, qui a été emprunté au système de comptabilité du précédent gouvernement, pouvait convenir à ce système, mais il sera toujours un obstacle à l’établissement d’une comptabilité en harmonie avec nos institutions et le contrôle réservé aux chambres par la constitution, car quelle garantie avez-vous, quel contrôle pouvez-vous exercer lorsque des dépenses sont acquittées avant d’être faites ; autant vaudrait mettre à la disposition de chaque ministre une somme globale et lui dire : vous pourrez puiser dans le trésor jusqu’à concurrence de cette somme, nous verrons lorsque vous l’aurez dépensée l’usage que vous en aurez fait. C’est où nous arriverons bientôt si nous ne nous hâtons de mettre un terme à ce déplorable état des choses.
J’ignore si la cour des comptes détermine le délai dans lequel la justification de l’emploi des fonds doit être faite ; en France, il est invariablement fixé à trois mois, mais ce que je sais c’est qu’il y a eu des comptes de l’espèce qui n’ont été apurés qu’après six, sept et huit ans, et qu’il en existe encore en ce moment un grand nombre qui ne le sont pas.
L’un de motifs pour lesquels on se croit autorisé à établir ainsi des comptables spéciaux est celui-ci :
Il arrive assez souvent qu’au moment de la clôture d’un exercice les ministres n’ont pas fait usage des crédits ouverts à leurs budgets.
Dans ce cas, ils demandent au trésor les fonds alloués pour pouvoir ultérieurement en faire usage.
Ainsi, par exemple, vous avez alloué en 1838, au ministre de la justice, un crédit de 125,000 francs pour subside extraordinaire à des établissements de bienfaisance et pour l’amélioration des hospices des aliénés. L’exercice 1838 a été clos, le 31 décembre 1840. Le 9 de ce mois de décembre, le trésor public a remis au comptable désigné par M. le ministre de la justice, en vertu d’une ordonnance revêtue du visa de la cour, une somme de 25,000 fr. destinée à établir un hospice d’aliénés dans le Hainaut. A la vérité, la cour des comptes n’avait accordé son visa qu’à la condition qu’on ne toucherait cette somme qu’après la dépense faite. Je me permettrai donc de demander à M. le ministre à quel hospice les 25,000 fr. ont été employés, car aucun compte n’en a été rendu.
Vous concevrez facilement, messieurs, les embarras dans lesquels le trésor public doit se trouver quand on lui retire, pour rester longtemps sans emploi, les fonds dont il a besoin pour les nécessités du moment.
Je ne parlerai pas des irrégularités que présente la comptabilité du chemin de fer ; ce serait à n’en pas finir, elles sont d’ailleurs connues de tous les membres de la chambre qui ont lu les cahiers d’observations que la cour des comptes nous a adressés. Je dirai seulement qu’on doit vivement regretter que ces observations aient été infructueuses pour le pays, comme toutes celles qui ont eu pour objet la comptabilité générale de l’Etat.
Pour terminer les miennes, je dirai un mot du chapitre des dépenses imprévues.
S’il est un budget qui peut se passer d’une semblable allocation, c’est bien certainement celui des travaux publics, où l’on voit les dépenses si nombreuses et si variées du chemin de fer, réunies sous un seul article de 5,400,000 fr., ainsi que celles des postes, s’élevant à 1,070,540 fr. et où d’ailleurs tous les articles se prêtent un mutuel secours.
Les dépenses acquittées avec le crédit ouvert au budget de 1842 ont la plupart pour objet des indemnités, des frais de procédure, des frais d’actes de notaire, des subsides aux communes pour les fêtes d’inauguration des stations du chemin de fer c’est-à-dire qu’elles n’étaient pas plus imprévues que les autres dépenses du budget et auraient pu être acquittées avec les crédits ouverts pour celles de même nature.
Je considère ce chapitre comme absolument inutile.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, l’honorable préopinant vous a d’abord entretenus de la nécessité, déjà proclamée plusieurs fois dans cette enceinte, d’une loi de comptabilité. L’honorable membre sait bien qu’en ce qui me concerne, plus que personne, j’ai toujours apprécié la nécessité de cette loi ; je crois même que c’est l’honorable membre et moi qui avons les premiers élevé la voix dans cette chambre pour signaler la haute utilité d’une semblable loi.
Lorsque je présidais à l’administration des finances, un de mes premiers actes a été d’instituer une commission composée de membres des deux chambres et de la cour des comptes et de fonctionnaires de mon département pour préparer un projet de loi sur la matière. Au moment où j’ai quitté le département des finances, ce projet de loi venait d’être terminé par la commission ; déjà j’en avais commencé l’examen, qui était fort avancé, et je me proposais de le soumettre à mes collègues du ministère, pour que dans chaque département on en fît l’objet d’un examen approfondi ; car vous concevez, messieurs, qu’il faut que tous les départements soient consultés avant qu’un pareil projet de loi soit élaboré de manière à pouvoir être présenté à la législature.
Mon honorable collègue actuel des finances a déjà déclaré dans des séances précédentes que le projet dont il s’agit avait été revu à son département, depuis qu’il était placé à la tête de cette administration, et qu’il avait été envoyé ultérieurement à l’examen des autres ministères. Cet examen, en ce qui concerne mon département, est bien près de finir ; et quoique les questions de comptabilité soient très compliquées au département des travaux publics, je pense que sous très peu de jours je pourrai renvoyer le projet à mon collègue des finances avec mes observations.
Depuis que j’ai l’honneur de diriger le département des travaux publics, je sens plus que jamais la nécessité d’une loi de comptabilité, Ainsi on ne doit pas craindre de ma part qu’il y ait retard dans l’exécution du travail qui peut m’incomber pour l’élaboration du projet de loi de comptabilité.
L’honorable membre a dit qu’au département des travaux publics, on transformait les chefs de division en directeurs ; je lui répondrai qu’il n’y a dans ce département qu’un seul directeur, c’est le directeur des mines, directeur que j’ai trouvé en fonctions, lorsque je suis arrivé au département des travaux publics.
En ce qui touche les frais de route et de séjour, le tarif en vigueur à l’administration centrale des travaux publics a été décrété par arrêté royal pris sons mon honorable prédécesseur ; et je suis à même, par l’expérience que j’ai, d’attester que ce tarif a été calculé à un taux très modéré. La balance des dépenses et des recettes que j’ai à faire sous ce rapport me prouve suffisamment, et malheureusement pour moi, que les bases de ce tarif sont loin d’être exagérées.
A cette occasion, je dois relever une erreur dans laquelle est tombé l’honorable préopinant, et que la section centrale a également commise, erreur d’ailleurs fort naturelle, puisqu’il fallait être informé des faits pour ne pas la commettre.
La chambre se rappellera que, l’année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics, tant dans cette enceinte qu’au sénat, des observations ont été faites sur les cartes délivrées pour voyager gratuitement sur le chemin de fer.
Immédiatement après ces discussions, j’ai exigé, messieurs, la suppression de toutes ces cartes, et j’ai déclaré à M. le directeur des chemins de fer en exploitation que, bien que 1’arrêté royal qui réglait les frais de route et de séjour avait été porté, alors que le ministre des travaux publics était exempt de payer les frais de route sur le chemin de fer, j’entendais être soumis à ce paiement ; mais que je paierais sur états conformes à mes déclarations pour frais de route et de séjour. Ainsi, je paie au chemin de fer, pour tous les parcours que je dois y faire, sur déclarations conformes à celles que je fais pour la liquidation des indemnités que je reçois pour frais de route.
M. Rogier. - Payez-vous aussi pour les convois extraordinaires ?
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Oui, je paie ma place.
Je sais qu’à la vérité, je ne devrais pas payer ces frais, mais j’ai voulu me soumettre à ce paiement, parce que j’ai cru qu’il fallait prêcher d’exemple dans cette circonstance.
Messieurs, en ce qui touche les examens des élèves de l’école du génie civil pour les places de sous-ingénieur, il y a eu l’année dernière trois candidats qui ont subi l’examen. Le premier a été nommé sous-ingénieur, c’est celui qui a été lu premier en rang par son mérite ; les deux autres, qui étaient de forts bons sujets, m’ont été spécialement recommandés par le jury, pour qu’on leur accordât le brevet de sous-ingénieur honoraire, et je me suis rendu aux instances du jury pour l’un comme pour l’autre. Je ne crois donc avoir montré de préférence pour personne en cette occasion.
M. d’Hoffschmidt. - J’avais demandé la parole, mais je présenterai mes observations à l’art. 5, auquel elles s’appliquent plus spécialement
M. Rogier. - Il y a un point à éclaircir.
M. le ministre des travaux publics vient d’annoncer à la chambre que, contrairement à ce que ses prédécesseurs pratiquaient, il indemnisait l’Etat des voyages qu’il faisait sur le chemin de fer.
Je voudrais que M. le ministre des travaux publics fît connaître si, lorsqu’il se sert d’un convoi spécial, par exemple, de Bruxelles à Liége, ou de Bruxelles à Ostende (et d’après les journaux, ces convois sont assez fréquents) ; si, dis-je, dans ces cas, il indemnise l’Etat de toutes les dépenses de ces convois spéciaux, ou s’il se borne payer sa place dans ces convois. L’on conçoit que si M. le ministre remboursait l’Etat de l’intégralité des frais des convois particuliers dont il se sert, il y aurait de sa part une générosité tout à fait extraordinaire et digne des plus grands éloges, mais je ne puis pas croire qu’il en soit ainsi ; si, comme je le pense, M. le ministre se borne à payer sa place dans les convois spéciaux, alors, messieurs, la générosité n’est plus aussi grande, et l’Etat reste toujours chargé de frais extraordinaires très considérables. Ce point mériterait d’être éclairci, et je prie M. le ministre des travaux publics de s’expliquer sur cet objet, dont je n’aurais pas entretenu la chambre si M. le ministre n’en avait parlé.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il a été loin de ma pensée de déverser du blâme sur mes prédécesseurs, mais j’ai dû répondre à l’interpellation que m’avait adressée M. Jadot. J’ai même dit tout à l’heure qu’en déclarant que j’entendais payer sur le chemin de fer pour tous les voyages que je pouvais faire par cette voie, et pour lesquels je recevais des frais de routes conformément au tarif établi, je faisais ce qu’à la rigueur je n’aurais pas dû faire, ce que mes prédécesseurs ont eu raison de ne pas faire ; mais que je le faisais parce que je me suis trouvé, par suite des réclamations de la législature, dans la position d’exiger de tous les fonctionnaires sous mes ordres qu’ils payassent leur place sur le chemin de fer, parce qu’en un mot je voulais prêcher d’exemple. Voilà pourquoi j’ai agi ainsi, et ce nonobstant que le tarif des frais de route et de séjour du ministre, qui a été décrété sous l’administration de mon prédécesseur, soit très modérée. Ce tarif porte que, pour les voyages par le chemin de fer, les frais de route ne sont que de moitié.
En ce qui touche les convois spéciaux, j’en use le moins possible, et quand j’en use, c’est que l’intérêt du service 1’exige, d’abord pour obtenir l’économie de temps et ensuite à cause de la nécessité qu’il y a quelquefois pour moi, de m’arrêter sur des points où je ne pourrais m’arrêter en prenant un convoi public. Mais on sent que je ne puis pas avec un tarif très modéré de frais de route et de séjour établi pour ma personne, et décrété alors que le ministre des travaux publics ne payait pas au chemin de fer, je ne puis pas faire tous les frais de ces convois spéciaux qui n’ont lieu que dans l’intérêt du service, et non dans le mien propre.
- L’art. 4. est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et employés de l’administration centrale : fr. 8,000 »
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, l’honorable M. Jadot dans le discours qu’il a prononcé tout à l’heure s’est montré contraire à l’augmentation de mille francs qui figure à l’art. 5. Comme dans la section centrale j’ai émis la même opinion et que j’ai cherché à la faire prévaloir, je tiens à donner quelques explications.
Cette majoration a été, dans la section centrale, l’objet de deux délibérations successives. La première fois que nous nous en sommes occupés la majoration a été repoussée à l’unanimité. La seconde fois, après les explications nouvelles données par M. le ministre des travaux publics, la majoration a été adoptée par les membres présents sauf une voix. Un membre s’est abstenu.
Je n’assistais pas à cette séance, je n’ai pas entendu les nouveaux motifs donnés à l’appui de l’augmentation. Jusqu’à présent il m’est impossible de revenir de ma première opinion. Les raisons qui m’ont déterminé à repousser l’augmentation sont : D’abord parce que l’allocation de 6 mille francs pour frais de route des employés de l’administration centrale a toujours figuré au budget des travaux publics depuis que ce département a été institué et qu’on ne s’est jamais plaint de son insuffisance ; ensuite comme l’a déjà dit M. Jadot, il y a lieu de croire que cette allocation doit, à plus forte raison, être suffisante aujourd’hui, par suite de l’établissement du chemin de fer, qui donne plus de facilité et permet de voyager avec plus de promptitude et d’économie d’un bout du royaume à l’autre.
Il est vrai que M. le ministre des travaux publics nous a révélé une circonstance qui vient à l’appui de l’augmentation qu’il demande. Il nous a appris qu’il remboursait à l’Etat le prix des places qu’il prend au chemin de fer ; j’ignorais aussi que les ingénieurs fussent obligés de payer sur le chemin de fer. Si ces frais, remboursés par le ministre et les employés de l’administration centrale équivalaient à 2,000 fr., je ne verrais pas la moindre difficulté à admettre l’allocation demandée, car elle ne serait en réalité que de 6,000 fr. puisque, d’un autre côté, il y aurait remboursement des 2,000 fr. de majoration. Mais je doute qu’il en soit ainsi.
M. le ministre a dit que le tarif des frais de voyage, dont il s’agit, était calculé à un taux très modéré. C’est une raison de plus pour que l’allocation de 6,000 fr. soit suffisante. Si le tarif est modéré, les frais à rembourser soit au ministre, soit aux employés de l’administration centrale, ne doivent pas être élevés pour chaque voyage. En général, je crois que, pour visiter l’un ou l’autre point du royaume où s’exécutent des travaux importants, il ne faut pas plus d’un jour avec le chemin de fer. Je suppose que, terme moyen, les frais de chaque voyage s’élèvent à 100 fr. ; avec 6,000 fr. il y aurait pour faire 60 voyages, ou 5 voyages par mois, ce qui me paraît plus que suffisant.
Il est à remarquer qu’indépendamment du ministre, il y a, pour visiter les travaux publics, l’inspecteur général et les inspecteurs ordinaires des ponts et chaussées.
Il est impossible d’exiger d’un ministre qu’il voie tout par lui-même, qu’il exerce en même temps les fonctions de ministre et d’inspecteur. Ce serait surtout plus extraordinaire si on voulait appliquer ce système dans un vaste royaume comme, par exemple, la France ; il serait absolument impossible au ministre des travaux publies de surveiller lui-même les vastes travaux qui s’exécutent dans l’étendue du royaume. Je ne pense donc pas qu’en général les voyages du ministre doivent être très fréquents ; et je crois qu’ils doivent l’être d’autant moins pour le ministre actuellement à la tête du département des travaux publics, parce que depuis qu’il est aux affaires il a déjà eu le loisir de visiter tous les travaux du royaume. Quand un ministre nouveau arrive au pouvoir, on conçoit que ce ministre doive se mettre au courant des affaires de son département, et se livrer aux investigations nécessaires pour exercer les nouvelles fonctions qui lui seraient confiées ; mais ici il n’en est pas de même.
Remarquez, du reste, qu’indépendamment de l’allocation portée pour les frais de route des employés de l’administration centrale, il y en a d’autres pour les autres fonctionnaires. Il y en a pour le personnel des ponts et chaussées, et à chaque littera concernant le chemin de fer. D’après ces considérations, si on ne donne pas d’autres preuves de la nécessité de l’augmentation demandée, je serai force de voter contre.
M. Liedts, rapporteur. - Comme l’a dit l’honorable préopinant, l’augmentation de deux mille fr. avait été mal accueillie par les sections. Il semble, en effet, au premier abord que depuis que le chemin de fer est sur le point d’être achevé, les frais de route doivent être moindres qu’avant son établissement. Cependant la section centrale, après mûr examen, a cru devoir allouer la faible augmentation de 2,000 fr. Je ferai remarquer que le principal motif sur lequel s’appuient les membres qui y sont opposés, est que le chiffre de 6 mille fr. a suffi jusqu’ici. On se trompe ; il n’a suffit que fictivement. En effet, le complément des frais de route et de séjour a été imputé sur les dépenses imprévues, de sorte qu’en réalité, il n’y a pas de majoration, pour ces frais de route, mais seulement une imputation plus régulière, plus légale. Quant aux motifs qui ont déterminé la section centrale à admettre l’augmentation, ce sont ceux-ci : D’abord, elle n’a pas trouvé que la somme demandée fût disproportionnée comparativement à celles que les chambres ont accordées aux autres ministères. Le ministre de l’intérieur a quatre mille francs de frais de route et de séjour. Or, vous avouerez que si des frais de route sont nécessaires, c’est surtout au ministre des travaux publics. Il est même évident que ce ministre a plus à contrôler et à voir par lui-même que tous les autres ministres ensemble. Hors des cas imprévus, je ne comprends pas la nécessité des voyages pour les autres ministres ; quant à celui des travaux publics, qui a à visiter le travail de ses ingénieurs, ses voyages sont d’une haute utilité pour le pays. Vous ne devez pas craindre qu’un ministre abuse des frais de voyage qu’on lui alloue. Le prédécesseur du ministre actuel a fixé les frais de route à un taux si modéré qu’il est impossible que, même en voyageant par le chemin de fer, il puisse faire ses frais sans y mettre du sien. Je ne pense pas qu’un ministre puisse se loger, n’importe dans quelle ville, sans ajouter à ce que lui alloue l’Etat pour frais de séjour. Vous ne devez donc pas craindre qu’un ministre abuse de l’indemnité allouée pour frais de voyage. Le second motif, c’est l’utilité, l’économie, qui doit résulter pour le pays de la plus grande surveillance que pourra exercer le ministre. Quand un travail n’est pas exécuté comme l’avait entendu la législature, et comme le désirait le ministre, arrivent les critiques ; on lui demande pourquoi il n’a pas surveillé l’exécution, pourquoi il ne s’est pas transporté sur les lieux ; vous lui ôterez ce moyen d’excuse en lui donnant les moyens nécessaires.
On allègue l’exemple de la France ; on dit que si là cet exemple était suivi, il serait impossible à un ministre de s’occuper des affaires de ses bureaux. Mais tout le monde sait qu’il n’y a pas de pays où les travaux publics soient exécutés plus mal et plus chèrement qu’en France, parce qu’il est impossible qu’un ministre voie les travaux par lui-même. Ce n’est donc pas un motif pour suivre l’exemple de la France. Nous aurons à exécuter, cette année, le canal de la Campine et beaucoup de travaux dans le Luxembourg. Je crois qu’il y aura économie pour le trésor public à mettre le ministre en état de visiter de temps en temps les travaux d’utilité générale. Je le répète, vous n’avez pas à craindre qu’on abuse du crédit.
M. Orts. - J’ai une explication à demander à l’honorable rapporteur. Il donne pour motif de l’augmentation de 2,000 fr. que les frais de séjour des années antérieures étaient compris dans le chapitre des dépenses imprévues. Mais alors ce chapitre devrait être diminué de 2,000 fr. ; or, je vois qu’il a le même chiffre qu’au budget de l’exercice 1842. Je ne comprends pas dès lors l’augmentation de 2,000 fr. à l’article en discussion.
M. Liedts, rapporteur. - L’honorable préopinant fait à juste titre l’observation que, pour être logique, il faudrait réduire de 2,000 fr. le chapitre des dépenses imprévues. On pourrait tirer cette conclusion de ce que le ministre a dit à la section centrale ; voici, en effet, ce qu’il lui a dit :
« M. le ministre ayant été prévenu que ses réponses n’avaient pas satisfait la section centrale, a fait connaître, par une nouvelle dépêche du 21 décembre, que la demande d’une augmentation de fr. 2,000 n’avait eu lieu que parce que la cour des comptes est d’avis qu’il est plus régulier de majorer le chiffre de cette allocation, de manière à ne pas le dépasser, que de provoquer la liquidation du déficit éventuel sur le chapitre des dépenses imprévues. Il est à remarquer (dit encore le ministre) que cette allocation est très utile et même nécessaire dans l’intérêt de la bonne exécution et de l’économie des grands travaux d’utilité publique, tels que les routes, les canaux, les ponts, les chemins de fer, etc. »
Vous voyez donc que l’honorable ministre ne proposait, pour ainsi dire, qu’un transfert d’un article à un autre. Cependant, pour ma part, je n’attache aucune importance à ce que le chapitre des dépenses imprévues subisse une réduction. L’objet de cet article est tellement éventuel, qu’il importe peu qu’il y ait sur son chiffre augmentation ou réduction.
- L’art. 5 est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 8,000 fr.
La chambre passe au chap. Il.
« Art. 1er . A. Entretien des routes, d’après les baux existants et ceux à intervenir pour 1843 : fr. 1,675,826
« B. Salaire des préposés aux ponts à bascule : fr. 29,820
« C. Etude de projets, frais de levée de plans, achat et réparation d’instruments, matériel et impressions du service actif : fr. 20,000 »
« D. Travaux d’amélioration, réparations extraordinaires et constructions de routes nouvelles : fr. 874,354 »
« Ensemble : fr. 2,600,000 »
M. de Renesse. - Messieurs, d’après les nouveaux développements joints au budget des travaux publics, il paraît que, depuis une couple d’années, la somme à allouer pour travaux d’amélioration et construction de routes nouvelles, a suivi une progression décroissante. En 1841, le budget portait une somme de 1,000,000 de fr. ; en 1842, cette allocation n’émit plus que de fr. 974,568, pour 1843, le chiffre de fr. 874,354 est seulement pétitionné, et à peine, sur cette dernière somme, celle de 600,000 fr. pourrait-elle être destinée pour constructions de routes nouvelles, à cause des engagements déjà pris, par le département des travaux publics sur des exercices antérieurs. Cette diminution de crédit provient en partie de ce que les frais d’entretien ordinaire augmentent chaque année, par suite de la mise à l’entretien d’un certain nombre de routes nouvelles, livrées à la circulation, tandis que, d’un autre côté, les produits des barrières ne donnent plus une si forte augmentation à cause de la diminution assez notable dans les revenus de plusieurs grandes routes, autrefois d’un grand rapport, mais qui se trouvent être actuellement parallèles au chemin de fer.
Depuis notre régénération politique, une grande impulsion a été donnée à l’amélioration et aux constructions de routes ; d’après le rapport de M. le ministre des travaux publics, le nombre de lieues de routes existant avant la révolution a été augmenté de 144 lieues de routes de l’Etat, de 152 lieues de routes provinciales, et de 81 lieues de routes concédées, ou, en totalité, de 377 lieues, en y comprenant environ 11 lieues de routes dans les parties cédées du Limbourg et du Luxembourg. Dans les provinces, les conseils provinciaux s’étaient associés aux efforts du gouvernement ; ils votèrent, principalement en 1837, des ressources financières, et posèrent une série de communications, dont l’utilité était reconnue et l’exécution vivement réclamée ; il résulte des tableaux annexés aux délibérations de ces conseils provinciaux et renseignés au rapport sur les routes présenté aux chambres dans la séance du 4 mai 1838, que l’on a proposé 212 routes, savoir :
Dans la province d’Anvers, 7
Dans la province de Brabant, 17
Dans la province de la Flandre occidentale, 17
Dans la province de la Flandre orientale, 11
Dans la province du Hainaut, 51
Dans la province de Liége, 22
Dans la province du Limbourg, 32
Dans la province du Luxembourg, 29
Dans la province de Namur, 26
Total, 212
La dépense de ces constructions avait été évaluée approximativement à la somme de 48,000,000 de fr., et d’après la valeur actuelle des terres, elle pourrait être portée, sans exagération à soixante millions ; mais beaucoup de ces routes ne seront probablement pas exécutées de longtemps ; elles ont été proposées par les conseils provinciaux, parce que toutes les localités voulaient obtenir leur part dans la distribution des routes. Déjà, par le concours de l’Etat, au moyen des crédits de six et deux millions votés par les lois des 2 mai 1836 et 1er juin 1838, par l’excédant disponible sur les produits des barrières et des sommes fournies par les communes et particuliers, des travaux considérables ont été exécutés en peu d’années ; des routes d’une grande importance ont été commencées et achevées, et des contrées entières ont été tirées de l’isolement où elles se trouvaient placées.
D’après les renseignements que M. le ministre des travaux publics a consignés dans la note sur le budget de son département, il paraît que la somme disponible pour travaux neufs doit devenir moindre d’année en année, et l’impulsion, qui a été jusqu’ici, au développement de nos voies de communication par terre, ne pourra être maintenue, à moins de mettre à la disposition de l’administration des travaux publics des ressources nouvelles.
Deux moyens sont indiqués par M. le ministre pour parvenir à cette fin. Ouvrir au gouvernement un troisième crédit extraordinaire ou porter le chiffre affecté au service ordinaire des routes à une somme de fr. 3,000,000 au lieu de celle de fr. 2,600,000. L’on pourrait en outre indiquer une autre ressource très importante, ce serait d’appliquer à la construction des routes, une partie des capitaux qui proviendraient de la vente des domaines. Ces biens nationaux ne produisent, dans leur état actuel, qu’un faible intérêt, et coûtent des frais d’administration assez notables, tandis que partout où des routes, des communications ont été établies, les terres ont augmenté de valeur ; de nouvelles constructions ont été faites, les transactions commerciales y ont été plus nombreuses, et indirectement les revenus du trésor ont subi une forte augmentation.
Il serait aussi à désirer, afin que les frais de construction de routes ne soient plus uniquement une charge de l’Etat, des provinces et des communes, qu’une disposition soit prise pour faire intervenir les propriétés intéressées pour une certaine part dans ces constructions. Il est à regretter que le principe du concours n’ait pas été stipulé dès le moment où le gouvernement a commencé à entreprendre les grands travaux qui ont été décrétés depuis 1830 ; des sommes considérables eussent été épargnées par l’Etat, et les parties de provinces, qui jusqu’ici n’ont eu aucun bénéfice, soit de la voie ferrée ou d’autres constructions d’utilité publique, ne seraient pas obligées d’intervenir dans, les charges extraordinaires pour le paiement des intérêts et de l’amortissement des capitaux qui, actuellement, ont été dépensés, et ne l’eussent pas été par le trésor, si le gouvernement avait proposé le principe de concours pour tous les travaux qui, particulièrement, étaient destinés à donner une plus grande valeur aux propriétés qu’ils traversaient, et des avantages marquants aux localités où ils s’exécutaient.
Puisque les sommes provenant des routes forment un fonds spécial et sont destinées à être réappliquées aux communications par terre, il me semble qu’il y aurait lieu d’employer l’excédant disponible du produit des barrières pour créer des ressources nouvelles, en empruntant le capital nécessaire, au fur et à mesure des besoins, pour la part contributive de l’Etat dans les fonds qui sont réclamés pour construction de routes dans les parties de provinces qui, jusqu’ici, n’ont pas été favorisées sous le rapport des travaux publics. Plusieurs de ces routes peuvent d’ailleurs considérées comme des affluents du chemin de fer ; elles augmenteraient ses produits en facilitant l’accès de beaucoup de localités à la voie fermée, où elles ne peuvent parvenir actuellement, faute de bonnes communications.
Les besoins de communication vivement réclamées par des parties de province qui n’ont aucun avantage du chemin de fer sont encore assez considérables ; d’après M. le ministre des travaux publics, il faudrait, pour les routes dont l’exécution est décrétée, celles du Luxembourg non comprises, une somme de 2,000,000 de fr., et pour celles en instruction, dont la construction est réclamée avec instance, une somme de 5,000,000 de fr, en tout 7,000,000 de fr.
Si ces rentrées doivent se faire avec les ressources ordinaires, toujours décroissantes, il est plus que probable qu’elles ne pourront être exécutées qu’en 12 à 15 années. Ce terme, pour un grand nombre de localités, serait fort long, si elles devaient encore, pendant ce temps, rester dans leur isolement actuel, tandis que d’autres parties du pays ont été singulièrement favorisées, non seulement par le chemin de fer, mais aussi par d’autres travaux publics.
Déjà, depuis plusieurs années, j’ai désigné au département des travaux publics des routes qui, dans la province, et particulièrement dans le district que j’ai l’honneur de représenter, sont considérées être d’une grande utilité et nécessaires à des localités qui ne cessent de réclamer, d’obtenir à leur tour une part équitable dans les sommes dépensées chaque année pour les constructions d’utilité publique.
En saisissant l’occasion de la discussion du budget des travaux publics, pour rappeler à M. le ministre les besoins d’un arrondissement qui, par l’exécution du traité du 19 avril 1839, a perdu une forte partie de sa population, de ses ressources et presque toutes ses anciennes relations de commerce, sans avoir été avantagé sous le rapport des travaux publics, comparativement à d’autres parties de la province, j’ose espérer, que je ne réclamerai plus en vain auprès du gouvernement, et qu’il aura surtout plus de sollicitude pour toute une contrée de la vallée du Geer, dans laquelle l’Etat n’a jamais dépensé un centime pour travaux publics, qui a vivement sollicité depuis plusieurs années une route de Tongres à Visé, prise en considération et appuyée par le conseil provincial, et reconnue, à plusieurs reprises par ce conseil, être d’une grande utilité, pour mettre la province de Limbourg en relation directe avec les différents marchés du district de Verviers, les houillères d’Oupaye de la province de Liége, et pour faciliter à une population très industrielle l’accès au chef-lieu de son arrondissement judiciaire et administratif, à celui de la province et au chemin de fer de Saint-Trond. Sous ce dernier rapport surtout, cette route doit être considérée comme un affluent important de la voie ferrée, puisque chaque semaine de nombreux ouvriers se rendent de cette contrée à Bruxelles, pour y travailler dans les fabriques de chapeaux de paille, établies depuis plusieurs années dans la capitale ; il y a, en outre, un grand mouvement de marchandises fabriquées dans cette partie des provinces du Limbourg et de Liège, qui sont expédiées tant vers l’intérieur du royaume que vers l’étranger ; les communes qui s’occupent de l’intéressante industrie des chapeaux de paille, et dont on voit ici les beaux dépôts et magasins dans la rue de la Madeleine, ont des relations continuelles avec l’Allemagne, la France, la Hollande, etc. et emploient plusieurs milliers d’ouvriers ; aussi, depuis que leur commerce a pris un plus grand développement, cette route leur est devenue indispensable ; car, actuellement, une grande partie de l’année, leurs communications sont impraticables, tous les transports de marchandises doivent se faire à dos d’homme et de cheval.
Les habitants de cette contrée ne viennent réclamer d’autres faveurs au gouvernement, pour leur industrie, que l’établissement d’une route qui leur donnerait un accès facile vers leur chef-lieu d’arrondissement et vers le chemin de fer, et comme jusqu’ici l’Etat n’a rien fait pour cette population industrieuse, j’espère que sa demande sera favorablement accueillie par le gouvernement et qu’il y sera fait droit le plus tôt possible.
- M. de Behr, vice-président, remplace M. Raikem au fauteuil.
M. Huveners. - L’année dernière, lors de la discussion du budget des travaux publics, je me plaignais amèrement de l’état d’abandon dans lequel on laissait le district de Maeseyck ; je m’étendais longuement sur ses besoins de voies de communication ; je démontrais l’utilité et la nécessité d’une route qui relierait deux cantons au chef-lieu de l’arrondissement ; je faisais valoir les différents titres de ce district à cette faveur ; enfin je disais que là où l’on n’avait pas encore construit un mètre de route depuis la révolution, la justice distributive exige impérieusement de faire aussi quelque chose.
Le gouvernement paraît avoir compris et reconnu les droits incontestables du district de Maeseyck en ouvrant une enquête sur le projet d’une route généralement réclamée, celle de Hechtel, par Peer et Brée, à Maeseyck. Mais l’enquête est terminée, toutes les formalités sont remplies depuis plus de quatre mois et, quoique la commission d’enquête ait purement et simplement adopté le projet du gouvernement, cette route n’est pas encore décrétée ! Je demanderais donc à M. le ministre des travaux publics, quelles sont les intentions du gouvernement relativement à la route de Bechtel par Peer et Brée à Maeseyck.
M. Lange. - Depuis plusieurs années le conseil provincial du Hainaut appelle l’attention du ministre des travaux publics sur la classification des routes.
Lors de la discussion du budget de 1842, je rappelai que le congrès national, le 6 mars 1831, décréta qu’une loi déterminerait définitivement la classification des routes. Une loi postérieure de 1833, comme le décret du congrès national, faisait une obligation expresse au gouvernement de présenter aux chambres un projet de loi à cet égard. En effet, on lit dans l’art. 4 de cette loi :
« Une loi déterminera ultérieurement la classification des routes. »
En 1838, lors de la discussion du nouveau projet de loi relatif à la taxe de barrières, M. le ministre des travaux publics, qui était alors l’honorable M. Nothomb, convint avec la commission spéciale chargée de l’examen de ce projet, que la classification des routes doit faire l’objet d’une loi spéciale, indépendante qu’elle est de la taxe qui se trouve uniforme sur toutes les routes, quelle que soit la classe à laquelle elles appartiennent.
M. le ministre disait, il est vrai : « Ce travail, fort important en lui-même, n’est pas encore arrivé à un degré de maturité tel qu’il soit possible d’espérer qu’il puisse être soumis à la législature pendant le courant de cette session. » C’était la session de 1838 à 1839.
Trois années s’étant écoulées sans présentation aucune d’un projet de loi, j’en fis l’objet d’une réclamation dans un discours que j’eus l’honneur de prononcer dans votre séance du 21 février 1842. A ce discours, M. le ministre actuel des travaux publics me répondit : « La chambre comprendra que la classification des routes n’ayant jamais été déclarée urgente, je n’ai pu m’en occuper, vu le peu de temps que j’ai l’honneur d’être au ministère des travaux publics, où j’ai beaucoup d’autres occupations de toute espèce. Je porterai mon attention sur cet objet le plus tôt possible. »
J’aime à croire que, depuis un an, M. le ministre des travaux publics aura eu le temps de présenter un projet de loi depuis si longtemps attendu, projet de loi qui, en conciliant tous les intérêts, doit faire la juste part de chacun, selon son droit, dans la répartition des fonds destinés à l’entretien, à l’amélioration et à la construction de routes pavées et empierrées.
M. Mercier. - Messieurs, le conseil provincial de la province a voté une adresse à la chambre pour réclamer la construction de la route de Bruxelles à Huy, par Wavre et Perwez. Différentes pétitions ont été aussi adressées à la chambre pour le même objet par les villes de Wavre et de Perwez. Ces pétitions ont été renvoyées à M. le ministre des travaux publics ; je désirerais savoir quelle détermination a été prise à cet égard.
A cette occasion, je prie M. le ministre des travaux publics de ne pas perdre de vue que l’arrondissement de la province du Brabant, qui est particulièrement intéressé à la construction de cette route, a jusqu’ici presque entièrement été laissé dans l’oubli par le département des travaux publics et que le gouvernement n’a pas observé à son égard les règles de la justice distributive. La partie qu’il a obtenue dans la répartition des crédits de 6 et de 2 millions votés pour la construction des routes pavées, ainsi que dans l’excédant du produit des barrières, n’est en rapport ni avec la population, ni avec son étendue, ni avec ses besoins, ni surtout avec sa participation aux charges publiques,
Je rappellerai, en outre, que le gouvernement et les chambres ont jugé qu’il était équitable d’accorder quelques dédommagements aux parties du royaume qui ne sont pas traversées par le chemin de fer et ne jouissent pas directement des avantages de cette voie de communication. Le Luxembourg a obtenu deux millions pour la construction de nouvelles routes, et la Campine une somme à peu près semblable pour l’établissement d’un canal. L’arrondissement dont je parle est précisément dans cette position : non seulement il n’est touché par le chemin de fer que sur un point extrême, mais même la création de cette voie lui fait un tort considérable ; une quantité de voyageurs et de transports qui auparavant le traversaient et y séjournaient, en sont déjà en partie détournés et le seront encore davantage lorsque le chemin de fer de Bruxelles à Namur sera terminé.
J’appelle donc l’attention toute particulière de M. le ministre des travaux public sur la construction de la route de Bruxelles à Huy ; et, en second lieu, je demande qu’après avoir fait les investigations nécessaires, et reconnu le tort fait à un arrondissement qui a été trop longtemps laissé dans l’oubli, il lui fasse une application rigoureuse des règles de la justice distributive dans la répartition des subsides accordés pour les travaux publics.
M. Rodenbach. - Messieurs, il a été décidé qu’une route pavée se ferait entre Dixmude et Roulers. Cette route me paraît d’une grande importance ; elle doit amener à Courtrai grand nombre de voyageurs pour le chemin de fer ; elle doit aussi être un débouché pour les céréales du Furn-Ambac, ce qui peut influer sur le bon marché des grains dans la capitale.
Messieurs, les fonds pour cette route sont faits ; il est décidé qu’elle sera construite ; mais je désirerais savoir de M. le ministre des travaux publics pourquoi elle n’est pas décrétée, quels sont les obstacles qui en empêchent la prompte exécution.
Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour dire à la chambre qu’il m’est arrivé des plaintes des riverains de la Lys. Ils se plaignent que quand il pleut pendant trois fois vingt-quatre heures, ils sont inondés par suite des eaux qui arrivent de France. Depuis les travaux qui ont été exécutés dans ce dernier pays, il arrive deux fois autant d’eau que précédemment ; il suffit même de vingt-quatre heures de grandes pluies pour qu’il y ait inondation. Il paraît que l’on a construit des écluses de chasse à Commines, mais qu’elles sont tout à fait inutiles tant qu’on n’en construit pas également à Menin. Je désirerais que M. le ministre nous dît pourquoi ces derniers travaux ne se font pas. Les riverains se plaignent avec raison, car les inondations, outre qu’elles interrompent la navigation, font un tort immense aux lins qui se trouvent sur les bords de la rivière.
M. de Garcia. - Messieurs, je ne pensais pas prendre la parole à l’occasion de l’article en discussion ; mais l’exemple donné par quelques-uns de mes honorables collègues m’oblige à rompre le silence. Si je ne vous signalais pas une localité de la province de Namur qui est privée de toute communication on pourrait penser que les routes qui vous ont été signalées par divers membres doivent avoir la préférence sur toutes les autres.
Messieurs, il est un vaste plateau de la province de Namur vers le Luxembourg qui se trouve absolument dans la même situation que cette dernière province, pour laquelle vous avez voté un subside extraordinaire de 2 millions. Cette partie de la province de Namur ne jouit d’aucune communication, elle ne peut même, par un chemin empierré, arriver à la station du chemin de fer à Namur qui sera la station naturellement de cette contrée. Vous concevez, messieurs, que quand une localité paie les charges publiques, contribue autant que toutes les autres localités aux charges destinées à relier les grands centres du pays, ou devrait au moins lui donner des routes empierrées.
Le conseil provincial de Namur a décrété toutes les routes que ses finances lui permettaient de faire, et, à cet égard, elle a fait des sacrifices énormes. Elle décréta, entre autres, une partie de la route dont je vais parler et qui a besoin d’être prolongée : c’est une route d’Andenne vers Durbuy. Cette route, dans une direction parallèle à celle de Namur à Luxembourg, et à quatre lieues environ de cette dernière, doit servir à amener les habitants du vaste plateau situé entre la Meuse et l’Ourthe à la station de Namur, centre de province, qui a été constamment dépouillé de ses affaires commerciales par les nouvelles routes faites depuis quelques années.
La route à laquelle je fais allusion, dans la direction d’Andenne vers Durbuy, a été construite par la province jusqu’à Havelange ; pour parachever cette voie de communication jusqu’à la rivière de l’Ourthe, il reste à continuer une route de deux à trois lieues. Le gouvernement a déjà fait opérer les études de cette communication destinée à ouvrir à cette contrée les débouchés utiles et nécessaires dont elle a été privée jusqu’à ce jour. Je me bornerai pour le moment à attirer l’attention de M. le ministre sur ce prolongement qui est de première nécessité, et qui doit servir d’affluent au chemin de fer, à la station de Namur.
Je n’ai pas voulu, en gardant le silence à cet égard, que l’on crût que les autres routes dont il vous a été parlé, dussent passer avant celle-là. Du reste, je m’en rapporte à l’équité et à la justice du gouvernement pour faire les routes les plus nécessaires et les plus utiles, et j’ai la plus grande confiance qu’il comprendra dans cette catégorie celle que je viens de lui signaler.
M. de Theux. - Je ne viens pas réclamer la priorité pour telle ou telle route de l’arrondissement que je représente. J’imiterai l’exemple donné par le conseil provincial du Limbourg, qui a indiqué au gouvernement les besoins de la province en général, et s’en est rapporté à l’équité du gouvernement.
Mais j’insisterai aussi sur la nécessité de maintenir le fonds des routes, de telle manière que les travaux ne se ralentissent pas. Il est d’autant plus nécessaire de continuer l’impulsion donnée à la construction des grandes routes, que c’est le seul moyen d’amener bientôt l’exécution des principaux chemins vicinaux. Car nécessairement l’exécution des chemins vicinaux est plus ou moins subordonnée à celle des grandes routes ; il est donc à désirer que le système de celles-ci soit amélioré dans le plus bref délai possible, pour qu’alors on s’occupe avec d’autant plus d’activité des chemins vicinaux.
Il ne serait d’ailleurs pas juste que le fonds des routes vînt à souffrir de la construction des chemins de fer. Cependant il paraît que tel est l’état des choses : le fonds des routes est diminué depuis l’exécution des chemins de fer. Il faut donc que le gouvernement avise au moyen de suppléer à ce déficit, et je pense que lorsque nous serons parvenus à remettre nos finances en meilleur état, M. le ministre pourra proposer, sans difficulté, une augmentation de 100 à 200 mille francs sur le fonds de construction des routes. Je ne crois pas que cette légère augmentation soit refusée par la chambre.
Il y a un autre moyen qui a été indiqué par M. le ministre dans les développements à l’appui de son budget ; c’est l’intervention des propriétés pour une quotité quelconque de la dépense des routes.
Il est regrettable que ce système, qui a été appliqué au canal de Zelzaete, et qu’on veut appliquer au canal de la Campine, n’ait pas été appliqué aux routes ; alors tout le pays eût été dans la même position, eût profité des mêmes avantages, eût supporté les mêmes charges.
Quoi qu’il en soit, cette idée mérite d’être méditée. Il y aurait peut-être moyen de l’appliquer de manière à faire intervenir les propriétaires pour une portion minime, telle qu’un dixième de la dépense. Cette charge ne serait pas exorbitante, et l’on pourrait ainsi compléter promptement notre système de routes.
Je me réfère, quant au reste, aux observations qui ont déjà été présentées.
M. Desmet. - Je ne comptais pas prendre la parole ; je ne l’aurais pas prise si l’on n’avait pas éveillé l’attention de la chambre sur l’objet maintenant en discussion. Il est à désirer que les fonds affectés aux travaux publics soient répartis dans tout le pays. S’il en était ainsi pour le chemin de fer, ce serait pour le mieux. Malheureusement, je vois que c’est tout le contraire. Comme nous avons considérablement perdu par la construction du chemin de fer, quoique nous ayons largement contribué à cette dépense, nous devons élever la voix pour obtenir de nouvelles voies de communication. S’il est un district qui a perdu par le chemin de fer, c’est assurément celui que je représente ; il y a perdu beaucoup d’avantages, et cependant il a dû contribuer dans les nombreux millions que coûte le chemin de fer ; car il est évident qu’un district qui paye autant en contribution foncière et en autres impôts, doit contribuer pour une somme considérable à la dépense du chemin de fer.
Je dirai avec l’honorable M. de Theux, qu’il faut aviser à ce que les autres voies de communication (les routes pavées et les canaux) ne soient pas sacrifiées au chemin de fer, parce que l’industrie et la prospérité du pays ne dépendent pas uniquement de là. Mon district voyant qu’il n’y avait pas moyen d’obtenir quelque chose, avait fait le projet d’une voie navigable par concession. Il résulte du rapport de l’inspecteur divisionnaire Vifquain qu’il est opposé à ce projet. Cependant il était non seulement dans l’intérêt du district d’Alost, mais encore dans l’intérêt de 3 provinces : le Hainaut, le Brabant et la Flandre orientale. J’ai donc vu avec autant de surprise que de regret que cette voie navigable, dont certainement on ne peut mettre en doute la grande utilité ait été si mal jugée par M. l’inspecteur Vifquain, et je me plais à croire que M. le ministre ne partage pas l’opinion de l’auteur du rapport.
Non seulement nous avons perdu par le chemin de fer, mais encore, on néglige nos routes. Il est vrai que la route de Bruxelles à Alost a été réparée, mais elle ne l’a pas été suffisamment. Je demanderai que M. le ministre veuille bien s’en occuper, afin qu’elle soit mise dans un état praticable, et qu’au moins nous puissions, avec une certaine commodité, communiquer avec la capitale. Je le dis encore, on a commencé la réparation de cette route l’an dernier, mais on devra reconnaître qu’elle est insuffisante.
Je le répète, en terminant, il ne faut pas que les routes et les canaux soient sacrifiés au chemin de fer.
M. Peeters, - J’aurais pu également m’abstenir de prendre la parole dans cette discussion. J’ai déjà prouvé, par des chiffres que personne n’a contestés, combien la province d’Anvers est inférieure aux autres provinces, par rapport aux routes. Je n’aurais pas pris la parole, si cette province ne se trouvait en ce moment dans une position tout à fait extraordinaire. Le gouvernement a l’habitude de concourir pour un tiers, ou au moins pour un quart, aux dépenses des travaux publics que les provinces veulent entreprendre à leur charge. La province d’Anvers, qui a dépensé près d’un million pour la canalisation de la Petite-Nèthe, sans subside de l’Etat, mérite toute l’attention du gouvernement ; elle est actuellement privée de toutes ressources pour constructions nouvelles ; elle ne peut même exécuter les travaux d’absolue nécessité, si le gouvernement ne vient à son secours.
Je pense donc que le gouvernement, pour être juste à son égard, devrait décréter la construction de quelques routes à charge de l’Etat dans cette province. J’aurai l’honneur de lui rappeler principalement la route de Turnhout vers Tilbourg dont vous a entretenus hier mon honorable ami M. de Nef, ainsi qu’un embranchement de la route de Turnhout à Diest vers les importantes communes de Moll et de Meerhout, d’une population d’environ 10,000 habitants, et privées de tout bon moyen de communication.
Il est à remarquer ici que la canalisation de la Petite-Nèthe, qui a coûté un million à la province, rapporte à l’Etat, qui n’a rien dépensé à ce sujet, environ 5 p. c. du capital employé. Car, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire remarquer dans une autre discussion, le bureau d’enregistrement de Gheel et Herenthals, qui ne rapportait en 1836, que soixante mille francs environ, a rapporté, en 1841, 103,000 fr.
On ne pourrait citer une autre province en Belgique qui ait dépensé un million pour les voies navigables, et sans subside de l’Etat. J’engage donc le gouvernement à prendre ces observations en mûre considération. Je crois qu’il serait juste qu’il mît à la disposition de la province au moins le tiers de la dépense de la canalisation de la Petite-Nèthe, dont la construction, quoi qu’on en dise, a eu une influence si favorable sur les revenus de l’Etat.
L’honorable M. Lange nous a parlé, à plusieurs reprises, de la classification des routes. Je ne sais si j’ai très bien compris ce que l’honorable membre entend par là ; mais s’il entend ce que les états provinciaux du Hainaut ont fait comprendre par une brochure envoyée à la chambre, que l’excédant du produit des barrières doit être appliqué dans la province d’où il provient, je m’y opposerais de toutes mes forces ; car ainsi les provinces riches s’enrichiraient toujours davantage, et celles qui n’ont rien n’auraient jamais rien. Je ferai observer d’ailleurs que les droits de barrières seront payés par le consommateur. C’est nous qui avons besoin de la bouille, du fer, des pierres et de la chaux du Hainaut, qui payons les droits de barrières. Si l’on applique à cette province l’excédant du produit de ses barrières, bientôt elle n’offrira plus de place pour de nouvelles chaussées ; car dès 1831, il y avait déjà dans cette province 99 lieues de routes, tandis qu’il n’y en avait que 36 lieues dans la province d’Anvers ; province cependant, bien importante et qui contribue pour un large part dans les ressources de l’Etat, comme j’ai eu l’honneur de vous le prouver dans d’autres occasions par des chiffres authentiques et non contestés.
J’engage M. le ministre à prendre en mûre considération mes observations relatives à la province d’Anvers, et je le prierai de me donner sur ce point quelques paroles de consolation.
M. Lange (pour un fait personnel). - L’honorable préopinant vient de m’interpeller sur la question de savoir ce que j’entends par la classification des routes. J’entends par là l’exécution d’une loi qui a été décrétée par le congrès, sanctionnée, si besoin était, par une loi postérieure de 1833, et reconnue formellement par le cabinet en 1838. Quant au sort et à l’étendue que cette loi peut avoir, j’engage fortement mon honorable collègue à consulter la discussion à laquelle elle a donné lieu.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, chaque année, à l’occasion de la discussion du budget des travaux publics, il s’élève dans cette enceinte des réclamations nombreuses en faveur de la construction de routes nouvelles ; ces réclamations ne sont, du reste, que l’écho des demandes faites par les conseils provinciaux. Cela prouve évidemment qu’il y a encore de grands besoins à satisfaire sous ce rapport.
Cependant deux faits fâcheux sont signalés dans les nouveaux développements à l’appui du budget des travaux publics ; il paraît démontré que, d’une part, les frais d’entretien des routes augmentent chaque année, et que, d’une autre part, les revenus des barrières, s’ils ne diminuent pas, restent au moins stationnaires. Si cela continue, et si l’on veut, comme on le voudra sans doute, continuer à construire des routes nouvelles, il faudra nécessairement aviser aux moyens de mettre la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour faire face à cette construction. Il est espérer cependant que les faits dont je viens de parler ne se perpétueront pas, qu’il n’y aura pas toujours décroissance de revenus d’un côte, augmentation de frais, de l’autre. En effet, le chemin de fer peut fort bien être une cause de diminution pour le produit des barrières sur les routes qui lui sont parallèles, mais, d’un autre côté, il doit exercer une influence avantageuse sur ses affluents ; le mouvement de personnes et de choses, que produit le chemin de fer, devant nécessairement réagir sur les routes qui y aboutissent.
Jusqu’en 1838 on avait espéré qu’il n’y aurait pas de diminution sur le produit des barrières, par suite de l’établissement du chemin de fer. M. le ministre des travaux publics, alors M. Nothomb, dans le rapport qu’il a fait à cette époque, exprimait l’espoir qu’il y aurait même une augmentation. Dans son rapport du 4 mai 1838, il se posait la question de savoir jusqu’à quel point le chemin de fer pouvait nuire au produit des barrières et voici comment il y répondait :
Il disait : « que les adjudications de la taxe des barrières avaient suivi depuis 1830 une marche presque constamment ascendante.
« On avait supposé, ajoutait-il, que cette progression était sur le point de se démentir, l’établissement du chemin de fer devant nécessairement réduire la circulation sur les routes parallèles à la nouvelle voie. Le mouvement général des hommes et des choses n’a fait qu’augmenter, et les routes ordinaires ont continué à y participer. Il y a eu perte sur quelques lignes parallèles, il y a eu augmentation sur l’ensemble, et c’est l’ensemble qu’il faut voir. »
Ces espérances, messieurs, ne se sont pas réalisées ; la progression qui existait alors ne s’est pas maintenue ; mais l’état actuel des choses subsistera-t-il ? Il est à espérer que non. D’abord les routes que l’on construit maintenant doivent nécessairement finir par rapporter des produits assez considérables en revenus des barrières ; ensuite, si nous examinons ce qui se passe dans d’autres pays, nous pouvons nous convaincre que dans ces pays l’établissement de vastes réseaux de chemins de fer n’a pas diminué les produits des barrières.
L’Angleterre nous offre à cet égard un exemple frappant : lorsque l’on a établi les premiers chemins de fer en Angleterre, on y avait deux espèces de craintes ; d’une part, l’on disait que l’un des grands inconvénients des chemins de fer, ce serait de rendre les chevaux en quelque sorte inutiles, et par conséquent de nuire aux industries qui en dépendent, et cette même idée a frappé les esprits dans tous les pays où l’on construit des chemins de fer. Eh bien, messieurs, en Angleterre le prix des chevaux a considérablement augmenté depuis qu’elle possède les voies ferrées qui couvrent son sol ; d’un autre côté, l’on craignait la diminution des produits des barrières, et sous ce rapport aussi l’on se trompait complètement, car les produits des barrières se sont considérablement accrus. Eh bien ! messieurs, ce qui se passe dans un pays où il y a de si vastes lignes de chemin de fer, doit nous faire espérer que notre railway à nous finira par être aussi une cause d’amélioration pour les produits de nos routes ordinaires. Cependant, si d’ici à quelques années nous reconnaissions qu’il n’en est pas ainsi, il faudrait nécessairement, je le répète, aviser au moyen de mettre à la disposition du gouvernement les sommes nécessaires pour donner à certaines parties si intéressantes du pays les communications qu’elles demandent et qui sont indispensables à leur prospérité.
J’appuie donc les observations de l’honorable M. de Theux à cet égard et je crois comme lui que la question de savoir, entre autres, si l’on n’appliquera pas aux routes à construire plus tard le système qui a été proposé relativement au canal de la Campine, est une de celles qui méritent de fixer notre attention.
M. Cools. - Messieurs, en répondant à une interpellation qui lui avait été faite au sujet du réendiguement des poldres situés au nord d’Anvers, M. le ministre a dit qu’il avait l’intention de s’entendre avec le ministre de la guerre sur les précautions à prendre pour la défense du fort Lillo. Je dois lui faire remarquer qu’une difficulté analogue se présente en ce qui concerne le fort de Liefkenshoek. Depuis plusieurs années on demande la construction d’une route qui doit aller de Calloo à Doel et qui sera construite en majeure partie aux frais des poldres ; les plans relatifs à cette route sont faits, ils ont été soumis à l’examen du corps du génie qui propose des modifications que les intéressés ne peuvent pas admettre, parce qu’ils s’en trouveraient lésés.
On correspond à cet égard depuis plus de dix ans, et l’on ne peut arriver à aucun résultat. Je demanderai à M. le ministre s’il ne pourrait pas suivre pour cette route la marche qu’il se propose d’adopter à l’égard du poldre de Lillo ; s’il ne lui semble pas que le meilleur moyen de terminer cette affaire au gré des localités intéressées ne serait pas de proposer également la nomination de deux commissaires, l’un par le département de la guerre et l’autre par celui des travaux publics, lesquels se mettraient en rapport avec les intéressés et proposeraient enfin une solution de commun accord.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, il est malheureusement vrai que la dépense de l’entretien des routes augmente dans une assez forte proportion chaque année. Il y a d’abord une partie de cette augmentation qui est toute naturelle, puisque chaque année aussi de nouvelles routes sont livrées à la circulation. Mais j’ai remarqué qu’il y a certaines routes parallèles au chemin de fer, à l’égard desquelles les adjudications de l’entretien présentaient une augmentation ; j’ai vu là une anomalie qui ne pouvait s’expliquer que par l’esprit de coalition qui anime probablement les entrepreneurs de cet entretien ; aussi j’ai appelé sur cette question des baux d’entretien, l’attention du conseil des ponts et chaussées, dont la session s’est ouverte avant-hier ; j’espère qu’il réussira à remédier à ce mal, et tout au moins s’il n’y a pas d’autre cause de ce mal, à trouver le moyen de combattre l’esprit de coalition, qui se manifeste à l’égard des adjudications de l’entretien des routes.
Quant aux barrières, messieurs, on remarque également que certaines barrières, sur des routes qui forment véritablement des affluents du chemin de fer, donnent lieu à des soumissions moins élevées qu’auparavant, tandis qu’il y a quelquefois augmentation pour des barrières situées sur des routes parallèles du chemin de fer. C’est encore là une anomalie à laquelle il faut nécessairement trouver un remède et sur laquelle j’ai également appelé l’attention du conseil des ponts et chaussées.
En présente de ces deux faits il devient fort difficile au département des travaux publics de subvenir, au moyen de l’allocation portée au budget, aux besoins réels et pressants qui se font sentir relativement à la construction de routes nouvelles dans diverses provinces du royaume, et je ne m’étonne pas des réclamations qui sont parties des différents bancs de la chambre en ce qui concerne cet objet.
Ou a demandé, messieurs, dans la province de Limbourg l’exécution d’une route de Tongres à Visé par Roclange ; l’exécution d’une route de Hechtel à Maeseyck et d’une autre route de Herck-la-Ville Ville à St.-Trond.
En ce qui concerne la première de ces routes, qui serait effectivement très utile à une industrie créée depuis quelques années dans le Limbourg, le projet en a été soumis à l’autorisation provinciale qui ne s’est pas encore prononcée.
Quant à la route de Hechtel à Maeseyck, la première section, de Hechtel à Peer, sera mise en adjudication sous peu de temps. Enfin, messieurs, pour ce qui est de la route de Herck-la-Ville à St-Trond, je dois faire connaître à la chambre que je n’ai pas encore pu lever entièrement les difficultés stratégiques qu’y a opposées le département de la guerre ; cependant j’ai déjà fait de grands progrès sous ce rapport, et je ne désespère pas de les lever entièrement avant peu.
Quant à la province de Brabant, jamais elle n’a été perdue de vue dans les répartitions qui ont été faites du crédit des routes ; mais la province de Brabant n’ayant pu réaliser jusqu’ici en tout ou en partie l’emprunt qu’elle avait décrété pour la construction de routes, n’a pas pu faite usage des sommes qui avaient été mises à sa disposition.
La route de Bruxelles à Huy par Wavre a certainement un caractère de grande utilité, mais les études de cette route ne sont pas encore terminées.
L’honorable M. Rodenbach vous a entretenus de la route de Dixmude à Roulers.
Messieurs, la province a voté de très grandes sommes pour la construction de cette route. Mais des difficultés se sont élevées à l’égard du tracé, et déjà, l’année dernière, j’en ai entretenu la chambre. Je me suis rendu sur les lieux, pour aviser au moyen de lever ces difficultés. Je croyais même avoir réussi à faire disparaître ces obstacles.
A mon retour, j’ai envoyé tout le projet à l’administration provinciale, en lui demandant de vouloir entendre les communes et les propriétaires intéressés, pour savoir d’eux quelle était la proportion du concours qu’ils voulaient donner, à l’exécution d’un embranchement, sans lequel le tracé, qui était demandé par des nombreuses localités de la Flandre occidentale, ne pouvait pas être adopté sans faire tort aux domaines de l’Etat, qui possède dans ces localités des bois considérables. Je regrette de devoir dire que ce concours, qui m’avait été annoncé comme devant être fort efficace, s’est réduit en définitive à trop peu de chose pour qu’on puisse se décider à construire la route et l’embranchement. Cependant j’ai fait directement de nouvelles tentatives et j’ai l’espoir qu’avant peu de temps j’obtiendrai un concours plus sérieux de la part des propriétaires et des localités intéressés.
Messieurs, il serait à désirer qu’on pût, comme je l’ai dit tout à l’heure, faire participer toutes les provinces à la construction de nouvelles routes dans une proportion assez grande ; car, bien que depuis 1830 le pays ait été doté d’un très grand nombre de lieues de routes nouvelles, il éprouve encore sous ce rapport de très grands besoins sur tous les points de son territoire.
L’honorable M. Peeters m’a demandé si le département des travaux publics ne prendrait pas en considération l’état financier dans lequel se trouve la province d’Anvers par suite de la construction du canal de Herenthals, qu’elle a fait entièrement à ses frais. Il est vrai, messieurs, que la construction de ce canal a mis la province dans une espèce de détresse financière, et qu’il lui est dès lors difficile de concourir puissamment à l’exécution d’autres travaux publics.
Mais, messieurs, mes prédécesseurs et moi, nous avons pris en considération autant que possible l’état financier de la province d’Anvers, et ce qui le prouve, c’est que jusqu’ici, à l’égard des routes dont l’exécution est décrétée, la plupart des sections qui sont achevées ont été entièrement construites à l’aide des subsides de l’Etat.
Quant à la route de Turnhout à Tilbourg, je regrette de devoir dire de nouveau que je n’ai pas pu lever l’opposition que fait à la construction de cette route le département de la guerre. Cette route se trouvant dans la direction de la Hollande, a été jugée comme pouvant nuire à la défense du pays. Cependant je me propose de faire une nouvelle démarche à cet égard auprès du département de la guerre.
En ce qui touche la route de Calloo à Doel, elle serait certainement très utile et aux localités qu’elle est destinée à traverser, et au pays tout entier. Mais encore une fois, il y a eu ici des obstacles de la part du département de la guerre. Je croyais, l’année dernière, avoir réussi à lever ces obstacles, parce que j’avais obtenu du département de la guerre son consentement, moyennant quelques modifications au tracé de cette route ; mais quand j’ai fait connaître ces modifications aux localités et aux propriétaires intéressés, ils ont cessé de vouloir concourir à la construction de la route, parce que, par ces modifications, elle cessait aussi de leur être utile. Comme je reconnais à cette route une grande utilité, je ne désespère pas encore de réussir à lever les obstacles qui s’opposent à sa construction.
Messieurs, je suis tellement pénétré de la haute utilité qu’il y a pour l’agriculture, l’industrie et le commerce, ainsi que pour les revenus du trésor, à construire des routes, que je n’aurais pas hésité à vous proposer dès cette année d’augmenter le crédit pour la construction de routes ; mais en présence de la situation qui nous était faite par le budget de 1843, il m’était impossible de vous proposer une majoration de ce chef.
J’ai indiqué dans mes développements plusieurs moyens, que d’honorables membres ont bien voulu trouver convenables, pour arriver à la construction de nouvelles routes.
Messieurs, il est tellement vrai que les dépenses faites pour travaux publics sont utiles au trésor comme à l’agriculture, à l’industrie et au commerce, que les revenus seuls qu’ils apportent aux voies et moyens couvrent toutes les dépenses afférentes au département, et encore en sus l’intérêt des dépenses des constructions faites depuis 1830, actuellement exploitées, et qui grèvent le budget de la dette publique. J’ai fait à cet égard un petit relevé que je crois utile de faire connaître à la chambre.
Le budget des voies et moyens pour l’exercice de 1843 comprend une somme d’environ 29,000,000 de fr. du chef de recettes fournies par les travaux publics. Or, le budget total des dépenses du département des travaux publics, tel que la section centrale en propose l’adoption, n’est que de 11,850,000 fr. Ainsi, messieurs, la balance en faveur des recettes apportées au budget de 1843, par les travaux publics, est de 7,150,000 francs.
Maintenant les dépenses faites à charge du budget de la dette publique depuis 1830 pour routes, canaux et chemins de fer qui seront utilisés d’une manière productive en 1843, sont les suivantes :
Les routes qui seront livrées à la circulation en 1843, et qui ont été construites sur l’emprunt des 6 et 2 millions, auront coûté 7,396,629 fr., mais de cette somme, il y a à défalquer 900 mille fr. qui ont été dépensés pour des routés situées dans les territoires cédés. Il ne reste donc de ce chef qu’une somme de 6,496,629 fr. soit une somme ronde de 6,500,000 fr.
Le budget de la dette publique grevé pour la Sambre canalisée d’une somme de fr. 2,490,000 ;
L’indemnité de rachat au roi Guillaume, si le traité est adopté, et le remboursement de ce qui reste à payer pour la Sambre canalisée, comporte une somme d’environ fr. 10,000,000 ;
Les 102 lieues de chemin de fer qui seront exploitées en 1843 n’auront coûté à peu près en dépenses que fr. 102,000,000.
Le total de ces diverses somme est de fr. 120,990,000.
Or, l’intérêt de cette somme à 6 p.c., ce qui comporte 5 p.c. pour l’intérêt et 1 pour l’amortissement, n’est que de 7,259,400 fr., par conséquent à peu près une somme égale à celle-ci-dessus, 7,150,000 fr., qui reste du produit des travaux publics porté aux voies et moyens de 1843 (19 millions) après avoir prélevé 11,850,000 fr de dépenses qui composent le budget entier actuellement en discussion.
Je pense que ce sont là des résultats remarquables qui prouve que, tout en rapportant directement ou trésor ce qu’ils coûtent. Indépendamment des ressources indirectes et considérables qu’ils procurent, les travaux publics viennent encore accroître fortement la fortune publique par leurs effets favorables sur l’agriculture, l’industrie et le commerce.
M. Eloy de Burdinne. - Je profiterai des dispositions favorable, où je vois M. le ministre des travaux publics pour la construction de quelques routes, et j’appellerai son attention sur le prolongement de la route construite de Namur à Hannut, qui dans le principe devait être continuée jusqu’à St-Trond. A la vérité, sous le ministère de M. Nothomb, on avait décrété la continuation jusqu’à Landen. Mais trois ans après avoir décrété cette construction, on n’avait pas encore mis la main à l’œuvre. Depuis la ville de St.-Trond et beaucoup d’autres communes ont demandé qu’au lieu du projet de M. Nothomb on prolongeât la route en ligne droite d’Hannut à St.-Trond.
Si mes renseignements sont exacts, St.-Trond se serait imposé des sacrifices pour l’exécution de cette route qui intéresse non seulement St-Trond et les communes qu’elle doit traverser, mais encore le chemin de fer à qui elle donnerait de la vie en le mettant en rapport avec toutes ces communes. Et on sait qu’il en a besoin.
Je demanderai aussi à M. le ministre si le gouvernement est favorable à un projet de route, réclamée depuis longtemps, de Huy à Waremme, et s’il se propose d’en doter bientôt ces localités. Pour le moment je bornerai là mes observations et je prierai M. le ministre d’être à mon égard aussi indulgent qu’envers mes honorables collègues et de me donner des explications sur les deux projets que je viens d’indiquer.
M. Peeters. - M. le ministre des travaux publics a dit que lui et ses prédécesseurs avaient pris en considération la position financière de la province d’Anvers, en lui accordant des subsides pour des routes dont les fonds n’étaient pas faits. Mais en cela il n’a accordé à la province d’Anvers qu’en proportion de ce qu’il accordait à d’autres provinces. Il n’est pas moins vrai que la province d’Anvers a dépensé un million pour la canalisation de la Campine, et que si elle avait employé cette somme à la construction de routes ordinaires, elle aurait obtenu un subside de 500,000 francs.
Je ne puis assez le répéter, ce canal construit aux frais de la province a eu le plus heureux résultat pour le trésor, car dans le seul bureau d’enregistrement, par suite de l’augmentation de valeur des propriétés et des mutations, les produits ont doublé en moins de 4 ans ; ils ont augmenté de 50 mille francs par an, ce qui fait l’intérêt à 5 p. c. du million dépensé pour la construction du canal. Je prie M. le ministre de prendre en considération la position exceptionnelle de la province d’Anvers et de lui donner quelque chose de plus, soit en décrétant une route comme celle de Turnhout vers Tilbourg, et de Gheel vers Moll, Meerhout et Baien, soit en mettant une somme de cinq cent mille francs à la disposition de la province d’Anvers, somme qu’elle aurait réclamer si le million de la canalisation de la Petite-Nèthe avait été destiné pour des routes pavées.
Je ne puis pas croire que c’est sérieusement que le génie militaire s’oppose à la construction de routes dans la Campine, car une armée pourrait dans l’état actuel la traverser sans peine avec armes et bagages, sans le moindre retard et en toute saison. La preuve en est que les armées alliées l’ont traversée en hiver avec une artillerie considérable.
Je prie M. le ministre de renouveler ses instances auprès du génie militaire. S’il veut lui faire comprendre l’utilité de cette route, il obtiendra la levée de l’opposition.
M. Jonet. - Je viens appuyer les observations présentées par M. Mercier, à l’effet d’obtenir l’exécution de travaux publics dans l’arrondissement de Nivelles. J’ai vu avec plaisir que M. le ministre avait reconnu l’utilité de la route de Bruxelles à Huy par Waremme ; j’en prends acte et j’espère qu’il ne négligera rien pour en hâter l’exécution. Je croyais l’étude achevée, mais il paraît qu’elle ne l’est pas. Je le prie de la presser, j’ai la conviction que les fonds sont faits, et si on eût poussé l’étude de cette route, elle pourrait être entreprise dans très peu de temps.
Une autre route sur laquelle j’appellerai l’attention de M. le ministre, et qui est d’une très grande utilité, c’est celle de Nivelles à Charleroi.
M. Vanden Eynde. - Je n’aurais pas pris la parole si l’honorable M. Mercier ne s’était pas plaint au nom de l’arrondissement de Nivelles, qu’il représente, du peu de faveur que cet arrondissement a obtenu dans la construction des diverses routes faites depuis un grand nombre d’aunées. Si l’honorable M. Mercier connaissance de ce qui s’est passe dans les différentes sessions du conseil provincial du Brabant, il se serait abstenu de dire que l’arrondissement de Nivelles avait été oublié dans la province du Brabant, car depuis 1815 jusqu’à présent, de toutes les routes construites dans la province, qui sont au nombre de 10 à 12, il n’y en a que trois qui l’aient été en dehors de l’arrondissement de Nivelles. On a fait dans cet arrondissement :
La route de Bruxelles à Namur par Wavre, la route de Wavre à Gembloux, la route de Wavre par Genappe à Nivelles, la route de Nivelles à Hal, la route de Louvain à Wavre et diverses autres, dont il est en ce moment impossible de donner la nomenclature.
Tout cela a été construit dans le seul arrondissement de Nivelles depuis 1815 jusqu’en 1836, tandis que dans l’arrondissement de Louvain on n’en a construit que deux ; celle de Bruxelles à Haecht, celle de Tirlemont à Diest.
Vous voyez combien est peu fondée la plainte de M. Mercier contre la répartition des fonds destinés à la construction des routes.
Je profiterai de cette occasion pour demander à M. le ministre des travaux publics à quoi en est le projet de route de Tirlemont à Arschot. Je m’étonne de l’opposition que rencontre, de la part du génie militaire, la construction de cette route, qui est décrétée depuis plus de trois ans par le conseil provincial du Brabant. Je m’en étonne d’autant plus que si on connaissait bien la topographie de cette partie du royaume, on ne s’opposerait pas plus longtemps à la construction de cette route. Je prie M. le ministre de nous dire à quoi en sont les négociations entre son département et le département de la guerre relativement à cette route.
J’appellerai encore son attention sur une autre route, dont on demande la construction ; celle qui doit relier Turnhout à Arschot, et mettre la Campine en communication directe par les provinces du Midi. Cette route a été sollicitée par plusieurs communes, par Arschot, Hersselt et Westerloo ; elle n’aurait qu’un développement de deux lieues ; elle doit relier la chaussée construite dans la province d’Anvers, de Heyst-op-den-Berg à Westerloo, à celle de Louvain à Diest par Arschot.
Je prie M. le ministre de vouloir bien me dire où en est l’étude de cette route, qui a été recommandée spécialement à l’attention du ministre des travaux publics par la chambre, sur un rapport fait par la commission des pétitions.
M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour prier M. le ministre de me dire s’il était question d’établir une écluse de chasse à Menin ; on en a construit à Commines, elles deviennent inutiles si on ne fait pas celles de Menin. J’ai parlé des inondations de la vallée de la Lys auxquelles il importe de porter remède. Je prie M. le ministre de vouloir bien me faire une réponse.
M. Mercier. - Je regrette que l’honorable préopinant ait pris pour texte de son discours une comparaison que je n’ai pas faite. Je n’ai pas comparé l’arrondissement de Nivelles à l’arrondissement de Louvain, non plus qu’à celui de Bruxelles ; j ai envisagé la chose sous un point de vue général, et je me suis plaint de ce que dans la répartition des fonds alloués pour constructions de routes, l’arrondissement de Nivelles ait été maltraité. Si l’arrondissement de Louvain n’a pas été mieux partagé, cela est fâcheux ; qu’on fasse valoir les droits de cet arrondissement, mais qu’on ne vienne pas prétendre que des sommes considérables ont été accordées par l’Etat pour la construction de routes dans l’arrondissement de Nivelles. Que l’on mette en parallèle ce qui a été alloué aux différentes subdivisions du royaume, et l’on verra que cet arrondissement a reçu des subsides comparativement beaucoup plus faibles que la plupart des autres. Voila ce qui résulterait d’un rapprochement que M. le ministre pourrait faire, que j’ai fait moi-même, il y a quelque temps, mais que je a ai pas en ce moment sous les yeux.
Du reste, j’ai rappelé aussi que le chemin de fer ne touchait l’arrondissement de Nivelles que sur un point extrême, et qu’il lui est préjudiciable. Si j’avais voulu établir une comparaison avec les avantages qu’a recueillis l’arrondissement de Louvain, j’aurais fait observer que celui-ci est traversé par le chemin de fer qui est pour lui un élément de prospérité. Sous ce point de vue encore, la comparaison eût été en faveur de l’arrondissement de Nivelles. Mais je n’avais pas eu l’intention de la faire.
Je tenais à donner ers explications à l’honorable M. Vanden Eynde ainsi qu’à la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Quelques honorables membres ont encore présenté des observations sur la construction de nouvelles routes dans diverses provinces du royaume. Je crois devoir répéter à cet égard ce que j’ai dit, c’est que je tiendrai bonne note des observations qui m’ont été faites.
La route d’Hannut à St.-Trond est l’objet d’une enquête, qui est terminée et soumise au conseil des ponts et chaussées.
L’honorable M. Vanden Eynde a parlé de deux routes, parmi lesquelles est celle qui doit relier la chaussée d’Arschot à Diest à la chaussée de Heyst-op-den-Berg à Westerloo, Je regrette de devoir dire que le conseil des ponts et chaussées a émis un avis contraire à la construction de cette route, telle qu’elle était projetée. Cependant il a indiqué diverses modifications, au moyen desquelles elle présentera le caractère d utilité nécessaire pour qu’on puisse arriver à sa construction.
L’honorable M. Rodenbach a reproduit son interpellation, à laquelle je n’ai pas cru devoir répondre, parce qu’elle a trait à une autre section du budget, que nous allons discuter tout à l’heure. Je crois qu’il est préférable d’attendre que nous soyons arrivés à cette section.
M. Vanden Eynde. - Je prierai M. le ministre de donner le renseignement que je lui ai demandé relativement à la route de Tirlemont à Arschot per Wynghe-St George.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je ne suis pas maintenant en mesure de donner ce renseignement.
M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre a bien voulu me répondre que la route d’Hannut à St.-Trond est l’objet d’une délibération. J’espère que cette délibération ne durera pas un demi-siècle. Je rappellerai que cette route est aussi bien dans l’intérêt du pays tout entier que dans l’intérêt d’une localité. La construction de cette route serait profitable, sous le rapport des marchandises et des voyageurs, au chemin de fer auquel elle aboutit.
M. le ministre a passé sous silence la route de Huy à Wavre. En est-il encore question ? Ou bien n’en est-il plus question ?
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il en est question ; mais il n’y a pas de décision prise.
M. Eloy de Burdinne. - J’engage M. le ministre à hâter cette décision et à raccourcir le plus possible la délibération relative à la route de Hannut à St.-Trond.
M. de Mérode. - Je demanderai si nous pouvons espérer voir bientôt construire une route dont il a été question et qui serait très utile, car elle traverserait une contrée fertile, mais qui manque de communications. Je veux parler de la route de Huy à Wavre.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Cette route est à l’étude. J’ai chargé l’inspecteur-général des ponts et chaussées d’en presser l’étude, parce qu’elle a un caractère d’utilité qu’on ne peut lui contester.
L’art. 1er est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Frais d’entretien, etc., de nouvelles plantations sur les routes de l’Etat : fr. 50,000 »
M. Peeters. - Dans la province d’Anvers, sur mes observations, on a beaucoup amélioré les plantations. J’engage M. le ministre à les faire surveiller également dans les autres provinces, où l’on paraît ne pas encore y porter tous les soins désirables. J’ai vu dans les cahiers des charges de très bonnes conditions relatives aux plantations ; mais malheureusement elles ne sont pas exécutées.
J’engage M. le ministre à s’occuper de cet objet, qui est essentiel. Là où il y a eu de grands déblais, les accotements doivent être bêchés ; car dans beaucoup de localités ce sont des terres compactes où les racines ne peuvent pénétrer.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il est certain que les plantations réclament de grandes améliorations. Nous avons beaucoup de routes qui ne sont pas plantées, et qui sont susceptibles de l’être. Nous avons maintenant 910 lieues de routes appartenant à l’Etat : 380 sont plantées ; 300 sont susceptibles de l’être ; 230 ne sont pas susceptibles de l’être. Il y a là certainement une source assez considérable de revenu pour le trésor public. Aussi je n’ai cessé de porter mon attention sur cet objet. L’ingénieur en chef du Brabant, dont nous avons malheureusement à déplorer la perte récente, a été spécialement chargé de cet objet ; il était fort entendu dans cette matière. Je ne doute pas qu’il ne m’eût amené à présenter un plan général relatif aux plantations, qui eût été très favorable aux intérêts du trésor public. Mais c’est encore là une des questions sur lesquelles j’ai appelé la délibération du conseil des ponts et chaussées pendant la session qui vient de s’ouvrit. Je crois que, sans augmenter la dépense, on pourra faire produire, dans quelques années, aux routes, canaux et chemins de fer une somme de 500,000 à 800,000 fr. Mais il faut pour cela une nouvelle organisation de ce service, et, pour y arriver, il faut que les études soient terminées.
M. Desmet. - La question des plantations latérales aux routes est très importante ; mais elle est aussi très délicate. Cela donne un grand revenu à l’Etat. Mais quand la plantation est mal faite, cela fait beaucoup de mal aux terres riveraines. Cela dépend de l’essence des arbres que l’on plante. Si l’on emploie les peupliers du Canada, il y a avantage pour les produits et aussi pour les accotements, parce qu’ainsi les terres sont desséchées. Mais on sait que cela fait tort aux terres riveraines. J’appellerai sur ce point l’attention de M. le ministre des travaux publics. On ne doit planter sur les routes que de bons plançons. Je crois que celui qui les plante en est responsable pour quelques années. S’il n’en est pas ainsi, cela se recommande d’autant plus à l’attention de M. le ministre des travaux publics ; en effet j’ai remarqué sur les routes de mauvais plançons, qui périssent en général, surtout les plançons d’essence de chêne. Il serait nécessaire que les entrepreneurs des plantations des routes restent plusieurs années responsables de la croissance des arbres plantés.
- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.
Section II - Canaux, rivières, polders
Article 3
« Art. 3. Service des canaux de Gand au Sas-de-Gand, de Maestricht à Bois-le-Duc, de Pommerœul à Antoing et de la Sambre : fr. 395,812 50 »
M. de La Coste. - Messieurs, je commencerai par faire une petite observation d’ordre. Je trouve dans les développements du budget l’intitulé suivant : « Service du Rupel, de la Dyle et du Demer, » et sous cet intitulé je trouve : « Première moitie de la part de l’Etat dans les travaux d’amélioration de la navigation de Bruges vers Dunkerque et de l’écoulement des eaux. » Ceci n’a pas la moindre analogie avec l’intitulé. C’est, comme je l’ai dit, une petite observation d’ordre ; mais cependant je pense que nous ferions un usage plus facile des développements si l’on évitait ces négligences.
Maintenant je passe à l’observation plus importante que je voulais adresser à M. le ministre des travaux publics.
Pour le service du Ruppel, de la Dyle et du Demer, sous l’article « travaux aux voies navigables du second ordre, » on a porté tous les ans cent mille francs. Maintenant ce crédit est réduit à 45,000 francs. Cette réduction a fait naître dans deux sections, entre autres dans la quatrième, des observations et l’on s’est demandé si réellement avec la somme de 45,000 fr. on pouvait pourvoir aux dépenses nécessaires. On a appelé en même temps l’attention du gouvernement sur les améliorations dont la Dyle et le Demer sont susceptibles, et je trouve dans le rapport de la section centrale que les explications données par le gouvernement à la page 33 des nouveaux développements prouvent qu’il est pénétré de l’importance de ces voies navigables. J’ai cherché à la page 33, et j’y ai lu que « la Dendre, le Rupel, la Dyle, le Demer et les Nèthes réclament d’importantes améliorations qu’on ne saurait ajourner indéfiniment sans inconvénient » Je vois effectivement par là que le ministre attache de l’importance à ces communications et porte de l’intérêt aux améliorations qui devraient s’y faire. Mais il me semble que c’est un intérêt qui jusqu’à présent ne se manifeste par aucun signe extérieur ; c’est un intérêt purement spéculatif, et les riverains du Demer et de la Dyle désireraient pouvoir enfin jouir des effets de cet intérêt.
Le Demer est, d’une part, une communication qui, si elle était améliorée, offrirait des résultats importants pour le transport des engrais, pour le transport des matières pondéreuses et, entre autres, du combustible qui arrive par le canal de Charleroy, et, d’autre part, en descendant la rivière, pour le transport des produits du sol.
D’un autre côté, il résulte du travail de M. Vifquain et des connaissances que j’ai également, que le Demer produit de très grands inconvénients par les inondations. Le canal de la Campine a pour but de fertiliser des terres arides ; mais là on pourrait fertiliser des terres qui ont une surabondance d’eau.
C’est donc un point sur lequel j’appelle l’attention du gouvernement.
Pour améliorer la navigation du Demer, et en même temps débarrasser les propriétés des eaux qui y affluent, il y a deux projets : l’un est un canal qui se dirigerait vers Diest, et l’autre est l’amélioration successive du cours du Demer. Ce projet de canal a été sanctionné par le gouvernement avant 1830. Il est vrai qu’il a été mis en adjudication par voie de concession ; mais ce projet n’a pas eu de suite. Il a donné lieu à des objections de la part des différentes localités, Je ne sais pas si ces objections ont tout le poids qu’on y attache ; je désirerais que le gouvernement fixât définitivement son opinion à cet égard et qu’il se décidât enfin à faite quelque chose. Si le canal doit être abandonné, je voudrais qu’il se décidât à améliorer successivement le cours du Demer, en portant les allocations nécessaires au budget et en les employant ; car, jusqu’à présent, on n’a absolument rien fait, et cependant je crois que l’urgence en est très grande.
Il s’agit ici d’une destination absolument semblable, quoiqu’un peu différente dans son application, à celle du canal de la Campine ; c’est de procurer une voie navigable et de fertiliser la terre, non pas en amenant les eaux, mais en enlevant les eaux qui s’accumulent vers Diest, qui y affluent par une foule de rivières et ruisseaux.
Je prierai donc M. le ministre des travaux publics de bien vouloir me dire s’il a le dessein d’améliorer enfin la situation véritablement pénible où se trouvent les rives du Demer.
M. Cools. - Messieurs, je viens attirer l’attention de M. le ministre des travaux publics sur le canal de Stekene. Ce canal sert au transport des bois, des céréales du pays de Waes sur le marché de Gand. Il va acquérir une importance nouvelle par les chaussées qui se construisent dans ses environs. Ces chaussées doivent mettre quatre ou cinq localités importantes en communication avec le canal de Stekene. Il importe donc que la navigation par ce canal puisse se faire d’une manière régulière, en toute saison, afin que les récoltes de ces communes puissent être dirigées vers Gand, ou déversées sur le marché de St.-Nicolas, selon que les prix offrent de l’avantage de part ou d’autre.
Cependant depuis nombre d’années on n’a pas fait de réparations à ce canal. Depuis longtemps les communes y réclament des améliorations. Une pétition adressée à la chambre, au milieu de l’été dernier, a été, sur le rapport de la commission des pétitions, renvoyée à M. le ministre des travaux publics.
Je désirerais savoir si ces travaux, dont l’urgence n’est plus contestée, je pense, par l’administration des ponts et chaussées seront exécutés dans un bref délai. Des atterrissements considérables se sont formés dans le canal, et pendant deux ou trois mois de l’année la navigation est impossible.
M. Malou. - Dans l’une des discussions qui ont terminé la dernière session, M. le ministre de l’intérieur nous disait « Le Hainaut exploite un canal qui appartient à l’Etat, le canal de Mons à Condé ; ce canal est la propriété de l’Etat. L’administration en a été donnée à la province du Hainaut en 1819, époque où le roi Guillaume a également attribué aux provinces l’administration des rivières navigables. Nous avons repris les rivières ; je vous propose aussi de reprendre le canal de Mons à Condé, c’est un revenu de 150,000 fr. ; peut-être le gouvernement fera-t-il un jour cette proposition. »
C’est par suite de cette espèce de révélation pour moi, que dans la section à laquelle j’avais l’honneur d’appartenir, j’ai demandé s’il n’y avait pas lieu pour le gouvernement de reprendre le canal de Mons à Condé, et à quelles conditions il serait repris. La section centrale a trouvé cette question très difficile ; elle a craint de porter un jugement qui ne serait pas suffisamment mûri et a cru devoir se borner à en recommander l’examen au gouvernement.
Je pense que la demande de renseignements faite au gouvernement n’obligeait pas la section centrale à se prononcer sur cette question ; la demande qui avait été faite par ma section n’avait d’autre but que de la soulever ; c’est certainement au gouvernement à la résoudre.
D’un autre côté, dans les nouveaux développements du budget des travaux publics, je remarque que le canal de Mons à Condé est le seul qui fasse exception au système adopté par le gouvernement quant aux autres voies navigables du pays. A la page 37 de ces développements, ou dit qu’après la reprise des canaux de Gand à Bruges et de Bruges à Ostende, qui est proposée par l’art. 14 de ce chapitre de la loi du budget, les provinces ne conserveront plus, si on en excepte le canal de Mons à Condé, que quelques voies navigables d’un ordre tout à fait secondaire.
En consultant les exposés relatifs à la situation de la province du Hainaut, je me suis convaincu qu’il avait déjà été question de la reprise de ce canal. La députation permanente est entrée en correspondance avec le gouvernement à ce sujet. Les objections qu’elle a faites dans l’exposé de 1841, se réduisent à ceci : que la province perdrait un revenu de 150,000 fr. Cette objection, je la conçois de la part de la province, mais je ne concevrais guère que le gouvernement s’y arrêtât.
Je prie donc M. le ministre de nous faire connaître quels sont les motifs pour lesquels aucune proposition n’a été faite, pour lesquels l’affaire a été abandonnée.
La province du Hainaut pourrait avoir contribué, il est vrai, à la construction du canal de Mons à Condé. D’après les renseignements que j’ai trouvés dans le rapport de M. Vifquain sur les voies navigables de la Belgique, elle y aurait contribué au moyen d’une certaine partie des centimes additionnels votés en 1814 et qui, par suite des événements politiques, n’avaient pas pu être appliqués entièrement à leur destination.
Quoi qu’il en soit, si la province avait contribué pour une somme plus importante, je ne m’opposerais pas à ce qu’on examinât les conditions de la reprise, et si la province est dans un cas exceptionnel, ce que je demande, c’est que cette exception soit justifiée aux yeux de la chambre et du pays ; c’est qu’elle ne soit pas maintenue sans motifs valables.
M. Liedts. - Messieurs, le canal de Mons à Condé est en effet, comme vous l’a dit l’honorable préopinant, un canal que le gouvernement n’a pas repris au compte de l’Etat, et je crois qu’il a bien fait ; je lui abandonne du reste avec confiance l’examen de cette question.
Messieurs, lorsqu’en 1831, M. le ministre des travaux publics d’alors présenta un projet de loi pour la reprise de quelques rivières, il n’était pas dirigé par un but d’intérêt, par un but de recette pour le trésor, comme semble le croire l’honorable membre ; il ne s’agissait pas de compenser la dépense qu’entraînerait un canal par la recette que produirait un autre. ; telle n’était pas l’intention du ministre. Si l’on veut consulter le rapport qu’il a fait à la chambre à cette époque, on verra que le seul but était d’imprimer de l’uniformité à l’administration des rivières qui sont soumises à des provinces différentes. Il était impossible, dans l’intérêt de la navigation, de laisser subsister l’ancien état de choses. Telle province consentait à faire une réparation qui devenait inutile parce qu’une province adjacente s’y refusait.
C’était donc une idée d’administration qui dirigeait le ministre : c’était, comme je viens de le dire, pour imprimer une direction uniforme à l’administration des rivières et des canaux qui traversaient différentes provinces. Mais le canal de Mons à Condé n’est pas dans cette catégorie. Ainsi, de ce chef, le canal ne tombe pas sous l’application du principe posé en 1837. Vouloir aujourd’hui, parce que les provinces ont réussi à faire reprendre par l’Etat quelques canaux qui leur étaient à charge, obliger le Hainaut à céder le canal de Mons à Condé, ce serait à mon avis une iniquité. Ce serait dire, en d’autres termes : Nous avons là quelques canaux qui nous occasionnent de grandes charges ; eh bien, nous allons prendre au Hainaut un canal qui donne des revenus, et au moyen de ces revenus nous couvrirons la dépense des autres canaux. Je dis que cette conduite ne serait pas loyale, et j’espère qu’elle ne sera pas tenue par la chambre.
La province du Hainaut n’a déjà eu que trop à se plaindre de la reprise des travaux d’utilité publique. En 1815, il n’existait dans le Hainaut qu’une seule route appartenant à l’Etat, c’est celle de Maubeuge à Bruxelles ; toutes les autres, construites sur les fonds de la province et des communes, étaient provinciales et administrées comme telles. Eh bien, qu’est-il arrivé ? en 1816, le roi Guillaume déclara la plupart des routes appartenant aux provinces reprises pour compte de l’Etat, et il ne laissa au Hainaut que celles de ses routes qui étaient le moins productives et dont les charges étaient accablantes. Cette conduite, messieurs, était évidemment contraire a la loi fondamentale d’alors, car voici ce que porté l’art. 225 de cette loi :
« Le produit des barrières sera appliqué à l’amélioration et l’entretien des routes ; l’excédant, s’il y en a, servira à la construction de routes nouvelles, dans la même province, etc. »
Depuis 1816, les états députés réclamèrent sans cesse l’exécution de cette disposition, et ce ne fut qu’en 1830 que justice leur fut rendue.
En 1830 ,en effet, on rétablit la province du Hainaut dans la jouissance de ses routes, mais elle ne conserva cette jouissance que pendant deux ans, après lesquels ces routes furent de nouveau reprises pour compte de l’Etat. Savez-vous, messieurs, ce qui en est résulté ? C’est que le revenu des routes dont il s’agit, et qui s’élevait à près de 600 mille francs par an, vient concourir aux frais de la construction de routes dans les autres provinces. C’est cet abus criant, messieurs, contre lequel le Hainaut n’a cessé de réclamer sous l’ancien gouvernement, qui revit aujourd’hui dans toute sa force, et l’on veut encore lui enlever un canal qui a été construit en grande partie à ses frais et qui, par ses revenus, offre quelque compensation avec les dépenses qu’elle a dû faire pour les mauvaises routes qu’on lui a laissées. Ce serait couvrir le déficit que présentent les routes des autres provinces, en enlevant au Hainaut la seule branche de ressources de cette espèce qui lui reste. Mais, messieurs, si vous admettiez ce système, vous pourriez l’étendre beaucoup plus loin ; vous pourriez l’appliquer aux communes ; rien ne s’opposerait, par exemple, à ce que vous enleviez à la capitale le canal de Bruxelles au Ruppel. Ce serait là un moyen très facile de couvrir les charges que vous imposent certaines routes. J’espère, messieurs, qu’il n’en sera pas ainsi, et qu’un examen attentif de la question convaincra le gouvernement de l’injustice qu’il y aurait à priver la province du Hainaut du canal dont il s’agit.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer le discours que vient de prononcer l’honorable M. de la Coste en faveur du Demer.
M. le ministre, dans les nouveaux développements du budget des travaux publics, dit qu’on ne peut ajourner indéfiniment sans inconvénient les améliorations réclamées pour le Demer et autres rivières du second ordre.
Je vous avoue, messieurs, que cette déclaration me semble étrange dans la bouche de M. le ministre. En 1842, son département avait 100,000 francs à sa disposition pour travaux et frais d’études aux voies navigables de cette catégorie, et il n’a su en employer que 15,589 fr. 59. Quand on a à sa disposition 100,000 fr., et qu’on n’en dépense que 15,000 environ, cela ne prouve pas qu’on soit très convaincu, très pénétré des inconvénients qui résultent de l’ajournement de ces travaux.
Maintenant, si je ne me trompe, on donne pour motif de l’inaction que les études ne sont pas assez avancées.
J’ai signalé au gouvernement, à plusieurs reprises, les pertes immenses que l’état du Demer occasionne à ses riverains ; et les études ne pas assez avancées ! cela me prouve encore qu’on est très peu pénétré de l’importance de ces travaux.
Mais.je crains que le motif, que les études ne seraient pas assez avancées, n’est qu’un prétexte pour ajourner encore les travaux. En effet, j’ai quelque motif de croire que ces études sont toutes faites ; j’ai remarqué au mémoire sur les voies navigables qu’on nous a distribué, il y a peu de temps, que le corps de ponts et chaussées indique quels sont les travaux à exécuter au Demer.
Ces études sont donc suffisantes ; et je demanderai à M. le ministre s’il compte enfin faire quelque chose pour améliorer le Demer.
M. le ministre a de l’argent a sa disposition ; il ne s’agit que de l’employer, et j’espère qu’il fera pour l’année prochaine un emploi plus complet des fonds que la chambre met à sa disposition pour cet objet.
M. Delehaye. - Messieurs, d’après l’honorable rapporteur de la section centrale, le gouvernement n’aurait fait la reprise de certains canaux et rivières que pour décharger les provinces de l’administration de ces voies de communication, Je ne pense pas, messieurs, qu’il existe une province, qui ait fait plus de sacrifices pour ses canaux et rivières que la Flandre orientale, et cette province trouvait dans ses canaux et rivières ses principaux revenus, je dirais presque ses seuls revenus ; ce n’est certainement pas pour la délivrer du soin d’entretenir ses canaux et rivières que le gouvernement les a repris ; il s’en est emparé malgré nous, malgré les réclamations que nous avons faites à cet égard, maigre les sacrifices considérables auxquels nous nous étions soumis, les emprunts que nous avions contractés, et par là il a singulièrement amélioré ses ressources.
Je voudrais donc, comme l’honorable M. Malou, que le gouvernement n’eût qu’un seul poids et une seule mesure, et qu’après avoir, dans l’intérêt du trésor, repris l’administration de certains canaux et rivières, il en fit de même pour le canal de Mons à Condé. Il serait déplorable qu’il y eût dans notre pays des provinces privilégiées, qui jouiraient de tous les avantages, tandis que les autres supporteraient les charges.
M. le rapporteur n’a fait valoir aucun argument fondé en faveur de la conservation à la province du Hainaut, du canal de Mons à Condé ; il y aurait injustice criante à laisser à la province du Hainaut l’administration d’un canal qui rapporte 100,000 fr. par an, alors qu’on a enlevé à la Flandre orientale toutes les voies navigables, qui formaient à peu près sa seule ressource.
J’aurai encore d’autres observations à présenter messieurs, mais je voudrais qu’auparavant M. le ministre des travaux publics nous donnât des explications sur la reprise du canal de Mons à Condé. S’il n’existe pas d’autres motifs que ceux qui ont été donnés par l’honorable M. Liedts, contre cette reprise, je crois qu’elle doit avoir lieu le plus tôt possible.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, l’honorable rapporteur dit qu’il y aurait injustice à reprendre l’administration du canal de Mons à Condé et à procurer ainsi à l’Etat une augmentation de ressources de 100,000 fr. par an. Il faut remarquer que ce canal a été fait, non pas aux frais de la province du Hainaut seulement, mais aux frais de cette province et de celles qui l’avoisinent. Vous savez, messieurs, que lorsque Napoléon décrétait des travaux de ce genre, il obligeait les départements voisins à contribuer, au moyen de centimes additionnels, aux frais que ces travaux devaient entraîner. C’est ainsi que des centimes additionnels ont été perçus pendant plusieurs années dans les départements de la Dyle, de Sambre-et-Meuse et de l’Ourthe, pour couvrir les frais de construction du canal de Mons à Condé. Si donc on donnait une indemnité du chef de la reprise de ce canal, il faudrait nécessairement accorder un tantième proportionnel de cette indemnité aux provinces voisines du Hainaut qui ont contribué aux frais de construction.
M. Liedts, rapporteur. - Le moment n’est pas venu, messieurs, d’examiner à fond cette question, puisqu’elle est soumise au gouvernement ; je répondrai cependant deux mots à l’honorable M. Delehaye. Cet honorable membre se trompe du tout au tout lorsqu’il pense que le gouvernement n’a enlevé à la Flandre orientale l’administration de certains canaux et rivières que pour améliorer les revenus du trésor. Encore une fois, le rapport fait par l’honorable M. Nothomb, en 1837, prouve qu’il a posé la question à la Flandre orientale, en ces termes : « Voici les travaux que je trouve indispensables pour que vos canaux et rivières soient complètement navigables ; voulez-vous prendre ces travaux à votre charge ? » Or, comme la province ne voulait pas exécuter les travaux dont il s’agissait, il fallait bien que l’Etat reprît ces voies de communication. Pour vous donner la preuve la plus évidente que le gouvernement n’a repris les canaux et les rivières de la Flandre que pour amener l’exécution les améliorations qu’il était nécessaire d’y faire et pour en assurer la bonne administration, pour vous donner cette preuve, il vous suffira, messieurs, de lire l’exposé des motifs de son projet de loi de décembre 1837.
Vous y verrez que le ministre n’a voulu qu’éviter les inconvénients qui résultent de ce que certaines voies navigables sont soumises à l’administration de différentes provinces. Or, ces motifs ne s’appliquent en aucune façon au canal de Mons à Condé, qui est tout entier sous l’administration de la province du Hainaut.
Quant à la dépense de la construction de ce canal, elle a été supportée presqu’entièrement par la province du Hainaut, qui a été imposée, de ce chef, pendant plusieurs années, de 4 c. additionnels, alors que d’autres départements ne supportaient pas cette charge. M. Vifquain, qui ne se doutait certainement pas que cette discussion dût être soulevée, vient de terminer un travail dans lequel il dit lui-même qu’en 1814 tous les frais d’achèvement, qui s’élevaient à plusieurs centaines de mille francs, ont été payés par le Hainaut, au moyen de centimes additionnels fournis par ce département seul.
Ainsi, messieurs, d’un côté, construction du canal aux frais de la province, d’un autre côté bonne administration, absence de toute espèce de difficulté, de toute espèce de plainte en ce qui concerne cette administration : ce ne serait donc que pour augmenter les revenus de l’Etat que l’on viendrait enlever au Hainaut cette espèce de propriété. J’espère qu’un acte semblable ne sera pas consommé par la législature, et le Hainaut peut se reposer avec confiance sur l’impartialité du gouvernement.
M. Malou. - Je commence par dire, messieurs, que mon but, en soulevant cette question, n’a nullement été de nuire à la prospérité du Hainaut ; je m’intéresse à la prospérité de cette province autant que qui que ce soit ; mais il est des intérêts qui me sont plus chers encore, ce sont les intérêts généraux du pays. Or, je crois que l’intérêt général du pays exige la reprise du canal dont il s’agit, mais je ne me suis pas prononcé sur la question de savoir si la reprise doit être immédiate et si elle doit avoir lieu sans aucune condition.
Il y a ici deux points à examiner, messieurs ; il y a la question de droit strict et la question d’équité. En droit strict, il est évident que le canal est demeuré la propriété de l’Etat, puisque l’on n’en a donné l’administration à la province qu’en stipulant que l’Etat le reprendrait quand il le jugerait convenable. Il n’y a donc aucune comparaison à établir entre la reprise du canal de Mons à Condé et la reprise du canal de Bruxelles au Ruppel, puisque ce dernier canal est la propriété incontestable de la ville de Bruxelles, tandis que l’autre n’a été remis à la province du Hainaut qu’à la condition expresse que le gouvernement le reprendrait lorsqu’il le voudrait. Voilà, messieurs, pour la question de droit.
Quant à la question d’équité, c’est un point sur lequel je n’ai pas de renseignements suffisants. Il est possible qu’il y ait lieu d’admettre quelques conditions en faveur du Hainaut, s’il a contribué pour une forte part dans les frais de construction. Du reste, messieurs, cette question n’est pas d’une très haute portée lorsque l’on examine quels sont les produits du canal. D’après la situation de la province, ces produits se sont élevés pendant 6 années, de 1836 à 1841, à la somme de 875,000 fr. La recette a suivi une certaine progression ; en 1841 elle était de 174,000 fr. La dépense, d’un autre côté, s’est élevée à 28 ou 30,000 fr., si je ne me trompe.
Ainsi l’on pourrait peut-être établir que la province du Hainaut a été remboursée sur les produits du canal et beaucoup au-delà des dépenses qu’elle a faites pour la construction.
Le but de la reprise d’autres voies navigables, dit l’honorable membre, n’a pas été de procurer une recette au trésor, mais a été principalement d’améliorer les voies de navigation, parce que le gouvernement dispose de moyens plus puissants et qu’il peut donner à des mesures d’amélioration plus d’unité et d’ensemble.
Mais de ce que tel a pu être le but de la reprise de l’administration de l’Escaut, de la Lys et d’autres voies navigables, ii n’en résulte aucunement que nous puissions être indifférents aux considérations de recette. Très souvent nous parlons de déficits, nous songeons aux moyens de les combler ; nous remanions, pour y parvenir, toute une partie de notre législation en matière d’impôts, et ici, en respectant tous les droits, il s’agit d’user d’une faculté que le gouvernement s’est formellement réservée. Quels qu’aient pu être, dans d’autres circonstances, les motifs de la reprise, nous ne pouvons pas ici nous montrer indifférents aux considérations de revenu pour le trésor public.
L’honorable préopinant a fait encore observer que le gouvernement précédent avait exproprié le Hainaut de ses routes ; mais si cette province a à se plaindre de la conduite du gouvernement précédent et même de celle du gouvernement actuel, il n’y a pas là matière à compensation, il n’y a que matière à réclamation du chef de routes ; il n’a pas là un motif pour garder encore l’administration du canal de Mons à Condé.
Je prie donc de nouveau M. le ministre de vouloir bien faire connaître les raisons pour lesquelles il n’a pas été donné suite à la correspondance commencée à la fin de 1840 ou au commencement de 1841, et par laquelle le gouvernement a annoncé à la députation permanente qu’il serait vraisemblablement amené à reprendre sous sa direction le plus grand nombre de voies navigables qui avaient été remises aux provinces par l’arrêté royal de 1819.
M. Delehaye. - Messieurs, l’honorable M. Liedts a commis une erreur, quand il a supposé que l’administration de la Lys et de l’Escaut avait été reprise par le gouvernement, à la suite d’une discussion qui aurait eu lieu entre le gouvernement et la province. Jamais le conseil provincial de la Flandre orientale n’a été appelé à se prononcer sur cette question ; mais je me rappelle très bien au contraire (car je faisais à cette époque partie du conseil provincial) que cette assemblée a demandé un jour qu’on lui rendît l’administration de l’Escaut et de la Lys, précisément pour pouvoir améliorer sa position financière.
En effet, le gouvernement avait un jour demandé qu’on fît dans la Flandre orientale certains travaux à l’Escaut, non pas dans l’intérêt de cette province, mais dans celui du Hainaut.
Il y a 5 ou 6 ans, lorsque le Hainaut eut à souffrir des inondations, on crut qu’en faisant exécuter à ce fleuve de grands travaux, on pourrait débarrasser le Hainaut de ses inondations fréquentes. C’était sous l’administration de M. de Theux. Le gouvernement avait demandé à la province de la Flandre orientale qu’elle se chargeât de ces travaux. La province, non par l’organe de son conseil provincial, mais par celui de la députation permanente, avait fait voir l’injustice d’exiger de cette province le paiement de ces travaux. Les considérations sur lesquelles elle appuya sa réclamation, étaient tellement fondées que le gouvernement lui-même ne revint plus à la charge. Ainsi le gouvernement a lui-même reconnu que les travaux ne devaient pas être faits aux frais de la province.
Quand la reprise par l’Etat de l’administration des rivières de la Flandre orientale a eu lieu, elle n’a été opérée, de l’aveu même du gouvernement, qu’en vue de l’intérêt du trésor.
Je me rappelle que lorsque, l’année dernière, la question en a été soulevée par l’honorable ministre de l’intérieur, M. Nothomb, il a fait entendre que la reprise de l’administration de toutes les voies navigables n’avait pas été faite, parce qu’on s’attendait à une opposition trop forte ; mais le ministre lui-même a reconnu alors que la justice, l’équité et l’égalité devant la loi exigeaient que la province de Hainaut fût, comme toutes les autres provinces, dessaisie de l’administration de ce canal de Mons à Condé. Pour ma part, je persiste à demander qu’on fasse rentrer les revenus de ce canal dans les caisses du trésor public.
M. Desmet. - Messieurs, en m’associant à l’opinion exprimée par les honorables préopinants, mon intention n’est pas de porter préjudice aux intérêts de cette province. Je désire, au contraire, que le Hainaut obtienne toutes les voies de communication dont il a besoin, et, s’il y a lieu, plus de canaux encore qu’il n’en a maintenant. Mais je ne vois aucun motif pour que le canal de Mons à Condé soit excepté de la règle générale qu’on a adoptée. Ce canal a été construit par le gouvernement français, dans l’intérêt de la généralité. En outre il est mixte, il est construit en partie sur le territoire français et en partie sur le territoire belge. Il est prudent dès lors qu’il soit sous la direction immédiate du gouvernement.
L’honorable M. Liedts a voulu insinuer qu’on faisait un nouveau tort à la province de Hainaut en lui ôtant les revenus de ce canal après le tort qu’on lui avait fait, lorsqu’on lui a enlevé les routes qu’elle avait fait construire. Mais, messieurs, toutes les routes dans la Flandre ont été faites par la province, Ces routes lui ont été enlevées sous le gouvernement français. Ainsi, sous ce rapport, la province de Hainaut n’a pas été plus maltraitée que d’autres provinces.
M. Cools. - Messieurs, je conçois tout l’intérêt que l’honorable rapporteur de la section centrale porte au canal de Mons à Condé, et le désir qu’il témoigne de voir la province de Hainaut rester en possession de ce canal ; j’apprécie encore les difficultés que rencontrera le gouvernement, dans la solution des questions qui ont été soulevées. Mais je pense que pour ce motif même c’est un devoir pour nous de ne pas nous taire en cette circonstance ; c’est dans ces sortes de questions que la chambre doit prêter son appui au gouvernement.
Je ne nie pas que le Hainaut ait un grand intérêt à conserver le canal de Mons à Condé. Mais là n’est pas toute la question ; il s’agit plutôt de savoir si, par exception, elle doit rester en possession d’un avantage dont on a dépouillé d’autres provinces. Il y a quelques années, le gouvernement a adopté un principe en cette matière ; il a reconnu que, dans l’intérêt d’une bonne administration des canaux et des rivières, il importait que cette administration fût rendue au gouvernement ; vous savez qu’elle lui avait été enlevée en 1819 par un arrêté du roi Guillaume ; le gouvernement a donc repris une partie de ces canaux et rivières ; mais il s’est arrêté en chemin ; il a enlevé des rivières à la Flandre orientale, mais il n’a pas encore appliqué son système à la province de Hainaut ; or, comme on l’a déjà dit, je ne pense pas qu’il puisse y avoir ici deux poids et deux mesures.
On a objecté que si le gouvernement suivait les conseils qu’on lui donnait en cette circonstance, il devrait aller beaucoup plus loin, il devrait reprendre le canal de Bruxelles à Boom ; mais on a déjà répondu à cette objection, en disant que la position est tout à fait différente, en ce qui concerne le canal de Bruxelles. Ce canal été construit par la ville de Bruxelles, et les autres canaux ont été réellement faits dans l’intérêt général et avec l’argent du pays. La province du Hainaut, pas plus que les autres provinces, n’a aucun droit positif à faire valoir, et si la province du Hainaut est maintenant en possession d’un avantage qu’on a retiré à d’autres provinces, les intérêts du pays seraient réellement lésés. L’Etat a repris quelques canaux, mais dans le fait, les voies navigables qui rapportent le plus sont restées entre les mains des administrations provinciales.
Eh bien, si le gouvernement ne généralise pas le système adopté, s’il ne montre pas d’énergie à l’égard du Hainaut, la Flandre orientale aura droit de se plaindre. Elle était en possession de quelques voies navigables qui lui rapportaient un revenu considérable, et on les lui a retirées, avec les voies navigables d’un moindre rapport. Qu’on suive le même système à l’égard du Hainaut, mais si l’on montre de la faiblesse et de la condescendance pour cette province, nous aurons à examiner ultérieurement s’il ne faut pas revenir à l’ancien système, ou s’il n’y a pas lieu aussi d’indemniser les provinces auxquelles on a enlevé des rivières productives. (A demain, à demain.)
- La séance est levée à 4 heures et demie.